Nations Unies

CERD/C/SR.2136

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

13 septembre 2013

Français

Original: anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Quatre-vingtième session

Compte rendu analytique de la 2136 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 20 février 2012, à 10 heures

Président:M. Avtonomov

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Réunion informelle avec les ONG

La séance est ouverte à 10 h 10.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Réunion informelle avec les ONG

Dixième à quatorzième rapports périodiques du Viet N am

1.M. Kok Ksor (Montagnard Foundation, Inc.) dit que les Degars, un peuple autochtone également appelé les Montagnards, ont vécu dans le plateau central de l’Indochine méridionale pendant des milliers d’années. Ils ont gravement souffert de la première et de la seconde guerre indochinoises qui ont pris pour théâtre leur territoire ancestral. Alors que le peuple vietnamien a connu la prospérité et la liberté depuis l’arrêt des combats, en 1975, les Degars continuent, eux, d’être victimes de persécutions. Le Gouvernement vietnamien a usé de politiques d’oppression et d’épuration ethnique à leur encontre en raison d’un sentiment intrinsèquement discriminatoire à l’égard des populations qui ne sont pas d’origine ethnique vietnamienne. Les responsables vietnamiens méprisent leur mode de vie tribal et les considèrent comme des sauvages.

2.Le Gouvernement vietnamien cherche à exterminer les Degars afin de pouvoir disposer de leurs terres ancestrales. Des hommes degars ont été accusés à tort, emprisonnés et torturés à mort. Des femmes degars ont été stérilisées de force et nombres d’entre elles sont décédées des suites d’interventions chirurgicales inexpérimentées. Par exemple, le 28 avril 2008, la police de la sûreté vietnamienne a assassiné un Chrétien degar, Y Ben Hdok, qui a été traîné derrière une Jeep la corde au cou jusqu’à ce que mort s’ensuive. Le 14 avril 2008, deux autres chrétiens degars, Y Song Nie et Y Huang Nie, sont morts après avoir été sauvagement torturés par la police de la sûreté, qui a indemnisé leur famille moyennant 66 dollars et l’achat d’un sac de riz, d’un cercueil et d’une sépulture.

3.Les Degars sont systématiquement privés de leur droit d’acquérir des moyens d’existence durables. Ils sont privés de leurs terres qui sont offertes à d’autres Vietnamiens ou personnes de souche kinh, sans explication ou indemnisation. L’objectif des Degars, en construisant des églises, n’est pas de s’opposer au Gouvernement mais de devenir meilleurs selon les préceptes de la Bible et de préserver leur langue maternelle. Ils ne sont pas non plus opposés à ce que le peuple vietnamien vive à leurs côtés sur leurs terres ancestrales, ils demandent simplement qu’il soit mis un terme au traitement inhumain qui leur est infligé et aux violations de leur droit d’exploiter leurs terres et d’autres droits fondamentaux.

4.M. Kok Ksor insiste également sur l’action que mène le Gouvernement contre les Khmers kroms, le peuple autochtone vietnamien d’origine khmère qui vit dans le delta du Mékong, et les Tai Dam vivant à Dien Bien. Le Gouvernement et le peuple vietnamiens doivent changer d’attitude afin que chacun puisse vivre dans la paix et la prospérité au sein d’une même nation.

5.M. Thach Ngoc Thach (Khmers Kampuchea-Krom Federation) dit que les Khmers kroms, un peuple autochtone qui vit dans le delta du Mékong, sont victimes de discrimination raciale. Le Gouvernement vietnamien continue de les priver de leur identité et de les considérer comme des membres de la minorité ethnique khmère, refusant de reconnaître que ce sont des Khmers kroms. Les élèves ne peuvent ni apprendre et parler librement la langue khmer ni étudier l’histoire véritable de leur peuple dans les écoles publiques. Les villages, les districts et les provinces ne sont pas autorisés à utiliser des noms khmers.

6.Les Khmers kroms vivent dans la crainte sur leurs terres ancestrales, sont traités comme des citoyens de seconde classe et ne sont pas entendus par la justice. Par exemple, le 2 septembre 2010, dans la province de Tay Ninh, un jeune homme du nom de Chau Net a été décapité à l’aide d’un sabre de samouraï par un groupe de Vietnamiens parce qu’il affirmait être Khmer krom. Les autorités vietnamiennes n’ont pris aucune mesure sérieuse pour traduire ces assassins en justice et le Gouvernement a recommandé aux parents du jeune homme de ne plus chercher à obtenir justice.

7.Les membres de la communauté khmer krom qui tentent d’exercer leurs droits sont arrêtés sur le fondement d’accusations politiques et risquent une peine d’emprisonnement sans avoir bénéficié d’une procédure équitable. Ainsi, Tran Thi Chau, qui était partie à un litige foncier avec les autorités locales de la province de Tra Vinh, a été arrêtée le 22 avril 2010 alors qu’elle se rendait à un mariage et condamnée par la suite par le tribunal de Tra Vinh à deux ans et demi d’emprisonnement pour le crime supposé d’avoir repris son terrain. Chau Hen a été condamné à deux années d’emprisonnement par le tribunal de district de Tri Ton, dans la province d’An Giang, le 13 mars 2011, pour avoir organisé des manifestations pacifiques demandant que les terrains agricoles dont les Khmers kroms avaient été privés en 2007 et 2009 dans ce même district leur soient restituées. Il a été torturé pendant sa garde à vue et son incarcération et n’a pas été autorisé à communiquer avec son épouse lorsque celle-ci s’est rendue dans la prison où il était détenu.

8.S’agissant de la liberté religieuse, les autorités vietnamiennes sont parvenues à contraindre la plupart des moines bouddhistes de la communauté khmer krom à adhérer à l’Association bouddhique patriote unifiée. Les moines qui s’y refusent sont sanctionnés. Ainsi, le 11 décembre 2011, les autorités vietnamiennes ont ordonné à Thach Houl, un moine bouddhiste khmer krom, Vice-Président de l’Association bouddhique patriote unifiée de la province de So Trang, de défroquer le vénérable Ly Sol au motif allégué de tentative de viol sur une femme de l’âge de sa grand-mère dans le temple Tra Set de la province de So Trang, en dépit des témoignages contraires de l’abbé et d’autres moines bouddhistes du temple. Les autorités persécutent les moines bouddhistes de ce temple parce qu’ils refusent d’adhérer à l’Association bouddhiste patriote unifiée.

9.Les Khmers kroms vivent dans la pauvreté et dans la peur, sont traités comme des citoyens de seconde classe, et s’exposent à des mesures de représailles et à des sanctions s’ils revendiquent le respect de leurs droits fondamentaux. M. Thach Ngoc Thach demande au Comité de prier instamment les autorités vietnamiennes de respecter l’identité et la culture des Khmers kroms. Les membres de cette communauté devraient être autorisés à s’identifier comme tels; la langue khmère et l’histoire des Khmers kroms devraient être enseignées dans les établissements scolaires publics et les noms d’origine des villages, districts et provinces khmères kroms devraient être rétablis.

10.Le peuple khmer krom devrait être autorisé à se défendre librement devant le système judiciaire vietnamien. Le Gouvernement devrait cesser de les accuser de «perturber la société vietnamienne» et d’invoquer l’article 87 du Code pénal pour les embastiller chaque fois qu’ils défendent leurs droits fondamentaux.

11.Les moines bouddhistes khmers kroms devraient pouvoir créer une organisation religieuse indépendante et libre de toute ingérence gouvernementale et le peuple khmer krom devrait pouvoir pratiquer librement le bouddhisme Theravada. La liberté religieuse est un droit et non un privilège dépendant du bon vouloir du Gouvernement.

12.M me Brañez (Unrepresented Nations and Peoples Organization) dit que l’organisation qu’elle représente affirme que les Montagnards degars, les Khmers kroms et les Hmongs du Viet Nam, qui ont été marginalisés du fait du non-respect par le Gouvernement des dispositions de la Convention, ont des caractéristiques ethniques, culturelles, linguistiques et religieuses spécifiques. Ces trois groupes ont été aliénés et subissent une discrimination systématique sur les plans politique, social et économique du fait de leur origine ethnique.

13.Le Viet Nam n’a ratifié aucune convention sur le statut des réfugiés et le système juridique en vigueur n’accorde de protection ni aux réfugiés ni aux demandeurs d’asile. L’extradition et l’expulsion forcée par l’État d’autochtones et de membres des minorités ethniques constituent une violation grave du principe de non-refoulement et du droit de ne pas être expulsé, qui sont protégés par l’article 5 de la Convention. Le déploiement d’unités de policiers d’élite et une collaboration active avec les autorités centrales du Laos et du Cambodge aux fins de rapatriement forcé des personnes tentant de défendre leurs droits fondamentaux font partie des mesures prises par les autorités vietnamiennes pour arrêter les membres des peuples autochtones et des minorités ethniques qui veulent quitter le Viet Nam. Les autorités ont invoqué à leur encontre des griefs d’ordre politique tels que l’opposition au Gouvernement ou l’atteinte à la solidarité entre le Cambodge et le Viet Nam. Selon le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Cambodge, les personnes qui ont été rapatriées de force au Viet Nam étaient fondées à craindre d’être persécutées par le Gouvernement vietnamien.

14.La politique du Gouvernement de confiscation des terres sans le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones et des minorités ethniques et sans aucune indemnisation empêche ces derniers d’acquérir des moyens d’existence durables. Alors que la législation vietnamienne interdit globalement la propriété foncière privée, les peuples autochtones et les minorités ethniques reçoivent les lopins les plus petits et les moins fertiles alors que leurs terres ancestrales sont réattribuées à la majorité ethnique kinh. À la réinstallation forcée vient s’ajouter l’absence de dispositifs appropriés en vue de leur établissement dans d’autres régions qui manquent souvent d’infrastructures de base et d’accès aux hôpitaux et aux écoles, notamment, ce qui aggrave leur insécurité alimentaire et leur pauvreté.

15.Les peuples autochtones et les minorités ethniques indiquent que le Gouvernement vietnamien continue d’interdire les publications indépendantes et de restreindre l’enseignement dans les langues minoritaires. Les enfants degars, hmongs et khmers ne peuvent recevoir un enseignement dans leur langue maternelle et font face à des obstacles linguistiques parce qu’ils comprennent mal le vietnamien. Les enseignants et les responsables les désignent par des termes racialement discriminatoires, prétendant qu’ils sont «incapables d’apprendre» ou ont «des capacités d’apprentissage limitées». Bien que l’enseignement public gratuit soit légalement obligatoire, des frais de scolarité prohibitifs sont réclamés aux familles autochtones et des minorités ethniques. D’autres sources indiquent que les responsables vietnamiens questionnent les élèves en pleine classe sur la religion de leurs parents et menacent d’expulser ceux qui refusent de signer les documents mentionnant leurs croyances.

16.M. Vo Van Ai (Comité Viet Nam pour la défense des droits de l’homme) dit que l’organisation qu’il représente est profondément préoccupée par les graves violations des droits des minorités ethniques et religieuses au Viet Nam. Signataire de la Convention depuis trente ans, le Viet Nam n’a soumis depuis lors que quatre rapports périodiques au Comité.

17.Le précédent rapport périodique (CERD/C/VNM/10-14) présentait de façon détaillée les textes adoptés pour garantir les droits des minorités. Or, de nombreuses lois n’ont jamais été appliquées et celles qui le sont sapent sérieusement les droits des minorités en conditionnant leur réalisation à leur conformité avec les politiques du Parti communiste.

18.Le plan quinquennal adopté par le Parti à Gia Lai et dans d’autres régions où vivent des minorités contiennent des directives explicites qui requièrent, par exemple, de balayer toutes les religions hérétiques et de supprimer les actions qui abusent de la démocratie, des droits de l’homme, de l’ethnicité et de la religion pour saboter la solidarité nationale. Le combat supposé contre la discrimination raciale aboutit ainsi à l’éradication de la pluralité culturelle, religieuse et politique de la population.

19.Le Viet Nam doit réformer d’urgence son système légal pour combattre réellement la discrimination raciale. Comme le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté l’a recommandé lors de sa visite au Viet Nam (A/HRC/17/34/Add.1), «être partie aux traités internationaux ne suffit pas: les normes internationales doivent être incorporées dans la législation nationale».

20.Les droits politiques et économiques des minorités ethniques et religieuses sont gravement enfreints et elles sont victimes d’expropriation de leurs terres ancestrales, de déplacements forcés, de persécutions religieuses, d’arrestations arbitraires et de disparitions forcées. Les stéréotypes sur le caractère «non-civilisé» des minorités ethniques sont profondément ancrés dans les politiques du Gouvernement. Les programmes de réduction de la pauvreté incluent souvent des campagnes pour éradiquer la culture, le style de vie traditionnel, les croyances religieuses et les pratiques des minorités afin qu’elles «rattrapent leur retard» sur les Kinhs.

21.Il n’y a pas de presse privée, pas de syndicat libre, pas de société civile et pas de justice indépendante au Viet Nam. Sans ces garde-fous, les minorités ne peuvent pas défendre leurs droits. Avec la libéralisation économique sous contrôle du Parti unique, ou doi moi, l’écart des richesses entre les minorités ethniques et la majorité kinh s’est creusé à un rythme alarmant. Les minorités comptaient pour 18 % des pauvres en 1990; ils en représentent 56 % aujourd’hui, soit neuf fois plus que les Kinhs. Ces inégalités sont exacerbées par le système de permis d’enregistrement des familles qui est à la base de toutes les discriminations contre les minorités ethniques et religieuses. Comité Viet Nam pour la défense des droits de l’homme demande instamment au Viet Nam d’abolir immédiatement ce dispositif discriminatoire.

22.La discrimination religieuse au Viet Nam est une politique délibérée, orchestrée au plus haut niveau du Parti communiste et de l’État. Les chrétiens hmongs, les Montagnards, les membres de l’Église bouddhique unifiée du Viet Nam, les Hoa Hoa, les Cao Dai et les bouddhistes khmers kroms sont l’objet d’emprisonnement, de torture, d’assignation à résidence, de surveillance policière, d’intimidation et de harcèlement. Le chef de l’Église bouddhique unifiée du Viet Nam, Thich Quang Do, a passé trente ans en prison sous différents régimes pour avoir défendu pacifiquement la liberté religieuse. Comité Viet Nam pour la défense des droits de l’homme demande instamment aux autorités vietnamiennes de mettre un terme à la persécution religieuse et de libérer tous les membres des minorités ethniques et religieuses détenus pour avoir exercé pacifiquement leurs droits à la liberté d’expression, d’opinion, de conscience et de croyance. Le Viet Nam doit également reconnaître la compétence du Comité pour examiner les plaintes soumises par des personnes au titre de l’article 14 de la Convention.

23.M me Faulkner (Comité Viet Nam pour la défense des droits de l’homme) dit que le Viet Nam n’a pas transposé les dispositions de la Convention en droit interne. Des membres de minorités ethniques sont arrêtés, détenus, et torturés sur le fondement de lois relatives à la sécurité nationale dont les définitions sont imprécises. À titre d’exemple, plusieurs personnes purgent une peine de vingt ans de prison pour «atteinte à l’unité nationale». Le système juridique doit être profondément réformé pour garantir le respect des droits des minorités ethniques. Le rapport du Viet Nam contient une liste de lois apparemment promulguées pour garantir les droits des minorités mais le Parti communiste a émis toute une série de directives qui restreignent sévèrement les droits consacrés par la Constitution et d’autres textes de loi.

24.M. Rong Nay (Organisation des droits de l’homme des Montagnards) dit que la torture est monnaie courante dans les prisons vietnamiennes et que les détenus autochtones montagnards sont victimes de terribles discriminations. Human Rights Watch estime que plus de 350 Montagnards ont été condamnés à de longues peines de prison depuis 2001 sous prétexte qu’ils représentent une menace pour la sécurité nationale.

25.Les terres ancestrales des Montagnards ont été saisies par le Gouvernement, privant ainsi un grand nombre d’entre eux de leurs exploitations agricoles. De nombreux villages traditionnels ont été «vietnamisés» ou utilisés par le Gouvernement comme sites touristiques. Même les lieux de sépulture sont confisqués par le Gouvernement, de sorte que les tombes des Montagnards ont dû être déplacées.

26.M. Rong Nay prie les organes des Nations Unies de se demander pourquoi les taux de pauvreté et de malnutrition sont aussi élevés parmi les populations autochtones du Nord Viet Nam et les peuples tribaux montagnards des hauts plateaux du centre du pays. Des ONG internationales sont actives dans tout le Viet Nam mais pratiquement aucune ne s’intéresse aux Montagnards. Les politiques publiques, qui sont fortement racistes et discriminatoires, sont préjudiciables aux Montagnards et nuisent au développement et à l’éducation des populations tribales. À titre d’exemple, 15 000 Vietnamiens étudient aux États-Unis d’Amérique mais pas une seule bourse d’études ou possibilité d’étudier n’a été offerte à un Montagnard.

27.Les Chrétiens montagnards sont persécutés pour des motifs religieux et parce qu’ils pratiquent leur culte en privé ou à l’église. Ceux qui défendent pacifiquement leur religion et leurs droits fonciers sont battus et emprisonnés.

28.M. Rong Nay prie le Comité de demander au Gouvernement vietnamien de mettre un terme aux politiques de discrimination et d’épuration ethnique qui ont plongé les peuples autochtones dans une pauvreté extrême et leur ont causé des souffrances indicibles, de restaurer les droits fonciers du peuple montagnard et de lui permettre d’avoir accès à l’éducation et au développement. Les Nations Unies devraient également intervenir en vue de la libération immédiate de plus de 400 prisonniers montagnards qui ont été injustement emprisonnés parce qu’ils sont chrétiens et ont exercé leur droit de réunion pacifique.

29.M. Alles (Organisation des droits de l’homme des Montagnards) dit que les politiques de discrimination ethnique et de persécution que le Comité a condamnées il y a plus de dix ans se sont aggravées dans les plateaux central et septentrional du Viet Nam. Le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté a demandé instamment au Gouvernement de ratifier et de mettre en œuvre les principaux traités relatifs aux droits de l’homme, y compris la Convention contre la torture. L’Experte indépendante sur les questions relatives aux minorités (A/HRC/16/45/Add.62) s’est inquiétée d’une possible interdiction de la liberté religieuse et d’autres graves violations des droits civils et a ajouté qu’elle a rencontré des obstacles pour recueillir des vues divergeant des positions officielles du Gouvernement.

30.Dans un rapport détaillé, publié en 2011, sur les mauvais traitements dont sont victimes les chrétiens montagnards dans le plateau central du Viet Nam, Human Rights Watch évoque les diverses mesures prises ces dix dernières années par le Gouvernement pour réprimer les activités politiques et religieuses. Des unités d’élite des forces de sécurité ont traqué et arrêté des activistes montagnards et gelé la frontière avec le Cambodge pour empêcher les demandeurs d’asile de quitter le pays. Selon ce même rapport, plus de 350 Montagnards ont été condamnés à de longues peines de prison sur le fondement d’accusations vagues d’atteinte à la sécurité nationale pour avoir participé à des manifestations publiques ou à des cérémonies religieuses célébrées chez des particuliers par des organisations religieuses non enregistrées ou avoir tenté de demander l’asile au Cambodge.

31.L’Organisation des droits de l’homme des Montagnards demande instamment au Gouvernement vietnamien de faire preuve de compassion et d’équité à l’égard des prisonniers montagnards qui ont subi des actes de torture et des brutalités et ont été victimes de discrimination. Le Gouvernement vietnamien devrait mettre immédiatement en œuvre des politiques, par le biais du Ministère de l’intérieur, afin d’interdire la pratique de la torture à tous les niveaux du système de sécurité.

32.M. Tandara Thach (Supreme National Council of Kampuchea-Krom) dit que le Kampuchéa-Krom a fait partie de l’empire khmer jusqu’à la fin de la colonisation française en juin 1949. L’Assemblée nationale française a alors cédé le territoire aux seigneurs de guerre vietnamiens du Sud, les Bao Dai, qui ont poursuivi le processus de colonisation.

33.Ce territoire a été submergé par le transfert illégal de populations durant le régime colonial français et c’est à cette époque que la discrimination raciale est née. Une société basée sur deux normes différentes a été érigée, dans laquelle les Khmers kroms ont été désignés comme des citoyens de seconde classe. Le Gouvernement vietnamien continue d’exercer une discrimination patente dans le but d’intimider et d’éradiquer les Khmers kroms et d’autres peuples autochtones et de nuire à leur développement. Les Khmers kroms ne peuvent accéder à de hautes fonctions publiques pour des raisons de sécurité nationale, parce qu’ils ne sont pas «suffisamment éduqués», parce qu’ils n’occupent pas de poste élevé au sein du Parti communiste ou simplement parce qu’ils ne sont pas vietnamiens. Les 10 000 Vietnamiens qui étudient à l’étranger ne comptent pratiquement aucun Khmer krom.

34.Le Gouvernement devrait traduire la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans toutes les langues autochtones, la publier officiellement et la diffuser dans tout le pays, y compris aux Vietnamiens. Les peuples autochtones devraient également être informés des dispositions de la Déclaration. En outre, le Gouvernement devrait commencer à mettre en œuvre certains articles de la Déclaration et reconnaître tous les peuples autochtones du Viet Nam.

35.M. Saidou demande si les Montagnards peuvent utiliser leurs noms ancestraux dans les documents d’état civil.

36.M. de Gouttes souhaite savoir si les ONG participant à la présente réunion ont été consultées par le Gouvernement en vue de la préparation du rapport périodique du Viet Nam. Il souhaite savoir si selon elles, le Gouvernement a l’intention d’établir une institution nationale des droits de l’homme conformément aux Principes de Paris. Le Comité devra peut-être tenir compte des informations transmises par les ONG selon lesquelles la discrimination religieuse visant les minorités montagnardes est liée à une discrimination raciale.

37.M. Huang Yong’an (Rapporteur pour le Viet Nam) demande confirmation de l’information selon laquelle les Khmers kroms préfèrent s’identifier à un peuple autochtone plutôt qu’à une minorité ethnique, terme utilisé par le Gouvernement vietnamien. Relevant que l’ONG Supreme National Council of Kampuchea-Krom a indiqué dans son rapport alternatif que le Gouvernement a pour objectif d’éradiquer les Khmers kroms, il souhaite savoir si la situation est aussi grave que l’ONG en question l’affirme.

38.M me Faulkner (Comité Viet Nam pour la défense des droits de l’homme) dit qu’aucune ONG indépendante n’a été consultée lors du processus d’élaboration du rapport périodique de l’État partie parce que ces organisations n’existent pas au Viet Nam. Plusieurs organisations étrangères aimeraient pouvoir dialoguer avec le Gouvernement mais toutes les demandes en ce sens ont été déclinées. Il est question d’établir une institution nationale des droits de l’homme mais faute de presse libre, de société civile indépendante et de liberté d’expression, Mme Faulkner craint que cette instance soit de fait contrôlée par le Gouvernement. La discrimination religieuse et la discrimination raciale sont liées au Viet Nam; les Montagnards sont réprimés non seulement parce que ce sont des autochtones mais aussi parce que le Gouvernement cherche à freiner l’essor du christianisme.

39.M. Thach Ngoc Thach (Khmers Kampuchea-Krom Federation) dit que les Khmers kroms ont été contraints d’accepter les patronymes que leur ont imposé les autorités vietnamiennes pendant plus de deux cents ans afin que leur origine ethnique les rende plus facilement identifiables. Cette forme de génocide culturel se poursuit encore aujourd’hui. Les Khmers kroms se définissent comme autochtones parce que ce sont les premiers habitants du pays et non des immigrants alors que le Gouvernement les considère comme une minorité. Évoquant la déclaration de l’ONG Supreme National Council of Kampuchea-Krom, M. Thach Ngoc Thach dit que l’interdiction qui leur est faite de pratiquer leur religion, alors qu’elle est au cœur de leur culture, provoquera l’extinction du peuple khmer krom.

40.M. Kok Ksor (Montagnard Foundation, Inc.) dit qu’en cherchant à contrôler l’église des Montagnards et en les forçant à prêter allégeance au parti du Gouvernement, celui-ci se rend coupable de discrimination raciale à leur égard.

Dix-neuvième et vingtième rapports périodiques du Canada

41.M me Teklu (African-Canadian Legal Clinic) dit que les politiques publiques canadiennes sont toujours dictées par des considérations raciales, même s’il a été instamment demandé au Gouvernement à de nombreuses reprises d’y remédier. Le profilage racial envoie un message clair aux Afro-Canadiens, celui d’être considérés par la société comme «les autres» et des criminels. Le refus persistant des autorités de police de recueillir des données sur les méthodes policières ne permet pas de mesurer l’effet des programmes menés par le Gouvernement pour lutter contre ce phénomène.

42.Les Afro-Canadiens sont toujours surreprésentés au sein du système carcéral. Depuis 2011, les statistiques montrent que les Afro-Canadiens ne représentent que 2,5 % de la population canadienne mais qu’ils comptent pour près de 10 % des personnes incarcérées dans les prisons fédérales. La situation ne fera probablement qu’empirer après l’adoption du projet de loi C-10 (sur la sécurité des rues et des communautés) qui prévoit de sanctionner plus sévèrement certaines infractions et appliquera très certainement aux jeunes délinquants des peines privatives de liberté et des peines réservées aux adultes. En 2007, dans ses observations finales concernant le Canada (CERD/C/CAN/CO/18), le Comité s’était inquiété du pourcentage anormalement élevé des autochtones incarcérés par rapport à la population générale et avait recommandé au Canada d’amplifier ses efforts visant à remédier à leur marginalisation socioéconomique et aux attitudes discriminatoires en matière de maintien de l’ordre, et d’envisager d’instituer un programme spécifique propre à faciliter la réinsertion sociale des délinquants autochtones. Mme Teklu demande au Comité d’adresser à l’État partie les mêmes recommandations concernant la population afro-canadienne.

43.Les Afro-Canadiens n’ont pas véritablement accès à l’enseignement. Le taux d’abandon scolaire parmi les élèves afro-canadiens est de 40 %, alors qu’il se situe aux alentours de 25 % pour la population générale. Le pourcentage des Afro-Canadiens exclus ou expulsés de l’école est aussi anormalement élevé. Les données démontrant que la sous-performance des Afro-Canadiens est liée au racisme systémique dans le système éducatif ont poussé le Conseil d’établissement du district de Toronto à créer une école afro-centrique. Les bons résultats enregistrés par cette institution montrent que le système scolaire ordinaire devrait être revu en profondeur. Les programmes scolaires doivent être davantage participatifs et le personnel enseignant devrait être plus représentatif des différentes races et cultures canadiennes.

44.Le Gouvernement canadien indique dans son rapport qu’il a eu recours à un certain nombre de sondages pour recueillir des informations sur la population canadienne qui peuvent être croisées avec d’autres données socioéconomiques. Or, African-Canadian Legal Clinic s’interroge sur l’exhaustivité de ces données et prie le Comité de demander au Gouvernement de donner davantage de précisions sur les sondages et les statistiques auxquels il fait allusion, en particulier pour ce qui est de la prise en compte de la race et de l’origine ethnique. Le Comité devrait également s’interroger sur la raison pour laquelle le Canada a supprimé le long questionnaire de recensement qui contenait des questions liées à la race et à l’ethnicité. Le Gouvernement ne peut s’attaquer aux disparités raciales s’il ignore qu’elles existent.

45.M me Preston (Canadian Friends Service Committee) dit que bien que le Canada ait tardivement approuvé la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, l’organisation qu’elle représente s’inquiète qu’il continue de dévaloriser cet instrument tant au niveau national qu’international. Les organes des Nations Unies créés en vertu d’instruments internationaux s’inspirent de plus en plus de la Déclaration pour interpréter les droits autochtones et les obligations incombant aux États en vertu des traités relatifs aux droits de l’homme mais le Canada prétend qu’aucune de ses dispositions ne reflète le droit coutumier international. Le Canada devrait cesser de déprécier la Déclaration, veiller à ce que ses lois et politiques soient conformes à la Déclaration et respectent les droits des peuples autochtones et les obligations du Canada dans ce domaine, et mettre en place un processus, en coordination avec les peuples autochtones, de manière à garantir l’application effective de la Déclaration aux plans national et international.

46.S’exprimant au nom de l’organisation Kontinonhstats – The Mohawk Language Custodians, Mme Preston dit que puisque les langues et cultures autochtones doivent être revitalisées pour lutter contre la discrimination raciale, le Canada devrait s’atteler, en partenariat avec les peuples autochtones et sur un pied d’égalité avec eux, à l’élaboration et à la promulgation d’une loi protégeant, encourageant et perpétuant les langues et cultures autochtones.

47.M. Joffe (Grand Conseil des Cris) dit que le Protocole de Nagoya est un nouvel accord international qui régit l’accès aux ressources génétiques et le partage des bénéfices qui en découlent. Ces ressources et les connaissances traditionnelles qui y sont liées sont fondamentales pour les peuples autochtones, leur culture, leur santé, leur bien-être et leurs moyens de subsistance. Or, cet instrument prévoit visiblement que seuls les droits établis et non pas les droits basés sur l’utilisation coutumière sont protégés par la législation des États. En outre, des tiers peuvent accéder aux ressources génétiques se trouvant sur le territoire des peuples autochtones et les exploiter sans le consentement libre, préalable et éclairé de ces derniers. L’objectif premier de la Convention sur la diversité biologique, à savoir le partage juste et équitable des bénéfices, ne peut être atteint que si tous les droits des communautés aux ressources génétiques sont pris en compte. Or, le Canada n’a pas consulté les peuples autochtones et n’a pas non plus tenu compte de leurs préoccupations. Le pays doit respecter pleinement les droits coutumiers des peuples autochtones aux ressources génétiques, introduire une approche fondée sur les droits de l’homme dans les processus environnementaux internationaux et protéger juridiquement les droits des peuples autochtones établis par la Convention.

48.M me Edwards (Native Women’s Association of Canada) dit que les droits de l’homme et les libertés fondamentales des femmes autochtones, consacrés par la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, continuent d’être enfreints au Canada. La marginalisation et les inégalités extrêmes dont sont victimes toutes les femmes autochtones contribuent à la violence raciale et sexuelle qu’elles subissent. Il est essentiel que le Comité se rende au Canada pour prendre pleinement la mesure du contexte social, historique et géographique dans lequel des femmes et des jeunes filles autochtones disparaissent ou sont assassinées.

49.Le Gouvernement canadien est tenu de suivre les recommandations du Vérificateur général canadien concernant le système national d’aide aux enfants autochtones et de prendre des mesures immédiates pour pallier les obstacles d’ordre juridictionnel et financier dans ce domaine. De même, le Gouvernement doit s’employer à remédier aux insuffisances du système éducatif des Premières Nations. Le Canada doit également amender sa politique et modifier sa législation afin de proscrire la discrimination persistante à l’égard des femmes des Premières Nations et de leurs enfants. Enfin, Mme Edwards est préoccupée par le manque d’accès à la justice et la forte proportion d’autochtones incarcérés, et les conséquences que pourrait avoir le projet de loi C-10 de ce point de vue.

50.M. Benjamin (Amnesty International) dit qu’au Canada, les peuples autochtones ne jouissent pas des droits fondamentaux de l’homme sur un pied d’égalité. Cette inégalité est le fruit de l’histoire coloniale et des politiques actuelles du Gouvernement. Le budget alloué par le Gouvernement fédéral à des domaines clefs, tels que la sécurité des enfants ou l’accès à l’eau potable, et les services disponibles ne sont pas équitablement répartis entre les communautés autochtones et les communautés non autochtones.

51.Bien qu’il reconnaisse que les femmes autochtones sont victimes d’un taux anormalement élevé de violences, le Gouvernement n’a pas adopté de plan d’action global et coordonné pour y mettre un terme. Les procédures en vigueur en matière de règlement des litiges fonciers sont inadéquates et l’État n’est pas parvenu à prévenir de nouvelles violations des droits fonciers autochtones dans l’attente du règlement des différends en instance. Les politiques canadiennes relatives aux réfugiés et aux migrants sont de graves sources de préoccupation, au même titre que le champ d’application de la législation antiterroriste et le commerce et les investissements canadiens à l’étranger.

52.Amnesty International recommande d’inviter le Gouvernement canadien à retirer sa proposition de loi sur la traite des êtres humains et à réviser la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés de façon à interdire l’expulsion ou l’extradition de personnes risquant d’être soumises à la torture. Le Gouvernement canadien devrait revoir tous les programmes relatifs aux travailleurs étrangers pour prévenir la discrimination à leur encontre et lever les restrictions s’appliquant aux travailleurs étrangers qui vivent chez l’employeur. Le Comité devrait prier le Canada de désigner un commissaire indépendant chargé de connaître des plaintes en réparation des violations présumées des droits de l’homme liées aux questions de sécurité nationale et d’appliquer le modèle préconisé en vue d’une analyse complète des départements associées aux activités de sécurité nationale. Le Gouvernement canadien devrait prendre des mesures pour rendre les entreprises canadiennes comptables des activités qu’elles mènent dans les territoires autochtones et près des territoires autochtones à l’étranger et veiller à ce que le respect de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones soit un des critères retenus à l’occasion du prochain réexamen de l’accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie.

53.M me Littlechild (Conseil international des traités indiens) dit que comme l’indique le rapport alternatif conjoint préparé par plusieurs ONG canadiennes ainsi que par l’organisation qu’elle représente, la discrimination à l’encontre des peuples autochtones est intimement liée aux conditions politiques, sociales et économiques dans lesquelles nombre d’entre eux vivent. Par exemple, les communautés autochtones sont plus frappées que les autres par la maltraitance à enfants, la violence dans la famille, la maladie, la mortalité, le suicide, la toxicomanie et toute une série de maladies chroniques. Les peuples autochtones vivent dans des logements inadéquats dans des conditions d’assainissement qui ne répondent pas aux normes; ils n’ont accès ni à l’eau salubre ni à une alimentation appropriée; leur niveau d’instruction est faible et leur taux de chômage élevé; ils vivent dans la pauvreté et sont victimes de racisme. La situation est décrite en détail dans le rapport alternatif soumis au Comité.

54.Ce rapport décrit également toute une série de questions relatives aux peuples autochtones et contient plusieurs préoccupations tenant au refus du Canada de mettre en œuvre, de bonne foi et en collaboration avec les communautés autochtones, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Les terres autochtones ont été exploitées sans le consentement libre, préalable et éclairé des communautés autochtones et le Canada a réfuté l’applicabilité des normes internationales relatives au consentement en droit interne. Un problème connexe, à savoir celui des enfants autochtones placés dans des institutions publiques ou dans des familles d’accueil, s’est aggravé du fait, notamment, du racisme et de la discrimination généralisés à l’égard des communautés autochtones et du financement insuffisant des services d’aide aux enfants et familles autochtones.

55.Les pratiques discriminatoires du Gouvernement canadien dépassent ses frontières et affectent les droits autochtones du fait de plusieurs traités internationaux. Ces pratiques témoignent d’un manque de respect à l’égard des droits de l’homme des peuples autochtones dans les pays où sont implantées des entreprises canadiennes.

56.Mme Littlechild juge préoccupante l’incapacité du Canada à assurer le suivi ou la mise en œuvre des recommandations antérieures du Comité (CERD/C/CAN/CO/18) et appelle l’attention des membres du Comité sur la liste de recommandations figurant dans le rapport alternatif de l’organisation qu’elle représente.

57.S’exprimant au nom de l’Association du barreau autochtone sur la question du racisme systémique et de la surreprésentation des peuples autochtones dans le système de justice, Mme Littlechild dit que la situation se détériore. Suite à plusieurs enquêtes menées dans les années 1990 qui ont reconnu que le racisme systémique avait conduit à la surreprésentation de ces peuples dans le système judiciaire, le Code pénal a été révisé afin qu’il soit tenu compte de certains facteurs pour déterminer la peine d’un délinquant autochtone. La disposition pertinente, à savoir l’article 718.2 e) du Code pénal, a par la suite été interprétée par la Cour suprême dans l’affaire Gladue comme une mesure corrective susceptible de réduire les taux disproportionnés d’autochtones emprisonnés. Or, le Gouvernement n’a pas effectivement mis en œuvre cette disposition et les autochtones sont toujours davantage susceptibles d’être condamnés à une peine privative de liberté, de se voir refuser une libération sous caution et de purger des peines plus longues.

58.Les femmes autochtones, qui constituent le groupe de personnes incarcérées qui croît le plus rapidement, sont dans une situation pire encore et les critères employés pour déterminer le risque de récidive ont sur elles un impact disproportionné. En outre, de nombreux acteurs de la justice ne comprennent pas qu’ils sont tenus d’envisager des peines de substitution à la privation de liberté et ne font aucun cas des principes établis dans l’affaire Gladue ou des dispositions de l’article 718.2 e) du Code pénal. Le Gouvernement fédéral n’a pas la volonté de fournir des ressources adéquates pour financer les peines de substitution à la privation de liberté ou les programmes dédiés. Selon un rapport de 2009 du Bureau de l’enquêteur correctionnel, plusieurs mesures prises par le Gouvernement dans ce domaine n’ont jamais été appliquées ou leur financement est très insuffisant.

59.Bien que le Gouvernement canadien reconnaisse que le racisme systémique a entraîné une surreprésentation des peuples autochtones dans le système judiciaire, sa stratégie consiste notamment à modifier les textes de loi afin d’accroître le nombre d’infractions emportant une peine plancher obligatoire et d’alourdir les peines encourues par d’autres infractions. L’Association du barreau autochtone a recommandé l’abrogation des peines plancher obligatoires et la mise en place de programmes de formation, élaborés en consultation avec les peuples autochtones, à l’intention des juges et des procureurs sur le champ d’application de l’article 718. 2 e) du Code pénal et les principes de l’arrêt Gladue.

60.M me Carmen (Conseil international des traités indiens), évoquant les préoccupations et recommandations formulées antérieurement par le Comité concernant les effets préjudiciables des activités menées par les sociétés transnationales immatriculées au Canada, dit que le Canada n’a pas fourni les renseignements requis sur les activités de ces sociétés ou sur les mesures qu’il a prises pour régler le problème. Selon des informations actualisées provenant de peuples autochtones des États-Unis d’Amérique, du Guatemala et du Mexique, le Gouvernement canadien n’a pas donné effet à la recommandation qui lui a été adressée.

61.Plusieurs exemples montrent que la situation continue de se détériorer.Au Nevada,les Shoshone de l’Ouest continuent de pâtir des conséquences des activités d’extraction d’or menées par la société Barrick Gold, immatriculée à Toronto. Les peuples autochtones du Guatemala et ceux vivant dans l’État d’Oaxaca, au Mexique, souffrent également des effets des opérations d’entreprises immatriculées au Canada. Ces exemples montrent que le Canada n’a pas appliqué les recommandations antérieures du Comité lui demandant de tenir les sociétés minières canadiennes, qui opèrent en toute impunité dans des territoires situés hors du Canada, comptables des violations des droits de l’homme des peuples autochtones. Mme Carmen demande au Comité de prier une nouvelle fois le Canada de fournir des renseignements sur les mesures qu’il a prises ou entend prendre pour mettre pleinement en œuvre les recommandations du Comité.

62.M. Lameman (Conseil international des traités indiens et Nation dénée) dit que les violations flagrantes des droits des autochtones sont le résultat du soutien des autorités régionales aux entreprises d’extraction pétrolière des sables bitumeux dans la province de l’Alberta et des autorisations d’exploitation qui leur ont été accordées. Le processus d’extraction, qui est souvent réalisé dans des mines à ciel ouvert, cause de graves dommages à l’environnement. Bien que l’Assemblée des chefs des Premières Nations ait réclamé un moratoire sur l’élargissement de ces activités, le Gouvernement de l’Alberta continue d’accorder des baux, des licences et des permis d’exploitation minière alors que les autorités fédérales ne respectent pas les traités signés par les Nations autochtones qui, du fait des activités d’extraction minière, sont victimes d’une prévalence accrue du nombre de pathologies qui en découlent et d’un mépris total de leur droit à la pêche, à la chasse et à la trappe dans la zone. Les activités d’extraction minière se poursuivent sans que les Nations concernées y aient consenti de manière libre, préalable et éclairée.

63.Avec d’autres Premières Nations, la Nation dénée a signé l’Accord sur notre mère la Terre et s’oppose au projet d'oléoduc Keystone XL; elle demande qu’un moratoire soit appliqué aux activités d’exploitation des sables bitumeux, que les peuples concernés soient pleinement consultés conformément au droit au consentement préalable, libre et éclairé et s’oppose à ce que le projet de construction de cet oléoduc reçoive l’autorisation présidentielle requise.

64.Selon les documents que s’est récemment procuré Greenpeace – Canada, le Gouvernement fédéral a qualifié, dans un document interne, les peuples autochtones et les groupes écologiques «d’opposants» aux activités d’exploitation des sables bitumeux, enfreignant ainsi les dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

65.Considérant que les exemples précités montrent que le Gouvernement canadien n’a pas mis en œuvre les recommandations du Comité, M. Lameman demande à ce dernier de réitérer ses précédentes demandes.

66.M. Alexis (Confédération des Premières Nations signataires du traité no 6) dit qu’il est primordial de s’assurer que le Gouvernement canadien respecte les instruments internationaux tels que la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et le traité no 6 de 1876, y compris la lettre et l’esprit dans lesquels ils ont été élaborés. Le Gouvernement n’a nullement consulté les Nations signataires du traité no 6 et la réunion qui aura lieu prochainement entre la Confédération des Premières Nations signataires du traité no 6 et la délégation canadienne ne constitue en rien une consultation.

67.Le rapport alternatif soumis par la Confédération des Premières Nations signataires du traité no 6 donne une image objective et juste du traitement réservé aux nations autochtones. Le processus de planification de tous les projets collectifs ou individuels, ainsi que leur réalisation et leurs résultats sont autant d’occasions importantes de mettre en œuvre les dispositions de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, en particulier celles qui prévoient que les peuples autochtones ont le droit de participer à la prise de décisions. Assister à une réunion ne signifie pas y participer véritablement. Bien que soutenant pleinement le rôle important que jouent les instances des Nations Unies, M. Alexis dit qu’une participation véritable doit associer les peuples, les nations et les organisations autochtones.

68.M. Alexis appelle l’attention du Comité sur les normes importantes énoncées aux articles 18 et 19 de la Déclaration qui indiquent que les peuples autochtones ont le droit de participer à la prise de décisions conformément à leurs propres procédures et que les États coopèrent avec les peuples autochtones intéressés avant d’appliquer des mesures susceptibles de concerner les peuples autochtones, afin d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

69.La Confédération des Premières Nations signataires du traité no 6 demande respectueusement au Comité de prier le Gouvernement canadien de respecter la relation conventionnelle sacrée établie par les Nations signataires du traité no 6 de 1876 et la Couronne et de s’interroger sur la validité des initiatives législatives prises par le Canada et la province de l’Alberta en matière d’accès à l’eau sans avoir consulté les peuples autochtones. Le Comité devrait également demander au Canada et à la province de l’Alberta de suspendre l’extension du projet destructeur d’exploitation des sables bitumeux et de respecter les sites sacrés des Nations signataires du traité no 6 ainsi que la dernière sépulture de leurs ancêtres.

70.M. Bellegarde (Premières Nations signataires du traité no 4) indique, en sa qualité de représentant des 34 chefs des communautés signataires du traité no 4, qu’aucun chef, y compris lui-même, n’a été consulté par les autorités canadiennes lors de l’élaboration du rapport périodique du Canada. Le traité no 4 signé par la Couronne et les Nations autochtones Nahkawe, Nakota et les Cris des plaines prévoit le partage de 75 000 miles carrés (194 249 km) situés sur des terres ancestrales «jusqu’au soc de la charrue». Les Premières Nations signataires du traité no 4 détiennent toujours des droits et continuent d’être propriétaires des terres et des ressources se trouvant sur tout le territoire visé par le traité no 4.

71.Quelque 52 % des ressources mondiales de potasse – une substance essentielle à la production d’engrais nécessaire aux cultures vivrières – se trouvent dans la province de la Saskatchewan, dont la plupart dans la zone couverte par le traité no 4. Le Gouvernement de cette province continue d’accorder des licences et des permis industriels sans le consentement libre, préalable et éclairé des Nations signataires du traité no 4, en violation des décisions de justice obligeant les gouvernements à consulter les Premières Nations pour toute question et tout projet spécifiquement ayant trait à l’exploitation des ressources. Les Nations signataires du traité no 4 n’ont pas été consultées et n’ont donné leur consentement à aucune des activités d’extraction minière et de construction d’oléoduc en cours ou envisagées sur la zone visée par le traité no 4.

72.Depuis 1874, les Premières Nations et peuples autochtones signataires du traité no 4 n’ont jamais directement tiré profit des importants bénéfices issus de la vente de potasse et d’autres ressources naturelles. Des accords officiels doivent donc être élaborés sur le partage des bénéfices découlant de l’exportation des ressources, ce qui permettrait de réduire la pauvreté et de faire sortir les Nations signataires du traité no 4 de leur sous-développement actuel. Un important fossé socioéconomique sépare les Premières Nations du reste de la société canadienne, comme le montre le fait que le Canada est classé au sixième rang selon l’indicateur des Nations Unies de développement humain alors qu’il ressort des données statistiques relatives aux Premières Nations que les peuples autochtones canadiens arrivent en 63e position. Cet écart doit être comblé en garantissant leur participation directe, totale et véritable aux décisions prises par les gouvernements et les entreprises en matière d’exploitation de ressources.

73.Pour assurer la pleine mise en œuvre du traité no 4, le Canada devrait nommer un commissaire chargé de régler les questions liées aux droits établis par les traités, qui serait désigné à la fois par les peuples autochtones et par la Couronne et tenu de leur rendre compte. De la sorte, le Canada sera en mesure de respecter l’article 35 de la Constitution qui reconnaît et confirme les droits existants, ancestraux ou issus de traités, des peuples autochtones ainsi que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

74.Le rapport alternatif contient plusieurs recommandations formulées par les Premières Nations signataires du traité no 4, dont celle demandant au Comité de prier Sa Majesté au nom du Canada de veiller à ce que le droit des peuples autochtones au consentement libre, préalable et éclairé soit reconnu et respecté dans les projets d’exploitation des territoires ou des ressources des peuples autochtones. Sa Majesté au nom du Canada devrait en particulier veiller à ce que les gouvernements provinciaux n’accordent plus de licences d’exploitation industrielle, y compris minière, avant que le consentement des peuples autochtones ait été obtenu.

75.M. Wuttke (Assemblée des Premières Nations) dit que le système de justice pénal canadien exerce une discrimination systématique contre les délinquants autochtones qui continuent d’être surreprésentés dans les prisons. Alors qu’ils ne représentent que 4 % de la population générale, ils constituent près d’un quart de la population carcérale canadienne. Ces détenus, qui sont majoritairement jeunes, ont dans l’ensemble grandi dans la pauvreté, sont peu instruits et souffrent des effets multigénérationnels du placement en pensionnat, du retrait des enfants de leur famille dans le cadre des adoptions forcées et d’une marginalisation culturelle et socioéconomique. Les statistiques montrent que les autochtones se voient plus souvent refuser une libération sous caution, qu’ils restent plus longtemps en détention préventive et risquent deux fois plus que les autres délinquants d’être incarcérés. Entre 1998 et 2008, le nombre d’autochtones détenus dans des prisons fédérales a augmenté de 19,7 % tandis que le nombre de femmes autochtones qui y sont incarcérées a progressé de 131 %.

76.Le projet de loi sur la sécurité des rues et des communautés (projet de loi C-10), qui prévoit des peines plancher obligatoires, se traduira par des peines arbitraires et inflexibles qui risquent d’être disproportionnées par rapport à l’infraction commise et par une surreprésentation carcérale plus marquée des autochtones. Ce texte affaiblira également l’obligation requise en vertu du Code pénal de tenir compte de certains facteurs pour déterminer la peine d’un délinquant autochtone. Les propositions de modification du projet de loi C-10 auront des conséquences graves sur les jeunes autochtones.

77.Ce projet de loi n’atténue en rien le problème de la discrimination généralisée exercée contre les peuples autochtones. En 2007, l’Assemblée des Premières Nations et la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada ont saisi la Commission canadienne des droits de la personne alléguant le caractère discriminatoire du défaut de financement alloué par le Canada aux enfants des Premières Nations. Bien qu’il ait décidé d’exercer sa compétence sur les affaires autochtones au niveau fédéral, le Gouvernement s’est prévalu de la juridiction provinciale. La plainte a été rejetée et le recours interjeté contre cette décision est en instance. Si cet appel est à nouveau rejeté, les Premières Nations seront le seul groupe de Canadiens à ne pas pouvoir jouir pleinement de la loi canadienne relative aux droits de la personne et ne pourront plus former d’autres plaintes contre le Gouvernement fédéral.

78.M. Thornberry dit que les documents fournis par les ONG mentionnent à plusieurs reprises la question de la preuve des titres de propriété dans les affaires non résolues impliquant des revendications liées à la terre et aux ressources, un problème sans nul doute très préoccupant. Bien que le rapport du Canada souligne l’importance de la négociation, de nombreuses plaintes ont été formées du fait des prises de position accusatrices des autorités. M. Thornberry se demande dans quelle mesure cette incohérence peut s’expliquer par une divergence des approches structurelles et culturelles de la question et comment celles-ci pourraient être réconciliées. Il demande au représentant du Grand conseil des Cris en quoi les droits établis diffèrent des droits coutumiers et pourquoi un nombre aussi élevé de femmes autochtones sont incarcérées dans les prisons canadiennes.

79.M. Lindgren Alves est choqué d’apprendre que les personnes d’ascendance africaine et les autochtones du Canada souffrent de problèmes analogues à ceux de leurs homologues d’Amérique latine, alors même que le Canada bénéficie d’un des indicateurs de développement humain les plus élevés du monde. Il demande aux ONG d’indiquer si, à leur sens, les politiques multiculturelles mises en place par le Canada, qui sont considérées comme une référence au niveau international, sont parvenues à assurer l’intégration des autochtones.

80.M. de Gouttes aimerait recevoir davantage de précisions sur le projet de loi C-10, notamment sur son état d’avancement, sur les dispositions pénales qu’il contient et sur l’incidence qu’il aura sur les mineurs.

81.M. Kemal (Rapporteur pour le Canada) demande aux ONG d’expliquer, pourquoi, selon elles, les bénéfices découlant de l’extraction des précieuses ressources situées sur les territoires autochtones, tel que la potasse, ne sont pas partagés avec les peuples autochtones. Il se demande si l’obligation faite par le Code pénal de tenir compte de certains facteurs pour déterminer la peine d’un délinquant autochtone ne peut pas être interprétée comme une discrimination à l’égard des délinquants non autochtones et ce qui pourrait être fait pour l’éviter.

82.M. Calí Tzay aimerait recevoir des renseignements sur les femmes autochtones au Canada, et notamment savoir si les enfants d’une femme qui n’est pas mariée à un autochtone sont considérés comme autochtones. Il souhaite également connaître le point de vue des ONG au sujet de la distribution des profits issus des projets énergétiques et miniers. Il aimerait recevoir davantage d’informations sur l’enseignement dispensé aux autochtones par l’État fédéral ainsi que sur la portée et l’objectif du processus de réconciliation actuellement mené avec les peuples autochtones. À cet égard, il serait intéressant de connaître les modalités de mise en œuvre de ce processus et l’implication de l’État dans celui-ci.

83.M. Saidou ne comprend pas très bien si le système de justice pénale s’applique à tous sur un pied d’égalité dans tout le pays et souhaite savoir si le Code pénal contient des dispositions s’appliquant expressément aux infractions commises par des personnes d’ascendance africaine et des autochtones.

84.M. Joffe (Grand Conseil des Cris), répondant à la question sur les droits aux ressources génétiques, dit qu’il existe trois catégories de droits établis: les droits fondés sur une décision de justice, les droits découlant d’un accord ou d’un traité, et les droits établis par la loi. En ce qui concerne l’utilisation traditionnelle des ressources génétiques, le système juridique canadien prévoit que les droits établis doivent résulter de l’exploitation et de l’occupation traditionnelle des terres autochtones. Les actions en justice et les négociations ont principalement porté sur les droits à la terre et aux ressources mais pas sur les droits aux ressources génétiques. Il s’ensuit que même si des droits prima facie bien établis existent, ce ne sont pas des droits établis pour ce qui est des connaissances traditionnelles et des ressources génétiques qui y sont liées. Par conséquent, les peuples autochtones risquent d’être massivement privés de leurs ressources, pas uniquement au Canada mais aussi dans d’autres pays.

85.M me Teklu (African-Canadian Clinic) dit que l’un des problèmes rencontrés par le Canada pour évaluer la situation socioéconomique des personnes d’ascendance africaine et des peuples autochtones tient au fait que le Gouvernement assimile toutes les minorités à un seul groupe. Leur sort dramatique est occulté par le classement du Canada en termes d’indicateur de développement humain. Le Canada doit se doter d’une politique de lutte contre le racisme, ce qui est plus important que la politique actuelle de multiculturalisme car celle-ci n’est rien d’autre qu’un catalogue des différentes cultures et races canadiennes dont les Afro-Canadiens n’ont pas bénéficié.

86.Bien que le système de justice pénale soit fondamentalement raciste puisqu’il pénalise les Afro-Canadiens et les autochtones à tous les niveaux, le Code pénal ne contient pas de disposition s’appliquant expressément aux actes commis par des groupes minoritaires particuliers. Il est cependant évident que certaines dispositions du Code qui traitent des groupes armés et des armes à feu répondent à des caractéristiques propres à la communauté afro-canadienne.

87.M. Bellegarde (Premières Nations signataires du traité no 4) dit que le problème de la preuve des titres fonciers et des titres de propriété sur les ressources est dû au fait que les peuples autochtones, d’une part, et les autorités fédérales et provinciales, de l’autre, estiment chacun que ces titres leurs reviennent. Ces dernières continuent d’accorder des licences et des permis sans tenir compte des droits inhérents aux peuples autochtones. C’est la cause du conflit et la raison pour laquelle le poste de commissaire chargé de régler les questions liées aux droits établis par les traités devrait être créé.

La séance est levée à 13 heures.