NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.17808 novembre 2006

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑neuvième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1780e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le mardi 15 août 2006, à 15 heures

Présidence: M. de GOUTTES

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Bilan de l’application de la Convention dans les États parties dont les rapports périodiques sont très en retard (suite)

Sainte-Lucie

Namibie

PRÉVENTION DE LA DISCRIMINATION RACIALE, Y COMPRIS LES MESURES D’ALERTE RAPIDE ET LA PROCÉDURE D’ACTION URGENTE (suite)

Brésil (Question des terres des populations autochtones de l’État de Roraima)

La séance est ouverte à 15 h 25.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Bilan de l’application de la Convention dans les États parties dont les rapports périodiques sont très en retard (suite)

Sainte-Lucie

Mme DAH (Rapporteuse pour Sainte-Lucie), rappelant que Sainte-Lucie a ratifié la Convention en 1990 et que son rapport et son document de base sont attendus depuis 15 ans, indique que le Comité a déjà examiné deux fois la situation dans cet État partie au titre de la procédure de bilan, à ses soixante-quatrième et soixante-septième sessions, respectivement, et qu’étant donné l’absence de réaction du Gouvernement saint-lucien, il a décidé de se saisir pour la troisième fois de ce cas à la session en cours.

Résumant la chronologie des faits, Mme Dah indique qu’en mars 2004, l’État partie a été averti que les observations provisoires du Comité le concernant seraient rendues publiques s’il ne communiquait pas de date pour la présentation de son rapport. Dans une lettre datée d’avril 2004, l’Ambassadeur à la Mission permanente de Sainte-Lucie auprès de l’Organisation des Nations Unies à New York, a qualifié les informations utilisées par le Comité de partiales et erronées et expliqué que son Gouvernement n’avait pas encore présenté de rapport au Comité en raison de carences administratives et institutionnelles et surtout du fait que la discrimination raciale ne posait pas de problème à Sainte‑Lucie. À sa soixante‑cinquième session, tenue en août 2004, le Comité a décidé de publier ses observations provisoires concernant Sainte‑Lucie (A/59/18, par. 434 à 458), et en a informé cet État partie. En août 2005, il a adressé au Gouvernement saint‑lucien une lettre, accompagnée d’une liste des points à traiter, dans laquelle il a déploré son absence de réaction et l’a invité à recourir à l’assistance technique du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme pour l’établissement de son rapport. À ce jour, cette lettre est toujours sans réponse.

En l’état, le Comité ne dispose d’aucun élément nouveau concernant Sainte-Lucie et, partant, les sujets de préoccupation et les recommandations qu’il a formulés dans les observations provisoires précitées demeurent valables, s’agissant notamment de l’absence de statistiques ventilées sur la composition ethnique de la population et d’informations sur la situation de la population autochtone bethechilokono, de l’absence d’informations sur le statut de la Convention en droit interne et les voies de recours disponibles pour les victimes d’actes de discrimination raciale, de l’impossibilité pour les autochtones d’apprendre le kweyol et de la présence de passages à caractère raciste visant cette communauté dans les manuels scolaires.

Afin de débloquer la situation, Mme Dah propose en conclusion d’envoyer au Gouvernement saint‑lucien une lettre de rappel lui laissant entendre que, s’il juge erronées les informations utilisées par le Comité, il peut en présenter lui‑même au Comité qui s’en réjouira d’autant plus, qu’il en réclame de longue date. Par ailleurs, d’autres voies pourraient être explorées: le Comité pourrait mobiliser les bureaux régionaux du système des Nations Unies, notamment ceux du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme, ou faire appel à d’autres acteurs. Le Comité pourrait recourir par exemple, aux bons offices de M. Bararunyeretse, représentant permanent de l’Organisation internationale de la francophonie auprès de l’Organisation des Nations Unies à Genève, qui assiste à la séance en cours et souhaiterait intervenir afin de proposer au Comité de jouer un rôle de médiateur entre ce dernier et Sainte-Lucie.

Le PRÉSIDENT invite M. Bararunyeretse à prendre la parole.

M. BARARUNYERETSE (Représentant permanent de l’Organisation internationale de la francophonie) dit que l’organisation qu’il représente attache une grande importance à la promotion et à la protection des droits de l’homme, raison pour laquelle il a tenu à assister aux séances au cours desquelles le Comité avait prévu d’examiner la situation de deux pays membres de cette organisation, les Seychelles et Sainte-Lucie. Conscient que ces pays ont des difficultés à remplir leurs obligations au regard des instruments internationaux auxquels ils sont parties, moins par manque de ressources que faute de volonté politique, M. Bararunyeretse est disposé à servir d’intermédiaire entre le Comité et des pays, tels que Sainte‑Lucie et les Seychelles, qui n’ont pas de mission permanente à Genève.

Le PRÉSIDENT, remercie M. Bararunyeretse, disant qu’il a pris bonne note de son offre.

Après un échange de vues auquel participent Mme PROUVEZ (Secrétaire du Comité) et M. ABOUL-NASR, le Président indique que le Comité voudra peut-être envoyer une lettre de rappel à l’État partie le priant de fournir les informations demandées, ou demander au bureau du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme à New York, au bureau régional du Programme des Nations Unies pour le développement ou à M. Bararunyeretse d’établir le contact avec l’État partie, étant entendu que toutes ces mesures pourront être prises conjointement.

Namibie (CERD/C/275/Add.1; CERD/C/304/Add.16)

Sur l’invitation du Président, la délégation namibienne prend place à la table du Comité.

M. NDJOZE (Namibie) indique que, depuis la présentation de son septième rapport périodique (CERD/C/275/Add.1) en 1996, la Namibie a accompli des progrès importants grâce aux efforts qu’elle a déployés pour se débarrasser des vestiges de lois et de pratiques discriminatoires qui étaient d’usage courant par le passé. La délégation namibienne se propose de décrire de manière aussi complète que possible les mesures prises afin de donner suite aux observations finales formulées par le Comité lors de l’examen du septième rapport périodique de son pays (CERD/C/304/Add.16) et de répondre aux questions posées à cette occasion.

En ce qui concerne la définition de la discrimination raciale en tant qu’infraction pénale, rappelant que le Comité avait souhaité savoir si la Constitution namibienne contenait des dispositions pénales permettant de garantir l’application de la Convention, M. Ndjoze indique que la Constitution dispose, au paragraphe 1 de l’article 23, que la pratique de la discrimination raciale et la pratique et l’idéologie de l’apartheid sont proscrites et que la loi peut faire de ces pratiques et de leur propagation un délit pénal passible, devant les tribunaux ordinaires, des peines que le Parlement jugera nécessaires (par. 16 du rapport).

Le principal instrument interne érigeant les actes de discrimination raciale en infractions pénales est la loi de 1991 portant modification de la loi sur l’interdiction de la discrimination raciale (par. 7 du rapport), selon la définition de laquelle un «groupe racial» est composé de personnes définies par la couleur, la race, la nationalité ou l’origine nationale ou ethnique. M. Ndjoze rappelle la teneur de cette loi et les mesures législatives que le Gouvernement namibien a prises en vue de la mettre en application, en se référant abondamment aux paragraphes 7 à 10 du rapport.

En 1996, suite à une décision de justice, certaines dispositions de la loi portant interdiction de la discrimination raciale de 1991 ont été déclarées inconstitutionnelles. Ainsi, les articles 11, 14 et 17 de la loi de 1991 ont été amendés par la loi révisée portant interdiction de la discrimination raciale de 1998, qui a notamment alourdi les peines prévues. Il a aussi érigé en infraction pénale l’appartenance ou l’appui à une organisation ou à un mouvement dont le but est de diffuser des idées fondées sur la supériorité raciale, ainsi que la création d’une telle organisation, alors que la loi précédente se limitait à interdire les organisations qui commettaient des actes de violence.

Concernant la nécessité d’obtenir une autorisation écrite du Procureur général pour engager des poursuites, M. Ndjoze explique que, lors de l’examen du précédent rapport, en 1996, le Comité avait noté que très peu de poursuites avaient été engagées en application de la loi portant interdiction de la discrimination raciale et avait constaté que les personnes étaient peut‑être privées d’un recours efficace parce que des poursuites ne pouvaient être engagées qu’avec l’accord écrit du Procureur général. En fait, cette condition signifie seulement que le Procureur général ne peut déléguer son autorité en la matière. En raison du caractère sensible des affaires de discrimination raciale, la Namibie a estimé que la décision d’engager des poursuites doit être prise au plus haut niveau par des bureaux locaux.

M. Ndjoze dit que si le Procureur général n’engage pas de poursuite pour discrimination raciale, l’article 7 de la loi de procédure pénale dispose que, toute personne ayant un intérêt substantiel dans l’affaire, le conjoint, l’enfant, le parent le plus proche d’un défunt ou le tuteur légal, selon le cas, peut porter plainte auprès d’un tribunal compétent. Les autorités namibiennes ne pensent donc pas que le dispositif en cause dissuade d’engager des poursuites au titre de la loi portant interdiction de la discrimination raciale. Il arrive en revanche que des plaintes pour discrimination raciale soient enregistrées à tort parmi les plaintes pour diffamation ou agression.

S’agissant de procès qui avaient pour but d’appliquer des dispositions constitutionnelles interdisant la discrimination, M. Ndjoze relate que la municipalité de Walvis Bay a été attaquée en justice pour avoir, dans le cadre d’une adjudication, réservé certains terrains aux personnes qui avaient été défavorisées par les lois et pratiques discriminatoires. L’affaire n’a pas encore été définitivement jugée mais le tribunal a mis la cession des terrains en suspens. Il doit maintenant décider si la politique de la municipalité est contraire aux dispositions de la Constitution relative à la non‑discrimination et à la dignité humaine.

Dans une autre affaire, la High Court a estimé que toutes les différenciations fondées sur les motifs énumérés à l’article 10.2 de la Constitution n’étaient pas inconstitutionnelles et que seules l’étaient celles qui constituaient une discrimination inéquitable ou injuste à l’égard du plaignant. Toute discrimination fondée sur des motifs autres que ceux énumérés dans la liste exhaustive de l’article 10.2 de la Constitution doit être examinée en vertu du paragraphe relatif à l’égalité devant la loi et/ou de l’article 8.1, consacrant l’inviolabilité de la dignité de tous les êtres humains.

Concernant les mesures palliatives appliquées en vertu de la Constitution, M. Ndjoze dit que les tribunaux namibiens ont à plusieurs reprises eu l’occasion d’examiner les relations entre les dispositions constitutionnelles proclamant l’égalité devant la loi et l’interdiction de la discrimination sur la base des motifs énumérés à l’article 10.2 et d’autres dispositions prévoyant expressément des dérogations à ces dispositions constitutionnelles.

L’article 23.2 de la Constitution prévoit que le Parlement peut adopter des textes de lois visant directement ou indirectement à favoriser le progrès des personnes défavorisées dans le passé sur les plans social, économique ou éducatif par des lois et pratiques discriminatoires. L’État est aussi habilité à mettre en place des politiques et des programmes destinés à corriger des déséquilibres sociaux causés par des lois discriminatoires du passé. Il est aussi habilité à rééquilibrer la structure des services publics, de la police, des forces de défense et des services pénitentiaires en mettant en place des politiques et programmes spéciaux. À cet égard, l’État a adopté la loi sur les mesures palliatives (Emploi) en 1998, dans le but précis de promouvoir l’emploi dans les secteurs public et privé des personnes défavorisées. Les programmes d’action palliative sont mis en œuvre par le biais de plans que les employeurs sont tenus de soumettre à la Commission pour l’équité dans l’emploi pour approbation. Des rapports doivent être présentés pour rendre compte de la manière dont les plans convenus avec la Commission sont appliqués et différentes sanctions peuvent être prises en cas de non‑respect (notamment des poursuites, le refus de permis de travail ou de participation aux marchés publics).

Depuis la présentation de son dernier rapport, le Gouvernement namibien a poursuivi ses efforts tendant à abroger tous les textes de lois discriminatoires restant en vigueur. La Commission pour la réforme du droit et le développement de la législation a retenu un certain nombre de domaines du droit dans lesquels des dispositions détestables devraient être abrogées. En ce qui concerne la succession et le patrimoine, la Namibie a hérité d’un système constitué de deux régimes parallèles: les successions ab intestat des Blancs étaient administrées par le Master of the High Court, tandis que celles des Noirs étaient signalées à un magistrat qui, dans la pratique, ne s’occupait pas des successions, d’où de graves difficultés pour les survivants des personnes décédées ab intestat. La Commission pour la réforme et le développement de la législation a mené des recherches poussées sur ce sujet, qui est d’une grande complexité et ne peut être résolu simplement par l’adoption d’un régime unifié, différentes coutumes devant être prises en considération et préservées. La High Court s’est également prononcée sur le sujet en déclarant que l’existence de deux régimes parallèles était inconstitutionnelle et que la loi devait être amendée. Sur les instructions de la High Court, l’État a veillé à ce que soit adoptée la loi (révisée) no 15 sur la succession et le patrimoine, de 2005, afin de traiter ce problème.

Concernant le droit de la famille et le droit coutumier, M. Ndjoze dit que la Commission pour la réforme et le développement de la législation a examiné des études sur le droit de la famille au sens large. Elle a mis en évidence le besoin urgent de réformer le droit du mariage et un projet spécifique a été lancé à cette fin. Après un long processus de consultation, y compris des chefs traditionnels, la Commission a établi un rapport en octobre 2004, dans lequel elle a recommandé principalement que les mariages coutumiers soient reconnus au même titre que les mariages de common law et que tous les mariages soient enregistrés. Dans ce rapport figurait un projet de loi sur les mariages coutumiers, qui a été transmis au Ministère de la justice pour examen. Si quelques lois discriminatoires héritées du passé font encore partie du droit en Namibie et doivent être abrogées en application de la Constitution en raison de pénurie de personnel et de contraintes budgétaires, le projet d’abrogation des lois obsolètes n’a pas avancé aussi rapidement qu’on l’espérait. Des projets ont pour but d’obtenir des fonds et de mobiliser des étudiants pour ce projet.

Concernant la réforme agraire, le Gouvernement a aussi engagé un processus de redistribution des terres nécessaire afin de réduire les disparités de revenus entre la minorité blanche favorisée et la majorité noire qui survit péniblement dans des quartiers surpeuplés. La stratégie choisie consiste à acheter des fermes appartenant à des Blancs pour y réinstaller des familles noires sans terres. Depuis 1991, le Ministère du domaine foncier et de la réinstallation foncière a ainsi acquis 197 fermes, sur lesquelles ont été réinstallées 1 616 familles. Il prévoit d’acquérir 403 fermes supplémentaires dans le cadre de son plan stratégique. Une politique foncière nationale a été adoptée par le Parlement dès 1998, sur la base des principes énoncés à la Conférence sur les terres et les questions foncières tenue en 1991 ainsi que de la Constitution. La loi sur la réforme des terres agricoles (Exploitations commerciales) de 1995 prévoit l’acquisition de terres agricoles par l’État aux fins de la réforme foncière et leur attribution à des citoyens namibiens défavorisés par des lois ou pratiques discriminatoires du passé, ainsi que la création d’un tribunal des questions foncières. L’acquisition peut se faire de gré à gré entre le vendeur et l’acheteur ou par expropriation pour cause d’utilité publique, sous réserve d’une juste indemnisation du propriétaire.

La loi sur la réforme des terres communales de 2002 a été promulguée pour régir l’attribution des droits relatifs aux terres communautaires, notamment pour établir des conseils des terres communautaires et pour fixer les pouvoirs des chefs et autorités traditionnels. La politique nationale sur les régimes fonciers, qui combine l’ensemble des éléments des politiques et lois mis en œuvre par le Ministère du domaine foncier et de la réinstallation foncière en matière foncière, a principalement vocation à déterminer les droits et devoirs des usagers et propriétaires des terres communautaires, des locataires de terres des domaines public ou privé et des occupants sans titres de terres urbaines. Cette politique accorde des droits à certaines catégories de travailleurs agricoles sur des fermes où ils travaillent depuis de nombreuses années, en particulier à ceux que les colons blancs avaient trouvés sur les terres. La version finale du projet de politique a été achevée et va être déposée au Parlement.

Ces dernières années, le Gouvernement a exercé son droit d’exproprier certaines exploitations commerciales suscitant immédiatement les plaintes des propriétaires pour inconstitutionnalité ou discrimination. Le Gouvernement a engagé des avocats pour défendre ces décisions, mais celles‑ci rencontrent parfois une forte résistance. Il poursuit son action et lorsqu’il n’y a pas de contestation, il négocie le montant des indemnisations.

Le Comité ayant demandé à mieux comprendre l’accessibilité des indigents au programme d’aide juridictionnelle, l’orateur indique que l’administration est centralisée dans la capitale mais que les demandes d’aide juridictionnelle peuvent être déposées dans tous les tribunaux de première instance du pays, avec l’assistance du greffe. La loi sur l’aide juridictionnelle de 1900 prévoit la création de comités de l’aide juridictionnelle dans les districts pour faciliter l’administration du programme, mais cette mesure n’a jamais été prise à ce jour. Cinq bureaux régionaux ouverts récemment dans les 13 régions du pays, dans lesquels des conseillers à l’aide juridictionnelle affectés à titre permanent représenteront les indigents devant les tribunaux de district. Il n’y a pas de bureaux dans les zones rurales dépourvues de tribunal de première instance.

S’agissant des recours accessibles par le biais de l’ombudsman, en cas de discrimination raciale, M. Ndjoze dit que, conformément à l’article 25.2 de la Constitution, l’ombudsman (voir le paragraphe 23 du rapport) peut, selon les capacités financières du plaignant, fournir à ce dernier une assistance ou des avis juridiques en le représentant devant les tribunaux ou en lui conseillant d’engager soi‑même une action.

S’agissant des mesures visant à lutter contre les formes subtiles de discrimination, M. Ndjoze dit que, dans un souci d’unification du peuple namibien, un comité de l’éducation civique a été constitué, qui collabore depuis des années avec l’UNESCO pour mettre au point du matériel d’éducation civique destiné à promouvoir l’éducation aux droits de l’homme dans le système scolaire. Ce comité a réalisé à l’intention des enseignants des manuels sur CD‑ROM et sur papier pour les écoles qui ne sont pas dotées d’ordinateurs. Il administre plusieurs projets dans le cadre du programme d’enseignement des droits de l’homme, lequel couvre toutes les classes de l’enseignement primaire et secondaire.

Enfin, en ce qui concerne les mesures prises pour promouvoir le développement socioéconomique des communautés san, M. Ndjoze signale que le Conseil des ministres a pris en novembre 2005 une décision tendant à mettre au point un programme spécial de développement des communautés san dit «programme de développement des San», qui sera supervisé par un comité ad hoc, relevant du bureau du Premier Ministre et présidé par le Vice‑Premier Ministre. Le Gouvernement met en œuvre divers programmes en faveur des San depuis de nombreuses années mais, désormais, ceux‑ci devraient être mieux coordonnés et ciblés et avoir un rang de priorité politique plus élevé.

Mme JANUARY-BARDILL (Rapporteuse pour la Namibie) dit que le dernier rapport périodique de la Namibie remonte à janvier 1996, soit quatre ans après la ratification de la Convention par l’État partie, et que le Comité n’a reçu aucune information depuis lors. Elle se félicite donc de la présence d’un représentant de la Namibie et de la volonté affichée par l’État partie de renouer le dialogue avec le Comité. Beaucoup d’informations viennent d’être fournies par le représentant de la Namibie mais, auparavant, pour préparer sa synthèse, la rapporteuse a dû recourir à d’autres sources d’information, en particulier des organisations non gouvernementales internationales.

Mme January-Bardill note que le Comité n’a toujours pas suffisamment de données détaillées et ventilées sur les différents groupes ethniques qui composent la population namibienne. Elle se félicite des nombreuses informations fournies en ce qui concerne notamment la nouvelle politique de mesures spéciales en faveur de certains groupes défavorisés et le programme de développement de la communauté san, mais cite des sources selon lesquelles les groupes marginalisés continuent de vivre dans une grande pauvreté et ont des difficultés à exercer leurs droits sociaux et économiques. Dans les zones reculées, les travailleurs des exploitations agricoles appartenant à des propriétaires blancs continueraient d’être victimes d’une terrible discrimination. La rapporteuse demande donc à la Namibie de fournir dans son prochain rapport périodique des informations sur les mesures législatives, administratives et autres qu’elle a adoptées pour donner effet à l’article 23.2 de la Constitution qui prévoit l’adoption de mesures spéciales en faveur des groupes défavorisés.

S’agissant de l’article 4 de la Convention, la rapporteuse fait état d’informations selon lesquelles des personnalités politiques namibiennes auraient tenu des propos désobligeants à l’égard de certaines communautés et se félicite à ce sujet des amendements apportés à la législation afin d’ériger en infraction la diffusion de propos et d’idées à caractère raciste.

Pour ce qui est de l’article 5 de la Convention, Mme January‑Bardill évoque les préoccupations dont lui ont fait part certaines organisations non gouvernementales concernant notamment le fait que la reconnaissance d’une seule langue officielle par l’État partie ouvrait la voie à des actes discriminatoires à l’égard de ceux qui ne maîtrisent ni l’anglais ni l’afrikaans. Concernant l’article 6 de la Convention, la rapporteuse évoque les difficultés rencontrées par les communautés capriviennes qui ont engagé des procédures judiciaires pour faire aboutir leurs revendications territoriales séparatistes. Ces communautés auraient notamment du mal à obtenir l’aide juridictionnelle de l’État. D’une manière générale, il serait souhaitable que la Namibie fournisse davantage d’informations sur les mesures visant à combattre la discrimination raciale à l’égard des groupes défavorisés.

La rapporteuse note que la communauté san est sous-représentée dans les organes de l’État et demande à cet égard quelles mesures sont prises pour faire participer cette communauté à la vie politique.

Selon plusieurs sources d’information, la Namibie n’épargne aucun effort pour accueillir les réfugiés et les demandeurs d’asile dans les meilleures conditions possibles mais limite leurs déplacements à l’intérieur du pays et leur interdit de travailler. La rapporteuse invite l’État partie à fournir au Comité des renseignements détaillés dans son prochain rapport périodique sur les réfugiés et les demandeurs d’asile, en particulier sur les mesures visant à leur permettre d’exercer les droits énoncés à l’article 5 de la Convention.

Mme January-Bardill souhaite recevoir des informations sur les dispositions du droit coutumier relatives au mariage et au divorce et fait état d’informations selon lesquelles certaines de ces dispositions seraient discriminatoires à l’égard des femmes appartenant à des groupes défavorisés.

La rapporteuse se félicite des informations fournies par le représentant de la Namibie au sujet de la réforme foncière entreprise par les autorités namibiennes, mais note néanmoins que les communautés autochtones continuent d’avoir un accès limité à la terre. Bien souvent, ces communautés, en particulier les San et les Damara, se retrouvent sans moyen de subsistance et sont obligées de s’adonner à la mendicité. La rapporteuse est pleinement consciente des séquelles laissées par l’apartheid et des efforts consentis par l’État partie pour garantir les droits économiques et sociaux de la population, mais souhaite néanmoins savoir ce que fait la Namibie pour mieux garantir les droits économiques, sociaux et culturels des groupes marginalisés. Elle s’intéresse en outre à la situation des enfants touchés par le VIH/sida et demande quelles sont les mesures que prend l’État partie pour assurer leur accès à l’éducation.

En conclusion, Mme January‑Bardill encourage les autorités namibiennes à poursuivre leur action en vue de défendre et de promouvoir les droits de l’homme et de combattre la discrimination raciale dans le pays. Les nombreuses informations fournies en séance seront fort utiles à l’État partie pour l’élaboration de son prochain rapport périodique. Elle rappelle à cet égard que la Namibie peut solliciter l’assistance des services compétents de l’Organisation des Nations Unies, y compris auprès du bureau du Programme des Nations Unies pour le développement dans le pays. Elle engage l’État partie à soumettre au Comité un rapport complet au 30 juin 2007.

M. PILLAI appelle l’attention du représentant de la Namibie sur deux points qui mériteraient, à son avis, un traitement particulier dans le prochain rapport périodique de la Namibie. Il souhaite d’abord savoir comment les mesures spéciales prévues à l’article 23.2 de la Constitution sont concrètement mises en œuvre, puis voudrait obtenir des renseignements concrets sur les résultats de la réforme foncière.

M. NDJOZE (Namibie) dit que son pays s’engage à présenter son prochain rapport périodique dans les délais prescrits par le Comité, à savoir avant le 30 juin 2007. Il prend note des observations constructives formulées par les membres du Comité et souligne que les autorités namibiennes s’efforceront, dans le prochain rapport, de mettre l’accent sur la réforme foncière et les mesures spéciales en faveur de groupes défavorisés.

Même s’il reste beaucoup à faire, d’importants progrès ont été accomplis en Namibie dans l’amélioration des conditions de vie des communautés autochtones. Pour ce qui est en particulier de la question de l’aide juridictionnelle qui ne serait pas offerte à certaines communautés, M. Ndjoze rappelle que dans de nombreuses procédures, les communautés qui ont des revendications séparatistes contestent la compétence des tribunaux de l’État partie parce qu’ils ne se considèrent pas comme Namibiens. Dans de telles circonstances, il est difficile de leur fournir une aide juridictionnelle.

Le PRÉSIDENT remercie le représentant de la Namibie de ses explications et prend note de l’engagement qu’il a pris concernant la présentation du prochain rapport périodique de l’État partie attendu avant le 30 juin 2007.

La délégation namibienne se retire.

La séance est suspendue à 17 h 15; elle est reprise à 17 h 30.

M. SICILIANOS rappelle que la pratique habituelle du Comité en matière de procédure de bilan aurait voulu que ses membres échangent leurs vues en séance privée sur l’état d’application de la Convention en Namibie. Or, la délégation namibienne s’est présentée de manière impromptue devant le Comité sans pour autant s’engager à présenter un rapport périodique. Cela est regrettable et risque de constituer un dangereux précédent.

Le PRÉSIDENT reconnaît que, dans le cas de la Namibie, le Comité s’est écarté de sa pratique habituelle, mais souligne que l’État partie s’est présenté avec un document substantiel pouvant être considéré comme l’ébauche de son prochain rapport périodique. À cet égard d’ailleurs, le Président considère que la Namibie s’est clairement engagée à présenter un rapport périodique. C’est précisément pour cette raison qu’il a déclaré, en sa qualité de Président du Comité, que ce dernier avait pris acte de l’engagement de la Namibie de présenter un rapport périodique avant le 30 juin 2007.

M. AMIR comprend la position de M. Sicilianos sur l’importance du respect des procédures du Comité mais souligne que la Namibie a envoyé une délégation à Genève, précisément pour répondre à la volonté du Comité d’engager un dialogue direct avec elle. Il estime que l’important c’est que la Namibie s’est engagée à présenter un rapport périodique en 2007. Si le pays ne respectait pas cet engagement, rien n’empêcherait le Comité d’adopter par la suite un projet d’observations finales concernant la Namibie, dans lequel il pourrait indiquer qu’il regrette que l’État partie n’ait pas respecté son engagement de transmettre un rapport périodique et pourrait reprendre les observations formulées oralement à la séance en cours par la rapporteuse pour le pays.

M. SICILIANOS souhaiterait que le Comité adresse au Gouvernement namibien une lettre rappelant que la délégation s’est engagée, à la séance en cours, à présenter un rapport périodique au Comité avant le 30 juin 2007. Il serait souhaitable d’annexer à cette lettre la liste des points évoqués par la rapporteuse pour la Namibie, dont l’État partie devra tenir compte dans la préparation de son futur rapport.

Mme JANUARY-BARDILL comprend le point de vue de M. Sicilianos et approuve sa proposition.

Le PRÉSIDENT dit que, selon la proposition de M. Sicilianos, le Comité adressera au Gouvernement namibien une lettre indiquant que le Comité a pris acte des déclarations de la délégation namibienne à sa 1780e séance et de son engagement de présenter un rapport périodique avant la date limite du 30 juin 2007. Une liste des points évoqués lors du dialogue oral avec cette délégation sera jointe à cette lettre pour faciliter la rédaction du futur rapport.

PRÉVENTION DE LA DISCRIMINATION RACIALE, Y COMPRIS LES MESURES D’ALERTE RAPIDE ET LA PROCÉDURE D’ACTION URGENTE (point 3 de l’ordre du jour) (suite)

Brésil (Question des terres des populations autochtones de l’État de Roraima)

Mme JANUARY-BARDILL (Présidente du Groupe de travail sur les mesures d’alerte rapide et la procédure d’action urgente) dit que le Groupe de travail est saisi d’une communication émanant d’une organisation autochtone brésilienne qui représente 16 000 autochtones brésiliens de l’État de Roraima privés du droit d’accéder à leurs terres et à leurs ressources naturelles. Elle rappelle que dans ses observations finales concernant le Brésil, adoptées le 12 mars 2004, le Comité a recommandé à l’État partie d’achever le processus de délimitation des terres des populations autochtones avant 2007 et d’adopter de toute urgence des mesures visant à reconnaître et protéger, dans la pratique, le droit des populations autochtones de posséder, de mettre en valeur, de contrôler et d’utiliser leurs terres, leurs territoires et leurs ressources (CERD/C/64/CO/2, par. 15).

Mme January-Bardill rappelle qu’un décret présidentiel a été adopté le 15 avril 2005, fixant au 15 avril 2006 au plus tard l’achèvement de la délimitation du territoire des populations autochtones concernées et l’expulsion de ses occupants illégaux. Ce décret n’ayant pas été appliqué, le Groupe de travail recommande au Comité d’envoyer à l’État partie une lettre l’invitant à lui fournir, avant mars 2007, des explications au sujet de la non‑application de ce décret et à honorer l’engagement pris par les autorités en vertu de celui-ci. Compte tenu de la teneur de la réponse des autorités brésiliennes, il appartiendra au Comité de décider s’il convient d’examiner cette question au titre de la procédure de bilan ou des mesures d’alerte rapide de la procédure d’action urgente.

M. AMIR aimerait savoir si le Comité a déjà demandé au Brésil de lui transmettre des informations concernant cette situation.

M. AVTONOMOV explique, en qualité de membre du Groupe de travail sur les mesures d’alerte rapide et la procédure d’action urgente, que le Brésil a déjà fait savoir au Comité qu’il accueillerait avec bienveillance toute demande d’informations complémentaires concernant cette affaire. Le problème qui se pose est que le Président du Brésil a adopté un décret fixant une date limite pour l’achèvement de la délimitation du territoire des populations autochtones concernées et l’expulsion des non‑autochtones qui l’occupent illégalement, mais que ce texte n’a pas été appliqué. Le Comité a donc des raisons de s’interroger sur les raisons pour lesquelles il n’a pas été donné effet à cette décision et de vouloir connaître les obstacles éventuels à son application.

Le PRÉSIDENT dit que le Comité adressera au Président du Brésil une lettre lui demandant d’expliquer les raisons pour lesquelles le décret présidentiel du 15 avril 2005 n’a pas été appliqué.

La séance est levée à 18 h 5.

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