Nations Unies

CERD/C/SR.2168

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.générale

23janvier 2013

Français

Original: anglais

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Quatre-vingt-unième session

Compte rendu analytique de la première partie (publique)*de la 2 16 8 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 7 août 2012, à 10 heures

Président:M. Avtonomov

Sommaire

Réunion informelle avec des organisations non gouvernementales

Informations concernant le rapport initial et les deuxième et troisième rapports périodiques de la Thaïlande

La séance est ouverte à 10 h 20 .

Réunion informelle avec les organisations non gouvernementales

Informations concernant le rapport initial et les deuxième et troisième rapports périodiques de la Thaïlande (CERD/C/THA/1-3)

1. Sur l ’ invitation du Président, les représentants des organisations non gouvernementales prennent place à la table du Comité.

2. M me Khongkachonkiet (Cross Cultural Foundation) dit qu’en 2008, l’organisation qu’elle représente a examiné la situation en Thaïlande du point de vue de la discrimination raciale et d’autres formes de discriminations et passé en revue les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme en vue de l’élaboration d’un manuel rédigé en thaï dont les organisations non gouvernementales (ONG) pourront s’inspirer pour préparer leur rapport alternatif. La Thaïlande compte de nombreux groupes minoritaires qui sont, dans l’ensemble, bien intégrés, ce qui s’est traduit par une dilution de leurs spécificités culturelles. Comme de nombreux autres pays de la région, la Thaïlande fait face à un afflux de réfugiés, de demandeurs d’asile et de travailleurs migrants. On trouve par exemple des réfugiés shan du Myanmar dans tout le nord de la Thaïlande mais ils ne sont pas regroupés dans un camp digne de ce nom.

3. M.  Tamee (Highland People’s Taskforce) dit que l’organisation qu’il représente rassemble trente groupes ethniques autochtones thaïlandais. Les populations autochtones et nomades sont de plus en plus touchées par le problème de l’apatridie, puisque bon nombre de leurs membres se sont vus refuser la nationalité thaïlandaise, et donc l’accès aux services de santé, notamment. Ce sont également les groupes de population les plus touchés par la guerre que se livrent les narcotrafiquants et les politiques contre la drogue menées par les autorités. Étant donné que la Thaïlande a accepté mais n’a pas encore appliqué les nombreuses recommandations qui lui ont été adressées par divers organes conventionnels, notamment la recommandation du Comité des droits de l’enfant concernant les enfants apatrides, M. Tamee s’interroge sur le rôle des organes conventionnels et sur les moyens de pression qu’ils peuvent utiliser pour inciter la Thaïlande à respecter ses obligations.

4. M me Aleemama (Muslim Attorney Centre Foundation) prie le Comité de demander instamment au Gouvernement thaïlandais d’abroger la législation spéciale en vigueur dans les provinces frontalières du sud, à savoir la loi martiale, le décret sur l’état d’urgence et la loi relative à la sécurité intérieure. La loi martiale, en vigueur depuis 2004, a entraîné de nombreuses violations des droits de l’homme et a eu une incidence sur les moyens de subsistance de la population du fait des restrictions imposées aux activités agricoles. Évoquant les lettres d’anciens détenus Malais musulmans dans lesquelles ils disent la peur et le sentiment d’insécurité qu’ils éprouvent à l’échéance de leur libération, Mme Aleemama souligne que des mesures doivent être prises pour assurer leur sécurité dans les provinces frontalières du sud où ils vivent.

5. M me Khongkachonkiet (Cross Cultural Foundation) indique que la loi martiale permet de détenir un individu pendant sept jours en l’absence de chef d’inculpation. Bien souvent, les familles de détenus ne savent pas où leurs proches sont incarcérés ou n’ont pas le droit de leur rendre visite. Ce délai peut être porté à trente jours en vertu du décret sur l’état d’urgence. Même si ce type de détention requiert une décision de justice, celle-ci est souvent rendue pour des motifs ténus et n’a été requise qu’à l’égard de Malais musulmans, un groupe particulièrement ciblé du fait du profilage racial. En outre, les procédures judiciaires traînent souvent en longueur. Selon les statistiques de la Muslim Attorney Centre Foundation, 80 % des procès se soldent par un acquittement, ce qui laisse penser que de nombreuses personnes sont injustement arrêtées et poursuivies. Des milliers d’anciens détenus restent fichés après leur libération, ce qui nuit à leur liberté de mouvement, y compris dans le pays.

6. Le Président dit que les organes conventionnels ne sont pas des tribunaux et que puisque leurs décisions n’ont pas de force exécutoire, ils ne peuvent pas contraindre les États parties à donner suite aux recommandations qu’ils leur adressent. La persévérance permet parfois cependant de résoudre, à terme, certains problèmes.

7. M.  Conte (Commission internationale de juristes) explique que la Commission internationale de juristes examine depuis deux ans la situation des femmes en matière d’accès à la justice en Thaïlande et qu’elle a constaté que, malgré les solides garanties prévues par la Constitution pour interdire la discrimination, plusieurs facteurs entravent systématiquement l’accès des femmes appartenant à certaines minorités ethniques à la justice. En premier lieu, les migrantes sans-papiers en provenance du Cambodge, de la République démocratique populaire lao et du Myanmar évitent en général de signaler les incidents de violence dont elles font l’objet de peur d’être arrêtées ou expulsées et sont contraintes de continuer à subir des violences sous peine de perdre leur permis de travail. En outre, les camps de personnes déplacées originaires du Myanmar disposent d’un système de justice interne censé complémenter le système judiciaire thaïlandais; or, dans la pratique, l’on ne sait pas bien quelles lois s’appliquent à quelles infractions. Enfin, c’est la charia, plus que le Code civil et le Code du commerce thaïlandais, qui s’applique en matière de mariage et de succession dans les provinces frontalières du sud. Il est envisagé d’actualiser la loi sur le droit islamique mais la Commission internationale de juristes est préoccupée par l’absence de composante droits de l’homme au sein du processus de consultation. M. Conte attire l’attention du Comité sur les recommandations que la Commission internationale de juristes a adressées au Gouvernement thaïlandais qui sont présentées dans son rapport alternatif.

8. Le Président dit que le Comité est préoccupé par les affaires de discriminations multiples et rappelle que la Recommandation générale n° 25 du Comité, adoptée en 2000, porte sur la dimension sexiste de la discrimination raciale.

9. M.  Huang Yong’an (Rapporteur pour la Thaïlande) souhaite savoir si une ONG dispose d’informations concernant la situation des minorités ethniques vivant ailleurs que dans le sud de la Thaïlande.

10. M.  de Gouttes demande aux ONG d’indiquer si elles ont eu un contact direct avec le Gouvernement thaïlandais et la Commission nationale des droits de l’homme et si la coopération établie a été efficace. Des informations supplémentaires seraient utiles sur la situation des différents groupes ethniques vivant dans le nord de la Thaïlande, en particulier la tribu des Karens, qui seraient victimes de graves violations de leurs droits fondamentaux. Compte tenu du fait que de nombreux réfugiés du Myanmar continuent de vivre en Thaïlande, M. de Gouttes aimerait disposer de davantage de renseignements les concernant. Il aimerait également recevoir des informations actualisées sur les permis de séjour temporaires délivrés aux membres des minorités ethniques.

11. M me Crickley demande quelles sont les questions que les ONG jugent actuellement prioritaires aux fins d’élimination de la discrimination raciale en Thaïlande. Elle aimerait recevoir des explications plus détaillées sur les questions complexes relatives au trafic de drogue qui affectent les communautés autochtones de l’État partie. Compte tenu des informations inquiétantes communiquées par les ONG sur le profilage racial qui aurait cours dans le sud de la Thaïlande, Mme Crickley souhaite savoir si d’autres groupes minoritaires sont victimes de cette pratique dans d’autres régions du pays et, dans l’affirmative, en connaître l’ampleur. Au vu des renseignements communiqués au Comité concernant les discriminations multiples dont seraient victimes les femmes appartenant à des groupes minoritaires, elle demande aux ONG d’indiquer quelles sont les priorités auxquelles elles doivent aujourd’hui faire face. Des informations sur les problèmes particuliers que rencontrent les femmes réfugiées du Myanmar qui vivent dans des camps en Thaïlande seraient également bienvenues.

12. M.  Amir souhaite savoir si les musulmans sont victimes de discrimination individuellement ou collectivement, s’ils vivent sur tout le territoire thaïlandais ou s’ils sont regroupés dans certaines régions. Il aimerait recevoir davantage d’informations sur le statut de la Commission internationale de juristes en Thaïlande.

13. M.  Lindgren Alves aimerait que la Commission internationale de juristes indique au Comité l’approche qu’il conviendrait de suivre concernant l’application de la charia dans le sud de la Thaïlande, qui semble être discriminatoire à l’égard des femmes.

14. M.  Vázquez demande des renseignements supplémentaires sur la manière dont les politiques menées par le Gouvernement thaïlandais en matière de lutte contre le trafic de drogue affectent les minorités ethniques. Il souhaite également savoir quels groupes ethniques se voient refuser la nationalité et les motifs invoqués à cet effet.

15. M.  Kut demande combien de personnes sont apatrides en Thaïlande.

16. M me Khongkachonkiet (Cross Cultural Foundation) dit que de nombreuses ONG thaïlandaises ont établi une coopération satisfaisante avec le Gouvernement, en particulier avec le Département de la protection des droits et libertés du Ministère de la justice. Elle explique qu’en sa qualité de membre depuis 2007 d’une sous-commission de la Commission nationale des droits de l’homme, elle a participé à plusieurs visites de contrôle des lieux de détention et contribué à l’élaboration de rapports sur la torture et la situation des Rohingyas. Les ONG ont cependant eu du mal à travailler dans le sud du pays, en particulier avec les autorités locales et les forces armées. On dénombre près de 66 000 militaires stationnés dans les trois provinces du sud touchées par le conflit, ce qui semble quelque peu disproportionné au regard des 1,9 millions d’habitants du pays. Les défenseurs locaux des droits de l’homme, notamment le personnel masculin des ONG et les étudiants activistes, sont souvent interrogés.

17. Plusieurs ONG internationales travaillent le long de la frontière entre la Thaïlande et le Myanmar. Le Gouvernement thaïlandais a cessé d’enregistrer les réfugiés du Myanmar, malgré l’afflux de ces derniers avant la tenue des élections dans ce pays. La situation des migrants du Myanmar enregistrés et non enregistrés continue d’être très préoccupante. Nombre d’entre eux sont contraints de se déclarer en tant que travailleurs migrants, ce qui les exclut du bénéfice d’une protection internationale.

18. Il existe des signes évidents de profilage racial dans les provinces frontalières du sud, où le conflit a dégénéré de manière significative en 2004. Ce conflit a fait jusqu’à présent quelque 5 000 morts et 10 000 blessés. Les tentatives du Gouvernement de réprimer la violence en proclamant la loi martiale et en augmentant la présence militaire et le nombre de camps de réfugiés n’ont fait qu’exacerber la situation du fait des violations de droits de l’homme qui en ont découlé.

19. M.  Tamee (Highland People’s Taskforce) dit que de nombreux groupes ethniques minoritaires subissent dans tout le pays un niveau de discrimination semblable à celui dont sont victimes les Malais musulmans dans les provinces frontalières du sud. Les minorités ethniques sont considérées comme une menace pour la sécurité nationale et sont souvent accusées d’être au cœur du trafic de drogue et responsables de la déforestation. La loi martiale est appliquée le long de la frontière nord de la Thaïlande et touche les minorités ethniques qui vivent dans la région.

20. Bien que des permis de séjour temporaires aient été accordés à des membres de minorités ethniques, leur durée de validité, même si elle est renouvelable, n’est que d’un an, plaçant leurs détenteurs en situation précaire. Les titulaires deviennent apatrides dès l’expiration de leur permis de séjour et sont ainsi privés de nombreux droits, en particulier du droit d’accès au régime thaïlandais de santé. On dénombre actuellement quelque 540 000 apatrides en Thaïlande. Malgré les efforts déployés par le Gouvernement pour remédier à cette situation, leur nombre n’a diminué que de façon marginale, puisqu’on en dénombrait 550 000 en 2002. En outre, certaines modifications apportées à la législation pertinente n’ont en réalité fait que compliquer davantage la procédure de naturalisation, notamment une résolution adoptée en 2010 qui exclut expressément 13 groupes de population du droit à la nationalité thaïlandaise.

21. Les forces de l’ordre ont fait usage d’une force excessive au cours des opérations de lutte contre le trafic de drogue. Elles ont commis des exécutions extrajudiciaires, notamment contre six membres du groupe ethnique mien.

22. Le Gouvernement a invoqué la législation relative aux droits forestiers pour expulser les populations autochtones et les groupes ethniques des zones qu’ils considèrent comme leurs terres ancestrales. Les personnes qui ont refusé d’être réinstallées ont été arrêtées. Cette situation a empiré depuis 2009 et les groupes ethniques et les peuples autochtones qui vivent dans les forêts ont été accusés de contribuer au réchauffement climatique. Les lois de lutte contre le réchauffement climatique ont été adoptées et invoquées pour réprimer les tribus autochtones qui refusent un autre type d’habitat.

23. M.  Conte (Commission internationale de juristes) dit que la situation des réfugiés du Myanmar est évoquée page 4 de la communication de la Commission internationale de juristes. Même si le système de justice propre aux camps de réfugiés traite d’un large éventail d’affaires, certaines ne peuvent être jugées dans ce cadre parce qu’elles relèvent du Code pénal et du Code de procédure pénale, semant ainsi la confusion dans l’esprit des réfugiés qui ne savent pas à qui s’adresser pour obtenir justice. Par ailleurs, l’aide juridique offerte aux résidents des camps, y compris les services d’interprétation et de financement, est limitée.

24. La question des migrantes sans-papiers est évoquée page 2 de la communication. Les travailleuses migrantes ne cherchent pas en règle générale à bénéficier d’une protection ou à obtenir réparation, principalement parce qu’elles craignent d’être arrêtées et expulsées si elles le font. En fait, les rares fois où elles ont porté plainte, elles ont été placées en détention ou libérées seulement après le paiement de pots-de-vin. La législation en matière d’immigration prime souvent sur le droit d’accès à la justice. Les procédures d’expulsion sont longues. Lorsqu’une personne est expulsée et que la procédure suit son cours en Thaïlande, celle-ci rencontre des difficultés pour rentrer dans le pays du fait de la procédure. Ces difficultés expliquent pourquoi les affaires sont souvent résolues de façon extrajudiciaire. La Commission internationale de juristes a formulé des recommandations détaillées sur l’amélioration de l’accès à la justice, qui figurent aux pages 3 et 4 de sa communication.

25. M. Conte dit que la Commission internationale de juristes est une organisation internationale qui dispose d’un bureau régional à Bangkok spécialisé en matière d’accès à la justice et qui s’intéresse également aux questions de respect des obligations et de l’indépendance des juges et des avocats dans plusieurs pays de la région. Étant situé en Thaïlande, le bureau régional de la Commission internationale de juristes travaille directement avec les minorités ethniques du pays.

26. La question du rôle des valeurs traditionnelles dans les provinces du sud et du droit islamique sont traitées en page 5 de la communication. Bien que les valeurs traditionnelles soient très importantes, elles ne devraient jamais porter atteinte au principe de l’universalité des droits de l’homme ni être contraires aux obligations spécifiques incombant à l’État partie dans ce domaine. Le processus entamé par la Thaïlande aux fins de réexaminer la législation relative au droit islamique devrait donc être effectué sous l’angle des droits de l’homme. La communication de la Commission internationale de juristes cite à titre d’exemple la question du divorce. Quand les Malaises musulmanes qui vivent dans les provinces thaïlandaises veulent divorcer, elles n’intentent généralement pas d’action en ce sens. Elles doivent demander à la famille de convaincre le mari de demander lui-même le divorce ou verser à ce dernier une somme d’argent parce que les dispositions du droit islamique sont la plupart du temps interprétées comme donnant un droit exclusif aux hommes en matière de divorce, les femmes ne pouvant le demander que dans des conditions très restreintes.

27. M me Khongkachonkiet (Cross Cultural Foundation) explique qu’un autre obstacle à l’accès à l’éducation et à la formation est l’incapacité du Gouvernement à promouvoir les langues autochtones. Dans le passé, certaines ont même été interdites. Une politique d’assimilation a été poursuivie au détriment de la diversité culturelle. Plusieurs groupes ethniques, en particulier dans le nord du pays, insistent auprès du Gouvernement pour qu’il encourage la promotion de leur culture et de leurs langues par l’éducation.

28. M me Aleemama (Muslim Attorney Centre Foundation) dit qu’elle s’est fait arrêter un jour par des militaires alors qu’elle circulait à moto et que lorsqu’elle leur a demandé pourquoi elle était seule visée, ils lui ont répondu que les autres ne portaient pas le hijab. Bien que des ressources soient disponibles, les autorités chargées de l’application des lois ne disposent pas de personnel maîtrisant les langues locales. En outre, les hôpitaux et les autres établissements de santé n’ont pas de services d’interprétation. Mme Aleemama dit qu’on lui a interdit de parler sa langue maternelle alors qu’elle était scolarisée dans un établissement public. Prononcer un seul mot dans sa langue l’aurait exposée à une amende d’environ 1 baht. Elle considère que la diversité doit être encouragée tant dans le nord que dans le sud du pays afin de favoriser la compréhension mutuelle et de prévenir les conflits.

29. M.  Thornberry, se référant à la question de l’identité en général et prenant note en particulier des observations de l’oratrice précédente concernant l’utilisation des langues maternelles, dit qu’il a donné une conférence en Thaïlande quelques années plus tôt devant une assemblée de juges et qu’il n’a pas eu l’impression qu’ils aient été particulièrement sensibles à la question de la diversité ethnique. Le rapport de l’État partie semble cependant aborder la question de la diversité différemment. M. Thornberry dit qu’il est rare d’entendre parler d’amendes infligées pour utilisation d’une langue interdite à l’école. Il souhaite savoir dans quelle mesure le statut d’autochtone est en tant que tel reconnu en Thaïlande et si le pays a adopté une stratégie nationale de mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Surpris par certains qualificatifs utilisés dans le rapport de l’État partie, notamment la mention de «personnes non recensées, celles dont le statut et l’identité sont problématiques, et de personnes déracinées», M. Thornberry souhaite savoir si cette classification repose sur des critères ethniques. Relevant que le rapport de la Thaïlande indique qu’il n’y a pas de lois correspondant directement aux articles de la Convention, M. Thornberry demande en quoi cela empêche les activités de sensibilisation et comment les justiciables portent plainte et obtiennent réparation en cas de discrimination raciale.

30. M.  Saidou notant que la Commission nationale des droits de l’homme est tenue de faire rapport à l’Assemblée nationale et qu’elle est placée sous l’autorité de la présidence de Royaume souhaite savoir si la Commission a déjà soumis des rapports et qui nomme les membres de cette instance.

31. M.  de Gouttes observe qu’en dépit des efforts considérables déployés par la Thaïlande ces dernières années, la traite des êtres humains et la traite à des fins d’exploitation sexuelle et de proxénétisme organisé se poursuivent. Il aimerait savoir si ces phénomènes touchent particulièrement les communautés autochtones, étant donné qu’elles vivent dans des zones reculées ou montagneuses et qu’elles figurent parmi les couches les plus pauvres et les plus vulnérables de la société.

32. M.  Vázquez demande des précisions concernant l’affirmation selon laquelle le changement climatique sert de prétexte au déplacement des populations autochtones. Il ne comprend pas si l’argument est que les tribus concernées ne s’adonnent pas à la déforestation ou qu’elles ont le droit de rester sur les terres même si leurs activités sont causes de déforestation.

33. M.  Ewomsan prie les ONG d’indiquer si le tourisme sexuel touche certains groupes ethniques particuliers en Thaïlande.

34. M me Khongkachonkiet (Cross Cultural Foundation) cite le cas particulier de deux membres d’une communauté Karen qui vivait dans un village depuis plus de 100 ans. Les autorités forestières sont venues un jour arrêter les membres de cette communauté alors qu’ils cultivaient du riz dans la forêt au motif qu’ils occupaient la zone illégalement, celle-ci étant protégée en vertu de la loi forestière. Deux membres de la communauté ont été arrêtés, une jeune femme qui n’était pas parvenue à fuir parce qu’elle portait son bébé sur son dos et un vieillard qui n’en n’avait pas eu la force, les autres villageois étant parvenus à se cacher. Des charges pénales ont été par la suite retenues contre les deux membres de la communauté interpellés et leur procès a eu lieu en l’absence d’interprète. Ils ont été condamnés pour une infraction mineure et placés en détention, faute d’avoir pu verser l’amende correspondante. Ils ont par la suite été poursuivis par une juridiction civile pour dommages et intérêts. Le recours ultérieurement introduit pour absence de services d’interprétation au procès a été rejeté. L’affaire est actuellement en instance près la Cour suprême, raison pour laquelle les villageois n’ont pas encore été sommés de quitter la zone. La représentante indique qu’il ne s’agit-là que d’un cas sur les 10 000 à 20 000 qui, chaque année, portent sur le recours à ce type de méthodes par le Département des forêts, au mépris des traditions ou des coutumes des personnes concernées.

35. M.  Tamee (Highland People’s Taskforce) indique que la majorité des groupes autochtones vivent sur des terres domaniales et qu’ils peuvent être arrêtés à tout moment en vertu de la loi forestière. En réalité, le nombre d’arrestations de personnes vivant dans les forêts augmente à mesure que la superficie des forêts diminue. Les entreprises contribuent aussi à la déforestation et à la dégradation des forêts. Plus de 10 millions de personnes vivent actuellement dans des zones forestières appartenant au domaine public, dont 900 000 membres de groupes autochtones et de minorités ethniques. Ces communautés, qui sont impuissantes, ont été les seules à avoir été arrêtées et déplacées. La loi est souvent utilisée de façon stratégique contre des personnes précises afin de créer un précédent qui pourra être appliqué à d’autres villageois.

36. Des terres récemment déclarées situées dans des zones protégées en vertu de la loi relative aux forêts nationales protégées ont été exploitées aux fins de l’échange de crédits de carbone dans le cadre du Protocole de Kyoto. Les zones concernées se sont rapidement élargies ces cinq ou six dernières années et les membres des communautés locales pourraient être accusés d’avoir enfreint plusieurs lois forestières différentes. Seul un petit nombre de personnes possèdent effectivement un titre de propriété sur les terres et les forêts situées dans les zones montagneuses.

37. En ce qui concerne la reconnaissance par les autorités thaïlandaises du principe d’auto-identification des peuples autochtones, le Gouvernement n’a en réalité jamais reconnu officiellement l’existence de peuples autochtones. Il utilise en revanche le terme de «migrants» établis en Thaïlande de longue date. En réalité, le peuple lawa ou lua vivait en Thaïlande avant l’arrivée des Thaïlandais.

38. Les personnes déracinées sont celles qui sont arrivées dans le pays sans famille et que l’État a accueillies. Les personnes non recensées n’ont jamais été officiellement enregistrées en Thaïlande. L’État partie est disposé à naturaliser les premières mais les secondes ont eu de grandes difficultés à obtenir la citoyenneté Thaïlandaise.

39. La Thaïlande n’a pas adopté le type de législation anti-discrimination requis par la Convention et a par ailleurs maintenu sa réserve à l’article 4. En conséquence, les messages discriminatoires véhiculés par les médias et d’autres structures ne sont pas passibles de sanction judicaire. Par exemple, lorsqu’une personne est arrêtée pour trafic de drogue, les médias ont tendance à mettre l’accent sur sa communauté d’origine, sous-entendant que c’est l’ensemble de celle-ci qui est impliquée dans le trafic. De nombreux reportages et films véhiculent des stéréotypes humiliants à l’égard des minorités ethniques et des peuples autochtones. Les costumes et rites traditionnels sont utilisés pour attirer les touristes mais les coutumes et les croyances religieuses des groupes concernés ne sont pas respectées. Les médias alimentent également les conflits ethniques par le biais d’idées reçues négatives. Il est donc essentiel que la Thaïlande lève sa réserve à l’article 4 de la Convention.

40. La Commission nationale des droits de l’homme figure en très mauvaise position dans le sondage réalisé sur l’appréciation des institutions d’aide publique. Certains membres de la Commission ont, de fait, eu une attitude discriminatoire à l’égard de certains groupes ethniques. Les premiers membres de la Commission, choisis par un comité de sélection, avait été sélectionnés de façon plus démocratique. La situation a changé depuis la Constitution de 2007. Cinq juges ont choisi le deuxième groupe de membres et la procédure de sélection aurait été entachée par des opérations de lobbying et des actes de corruption. M. Tamee souligne qu’aucun membre de la Commission thaïlandaise des droits de l’homme ne participera au dialogue entre la délégation thaïlandaise et le Comité.

41. Empower est une ONG thaïlandaise qui aide les femmes victimes de la traite, en particulier celles appartenant à des groupes ethniques du Myanmar et du Laos. Le Gouvernement n’a jamais soutenu cette ONG, qui connaît actuellement des difficultés financières. De nombreuses femmes analphabètes membres de groupes autochtones et ethniques sont particulièrement vulnérables. Elles tombent aux mains de trafiquants lorsqu’elles quittent leur famille pour trouver un emploi et ne peuvent plus rentrer chez elles ou disparaissent purement et simplement.

42. Le Président remercie chaleureusement les représentants des ONG des informations qu’ils ont communiquées aux Comité.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 12 h 25.