Nations Unies

CCPR/C/SR.2905

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

24 juillet 2012

Original: français

Comité des droits de l ’ homme

10 5 e session

Compte rendu analytique de la 2905 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 17 juillet 2012, à 10 heures

Président e:Mme Majodina

S ommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Deuxième et troisième rapports de l ’ Arménie soumis en un seul document (suite)

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (s uite)

Deuxième et troisième rapports de l ’ Arménie soumis en un seul document (CCPR/C/ARM/2-3; CCPR/C/ARM/Q/2 et Add.1) (suite)

1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation arménienne reprend place à la table du Comité.

2.La Présidente invite les membres du Comité à poser des questions complémentaires.

3.M. Salvioli dit qu’il serait important que l’Arménie dispose d’une loi prévoyant l’interdiction de toutes les formes de discrimination, outre les dispositions de l’article 14.1 de la Constitution, et il engage les autorités de l’État partie à envisager l’adoption une telle loi. La délégation arménienne a mentionné la diffusion dans les écoles de matériels d’information concernant les droits de l’homme et en particulier l’interdiction de la discrimination. M. Salvioli voudrait savoir si ces matériels traitent également de la discrimination au motif de l’orientation sexuelle, et il souhaiterait que le Comité puisse en prendre connaissance. La délégation arménienne a décrit des mesures destinées à accroître la participation des femmes au Parlement mais, selon certaines sources, dans plusieurs cas les femmes qui venaient d’être élues ont immédiatement démissionné de leurs fonctions et été remplacées par des hommes. M. Salvioli souhaiterait donc connaître la proportion d’hommes et de femmes siégeant actuellement au Parlement. Il a noté qu’un plan national en faveur de l’égalité des sexes avait été adopté pour 2011-2015 et voudrait savoir quelles mesures les autorités ont prises pour assurer le contrôle de son application et pour faire en sorte que ce contrôle soit exercé par un organisme véritablement indépendant. En ce qui concerne la discrimination et les violences dont sont victimes les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres (LGBT), le Défenseur des droits de l’homme est apparemment compétent pour examiner les plaintes dénonçant de tels actes mais le Comité ne dispose pas d’informations sur l’action qu’il mène dans ce domaine. Le Comité a reçu en revanche de nombreuses informations faisant état d’actes de discrimination au motif de l’orientation sexuelle. Par exemple, le Secrétaire du Conseil de la sécurité nationale aurait dit publiquement que les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres constituaient une menace pour la sécurité nationale et que l’homosexualité était extrêmement dangereuse et inacceptable, et une ancienne parlementaire aurait affirmé qu’il fallait lapider les homosexuels. M. Salvioli appelle l’attention des représentants de l’État partie sur la nécessité de réagir de façon appropriée à ce type de déclaration et d’assurer, d’une façon générale, la protection des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transgenres contre la discrimination et les violences. Un rapport de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe relatif à la sélection prénatale en fonction du sexe, publié en 2011, condamnait la pratique des avortements sélectifs au détriment des filles et indiquait qu’elle touchait, entre autres pays, l’Arménie. M. Salvioli souhaiterait savoir quelles mesures les autorités arméniennes ont prises ou entendent prendre pour lutter contre cette pratique.

4.M me Motoc relève que la délégation arménienne a parlé de l’indépendance financière et de la rémunération du Défenseur des droits de l’homme, ainsi que des ressources allouées à son bureau; elle considère que le plus important est de savoir si le Défenseur joue un rôle actif dans la procédure permettant à des particuliers ou à des organisations non gouvernementales de former des plaintes pour violations des droits de l’homme. Le Défenseur présente-t-il des rapports sur ces plaintes et, plus généralement, quelle est son action à cet égard? Le Défenseur des droits de l’homme est une institution fondamentale, qui devrait permettre de porter à l’attention des autorités de l’État toutes les plaintes pour violations des droits de l’homme. Mme Motoc souhaiterait savoir également où en est l’adoption du projet de loi sur les violences à l’égard des femmes et, d’une façon générale, quelles mesures les autorités prennent ou envisagent de prendre concrètement pour mettre fin à ces violences. Les réponses de la délégation concernant l’état d’urgence imposé après l’élection présidentielle de 2008 renvoyaient, pour l’essentiel, aux dispositions de l’article 44 de la Constitution, qui ont été invoquées au moment de la proclamation de l’état d’urgence. Mme Motoc souhaiterait cependant savoir quelle a été la traduction concrète de ces dispositions constitutionnelles et sur quels éléments de fait se fondait la proclamation de l’état d’urgence. En ce qui concerne l’égalité entre hommes et femmes, les réponses écrites à la liste de points (CCPR/C/ARM/Q/2/Add.1) portent surtout sur la condition des mères de famille. Qu’en est-il des femmes qui ne sont pas mères, et jouissent-elles également de l’égalité de traitement? Enfin, le texte des réponses écrites donne des indications sur le casier judiciaire ou le dossier pénal de plusieurs victimes des événements de mars 2008, dont on peut se demander si elles sont bien utiles dans la mesure où les décès n’avaient pas nécessairement de rapport avec les antécédents pénaux ou judiciaires des victimes.

5.Sir Nigel Rodley espère vivement qu’une définition de la torture conforme à celle qui figure dans les principaux instruments internationaux pertinents sera intégrée au droit pénal arménien d’ici à la fin de 2012, et qu’elle reflétera dûment la gravité du délit de torture. La délégation a donné des renseignements concernant la répression du bizutage dans les forces armées, mais Sir Nigel Rodley souhaiterait encore quelques précisions. Il voudrait savoir en particulier de quels types d’infraction les officiers supérieurs ont été accusés dans les cas de manquement à la discipline, de mauvais traitements ou d’actes plus graves encore commis par leurs subordonnés. Il voudrait aussi savoir si des poursuites ont été engagées contre les officiers supérieurs qui auraient couvert leurs subordonnés ou qui n’auraient pas pris des sanctions à leur égard. Il souhaiterait connaître le nombre et les condamnations et peines prononcées dans des affaires de ce type ces dernières années, tous renseignements que la délégation pourra faire parvenir ultérieurement par écrit au Comité.

6.La délégation arménienne a souligné la volonté des autorités de faire des châtiments corporels à l’égard des enfants une infraction distincte. Il se peut néanmoins que la législation actuelle suffise pour réprimer comme il se doit les châtiments corporels, mais pour le savoir le Comité doit connaître l’application de la législation actuellement en vigueur concernant les châtiments corporels infligés à la maison ou à l’extérieur, et Sir Nigel Rodley serait reconnaissant à la délégation arménienne de bien vouloir éclairer le Comité sur ce point.

7.En ce qui concerne la détention avant jugement, il serait utile de connaître la proportion de personnes accusées d’un délit passible d’emprisonnement qui sont placées en détention. D’après la «liste de la population carcérale mondiale» publiée par le Centre international d’études pénitentiaires, le nombre total de personnes détenues en Arménie s’élevait en août 2011 à 4 514, dont 26 % étaient en détention provisoire. Il semblerait également que le taux de détention soit de 146 pour 100 000 habitants, et Sir Nigel Rodley serait reconnaissant à la délégation arménienne de bien vouloir indiquer quelle est la situation dans les faits. La procédure qui permet de convoquer à la police une personne en qualité de témoin et d’en faire ensuite un suspect paraît raisonnablement fondée mais chacun sait qu’un tel système peut facilement donner lieu à des abus. En particulier, sachant que l’interrogatoire d’un suspect doit être entouré d’un certain nombre de garanties, il conviendrait de savoir quelles mesures ont été prises pour prévenir les dérives de la procédure et pour assurer aux suspects toutes les garanties dont ils doivent bénéficier. À propos de la possibilité de maintenir en rétention les migrants au-delà du délai de soixante-douze heures prévu par la loi, Sir Nigel Rodley renvoie au rapport que le Groupe de travail sur la détention arbitraire a publié à l’issue de sa mission en Arménie en 2010 (A/HRC/16/47/Add.3), dans lequel le Groupe de travail a indiqué que des migrants en situation irrégulière arrivés par l’aéroport de Zvartnots étaient placés dans une pièce spéciale et pouvaient être retenus pour des périodes excédant soixante-douze heures. Le Groupe de travail a vainement tenté à deux reprises d’avoir accès à ce local, et n’a pu obtenir aucune information sur les procédures relatives au traitement des personnes qui y sont retenues. Sir Nigel Rodley souhaiterait des détails concernant la situation de ces migrants.

8.M. Bouzid a noté que l’article 5 de la loi du 11 avril 2005 portant approbation du Code disciplinaire de la police prévoit que toute personne ayant été soumise à des actes de torture par des agents de la police peut déposer une plainte. La délégation arménienne a indiqué que quatre agents de la police avaient été condamnés pour insultes mais n’a pas précisé si des plaintes avaient été formées par des personnes détenues par la police pour des actes de torture ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Si des plaintes ont été formées à ce motif, quelle suite les autorités y ont-elles donnée? D’une façon générale, il conviendrait de savoir quelle procédure permet aux victimes d’actes de torture commis par des membres de la police de porter plainte, et si la plainte peut être présentée par un tiers.

9.M me  Harutiunyan (Arménie), répondant aux questions relatives aux événements de mars 2008, précise que ceux-ci revêtaient heureusement un caractère tout à fait exceptionnel et ne correspondaient ni à la mentalité ni à la culture politique de l’Arménie. Si aucun haut fonctionnaire n’a été condamné dans ce contexte, faute de preuves suffisantes, la procédure pénale engagée suit néanmoins son cours. Plusieurs policiers ont été condamnés, mais ils ont été ensuite remis en liberté en application d’une loi d’amnistie, et plus aucun agent de la police n’est actuellement détenu pour un motif lié aux émeutes de mars 2008. Quoi qu’il en soit, les autorités ont tiré un certain nombre d’enseignements de ces terribles événements. Elles ont par exemple adopté en avril 2011 une loi sur la liberté de réunion qui a réduit le nombre de restrictions dont ce droit peut être frappé, et en mars 2009 le Code pénal a été modifié et complété de façon à établir la responsabilité particulière des auteurs d’homicide commis pendant des émeutes.

10.M. Petrosya n (Arménie), répondant aux questions qui ont été posées sur la police, indique que la modernisation des forces de police est en cours dans le cadre de l’exécution d’un programme de réformes pour 2010-2011, qui a été adopté à la suite des événements du 1er mars 2008. Un deuxième programme couvrant la période 2012-2014 a été élaboré et est actuellement à l’examen. Il sera soumis à l’appréciation de juristes et d’experts internationaux avant son adoption.

11.Le Gouvernement a adopté le 30 octobre 2008 la liste des armes, des munitions, des moyens spéciaux et des équipements de protection individuelle employés par la police. Cette liste inclut le fusil d’assaut AK-47 et le fusil KS-23. Elle peut être consultée sur demande et sa publication assure la transparence de l’activité de la police et permet l’exercice d’un contrôle effectif de l’application des dispositions adoptées dans ce domaine. Des experts internationaux mandatés par l’OSCE se sont rendus en Arménie pour examiner la législation et la pratique en matière de maintien de l’ordre public. Ils ont ainsi participé en 2011 à l’élaboration de directives − qui ont été approuvées ensuite par les autorités compétentes − concernant les droits et les obligations des agents de la police lorsqu’ils conduisent une personne au poste de police, la tenue des négociations visant à assurer la sécurité de la population et à maintenir l’ordre public, l’action des agents de la police affectés au maintien de l’ordre public et l’utilisation qu’ils font de la force physique, des moyens spéciaux et des armes en cas d’émeutes.

12.M. Petrosya n donne lecture de l’article 129 de la loi sur la garde à vue et la détention provisoire, qui prévoit que toute personne soupçonnée d’une infraction peut être placée en détention par les services d’enquête ou d’instruction ou par le procureur dans l’un des cas suivants: si la personne est prise en flagrant délit ou si elle est arrêtée immédiatement après la commission de l’infraction; si un témoin la désigne comme l’auteur de l’infraction; si des éléments montrant clairement qu’elle a participé à la commission de l’infraction sont retrouvés sur elle ou sur ses vêtements, sur d’autres objets qu’elle utilise, en sa présence ou à son domicile, ou encore dans le moyen de transport qu’elle a utilisé; ou s’il existe d’autres motifs de penser que l’auteur de l’infraction est une personne qui a tenté de quitter le lieu de l’infraction ou d’échapper à l’organe en charge de la procédure pénale, qui est sans domicile fixe, qui vit dans une autre localité ou dont l’identité est inconnue. Conformément au Code de procédure pénale, le droit de toute personne arrêtée de bénéficier des services d’un avocat est garanti dès le moment de l’arrestation, et la loi sur la garde à vue et la détention provisoire prévoit expressément le droit d’être représenté par un avocat. Le Code de procédure pénale fixe à soixante-douze heures la durée maximale de la garde à vue.

13.M me  Soudjian (Arménie) dit qu’un groupe de travail interministériel a été établi pour s’assurer de la suite donnée aux recommandations formulées par les différents organes conventionnels, les titulaires de mandats et le Conseil des droits de l’homme dans le cadre de l’Examen périodique universel. La délégation arménienne a pris bonne note de la recommandation de membres du Comité tendant à l’adoption d’une nouvelle loi contre la discrimination qui donnerait concrètement effet aux dispositions de l’article 14.1 de la Constitution. En ce qui concerne la représentation des femmes dans les élections, le nouveau Code électoral prévoit que les listes de candidats aux élections parlementaires ne peuvent compter, à partir du deuxième candidat de la liste, plus de 80 % de candidats du même sexe. Le nombre de femmes députées a augmenté: il y a aujourd’hui 14 femmes au Parlement, dont la Vice-Présidente.

14.Le matériel d’information sur les droits de l’homme destiné aux établissements scolaires est publié en arménien, ce qui pourrait en compliquer la diffusion auprès des membres du Comité, mais les autorités arméniennes feront de leur mieux pour faire parvenir des résumés dans une langue de travail du Comité.

15.Pour ce qui est des questions relatives à la traite des êtres humains, Mme Soudjian invite les membres du Comité à se reporter aux statistiques qui ont été communiquées la veille.

16.M. Demirtshyan (Arménie) dit que le mandat du bureau du Défenseur des droits de l’homme est défini par la loi. Le Défenseur des droits de l’homme a accès à tous les lieux de privation de liberté et peut rencontrer les responsables des administrations locales et des lieux de détention, obtenir tout document et toute information nécessaires pour l’examen d’une plainte, mener des enquêtes et en faire connaître les conclusions, le tout dans le respect de la confidentialité. Le Gouvernement estime que le bureau du Défenseur des droits de l’homme jouit de l’ensemble des droits et des pouvoirs prévus par la loi et peut ainsi exercer ses fonctions en toute indépendance. La création de six bureaux régionaux en avril 2012, avec l’aide de partenaires internationaux, a permis d’améliorer l’accès à ses services et la protection des droits de l’homme sur l’ensemble du territoire arménien. Il importera d’assurer la pérennité de ces bureaux lorsque leur financement international prendra fin à la mi-2013. En 2011, le bureau du Défenseur des droits de l’homme a créé un département chargé de la protection des droits des groupes vulnérables, comme les minorités religieuses et sexuelles, les femmes, les enfants, les personnes handicapées et les réfugiés. Des programmes ciblés sont mis en œuvre en collaboration avec la société civile et des intervenants internationaux. Le Défenseur des droits de l’homme publie un rapport annuel qui est transmis à tous les organes de l’État et auquel il est donné suite conformément aux directives fournies par le Gouvernement. Il peut également établir des rapports spéciaux et interpeller directement les pouvoirs publics, comme il l’a fait il y a quelques jours en adressant au Premier Ministre une lettre lui faisant part de ses principaux sujets de préoccupation.

17.Concernant les châtiments corporels, le Code pénal ne contient pas de disposition expresse interdisant ces pratiques mais les différentes formes de violence, qu’elles soient commises dans la famille ou en dehors, sont couvertes par plusieurs articles. Il faut rappeler que le Gouvernement envisage d’ajouter un article interdisant expressément les châtiments corporels. En ce qui concerne le projet de loi relatif à la violence dans la famille, le Gouvernement entend le faire adopter dès que possible.

18.M me  Soudjian (Arménie) ajoute, au sujet de la lutte contre la violence dans la famille, que le Gouvernement collabore étroitement avec le Rapporteur spécial sur la violence contre les femmes en ce qui concerne les recommandations du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, dont l’application a fait l’objet d’un rapport à mi-parcours. Un plan d’action stratégique a été élaboré afin de combattre les violences sexistes et des objectifs précis ont été fixés dans des domaines tels que la prévention, la protection des victimes, la poursuite des auteurs, l’éducation, la santé, la culture et l’information.

19.En ce qui concerne les avortements sélectifs, il n’existe pas de statistiques officielles et les seules données disponibles sont celles fournies par les ONG. Néanmoins, le Gouvernement a conscience du problème et s’est fixé comme objectif, au point 44 de son plan national d’action, de prévenir les avortements sélectifs et d’en réduire le nombre.

20.M. Petrosyan (Arménie), répondant à M. Bouzid, rappelle les dispositions de l’article 13 de la loi relative à la garde à vue et la détention provisoire, mentionnées au paragraphe 287 du rapport qui définit le droit des personnes arrêtées ou placées en détention provisoire de déposer des requêtes et plaintes dénonçant une violation de leurs droits et libertés.

21.M. Sahakyan(Arménie), répondant à une question posée à la séance précédente, dit que les perquisitions ne peuvent être menées qu’avec l’accord d’un juge.

22M me  Chanet dit que la présence d’un avocat dès l’arrestation n’a été évoquée par la délégation que sous l’angle de la prévention des mauvais traitements et souligne que l’avocat doit aussi aider la personne arrêtée à organiser sa défense. En ce qui concerne les perquisitions, elle fait observer que l’existence d’un mandat ne suffit pas et que la présence d’un témoin est nécessaire pour éviter toute fabrication de preuves. Eu égard au paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte, elle demande quelle est l’autorité judiciaire qui statue sur la légalité de la détention des personnes arrêtées.

23.M. Petrosyan (Arménie) dit qu’une personne peut être placée en garde à vue si elle est directement soupçonnée d’avoir commis un acte constitutif d’infraction ou sur décision de l’organe d’enquête. Ce n’est qu’à l’issue de la garde à vue, dont la durée maximale est de soixante-douze heures, qu’une décision de justice est nécessaire pour le maintien en détention du suspect. En revanche, les perquisitions doivent être autorisées par les tribunaux car elles comportent des risques d’atteintes aux droits de l’homme.

24.M. Sarsembayev demande des éclaircissements supplémentaires au sujet des événements survenus le 1er mars 2008. La délégation a affirmé que toutes les armes des forces de l’ordre présentes sur les lieux avaient été saisies mais que l’origine des balles qui avaient été tirées n’avait pas été déterminée. Il se demande qui a pu faire feu si la police est hors de cause et demande si la piste des snipers a été étudiée. En ce qui concerne la proportion de 25 % de femmes dans la police, il demande s’il s’agit d’agents participant activement au maintien de l’ordre ou affectés à d’autres tâches. Il souhaiterait également des éclaircissements concernant les examens médicaux auxquels les détenus auraient droit, mais à leurs propres frais.

25.M me  Harutiunyan (Arménie), rappelant les informations contenues dans le rapport qu’elle a transmis aux membres du Comité, dit que l’enquête relative aux incidents du 1er mars 2008, menée avec l’aide d’experts internationaux, a porté sur des dizaines de témoignages et passé en revue de manière objective tous les scénarios possibles, y compris celui évoqué par M. Sarsembayev. Malheureusement, il n’a pas été possible d’identifier les responsables des 10 décès survenus lors des manifestations.

26.M. Petrosyan (Arménie) dit qu’une unité spéciale a été créée le 1er mars 2012 et que c’est au sein de cette unité, qui doit servir de modèle pour la modernisation des forces de l’ordre, que la proportion de 25 % de femmes a été atteinte grâce aux efforts du Gouvernement en faveur de l’égalité des sexes. Cette unité de patrouille est chargée de réagir aux troubles de l’ordre public au moyen de nouvelles méthodes fondées sur le renforcement de la confiance avec la population. Les membres de cette unité, qui ont suivi des études supérieures et parlent au moins une langue étrangère, reçoivent une formation spéciale à la négociation et à la gestion des situations extrêmes et doivent répondre à des critères d’intégrité et de professionnalisme très élevés. En réponse à la troisième question de M. Sarsembayev, il confirme que les personnes placées en détention ont le droit de solliciter les services d’un médecin de leur choix, à leurs frais, notamment pour évaluer leur état de santé au moment de l’incarcération.

27.M. Hovakimian (Arménie) précise que des soins et des examens de base sont également assurés gratuitement tout au long de la détention. Le droit d’avoir accès au médecin de son choix est garanti dans les lieux de privation de liberté qui relèvent du Ministère de la justice et, à sa connaissance, dans les locaux de détention de la police également.

28.La Présidente remercie la délégation pour ses réponses et invite les membres du Comité à poser des questions complémentaires concernant la deuxième partie de la liste des points à traiter (17 à 30).

29.M. Thelin dit que, selon certaines informations, le pouvoir exécutif jouerait un rôle dans la nomination des juges et exercerait des pressions dans certaines affaires judiciaires considérées comme délicates. De plus, des postes de magistrat et des verdicts favorables pourraient être obtenus en échange de pots-de-vin. À ce sujet, il souhaiterait en savoir plus sur le contenu du plan d’action pour la réforme du système judiciaire adopté par le décret présidentiel en date du 2 juillet 2012 et en particulier sur les mesures prévues pour lutter contre la corruption et pour renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il demande si le paragraphe 189 des réponses à la liste de points à traiter fait référence à une hausse du salaire des juges et invite la délégation à donner des indications sur le niveau de leur rémunération, par exemple par rapport à celle du Président. Comme, d’après certaines informations les juges favoriseraient l’accusation au procès, il encourage l’État partie à se défaire de cet héritage de l’époque soviétique et à veiller à ce que les juges soient dotés des pouvoirs et de l’autorité nécessaires à l’exercice de leur fonction. M. Thelin demande si le Conseil de la magistrature, qui est l’organe disciplinaire du système judiciaire arménien, traite les cas de corruption. Il souhaite aussi savoir si les affaires les plus graves sont renvoyées devant les tribunaux et si des juges ont fait l’objet de condamnations et de sanctions autres que disciplinaires, par exemple la radiation. Concernant les juges soumis à des sanctions disciplinaires, au nombre de 8 en 2010 et de 15 en 2011, il serait intéressant de rapporter ces chiffres au nombre total de juges en Arménie. La délégation est également invitée à préciser quelles sont les organisations internationales qui ont donné une appréciation favorable des efforts fournis par l’État partie en matière de lutte contre la corruption comme indiqué au paragraphe 192 des réponses à la liste des points à traiter. Il note que le Conseil de la magistrature avait considéré le fait que le Ministère de la justice peut engager une procédure disciplinaire à l’encontre de juges comme un élément menaçant l’indépendance des magistrats, et demande si cette situation a été corrigée.

30.Se référant aux réponses écrites données aux questions du paragraphe 18 de la liste des points, M. Thelin demande des précisions concernant les mesures concrètes prévues dans le programme stratégique de lutte contre la corruption mentionné au paragraphe 196, ainsi que sur les éventuels résultats obtenus. Il salue le fait que le bureau du Procureur coopère avec la société civile pour lutter contre la corruption et souhaiterait des exemples concrets de cette coopération.

31.En ce qui concerne la question 19, M. Thelin demande des éclaircissements au sujet de la durée maximale des enquêtes avant la mise en accusation et sur la procédure suivie à expiration du délai. Il souhaiterait des informations sur les procédures de contrôle judiciaire pendant la phase de l’instruction et, vu que la cour d’appel peut contrôler la légalité du placement en détention, il demande si les tribunaux de première instance peuvent également exercer un tel contrôle. Il voudrait savoir également si la durée du procès est prise en compte dans la détermination de la peine.

32.Enfin, M. Thelin remarque que le Comité n’a reçu aucune communication visant l’Arménie depuis son adhésion au Protocole facultatif, en 1993, et se demande si les citoyens arméniens préfèrent se tourner vers la Cour européenne des droits de l’homme ou s’ils n’ont pas été suffisamment informés de la possibilité de saisir le Comité.

33.M. Neuman note que l’examen du projet de loi relatif à la liberté de conscience et aux organisations religieuses a été suspendu en raison des opinions négatives exprimées par la société civile et les organisations religieuses. Il demande si la réforme de la loi a été abandonnée ou si un nouveau projet de loi, dont les dispositions discriminatoires auraient été supprimées, est en cours d’élaboration. En vertu de l’article 18 du Pacte, chacun a le droit de persuader autrui ou d’être persuadé soi-même d’adopter une religion ou une conviction de son choix; il souhaiterait savoir à ce sujet comment est interprété et appliqué l’article 8 de la loi actuellement en vigueur, qui interdit le prosélytisme.

34.La dépénalisation de la diffamation, en 2010, a été une mesure salutaire mais des interrogations et des inquiétudes subsistent du fait de certaines ambiguïtés dans la loi. La décision de la Cour constitutionnelle en date du 15 novembre 2011 concernant la conformité de la législation à la Constitution et aux principes des droits de l’homme constitue un excellent point de départ pour le règlement de ces questions. À ce sujet, il note avec satisfaction que dans sa décision la Cour constitutionnelle cite l’Observation générale no 34 du Comité sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression. Cependant, il serait utile de savoir dans quelle mesure les lignes directrices énoncées par la Cour sont respectées par les juridictions inférieures. Des précisions au sujet de l’arrêt récent de la Cour de cassation sur la question seraient également les bienvenues. M. Neuman souhaite savoir si le nombre de plaintes pour diffamation ou insulte a diminué depuis la décision de la Cour constitutionnelle et si le Conseil de règlement des différends relatifs à l’information a contribué à faciliter le règlement extrajudiciaire des plaintes pour diffamation. Enfin, il demande s’il a été donné suite à la recommandation de la Cour constitutionnelle tendant à réduire le montant maximal des indemnités accordées en cas de préjudice autre que pécuniaire, afin de protéger la liberté d’expression.

35.L’État partie n’a pas répondu à la demande du Comité qui souhaitait des statistiques montrant le nombre de plaintes pour menaces et agressions subies par des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme pendant la période couverte par le rapport. Dans son rapport sur la mission qu’elle a effectuée en Arménie en juin 2010 (A/HRC/16/44/Add.2), la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme a signalé que les journalistes qui critiquaient le Gouvernement ou qui dénonçaient la corruption semblaient être particulièrement exposés aux représailles et que la police et les autorités judiciaires ne faisaient rien pour lutter contre ces actes. Il serait intéressant de savoir si ce constat est toujours valable aujourd’hui ou si la situation s’est améliorée. Des statistiques seraient utiles, ainsi que des renseignements sur les mesures que le Gouvernement a prises ces dernières années pour renforcer la sécurité des journalistes proches de l’opposition et celle des défenseurs des droits de l’homme.

36.L’État partie indique dans ses réponses écrites (par. 239) que le programme visant à favoriser le retour des personnes déplacées à l’intérieur du territoire en raison du conflit avec l’Azerbaïdjan n’a pas pu être mis en œuvre faute de financement. M. Neuman demande si le financement de ce programme provient intégralement de sources étrangères ou si le Gouvernement en assume une partie. Il voudrait également savoir quelles mesures sont prises pour aider les personnes déplacées en attendant qu’elles puissent retourner chez elles, notamment si leur statut de personnes déplacées leur donne droit à des prestations sociales, et s’il est exact que le Gouvernement refuse de déminer la zone concernée et empêche de ce fait le retour des personnes déplacées. Enfin, d’après certaines sources, les réfugiés, naturalisés ou non, n’auraient pas accès aux mêmes droits et prestations sociales que les Arméniens. Si tel est le cas, la délégation voudra bien expliquer les raisons de cette différence de traitement.

37.Sir Nigel Rodley dit ne pas comprendre ce qu’entend l’État partie au paragraphe224 de ses réponses écrites, où il est indiqué que le nombre de mineurs en conflit avec la loi est insuffisant pour justifier la création d’un tribunal distinct, chargé de juger les mineurs. Tel n’était pas le sens de la question du Comité, qui voulait surtout savoir si toutes les affaires concernant des mineurs sont jugées par des juges spécialisés, s’il existe des procédures adaptées aux besoins particuliers des mineurs, notamment en matière de confidentialité et de protection de l’identité, ou si de telles procédures sont prévues dans le nouveau Code de procédure pénale en cours d’élaboration et si les audiences des mineurs se déroulent dans un cadre conforme à ces procédures. La délégation voudra bien apporter des précisions sur ces trois points, car d’après les informations données par l’État partie, il semblerait qu’il y ait des juges spécialisés dans les questions relatives aux mineurs parmi les juges des juridictions à compétence générale mais qu’en raison de la rotation des juges, les mineurs ne soient pas toujours jugés par ces juges spécialisés, et que l’environnement dans lequel se déroulent les audiences auxquelles participent des mineurs ne soit pas adapté aux garanties procédurales particulières dont ces derniers doivent bénéficier.

38.M me Motoc demande des précisions sur la nature des restrictions qui ont été imposées aux médias et aux partis politiques à la suite de la proclamation de l’état d’urgence le 2 mars 2008 et sur leurs implications du point de vue de l’indépendance des médias et des partis politiques. En ce qui concerne les restrictions imposées depuis 2008 à l’organisation par des ONG de manifestations dans des lieux tels que des salles de conférence d’hôtel (question no 24), il serait intéressant de connaître le nombre de demandes de location de salle qui ont été présentées par des ONG et, parmi elles, le nombre de celles qui ont été rejetées par les autorités et pour quels motifs. Des précisions sur le fonctionnement et le mandat du Département du contrôle de l’illégalité des activités des organisations non commerciales seraient également utiles.

39.L’État partie indique dans ses réponses écrites (par. 248) qu’un projet de loi portant modification de la loi de 2009 sur le service civil de remplacement est actuellement à l’étude. Mme Motoc souhaiterait en savoir plus sur la teneur de ce texte. D’après les informations dont dispose le Comité, entre 75 et 80 Témoins de Jéhovah seraient actuellement incarcérés en application de l’article 327 du Code pénal pour avoir refusé d’effectuer le service militaire obligatoire ou un service de remplacement; or ce chiffre ne correspond pas à celui qui figure dans les réponses écrites et des éclaircissements à ce sujet seraient les bienvenus.

40.M. Salvioli demande s’il existe des mesures concrètes visant à détecter et à punir la fraude électorale, à surveiller la manière dont les campagnes électorales sont financées et à empêcher le détournement des ressources administratives. Il demande également quelles mesures ont été prises en réponse aux graves irrégularités qui auraient entaché les élections du conseil municipal d’Erevan le 31 mai 2009. L’État partie indique dans ses réponses écrites qu’il travaille en étroite collaboration avec le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE pour renforcer la surveillance des élections et qu’il applique à cette fin des instructions élaborées par le Bureau. Il serait intéressant de savoir en quoi consistent ces instructions. Dans un rapport de mai 2011 sur les élections législatives en Arménie, l’OSCE signale que les autorités exercent des pressions pour faire élire leurs candidats favoris. M. Salvioli souhaiterait entendre les commentaires de la délégation à ce sujet. Il voudrait également savoir si des mesures sont actuellement mises en œuvre pour faciliter la participation des personnes handicapées aux élections et comment le droit de vote est garanti aux personnes déclarées incapables par décision de justice.

41.M. Ben Achour note que l’État partie évoque dans son rapport le conflit avec l’Azerbaïdjan au sujet du Haut-Karabakh sous l’angle de l’article premier du Pacte, qui consacre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Dans la mesure où cette question relève du Pacte et où les deux États concernés sont parties au Pacte, la procédure établie à l’article 41, qui permet à un État partie de saisir le Comité lorsqu’il estime qu’un autre État partie ne s’acquitte pas de ses obligations au titre du Pacte, aurait tout lieu de s’appliquer. L’Arménie n’a cependant pas fait la déclaration reconnaissant la compétence du Comité qui est requise à cette fin. Elle pourrait peut-être envisager de faire cette déclaration en vue de saisir le Comité.

42.La Présidente propose de suspendre la séance pour permettre à la délégation arménienne de préparer ses réponses aux questions qui viennent de lui être posées.

La séance est suspendue à 11 h 55; elle est reprise à 12 h 10.

43.M. Demirtshyan (Arménie) dit que le décret présidentiel sur la réforme du système judiciaire qui a été adopté récemment prévoit un vaste ensemble de mesures visant à renforcer l’indépendance et l’efficacité du système judiciaire en matière pénale, civile et administrative. Il serait trop long d’exposer les nombreuses mesures prévues mais si le Comité le souhaite, un exemplaire de la version anglaise du décret lui sera remis afin qu’il puisse se faire une idée plus précise de la teneur des mesures en question.

44.M. Sahakyan (Arménie) dit qu’entre autres mesures le décret prévoit la mise en place de procédures équitables, objectives et transparentes aux fins de la répartition des dossiers entre les juges et de l’application de mesures disciplinaires, ainsi que la limitation de la durée du mandat des présidents des juridictions du premier et du second degré. Le barème de traitement des juges est fixé annuellement par la loi sur le budget de l’État. Ces trois dernières années, le salaire des juges des juridictions du premier degré était fixé à environ 1 000 dollars, soit l’équivalent du salaire du Président de la République; il était de 30 % plus élevé pour les juges des juridictions d’appel et de 50 % plus élevé pour les juges de la Cour de cassation.

45.M. Petrosyan (Arménie) dit que le Gouvernement a adopté un programme de lutte contre la corruption pour la période 2009-2012 qui comprend 124 mesures ciblées. Le Directeur de la police a approuvé les mesures visant spécifiquement la police et ses différents services et a élaboré sur cette base une directive anticorruption qui devrait être adoptée prochainement. En 2011, deux officiers de rang supérieur ont été poursuivis et condamnés respectivement à quatre et six ans d’emprisonnement.

46.M me Harutiunyan(Arménie) dit qu’un département chargé de la lutte contre la corruption et le crime organisé a été créé par ordonnance du Procureur général et que le Code de procédure pénale a été modifié en vertu d’une loi portant création d’un service spécial indépendant chargé d’enquêter sur les abus de fonctions commis par des agents de l’État ainsi que sur toute infraction commise par des membres de haut rang des pouvoirs judiciaire, législatif et exécutif dans l’exercice de leurs fonctions. Le Procureur général a également mis en place une procédure spéciale pour détecter les risques de corruption qui définit 22 types de situations à risque.

47.M . Sahakyan (Arménie) dit que dans un rapport de mars 2010, le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE a salué les efforts déployés pour lutter contre la corruption au sein du système judiciaire.

48.M. Demirtshyan (Arménie) dit qu’il y a un juge spécialisé dans les questions relatives aux mineurs dans chaque juridiction et que la rotation des juges est organisée de manière à garantir en toutes circonstances la présence d’un de ces juges spécialisés dans chaque tribunal. Le Code pénal contient des dispositions spécifiques concernant les mineurs, qui prévoient notamment des peines moins lourdes que celles applicables aux adultes. Le Code de procédure pénale contient également des dispositions spéciales qui tiennent compte des besoins particuliers des mineurs. Les lois relatives à l’arrestation, à la détention et aux établissements pénitentiaires comportent aussi des dispositions particulières visant à assurer aux mineurs en détention des conditions plus favorables. Des centres de réadaptation sociale pour mineurs ont été mis en place avec l’aide d’organisations de la société civile et d’organisations internationales, mais le Gouvernement est conscient que des efforts doivent encore être faits dans le domaine de la réinsertion des mineurs délinquants.

49.M me  Harutiunyan (Arménie) explique que les plaintes de journalistes bénéficient de l’attention constante du Gouvernement et de toutes les autorités compétentes, et donne l’assurance que toutes les affaires soumises ont fait l’objet d’une enquête approfondie, dont les résultats ont été rendus publics, et que les responsables ont été condamnés par les tribunaux ou, dans certains cas le procès pénal est en cours.

50.M.  Sahakyan (Arménie) dit qu’une durée maximale n’est pas fixée pour les enquêtes préliminaires et que le tribunal n’exerce aucun contrôle sur ce point. En ce qui concerne la dépénalisation de la diffamation, une loi a été adoptée et les articles du Code pénal et du Code civil qui incriminaient la diffamation ont été abrogés et remplacés par de nouveaux articles. La Cour constitutionnelle et la Cour suprême ont précisé les notions de «calomnie» et d’«insulte», des décrets et d’autres mesures ont été pris pour réglementer ces infractions et les amendes correspondantes ont été prévues. La Cour de cassation a indiqué que dans l’examen de ces questions, il fallait mettre dans la balance d’un côté la liberté d’expression et de l’autre le respect de l’honneur, de la dignité et de la réputation d’autrui, et qu’au moment de fixer le montant d’éventuelles indemnités, les juges devaient soigneusement prendre en considération la situation financière des deux parties.

51.M me  Harutiunyan (Arménie) dit que l’état d’urgence a été proclamé par décret présidentiel le 1er mars 2008 dans la ville d’Erevan, conformément à la Constitution, pour prévenir des menaces contre l’ordre constitutionnel et protéger les droits et l’intérêt légitime de la population.

52.M. Demirtshyan (Arménie) précise à ce sujet que le Parlement a adopté un nouveau projet de loi sur l’état d’urgence en mars 2012 et ajoute que l’on espère ne jamais avoir à l’appliquer. Il n’a connaissance d’aucune restriction qui serait imposée par les autorités à l’organisation de manifestations par des ONG dans de grands lieux de conférence; les hôtels et salles de conférence sont des installations privées et même s’il le souhaitait, l’État n’aurait aucun moyen de contraindre les propriétaires à accepter ou refuser que leurs locaux soient utilisés pour telle ou telle activité. Au sujet du mandat et des activités du Département du contrôle de la légalité des activités des organisations non commerciales, M. Demirtshyan indique que ce Département relève du Ministère de la justice et qu’il est responsable du contrôle de l’enregistrement et de la légalité des activités des ONG. Le Ministère n’a pas le pouvoir de dissoudre une ONG; seuls les tribunaux peuvent le faire. En cas d’infraction à la loi, le Ministère peut seulement adresser un courrier à l’ONG concernée afin qu’elle remédie à la situation, et peut saisir la justice si l’organisation ne s’exécute pas.

53.M me Soudjian (Arménie) rappelle que depuis 1988 l’Arménie a accueilli plus de 360 000 réfugiés azerbaïdjanais. Malheureusement, le retour volontaire des réfugiés et des personnes déplacées dans leur lieu d’origine ne peut pas être réalisé faute de garanties de sécurité de la part de l’Azerbaïdjan. La situation des réfugiés en Arménie fait l’objet d’une attention constante de la part du Gouvernement, dont la politique vise à intégrer pleinement les réfugiés au sein de la société. À la fin 2011, quelque 86 000 réfugiés azerbaïdjanais avaient obtenu la nationalité arménienne. L’acquisition de la citoyenneté arménienne se fait de façon volontaire et les réfugiés qui le souhaitent peuvent l’obtenir en trois jours. Le Gouvernement a mené une grande diversité d’actions pour répondre aux problèmes les plus urgents des réfugiés, notamment celui du logement, qui demeure le plus aigu. Pour le résoudre, il a organisé en mai 2011 à Erevan une conférence internationale des donateurs, afin de mobiliser des ressources.

54.M. Demirtshyan (Arménie) dit que la loi sur la liberté de conscience et de religion contient une liste d’actes qui ne sont pas considérés comme du prosélytisme. Ne sont interdites que certaines formes répréhensibles de prosélytisme, qui sont énoncées dans le nouveau projet de loi et concernent notamment le fait d’exercer une influence sur une personne d’une autre religion ou de chercher à convertir une personne à une autre religion en recourant à la menace ou à la violence physique ou psychique. Le projet de loi répond à toutes les questions ayant trait à la liberté de conscience et de conviction et supprime un grand nombre de restrictions à l’enregistrement des organisations religieuses. L’enregistrement des organisations religieuses composées d’au moins 25 membres est obligatoire. Le projet de loi a été envoyé pour examen à la Commission de Venise et à l’OSCE et a été soumis à un débat public. Il n’est pas suspendu mais a juste été différé le temps de résoudre certains problèmes avec les parties prenantes.

55.Mme  Harutiunyan (Arménie) explique que la plupart des Témoins de Jéhovah ont refusé d’effectuer le service civil de remplacement parce qu’ils estimaient que le service n’était pas placé sous contrôle civil. Des mesures ont été prises en vue de réviser la loi sur le service de remplacement mais comme la révision n’est pas encore achevée 15 personnes sont actuellement en détention parce qu’elles refusent d’effectuer leur service militaire ou un service civil de remplacement. La Commission de Venise, qui a examiné le projet de loi, estime que son adoption constituerait un pas important vers la mise en conformité de la législation avec les normes internationales relatives à l’objection de conscience; en revanche, elle s’est dite préoccupée par la durée du service civil de remplacement, qui est de quarante-deux mois contre vingt-quatre pour le service militaire, ce qui n’est pas conforme aux normes internationales. Un point positif du nouveau projet de loi est qu’il prévoit que les personnes qui effectuent le service civil de remplacement reçoivent leur livret militaire, lequel est nécessaire pour accéder à certains emplois.

56.M.  Demirtshyan (Arménie) dit que le nouveau Code électoral est un excellent outil pour détecter et réprimer la fraude électorale et autres pratiques frauduleuses. Adopté en mai 2011, il a démontré son efficacité lors des récentes élections parlementaires. Le Code contient tous les dispositifs permettant d’assurer la légalité du processus électoral et toutes les garanties pour prévenir et réprimer les infractions. En outre, il prévoit les sanctions qui s’appliquent aux cas d’infractions graves.

57.En ce qui concerne les mesures disciplinaires et judiciaires qui peuvent être prises contre les membres de l’appareil judiciaire, il faut préciser que le Ministère de la justice a uniquement la possibilité de saisir le Conseil de justice mais n’a pas le pouvoir d’influencer les décisions de ce dernier.

58.M me Harutiunyan (Arménie) ajoute que le bureau du Procureur est l’organe de coordination entre les autorités de police. Avant la tenue d’élections, il constitue des groupes de travail ad hoc composés de magistrats expérimentés qui traitent les plaintes déposées et diligentent des enquêtes. À la suite des élections du conseil municipal d’Erevan en mai 2009, neuf affaires criminelles pour infraction à la législation électorale ont été ouvertes et cinq personnes ont été condamnées.

59.M me Soudjian (Arménie)dit qu’il n’existe pas de loi distincte sur la discrimination à l’égard des personnes handicapées, mais que plusieurs textes contiennent des dispositions expresses sur la question, notamment la Constitution, le Code du travail, la loi sur l’emploi et la protection sociale en cas de chômage et le projet de loi sur la protection des droits et l’intégration sociale des personnes handicapées. La Commission centrale électorale a pris note des recommandations contenues dans le rapport final du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE et coopère étroitement avec des partenaires nationaux et internationaux pour garantir aux handicapés l’exercice sans restriction du droit de vote.

60.M. Salvioli sait que l’Arménie a à cœur de prendre des mesures efficaces en faveur des personnes qui ont été victimes de disparition forcée pendant le conflit du Haut-Karabakh; il souhaiterait que la délégation fasse parvenir au Comité des informations écrites sur les mesures qui peuvent être prises en concertation avec le Gouvernement azerbaïdjanais pour identifier les victimes et accorder réparation aux familles.

61.M.  Thelin souhaiterait que la délégation communique par écrit les éléments clefs du plan d’action pour la réforme judiciaire adopté le 2 juillet et demande aussi combien de juges sont condamnés pour corruption.

62.M me Motoc demande des précisions sur le nouveau projet de service civil de remplacement car selon certaines sources le nouveau service civil ne s’appliquerait pas à la situation des objecteurs de conscience que sont les Témoins de Jéhovah, ce qui aurait été confirmé notamment par la Commission de Venise.

63.M. Hovakimian (Arménie) dit que son pays est en pleine évolution et que de nombreux plans et activités sont encore prévus pour l’avenir. Sur la question de l’autodétermination, le Groupe de Minsk de l’OSCE est le cadre qui a été choisi pour la recherche d’un règlement du conflit sur le Haut-Karabakh; toutefois ce n’est pas de l’autodétermination de l’Arménie qu’il est question mais de celle du Haut-Karabakh et par conséquent il faudrait réfléchir à la façon dont les autorités de facto du Haut-Karabakh pourraient être associées aux travaux du Groupe de Minsk. En ce qui concerne les mesures prises en faveur des victimes de disparition forcée, la question relève des autorités du Haut-Karabakh.

64.La délégation ne manquera pas de faire parvenir au Comité des renseignements par écrit sur les questions restées sans réponse.

65.La Présidente remercie la délégation pour le dialogue franc et fructueux qui vient d’avoir lieu et espère que le prochain rapport montrera de nouveaux progrès. Depuis la présentation de son rapport initial, l’Arménie a continué d’apporter à sa législation les modifications nécessaires pour la rendre conforme au Pacte, mais il y a eu des revers. Les événements du 1er mars 2008 ont eu des conséquences profondes sur la situation des droits de l’homme dans le pays et ont arrêté l’évolution vers plus de démocratie. L’absence de véritables investigations sur les faits qui se sont produits est regrettable, d’autant que ces événements ont eu lieu il y a quatre ans. L’une des conséquences est la persistance de l’impunité au sein des forces de l’ordre. Les allégations, provenant de sources diverses, de mauvais traitements infligés par la police à des détenus sont également préoccupantes, et le Comité n’a pas eu de réponse sur les mesures prises par l’État partie pour y donner suite. L’absence de statistiques relatives à la violence au foyer empêche de connaître l’ampleur du problème. La réponse à la question de la prévention et de la répression des violences sexistes et de la violence au foyer était assez générale.

66.La Présidente précise que la délégation peut faire parvenir des renseignements complémentaires dans un délai de quarante-huit heures pour que le Comité puisse en tenir compte dans ses observations finales.

La séance est levée à 13 h  5 .