NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.183214 août 2007

Original: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante et onzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1832e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 9 août 2007, à 10 heures

Président: M. de GOUTTES

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, COMMENTAIRES ET INFORMATIONS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial, deuxième et troisième rapports périodiques de l’Indonésie (suite)

La séance est ouverte à 10 h 10 .

EXAMEN DES RAPPORTS, COMMENTAIRES ET INFORMATIONS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial, deuxième et troisième rapports périodiques de l’Indonésie (suite) (CERD/C/IDN/3)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation de l’Indonésie reprend place à la table du Comité.

2.M. YANA (Commission nationale indonésienne des droits de l’homme), prenant la parole sur l’invitation du Président, dit que la Commission nationale indonésienne des droits de l’homme (Komnas HAM) est un organe indépendant, dont les activités concernent l’étude et la recherche, la sensibilisation du public, le suivi et la médiation. Komnas HAM apprécie les efforts du Gouvernement pour promouvoir et protéger les droits de l’homme, en particulier par l’adoption de législation. En Indonésie, la discrimination n’est pas seulement fondée sur la race, mais porte également sur d’autres facteurs tels que le handicap, le statut social, l’appartenance politique, la religion et les convictions. Komnas HAM a examiné le projet de loi sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et ne le soutient pas, dans la mesure où la loi n° 29/1999 traite déjà de toutes les formes de discrimination. En ce qui concerne le projet de loi sur l’enregistrement civil visé au paragraphe 84 du rapport de l’État partie (CERD/C/IDN/3), il dit que l’adoption de la loi ne constituerait pas un progrès dans la mesure où la législation en vigueur couvre déjà la quintessence du projet.

3.Bien qu’aucune législation écrite ne stipule que six religions seulement – islam, protestantisme, catholicisme, hindouisme, bouddhisme et confucianisme – sont officiellement reconnues en Indonésie, seules ces six religions sont reconnues sur la carte d’identité nationale. S’agissant du paragraphe 150 du rapport de l’État partie, il dit que Komnas HAM a mené une enquête concernant les émeutes de mai 1998 et conclu qu’il y avait de nombreuses preuves démontrant que les événements ont été accompagnés de graves violations des droits de l’homme et de crimes contre l’humanité. Les résultats de l’enquête ont été présentés au Procureur général en septembre 2003, aux fins de suivi et de poursuites. Komnas HAM a rencontré le Président de la Chambre des représentants pour demander la création d’un tribunal spécial des droits de l’homme, pour les émeutes de mai. L’annexe 2 au rapport de l’État partie inclut une référence à l’établissement de Komnas HAM.

4.M. WIBISONO (Indonésie) dit que sa délégation s’est efforcée de préparer des réponses aux questions du Comité, dans les délais impartis. Des informations complémentaires seront présentées au Comité par écrit en temps utile. Des organisations de la société civile ont participé à la rédaction du rapport de l’État partie, mais la responsabilité du contenu final du rapport incombe au Gouvernement indonésien. Le Gouvernement n’a pas été en mesure de remplir ses obligations antérieures de rapport en raison de la transition politique et de la démocratisation, et présente dès lors un document unique en guise de rapport initial, de deuxième et troisième rapports. La Commission nationale des droits de l’homme joue un rôle important dans la promotion et la protection des droits de l’homme en Indonésie.

5.M. NATABAYA (Indonésie) dit que les principes d’égalité et de non-discrimination sont inscrits dans la loi n° 29/1999 relative à la ratification de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et dans la loi de procédure pénale. L’adoption du projet de loi sur l’élimination de la discrimination raciale ou ethnique renforcera la protection juridique du principe de non-discrimination et ouvrira des pistes plus nombreuses de réparation pour les victimes de discrimination fondée sur la race ou l’appartenance ethnique. L’article 156 du Code pénal (KUHP) peut être invoqué si des crimes haineux sont commis et le Tribunal administratif s’occupe des affaires de nature discriminatoire résultant des politiques ou des programmes du Gouvernement. Les personnes ont le droit de demander un examen judiciaire de la constitutionnalité de toute loi, y compris sur la discrimination, devant le Tribunal constitutionnel. Conformément à une décision du Tribunal constitutionnel, les anciens membres du parti communiste ont le droit de se présenter aux élections législatives. Le Plan d’action national pour les droits de l’homme 2004-2009 contient un programme qui donne au Gouvernement mandat d’entreprendre une recherche concernant la législation existante, de la revoir et d’élaborer toute nouvelle législation qu’il estime nécessaire pour assurer la conformité aux normes des droits de l’homme. La législation doit être harmonisée, compte tenu de la dynamique de l’évolution sociale et politique, et des besoins du peuple indonésien. Le partenariat et la coopération avec les organisations non gouvernementales (ONG) et la Commission nationale des droits de l’homme sont essentiels dans cet effort.

6.La Cour suprême est compétente pour examiner les réglementations et le Tribunal constitutionnel pour revoir les lois votées par le Parlement, notamment les lois sur la discrimination. L’autorité de la Cour suprême et du Tribunal constitutionnel est fixée par la Constitution. La Constitution modifiée garantit à tous les citoyens la protection contre toute forme de discrimination. En vertu du code pénal, toute personne qui exprime publiquement des sentiments d’hostilité, de haine ou de mépris à l’égard de tout groupe de la population indonésienne peut être punie d’un à quatre ans de privation de liberté. La loi n° 29/1999 sur la ratification de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale renforce la protection de tous contre toute discrimination raciale.

7.S’agissant de la question des recours judiciaires et autres dont disposent les victimes de discrimination, il dit que les affaires de discrimination raciale peuvent être portées devant les tribunaux, dont la Cour des droits de l’homme. Komnas HAM est mandatée pour recevoir les plaintes relatives aux violations alléguées des droits de l’homme, notamment les cas de discrimination raciale, et peut assurer le suivi des plaintes par la création d’une équipe spéciale pour mener l’enquête préliminaire. Toute constatation de violations graves des droits de l’homme doit ensuite être soumise au Bureau du Procureur général, pour examen complémentaire.

8.L’abolition de la SBKRI (Surat Bukti Kewarganegaraan Republik Indonesia – preuve de la nationalité indonésienne) pour les personnes d’origine chinoise témoigne de la volonté du Gouvernement d’éliminer tous les obstacles à la mise en œuvre de la Convention. En pratique, il peut encore y avoir des violations de la loi abolissant la SBKRI, mais des efforts sont faits pour assurer sa mise en œuvre intégrale. Trois régions ont promulgué leurs propres réglementations concernant l’abolition de l’usage de la SBKRI pour les citoyens d’origine chinoise, parce qu’en vertu de l’autonomie régionale, les régions ont la compétence de gouverner et gérer leurs propres affaires, sauf dans certains domaines spécifiques dont la défense, la sécurité, les finances, le droit, la religion et les affaires étrangères. La SBKRI a été abolie au niveau national par décret présidentiel et les réglementations locales ne sont pas nécessaires en fait.

9.Mme HARTONO (Indonésie) dit que, d’après le dictionnaire, le terme «indigène» s’applique aux personnes ou aux choses nées dans le pays dont il est question. Les peuples qui vivent en Indonésie depuis des temps immémoriaux sont considérés comme indigènes ou autochtones et les «Indonésiens natifs» sont les habitants de l’archipel qui peuvent affirmer que leurs ancêtres y ont toujours vécu, par opposition à d’autres habitants asiatiques ou aux colons européens. D’autre part, dans sa Convention n° 169 concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants, l’Organisation internationale du Travail définit les peuples autochtones comme les descendants de la population qui habitait le pays ou une région géographique à laquelle le pays appartenait, au moment de la conquête ou de la colonisation ou de la délimitation des frontières de l’État et qui, indépendamment de leur statut juridique, gardent certaines de leurs propres institutions sociales, économiques, culturelles et politiques. Telle qu’elle est utilisée en Indonésie, l’expression «groupes ethniques» est plus restrictive, puisqu’elle est fonction d’une identité raciale ou culturelle, tandis que les «communautés traditionnelles» sont des groupes de peuples autochtones peu enclins à abandonner leur philosophie traditionnelle, leur culture et leurs coutumes. Certains peuples d’Indonésie sont plus disposés que d’autres à s’adapter à un mode de vie moderne, mais la plupart conservent leurs coutumes traditionnelles, principalement en matière de rites initiatiques.

10.Comme dit dans le troisième rapport périodique (par. 64), les peuples indigènes dépendent de la nature et non d’un contrat social, mais ils jouissent de tous leurs droits. En d’autres termes, l’État reconnaît que la modernité n’est pas synonyme de bonheur pour tout le monde, mais il est attentif à la nécessité d’assurer que l’état de santé et le bien-être financier de tous correspondent aux normes minimales d’une société moderne. Elle rappelle que l’Indonésie a cessé d’être une société très traditionnelle pour devenir une société moderne, en soixante ans à peine, alors qu’il a fallu plus de trois siècles à cet effet à de nombreuses nations industrialisées. Les Indonésiens qui vivent dans les villages mais travaillent en ville sont confrontés tous les jours à la fois aux coutumes traditionnelles et à la haute technologie. Le contrat social de Jean-Jacques Rousseau était une notion fictive, mais par le Serment de la jeunesse de 1928 (Sumpah Pemuda), le contrat social mentionné dans le présent rapport, les dirigeants nationalistes indonésiens déclaraient adopter trois idéaux: «un sang (la nation indonésienne), un peuple (le peuple indonésien) et une langue d’unification (l’indonésien)». De ce fait, la Constitution de 1945 ne fait aucune mention de groupes ethniques différents.

11.S’agissant de la question de la langue, elle explique que les pères fondateurs démocratiques de l’Indonésie ont rejeté le javanais, langue parlée par la communauté ethnique la plus grande en Indonésie, à titre de langue nationale, parce que sa structure est basée sur la classe sociale. En revanche, le malais, qui était la lingua franca de la région, a été adopté en tant que langue nationaleou Bahasa Indonesia. Il a remplacé le néerlandais en tant que langue officielle sous l’occupation japonaise et est devenu la langue officielle de l’administration et du système judiciaire après l’indépendance. Les langues locales et régionales, ainsi que les dialectes peuvent être enseignés dans les écoles primaires, si la communauté concernée le désire, mais l’indonésien est la première langue de tous les citoyens.

12.M. SITUMEANG (Indonésie) dit qu’il n’y a pas de religion officielle en Indonésie, mais la législation nationale ne mentionne que cinq confessions – islam, protestantisme, catholicisme, hindouisme et bouddhisme. Les Indonésiens sont en majorité musulmans mais l’Indonésie n’est pas un État islamique. L’État reconnaît toutes les autres religions professées et pratiquées par de nombreux Indonésiens, notamment les minorités ethniques, et il n’impose aucune sanction légale à leurs adeptes. Comme certaines autorités locales ne reconnaissent pas les autres religions, cependant, ceux qui les pratiquent sont parfois socialement marginalisés. Le droit à une carte d’identité leur est refusé, ils sont confrontés à des difficultés pour contracter un mariage légal et ne peuvent même pas enregistrer la naissance de leurs enfants. Le Gouvernement prend des mesures pour remédier à cette situation.

13.M. WIBISONO (Indonésie) ajoute que certains pères fondateurs de l’Indonésie ont demandé que la Constitution mentionne la charia mais d’autres, dont Mohammad Hatta, le Premier Vice-Président du pays, ont plaidé pour que l’Indonésie reste un État laïc.

14.M. SUDARSONO (Indonésie) dit que l’Indonésie est une république unitaire composée de 33 provinces, dont les administrations élues au suffrage direct bénéficient d’une certaine autonomie par rapport au Gouvernement central. En outre, quatre autres provinces, Nanggroe Aceh Darussalam, la région spéciale de Yogyakarta, la Papouasie et la région spéciale de la capitale Djakarta, bénéficient d’un statut spécial autonome. Leurs autorités peuvent décider de leur propre politique dans tous les domaines hormis la défense, la sécurité, les finances, les affaires étrangères et la religion, dont la compétence revient au Gouvernement central.

15.M. LINDGREN ALVES demande si le mariage civil existe en Indonésie. Dans la négative, il faudrait peut-être envisager de l’instituer, sans quoi l’Indonésie ne peut affirmer être un État laïc, à son sens.

16.M. THORNBERRY, rappelant que c’est la Journée internationale des peuples autochtones, demande si l’Indonésie soutient l’adoption de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones et si elle a l’intention de ratifier la Convention n° 169 de l’Organisation internationale du Travail concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants. Il ajoute que la définition des peuples autochtones donnée dans la Convention de l’OIT est préférable à celle de n’importe quel dictionnaire, dans la mesure où il s’agit d’une référence internationalement acceptée. L’attachement spirituel des peuples à la terre qu’ils occupent pourrait également être pris en considération. En ce qui concerne la discrimination raciale, il est acceptable pour les États de reconnaître la différence, comme l’indique la devise nationale «Unité dans la diversité», pour autant qu’il n’y ait aucune suggestion de supériorité ou d’infériorité. Il demande quelles croyances religieuses sont enseignées à l’école, si l’enseignement religieux est obligatoire et pour qui.

17.M. KJAERUM observe que les actions des sociétés transnationales violent souvent le droit des communautés locales et des peuples autochtones. Dans la mesure où l’État partie est chargé de protéger les droits de ces personnes, il demande ce que font les autorités indonésiennes pour assurer que les sociétés locales et internationales respectent les droits de l’homme et assument leur responsabilité sociale d’entreprise. Au vu du Sommet des dirigeants sur le Pacte mondial, qui s’est tenu à Genève en juillet 2007, il se demande ce que le Gouvernement indonésien fait ou compte faire pour appliquer les principes du Pacte mondial des Nations Unies. Les agents chargés de l’application des lois bénéficient-ils d’une formation spéciale pour faire face aux questions complexes des violations de droits de l’homme par les entreprises multinationales? Il serait intéressé de savoir aussi comment les communautés locales sont sensibilisées à leurs droits et par quels moyens elles peuvent entamer des poursuites judiciaires contre les sociétés qui violent leurs droits.

18.M. ABOUL-NASR exprime sa sympathie pour le peuple indonésien qui souffre des conséquences d’un nouveau puissant séisme. Il désire savoir si les Indonésiens qui ne professent pas une des religions officiellement reconnues ont des droits différents par rapport à ceux qui le font.

19.M. YUTZIS prend note de la reconnaissance par la délégation de la possibilité d’existence de discrimination en Indonésie malgré le contrat social de l’État. Les groupes qui préfèrent garder leurs traditions font souvent l’objet de discrimination en raison des aspects brutaux du capitalisme. Quoi qu’il en soit, il est important pour l’État de consulter toutes les parties intéressées et de parvenir à un consensus avant de prendre des mesures.

20.M. WIBISONO (Indonésie), après avoir remercié M. Aboul-Nasr pour l’expression de sa sympathie après le séisme de la veille en Indonésie dit, en réponse à M. Kjaerum, que les problèmes résultant des activités des entreprises multinationales touchent tous les groupes de la société et requièrent dès lors une réponse consensuelle de la part de tous les intéressés. Il faut un solide cadre réglementaire: la nouvelle loi sur les investissements adoptée récemment en Indonésie comprend un élément de responsabilité sociale d’entreprise. Ces lois doivent ensuite être mises en application – le Ministre chargé de la coordination du bien-être de la population est responsable de leur mise en application sur le terrain, tandis que le Conseil de coordination des investissements surveille la responsabilité sociale d’entreprise. Le renforcement des capacités, la formation et l’éducation sont prévus pour les fonctionnaires de police et de douane, avec l’aide d’organisations intergouvernementales, notamment le Comité international de la Croix-Rouge, d’ONG, dont Amnesty International, et de partenaires bilatéraux, dont le Canada, la Norvège et le Japon.

21.Mme HARTONO (Indonésie) dit que le premier des cinq principes de base (Pancasila) qui constituent la philosophie politique du pays est «la croyance en un Dieu unique». D’après la conviction générale, les réalisations du pays sont accordées par Dieu et ne sont pas la conséquence des efforts de la population. Les cinq principes sont des objectifs que le pays aspire à atteindre à long terme et non immédiatement.

22.Des membres ont posé la question du statut des personnes dont la religion n’est pas officiellement enregistrée. Le Gouvernement s’efforce d’enregistrer autant de religions que possible, mais beaucoup de gens sont suspicieux quant au processus d’enregistrement, qu’ils associent avec le favoritisme à l’égard de la chrétienté à l’époque coloniale. La loi sur le mariage (loi n° 1 de 1974) ne prévoit pas la possibilité du mariage civil, c’est-à-dire un mariage qui n’est contracté sous les auspices d’aucune religion. La loi tente d’unifier la myriade de lois existantes en matière de mariage et est dès lors un compromis délicat. Beaucoup de couples continuent à se marier en fonction de leurs propres coutumes. Il est aujourd’hui beaucoup plus facile pour les femmes musulmanes d’épouser des hommes non musulmans: dans le passé, les couples qui étaient dans cette situation et pouvaient se le permettre se mariaient à l’étranger, tandis que d’autres se contentaient de vivre ensemble.

23.Des membres ont demandé comment se définit le droit adat (coutumier). Dans de nombreux cas, il dérive de l’usage traditionnel ou de déclarations par le chef d’une tribu. Il existe une certaine jurisprudence de l’époque coloniale. Actuellement, les chefs des communautés et les populations décident de questions comme la propriété foncière, essentiellement communale, tandis que les décisions en matière de délimitations des terres, par exemple, ou d’affectation des sols nécessitent l’approbation de la communauté. D’autres sujets, dont les propositions d’investissement, sont également soumis à la communauté, mais s’il est impossible de parvenir à un accord, les tribunaux tranchent.

24.Mme ABDULLAH (Indonésie) dit que le conflit ethnique au Kalimantan occidental plonge ses racines dans des litiges fonciers et le traitement discriminatoire de certains groupes. Le Gouvernement a pris une série de mesures pour favoriser la réconciliation, notamment la création d’un forum de dialogue, le renforcement des capacités sociales et économiques, la diffusion des connaissances et des valeurs locales, ainsi que des programmes d’intégration sociale.

25.L’instruction présidentielle n° 111 de 1999 est destinée à protéger et autonomiser les communautés traditionnelles isolées. Des milliers de familles ont déjà reçu une aide. Un projet de loi est en cours de préparation actuellement, qui doit assurer la réalisation des droits fondamentaux des communautés traditionnelles isolées et reconnaître leurs connaissances sociales, culturelles et environnementales.

26.M. YANSEN (Indonésie), évoquant le projet du Gouvernement de créer une plantation d’huile de palme s’étendant sur quelque 850 kilomètres carrés à Kalimantan, dit qu’en vertu de la Constitution, l’État gère les terres, l’eau et les moyens de production, au bénéfice de la population. Il cite longuement la loi n° 18 de 2004, sur les plantations, qui comprend des dispositions concernant la gestion durable, la planification «participative, intégrée, ouverte et responsable», la consultation des peuples autochtones de la région et la réalisation d’une évaluation de l’incidence environnementale. Le Gouvernement s’engage à protéger le patrimoine et le mode de vie de la population locale et à informer la population complètement. Diverses études seront réalisées dans la région pour assurer que la plantation profite réellement à la population. Les allégations faites concernant le projet sont sans fondement.

27.Mme HIDAYATI (Indonésie), soulignant la prévalence des catastrophes naturelles et causées par l’homme dans son pays, attire l’attention en particulier sur le tsunami qui a dévasté la province d’Aceh en décembre 2004, rappelant son expérience de membre d’une équipe qui s’est rendue à Aceh immédiatement après la catastrophe. La responsabilité de faire face aux conséquences du tsunami incombait aux gouvernements central et locaux, en association avec la communauté internationale, et l’action s’est articulée autour d’une approche en trois phases ordonnée par le Président: mesures d’urgence au cours des six premiers mois, puis une phase de réhabilitation, avec la reconstruction des infrastructures, la guérison du traumatisme, les conseils et l’établissement de centres pour enfants, chargés notamment de leurs besoins éducatifs, et enfin, une troisième phase de reconstruction. Le recrutement à grande échelle de fonctionnaires, notamment d’enseignants, a été entrepris également. Plus de la moitié des mesures prévues en 2005 ont été mises en œuvre, en coopération avec les populations locales, des ONG et la communauté internationale. Le secteur privé a joué un rôle important aussi.

28.Mme PUDIASTUTI (Indonésie) donne un complément d’information sur les centres créés pour les enfants. Des femmes fonctionnaires de police ont reçu une formation, en coopération avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et une ligne d’aide gratuite a été mise en place pour les enfants. Des centres intégrés d’autonomisation ont également été créés pour les femmes et les enfants, dans tous les districts détruits par le tsunami. Une perspective d’égalité entre les sexes a été intégrée dans les politiques de réhabilitation et toutes les phases du processus de reconstruction. Quelque 500 bénévoles ont été recrutés pour deux ans, en vue de maintenir les centres, qui sont gérés dans les meilleurs intérêts des enfants concernés et conformément au principe de non-discrimination, fournissant une protection contre la violence, le harcèlement sexuel et le trafic. Ils ont également participé à l’enregistrement et au regroupement familial, à l’aide de méthodes développées par l’organisation Save the Children, et ont reçu l’aide de Plan International et d’autres ONG.

29.Un programme gouvernemental pour l’élimination de l’exploitation sexuelle commerciale des enfants est en cours, centré sur Bali et d’autres grandes destinations touristiques. La loi n° 23 de 2002, qui prévoit une peine de prison maximale de 15 ans pour ces délits, est plus sévère que les sanctions prévues par le Code pénal. Le plan directeur 2003-2007 sur l’élimination de l’exploitation sexuelle commerciale des enfants est prêt. Il comprend des mesures de suivi et d’application de la loi, et prévoit l’établissement de centres de crise et d’autonomisation des femmes ainsi que des réseaux communautaires, sur la base d’une approche transsectorielle. Un décret présidentiel a mis sur pied des équipes spéciales provinciales et de district, et AusAID (le programme d’aide du Gouvernement australien) aide l’industrie touristique à s’attaquer aux problèmes du tourisme sexuel.

30.M. SUDARSONO (Indonésie) dit que le recrutement dans les forces militaires et de police est fonction de certaines capacités individuelles et variables. Des quotas régionaux et provinciaux sont fixés pour assurer l’accès des populations locales aux emplois locaux. Depuis 1999, une formation en droits de l’homme et antidiscrimination est incluse dans le programme d’enseignement de la police, précédemment de style militaire, le but étant de former des agents qui sauvegardent l’État de droit tout en défendant les droits de l’homme. Les forces de police vont devenir civiles et tout est fait pour réduire le maintien de l’ordre paramilitaire. L’accent opérationnel porte sur la police de proximité et l’introduction de nouveaux mécanismes de résolution des litiges. Toute aide pour atteindre ces objectifs serait bienvenue.

31.Des cas de viol par des fonctionnaires de police sont encore enregistrés pendant les émeutes. Tout en soulignant que de nombreuses émeutes mènent au chaos et à l’anarchie, et sont particulièrement violentes, il déclare qu’il existe des mécanismes internes et externes appropriés pour les agents qui se sont rendus coupables de tels actes.

32.M. SITUMEANG (Indonésie) décrit la procédure d’enquête et de poursuite pour les violations des droits de l’homme. Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale compte quatre actions qui constituent des violations graves des droits de l’homme mais seul le génocide et les crimes contre l’humanité sont considérés comme violations graves au titre de la législation indonésienne. Si, à la suite d’une enquête, la Commission nationale des droits de l’homme estime qu’il y a suffisamment de preuves préliminaires de violation, ses conclusions sont transmises au Bureau du Procureur général. S’il y a suffisamment de preuves pour des poursuites, les violations graves commises avant la promulgation de la loi n° 26 de 2000 sur le Tribunal des droits de l’homme sont poursuivies par un Tribunal spécial des droits de l’homme instauré sur la recommandation du Parlement et sur l’instruction du Président, conformément à la loi n° 39 de 1999. Les violations graves commises après la promulgation de la loi n° 26 de 2000 sont jugées par le Tribunal des droits de l’homme et les violations ordinaires sont jugées par les tribunaux ordinaires, en fonction du Code pénal. Différentes peines peuvent être infligées dans chaque cas. Si les preuves sont insuffisantes, le dossier est renvoyé à la Commission nationale des droits de l’homme pour être complété et pour orientation. Les violations ordinaires sont examinées par la police et poursuivies par le Bureau du Procureur général. En cas de violation grave, le Bureau du Procureur général fait office à la fois d’enquêteur et de ministère public.

33.Les émeutes de mai 1998 étaient liées aux troubles politiques généraux de l’époque et non dirigées contre un groupe racial ou ethnique particulier. Non seulement des personnes d’origine chinoise mais tous les Indonésiens étaient des victimes potentielles du non-droit généralisé et de la violence. En juillet 1998, le Gouvernement a mis en place une équipe d’enquête conjointe, qui a conclu que les émeutes n’étaient pas un incident isolé et a trouvé des indications de violations graves des droits de l’homme, en particulier de crimes contre l’humanité. L’enquête de la Commission nationale des droits de l’homme a corroboré l’existence de violations des droits de l’homme mais l’enquête ultérieure par le Bureau du Procureur général a estimé que les conclusions de la Commission ne remplissaient pas toutes les conditions matérielles et formelles. En outre, étant donné que les émeutes ont eu lieu avant la mise en application de la loi n° 26 de 2000, il incombe au Parlement de décider s’il s’agit de violations graves avant de pouvoir instaurer un tribunal spécial des droits de l’homme.

34.M. SIAHAAN (Indonésie) dit que l’Indonésie a toujours été un pays de transit pour les réfugiés et demandeurs d’asile, et non une destination, raison pour laquelle elle n’a pas ratifié la Convention relative au statut des réfugiés. Les obligations résultant de la ratification, en particulier l’interdiction de refoulement ou d’expulsion, surchargerait un État archipel au vaste territoire océanique, qui compte de nombreuses personnes déplacées à l’intérieur du pays, par suite de catastrophes et de conflits. Néanmoins, l’Indonésie qui s’engage toujours à protéger les réfugiés et demandeurs d’asile dans son territoire a ratifié d’autres instruments internationaux, promulgué des lois nationales en la matière et a de bons antécédents de coopération avec des organisations comme l’Organisation internationale pour les migrations et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés. Une île entière a été transformée en centre de transit pour les réfugiés du Vietnam, à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Les nombreux réfugiés arrivant du Moyen-Orient, d’Asie centrale et d’autres régions sont aidés en matière d’identification et d’enregistrement et bénéficient d’une aide humanitaire pendant leur séjour en Indonésie. Par ailleurs, les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme sont pris en considération pour formuler les politiques nationales et les réglementations en matière d’immigration.

35.Les non-ressortissants ont des droits limités en Indonésie par rapport aux ressortissants. Par exemple, ils ne peuvent pas posséder de terres, mais les restrictions sont proportionnelles et entrent dans le cadre des objectifs des conventions internationales.

36.M. WIBISONO (Indonésie) rappelle que l’Indonésie a voté en faveur du projet de déclaration sur les droits des peuples indigènes au Conseil des droits de l’homme et formule l’espoir qu’elle sera applicable à tous.

37.Le PRÉSIDENT invite la délégation à présenter par écrit les réponses qui n’ont pas été données par manque de temps.

38.M. PILLAI (Rapporteur de pays) se félicite de l’approche positive de la délégation, ainsi que de son engagement à améliorer ses rapports à l’avenir, et se réjouit que l’Indonésie ait ratifié la Convention sans formuler de réserves, donnant l’exemple à d’autres pays. Il félicite le pays pour ses plans d’action sur les droits de l’homme et suivra leur mise en application avec intérêt. Il salue également la participation de la Commission nationale des droits de l’homme aux travaux du Comité et soutient les efforts de l’Indonésie pour renforcer l’institution, la rendre véritablement indépendante et efficace.

39.Il épingle les inquiétudes du Comité concernant les droits des peuples autochtones, en particulier dans le contexte de la grande plantation d’huile de palme, et la nécessité de mesures d’alerte précoce. Il prend note des progrès réalisés quant à la reconnaissance des religions par l’État et appuie la suggestion de M. Lindgren Alves concernant une loi éventuelle sur les mariages civils. Il encourage le Gouvernement à faire participer les organisations de la société civile aux rapports et programmes sur la discrimination raciale.

40.Le PRÉSIDENT formule l’espoir que le dialogue ouvert entre le Comité et l’Indonésie après la remise de son premier rapport périodique se poursuivra.

La séance est levée à 13 heures .

-----