NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.

GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.2027

14 janvier 2003

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME

Soixante-quinzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2027 e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le mercredi 17 juillet 2002, à 15 heures

Président : M. KRETZMER

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE ( suite )

Troisième rapport périodique du Yémen

_______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document , à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 15 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 5 de l’ordre du jour) ( suite )

Troisième rapport périodique du Yémen (CCPR/C/YEM/2001/3 ; CCPR/C/75/L/YEM)

1. Sur l’invitation du Président, M. Ali Naser Mahdi, M. Abdulkader Qahtan, M. Azal Abdullah Mohamed, M. Suleiman Tabrizi et M. Zaid Hajar (Yémen) prennent place à la table du Comité.

2. Le PRÉSIDENT souhaite la bienvenue à la délégation yéménite et l’invite à présenter le troisième rapport périodique du Yémen (CCPR/C/YEM/2001/3).

3. M. QAHTAN (Yémen) dit que depuis la réunification du Yémen, en 1990, son pays a fait d’immenses efforts pour instaurer et consolider un régime démocratique fondé sur le pluralisme politique, la passation pacifique du pouvoir et le respect des droits de l’homme. Des élections parlementaires se sont tenues en 1993 et en 1997 ; les prochaines sont prévues pour 2003. Les premières élections présidentielles ont eu lieu en 1999 et les élections municipales en 2001. La participation y a été importante et les observateurs locaux et internationaux ont témoigné de la régularité du processus électoral. En ce qui concerne la mise en place d’une société civile et d’associations et institutions actives en matière de droits de l’homme, le Yémen a considérablement progressé et compte actuellement 2800 organisations non gouvernementales dispersées un peu partout dans le pays.

4. Une grande attention est portée aux femmes et à leur participation à la vie publique et à la prise de décisions. Il y des femmes à la Chambre des représentants, au Conseil de la Choura (la chambre haute du Parlement), à la tête de ministères, à des postes d’ambassadeur, etc. Ainsi, elles participent au progrès social, économique et politique du pays. Le Yémen est aussi très attaché au respect des droits de l’homme et coopère étroitement avec la communauté internationale ; il s’est montré pionnier dans la région pour ce qui est de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont le Pacte.

5. Le Yémen a créé une commission nationale suprême des droits de l’homme [par. 34 du rapport] « Comité national supérieur des droits de l’homme », réaménagée en 2001 par un décret présidentiel. Elle est présidée par le Premier Ministre ; y siègent aussi le chef de cabinet du Président de la République et plusieurs ministres et autres personnalités qui s’occupent plus directement de la défense des droits de l’homme. Le secrétariat en a été confié à Mme Wahiba Fare, Ministre d’État chargée des droits de l’homme. Le Comité est compétent pour l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et pour toute violation des libertés fondamentales. Ainsi, il mène des campagnes de sensibilisation aux droits de l’homme dans le système judiciaire, dans les prisons et ailleurs et publie des brochures et des manuels relatifs aux instruments ratifiés par le Yémen, ainsi qu’un bulletin mensuel. Il a aussi un rôle de médiation.

6. Le Comité ne ménage aucun effort pour entretenir des relations de travail fructueuses avec les Nations Unies, en particulier le Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Un mémorandum d’accord a été établi avec le Haut-Commissariat, qui a ouvert un bureau à Sana. Plusieurs ateliers et séminaires ont déjà été organisés à l’intention de personnes directement ou indirectement concernées par les droits de l’homme.

7. On trouvera dans le troisième rapport périodique du Yémen des informations sur les mesures législatives, juridiques et administratives prises pour garantir la bonne mise en œuvre du Pacte et sur les difficultés rencontrées. Ces obstacles sont d’ordre économique – le Yémen appartient à la catégorie des pays les moins avancés –, culturel et social. Il arrive que des organisations lancent contre le Yémen des accusations motivées par des intérêts politiques. Par souci de vérité et d’objectivité le Yémen ne manque toutefois jamais de donner suite aux allégations et d’enquêter. Enfin, des problèmes peuvent se poser sur le plan de l’interprétation des lois yéménites, qui sont mal traduites ou mal comprises, ce qui donne lieu à des malentendus au sujet des progrès réalisés par la société yéménite. De fait, le Yémen attache la plus grande importance à la problématique des droits de l’homme, dans ses aspects législatifs, juridiques, administratifs, sociaux, économiques et culturels, qui forment un tout indissociable. C’est dans cet esprit que le Yémen coopère avec le Comité des droits de l’homme et tous les organes, officiels ou non, actifs en matière de droits de l’homme, pour autant que la défense des droits de l’homme soit vraiment l’objectif visé.

8. Le PRÉSIDENT remercie M. Qahtan de son introduction et invite la délégation yéménite à répondre aux treize premières questions de la liste des points à traiter (CCPR/C/75/L/YEM), qui se lisent comme suit :

« Cadre constitutionnel et juridique de l’application du Pacte (art. 2)

1. Quel est la place du Pacte dans le système juridique yéménite ? Les droits qui y sont énoncés peuvent ‑ils être invoqués directement devant les tribunaux ? Dans l’affirmative, y a ‑t ‑il des exemples concrets récents ?

2. Quel est le statut de la Commission nationale suprême des droits de l’homme ? Quelle est l’étendue de son mandat et quelles sont ses activités ? Existe ‑t ‑il un organe indépendant chargé de veiller au respect des droits de l’homme ?

Égalité des sexes, principe de non ‑discrimination et protection des minorités (art. 3, 26 et 27)

3. Fournir des informations sur les mesures que l’État partie a prises ou envisage de prendre en vue d’assurer l’égalité des sexes, spécialement en matière de consentement au mariage, de droits et devoirs des époux, de divorce et de succession (par. 139, 140, 141 et 143 du rapport).

4. Comment l’État partie assure ‑t ‑il la compatibilité entre l’âge précoce du mariage des filles (15 ans) et la scolarité obligatoire ? Fournir des renseignements statistiques comparés sur l’éducation scolaire des filles et des garçons.

5. L’État partie envisage ‑t ‑il de prendre des mesures en vue d’assurer une meilleure participation des femmes à la vie politique et dans les secteurs publics et privés ? Fournir des statistiques détaillées sur l’emploi des femmes et spécialement sur la proportion et la répartition des postes de responsabilité qu’elles occupent. Les femmes peuvent ‑elles accéder aux fonctions de juge ? Existe ‑t ‑il des secteurs d’activité interdits aux femmes ?

6. L’État partie envisage ‑t ‑il de supprimer la règle selon laquelle la femme ne peut sortir du domicile conjugal qu’avec l’autorisation de son mari ?

7. Quelles mesures concrètes l’État partie envisage ‑t ‑il de prendre pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et, en particulier, contre la violence dans les foyers ?

État d’urgence (art. 4)

8. Quelles ont été les conséquences juridiques et pratiques de la proclamation de l’état d’urgence en 1994 ? Décrire les mécanismes constitutionnels et législatifs permettant de déclarer l’état d’urgence.

Droit à la vie, protection contre la torture et les traitements dégradants (art. 6 et 7)

9. Fournir des informations détaillées sur l’imposition et l’application de la peine de mort depuis l’examen du dernier rapport et donner des précisions sur le nombre de personnes condamnées à mort et le nombre de condamnés exécutés. Indiquer le nombre de peines de mort commuées et le nombre de personnes qui attendent leur exécution. Y a ‑t ‑il au Yémen d’autres crimes passibles de la peine de mort outre les crimes mentionnés au paragraphe 32 du rapport ? Comment expliquer que la non ‑exécution du condamné dépende de la volonté de la victime ou de sa famille ?

10. Est ‑il vrai que des exécutions publiques ont eu lieu récemment et que les corps des personnes exécutées ont été exposés sur les places publiques ?

11. Comment l’État partie peut ‑il expliquer les condamnations à l’amputation et le rôle des victimes dans l’exécution ou la non ‑exécution des condamnations ? Dans quelle mesure la pratique de l’amputation est ‑elle jugée compatible avec les dispositions de l’article 7 du Pacte ?

12. Les châtiments corporels sont ‑ils toujours appliqués au Yémen comme sanctions pénales dans les prisons ou comme sanctions disciplinaires dans les écoles ?

13. Fournir des renseignements sur les mesures éventuellement prises pour enquêter sur les allégations concernant des exécutions extrajudiciaires, des disparitions, des actes de torture ou des traitements inhumains ou dégradants dont seraient responsables les membres de l’armée ou des forces de sécurité. Quelles dispositions ont été prises pour traduire les responsables en justice, dédommager les victimes et empêcher que de tels actes ne se reproduisent (outre l’exemple cité au paragraphe 43 du rapport) ? »

9. M. QAHTAN (Yémen), répondant à la première question, dit que la Constitution dispose en son article 6 que le Pacte, comme tout instrument international ratifié par le Yémen, fait partie intégrante du droit interne yéménite. Il s’ensuit que les tribunaux yéménites punissent tout manquement aux dispositions du Pacte. On verra un exemple de la liberté de la presse dans le fait qu’un journaliste qui avait écrit une fausse nouvelle et avait nui ainsi à la réputation du pays et le journal qui avait diffusé la nouvelle n’ont pas été condamnés ; le Gouvernement a intenté des poursuites mais n’a pas eu gain de cause, le journal ayant démenti la nouvelle deux jours après la publication de l’article incriminé ; en droit yéménite en effet publier un démenti équivaut à faire amende honorable.

10. En réponse à la deuxième question, M. Qahtan explique que la Commission nationale suprême des droits de l’homme est un organe gouvernemental, auquel participent notamment les Ministres de la justice, de l’intérieur, de l’information, du travail et des affaires sociales, qui sont en prise directe avec la problématique des droits de l’homme. La Commission comporte des sous-commissions où les différents ministères sont représentés et qui transmettent directement les plaintes aux organes compétents en vue d’une solution rapide. La Commission s’appuie aussi sur une commission consultative composée notamment de représentants des syndicats et des ONG. À cela s’ajoutent d’autres organismes actifs en matière de droits de l’homme, qui peuvent connaître de plaintes.

11. M. MAHDI (Yémen), répondant à la troisième question, explique que pour être valable le mariage doit être librement consenti par les deux parties. Le juge peut intervenir si la famille ou le tuteur s’oppose au mariage d’une femme. La loi fait obligation aux conjoints de vivre ensemble. Les droits et obligations de la femme et du mari sont énoncés aux articles 40 et 41 de la loi n° 20 de 1992 sur le statut personnel (par. 141 et 142 du rapport périodique). Les femmes et les enfants sont protégés par la loi sur le statut personnel en cas de divorce (par. 143, 144 et 145 du rapport). Toute femme, dans le cadre d’un mariage monogame ou polygame, est en droit de demander la dissolution du mariage notamment si son époux ne subvient pas à ses besoins ou lui dénie des soins de santé, s’il refuse de travailler afin d’assurer l’entretien de la famille ou s’il abandonne le domicile conjugal pendant plus d’un an sans raison. L’alcoolisme et la toxicomanie peuvent également constituer des motifs de divorce, tout comme le simple fait de ne plus s’entendre avec le conjoint. En cas de violence familiale, le juge peut condamner le coupable à une peine d’emprisonnement ou au versement d’une indemnisation. Dans tous les cas, la dissolution du mariage entraîne la restitution de la dot, laquelle est généralement d’une valeur symbolique. Le droit d’hériter sans distinction de sexe est inscrit dans la Constitution, qui trouve sa source dans la Charia, et toute violation de ce droit justifie une action en justice. La femme peut hériter de son époux mais aussi de son père, de ses frères et de ses fils. Il faut noter enfin qu’un certain nombre d’ONG travaillent à améliorer la situation de la femme dans le pays.

12. M. QAHTAN (Yémen) indique que le libre consentement au mariage est garanti par la Charia, de même que l’interdiction du mariage des filles avant l’âge de 15 ans. Cet âge peut paraître précoce au regard des pratiques d’autres pays mais il est difficile de comparer le droit islamique au droit de pays non islamiques dans la mesure où ils ne s’intègrent pas dans le même type de société. En fait, la Charia fait partie d’un système de valeurs complet reposant avant tout sur l’échange et pour en saisir la réalité il faut voir de près quelles relations les êtres humains entretiennent, c’est ‑à ‑dire se rendre sur place. En tout état de cause, quel que soit l’âge minimum du mariage, l’État encourage les garçons comme les filles à poursuivre leur scolarité, y compris en accordant des incitations financières à l’inscription, en construisant des établissements scolaires et en recrutant des femmes dans le corps enseignant, car la présence de femmes dans le système éducatif motive les filles à continuer leurs études. Les taux de scolarisation ont tendance à augmenter chez les filles comme chez les garçons puisqu’entre 1994-1995 et 1997-1998, ils sont passés de 65 à 82 % pour les garçons et de 31 à 41 % pour les filles dans l’enseignement primaire. On constate la même évolution dans le cycle secondaire, où les taux de scolarisation sont passés sur la même période de 36 à 42 % chez les garçons et de 11 à 15 % chez les filles. Les femmes ont en outre eu toute égalité avec les hommes, la possibilité de se porter candidates à des responsabilités politiques. Dans les faits, les femmes sont présentes au Parlement et il y a des femmes magistrats, ministres, vice ‑ministres ou encore ambassadeurs. Les femmes ne sont nullement prisonnières chez elles. Il n’est pas prévu de supprimer la disposition imposant aux femmes d’obtenir l’autorisation de leur époux pour sortir de la maison car, comme toute disposition relevant du droit du statut personnel, elle est liée aux croyances et aux traditions nationales et s’inscrit dans un ensemble juridique plus large spécifique ; mais elle en réalité elle n’est pas appliquée.

13. La société yéménite est telle que le phénomène de la violence familiale constaté dans certains pays n’y existe pratiquement pas, ce qui explique que peu d’études aient été menées dans ce domaine. Si les cas en la matière sont rares, les cas signalés sont encore plus rares car de manière générale les femmes sont peu enclines à se plaindre de leur père ou de leur conjoint si ce n’est auprès de leurs très proches parents. Il existe toutefois un certain nombre d’organisation non gouvernementales, soutenues financièrement par l’État, qui luttent contre la violence à l’égard des femmes et contre les divorces arbitraires et apportent une assistance matérielle et juridique aux femmes qui en font la demande.

14. M. Qahtan indique que l’état d’urgence a été proclamé pour la première fois au Yémen en 1994 à la suite de la rébellion de séparatistes qui entendaient saper les fondements de l’unité du Yémen. Conformément à l’article 121 de la Constitution, l’état d’urgence avait été proclamé par un décret du Président de la République par la suite entériné par la Chambre des représentants. Tout décret proclamant l’état d’urgence doit en effet être confirmé par la Chambre des représentants dans un délai d’une semaine, faute de quoi il est nul et de nul effet. Comme dans beaucoup d’autres pays, l’état d’urgence peut être motivé par une guerre, un conflit interne ou une catastrophe naturelle et a une durée limitée. L’état d’urgence instauré en 1994 n’a eu que des conséquences limitées. D’une durée de 30 jours, il n’a pas entraîné des dérogations majeures aux droits et libertés. Un décret d’amnistie générale a en outre été pris à l’égard des protagonistes du conflit de façon à réduire la marge d’action des séparatistes et à circonscrire le conflit lui ‑même. L’état d’urgence a été levé une fois éliminées les raisons qui l’avaient motivé.

15. M. MAHDI (Yémen) précise que certains des individus qui s’étaient rebellés contre l’État occupaient des postes importants dans l’administration et que du fait de la loi d’amnistie, elles sont toujours en droit d’occuper de tels postes ou de prendre part à la vie politique du pays.

16. M. QAHTAN (Yémen) dit que la Constitution et les lois yéménites protègent les droits fondamentaux et en particulier le droit à la vie, conformément au droit international. C’est ainsi que la Constitution garantit le droit à la liberté, à la dignité et à la sécurité de sa personne et prévoit que le droit à la liberté ne peut être restreint qu’en vertu d’un jugement rendu par un tribunal compétent. Elle prévoit également que toute personne accusée est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie, que la responsabilité pénale est personnelle et ne peut être engagée qu’en vertu d’un texte de loi ; elle consacre aussi le principe de non-rétroactivité des lois et toutes ces garanties se retrouvent dans le Code de procédure pénale. Le Yémen n’a pas signé le Protocole facultatif se rapportant au Pacte visant à abolir la peine de mort. Les infractions punissables de la peine capitale sont énoncées dans le Code pénal ; il y est prévu que les condamnations à la peine capitale ou à la peine d’amputation ne peuvent être exécutées qu’après épuisement de tous les recours internes et approbation du Président de la République, lequel a le pouvoir d’accorder la grâce. La peine de mort ou la peine d’amputation n’est pas exécutée les jours fériés et n’est pas appliquée à une femme enceinte ou allaitante. Une fois la peine de mort confirmée en appel et éventuellement en cassation puis par le Président de la République, le condamné est exécuté sans délai. Le seul recours possible à ce stade est d’intercéder en faveur du condamné auprès de la famille de la victime ; dans ce cas, en effet, même après approbation de la peine par le Président de la République, il reste possible d’essayer de convaincre la famille d’accepter une indemnisation financière. Mais celle ‑ci peut insister pour que la peine soit accomplie. En 2002 trois condamnations à mort seulement ont été prononcées. En vertu des dispositions applicables, la peine capitale doit être exécutée en présence d’un public limité, qui comprend les magistrats saisis de l’affaire, les membres de la famille du condamné et, éventuellement, les membres de la famille de la victime. Il peut arriver toutefois lorsque le condamné a été impliqué dans une affaire particulièrement grave ou reconnu coupable de plusieurs crimes, que son exécution ait lieu en public. Il ne faut pas perdre de vue que, dans la philosophie qui sous-tend le système pénal yéménite, la peine capitale constitue un moyen de dissuasion, ce qui ne peut être le cas que si elle est entourée d’une publicité suffisante. En outre, le caractère public ou privé de l’exécution ne change pas grand-chose pour le condamné.

17. En ce qui concerne la peine d’amputation, qui fait l’objet de la question 11, M.Qahtan précise qu’il y a très longtemps que de telles condamnations non plus été exécutées. Toutefois, cette peine, de caractère dissuasif et qui ne peut être requise que par le ministère public, est prévue par la Charia islamique et, à ce titre, ne peut être supprimée. Cela étant, les conditions et garanties applicables en la matière sont telles qu’elle est rarement appliquée.

18. En ce qui concerne la question 12, il convient de préciser que les châtiments corporels sont interdits dans les prisons et que tout fonctionnaire d’un établissement pénitentiaire qui se rend coupable d’actes de cette nature encourt des sanctions. En ce qui concerne les châtiments corporels à l’école, il importe de rappeler que le système éducatif prévoyait jadis la possibilité de corriger les enfants récalcitrants à coups de canne et qu’il existe une tradition sociale forte de discipline à l’école. En outre, les parents sont absolument en droit d’appliquer les méthodes qu’ils estiment nécessaires pour éduquer leurs enfants. Cela étant, les dispositions actuellement en vigueur interdisent l’utilisation de la canne à l’école. Le professeur doit bien entendu faire régner la discipline dans sa classe mais tout excès est passible d’une sanction pénale.

19. M. MAHDI (Yémen), répondant à la question 13, précise qu’aucune exécution ne peut avoir lieu en dehors du cadre de la loi. Pour ce qui est de la question des disparitions, il convient de signaler que le Gouvernement yéménite a conclu avec le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires un accord portant sur la mise en place d’un mécanisme d’enquête sur les allégations concernant des disparitions qui auraient pu se produire en 1996. Dans le cadre de cet accord, des articles ont été publiés dans la presse nationale afin que les familles de disparus puissent s’adresser au Comité national supérieur des droits de l’homme. Les familles qui ont effectué cette démarche ont été dédommagées. Cela étant, aucune disparition n’a été signalée depuis la création de la République du Yémen. Sur le plan juridique, toute personne disparue est considérée comme décédée à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de sa disparition. Cela permet aux héritiers du disparu de régler sa succession et à sa veuve de se remarier. La Constitution et le Code pénal comportent des dispositions relatives à l’interdiction de la torture. Le Yémen a ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en 1995. Tout agent de l’État qui soumettrait un suspect à la torture pour obtenir des aveux serait passible d’une sanction pénale et les aveux obtenus sous la torture sont considérés comme nuls. On peut citer à ce sujet l’exemple de trois policiers qui avaient torturé des détenus, à un point tel que l’un d’entre eux n’avait pas survécu à ses blessures. Le fonctionnaire le plus gradé a été condamné à une peine de dix ans d’emprisonnement et ses deux collègues à des peines d’emprisonnement inférieures à cinq ans. En outre, ils ont été tous trois démis de leurs fonctions.

20. Le PRÉSIDENT remercie la délégation de ses réponses et invite les membres du Comité à poser oralement des questions complémentaires.

21. M. AMOR se félicite de la haute tenue du rapport présenté, sans aucun retard, par l’État partie et de la franchise avec laquelle la délégation répond aux questions de la liste des points à traiter. Il souligne par ailleurs un certain nombre d’aspects très positifs en ce qui concerne la situation au regard des droits consacrés par le Pacte au Yémen, parmi lesquels le fait que la Déclaration universelle des droits de l’homme fasse partie intégrante de la Constitution, la ratification du Pacte sans la moindre réserve ou encore les indications figurant dans le rapport selon lesquelles les autorités déploient des efforts considérables pour lutter contre les traditions ancestrales discriminatoires.

22. Si le rapport est très détaillé à certains égards, plusieurs articles du Pacte, à savoir les articles 11, 12, 13, 17,18, 20, 22,25, 26 et 27, auraient mérité un plus grand développement. De plus si le rapport mentionne bien les obstacles rencontrés par les autorités yéménites pour donner tout leur poids aux dispositions du Pacte, il manque d’informations précises quant aux mesures prises pour surmonter ces difficultés. Plus concrètement, M. Amor voudrait savoir quelle est la place exacte du Pacte dans l’ordre juridique interne et si les obligations internationales contractées par le Yémen l’emportent sur la législation nationale. Dans le même ordre d’idées, il serait intéressant de savoir si des tribunaux ont déjà évoqué les dispositions du Pacte et s’ils ont la possibilité d’invoquer directement ou d’interpréter ces dispositions.

23. Selon la Constitution, la Charia est la source de la loi. Cependant, outre qu’il existe nombre de lectures très différentes de la Charia, il convient de souligner qu’en ratifiant le Pacte sans émettre de réserve, le Yémen s’est engagé à respecter des obligations parfaitement claires et non négociables. Ainsi, l’article 3 du Pacte interdit la polygamie qui a de plus été qualifiée par le Comité d’atteinte à la dignité humaine. De même, le Comité ne peut accepter l’existence d’une loi qui interdit aux femmes de sortir de chez elles sans l’autorisation de leur époux. La délégation affirme que cette loi n’est pas appliquée et M. Amor se demande pourquoi dès lors il ne serait pas possible de l’abroger. D’une manière générale, il faut revenir au statut qu’avait la femme dans les premiers temps de l’islam, quand elle était l’égale de l’homme. Par ailleurs, M. Amor a cru comprendre que l’épouse peut, dans certaines conditions, demander l’intervention du juge pour obtenir le divorce mais souhaite savoir s’il est exact que l’époux peut dans certains cas divorcer sans recourir à la justice.

24. M. YALDEN constate que le rapport du Yémen est beaucoup plus axé sur les dispositions légales en vigueur que sur la situation concrète et sur les difficultés rencontrées par l’État partie en ce qui concerne l’exercice des droits consacrés par le Pacte. Pourtant, dans les observations finales qu’il avait adoptées en 1995 à l’occasion de l’examen du deuxième rapport périodique du Yémen (CCPR/C/82/Add.1), le Comité avait déjà demandé des renseignements plus concrets.

25. En ce qui concerne la question 2 de la liste des points à traiter, M. Yalden voudrait avoir des précisions sur les compétences et les responsabilités des organismes chargés de veiller au respect des droits de l’homme évoqués par la délégation, en termes de contrôle et de réparation. Il serait également intéressant d’avoir des informations sur les résultats obtenus par ces organismes, qui ne semblent d’ailleurs pas indépendants du pouvoir politique, en particulier en cas d’allégation de violation des droits de l’homme.

26. M. Yalden relève que de réels progrès ont été accomplis, en droit et dans la pratique, en matière d’égalité entre hommes et femmes, mais que des sujets de préoccupation demeurent. En particulier, la loi n° 20 de 1992 sur le statut personnel, qui consacre un certain nombre d’inégalités, est apparemment toujours en vigueur. La femme n’est pas l’égale de l’homme au Yémen à bien des égards et reste soumise à l’autorité d’autrui pour un certain nombre de décisions. La délégation yéménite a indiqué que ce n’était pas le cas dans les faits, ce dont il a pris bonne note, mais des lois qui ne sont pas compatibles avec le Pacte continuent d’être applicables et il ne peut ainsi que réitérer les préoccupations qu’il avait exprimées à l’occasion de l’examen du deuxième rapport périodique de l’État partie. Les femmes analphabètes sont apparemment deux fois plus nombreuses que les hommes, et le taux de scolarisation des filles aux niveaux primaire et secondaire, quoiqu'en augmentation, reste préoccupant puisqu’il est encore deux fois moins élevé que celui des garçons. En outre, les femmes occupent essentiellement des emplois faiblement rémunérés et leur participation à la vie politique est encore largement insuffisante. M. Yalden voudrait savoir à ce sujet s’il est exact qu’il n’y a que deux femmes parmi les 301 députés. De plus, la proportion de femmes inscrites sur les listes électorales est particulièrement faible et l’écart entre hommes et femmes dans ce domaine ne laisse pas d’être préoccupant. Certes, la délégation yéménite a indiqué qu’un effort était fait pour recruter des femmes aux postes de cadre dans la fonction publique, mais la situation n’évolue apparemment que lentement. En ce qui concerne les mutilations génitales, il semble qu’une grande partie des femmes mariées soient soumises à cette pratique, laquelle, comme la polygamie, est tout à fait incompatible avec le Pacte. D’une façon générale, la condition de la femme au Yémen n’est guère enviable et est incompatible à bien des égards avec les dispositions du Pacte. En conséquence, les autorités yéménites devraient réviser leur législation et garantir pleinement, de jure et de facto, l’égalité entre hommes et femmes dans leur pays.

27. M. RIVAS POSADA lit au paragraphe 26 du rapport qu’en aucun cas la proclamation d’un état d’urgence ne doit porter atteinte aux libertés des citoyens ou restreindre leurs droits fondamentaux. En outre, l’article 121 de la Constitution, qui régit les états d’exception, ne mentionne pas de limitations possibles des droits protégés par le Pacte. Les constitutions des États qui prévoient la possibilité d’imposer l’état d’urgence indiquent en principe quelles compétences extraordinaires sont conférées au pouvoir exécutif en vertu de l’état d’urgence et quels droits peuvent être soumis à des restrictions dans ce cadre. La Constitution yéménite ne contient apparemment aucune disposition dans ce sens. Or on conçoit difficilement qu’un état d’exception n’ait pas de conséquences pour certains aspects de l’exercice des droits fondamentaux et M. Rivas Posada serait reconnaissant à la délégation yéménite de bien vouloir indiquer au Comité quels effets sur les droits de l’homme il peut avoir au Yémen.

28. M. VELLA souhaiterait un complément d’information concernant le point 2 de la liste. La délégation a fourni des indications sur le Comité national supérieur des droits de l’homme, mais la composition même de cet organe fait douter de son impartialité et de son indépendance. Il faudrait notamment savoir de quelle façon un particulier qui alléguerait une violation de l’un de ses droits fondamentaux peut être assuré d’être entendu en toute impartialité par ce comité. M. Vella souhaiterait également connaître le nombre de plaintes pour violation des droits de l’homme dont il a été saisi durant les deux dernières années et la suite qui y a été donnée. Par ailleurs, la délégation yéménite n’a guère éclairé le Comité sur l’existence éventuelle d’un organe indépendant chargé de veiller au respect des droits de l’homme et M. Vella voudrait savoir s’il existe un mécanisme du type du médiateur dans lequel les autorités de l’État ne seraient pas représentées et n’interviendraient d’aucune autre façon et qui offrirait toutes les garanties d’indépendance et d’impartialité.

29. Pour ce qui est de l’article 9 du Pacte, M. Vella a cru comprendre que 186 personnes condamnées à mort avaient été exécutées en 2001, contre seulement trois en 2002. L’écart entre les deux chiffres est frappant, et il souhaiterait entendre la délégation yéménite à ce sujet.

30. M. SOLARI YRIGOYEN relève certains aspects positifs, en particulier la nomination d’un Ministre des droits de l’homme, qui est d’ailleurs une femme, et la signature par l’État partie du Statut de la Cour pénale internationale. Des préoccupations demeurent néanmoins, notamment en ce qui concerne la composition du Comité national supérieur des droits de l’homme. M. Solari Yrigoyen fait siennes les questions posées par M. Vella et voudrait aussi savoir s’il existe des organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme véritablement indépendantes, et combien elles sont. Peuvent-elles exercer librement leurs activités et quelle suite est donnée aux plaintes formées par les particuliers devant une organisation de ce type, le cas échéant ?

31. En ce qui concerne la question de l’égalité entre hommes et femmes, d’autres membres du Comité ont souligné que la pratique de la polygamie était en contradiction flagrante avec plusieurs articles du Pacte, à commencer par son article 3. Le Gouvernement yéménite a ‑t ‑il examiné la question de la polygamie à la lumière du Pacte, et envisage ‑t ‑il d’interdire les mariages polygames ? À propos de la question des mariages précoces, il a été indiqué que les jeunes filles mariées très jeunes étaient encouragées à poursuivre leurs études, mais il conviendrait de savoir quelles mesures les autorités ont prises à cet effet. D’une façon générale, les mariages précoces sont la source de problèmes graves et pas uniquement au regard de l’éducation. Certes, la loi prévoit que la femme doit donner son consentement au mariage mais on peut se demander quel consentement en pleine connaissance de cause peut donner une jeune fille de 15 ans. M. Solari Yrigoyen voudrait savoir encore combien de députés et de ministres sont des femmes et quelle proportion cela représente par rapport aux hommes. Les réponses de la délégation yéménite au point 7 de la liste le laissent en outre perplexe. En effet, il a été dit que les violences à l’égard des femmes n’existaient pas en tant que phénomène social du fait des valeurs de la société yéménite. Mais aucune société n’est idéale, les êtres humains ne sont pas parfaits et l’existence de valeurs élevées ne saurait prévenir les violences contre les femmes, qui se produisent malheureusement un peu partout dans le monde. La délégation yéménite a précisé par ailleurs que ces violences faisaient l’objet de sanctions très lourdes, ce qui laisse supposer que le phénomène touche bel et bien l’État partie. Il conviendrait donc que soient précisées la nature des violences exercées à l’égard des femmes et les sanctions applicables.

32. En ce qui concerne les articles 9 et 10 du Pacte, M. Solari Yrigoyen est conscient que les autorités yéménites ont dû répondre à des actes de terrorisme qui faisaient suite aux tristes événements survenus le 11 septembre 2001 aux États-Unis. Cependant, les mesures de répression du terrorisme doivent être strictement conformes à la fois au droit interne et au Pacte. M. Solari Yrigoyen demande combien de personnes ont été placées en détention au titre de ces mesures, combien sont encore détenues aujourd’hui, combien de personnes ont été jugées et si les procédures ont été assorties de toutes les garanties prévues par le Pacte.

33. En ce qui concerne le droit à la vie et à la protection contre la torture, la délégation yéménite a indiqué que les allégations de torture étaient rares et que les coupables étaient sanctionnés dans tous les cas. Les organisations non gouvernementales en revanche font état de nombreux cas de torture. M. Solari Yrigoyen mentionne celui de Muhammad Abdulah Salem al Yafii, qui serait décédé en prison des suites de tortures. Il demande si une enquête a été ouverte sur cette affaire et, plus généralement, combien d’allégations de torture ont fait l’objet d’une enquête et combien de sanctions ont été prises dans ce contexte. Il relève également que la pratique de l’amputation et les châtiments corporels sont tout à fait incompatibles avec les dispositions de l’article 7 du Pacte. M. Solari Yrigoyen souhaiterait que la délégation yéménite fournisse des renseignements plus précis et plus complets sur la façon dont le droit à la vie est respecté dans l’État partie. Il semblerait que 56 personnes aient été exécutées en 2001 et ce chiffre est particulièrement alarmant. Enfin, les autorités yéménites envisagent ‑elles d’abolir la peine capitale ?

34. M. SCHEININ souhaiterait des informations plus précises sur le respect du droit à la vie. En particulier, il convient de savoir si la peine capitale est applicable aux personnes de moins de 18 ans. Rares sont aujourd’hui les États dont la loi le prévoit et l’application de la peine capitale à des mineurs est de toute façon incompatible avec le Pacte. La délégation yéménite a indiqué que cela faisait très longtemps que personne n’avait été condamnée à l’amputation. Or les organisations non gouvernementales ont relevé au moins cinq cas d’amputation depuis 1990. M. Scheinin souhaiterait que la délégation yéménite précise la situation au regard de la pratique de l’amputation. En ce qui concerne les mutilations génitales, il semblerait que dans les régions côtières du Yémen 70% des femmes subissent ces mutilations et M. Scheinin voudrait savoir si les autorités ont pris, ou entendent prendre, des mesures visant spécifiquement ces régions.

35. Pour ce qui est de la question de l’état d’urgence, M. Scheinin fait observer que, depuis le 11 septembre 2001, certains États paraissent considérer que les mesures de lutte contre le terrorisme autorisent des dérogations aux normes de protection des droits de l’homme, sans qu’il y ait même lieu de proclamer l’état d’urgence. Certains éléments laissent à penser que les autorités yéménites partagent ce point de vue et estiment que l’état d’urgence de facto peut justifier des mesures qui sont incompatibles avec les obligations internationales auxquelles l’État a souscrit en matière de droits de l’homme. Un certain nombre d’individus ont été arrêtés et placés en détention après le 11 septembre 2001 dans le cadre des mesures de lutte contre le terrorisme et, selon certaines sources, des milliers de personnes auraient été détenues au seul motif qu’elles avaient des liens avec l’Afghanistan ou qu’elles s’étaient rendues dans ce pays. Les organisations non gouvernementales font état de cas de détention au secret et de détention arbitraire, sans possibilité de faire examiner par un juge la légalité de la détention. Si ces informations sont exactes, elles reflètent une situation tout à fait incompatible avec l’article 9 du Pacte, qui prévoit des droits auxquels il ne saurait être dérogé, même dans un état d’exception. Le Comité considère que l’examen judiciaire de la légalité d’une mesure de privation de liberté et la protection contre la privation arbitraire de liberté doivent être garantis en tout temps, y compris pendant un état d’exception. Par ailleurs, il semblerait qu’un grand nombre de personnes aient été expulsées du Yémen, sans que soient dûment respectés les droits auxquels il ne saurait être dérogé en vertu du Pacte. M. Scheinin souhaiterait, par conséquent, que la délégation yéménite expose les effets des mesures prises après le 11 septembre 2001 sur l’application de l’article 7 du Pacte. Enfin, dans un rapport présenté par le Yémen au Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1373 (2001) concernant le contre-terrorisme, il est fait référence à la loi n o  24 de 1998, en vertu de laquelle un certain nombre de personnes reconnues coupables d’actes de terrorisme ont été condamnées à mort ou incarcérées. Combien de personnes ont été condamnées à l’une ou l’autre peine ? Enfin, il serait utile de savoir comment les autorités yéménites définissent un acte terroriste et quels crimes sont punis de la peine capitale.

36. M. LALLAH croit comprendre que la pratique de l’amputation est soumise à de multiples conditions, ce qui explique qu’elle soit rare. Il importe néanmoins de savoir si ces conditions sont fixées dans la Charia ou dans le droit interne car, si l’on ne peut pas modifier la Charia, on peut assurément modifier les lois. Par ailleurs, le droit yéménite contient ‑il des dispositions décourageant les mutilations génitales ?

37. Enfin, en ce qui concerne les mesures contre le terrorisme qui ont été prises après le 11 septembre 2001, M. Lallah considère que la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité ne saurait justifier que l’État partie se soustraie aux obligations qu’il a librement contractées au titre du Pacte. La résolution du Conseil de sécurité ne contient d’ailleurs aucune disposition qui inviterait l’État partie à déroger aux droits du Pacte et M. Lallah appelle en particulier l’attention sur les dispositions de l’article 4 de l’instrument, notamment celles du paragraphe 2.

38. M. KLEIN constate que les préoccupations que le Comité avait exprimées dans le cadre de l’examen du deuxième rapport périodique du Yémen (CCPR/C/82/Add.1) demeurent. Il se demande en particulier si la vie de l’enfant à naître est protégée par la loi et de quelle façon, le cas échéant.

39. En ce qui concerne la question de l’égalité entre hommes et femmes, M. Klein partage les inquiétudes des autres membres du Comité, car tout laisse à penser que la situation se caractérise par des violations graves du Pacte. Certes, les questions relatives à l’égalité entre hommes et femmes relèvent d’un domaine délicat, dans lequel la religion et les traditions jouent un rôle important. Mais les autorités yéménites doivent constamment garder à l’esprit qu’elles ont souscrit librement à des obligations internationales dans ce domaine, auxquelles elles ne sauraient se soustraire. En tout état de cause, le Comité, qui a pour mandat de surveiller le respect de ces engagements, est vivement préoccupé par la situation concernant l’application de l’article 3 du Pacte.

40. M. ANDO dit que le dialogue entre le Comité et l’État partie vise non pas à accuser de dernier mais à permettre de comprendre la situation au regard des droits de l’homme et à réfléchir ensemble aux moyens de surmonter les difficultés rencontrées. Pour ce faire, le Comité doit disposer de renseignements plus complets que ceux fournis dans le rapport ou oralement par la délégation yéménite. Les questions relatives à l’égalité entre hommes et femmes, notamment, devraient être précisées. En effet, la Constitution yéménite semble garantir cette égalité, comme il ressort des paragraphes 15 et 16 du rapport, en introduisant notamment le concept selon lequel « les femmes sont les sœurs des hommes ». Mais ce qui est dit plus loin dans le rapport à propos de l’article 23 du Pacte montre que les inégalités sont fortes. M. Ando relève aussi en ce qui concerne le consentement au mariage que celui ‑ci est compris différemment selon que la femme est vierge ou non. M. Ando souhaiterait entendre la délégation yéménite à ce sujet et savoir quelle est la procédure suivie pour établir que la future épouse est vierge. En ce qui concerne les droits des conjoints en cas de dissolution de mariage, il conviendrait que la délégation yéménite développe ce qui est dit au paragraphe 143 du rapport, en indiquant notamment quelle procédure la femme peut engager pour demander le divorce. En outre, la femme doit avoir des ressources financières suffisantes pour assurer l’entretien des enfants dont elle a la garde. Les autorités ont ‑elles pris des mesures visant à placer les femmes sur un pied d’égalité avec les hommes sur ce point et adopté un mécanisme pour leur venir en aide matériellement ? M. Ando voudrait aussi savoir si la femme peut transmettre sa nationalité à ses enfants au même titre que l’homme. Au sujet des violences dans la famille, la délégation yéménite a indiqué qu’elles faisaient l’objet de lourdes sanctions, mais il serait bon qu’elle précise lesquelles. Enfin, il semble qu’au terme d’une peine d’emprisonnement l’homme soit immédiatement remis en liberté mais que la femme doive attendre qu’un membre de sa famille vienne la chercher et que, en raison de certaines valeurs morales, les familles soient parfois réticentes à faire cette démarche. Qu’advient ‑il dans le cas où personne ne vient chercher une femme qui doit sortir de prison ?

41. Le PRÉSIDENT annonce que le Comité poursuivra l’examen du troisième rapport périodique du Yémen (CCPR/C/YEM/2001/3) à une séance ultérieure.

La séance est levée à 18 heures.