NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l'élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/SR.1422

18 septembre 2000

Original : FRANÇAIS

COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Cinquante-septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1422ème SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le mardi 15 août 2000, à 15 heures

Président : M. SHERIFIS

puis : M. RECHETOV

SOMMAIRE

DÉBAT SUR LE THÈME DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES ROMS

______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

GE.00-44082 (F)

La séance est ouverte à 15 h 15 .

DÉBAT SUR LE THÈME DE LA DISCRIMINATION ÀL'ÉGARD DES ROMS

1.Le PRÉSIDENT, après avoir souhaité la bienvenue à tous les participants, rappelle que le débat a été organisé dans l'intention de mobiliser les consciences en faveur de l'éradication de la discrimination raciale à l'égard des Roms et souligne que cela suppose tant de définir les problèmes que de proposer et d'adopter des solutions durables. Ce débat peut également être considéré comme une contribution à la Conférence mondiale contre le racisme, qui se tiendra en Afrique du Sud en septembre 2001.

2.Le Comité a été le premier organe de suivi des traités relatifs aux droits de l'homme à être institué, voilà 30 ans; il a ainsi ouvert la voie aux autres organes créés en vertu d'instruments internationaux et, au fil des ans, a adopté des méthodes de prévention novatrices en vue de réagir face à des problèmes demandant une action urgente.

3.Le Comité a examiné de nombreux problèmes dans le cadre de dialogues directs engagés avec les États parties et a pu constater que certains problèmes, comme celui de la discrimination à l'égard des Roms n'étaient pas spécifiques à un pays donné mais constituaient bien un problème universel. Le Comité a choisi de tenir à la présente session ce débat, premier débat thématique qu'il organise depuis sa création, après avoir constaté la tendance, positive, des États parties à admettre qu'il existe bien un problème de discrimination à l'égard des Roms. Le moment était donc venu de réunir toutes les Parties concernées aux fins de la recherche en commun de solutions à ce problème universel. Même si elles ont été longtemps ignorées, les difficultés auxquelles se heurtent les Roms existent de longue date; ce sont notamment l'exclusion, le rejet, les mauvais traitements et la discrimination sous toutes ses formes, qui frappent les Roms du monde entier même si la majorité d'entre eux se trouvent en Europe. Dans la mesure où les problèmes de discrimination raciale dont sont victimes les Roms présentent souvent des similarités avec les formes contemporaines de discrimination raciale visant les autres groupes de minorités ethniques ou nationales, ce débat peut également servir l'intérêt de ces minorités. L'accès des Roms à l'éducation, et par la suite à l'emploi, représente un des aspects fondamentaux, de même que la xénophobie, laquelle tend à se développer en Europe et donne parfois lieu à des incidents violents dirigés contre la communauté rom, sans parler des cas d'utilisation abusive de la force par la police à leur encontre.

4.Les membres du Comité ont eu dans la matinée un entretien avec des représentants d'organisations non gouvernementales (ONG) au cours duquel ont été dégagés certains problèmes majeurs, à savoir : l'absence dans certains pays de législation interdisant et réprimant la discrimination dans différents domaines tels que l'emploi, le logement, l'éducation, l'accès aux services - ou l'inapplication de la législation existante; l'impunité dont jouissent les auteurs d'actes racistes dirigés contre des membres de la communauté rom; le refus par certaines municipalités d'accepter l'installation de Roms sur leur territoire, sans qu'il ne leur soit proposé d'autres solutions d'hébergement; la persécution dont les Roms font l'objet dans certaines régions déchirées par la guerre ou des conflits internationaux.

5.L'entretien avec les ONG a également permis de mettre en évidence certaines tendances positives, des "bonnes pratiques" et des solutions telles que l'élaboration par les autorités publiques de programmes ambitieux visant à améliorer la situation des Roms et à éradiquer la discrimination à leur égard, même s'il faut regretter que ces programmes n'aient pas été pleinement mis en œuvre, notamment au niveau local. Des recommandations préconisant l'adoption par les gouvernements de mesures visant à mettre pleinement en œuvre les programmes nationaux ont été formulées par les ONG, qui ont souligné l'importance des points suivants : volonté politique et autorité morale; mise en place d'organes spécialisés investis d'une autorité dans le domaine de la discrimination raciale; participation des représentants de la communauté rom à l'élaboration, à la mise en œuvre et à l'évaluation de programmes et projets de développement; mesures concrètes en faveur des plus vulnérables; formation des agents de la fonction publique et de la police aux droits de l'homme et en particulier au droit à ne pas être l'objet de discrimination raciale; rôle de l'éducation et notamment des enfants.

6.Le Président rend hommage aux États parties, aux organisations non gouvernementales et autres qui ont contribué à la préparation de ce débat et réaffirme que le Comité entend ne pas se borner à souligner les problèmes majeurs mais également inventorier les meilleures pratiques, les projets ayant donné de bons résultats et les éventuelles solutions novatrices dont le Comité pourrait s'inspirer pour élaborer des recommandations générales et des directives concrètes à l'intention des États parties à la Convention.

7.Mme MOTOC (Présidente de la Sous‑Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme) espère que le débat commun contribuera à une meilleure coordination des travaux entre organes des Nations Unies et permettra d'avoir une perception plus cohérente des actions à entreprendre dans le domaine de la protection des droits de l'homme en général et des Roms en particulier. La question des Roms a été abordée dans le cadre des activités de la Sous‑Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme (Sous‑Commission) au titre de la question de la prévention de la discrimination raciale et au titre de la question de la protection des minorités nationales. En outre, la Sous‑Commission a adopté une résolution en vue de la Conférence mondiale contre le racisme, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée (Conférence mondiale) et a, à titre de contribution aux préparatifs de cette Conférence, fourni un rapport sur la question des Roms, ainsi que d'autres documents. Ce rapport, élaboré par M. Sik Yuen, a été présenté la veille et constitue la contribution la plus récente de la Sous‑Commission aux travaux sur la question des Roms, cette contribution faisant suite à bien d'autres. En effet, la Sous‑Commission a été chargée dès 1992 par la Commission des droits de l'homme de traiter de la question des Roms; en 1995 le Groupe de travail chargé de la question de la protection des minorités nationales a été amené à se pencher sur ce problème particulier et en 1999, après avoir déterminé que ce problème était universel et non spécifique à l'Europe, il a été décidé de charger M. Sik Yuen de réaliser une étude sur cette question. Cette étude met en évidence la complexité du problème, dont certains éléments reviennent souvent dans les débats comme notamment la réticence qu'ont certains membres de cette communauté à s'identifier en tant que Roms, réticence qui est peut‑être liée à la discrimination dont ils sont l'objet à divers niveaux (administration, police, justice, emploi, logement, médias). Les solutions proposées tant par les ONG que par les gouvernements ont trait à la mise en place d'institutions spécialisées et à l'application effective des règles adoptées en matière de protection des minorités en général et des Roms en particulier.

8.M. EIDE (Sous‑Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme, Président du Groupe de travail sur les minorités), se félicite de ce dialogue avec le Comité tant il importe de davantage coordonner les travaux des deux organes sur des questions d'intérêt commun. La Sous‑Commission a été créée en 1947 et, dans le cadre de ses activités relevant de la lutte contre la discrimination, elle a rédigé la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale dont le Comité assure aujourd'hui le suivi de l'application. La Sous‑Commission s'occupe, comme son appellation antérieure l'indiquait, non seulement de la lutte contre les mesures discriminatoires mais également de la protection des minorités, deux domaines dont relève la question des Roms puisque, d'une part, ils font l'objet de discrimination sur les plans de l'éducation, de l'emploi, de la santé et de la participation à la vie de la société, et que, d'autre part, il faut protéger leur identité culturelle, leurs coutumes, leur style de vie particulier et notamment leur nomadisme.

9.S'agissant de la discrimination à l'égard des Roms, la Sous‑Commission s'est penchée sur la sensibilisation des responsables de l'application des lois à ces problèmes, sur l'éradication des préjugés, ainsi que sur les recours disponibles, qui sont autant d'éléments essentiels de la prévention dans ce domaine. Il convient d'appeler l'attention sur la dualité du mandat de la Sous‑Commission, qui n'est pas aisée à gérer car il s'agit de parvenir au bon équilibre. En effet, préserver l'identité d'une communauté ethnique ou raciale minoritaire, c'est‑à‑dire lui permettre de conserver un certain degré de différence par rapport au reste de la population, tout en essayant de lui garantir l'égalité de droits, sont deux préoccupations parfois difficilement conciliables. C'est particulièrement le cas pour la question des Roms et le débat engagé s'avérera utile en ce sens.

10.M. SIK YUEN (Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme) aurait, compte tenu de la complexité du problème, aimé disposer de plus de temps pour élaborer le document de travail sur les Roms qu'il a présenté la veille devant la Sous-Commission. Dans ce document de travail sont identifiés deux problèmes qui se recoupent : le racisme et la violence qu'il entraîne; la situation économique. Il est étonnant de constater que l'on puisse accuser les Roms d'être la source de problèmes sociaux et notamment du chômage alors qu'ils en sont bien davantage victimes que la majorité de la population. L'un des problèmes auxquels il convient de porter toute l'attention voulue est l'attitude des médias, qui présentent une image négative des Roms. Il constate avec satisfaction que le Comité impose aux États parties d'adopter une législation interdisant et pénalisant la discrimination raciale en application de l'article 4 de la Convention. Suite à une agression perpétrée en Allemagne contre des personnes de confession juive ayant entraîné la mort de six d'entre elles, le responsable des services chargés de l'élimination de la discrimination raciale dans ce pays a estimé indispensable de durcir les lois antiracisme, les poursuites judiciaires et les condamnations pour infraction à caractère raciste. Dans un état de droit, il est primordial de pouvoir dûment sanctionner et sans délai tout crime raciste. À cet égard, les possibilités de recours utiles figurent parmi les questions hautement prioritaires. Ce n'est que lorsque les Roms auront le sentiment de bénéficier d'une protection adéquate sur le plan de la justice locale et, le cas échéant, régionale ou internationale, que les personnes s'intéressant à la cause des Roms pourront considérer que l'on est sur la bonne voie. Il faut donc souligner l'importance qu'il convient d'attacher à cet aspect de la question. En outre, il faut s'interroger sur ce que l'on peut considérer comme recours utiles et se demander s'il convient dans de tels cas de recourir à la procédure habituelle d'établissement de la preuve, de la faute et de la culpabilité de l'auteur du délit. Qu'en est-il lorsqu'une personne est victime de discrimination et que l'auteur du délit n'a pas été identifié ? Il faudrait peut-être s'interroger quant à la nécessité d'adopter dans pareil cas le principe de la responsabilité de plein droit.

11.Les difficultés sociales et économiques des Roms sont si diverses et de telle ampleur que seule une action positive pourra permettre d'y remédier. L'étude de M. Bossuyt sur la question sera à cet égard très utile. Les responsables politiques ont un rôle déterminant à jouer dans ce domaine comme on l'a vu dans l'affaire dumur d'Usti sur l'Elbe. L'éducation est un autre grave problème. Le fait de dispenser aux enfants roms un enseignement préscolaire est un moyen de faciliter leur accès à l'école primaire. Il convient aussi de faire un effort pour adapter aux enfants roms les critères de sélection et d'admission scolaire afin de ne pas trop les défavoriser. Les Roms, bien sûr, doivent eux aussi réagir. Ils doivent sortir du cocon de leur exclusion volontaire et s'ouvrir au reste de la société dans l'optique, non pas de s'assimiler, mais de s'intégrer. L'importance des organes supranationaux, tels que le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale ou la Sous‑Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme, qui aident à instaurer la confiance et offrent la possibilité d'un recours objectif, ne saurait être trop soulignée. En conclusion, il convient de souligner que s'il est important de recenser les problèmes se posant, il faut aussi faire connaître les bonnes pratiques et annoncer les bonnes nouvelles. Il y aurait par exemple au Chili un certain nombre de Roms parfaitement bien insérés dans la société.

12.Mme YOUNG (Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés) évoque la situation préoccupante des Roms déplacés à travers l'Europe, situation qui s'est aggravée avec les conflits dans les Balkans. À l'heure actuelle dans le sud‑est de l'Europe, beaucoup de Roms souffrent de la discrimination et de la marginalisation dont ils sont traditionnellement victimes et se heurtent en outre aux difficultés liées au déplacement et au fait de vivre dans des sociétés déchirées par la guerre. Le sort des Roms du Kosovo est sans doute le plus dramatique. La violence ethnique en a contraint beaucoup à quitter leur maison pour aller vivre, entièrement tributaires de l'aide humanitaire internationale, sous la protection permanente de l'armée. Depuis l'établissement de la Mission des Nations Unies au Kosovo en juin 1999, au moins 40 000 Roms ont fui vers des territoires voisins. Le HCR demande que l'on reconnaisse aux Roms du Kosovo le statut de réfugiés ou de personnes ayant besoin d'une protection internationale dans les pays européens où ils demandent l'asile. Assurer aux Roms déplacés un logement convenable est un des problèmes les plus urgents auxquels le HCR doit faire face dans l'ex‑Yougoslavie. Ces Roms sont en effet souvent relégués par les autorités locales dans des endroits excentrés où les conditions de vie ne répondent pas du tout aux normes internationales minimales en la matière.

13.Le HCR collabore avec d'autres institutions concernées pour essayer de régler tous ces problèmes. Il a par exemple lancé une initiative pour favoriser le dialogue entre les Roms et les Albanais du Kosovo : les représentants des deux communautés se sont réunis dans le cadre de tables rondes avant d'adopter en avril 2000 une déclaration condamnant la violence contre les Roms et réaffirmant la nécessité de créer les conditions voulues pour que les Roms déplacés puissent rentrer au Kosovo. Un programme d'action commun est en cours d'exécution. Cette initiative historique pourrait servir d'exemple en d'autres occasions.

14.Le HCR s'efforce d'autre part de régler les problèmes que rencontrent nombre de Roms, notamment en Croatie et dans l'ex‑République yougoslave de Macédoine, pour obtenir une nationalité. Le grand nombre des demandeurs d'asile roms est également préoccupant. Ceux, peu nombreux, qui ont pu obtenir le statut de réfugiés dans d'autres pays européens sont victimes de discrimination et de violence. Ne disposant pas de moyens de recours efficaces, ils peuvent donc avec raison craindre d'être persécutés au sens de l'article premier de la Convention relative au statut des réfugiés. Mais la plupart n'obtiennent même pas ce statut; leurs demandes d'asile, lorsqu'elles ne sont pas tout simplement ignorées, sont souvent rejetées de façon expéditive. Il est inquiétant de constater que l'attitude négative des autorités vis-à-vis des demandeurs d'asiles roms et la réputation de fauteurs de trouble que les Roms ont dans la population s'alimentent souvent l'une l'autre.

15.Le HCR est convaincu que le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, qui partage les mêmes préoccupations, peut grandement contribuer à améliorer cette situation en examinant avec fermeté et en public les rapports des États parties dans lesquels se trouvent des Roms ou dans lesquels des Roms demandent asile. Le HCR souhaiterait étudier avec le Comité les moyens d'appeler l'attention de la communauté internationale sur le problème des Roms lors de la Conférence mondiale contre le racisme.

16.M. Rechetov prend la présidence.

17.M. DIACONU note qu'il y a des communautés roms dans la plupart des pays d'Europe mais aussi en Amérique du Sud, en Australie, aux États-Unis d'Amérique, au Canada, au Moyen-Orient et jusqu'au Népal. Huit États parties à la Convention compteraient des communautés de plus de 400 000 Roms. Ces communautés sont désignées par des appellations diverses, mais dans le souci de respecter le droit de toute communauté de se donner le nom de son choix, il convient de les désigner par le terme de Roms. Ayant vécu dans des pays différents, donc dans des conditions historiques, géographiques et culturelles différentes, les Roms sont le groupe ethnique le plus diversifié au monde des points de vue de la langue, de la religion, de l'identité et des traditions. Il est donc difficile d'adopter à leur égard une approche universelle. Les Roms sont aussi marqués par des années de persécution et d'exclusion et la caractéristique principale de leur situation est la discrimination. Une telle discrimination est inadmissible au regard de la Déclaration universelle des droits de l'homme. S'il y a un problème rom, il a été créé par la société au fil des années et doit être résolu par l'action de la société, y compris par les Roms eux‑mêmes. Il faut donc faire accepter par tous la nécessité d'un effort soutenu dans tous les domaines, ce qui ne sera pas facile car les préjugés et les stéréotypes concernant les Roms sont largement répandus tant parmi la population en général que chez les responsables politiques. L'implantation géographique et la mobilité des Roms exigent à cet égard une coopération bilatérale et multilatérale au niveau de l'Europe, de cette Europe qui se veut à terme un espace de bien‑être, de liberté et de respect de la loi par tous et pour tous. Étant donné la complexité des problèmes rencontrés par les Roms, qui outrepasse largement le mandat du Comité, les solutions ne seront ni simples ni immédiates.

18.La situation des Roms doit également être envisagée dans l'optique des dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. La définition de la discrimination raciale telle qu'elle figure à l'article premier de la Convention s'applique pleinement aux Roms puisque ceux‑ci se distinguent par leur ascendance et leur origine ethnique et que cette distinction peut fonder une exclusion ou des restrictions. Il convient de noter que certains pays reconnaissent les Roms comme minorité nationale ou groupe ethnique alors que d'autres ne les reconnaissent pas comme tels. Parmi ces derniers, certains ne reconnaissent aucun groupe minoritaire tandis que d'autres reconnaissent certains groupes mais pas les Roms. Bien que les États ne soient pas obligés de procéder à de tels actes de reconnaissance, le Comité devrait se préoccuper des cas où les Roms ne sont pas reconnus comme minorité ou groupe ethnique et souffrent en conséquence de discrimination.

19.L'article premier de la Convention dispose aussi qu'elle ne s'applique pas aux distinctions établies par les États selon qu'il s'agit de leurs ressortissants ou de leurs non-ressortissants. Il est évident que certains droits (droit à la sûreté de la personne, droit à la protection de l'État contre les voies de faits, droit de quitter le pays, etc.) ne doivent pas donner lieu à des différences de traitement entre nationaux et étrangers. L'évolution des normes internationales en matière de droits de l'homme va en outre dans le sens de la réduction des différences de traitement entre nationaux et étrangers. Suite à la dissolution de plusieurs États à structure fédérale, certains pays européens se sont dotés de nouvelles lois sur la nationalité discriminatoires à l'égard des Roms. En dépit de quelques améliorations, un certain nombre de personnes, surtout des Roms, restent apatrides dans le pays sur le territoire duquel elles ont toujours vécu. Toujours selon l'article premier de la Convention, les mesures spéciales prises à seule fin d'assurer le progrès de certains groupes ethniques pour leur garantir la jouissance et l'exercice des droits de l'homme dans des conditions d'égalité ne sont pas considérées comme des mesures de discrimination raciale. La pratique montre que de telles mesures positives en faveur des communautés roms sont absolument nécessaires. Il convient de faire mieux connaître les bonnes pratiques mises en œuvre par certains pays dans ce domaine et de faire accepter par tous les États parties la notion de mesures positives.

20.S'agissant de l'article 2 de la Convention, il faudrait recommander aux États parties présentant des lacunes dans ce domaine soit d'adopter des lois antidiscriminatoires complètes soit de réviser les lois existantes de façon à couvrir tous les aspects de la discrimination raciale. Mais qu'elles soient complètes ou partielles, il faut bien voir que les lois antidiscriminatoires ne sont pas pleinement appliquées lorsqu'il s'agit des Roms. Il arrive en effet que des organes de pouvoir locaux, sous couvert d'autonomie locale, prennent des mesures nettement discriminatoires contre les Roms en violation de la législation nationale. Il importe donc que les autorités centrales disposent des moyens légaux adéquats pour suspendre et annuler de telles mesures. Il peut aussi être nécessaire que les responsables politiques prennent fermement position en certaines occasions importantes en faveur d'une action plus déterminée contre la discrimination raciale. Les États parties doivent également s'employer plus activement à lutter contre la discrimination raciale privée en adoptant des mesures législatives appropriées et en donnant des directives aux organes de l'État (police, parquet, administration locale). Il serait en outre peut-être nécessaire que les ONG et les associations nationales s'attachent à promouvoir une approche intégrationniste et multiraciale à l'égard des Roms.

21.Les communautés roms font souvent l'objet d'une ségrégation dans les domaines du logement et de l'éducation. Que cette ségrégation résulte d'une politique délibérée ou qu'elle découle de la situation d'extrême pauvreté dans laquelle vivent beaucoup de familles roms, elle engendre toujours les prémisses d'une exclusion sociale. En matière de logement, ni les États ni les communautés locales ni les Roms n'ont trouvé les moyens de s'entendre pour résoudre les problèmes que pose la coexistence, permanente ou temporaire, des Roms avec le reste de la population. En ce qui concerne l'éducation, la ségrégation se manifeste par le refus d'admettre les enfants roms dans les écoles ordinaires. Ces enfants sont placés dans des classes séparées ou dans des écoles spéciales normalement destinées aux enfants retardés et ils ont ensuite du mal à poursuivre leurs études. Le Comité doit continuer de recommander aux États de remédier à de telles mesures de ségrégation qui constituent une grave violation de la Convention. On ne peut également qu'être sérieusement préoccupé par les actes de violence raciale commis contre les Roms, contre leur sécurité personnelle et leur intégrité physique ainsi que par l'absence de dispositions législatives et surtout d'une action efficace de la part des forces de l'ordre pour empêcher de tels actes et en poursuivre les auteurs.

22.Le débat thématique offre au Comité l'occasion d'insister une fois de plus sur la nécessité de recommander aux États parties d'adopter des lois leur permettant de punir ceux qui diffusent des idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale, incitent à la discrimination raciale ou commettent tout acte de violence contre des groupes ou des personnes appartenant à un autre groupe ethnique ou racial, y compris les Roms, ce en vertu de l'article 4 de la Convention dont les dispositions, pourtant obligatoires, ne sont pas largement appliquées car même des fonctionnaires publics profèrent des propos racistes et répandent des idées nettement racistes. La législation dont disposent certains États parties est insuffisante pour punir les coupables d'actes racistes et ne prévoit pas de peines plus lourdes pour les délits à caractère raciste. En outre, les auteurs de nombre de délits ne sont poursuivis que très tardivement ou pas du tout et restent impunis.

23.Le débat thématique offre également au Comité l'occasion de prendre note de l'adoption dans certains États de bonnes pratiques telles que : la collaboration et le dialogue entre les communautés roms et la police visant à prévenir les actes de violence contre les Roms et les conflits dus aux préjugés à l'égard des Roms et à promouvoir une meilleure communication entre les Roms et les autorités locales; la création d'organes indépendants chargés d'enquêter sur les actes de violence à l'encontre des Roms imputés à la police; le recrutement de membres de la communauté rom dans la police et l'amélioration de la formation professionnelle continue des policiers et des autres fonctionnaires publics chargés de l'application de la loi. Ces pratiques devraient être poursuivies aussi largement que possible et nécessaire.

24.La mise en œuvre des dispositions de l'article 5 pose de nombreux problèmes s'agissant des communautés roms, qui subissent souvent des discriminations dans tous les domaines, notamment dans l'administration de la justice car ceux qui portent atteinte à leur intégrité physique ou à leur sécurité ne sont pas systématiquement poursuivis ou punis. Dans nombre de cas, c'est la police elle-même qui viole les droits des Roms par l'usage excessif de la force et par des actes de violence lors de l'arrestation et de la détention de Roms. Dans certains pays, les autorités locales ont empêché des Roms de s'établir sur leur territoire ou les en ont expulsés. La participation des Roms à la vie publique varie selon les pays : dans certains, ils sont peu ou pas du tout représentés dans les organes électifs nationaux ou locaux et dans les administrations publiques; dans beaucoup, ils sont représentés dans des organismes publics ou mixtes ou dans des organes consultatifs. Cependant, les États devraient poursuivre leur action afin d'améliorer la communication entre les communautés et organisations roms et les autorités centrales et locales ainsi que les dispositifs permettant de consulter les Roms au sujet des décisions qui les concernent particulièrement.

25.La formation de nombreuses organisations non gouvernementales nationales et internationales de Roms jouant un rôle croissant dans la promotion des intérêts et des droits des Roms, en particulier dans la réalisation de programmes et projets en leur faveur, est encourageante. Sont également encourageants les sentiments d'espoir et d'optimisme exprimés par les représentants roms et leur approche constructive et équilibrée des problèmes.

26.Les Roms se heurtent à de nombreuses discriminations dans les domaines de l'emploi, de l'éducation, du logement, de la santé et des services sociaux. Le chômage, qui frappe de 50 à 90 % des Roms selon les pays, est dû au manque de formation et de qualification des Roms sur des marchés du travail concurrentiels ainsi qu'à l'attitude discriminatoire des employeurs à l'encontre des Roms possédant les qualifications requises. Dans certains pays, les annonces d'emploi sont ouvertement discriminatoires à l'encontre des Roms et les fonctionnaires des bureaux pour l'emploi mettent à l'index les demandes présentées par des Roms, les dispositions législatives étant parfois insuffisantes pour réprimer de tels actes. Certains États ont quant à eux adopté des bonnes pratiques telles que : le recrutement de fonctionnaires parmi les Roms jouissant d'une grande autorité dans leur communauté; l'octroi d'une assistance financière aux entreprises qui engagent des membres de minorités ou des migrants; des programmes de formation professionnelle destinés principalement aux membres des groupes défavorisés et des projets de développement local destinés principalement aux communautés roms. Ces pratiques peuvent favoriser la réduction du chômage parmi les Roms et faciliter leur accès à des emplois déclarés, moins dangereux pour la santé et plus qualifiés.

27.Dans le domaine du logement existent également de bonnes pratiques qui permettent de combattre tant la ségrégation et les mesures d'expulsion à l'encontre des Roms que le rejet systématique des acquéreurs ou locataires roms potentiels pour des motifs purement ethniques. Ces pratiques intéressent aussi les Roms nomades qui trouvent difficilement pour leurs caravanes des terrains aménagés de façon adéquate et sont confrontés à l'hostilité des populations locales. Ces bonnes pratiques consistent à associer les communautés roms à des projets de construction de logements ou à l'amélioration et à l'exploitation de leur logement grâce à des possibilités de financement et des initiatives locales en faveur des Roms et d'autres habitants.

28.De nombreuses bonnes pratiques existent également dans le domaine de l'éducation pour lutter contre la ségrégation scolaire et le fait qu'un nombre important d'enfants roms ne sont pas scolarisés ou quittent l'école avant la fin de leurs études primaires. Peu d'enfants roms font des études secondaires et moins encore des études supérieures. La plupart des enfants roms ne vont pas à l'école maternelle ou ne parlent pas la langue d'enseignement et ont un niveau de connaissances inférieur à celui de leurs camarades non roms. Dans les écoles, les enfants roms sont souvent exposés à des pratiques discriminatoires qui se manifestent par les refus d'inscription et par un climat de rejet pendant leur scolarité. Sont particulièrement désavantagés les enfants roms nomades en raison de leurs déplacements, et, surtout, les filles roms forcées de quitter très tôt l'école pour aider leur mère au foyer et se marier. Enfin, les manuels scolaires expriment la culture majoritaire et ne suscitent pas l'intérêt des enfants roms.

29.Les bonnes pratiques signalées par des États parties dans le domaine de l'éducation sont : la création de classes préparatoires pour les enfants roms; l'augmentation du nombre d'enfants roms fréquentant l'école maternelle; des programmes préscolaires accessibles et adaptés à la culture des enfants roms, une action concertée entre les autorités scolaires et les parents et associations roms visant à réduire le nombre des abandons scolaires; l'adoption de mesures spéciales tendant à accroître le nombre des élèves roms fréquentant les écoles secondaires et les établissements d'enseignement supérieur en leur réservant chaque année un nombre accru de places par voie de concours entre élèves roms et en octroyant des bourses à tous les élèves roms effectuant des études secondaires ou supérieures; la formation d'éducateurs et d'assistants choisis parmi les élèves roms; le recours à des assistants et à des médiateurs chargés d'améliorer la communication entre les enseignants et les élèves et parents d'élèves roms; l'enrichissement des manuels scolaires par l'inclusion de chapitres traitant de l'histoire et de la culture des Roms; la création d'écoles mobiles ou l'utilisation des technologies nouvelles pour assurer l'éducation des enfants roms nomades. Ces différentes bonnes pratiques ne se sont cependant pas encore généralisées, n'en sont encore qu'à leurs premiers pas dans les pays qui les appliquent et il faudra attendre pour en connaître les résultats.

30.Dans l'accès aux services de santé et de sécurité sociale, les Roms font l'objet d'une discrimination liée à l'attitude et aux préjugés du personnel mais aussi au fait qu'ils sont souvent démunis de cartes d'identité ou de résidence ainsi qu'à leur éducation insuffisante et aux différences culturelles. Ils sont beaucoup plus exposés aux maladies et ont une espérance de vie plus courte que les autres citoyens. Dans certains pays, des médiateurs aident à améliorer la communication entre le personnel de santé et les Roms et des programmes spéciaux de vaccination et de soins ont été mis en œuvre par intermittence en faveur des enfants et des femmes roms.

31Tous ces problèmes contribuent à l'extrême pauvreté et à l'exclusion sociale par la conjonction de facteurs interdépendants - le manque d'éducation et de qualifications professionnelles, le chômage, les bas revenus, le logement inadéquat, l'accès réduit aux services de santé et aux services sociaux - qui constitue un cercle vicieux que les gouvernements devraient s'efforcer de briser. L'essentiel des efforts devrait porter sur l'éducation et la formation professionnelle qui seraient le point de départ d'une amélioration sensible de la situation des Roms.

32.Les Roms sont en outre victimes de discrimination en ce qui concerne l'accès à des lieux publics tels que les restaurants, les hôtels, les théâtres, les salles de concert et les discothèques, pratique que les autorités n'ont pas enrayée ou sanctionnée de façon adéquate.

33.Pour ce qui est de la mise en œuvre de l'article 6 de la Convention, les voies de recours devant les tribunaux et les autres organismes publics sont rarement utilisées par les Roms et ces derniers réussissent rarement à obtenir des dédommagements justes et adéquats pour les préjudices causés par des actes de discrimination raciale. À ce propos, il faut rappeler que le Comité a souvent recommandé aux États parties de prendre des mesures pour assurer la formation professionnelle des juges et des procureurs et de créer des institutions indépendantes du type défenseur des droits de l'homme et commission nationale pour assurer une protection adéquate à tous leurs ressortissants, y compris les membres des minorités.

34.En ce qui concerne la mise en œuvre de l'article 7 de la Convention, les États parties devraient surtout inculquer à leur population, y compris aux Roms, un esprit de coexistence fondé sur la tolérance et le respect des libertés et des droits fondamentaux de tous, et promouvoir une culture politique et une éducation fondées sur le principe de non‑discrimination.

35.De même, les États parties, les organisations non gouvernementales, les médias et les associations de Roms devraient s'efforcer d'empêcher la diffusion par les médias d'idées reposant sur la supériorité raciale ou ethnique, d'appels à la haine et à la violence contre les Roms, et inciter les médias de s'abstenir d'imputer aux communautés roms tout entières des incidents imputables à certains Roms. Ils devraient en outre lancer des projets et des campagnes d'éducation du public portant sur la vie, l'histoire et la culture des Roms et sur la nécessité de bâtir une société ouverte aux Roms et respectueuse des droits et de l'identité des Roms.

36.Au‑delà des bonnes pratiques existant dans ce domaine, qui ont été souvent signalées ou recommandées par le Comité, les États devraient surtout s'attacher à éliminer les préjugés et les stéréotypes qui mènent à l'exclusion et à la discrimination. Ce sont principalement les États parties qui doivent promouvoir les bonnes pratiques qui leur sont signalées et, subsidiairement, la société civile, la population majoritaire et les communautés roms. Ces dernières doivent aussi agir pour assurer la promotion de leurs droits fondamentaux et de leurs intérêts, leur insertion complète dans la vie politique, économique, sociale et culturelle de la société, l'éducation de leurs enfants, une meilleure formation professionnelle des Roms et la défense et la protection des droits de l'homme de tous.

37.M. VALENCIA RODRIGUEZ souligne qu'en vertu de l'article 9 de la Convention, dans ses conclusions et observations finales concernant les rapports périodiques présentés par les États parties le Comité formule à leur intention des recommandations tendant à améliorer la situation des communautés roms vivant sur leur territoire. Le Comité se fonde sur des documents et renseignements très complets concernant principalement les pays d'Europe centrale et orientale, où vivent la plupart des diverses communautés roms. M. Valencia Rodriguez entend se limiter aux aspects généraux de la discrimination dont sont victimes ces communautés et signaler les progrès réels accomplis par certains pays sur la voie de la réalisation des objectifs de la Convention.

38.Il convient tout d'abord de rappeler les terribles tragédies qui ont marqué l'histoire des communautés roms en raison de pratiques discriminatoires et ségrégationnistes dont les aboutissements les plus extrêmes ont été la politique de génocide et d'extermination sous le régime nazi et l'assimilation forcée sous le régime communiste. Des statistiques sérieuses et précises font défaut, mais selon les estimations de 7 à 8 millions et demi de Roms vivraient en Europe centrale et orientale, tandis que d'autres groupes beaucoup moins importants vivent dans d'autres pays d'Europe où ils sont également victimes de pratiques discriminatoires.

39.Parmi les formes les plus graves d'exclusion et de discrimination visant les Roms, figurent : les nombreux actes de violence individuelle ou collective allant jusqu'au meurtre perpétrés impunément par des groupes de skinheads, les multiples actes discriminatoires commis par les agents de l'ordre et les fonctionnaires de justice et les violences commises par des policiers protégés par l'inaction des autorités supérieures ou de justice; l'absence de participation et de représentation politique adéquate les privant de la possibilité, sauf dans de rares organes consultatifs, d'influer sur les décisions concernant leurs droits ou devoirs face aux préjugés des groupes sociaux dominants et de dirigeants politiques prompts à traiter les Roms en boucs émissaires; le déni du droit à une nationalité dont sont victimes presque toutes les communautés roms, certains États ayant en particulier adopté récemment des lois relatives à la nationalité faisant des Roms des apatrides dans leur propre pays.

40.À cela s'ajoutent : le fait qu'en raison de leur nomadisme traditionnel un pourcentage élevé de Roms ne possèdent pas de terres et n'ont pas bénéficié de programmes de restitution de terres; la privation systématique de l'accès à l'emploi et au travail liée à leur manque de qualifications professionnelles qui les cantonne dans des tâches ingrates mal payées ou les réduit à la mendicité ou à la prostitution - situation économique difficile favorisant l'alcoolisme et la délinquance; une discrimination flagrante dans le domaine de l'éducation qui, dans de nombreux pays, relègue les enfants roms dans des écoles pour retardés mentaux ou dans des classes séparées ou les envoie dans des écoles publiques où l'enseignement est dispensé dans une langue qu'ils ne maîtrisent pas, autant de facteurs qui contribuent au manque d'assiduité scolaire et à l'analphabétisme; les pratiques discriminatoires dans le domaine du logement qui empêchent la forte proportion de Roms sédentarisés d'obtenir un logement décent et adéquat et les obligent à habiter des quartiers inhospitaliers et déshérités reflétant une situation de ségrégation urbaine, économique et ethnique en faisant la cible privilégiée d'attaques et d'incendies criminels.

41.La situation des Roms est également désastreuse dans le domaine de la santé avec : une espérance de vie réduite et un taux de mortalité infantile très élevé tenant à la pauvreté et à l'exclusion des services de santé publics pour défaut de certificat de naissance ou de documents d'identité; la situation particulièrement grave des femmes roms qui subissent une double discrimination en tant que Rom et en tant que femme et qui ont fait l'objet, dans un certain nombre de cas, de mesures de stérilisation forcée.

42.Les Roms se voient en outre interdire l'accès à des lieux ou services publics comme les restaurants, les hôtels et les transports et certains États ont conclu des traités ou accords internationaux visant à accélérer l'expulsion de personnes, qui sont généralement des Roms.

43.Un ensemble de mesures permettraient de remédier à ces divers problèmes. Premièrement, tous les États sur le territoire desquels vivent des minorités roms devraient veiller à la bonne application de leur législation interdisant la discrimination raciale à l'encontre des Roms; en particulier, ceux qui ont adopté des mesures importantes, notamment dans le domaine administratif pour réduire les pratiques discriminatoires et ségrégationnistes et réformer la Constitution et les codes pénaux ou créer des organismes spéciaux de surveillance ou de contrôle (médiateur ou centre pour la promotion de l'égalité ou de l'intégration sociale des Roms) devraient absolument veiller à ce que ces mesures soient mises en œuvre de façon adéquate.

44.Deuxièmement, les États parties devraient s'inspirer des mesures positives prises dans différents pays, notamment de l'action du maire de Kremnica, village de Slovaquie, qui a joué un rôle de médiation déterminant entre les communautés rom et non rom ayant servi de modèle à la proposition Slezka Ostrava tendant à améliorer les conditions de logement des communautés roms les plus pauvres et prévoyant la création d'une école élémentaire susceptible de servir de modèle pour la prise en compte de la diversité culturelle des élèves. En Espagne on a mis en place un mécanisme participatif de collaboration entre l'école et les familles des élèves gitans, qui facilite les activités extrascolaires, ainsi qu'un organe consultatif et permanent dans lequel les Gitans sont représentés. Il faudrait recommander aux États Parties concernés de charger des médiateurs roms d'assurer la liaison entre leur communauté et les secteurs public et privé de l'ensemble de la société nationale.

45.M. Valencia Rodriguez souhaite que les recommandations formulées en la matière par le Haut-Commissaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour les minorités nationales soient prises avec le plus grand sérieux et que les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, dont sont parties tous les pays d'Europe centrale et orientale concernés, soient appliquées dans leur intégralité, en particulier pour ce qui concerne la minorité rom. Les États parties à la Convention devraient envisager de faire la déclaration prévue à l'article 14 afin de reconnaître le Comité compétent pour recevoir et examiner des communications émanant de personnes ou de groupes de personnes qui se plaignent d'être victimes d'une violation par l'État partie dont ils relèvent de l'un quelconque des droits énoncés dans la Convention.

46. Afin de mettre un terme à la discrimination dont sont victimes les Roms, il importe que ceux-ci puissent avoir librement accès aux organes de gouvernement, tant au niveau local que national, afin qu'il soit tenu compte de leurs points de vue dans les programmes entrepris en leur faveur. Des mesures doivent être également prises dans les domaines de l'emploi, du logement, de l'éducation, de la santé publique et des services sociaux, ainsi que pour un meilleur respect des caractéristiques de la culture rom. La communauté internationale doit parallèlement être sensibilisée à l'ampleur de la discrimination dont sont victimes les Roms car seule la volonté politique des États dans lesquels vivent les Roms permettra d'améliorer leur situation.

47.M. Sherifis reprend la présidence.

48.M. BOSSUYT rappelle que les Roms ont depuis longtemps et dans de nombreux pays été victimes de discrimination en raison de leur origine ethnique et ont même été victimes d'une véritable politique d'extermination de la part du régime nazi.

49.Alors que la plupart des Roms vivent dans les pays d'Europe de l'est et d'Europe centrale, où la situation socioéconomique est moins favorable que dans les pays d'Europe occidentale, même dans ces derniers les Roms rencontrent des difficultés considérables et font face à une situation inégale par rapport aux groupes majoritaires de la population, en particulier dans les domaines du logement, de l'éducation et de l'emploi. Or, chaque pays a la responsabilité d'assurer la jouissance des droits de l'homme à tous ceux qui relèvent de sa juridiction et en particulier de garantir la vie, l'intégrité physique et la sécurité de ces personnes. Chaque pays doit progressivement, dans la mesure de ses ressources, promouvoir le bien-être de ses nationaux et de tous ceux qu'il a autorisés à séjourner sur son territoire. Les Roms doivent pouvoir bénéficier de cette protection effective sans aucune distinction fondée sur leur origine ethnique, ce qui implique une intervention active des États, y compris des pays européens qui ont l'obligation morale d'engager une coopération pour aider les Roms à surmonter les handicaps dont ils souffrent.

50.Les préjugés à l'égard des Roms étant largement répandus au sein de la population européenne, il importe de déployer des efforts d'information et d'éducation afin d'expliquer à tous qu'une société multiculturelle ou multiethnique exige des efforts d'adaptation et d'acceptation mutuelle de toutes les composantes de la société. C'est en reconnaissant la réalité de l'ensemble des aspects qui sont à la base des problèmes rencontrés que les autorités et la population pourront être mobilisées afin de s'attaquer à ces problèmes, en étroite concertation avec des représentants des Roms. Les 10 recommandations formulées par l'"European Roma Rights Center" sont à cet égard intéressantes.

51.Des mesures doivent être également prises pour faire reculer le taux de chômage des Roms. Dans certains cas, une maîtrise insuffisante de la ou des langues principales du pays de résidence constitue un facteur handicapant leur recrutement. L'éducation dans la langue nationale du pays de résidence serait en conséquence plus propice à l'amélioration de leur situation sur le marché du travail qu'une éducation en langue rom. Privilégier cette dernière solution risque en effet de créer un enseignement ségrégué qui aggraverait les difficultés auxquelles se heurtent les Roms dans les pays où ils résident.

52.Un nombre important de Roms ont demandé l'asile dans certains pays mais rares ont été ceux dont les demandes ont abouti. Dans l'immense majorité des cas les instances compétentes ont jugé que les intéressés ne répondaient pas aux critères de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés. Cette situation n'est pas étonnante puisqu'en général la situation socioéconomique des Roms ne peut pas être assimilée à une persécution de la part des autorités nationales. L'asile n'est pas le moyen adéquat de résoudre la cause même des difficultés rencontrées par cette minorité. Il faut donc trouver une solution pour l'ensemble des Roms dans chacun des pays où ils résident et non se donner bonne conscience en accordant l'asile à quelques centaines d'entre eux. Cette solution a du reste donné lieu à des tensions aussi bien dans les pays d'accueil que dans les pays d'origine. Dans les premiers, le recours à la procédure d'asile par des personnes qui ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention de Genève a en effet été ressenti comme un abus entraînant, en outre, des charges injustifiées d'assistance publique tandis que les autres nationaux du pays d'origine n'ont pas accepté qu'à cause de cet abus certains États aient réinstitué l'obligation de visa pour s'y rendre.

53.M. Bossuyt indique avoir écouté avec une grande attention la déclaration faite par le représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Toutefois, ce n'est pas parce que les Roms originaires de Yougoslavie, et plus particulièrement du Kosovo, ont besoin d'une protection internationale que cette constatation vaut pour les autres pays d'Europe centrale. Faire des généralisations à partir d'un cas concret ne contribue pas à préserver l'intégrité de la notion de réfugié au sens de la Convention de Genève et risque, de surcroît, de jeter la suspicion sur toutes les instances qui déterminent le statut de réfugié, qu'elles s'acquittent ou non scrupuleusement de leur mission. Il serait plus utile d'intervenir auprès des instances nationales chargées de déterminer le statut de réfugié chaque fois que le HCR dispose d'éléments précis et concrets démontrant que le rejet de la demande est contraire aux engagements que l'État partie a pris en vertu de la Convention relative au statut de réfugiés. Le cas échéant, il conviendra de prendre position, publiquement si nécessaire, à l'encontre de l'État partie qui n'aura pas rempli ses obligations internationales et qui aura, en outre, agi de manière discriminatoire.

54.M. de GOUTTES indique qu'il est désormais établi que la situation des Roms s'est aggravée par rapport à celle qu'ils connaissaient à l'ère soviétique. Pour ce qui est de la question du recensement des Roms, il convient de rappeler que le Comité a estimé, dans sa Recommandation générale VIII de 1990 concernant l'article premier de la Convention que l'identification des personnes appartenant à un groupe racial ou ethnique dépendait de l'individu concerné. Or, un nombre important de personnes d'origine rom refusent de se déclarer comme telles lors des recensements. Il y a donc lieu de s'interroger sur la signification d'un tel refus. D'après les informations transmises au Comité sur ce point, cette attitude pourrait être liée au passé, puisqu'en 1939, les listes de Roms ont servi à leur déportation dans les camps de concentration. Mais ce refus peut être également le signe que certaines personnes tiennent à cacher leur origine au motif que les Roms sont mal vus. Cela signifierait que les Roms refoulent leur identité, ce qui est préoccupant. Ce peut être également le signe que certains Roms ont peu à peu oublié leurs racines, auquel cas il conviendrait de se demander si l'intégration des Roms ne s'est pas accompagnée de l'oblitération de leur culture. Ces questions doivent donc être approfondies.

55.Le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, M. Glèlè-Ahanhanzo, semble estimer qu'il existe "un problème de réciprocité" entre les droits et les devoirs des Roms et ceux des non‑Roms. Selon lui, la majorité de la population des pays où vivent les Roms a des préjugés à leur égard mais l'inverse serait également vrai, à savoir que les Roms auraient, eux aussi, des préjugés à l'égard des non‑Roms, "les Gadjos". Certains Roms seraient réticents à engager un dialogue avec le reste de la population et ne feraient pas les efforts nécessaires pour coexister harmonieusement avec elle. Il importe donc de lancer un appel pour que de chaque côté s'ouvre un dialogue véritable dans un esprit de tolérance mutuelle et de respect des différentes cultures en présence.

56.Pour ce qui est de la scolarisation et de l'instruction des enfants roms, un équilibre délicat doit être institué entre le principe d'égalité et le principe de respect de la culture rom, même si cette culture est parfois jugée dérangeante. Une illustration de cet équilibre délicat est le problème de l'accès à l'enseignement et à la scolarisation des enfants roms. Chacun sait que l'amélioration de la situation de la communauté rom dans toutes les sociétés dépend de l'éducation, de la scolarisation et de l'enseignement des enfants, lesquels ont des conséquences sur l'emploi, l'intégration et la disparition des stéréotypes à l'encontre des Roms. Il est très important que les enfants roms aient davantage envie d'aller à l'école et qu'il soit mis un terme à l'absentéisme scolaire. Le rôle des parents roms étant déterminant à cet égard, un effort d'information doit être fait envers eux. D'autre part, il faut également que les Roms disposent d'un enseignement adapté, au sein des écoles primaires et secondaires classiques, sans pour cela placer les enfants roms dans des écoles pour handicapés mentaux comme cela est le cas actuellement dans certains pays. Ceci implique la formation de personnels enseignants. La question de la politique de scolarisation des Roms incarne le délicat équilibre à trouver car si des classes adaptées aux besoins des enfants roms sont créées, ces enfants risquent également de se retrouver isolés, voire stigmatisés, ce qui engendrerait à un phénomène de ségrégation scolaire.

57.Il convient également de mettre l'accent sur une question très importante qui s'inscrit dans le cadre des aspects sexospécifiques de la discrimination raciale, à savoir la double discrimination que subissent les femmes roms, en tant que femmes et en tant que membres de la minorité rom. D'après les informations reçues par le Comité, ce sont les fillettes roms qui quittent le plus tôt l'école. Il faudrait également évoquer les programmes de stérilisation forcée auxquels des femmes d'origine rom auraient été contraintes de se soumettre.

58.M. ABOUL-NASR juge, vu la somme et l'importance des informations transmises au Comité dans le cadre de ce débat sur les Roms, qu'il conviendrait de demander l'établissement d'un procès-verbal in extenso de la séance. Cette procédure est déjà suivie à la Conférence du désarmement, à Genève, et il devrait être possible d'en faire de même pour le débat sur les Roms que tient le Comité.

59. Le PRÉSIDENT souscrit à cette proposition et demande au secrétariat de faire son possible tout en constatant que sa mise en œuvre pourrait se révéler difficile malgré l'importance du débat.

La séance est levée à 18 heures.

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