NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.174623 mars 2006

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑huitième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1746e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 2 mars 2006, à 10 heures

Présidence: M. de GOUTTES

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Bilan de l’application de la Convention dans les États parties dont les rapports périodiques sont très en retard (suite)

Éthiopie

Papouasie‑Nouvelle‑Guinée

PRÉVENTION DE LA DISCRIMINATION RACIALE, Y COMPRIS LES MESURES D’ALERTE RAPIDE ET LA PROCÉDURE D’ACTION URGENTE (suite)

Situation des Shoshone de l’Ouest (suite)

QUESTIONS D’ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (suite)

La séance est ouverte à 10 h 25.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Bilan de l’application de la Convention dans les États parties dont les rapports périodiques sont très en retard

Éthiopie

1.M. THORNBERRY (Rapporteur pour l’Éthiopie), présentant le projet de liste de points à traiter concernant les septième à quinzième rapports périodiques de l’Éthiopie (document sans cote distribué en séance, en anglais seulement), indique que le document à l’examen a été élaboré dans le but d’aider cet État partie à préparer son rapport, étant donné le retard considérable accumulé, et afin d’éviter un examen de la situation dans ce pays en l’absence de rapport.

2.Décrivant brièvement la situation de l’Éthiopie, M. Thornberry rappelle que cet État a ratifié la Convention en 1976 et a présenté régulièrement ses rapports périodiques jusqu’en 1987. Son dernier rapport périodique, le sixième (CERD/C/156/Add.3), a été examiné par le Comité en août 1990, et elle a demandé un délai supplémentaire pour la présentation de ses septième à quinzième rapports, qui lui a été accordé et a expiré en novembre 2005. Par ailleurs, l’Éthiopie n’a pas soumis de document de base, ce qui, d’après les explications fournies par la délégation éthiopienne lors de l’examen du sixième rapport périodique, serait dû à l’insuffisance des ressources financières et des compétences disponibles pour élaborer les statistiques de base.

3.L’Éthiopie est un pays indépendant de longue date qui a connu des changements politiques importants ces dernières années. Un nouveau régime, le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien ayant accédé au pouvoir en 1991, le gouvernement actuel n’est donc pas celui qui a établi les rapports présentés au Comité jusqu’en 1987. Dans les années 90, un système fédéral fondé sur les groupes ethniques a été instauré. Depuis, le pays est divisé en neuf régions, dans lesquelles 80 groupes ethniques sont répartis. En 2004, une nouvelle constitution a été adoptée et, en 2005, se sont tenues des élections, dont les résultats ont donné lieu à des manifestations de l’opposition au cours desquelles des personnes ont été tuées. Ces événements ainsi que les violences dirigées contre quelques groupes ethniques dans certaines régions font l’objet d’une partie des questions posées dans le document à l’examen.

4.Commentant certaines questions figurant dans le projet, M. Thornberry explique que la question no 1 du projet de liste de questions destinée à l’Éthiopie a pour objectif d’obtenir des informations non seulement sur la composition ethnique de la population, mais aussi sur la répartition géographique des groupes ethniques, et de savoir qui sont les personnes déplacées à l’intérieur du pays. La question no 4 vise à connaître le cadre législatif de la protection contre la discrimination raciale, l’instauration du fédéralisme ayant apparemment donné lieu à l’adoption d’une foule de lois et même de constitutions régionales. La question no 6 est fondée sur le constat que la plupart des Éthiopiens recourent aux tribunaux coutumiers et religieux plutôt qu’aux tribunaux fédéraux, ce qui n’est pas sans poser des problèmes pour ce qui est du respect des droits des femmes et de la connaissance par les juges coutumiers des droits de l’homme en général et de la Convention en particulier, surtout dans les zones rurales. Le Rapporteur explique que la question no 10, qui vise à déterminer quelles mesures ont été prises en faveur des groupes minoritaires, est motivée par les massacres perpétrés contre les minorités anuak et oromo en 2004 dans la région de Gambella. Il serait en effet important de savoir quel rôle ont joué les forces gouvernementales lors de ces événements et dans quelle mesure ces violences étaient fondées sur des tensions interethniques. La question no 15 a pour but de savoir si les groupes bénéficiaires du programme de réinstallation à des fins de sécurité alimentaire ont été choisis en fonction de leur appartenance ethnique. M. Thornberry invite les membres du Comité à formuler des observations sur le projet à l’examen et, éventuellement, à lui proposer des questions supplémentaires.

5.M. AMIR, rappelant les difficultés particulièrement aiguës auxquelles l’Éthiopie est confrontée, dont la sécheresse chronique, la pauvreté et la famine et, depuis le changement de régime, les revendications des divers groupes ethniques, appuie la démarche proposée par M. Thornberry, qui vise à aider ce pays à élaborer son rapport périodique en lui soumettant une liste de points à traiter.

6.Le PRÉSIDENT indique qu’un tribunal national chargé de juger les crimes contre l’humanité commis pendant la période de la «terreur rouge» a été créé il y a plus de 10 ans dans l’État partie. Il souhaiterait ajouter dans la liste une question tendant à savoir si cette juridiction est encore en activité.

7.M. AVTONOMOV suggère, dans la question no 19 du document à l’examen relative à la discrimination dont sont victimes les Érythréens vivant en Éthiopie, d’inviter l’État partie à se référer à la Recommandation générale XI du Comité concernant les non‑ressortissants.

8.M. SICILIANOS se demande quelle stratégie le Comité pourrait adopter dans l’éventualité où l’Éthiopie ne donnerait pas suite à la liste des points à traiter. En pareil cas, l’examen de la situation dans ce pays serait‑il inscrit à l’ordre du jour de la session suivante du Comité?

9.M. THORNBERRY (Rapporteur pour l’Éthiopie) remercie le Président et M. Avtonomov de leurs propositions pertinentes, qu’il intégrera dans le texte, et indique à l’intention de M. Sicilianos qu’il a bon espoir que l’État partie réagisse favorablement en présentant son rapport périodique, sachant qu’il a été en mesure de le faire pour le Comité des droits de l’enfant en 2002 et, une dizaine d’années auparavant, pour le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes.

10.Le PRÉSIDENT précise que la procédure habituelle est d’envoyer aux États parties la liste des points à traiter accompagnée d’une lettre du Président du Comité informant l’État partie que, s’il ne donne pas suite à sa demande, le Comité examinera la situation dans le pays en question en l’absence de rapport.

11.M. EWOMSAN dit que le fait que l’Éthiopie a été en mesure de présenter des rapports périodiques à deux autres organes conventionnels montre bien que le problème ne réside pas tant dans le manque de moyens que dans la conscience insuffisante qu’a l’État partie de l’importance de la Convention. Des efforts de promotion seraient donc nécessaires afin que l’État partie comprenne le rôle fondamental que joue la Convention.

12.M. ABOUL‑NASR aimerait savoir si le secrétariat du Comité a eu des contacts avec l’État partie.

13.Mme PROUVEZ (Secrétaire du Comité) indique que le Comité a reçu une lettre en date du 5 novembre 2005 de la Mission permanente de l’Éthiopie à Genève mais que, dans ce document, l’État partie ne demande pas au Haut‑Commissariat aux droits de l’homme de lui fournir une assistance technique en vue de l’établissement de son rapport périodique.

14.M. AVTONOMOV, notant que de nombreux États parties ont cessé depuis de nombreuses années de dialoguer avec le Comité, suggère que le Comité envisage d’établir une procédure spéciale à leur égard.

15.M. AMIR dit que le cas de l’Éthiopie, comme celui de nombreux États parties qui n’ont pas présenté de rapport depuis plus de cinq ans, montre que les États n’accordent pas suffisamment d’importance à la Convention et qu’il ne faut ménager aucun effort pour mieux faire connaître ses dispositions et amener les États parties à soumettre au Comité des rapports sur son application.

16.Le PRÉSIDENT, s’exprimant à titre personnel, partage le point de vue de M. Amir et regrette que le Comité ne fasse pas l’objet d’une plus grande attention de la part des États parties et des médias à un moment où les problèmes de racisme et de discrimination raciale se multiplient dans le monde. Il souligne qu’il appartient à chacun des membres du Comité de faire connaître la Convention et note que des organisations non gouvernementales comme l’ARIS (Service d’information antiraciste) jouent un rôle important dans ce domaine. Il appelle l’attention des membres du Comité sur la section V du rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale (A/60/18), dans laquelle figure la liste exacte des États parties qui ont au moins 10 ans de retard dans la présentation de leurs rapports. Force est de constater que beaucoup trop de pays ne se sont pas acquittés de cette tâche depuis plus de 10 ans. Il se demande par ailleurs si le Comité ne devrait pas charger un de ses membres d’élaborer un document sur la situation des pays soumis à la procédure de bilan.

17.Mme JANUARY‑BARDILL note que la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale revêt un caractère plus politique que les autres conventions, ce qui pourrait expliquer que les États parties ont parfois des difficultés à s’acquitter de leur obligation de présenter un rapport. Pour ce qui est de l’Éthiopie, elle préconise une solution à court terme selon laquelle le Président, le Coordonnateur chargé des questions de suivi ou le secrétariat se contenteraient d’informer l’État partie qu’il devra soumettre un rapport à la fin de l’année, au plus tard.

18.M. THORNBERRY dit qu’à long terme le Comité pourrait établir un groupe de travail chargé d’examiner la situation dans les pays soumis à la procédure de bilan. Pour ce qui est de l’Éthiopie, il souhaiterait que le Comité adopte le projet de liste de points à traiter, tel qu’il a été modifié oralement.

19.M. ABOUL‑NASR partage le point de vue des membres du Comité selon lequel il faudrait faire davantage connaître l’importance de la Convention. À cette fin, il serait peut‑être bon que le Comité demande à tenir ses sessions au Siège de l’ONU, à New York, où ses travaux seraient davantage suivis par les délégations et les médias. On pourrait aussi envisager que l’un des membres du Comité se rende au Siège pour y rencontrer les représentants des États parties afin de les sensibiliser aux travaux du Comité.

20.Mme PROUVEZ (Secrétaire du Comité) rappelle comment le secrétariat procède lorsque le Comité envisage d’examiner la situation dans un État partie en ce qui concerne la discrimination raciale. Une première note verbale est adressée à l’État partie concerné afin de l’informer de l’intention du Comité. En l’absence de réponse, une seconde note verbale lui est adressée, précisant la date et l’heure de la séance au cours de laquelle le Comité examinera son cas et demandant à l’État partie de transmettre au secrétariat la liste des membres de la délégation qu’il compte envoyer. Parallèlement, le secrétariat prend contact avec la mission permanente de l’État partie afin de lui indiquer comment le Comité procédera à l’examen de la situation sur son territoire.

21.M. KJAERUM est favorable à l’adoption du projet de liste de points à traiter tel qu’il a été modifié oralement. Pour ce qui est du problème plus vaste des États parties dont les rapports sont très en retard, il suggère que le Comité élabore un document de travail sur la quarantaine de pays dont les rapports sont attendus depuis plus de cinq ans et propose des moyens de renouer le dialogue avec ces États parties. En ce qui concerne le peu d’importance accordée à la Convention et aux travaux du Comité, il estime que l’attention des médias n’est pas primordiale, mais juge préférable de mener une action plus ciblée auprès des institutions publiques, des ministères et des organisations non gouvernementales de premier plan afin de mieux faire connaître l’action du Comité.

22.Mme DAH, revenant sur le cas de l’Éthiopie, préconise d’adresser à cet État partie la liste des points à traiter accompagnée d’une lettre précisant que le Comité examinera la situation dans le pays même s’il ne reçoit pas de réponse de sa part. Par ailleurs, elle ne pense pas que l’Éthiopie ait besoin de demander une assistance technique au Haut‑Commissariat aux droits de l’homme pour soumettre un rapport au Comité. D’une manière générale, elle préfère que le Comité adopte une approche pragmatique, au cas par cas, plutôt que de définir une méthodologie trop figée, de créer un groupe de travail ou d’élaborer un document de travail supplémentaire. Enfin, elle juge utopique l’idée d’organiser les sessions du Comité à New York à un moment où l’Organisation des Nations Unies s’est engagée dans une vaste réforme visant notamment à rationaliser les organes conventionnels.

23.M. SHAHI préconise la création d’un groupe de travail qui serait chargé d’étudier les moyens de renouer le dialogue avec les États parties qui n’ont pas présenté de rapport périodique depuis plus de cinq ans. Il recommande également, pour mieux faire connaître les activités du Comité, de mettre les enregistrements et les comptes rendus analytiques des réunions du Comité à la disposition du public et des médias.

24.M. SICILIANOS approuve la liste de questions préparées par le Rapporteur pour l’Éthiopie mais recommande, compte tenu des observations formulées par Mme Dah, de supprimer la question no 2, qui a trait à la possibilité faite à l’État partie de solliciter l’assistance technique du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme. Remarquant que quatre des États parties dont les rapports périodiques sont très en retard sont des pays ayant un ressortissant parmi les membres du Comité, il recommande aux experts concernés d’intercéder auprès des autorités de leur pays pour qu’elles s’acquittent au plus vite des obligations qui leur incombent en vertu de l’article 9 de la Convention.

25.Par ailleurs, M. Sicilianos propose d’examiner, à l’occasion de la prochaine réunion intercomités des Présidents des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, les moyens que pourrait utiliser le nouveau Conseil des droits de l’homme, qui se réunira tous les ans à Genève à compter de juin 2006, pour mieux faire connaître les activités du Comité. Il appuie également la proposition de M. Kjaerum visant à préparer un document de travail sur les États parties dont les rapports périodiques ont plus de cinq ans de retard afin que toutes les solutions permettant de renouer le dialogue avec ces États soient envisagées.

26.Le PRÉSIDENT croit comprendre que les membres du Comité souhaitent adopter le questionnaire élaboré par le Rapporteur pour l’Éthiopie et le transmettre au Gouvernement éthiopien, accompagné d’une lettre du Président du Comité indiquant qu’à défaut de son rapport périodique le Comité examinera néanmoins la situation de l’application de la Convention en Éthiopie.

Papouasie‑Nouvelle‑Guinée

27.M. AMIR (Rapporteur pour la Papouasie‑Nouvelle‑Guinée) rappelle que, le 11 mars 2005, le Président du Comité, M. Yutzis, a envoyé au Représentant permanent de la Papouasie‑Nouvelle‑Guinée auprès de l’Organisation des Nations Unies à New York une lettre l’informant que le Comité avait examiné la situation dans son pays le 8 mars 2005, en l’absence de rapport. Dans sa lettre, le Président du Comité avait regretté qu’en dépit des demandes répétées du Comité la Papouasie‑Nouvelle‑Guinée ne se soit pas acquittée des obligations qui lui incombent en vertu du paragraphe 9 de la Convention, et qu’elle n’ait soumis ni son rapport périodique ni les informations supplémentaires demandées sur la situation à Bougainville. Le Président du Comité avait également attiré l’attention des autorités, notamment sur les conclusions adoptées par le Comité en mars 2003 (CERD/C/62/CO/12) au titre de la procédure de bilan, par lesquelles le Comité avait prié instamment les autorités de Papouasie‑Nouvelle‑Guinée de renouer le dialogue avec le Comité, interrompu depuis 1984, et de lui présenter à cette fin un rapport conformément à l’article 9 de la Convention. Pour enrichir la discussion sur l’état d’application de la Convention en Papouasie‑Nouvelle‑Guinée, prévue à la soixante‑huitième session, le Président a joint à sa lettre une liste de questions établie par le Comité à laquelle il priait l’État partie de répondre avant le 31 novembre 2005. Cependant la lettre est demeurée sans réponse, et les entretiens que M. Amir a eus personnellement avec la Mission de la Papouasie‑Nouvelle‑Guinée auprès de l’Organisation des Nations Unies à New York n’ont pas abouti.

28.Le Rapporteur précise que le pays, qui est constitué de 19 provinces administrées par des gouvernements provinciaux disposant chacune d’une constitution similaire à celle du gouvernement national, a connu des troubles importants dans l’île de Bougainville, en 2003. En mars de cette même année, le Parlement national a adopté des textes législatifs octroyant l’autonomie politique à Bougainville et prévoyant d’organiser dans les dix à quinze ans un référendum sur son indépendance. L’armée s’est retirée de la province et les dirigeants de Bougainville ont alors entrepris la rédaction d’un projet de constitution du futur État autonome. M. Amir ajoute que des élections devaient avoir lieu en avril 2005 mais qu’elles ont dû être reportées en raison de la poursuite des négociations sur le projet de constitution. Selon les dernières informations disponibles, le texte de la Constitution de Bougainville serait en voie d’achèvement.

29.Compte tenu de ces éléments, M. Amir recommande au Comité d’attendre la prochaine session du Comité, en août 2006, pour examiner la situation en Papouasie‑Nouvelle‑Guinée, dans l’espoir que la Constitution de Bougainville aura été adoptée entre‑temps et que les autorités seront en mesure de renouer le dialogue.

30.M. TANG appuie la recommandation de M. Amir et souhaite que le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme propose ses services d’assistance technique à la Papouasie‑Nouvelle‑Guinée.

31.Le PRÉSIDENT déclare que, selon les dernières informations qui lui sont parvenues, le chef du Bureau régional du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme aux Fidji doit se rendre en juin 2006 en Papouasie‑Nouvelle‑Guinée. Il croit par conséquent comprendre que les membres du Comité souhaitent attendre l’issue de cette mission et l’éventuelle adoption de la Constitution de Bougainville avant de reprendre l’examen de l’état d’application de la Convention en Papouasie‑Nouvelle‑Guinée, à la soixante‑neuvième session du Comité, en août 2006.

PRÉVENTION DE LA DISCRIMINATION RACIALE, Y COMPRIS LES MESURES D’ALERTE RAPIDE ET LA PROCÉDURE D’ACTION URGENTE (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Situation des Shoshone de l’Ouest

32.MmeJanuary-Bardill dit que le Groupe de travail sur les mesures d’alerte rapide et la procédure d’action urgente a examiné avec attention l’affaire de la situation des Shoshone de l’Ouest. Il s’agissait pour le Groupe de travail de formuler des recommandations sur l’opportunité de poursuivre l’examen de l’affaire au titre de cette procédure, compte tenu de la lettre reçue de la Mission permanente des états-Unis en réponse à la demande d’information du Président du Comité concernant la situation des Shoshone, adressée au Gouvernement des États‑Unis en août 2005, de l’absence d’informations provenant de l’état partie suite à cette lettre et des nouveaux éléments d’information sur l’évolution récente de la situation qui ont été communiqués au Comité par la délégation chargée de représenter les Shoshone depuis août 2005. Lors d’une réunion informelle avec des représentants des Shoshone organisée la veille, les membres du Comité ont reçu par écrit et verbalement des informations supplémentaires, y compris des preuves visuelles, témoignant d’une forte aggravation des activités destructrices menées ou autorisées par le Gouvernement des états-Unis sur les terres des Shoshone, ainsi que d’une situation massive et persistante de discrimination raciale à l’égard des Shoshone.

33.Mme January-Bardill rappelle que les mécanismes d’alerte rapide et d’action urgente se fondent sur la notion de diplomatie préventive, exposée par le Secrétaire général dans son rapport de 1992 au Conseil de sécurité, intitulé «Agenda pour la paix» (A/47/277‑S/24111), qui consiste à «déceler le plus tôt possible les situations porteuses de conflit» et à essayer «d’éviter que des différends ne surgissent entre les parties, d’empêcher qu’un différend existant ne se transforme en conflit ouvert et, si un conflit éclate, de faire en sorte qu’il s’étende le moins possible», en accordant une attention particulière aux droits des minorités. Les présidents des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ayant observé, lors de leur quatrième réunion périodique tenue la même année, que ces organes avaient un rôle important à jouer pour essayer de prévenir les violations des droits de l’homme et essayer d’y faire face, plusieurs de ces organes, dont le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, avaient décidé de se doter d’une procédure spéciale pour faire face aux situations d’urgence.

34.Mme January-Bardill souligne qu’il importe d’avoir à l’esprit l’origine de la procédure d’urgence en raison des malentendus qui surviennent parfois sur les raisons de son utilisation pour traiter certains cas. à cet égard, elle indique que, contrairement aux affirmations de l’État partie, l’intention du Comité n’a jamais été d’invoquer l’article 14 de la Convention. Compte tenu de ce qui précède, le Groupe de travail a donc décidé de recommander au Comité de poursuivre l’examen de la situation des Shoshone de l’Ouest au titre des mesures d’alerte rapide et de la procédure d’action urgente, non pas pour provoquer le Gouvernement des états‑Unis mais afin d’éviter une violation de la Convention. Il compte élaborer un projet de réponse à l’état partie qu’il présentera pour examen et approbation à l’ensemble du Comité à la session en cours.

35.M. AMIR demande si la position de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, qui a donné raison aux Shoshone, sera mentionnée dans son texte par le Groupe de travail.

36.Mme JANUARY BARDILL indique que cet élément figurera bien dans le projet de lettre.

37.Le Président croit comprendre que les nouveaux éléments d’information par lesquels le Groupe de travail justifie sa position seront explicités dans le projet de lettre que le Groupe de travail soumettra aux membres du Comité. Il prend acte de la recommandation du Groupe de travail tendant à ce que le Comité continue d’examiner la question de la situation des Shoshone de l’Ouest au titre des mesures d’alerte rapide et de la procédure d’action urgente, et propose qu’elle soit adoptée.

Il en est ainsi décidé.

Questions d’organisation et questions diverses (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

38.M. LINDGREN ALVES dit qu’il avait proposé à la soixante-septième session du Comité, avec l’appui de Mme January-Bardill, qu’un débat ait lieu sur la résurgence de mouvements néofascistes et néonazis partout dans le monde, après avoir assisté à la projection organisée par une ONG d’un film sur ce sujet qui l’avait fortement impressionné. Il souhaiterait avoir l’avis des membres du Comité sur l’opportunité d’organiser un débat sur ce thème à la prochaine session. Par ailleurs, M. Lindgren Alves serait disposé à élaborer entre‑temps un texte ou une recommandation pour faire suite au débat général sur le multiculturalisme qui s’est tenu à la soixante-septième session du Comité. Il souhaiterait également avoir l’avis des membres du Comité sur ce sujet.

39.Le président pense qu’il sera sans doute difficile de tenir un tel débat à la soixante‑neuvième session compte tenu de l’ordre du jour déjà très chargé prévu pour cette session.

40.M. AMIR dit que l’interrogation du passé est certes utile pour éclairer le présent, mais se demande si ce n’est pas là avant tout le rôle des historiens et si celui du Comité n’est pas plutôt de réfléchir sur les moyens de renforcer la paix, afin d’aider les peuples du monde.

41.Le président rappelle que la question soulevée par M. Lindgren Alves est un sujet qui a beaucoup préoccupé les membres du Comité à l’occasion de l’examen des rapports de différents états parties. Il conviendrait peut-être de réunir une documentation sur la manière dont différents organes internationaux et régionaux ont déjà abordé la question des mouvements néofascistes et néonazis, tâche qui serait confiée au secrétariat. Le Comité devrait également se demander quelle valeur ajoutée sa contribution pourrait apporter à l’étude de cette question importante. Par ailleurs, le Président souhaiterait que M. Lindgren Alves donne quelques indications sur le texte concernant le multiculturalisme qu’il compte élaborer.

42.M. ABOUL-NASR souhaiterait que le Président ne récapitule pas les débats au milieu de la discussion mais à la fin de façon que chacun ait le temps de s’exprimer. Il estime qu’il y a des problèmes plus urgents à débattre que le nazisme, qui appartient au passé, et est opposé à ce que le Comité charge le secrétariat de réunir une documentation en vue d’un débat sur ce sujet. La question de l’islamophobie en Europe est à son avis plus urgente. S’il était décidé de tenir un débat sur le thème proposé par M. Lindgren Alves, tous les aspects du phénomène devraient être pris en compte et traités sur un pied d’égalité.

43.M. AVTONOMOV appuie la proposition de M. Lindgren Alves, estimant que la résurgence d’idéologies qui acceptent que l’on tue des personnes à cause de leur race ou de leur appartenance ethnique ou religieuse est un problème actuel bien réel dont le Comité doit se préoccuper. Il doute cependant que le Comité ait le temps de tenir ce débat à sa soixante‑neuvième session et suggère d’attendre la suivante afin de le préparer convenablement.

44.Mme JANUARY-BARDILL s’étonne de la manière dont la question en discussion a été soulevée. La façon dont les questions sont amenées est importante si l’on veut que les travaux du Comité aboutissent à de bons résultats. Mme January Bardill indique que M. Lindgren Alves et elle-même, après avoir vu le film terrifiant en question sur les nouvelles formes d’intolérance en Europe, avaient estimé qu’il pourrait être utile que le Comité se penche sur son contenu. Elle souscrit au point de vue de M. Avtonomov, car le sujet est certes grave et important mais il convient néanmoins de prendre le temps nécessaire pour bien cadrer les idées et le débat.

45.M. EWOMSAN dit que le racisme est un sujet complexe qu’il convient souvent d’aborder de façon transversale. L’important est donc de déterminer comment, à partir du thème central du racisme, poser des problèmes qui lui sont liés comme la résurgence du fascisme et l’islamophobie afin que le Comité puisse y réfléchir.

46.M. LINDGREN ALVES ne tient pas à ce que le débat envisagé ait lieu à la prochaine session, mais demande qu’il se tienne prioritairement à toute autre. Les nouvelles formes de fascisme sont un phénomène qui sévit actuellement dans toutes les parties du monde, et dont le Comité a l’occasion de constater la gravité à chacune de ses sessions, en apprenant à la lecture de rapports que des agressions sont commises par des groupes néofascistes contre des Juifs, des Arabes, des étrangers ou des migrants partout dans le monde.

47.Concernant sa proposition de tenir un débat sur le multiculturalisme, M. Lindgren Alves reconnaît qu’il serait très difficile de rédiger une recommandation sur cette question. Toutefois, plusieurs membres du Comité ont suggéré d’élaborer un texte sur le multiculturalisme. Il pourrait s’agir d’un texte à l’usage des membres du Comité qui permettrait à chacun de mieux comprendre les positions des uns et des autres et l’orientation générale des travaux.

48.M. THORNBERRY dit que le débat sur le multiculturalisme pourrait peut-être s’inscrire dans une réflexion générale que le Comité pourrait avoir en 2007 sur les relations entre la prévention de la discrimination et la protection des minorités. Concernant un éventuel débat sur les nouvelles formes de racisme, une formulation générale pourrait être trouvée de façon que chaque membre du Comité puisse réagir selon l’urgence qu’il reconnaît aux différents problèmes.

49.M. SHAHI estime, comme M. Aboul-Nasr, que les problèmes dus à l’islamophobie devraient aussi être abordés dans le cadre du débat envisagé. Par ailleurs, il a été de ceux qui ont appuyé la proposition d’élaborer une recommandation concernant le multiculturalisme, mais il considère qu’un expert peut toujours soumettre un projet au Comité sans l’accord préalable des autres membres du Comité. Il appartient au Comité de décider ensuite s’il souhaite approfondir la question.

La séance est levée à 13 heures.

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