Nations Unies

CERD/C/SR.2140

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

13 septembre 2013

Français

Original: anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Quatre-vingtième session

Compte rendu analytique de la 2140 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 22 février 2012, à 10 heures

Président:M. Avtonomov

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Dixième à quatorzième rapports périodiques du Viet Nam(suite)

La séance est ouverte à 10 h 10.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Dixième à quatorzième rapports périodiques du Viet Nam (suite)(CERD/C/VNM/10-14;CERD/C/VNM/Q/10-14)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation vietnamienne reprend place à la table du Comité.

2.M. Ha Hung (Viet Nam) dit que son Gouvernement, qui s’emploie à garantir les droits fondamentaux de l’homme, est d’avis que le développement économique va de pair avec des principes tels que l’égalité sociale et la protection des identités. Les observations formulées par les membres du Comité ont été, dans l’ensemble, positives et constructives et ont mis en relief les succès enregistrés par le pays ainsi que les domaines dans lesquels des efforts supplémentaires doivent être consentis pour garantir les droits des minorités ethniques.

3.M. Hoa Huu Long (Viet Nam), évoquant des questions d’ordre juridique et judiciaire et répondant à une question concernant l’absence de définition de la discrimination raciale dans la législation vietnamienne qui soit conforme à l’article premier de la Convention, dit que la Constitution vietnamienne interdit la stigmatisation et la discrimination ainsi que l’incitation à la violence ou à la haine. La législation vietnamienne qualifie d’infractions les actes motivés par la haine et l’incitation à la violence fondée sur des motifs ethniques ou religieux, lesquels sont passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à quinze ans d’emprisonnement. La législation nationale traite donc de «l’acte» de discrimination, même si elle n’en donne pas la définition. Le Gouvernement continuera d’examiner cette question, en particulier à la lumière du processus de réforme constitutionnelle engagé.

4.S’agissant de la recommandation visant à promulguer une loi distincte sur la discrimination raciale, M. Hoa Huu Long dit qu’il existe tout un éventail de lois qui traitent des droits et obligations des 54 minorités ethniques vivant au Viet Nam. Toutes les dispositions en vigueur sont axées sur une approche stratégique commune et cohérente qui se fonde sur le principe d’égalité des groupes ethniques et comprennent des mesures de traitement préférentiel des minorités ethniques afin de réduire leur retard socioéconomique, en particulier dans les zones rurales ou reculées. Il a déjà été demandé au Gouvernement de se doter d’une loi autonome et les ressortissants vietnamiens de l’étranger ont souhaité qu’une loi spécifique codifie leurs droits et obligations. Le Gouvernement a l’intention d’examiner ces questions.

5.S’agissant de l’adoption de nouveaux instruments et textes de loi, la loi no 48 de 2010 prévoit le renforcement du système juridique par le biais, notamment, d’une réforme de ses mécanismes d’application. D’autres mesures ont été prises pour permettre au pays de relever les défis de l’économie de marché, d’améliorer la gouvernance et l’intégration internationale et, globalement, d’ériger un État meilleur. La Constitution reflète l’engagement pris en faveur des droits de l’homme et les décisions nos 6 et 20 comprennent des dispositions relatives aux droits de l’homme. Six nouvelles lois ont été élaborées dans les domaines, entre autres, des droits de l’homme, des droits civils, de la profession notariale, de la certification et des manifestations. Le Gouvernement continuera d’envisager la possibilité de ratifier la Convention sur les personnes handicapées, la Convention contre la torture et le statut de Rome de la Cour pénale internationale. Par sa décision no 49, le Gouvernement a également présenté un programme de réforme judiciaire et défini les mandats et les responsabilités des acteurs de l’appareil judiciaire.

6.Entre autres mesures adoptées pour améliorer l’action des institutions d’aide judiciaire, il convient de mentionner l’établissement d’une équipe de professionnels compétents et la surveillance des travaux des organes élus.

7.S’agissant des instruments internationaux, la législation vietnamienne prévoit qu’en cas de conflit entre le droit international et le droit interne, c’est le premier qui prime et que la législation nationale ne peut contrevenir aux dispositions internationales traitant de la même question. S’il a été décidé de reconnaître la nature contraignante du droit international en tout ou en partie, les dispositions contraires figurant dans la législation nationale peuvent être modifiées ou abrogées.

8.M me Vy Xuan Hoa (Viet Nam), évoquant les mesures prises pour renforcer le développement socioéconomique des minorités ethniques, dit que tout un train de mesures a été réalisé, compte dûment tenu des recommandations de l’Experte indépendante sur les questions relatives aux minorités. Certaines mesures d’ordre socioéconomique concernent les régions où vivent de nombreuses minorités ethniques et comprennent des programmes nationaux ciblés destinés aux communautés ethniques minoritaires et des dispositifs de lutte contre la pauvreté, dont des investissements dans les infrastructures, l’accès à l’eau potable, la formation et l’éducation, en particulier dans les zones reculées et dans les îles.

9.L’exécution des programmes se heurte à plusieurs difficultés, dont les restrictions financières, les répercussions du déclin économique sur les zones éloignées et rurales et les conséquences des catastrophes naturelles dans les zones reculées et montagneuses.

10.Dans le domaine de la culture, des dispositions spéciales promeuvent le patrimoine culturel tangible et intangible des minorités ethniques par le biais de festivals et d’un réseau d’information communautaire. Des efforts sont faits pour fournir les outils nécessaires aux communautés ethniques minoritaires afin d’accroître la production cinématographique dans les zones reculées grâce aux moyens technologiques et une journée de la culture est organisée chaque année à Hanoi.

11.Dans le domaine de l’éducation, des politiques spécifiques ont été mises en œuvre pour venir en aide aux enfants des minorités ethniques moyennant, par exemple, des mesures de prise en charge des frais de scolarité et du matériel scolaire, un réseau de pensionnats privés et des politiques d’incitation des élèves de minorités ethniques à poursuivre un enseignement universitaire. Le décret no 82 encourage l’enseignement et l’apprentissage des langues ethniques et, avec le concours de l’UNICEF, le Ministère de l’éducation a lancé un programme de soutien de l’enseignement bilingue.

12.S’agissant de la sensibilisation sociale, le Gouvernement central et les autorités régionales et locales s’emploient à éliminer les stéréotypes. La décision no 554 sur la communication du savoir juridique vise à sensibiliser davantage les fonctionnaires travaillant dans les zones où vivent de nombreuses populations ethniques aux dispositions légales relatives aux minorités ethniques. Parmi les autres mesures de sensibilisation, il convient de citer les campagnes menées par radio et par voie de presse et les activités de promotion réalisées par des personnalités connues.

13.S’agissant de la participation des minorités ethniques aux processus décisionnels, des informations sont diffusées au niveau local afin que la population soit davantage informée de ses droits et des actions de formation et de promotion ont été effectuées. Les minorités ethniques peuvent faire entendre leur voix par le truchement de leurs représentants directs. Les organes directeurs consultent les associations dans le souci d’améliorer les politiques visant les minorités ethniques et d’examiner et surveiller les plaintes.

14.Pour ce qui est du développement social et du respect de la législation pertinente, le conseil des nationalités de l’Assemblée nationale élabore des activités de suivi et de mise en œuvre. Les politiques nationales encouragent le développement socioéconomique et l’égalité en privilégiant les groupes désavantagés, y compris les minorités ethniques.

15.En matière de propriété foncière, la législation vietnamienne prévoit l’indemnisation et la réinstallation des personnes affectées par des projets de production d’énergie hydroélectrique ou autres répondant à l’intérêt public. Plusieurs programmes ont été conçus pour veiller à ce que les personnes réinstallées bénéficient de conditions plus favorables, en parallèle de mesures additionnelles de création d’emplois et de financement d’activités de formation et d’autres mesures incitatives.

16.S’agissant de la question de la représentation des minorités ethniques au sein du Gouvernement, plusieurs membres de groupes ethniques minoritaires occupent un poste au sein du Gouvernement et sont représentés dans d’autres instances et institutions publiques.

17.Pour ce qui est des consultations menées auprès des organisations nationales lors du processus d’élaboration du rapport du Viet Nam au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, plusieurs réunions ont été organisées avec les représentants de diverses ambassades à Hanoi ainsi qu’avec des fonctionnaires du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et de l’UNICEF.

18.Le Gouvernement vietnamien encourage la traduction des textes dans les langues des minorités ethniques et des incitations sont prévues pour la publication de documents dans ces langues.

19.Des institutions s’occupent expressément des questions relatives aux minorités. Au niveau central, le Comité chargé des questions relatives aux minorités ethniques applique et évalue les politiques axées sur les minorités ethniques. Plusieurs départements s’intéressent à ces questions au niveau provincial, des services analogues existant également au niveau des districts et des communes.

20.Le Gouvernement prendra note des observations du Comité concernant les données statistiques, en particulier pour ce qui est de leur ventilation par minorité ethnique dans le système éducatif, et fournira les informations pertinentes dans son prochain rapport.

21.M. Ha Hung (Viet Nam) souligne que plusieurs membres de la délégation vietnamienne appartiennent à des minorités ethniques.

22.M me Trinh Thi Thuy Hang (Viet Nam) dit que des mesures de traitement préférentiel ont été adoptées en faveur des minorités ethniques en parallèle de toute une série d’autres dispositifs visant à réduire la pauvreté, en particulier des minorités ethniques. Des objectifs ont été établis en matière de formation professionnelle et des démarches effectuées pour mobiliser les ressources aux fins de formation et d’emploi des minorités ethniques. Il s’agit pour l’essentiel d’activités de formation professionnelle et de mesures d’incitation prises en direction des entreprises. Plusieurs dispositifs sont mis en œuvre pour encourager la création d’emplois, faciliter l’accès aux marchés étrangers du travail et soutenir les districts et ménages pauvres pour assurer une réduction durable de la pauvreté.

23.En ce qui concerne la politique du troisième enfant, plusieurs études ont montré que les minorités ethniques ont un taux de natalité inférieur à la moyenne, raison pour laquelle ce nombre a été utilisé comme point de référence.

24.Pour ce qui est des politiques relatives aux groupes ethniques peu nombreux, ces derniers bénéficient de mesures et programmes additionnels, dont un accès préférentiel au crédit, aux opportunités d’emploi, à l’éducation et aux soins de santé et un approvisionnement en eau. L’État finance également des projets d’infrastructure et des programmes de réinstallation.

25.Des mesures sont prises pour lutter contre la traite des êtres humains, qui ne touche pas seulement les communautés ethniques minoritaires, sous la forme, notamment, de projets de lutte contre la traite des femmes et des enfants moyennant des stratégies de communication, des projets de prévention, des campagnes de sensibilisation et l’aide aux victimes.

26.Un mariage ne peut être contracté que si les deux parties, qui doivent avoir atteint l’âge de la majorité, y consentent. Les exemples de mariage interethnique sont pléthores.

27.L’article 28 du Code civil, qui traite de l’identité ethnique, prévoit que l’origine ethnique d’un enfant est établie en fonction des pratiques suivies par l’un des deux parents. En vertu de l’article 2, le tuteur légal d’un enfant peut demander à modifier l’origine ethnique de celui-ci, par exemple en cas d’adoption, pour autant que l’enfant y consente. Les groupes ethniques ont les mêmes droits en matière de liberté d’association que les autres.

28.S’agissant des stéréotypes et de la stigmatisation, la législation vietnamienne interdit expressément la stigmatisation fondée sur la nationalité ou l’origine ethnique. L’Experte indépendante sur les questions relatives aux minorités a clarifié les allégations formulées à cet égard par certaines organisations non gouvernementales (ONG).

29.M. Nong Van Luu (Viet Nam), évoquant la question de l’incorporation dans la législation nationale de la définition de la discrimination raciale, dit qu’au Viet Nam le terme «nationalité» recouvre deux aspects: celui de la nation du Viet Nam et celui du groupe ethnique au sein de la nation. Les critères d’identification à un groupe ethnique au Viet Nam sont les suivants: une langue commune, une culture commune et l’auto-identification à un groupe ethnique. Il est impossible de savoir à quelle race une personne appartient au Viet Nam, seule l’appartenance à un groupe ethnique pouvant être établie. Sur les 54 groupes ethniques que compte le pays, dix vivent dans des régions montagneuses qui sont réparties sur plus de 1 385 communes. Bien que la discrimination raciale n’existe pas au Viet Nam, un fossé socioéconomique sépare la population majoritaire et les minorités en raison de différences qui tiennent à leur nombre, à leur culture et à leur niveau d’instruction. Le Gouvernement s’emploie à y remédier en accordant un traitement préférentiel aux minorités ethniques, conformément à l’article 4 de la Convention. La législation vietnamienne consacre le principe d’égalité ethnique, interdit la discrimination ainsi que la haine ou la stigmatisation d’une quelconque nationalité, et offre un soutien aux minorités ethniques en s’inspirant de la définition de la discrimination raciale donnée par la Convention.

30.Au Viet Nam, le terme «peuples autochtones» a une connotation négative parce que c’était celui employé à l’époque coloniale pour distinguer les citoyens vietnamiens des étrangers qui régnaient sur le pays. En l’absence de consensus sur le point de savoir quels groupes ethniques sont autochtones, l’on préfère employer les notions de groupe «majoritaire» et de groupes «minoritaires». L’État partie continuera de tenir compte de la suggestion du Comité tendant à ce que la définition de la discrimination raciale soit incorporée dans la législation vietnamienne.

31.Il est vrai que plusieurs ONG, en particulier des ONG étrangères, estiment que les minorités ethniques sont victimes d’une discrimination au motif, notamment, de leur religion. Or, aucune discrimination de cette nature, en droit ou en pratique, n’existe au Viet Nam. Le représentant cite des exemples de la façon dont les bouddhistes theravada et les protestants sont encouragés à pratiquer librement leur religion. La législation sur les activités religieuses est parfois mal comprise, y compris par les fonctionnaires, et des efforts sont actuellement consentis pour qu’elle soit mieux connue.

32.Les minorités ethniques enfreignent parfois la loi comme on l’a vu récemment lors de l’important rassemblement de membres de la communauté hmong dans la province de Dien Bien. Les organisateurs ont persuadé les habitants de quitter leur maison et bouclé la zone, empêchant les agents de l’État et d’autres responsables d’y accéder. De nombreuses personnes ont perdu connaissance au cours des mouvements de foule. Les organisateurs de cet événement ont prôné le séparatisme et la haine ethnique et le désordre public qui a suivi a contraint les autorités à intervenir, non pas en recourant aux forces armées mais en faisant appel à des forces civiles, dont des médecins, pour convaincre les habitants de rentrer chez eux afin de s’y faire soigner. Les organisateurs qui ont refusé la dispersion des manifestants ont été arrêtés.

33.Les informations alléguant une répression des manifestants ont été déformées; des mesures n’ont été prises que lorsque les manifestations n’étaient pas autorisées ou n’étaient pas pacifiques. De même, il est faux que Ma Van Bay a été arrêté pour avoir traduit la Bible en langue hmong; il a, en réalité, été interpellé après s’être évadé de prison où il purgeait une peine pour fraude et usurpation de propriété. S’agissant des autres plaintes selon lesquelles 300 Chams auraient été tués et privés de leurs biens, il s’est avéré que les auteurs de ces plaintes avaient falsifié leur identité ou avaient des problèmes psychologiques.

34.Si les membres des groupes ethniques commettent des infractions, cela est souvent dû à leur manque d’instruction ou à leur méconnaissance de la loi. L’éducation est considérée comme l’outil le plus efficace pour corriger cette situation; les personnes qui expriment des regrets font l’objet de clémence et sont pour la plupart autorisées à retourner dans leur communauté. Elles ne subissent pas de discrimination et bénéficient des politiques relatives aux minorités ethniques. Celles qui ont été condamnées à de la prison purgent généralement leur peine dans leur région d’origine.

35.M. Ha Hung (Viet Nam), faisant remarquer que les institutions nationales des droits de l’homme diffèrent largement selon les pays, dit que son Gouvernement envisage d’établir une telle instance qui soit adaptée aux spécificités du Viet Nam. Le Gouvernement a coopéré avec succès avec les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, comme en atteste la visite récente de quatre d’entre eux, entre juillet 2010 et novembre 2011, à savoir de l’Experte indépendante chargée des questions relatives aux minorités, de l’Expert indépendant chargé des droits de l’homme et de l’extrême pauvreté, de l’Expert indépendant sur la dette étrangère et les droits de l’homme, et du Rapporteur spécial sur le droit à la santé. Le Viet Nam continue de respecter les engagements qu’il a contractés au titre de l’examen périodique universel (EPU).

36.Le Viet Nam compte peu d’immigrés, la plupart d’entre eux étant des travailleurs sous contrat ou des étudiants. Les étrangers qui se marient avec un ressortissant vietnamien et s’installent au Viet Nam sont pour l’essentiel originaires des États-Unis d’Amérique, d’Europe, du Japon, et d’Asie de l’Est et du Sud-Est. De nombreux Sud-Coréens vivent au Viet Nam et jouissent pleinement de leurs droits et libertés, sans stigmatisation ou discrimination. Le Viet Nam compte des millions de touristes, ce que le Gouvernement encourage, qui ne subissent aucune discrimination, ni en droit ni en pratique.

37.M me Dah encourage l’État partie à envisager de remplacer la notion de «minorités» par celle de «peuples autochtones». Étant donné que les mouvements d’immigration massifs qui se sont produits tout au long de l’histoire ne permettent pas toujours d’identifier aisément les peuples qui sont ou non autochtones, le Comité recommande généralement aux États parties de se fonder, pour ce faire, sur l’auto-identification.

38.M. Diaconu comprend que les autorités aient été contraintes d’intervenir lorsque les droits de l’homme ont été enfreints, comme dans les cas évoqués par la délégation, durant les manifestations de masse de membres de la communauté hmong mais juge important d’éviter que des situations analogues se reproduisent à l’avenir. La meilleure manière d’y parvenir est de développer de meilleures relations avec les groupes ethniques minoritaires et de mieux les comprendre. Des efforts plus importants doivent être consentis pour informer les groupes minoritaires et la population majoritaire du principe de coexistence harmonieuse.

39.M. Vázquez dit que bien que la loi interdise les stéréotypes négatifs à l’encontre des minorités ethniques, cela ne suffit pas à les éliminer dans la pratique et que les autorités doivent lutter plus énergiquement contre cette tendance. À cet égard, il aimerait savoir quelles informations ont été communiquées à l’Experte indépendante sur les questions relatives aux minorités. M. Vázquez dit que s’il a bien compris, l’objectif visé par les modifications apportées à l’article 87 du Code pénal est de protéger les minorités. Il remarque, toutefois, que tel qu’actuellement libellé, l’article en question peut être utilisé contre les minorités, par exemple pour justifier des arrestations lors de manifestations pacifiques, ce dont le Comité a, du reste, été informé. M. Vázquez suggère de modifier l’article 87 afin qu’il soit clair qu’il a pour objet de protéger les minorités.

40.M. de Gouttes dit que les divergences entre les réponses de la délégation et les informations communiquées par des ONG révèlent un malentendu considérable entre elles, ce à quoi il convient de remédier. À l’instar d’autres membres du Comité, il encourage le Gouvernement à envisager de remplacer le concept de «minorités» par celui de «peuples autochtones». Il souhaite savoir avec quelles ONG l’État partie dialogue et coopère le plus et si le Gouvernement envisage d’établir une institution nationale des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris. Il serait utile que le rapport périodique suivant du Viet Nam contienne des informations sur ce point.

41.M. Ewomsan, décrivant les différents aspects de la discrimination raciale figurant dans la définition donnée à l’article premier de la Convention, dit qu’il est primordial d’incorporer cette définition dans la législation vietnamienne. La discrimination raciale est une question qui dépasse largement la discrimination contre les groupes ethniques.

42.M. Thornberry, se référant à l’affirmation de la délégation selon laquelle un soutien accru aux minorités pourrait enfreindre le principe de non-discrimination, souligne que ce principe n’est pas rigide. Il cite à cet égard le paragraphe 8 de l’observation générale no 32 du Comité qui indique que l’application d’un traitement différencié «constitue une discrimination si les critères de différenciation, jugés à la lumière des objectifs et des buts de la Convention, ne visent pas un but légitime et ne sont pas proportionnés à l’atteinte de ce but». Cette observation générale précise que l’expression «non-discrimination» n’implique pas l’application obligatoire d’un traitement uniforme lorsqu’il existe des différences importantes de situation entre un individu ou un groupe et un autre ou, en d’autres termes, si la différence de traitement est motivée par des éléments objectifs et raisonnables. M. Thornberry souligne également que la notion de mesures spéciales est évoquée au paragraphe 4 de l’article premier et au paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention.

43.Plusieurs États parties ont refusé d’incorporer l’expression «discrimination raciale» dans leur législation au motif que cela risquait d’être interprété comme cautionnant la notion de races, ce à quoi le Comité a rétorqué que la Convention a été conçue pour combattre les racistes qui soutiennent ce point de vue. Étant donné que l’origine ethnique et l’origine nationale sont probablement les deux motifs les plus courants de discrimination, l’omission de l’un de ses deux aspects dans une loi pourrait créer un vide juridique. C’est la raison pour laquelle le Comité recommande aux États parties d’incorporer pleinement dans leur législation interne la définition figurant dans la Convention.

44.Les instruments relatifs aux droits de l’homme ne définissent pas tous de la même manière la notion de peuples autochtones et la définition qui en est donnée à l’article premier de la Convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) relative aux peuples indigènes et tribaux en est un exemple. Bien que les peuples autochtones ne soient pas définis dans la Déclaration des Nations Unies sur le droit des peuples autochtones, cet instrument permet, dans l’ensemble, de se faire une idée précise des personnes qu’elle recouvre. Le concept de peuples autochtones ne devrait pas être restreint à ceux qui se sont les premiers établis sur un territoire donné, ce critère fonctionnant de manière efficace dans certains contextes nationaux ou géographiques mais moins bien dans d’autres. Les peuples autochtones peuvent également être considérés comme tels du fait de leur mode de vie, du lien qui les unit à la terre et d’autres critères. Le concept clef en l’espèce est l’auto-identification, comme indiqué dans l’observation générale n° 8 du Comité et la Convention no 169 de l’OIT.

45.Une différence importante entre un groupe décrit comme constituant une minorité ethnique et un groupe décrit comme constituant un peuple autochtone est que ce dernier bénéficie d’un plus large éventail de droits, ce qui a une forte incidence sur la protection qui lui est accordée et l’expression de son identité.

46.M. Ha Hung (Viet Nam) dit que les autorités vietnamiennes continueront d’examiner les notions de race, d’origine ethnique et de statut autochtone. Compte tenu du fait que les peuples autochtones ont été relégués à un rang inférieur durant la longue période de colonisation, le terme «autochtone» est sorti du vocabulaire courant lorsque le Viet Nam a été libéré et a accédé à l’indépendance. La situation a toutefois évolué depuis et de nouvelles études seront entreprises, non seulement par les représentants de l’État mais aussi par des scientifiques, en vue d’élaborer une approche officielle de la question et de parvenir à un consensus au sein de la communauté vietnamienne.

47.M. Nong Van Luu (Viet Nam) dit que l’article 87 du Code pénal n’est pas dirigé contre les minorités ethniques et n’a pas pour objet de réprimer le droit à la liberté d’opinion et d’expression. Étant donné que le Viet Nam est un pays multiethnique et multiculturel, il importe toutefois de veiller à ce que les différents groupes et communautés ethniques puissent vivre en harmonie les uns avec les autres. Il y a une différence entre l’expression pacifique de son opinion et l’incitation à la haine et à la violence ou l’encouragement au conflit entre groupes ethniques. Lors de l’EPU de 2009, le Viet Nam a proposé que les experts internationaux et les juristes vietnamiens soient encouragés à travailler de concert en vue d’un réexamen du Code pénal vietnamien et d’une harmonisation de plusieurs dispositions sensibles qui font l’objet d’interprétations contradictoires. Le Viet Nam a également entrepris de mettre en conformité son Code pénal et son Code de procédure pénale avec les dispositions des instruments internationaux qu’il a ratifiés.

48.M. Vu Anh Quang (Viet Nam) explique que l’observation formulée par l’Experte indépendante sur les questions relatives aux minorités dans son rapport au sujet des stéréotypes employés pour stigmatiser les minorités ethniques était basée sur une information émanant d’une ONG. L’information fournie sur ce point par le Gouvernement vietnamien figure également dans le rapport périodique à l’examen.

49.M. Pham Hai Anh (Viet Nam) dit que son Gouvernement envisage d’établir dans un avenir proche une commission nationale des droits de l’homme adaptée aux spécificités du Viet Nam. Les principes relatifs au statut des institutions nationales (Principes de Paris) ont été adoptés par l’Assemblée générale des Nations Unies en tant que document de référence, de sorte qu’il doit également être tenu compte des caractéristiques nationales et régionales des pays. L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) a établi une commission intergouvernementale des droits de l’homme dont le Viet Nam a présidé la deuxième session, en 2010. L’orateur rappelle que la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a demandé instamment aux autres régions de suivre l’exemple de l’ASEAN.

50.M. Vu Anh Quang (Viet Nam) dit qu’il faut sans nul doute améliorer l’éducation et le niveau de vie des minorités ethniques pour éviter qu’elles aient le sentiment de devoir s’installer ailleurs à la recherche de conditions de vie meilleures.

51.Tous les représentants de l’État, y compris les fonctionnaires des autorités locales, doivent recevoir une formation pour comprendre les préoccupations des administrés et répondre à leurs problèmes. Il faut également établir des contacts avec les minorités ethniques et encourager les personnes les plus influentes au sein des communautés à exercer la fonction de chef de village. Il est également important de renforcer l’unité entre les groupes ethniques vivant dans la même localité de manière à éviter qu’ils se sentent contraints à s’établir dans une autre région.

52.Des mesures devront être prises pour éviter que des abus soient commis au nom des croyances religieuses, certains individus ayant déjà invoqué des arguments religieux pour justifier l’usage de la force. Les autorités ont invité les chefs religieux à expliquer à la population que certaines activités, imputables à une petite minorité seulement, sont incompatibles avec leurs croyances religieuses. Les membres des communautés locales ont demandé aux autorités de s’occuper de ces éléments indésirables.

53.M. Amir souhaite savoir s’il existe des communautés musulmanes au Viet Nam et, dans l’affirmative, si elles vivent dans des zones déterminées et sont organisées selon leurs croyances religieuses ou leur origine ethnique. Il souhaite également savoir si elles peuvent pratiquer librement leur religion conformément au principe de tolérance religieuse consacré par la Constitution.

54.M. Ewomsan dit qu’un des motifs de la discrimination raciale est l’ascendance et qu’un autre est lié à l’appartenance à une caste, un système qui permet de légitimer une hiérarchisation sociale. Il souhaite savoir s’il existe une telle stratification sociale au Viet Nam et si des mesures ont été prises pour lutter contre ce phénomène.

55.M. de Gouttes qualifie d’importantesles difficultés auxquelles sont particulièrement confrontés les femmes et les enfants des groupes ethniques vivant dans des zones montagneuses reculées frappées par un fort taux de pauvreté. Du fait de l’extrême pauvreté de ces régions, des enfants adoptés ont été maltraités et des réseaux de traite illicite y ont même parfois vu le jour. Prenant note de l’action engagée par le Viet Nam pour lutter contre les adoptions illégales, notamment par le biais d’accords internationaux, M. de Gouttes aimerait en savoir plus sur ces types de mesures.

56.M. Saidou demande si l’État partie envisage de faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention afin de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de personnes ou de groupes de personnes.

57.M. Lindgren Alves souhaiterait obtenir des précisions sur les observations faites par certains membres du Comité concernant les groupes qui sont reconnus au Viet Nam comme des minorités mais non comme des peuples autochtones. Il se demande si les peuples autochtones se définissent, en Asie, de façon générale, comme des peuples ayant des coutumes et des traditions différentes de la population majoritaire et qui se sont établis dans le pays concerné avant l’arrivée de cette dernière.

58.Le Président estime qu’il serait souhaitable que le Comité tienne une discussion sur cette question, par exemple à la lumière de la Convention no 169 de l’OIT, qui traite des peuples indigènes et tribaux.

59.M. Amir dit que le rapport du Viet Nam envoie un message fort au Comité. L’objectif principal de l’État partie est de consolider son unité nationale et sa souveraineté afin qu’elles bénéficient à tous les Vietnamiens, quelle que soit leur origine ethnique. Toutes les communautés autochtones, avec leur culture et leur mode de vie, doivent participer au projet d’édification d’une forme d’unité nationale qui doit être protégée et renforcée.

60.M. Calí Tzay dit que la question de savoir qui est arrivé en premier dans un pays n’est pas pertinente et que la question essentielle est de savoir comment les minorités ethniques ou les peuples autochtones s’identifient. Le Viet Nam devrait respecter leurs choix.

61.M. Calí Tzay se demande si l’on peut déduire de l’existence de lois garantissant les droits des minorités ethniques que ces minorités sont effectivement désavantagées et victimes de discrimination et souhaite savoir, dans l’affirmative, ce que l’État partie entend faire pour protéger les minorités ethniques contre la discrimination.

62.M. Nong Van Luu (Viet Nam) dit qu’il existe une petite communauté musulmane dans le pays qui vit essentiellement dans une zone habitée par le peuple cham. Les musulmans peuvent pratiquer librement leur religion; ils envoient leurs enfants étudier dans des pays islamiques et organisent des pèlerinages annuels à la Mecque. Trois organisations islamiques sont chargées dans le pays de la gestion des affaires relatives aux musulmans. Le peuple cham, dans sa grande majorité, a conservé sa langue, sa religion et sa culture. Des frictions ont eu lieu entre certains groupes, mais qui ne sont pas liées à l’origine ethnique.

63.M. Pham Hai Anh (Viet Nam) indique que le Gouvernement envisage de faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention.

64.M. Nguyen Thanh Binh (Viet Nam) dit que le Gouvernement a mis en œuvre un plan d’action de lutte contre la traite des femmes et des enfants, y compris aux fins d’adoption. Ce plan a pour but de sensibiliser les femmes des minorités ethniques à cette question et d’améliorer leurs opportunités d’emploi et leur niveau de vie. Les forces de police nationales et régionales coopèrent pour prévenir la traite et démanteler les organisations criminelles qui se livrent à cette pratique.

65.M. Vu Anh Quang (Viet Nam) dit que sa délégation a coparrainé les résolutions du Conseil des droits de l’homme visant à prévenir et à combattre la traite des personnes, y compris des femmes et des enfants. Cette infraction est désormais passible de peines plus sévères et les personnes reconnues coupables de traite ne peuvent bénéficier d’aucune amnistie.

66.Les peuples autochtones n’ont pas été reconnus en tant que tels parce qu’il n’y a pas de consensus au Viet Nam sur ce qui différencie un peuple autochtone d’un groupe ethnique. Cette question est complexe et requiert un examen plus approfondi, d’autant que le fréquent métissage entre groupes ethniques, qui rend difficile la distinction de chacun, complique encore davantage les choses.

67.M. Ewomsan dit que le concept de peuples autochtones est essentiellement fondé sur l’auto-identification et le mode de vie des individus, ce second critère étant intimement lié au premier. Les sociétés modernes ont épousé les concepts de progrès et de développement mais certains peuples, comme les nomades, ont conservé leur mode de vie traditionnel qui est basé sur des valeurs telles que les liens familiaux et un contact étroit avec la nature. Une aide devrait être apportée à ces groupes de population pour garantir leur qualité de vie.

68.M. Ewomsan demande si une quelconque forme de stratification sociale, comme un système de caste, existe au Viet Nam et, dans l’affirmative, si des mesures ont été prises pour la combattre.

69.M. Nong Van Luu (Viet Nam) dit que le Gouvernement vietnamien ne peut contraindre des groupes de population à utiliser le terme de peuples autochtones contre leur gré. Pour ce qui est de l’équilibre entre modernité et tradition, les lois et les politiques publiques s’efforcent d’encourager les minorités ethniques à préserver leurs traditions culturelles positives et à abandonner les pratiques arriérées préjudiciables à leur santé et leur dignité. Ces politiques visent à assurer le développement socioéconomique des régions défavorisées afin que les minorités ethniques qui y vivent jouissent de leurs droits fondamentaux sur un pied d’égalité avec le reste de la population. Il n’existe pas de système de caste au Viet Nam.

70.M. Huang Yong'an (Rapporteur pour le Viet Nam) tient à préciser que les membres du Comité ne se considèrent pas comme des magistrats chargés de juger les réalisations des États parties dans le domaine des droits de l’homme mais que leur rôle est de discuter de questions relatives aux droits de l’homme avec les États parties dans le cadre de la Convention. La protection et la promotion des droits de l’homme dépendent principalement des efforts déployés à cette fin par les États parties, lesquels ont la stabilité politique, le développement économique et social, un système juridique solide et des politiques efficaces pour fondement. Cela ne signifie toutefois pas qu’il faille refuser la coopération avec la communauté internationale en matière de droits de l’homme.

71.Dans des pays tels que le Viet Nam et la Chine, l’objectif ultime des politiques de réforme est de promouvoir le développement économique et social de manière à augmenter progressivement le niveau de vie de la population. Ce processus a inévitablement des répercussions négatives, qui affectent particulièrement les groupes vulnérables tels que les femmes, les enfants et les minorités ethniques. Le Gouvernement devrait accorder davantage d’attention à ces groupes et adopter des mesures spéciales pour les aider à surmonter les difficultés auxquelles ils font face afin qu’ils puissent effectivement tirer profit des autres mesures mises en place.

72.M. Nong Van Luu (Viet Nam) dit que son Gouvernement a effectué d’importants progrès en matière de promotion des droits des minorités ethniques dans des domaines tels que la participation politique, la représentation dans les organes d’État et l’accès aux soins de santé, à l’éducation et aux prestations sociales. Le Gouvernement doit cependant relever de nombreux défis qui tiennent au fait que le Viet Nam est un pays en développement. Ses ressources limitées entravent la mise en œuvre des politiques sociales, en particulier celles adoptées en faveur des minorités ethniques vivant dans des zones reculées. Néanmoins, le Gouvernement accélère ses efforts pour réduire les disparités régionales et donner effet aux droits des minorités ethniques. M. Nong Van Luu réitère l’engagement de son Gouvernement à respecter effectivement les obligations qui lui incombent au titre de la Convention.

La séance est levée à 13 heures.