NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l'élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.16782 mars 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑sixième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 1678e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le 24 février 2005, à 10 heures

Président: M. YUTZIS

SOMMAIRE

DÉCLARATION DE LA HAUT‑COMMISSAIRE DES NATIONS UNIES AUX DROITS DE L’HOMME

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

DIXIÈME À TREIZIÈME RAPPORTS PÉRIODIQUES DU LUXEMBOURG (suite)

La première partie (publique) de la séance est ouverte à 10 h 15.

DÉCLARATION DE LA HAUT-COMMISSAIRE DES NATIONS UNIES AUX DROITS DE L’HOMME

1.Mme ARBOUR (Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme) se félicite de l’occasion qui lui est donnée de s’adresser au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale.

2.La Haut-Commissaire a pris en considération deux points particulièrement importants de l’ordre du jour chargé du Comité: l’examen de l’avant-projet de recommandation générale sur la prévention de la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement de la justice et le débat thématique sur la prévention du génocide, auquel participera M. Juan Mendez, Conseiller spécial du Secrétaire général chargé de la prévention des génocides.

3.Rappelant les conclusions de la Déclaration de Durban, la Haut‑Commissaire dit que la discrimination raciale continue d’entraver le fonctionnement de la justice pénale et l’application de la loi, et persiste au sein des institutions et dans l’esprit des personnes chargées de veiller au respect de la loi. Elle inclut le «délit de faciès», les mauvais traitements infligés par la police aux personnes issues de groupes ethniques et l’imposition de peines plus sévères à ces personnes. D’après les statistiques, les membres des minorités ethniques et les autochtones sont surreprésentés parmi les personnes qui sont arrêtées ou incarcérées et qui meurent en détention. Il est particulièrement préoccupant qu’en cas de discrimination, la police, les procureurs et les magistrats tardent à réagir et à ouvrir une enquête et à punir les actes délictueux, ce qui a pour conséquence d’assurer l’impunité partielle ou totale de leurs auteurs.

4.La discrimination raciale dans l’administration de la justice nie l’état de droit et sape la confiance des citoyens à l’égard du système judiciaire et se traduit par des injustices commises contre des personnes et des groupes par les institutions mêmes chargées de les protéger. Cette situation doit être dénoncée et éradiquée, sachant combien il est important de veiller à ce que le système judiciaire joue un rôle efficace dans la prévention de la discrimination raciale et la protection et l’indemnisation des victimes.

5.La Haut-Commissaire cite l’article 5 de la Convention, qui impose aux États parties de garantir le droit de chacun à l'égalité devant la loi sans distinction de race, de couleur ou d'origine nationale ou ethnique, notamment dans la jouissance du droit à un traitement égal devant les tribunaux et tout autre organe administrant la justice, et estime que le Comité est l’organe le mieux placé pour conseiller les États sur les mesures à prendre en vue d’éliminer la discrimination raciale dans l’administration de la justice. Ainsi une recommandation générale sur cette question sera tout à fait utile et opportune.

6.La Haut-Commissaire se dit par ailleurs intéressée par le débat thématique sur la prévention du génocide que le Comité a prévu d’organiser au cours de la soixante‑sixième session ayant eu elle‑même, en tant que Procureur des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, à connaître des pires excès de l’intolérance et de l’injustice et des violations les plus graves des droits de l’homme les plus élémentaires. L’on ne saurait oublier les horribles massacres perpétrés au Rwanda en 1994 et à Srebrenica l’année suivante, motivés par l’intolérance et la haine raciales et ethniques. Ces événements rappellent que le racisme et la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée ne sont pas en train de disparaître et que la vigilance reste de mise.

7.Entre autres efforts entrepris pour prévenir le génocide, le Secrétaire général a lancé en 2004 un plan d’action au titre duquel il a nommé Conseiller spécial chargé de la prévention des génocides M. Juan Mendez, qui participera au débat thématique organisé par le Comité sur la question. Il ne fait pas de doute que sa collaboration étroite avec le Comité ainsi qu’avec les autres organes conventionnels et les procédures spéciales de la Commission des droits de l’homme aidera le Conseiller spécial à adopter la ligne de conduite appropriée.

8.La Haut-Commissaire appelle ensuite l’attention du Comité sur un rapport de la Commission des droits de l’homme intitulé Avis des États parties à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide sur la proposition du Secrétaire général tendant à ce qu’ils envisagent de créer un comité pour la prévention des génocides (E/CN.4/2005/46), précisant que ce comité se réunirait à intervalles réguliers pour examiner des rapports et formuler des recommandations.

9.La Haut‑Commissaire dit qu’il reste fort à faire pour s’attaquer aux causes mêmes des conflits, notamment en luttant contre la discrimination raciale et en promouvant le principe d’égalité. À cet égard, la décision qu’a prise le Comité en 1993 de faire des mesures d’alerte rapide et de la procédure d’action urgente un point permanent et important de son ordre du jour revêt une importance cruciale. Le Comité s’est en effet déclaré prêt à prendre des mesures d’alerte rapide pour éviter que des troubles ne dégénèrent en conflits ou à engager des procédures d’action urgente pour répondre aux situations qui nécessitent une intervention immédiate, ce, afin de prévenir des violations graves des droits de l’homme ou d’en limiter l’ampleur.

10.Cela étant, il s’agit de mettre en place des stratégies de prévention efficaces au niveau national. Ainsi, chaque État partie devrait être en mesure de soumettre et d’expliquer au Comité les stratégies qu’il a adoptées dans ce domaine, tout comme les institutions qu’il a créées pour fournir une protection spéciale aux personnes exposées.

11.La Haut‑Commissaire appelle l’attention des membres du Comité sur le rapport de la Commission internationale d’enquête sur le Darfour, qu’elle a présenté récemment au Conseil de sécurité. Bien que la Commission d’enquête ait conclu que le Gouvernement soudanais n’avait pas mené une politique de génocide, les recommandations qu’elle a formulées seront certainement très utiles au débat thématique que le Comité tiendra prochainement, notamment sur la question de la protection et de l’indemnisation des victimes. Après avoir conclu que des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité avaient effectivement été commis à grande échelle au Darfour, la Commission d’enquête a recommandé non seulement la saisine de la Cour pénale internationale mais aussi la création d’une commission internationale d’indemnisation. La Haut‑Commissaire dit qu’elle accordera l’attention voulue aux conclusions que le Comité formulera sur la question de la prévention du génocide.

12.À titre de conclusion, la Haut‑Commissaire dit que l’un de ses principaux objectifs est de renforcer l’état de droit aux niveaux international et national. C’est selon elle la seule façon de surmonter de grandes difficultés sociétales, notamment par la lutte contre la discrimination raciale. En l’absence, souvent déplorée, de mécanismes efficaces pour faire appliquer la législation internationale relative aux droits de l’homme, dont l’une des pierres angulaires est le principe d’égalité et de non-discrimination, divers instruments internationaux tels que la Convention ont permis de traduire les idéaux dans des obligations juridiques. Leur intégration dans les systèmes juridiques et constitutionnels des États parties permet en effet aux victimes de faire valoir leurs droits, comme en témoignent un certain nombre de décisions de justice de par le monde. À titre d’exemple, les dispositions de la Convention, les observations finales du Comité concernant le rapport du Royaume-Uni et la Recommandation générale du Comité sur les non‑ressortissants et la discrimination raciale ont été largement invoquées dans un jugement et des débats de la Chambre des Lords.

13.Enfin, la Haut‑Commissaire remercie vivement le Comité de l’action importante qu’il a menée pour la promotion et la protection de l’égalité et l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

14.Le PRÉSIDENT remercie vivement la Haut-Commissaire aux droits de l’homme pour son allocution et l’assure que le Comité ne ménagera aucun effort pour s’acquitter au mieux du mandat qui lui a été confié, comme il a toujours cherché à le faire, et poursuivre son combat contre la discrimination raciale.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Dixième à treizième rapports périodiques du Luxembourg (CERD/C/449/Add.1) (suite)

15. Sur l’invitation du Président, la délégation luxembourgeoise reprend place à la table du Comité.

16.Mme MARTIN (Luxembourg) dit que la Commission nationale consultative des droits de l’homme, instaurée en 2000, est un organe consultatif qui émet des avis et mène des enquêtes à sa propre initiative ou à celle du Gouvernement. Elle se subdivise en trois sous-commissions, chargées respectivement des questions relatives à l’éducation, à la discrimination et aux problèmes institutionnels, et en trois groupes ad hoc spécialisés dans le domaine des droits de l’enfant, des expulsions et des perquisitions. Depuis sa création, la Commission nationale a formulé des avis sur de nombreux sujets, notamment l’éducation aux droits de l’homme, la promotion des droits de l’enfant et la protection sociale de l’enfance, la création d’une charte des droits fondamentaux ou l’expulsion des étrangers en situation irrégulière. Elle a en outre organisé en 2002 une conférence sur le thème de la discrimination et diverses rencontres avec des dirigeants politiques aux niveaux national et international.

17.La Commission spéciale permanente contre la discrimination raciale, qui est un sous‑organe permanent du Conseil national des étrangers, se réunit une fois par mois. Cette commission a été instituée en 1996 et non le 1er octobre 2000, date de la création du Bureau des plaintes chargé de donner suite aux dispositions de l’article 14, paragraphe 2, de la Convention. Pour que la population ait connaissance de l’existence de ce Bureau et de son mandat, la Présidente de la Commission spéciale permanente contre la discrimination raciale dont il relève a accordé des interviews télévisées et a saisi l’occasion de diverses manifestations publiques réunissant des étrangers, comme le Festival des migrations, des cultures et de la citoyenneté, pour tenir des conférences à ce sujet.

18.Mme Martin prend bonne note du fait que la Commission a décidé de classer sans suite une plainte contre un journaliste qui avait utilisé le terme «nègre» dans un de ses articles et transmettra cette information au Bureau des plaintes.

19.La déléguée du Luxembourg dit que le Médiateur est l’institution la plus récente dans la panoplie des organismes de défense des droits fondamentaux puisqu’il a été créé en août 2003. Il relève de la Chambre des députés. Après un appel de candidatures, le Médiateur est élu à la majorité des membres présents de la Chambre, puis nommé par le Grand‑Duc. Il peut être révoqué si un tiers des députés en fait la demande, auquel cas une instruction est ouverte. Les conclusions de l’instruction sont ensuite soumises à la Chambre qui décide alors, à la majorité des députés, si elle transmet ou non la demande de révocation au Grand‑Duc. C’est actuellement M. Fischbach qui occupe la fonction de médiateur. Entre le 1er mai et le 30 septembre 2004, les services du Médiateur ont été saisis de 829 affaires, dont 627 ont été tranchées et 202 sont encore en cours.

20.Les commissions consultatives communales pour les étrangers fonctionnent depuis 1989, et sont généralement plus efficaces dans les grandes agglomérations où la concentration d’étrangers est particulièrement importante. Depuis l’adoption en 2003 de la loi permettant aux étrangers de participer aux élections communales, elles ont été particulièrement actives et ont encouragé les étrangers à s’inscrire sur les listes électorales.

21.Le Luxembourg envisage en outre d’instituer un organe indépendant chargé de l’égalité des chances et prévoit d’organiser une table ronde pour réfléchir au moyen d’éliminer toute référence à la «race» dans la législation.

22.Mme SCHAAK (Luxembourg) dit que le Grand-Duché de Luxembourg n’a pas institué de circonstance aggravante générale des infractions commises avec une motivation raciste, estimant que les juges disposent d’une échelle de peines suffisamment large pour juger au cas par cas tous les types d’infractions, quelle qu’en soit la motivation. En revanche, l’article 444 du Code pénal prévoit une aggravation de la peine en matière de calomnie et de diffamation lorsque les imputations sont motivées par une discrimination illégale.

23.Mme Schaak reconnaît que la loi luxembourgeoise n’interdit pas les organisations racistes ou xénophobes, comme l’exige l’article 4 de la Convention. Cependant la loi du 21 avril 1928 sur les associations et fondations sans but lucratif a prévu dans son article 18 la possibilité d’une dissolution judiciaire dans le cas où une association, par ses activités, porterait atteinte à la loi ou à l’ordre public. Au regard de cette disposition, le législateur n’a pas jugé nécessaire de prévoir un texte spécial interdisant les organisations racistes proprement dites. En effet, il a considéré que l’interdiction de telles organisations racistes risquait de pousser leurs membres dans la clandestinité et de rendre plus difficile le contrôle de telles organisations par les autorités. Il convient toutefois de noter qu’on ne recense au Luxembourg aucune organisation de ce type. Par ailleurs, c’est la personne qui distribue un tract à caractère raciste au nom d’une association, et non la personne morale, qui est tenue pour responsable, poursuivie et punie.

24.Mme Schaak dit que le Luxembourg est sur le point de ratifier la Convention européenne sur la cybercriminalité et qu’il ratifiera ensuite le Protocole additionnel relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques. Elle annonce qu’à la suite des critiques émises à l’échelon européen et international au sujet du paragraphe 5 de l’article 457 du Code pénal selon lequel «l’interdiction de la discrimination ne s’applique pas aux différenciations de traitement prévues par ou découlant d’une autre disposition légale» le paragraphe en question, trop vague, sera reformulé.

25.Le Luxembourg ne dispose pas de statistiques ventilées sur les infractions à caractère raciste mais celles-ci sont systématiquement poursuivies. Le parquet de Luxembourg a ouvert une section spécialisée pour adopter une approche plus homogène des affaires de racisme et de discrimination raciale. L’article 24 du Code d’instruction criminelle permet au Procureur d’État de soumettre l’auteur d’une infraction pénale à la médiation pénale, ce qui signifie que l’intéressé est convoqué par le Centre de médiation pour entendre un exposé des faits qui lui sont reprochés et un rappel de la législation. En moyenne, 180 médiations ont lieu chaque année et quatre affaires de discrimination et de racisme ont été traitées de cette manière en 2004. Trois services d’accueil et d’information juridique fonctionnent sous l’autorité du Procureur d’État avec la mission de fournir aux particuliers, quelle que soit leur nationalité, des renseignements généraux sur l’étendue de leurs droits et sur les voies et moyens à mettre en œuvre en vue de les sauvegarder. En 2004, les services ont examiné quelque 8 000 demandes d’informations.

26.Instituée en 1999, l’Inspection générale de la police est chargée d’effectuer des enquêtes administratives (96 en 2004) et des enquêtes judiciaires (26 en 2004). Le Procureur d’État peut charger l’Inspection générale de réaliser des enquêtes pénales et un particulier peut la saisir s’il se considère victime de discrimination. Les policiers qui se livrent à des actes discriminatoires sont systématiquement sanctionnés par la Direction générale de la police. D’après des statistiques récentes, sur les 60 sanctions disciplinaires prononcées, 2 ou 3 avaient trait à des affaires de racisme.

27.La délégation luxembourgeoise reconnaît que les termes figurant au paragraphe 75 du rapport, à savoir que «des discriminations fondées sur la nationalité peuvent être opérées», sont inappropriés car ils pourraient être mal interprétés, et qu’il serait souhaitable de revoir le texte de l’article 457 du Code pénal. Cela étant, elle souligne que la législation sur la nationalité est conforme à la législation européenne et que, comme tous les États membres de l’Union européenne, le Luxembourg fait une distinction entre les ressortissants communautaires et les ressortissants d’États tiers en matière d’entrée, de séjour et de droit de vote. Les conditions d’acquisition de la nationalité ont été allégées par la loi du 24 juillet 2001, qui a notamment réduit à cinq ans la durée de séjour requise pour présenter une demande de nationalité. La délégation ne dispose pas de statistiques sur les demandes et l’octroi de la nationalité mais invite les membres du Comité à consulter le site Internet du Ministère de la justice à l’adresse suivante: www.mj.public.lu. Enfin, Mme Schaak signale que le Gouvernement envisage la possibilité d’adopter le principe de la double nationalité.

28.M. BERNS (Luxembourg) dit qu’à l’instar des 24 autres pays de l’Union européenne le Luxembourg a l’obligation d’ouvrir sa fonction publique aux ressortissants communautaires, en particulier dans les domaines de la santé et de l’enseignement. En outre, alors que rien ne l’y oblige, le Luxembourg a décidé d’ouvrir les échelons inférieurs de l’armée professionnelle à des ressortissants étrangers.

29.Le Ministère des cultes a des contacts réguliers avec l’Assemblée des communautés musulmanes du Grand‑Duché et des discussions sont en cours pour conventionner cette assemblée, mais il reste à régler un certain nombre de problèmes liés au principe de la non‑discrimination entre les hommes et les femmes. En tout état de cause, le fait qu’une association n’est pas conventionnée ne signifie pas qu’elle n’est pas reconnue officiellement. La délégation luxembourgeoise souligne que la liberté de religion est inconditionnelle. Étant donné que les communautés religieuses étrangères sont peu importantes et éparpillées sur tout le territoire, aucune école ne dispense un enseignement religieux bien que la législation l’autorise. Les grandes religions du monde sont bien entendu étudiées à l’école. L’abattage rituel des animaux pose des problèmes au Luxembourg car la loi dispose que tout animal doit être anesthésié avant d’être abattu, ce qui est contraire aux pratiques rituelles kascher et halal. D’une manière générale, ces pratiques requièrent des investissements importants pour des raisons d’hygiène et les communautés religieuses concernées ne sont pas suffisamment importantes pour justifier de tels investissements. Ces communautés peuvent en revanche importer sans problème des produits carnés halal ou kascher de France et de Belgique.

30.Mme MARTIN (Luxembourg) dit que le Gouvernement luxembourgeois a transposé dans sa législation la directive 2000/43 du Conseil de l’Europe relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique et la directive 2000/78 du Conseil de l’Europe portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.

31.Mme SCHAAK (Luxembourg) dit que, pour combattre le travail clandestin, l’inspection du travail procède à des contrôles systématiques, en collaboration avec la police du Grand‑Duché et le Service antifraude. Le travail au noir concerne essentiellement le secteur de l’hôtellerie et de la restauration où 95 % des salariés sont des frontaliers ou des étrangers provenant de quelque 70 pays. Les employeurs qui enfreignent la législation du travail sont systématiquement sanctionnés et l’imposition d’amendes prohibitives semble dissuasive. La loi du 20 décembre 2002 porte réglementation de la durée de travail dans l’hôtellerie et la restauration mais son application n’est pas chose facile.

32.Le Ministère de la famille dispose d’un parc de logements qui sont mis à la disposition des membres des communautés étrangères les plus vulnérables pendant une période de trois ans moyennant le paiement d’un loyer modéré. Ce système doit leur permettre d’épargner pendant cette période puis d’acquérir un logement subventionné. En ce qui concerne le secteur privé, il est impossible d’obliger les propriétaires et les professionnels de l’immobilier à louer des appartements à des étrangers et à des immigrés, mais les autorités s’efforcent d’inciter les personnes victimes de discrimination au logement à porter plainte.

33.M. BERNS (Luxembourg) dit que l’intégration des enfants étrangers dans les écoles luxembourgeoises est facilitée par l’existence de classes d’accueil pour les nouveaux arrivants dans le primaire et le secondaire. Dès l’âge de 3 ans, les enfants suivent des cours de luxembourgeois, puis d’allemand et de français, car le Luxembourg a à cœur de préserver le trilinguisme et de donner aux enfants les mêmes chances sur le marché de l’emploi. Les enfants issus de l’immigration italienne ou portugaise (plus de 20 % des enfants scolarisés) peuvent rester en contact avec leur culture d’origine en suivant des cours d’italien ou de portugais organisés par leurs ambassades dans des locaux mis à leur disposition par les collectivités locales. Le service de médiation interculturelle a pour principale mission de faciliter le dialogue entre les enseignants et les parents d’origine étrangère. Des médiateurs qui parlent notamment le chinois et le portugais ont été recrutés pour informer les parents sur la scolarité de leurs enfants. Par ailleurs, tous les enseignants reçoivent une formation pour apprendre à gérer des classes hétérogènes et se familiariser avec les principes fondamentaux de respect de la diversité et de non‑discrimination.

34.Mme MARTIN (Luxembourg) indique que la législation luxembourgeoise prévoit la possibilité pour chacun d’être assisté d’un interprète assermenté par le Ministère de la justice à tous les stades de la procédure. Jusqu’à présent, le Médiateur n’a été saisi d’aucune plainte ou réclamation concernant une quelconque discrimination de l’Administration à l’encontre d’administrés.

35.En vertu de la loi, les requérants d’asile qui ont été déboutés sont invités à quitter le pays mais peuvent aussi déposer des demandes d’autorisation de séjour pour raisons humanitaires, qui font l’objet d’un examen individuel. Concernant le droit d’asile, un projet de loi transmis récemment au Parlement permettra aux intéressés d’invoquer la Convention européenne des droits de l’homme et la Convention internationale contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Des autorisations de séjour pour raisons humanitaires ont été accordées à 13 personnes en 2000, à 353 en 2001, à 23 en 2002, à 106 en 2003, et à 219 en 2004.

36.La représentante du Luxembourg explique par ailleurs que les demandeurs d’asile sont effectivement logés dans des conditions difficiles, mais que cette situation n’est que temporaire, le centre spécial d’accueil géré par l’État et repris par la Croix‑Rouge étant en cours de reconstruction.

37.S’agissant des conditions de rétention des étrangers en situation irrégulière, le Gouvernement s’est engagé en août 2004 à construire un centre spécial de rétention, distinct du centre pénitentiaire où les étrangers en attente d’expulsion sont actuellement admis. Ce nouveau centre sera opérationnel fin 2006. Les ONG sont habilitées à rendre visite aux personnes en attente d’expulsion.

38.Un projet de loi sur le renversement de la charge de la preuve a été récemment transmis pour examen au Parlement. Les associations qui sont habilitées à ester en justice doivent être dotées de la personnalité juridique et doivent avoir pour objet la lutte contre le racisme et la discrimination raciale. Jusqu’à présent, une seule association s’est constituée partie civile. Il s’agissait, en l’espèce, d’une affaire d’incitation à la haine raciale sur l’Internet.

39.Par ailleurs, le Luxembourg a mis en place plusieurs projets visant à favoriser l’interculturalisme au sein de l’école. De nombreux outils pédagogiques ont été conçus à cette fin et des dossiers de sensibilisation au racisme et à la xénophobie sont régulièrement diffusés dans les établissements scolaires.

40.M. BERNS (Luxembourg) indique que son pays n’a pas échappé au climat international d’intolérance et aux stéréotypes contre la communauté musulmane qui ont suivi les attentats du 11 septembre 2001 aux États‑Unis. Deux faits s’étant produits au Luxembourg ont apparemment beaucoup marqué l’opinion publique et les médias internationaux. Le premier a trait à l’expulsion très controversée de personnes de confession musulmane sur lesquelles pesaient des soupçons très sérieux de collusion avec des mouvements terroristes. Le second a trait à un amalgame malheureux effectué par un journaliste entre le terrorisme et les activités du centre culturel islamique de Mamer, qui aurait ensuite été repris par plusieurs médias. En réalité, un sondage récent a montré que la majorité des Luxembourgeois n’avaient pas peur de l’islam et que les musulmans étaient bien intégrés à la société luxembourgeoise.

41.M. Berns affirme en outre que les droits de l’homme connaissent une très grande publicité dans le pays, notamment parce que la presse accorde une très grande importance à cette question. Il est vrai que pour des raisons évidentes de proximité géographique les décisions du Conseil de l’Europe sont plus souvent évoquées et discutées que celles des organes de l’ONU. Il n’en reste pas moins que les observations et commentaires des organes de l’ONU chargés de l’application des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme sont amplement discutés dans le pays. À titre d’exemple, les observations finales du Comité des droits de l’enfant concernant le deuxième rapport périodique du Luxembourg, qui ont été adoptées en janvier 2005, ont été largement reprises et publiées dans la presse nationale et ont fait l’objet d’un très long reportage diffusé à la télévision luxembourgeoise.

42.Mme SCHAAK (Luxembourg) indique que le pays a pris plusieurs mesures importantes pour sensibiliser les professionnels des médias à la culture de la tolérance et à l’entente interraciale et mettre fin aux discours racistes antisémites ou antimusulmans propagés par la presse ou l’Internet. Ainsi, la loi sur la presse de juin 2004 relative à la liberté d’expression dans les médias prévoit la création d’une commission des plaintes qui sera composée de cinq membres indépendants. Un conseil de la presse a également été créé et chargé, notamment, d’élaborer un code de déontologie de la presse qui interdira explicitement la discrimination raciale. Il sera également habilité à formuler des recommandations et à édicter des directives.

43.M. de GOUTTES (Rapporteur pour le Luxembourg) remercie vivement la délégation luxembourgeoise pour la précision et la qualité des réponses qu’elle a apportées aux membres du Comité, échange offrant un cas exemplaire de sérieux et de professionnalisme et une excellente illustration de la qualité du dialogue que le Comité recherche avec les États parties.

44.M. de Gouttes estime que de nombreux points positifs devront être relevés et figurer dans les observations finales du Comité, notamment la politique positive suivie par l’État partie pour maîtriser les mouvements migratoires, les efforts considérables déployés par le Gouvernement pour renforcer le dispositif de lutte contre le racisme et la création des instances appropriées à cette fin, la création d’un bureau des plaintes pour mettre en œuvre l’article 14, paragraphe 2, de la Convention, et, enfin, la nouvelle loi sur la presse qui prévoit l’élaboration d’un code de déontologie pour les professionnels de l’information. Le Comité devra également mentionner dans ses observations finales les mesures positives prises par l’État partie pour faciliter l’intégration des enfants dans les établissements scolaires et promouvoir l’interculturalisme.

45.Le Rapporteur estime toutefois que certaines recommandations devront porter sur l’application de différentes dispositions de la Convention. Ainsi, concernant l’article 2 de la Convention, plusieurs membres du Comité ont souhaité que le Luxembourg envisage de ratifier la Convention no 161 sur la réduction des cas d’apatridie, la Convention internationale sur la protection des travailleurs migrants et de leur famille, et la Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité.

46.S’agissant de la mise en œuvre de l’article 4, la législation luxembourgeoise semble dans l’ensemble satisfaisante, mais M. de Gouttes pense qu’elle devrait être complétée par l’interdiction ou l’incrimination des organisations incitant à la discrimination et à la haine raciales, ainsi que par l’institution d’une circonstance aggravante pour les infractions à motivation raciste.

47.Pour ce qui est de l’article 5, le Rapporteur estime que l’État partie devrait renforcer encore les droits des groupes particulièrement vulnérables, notamment les réfugiés, les requérants d’asile, les non- ressortissants, et les musulmans. Il devrait également renforcer la lutte contre la discrimination dont sont encore victimes les étrangers et les immigrés en matière de travail, d’emploi et de logement et sensibiliser davantage le secteur privé aux problèmes auxquels ces groupes sont confrontés dans le domaine du logement. Il devrait en outre faire des efforts supplémentaires pour lutter contre la traite des êtres humains, en particulier celle des femmes des pays d’Europe de l’Est, ainsi que le trafic de main‑d’œuvre et l’emploi illégal des travailleurs étrangers, et promouvoir une meilleure reconnaissance de la religion musulmane.

48.Pour ce qui est de la mise en œuvre de l’article 6 de la Convention, M. de Gouttes croit comprendre que le prochain rapport périodique du Luxembourg comprendra des données statistiques sur les plaintes, les poursuites et les jugements rendus en matière de racisme. Concernant l’article 7, il conviendra sans doute que le Comité recommande à l’État partie de renforcer le dispositif de lutte contre la diffusion de messages à caractère raciste dans les médias. De même, le Comité pourra envisager de recommander au Luxembourg de ratifier la Convention européenne sur la cybercriminalité et de lutter contre les stéréotypes xénophobes qui subsistent dans l’opinion publique, les médias et l’administration, et de porter, à cet égard, une attention particulière aux agents de l’État.

49.Le PRÉSIDENT remercie la délégation luxembourgeoise de la qualité de ses réponses et de l’exhaustivité avec laquelle elle a tenté de répondre de la façon la plus précise aux questions posées par les membres du Comité, ainsi que d’avoir bien voulu accorder une partie du temps qui lui était dû à l’intervention du Haut‑Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme.

50.M. BERNS remercie le Comité de l’esprit très constructif dans lequel s’est déroulé l’examen du rapport du Luxembourg, et tient à l’assurer que le jugement favorable qu’il perçoit auprès de ses membres n’est pas pris par sa délégation comme une récompense mais comme un encouragement à poursuivre dans la voie dans laquelle le pays lutte chaque jour.

51.Le PRÉSIDENT déclare que le Comité a ainsi achevé l’examen des dixième à treizième rapports périodiques du Luxembourg.

52. La délégation luxembourgeoise se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 12 h 20.

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