Nations Unies

CERD/C/SR.1880

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

30 juillet 2010

Français

Original: anglais

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Soixante- tr eiz ième session

Compte rendu analytique de la 1880 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 30 juillet 2008, à 15 heures

Président e: Mme Dah

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Sixième à dix-septième rapports périodiques du Togo

La séance est ouverte à 15 h 15.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Sixième à dix-septième rapports périodiques du Togo (CERD/C/TGO/17; CERD/C/TGO/Q/17 et Add.1; HRI/CORE/1/Add.38/Rev.1)

1.Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation togolaise prend place à la table du Comité.

2.M me  Aidam (Togo) remercie le Comité d’avoir accepté que son pays présente ses sixième à dix-septième rapports périodiques en un seul document (CERD/C/TGO/17) et dit que la longue crise sociale et politique qui a sévi au Togo de 1990 à 2007 explique le retard pris dans la présentation de ces rapports. Les sanctions économiques imposées par l’Union européenne au Togo en 1993, du fait de l’engagement insuffisant de ce dernier en faveur de la démocratie, n’ont fait qu’ajouter aux difficultés rencontrées par le pays.

3.Le 14 avril 2004, le Togo a souscrit des engagements visant à promouvoir les conditions de la démocratie et l’État de droit, à favoriser un meilleur respect des droits de l’homme et à normaliser ses relations avec l’Union européenne. Le dialogue national engagé par le Gouvernement dans le cadre de la mise en œuvre de ces engagements a abouti à la signature, le 20 août 2006, d’un accord de politique globale dont l’application a permis la tenue d’élections législatives le 14 octobre 2007. En 2006, la création d’un Bureau national du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) au Togo a contribué à l’amélioration de la situation en matière de droits de l’homme et au succès du scrutin de 2007. Les efforts déployés conjointement par le Gouvernement et le Bureau du HCDH ont créé les conditions d’une véritable réconciliation nationale.

4.Le Togo s’emploie à donner suite à ses engagements au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, avec l’aide du HCDH. Le présent rapport a été établi par une commission interministérielle. La situation dans le pays au cours de la période examinée, le manque de ressources, l’absence d’expérience dans l’élaboration de rapports et le manque de données récentes ont été parmi les difficultés rencontrées dans l’élaboration du présent rapport.

5.Appelant l’attention sur l’information contenue dans les réponses écrites (CERD/C/TGO/Q/17/Add.1), Mme Aidam dit que l’incorporation dans le Code pénal d’une définition de la discrimination raciale conforme à l’article premier de la Convention suit son cours. Une fois modifié, le Code pénal prévoira notamment de nouvelles peines, applicables en cas d’actes discriminatoires. Vu qu’aucune poursuite n’avait été engagée sur le fondement de l’article 59 de ce Code, ses nouvelles dispositions feront l’objet d’une campagne de sensibilisation, de sorte que les particuliers soient conscients de la possibilité qui leur est offerte de faire valoir leurs droits devant les tribunaux.

6.Les dispositions discriminatoires du Code de la nationalité et du Code des personnes et de la famille ne seront plus appliquées; les femmes pourront transmettre la nationalité à leurs enfants et hériteront dans les mêmes conditions que les hommes. En vertu des modifications qu’il est prévu d’apporter, tout nouvel acte de discrimination dans ces domaines sera passible de sanctions pénales.

7.Les dispositions des instruments internationaux ratifiés par le Togo priment toujours sur celles de droit interne. Les dispositions qui reconnaissent simplement des droits aux citoyens sont directement applicables et immédiatement invocables devant les tribunaux; quant aux dispositions qui incriminent certains actes, elles nécessitent une révision du droit interne visant à définir les sanctions pénales appropriées.

8.Compte tenu des actes discriminatoires récemment commis au Togo, des consultations sont actuellement menées sur la création d’une commission Vérité, justice et réconciliation. Le Bureau du Haut-Commissariat pour la réconciliation et le renforcement de l’unité nationale, créé en vertu du décret no 2008-032/PR du 11 mars 2008, appliquera des mesures de lutte contre la discrimination raciale.

9.La loi no 2005‑004 du 9 février 2005, portant modification de la loi no 96‑12 du 11 décembre 1996 sur la composition, l’organisation et le fonctionnement de la Commission nationale des droits de l’homme, a été adoptée et promulguée. Cette loi garantit l’indépendance de la Commission et donne ainsi suite à l’un des 22 engagements souscrits par le Gouvernement togolais dans le cadre de son accord avec l’Union européenne. En 2008, le Comité international de coordination des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l’homme a accordé le statut d’accréditation «A» à la Commission nationale togolaise des droits de l’homme. En août 2001, celle-ci a organisé un atelier sur l’élimination de la discrimination dans le cadre du suivi de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée. Il est à noter qu’il existe au sein de la Commission une sous-commission de la lutte contre la discrimination raciale, ethnique et religieuse, et contre les pratiques culturelles dommageables.

10.Avec l’aide du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Gouvernement a entrepris une étude sur les tensions ethniques, dont les conclusions seront utilisées dans le cadre des travaux visant à établir une commission Vérité, justice et réconciliation. S’appuyant sur une enquête relative à la représentation ethnique au sein de l’administration, le Gouvernement a pu proposer des mesures concernant la traite des enfants et le faible niveau d’instruction des filles dans certaines régions. Ces mesures ont notamment consisté à réduire les frais de scolarité pour les filles et à créer des centres de santé. Une loi de lutte contre la traite et un Code de l’enfance ont en outre été adoptés.

11.Des politiques de discrimination positive sont appliquées pour remédier aux inégalités dans la représentation des groupes ethniques au sein de la fonction publique et de l’armée. Des concours de recrutement militaire ont ainsi été organisés dans les régions, la priorité étant accordée aux candidats locaux, de façon à constituer une armée véritablement républicaine et apolitique. La formation sur les droits de l’homme et des séminaires sur le droit international humanitaire ont fait évoluer les attitudes et comportements. Les médias ont participé aux efforts de sensibilisation, au moyen de la diffusion de programmes destinés à promouvoir la tolérance interethnique.

12.Les organisations non gouvernementales (ONG) n’ont pas participé à l’élaboration du rapport mais des mesures ont été prises pour qu’elles puissent apporter leur contribution à l’avenir. Avec l’aide des partenaires du développement du Togo − en particulier la France, l’Union européenne et le PNUD − un programme de mesures destinées à renforcer le système judiciaire, par le biais notamment de la modernisation de la législation, a été mis sur pied. Le Gouvernement prend également des mesures visant à améliorer la formation et les ressources humaines dans le domaine juridique, par la création de bibliothèques, l’organisation d’un concours de recrutement annuel de futurs magistrats, et en faisant notamment en sorte que les professionnels du droit aient des perspectives de carrière.

13.Le Gouvernement envisage de faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention.

14.Les difficultés rencontrées par le pays ont entravé les efforts de sensibilisation aux droits de l’homme dans les écoles. Une documentation relative à l’enseignement des droits de l’homme a été conçue et adoptée par le Gouvernement. Un code électoral est actuellement diffusé afin d’assurer des élections libres, démocratiques et transparentes.

15.La mise en œuvre des engagements souscrits le 20 août 2006, notamment l’institution d’un code de déontologie pour des médias et l’interdiction de toute forme de discrimination, a favorisé le déroulement pacifique d’élections démocratiques et transparentes en 2007.

16.Pour continuer de promouvoir une représentation égale des femmes et des hommes dans le processus électoral et dans la vie publique nationale, un quota de femmes candidates a été imposé.

17.Un atelier sur les techniques d’élaboration de rapports aux organes conventionnels a été organisé en 2008 à l’intention des membres de la Commission interministérielle. Il a permis aux participants de mieux comprendre le contenu des traités, leurs rôles et responsabilités dans l’élaboration des rapports périodiques, l’importance de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et la nécessité de tenir compte de celle-ci dans l’élaboration de la législation nationale.

18.D’importants progrès ont été accomplis depuis la soumission du présent rapport, mais il reste encore beaucoup à faire pour atteindre l’objectif que le Togo s’est fixé, à savoir devenir un État modèle. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement ne reviendra pas sur sa volonté d’appliquer les instruments relatifs aux droits de l’homme. Mme Aidam exhorte tous les partenaires du développement à aider le Togo à progresser sur la voie de la réalisation des droits de l’homme de ses citoyens.

19.M. Kounte (Togo) rappelle que l’interdiction de la discrimination raciale est un principe consacré par les instruments juridiques internationaux auxquels le Togo est partie, de même que par son droit interne, notamment la Constitution. Au Togo, la discrimination raciale n’est pas fondée sur la couleur de la peau; elle prend la forme du tribalisme et du régionalisme. La Commission nationale des droits de l’homme, qu’il préside, s’efforce d’éliminer le problème au moyen de campagnes de sensibilisation. La plus récente a permis de faire des progrès satisfaisants en direction d’élections qui ne soient pas marquées par le tribalisme. L’armée est maintenant ouverte aux femmes comme aux hommes et elle compte désormais dans ses rangs des représentants de tous les groupes ethniques et de toutes les régions. La non-discrimination est la base de la cohésion sociale et de l’unité nationale. Il y a lieu de se féliciter de l’institution de politiques de discrimination positives mais l’appartenance ethnique d’un candidat ne doit jamais l’emporter sur son mérite. La situation difficile des personnes handicapées au Togo appelle une attention spéciale. M. Kounte demande à la communauté internationale de continuer à aider son pays, notamment en ce qui concerne le processus de réconciliation nationale.

20.M. de Gouttes (Rapporteur pour le Togo) note que le Togo a traversé une crise profonde mais que la présence d’une délégation importante et de haut niveau témoigne, semble-t-il, de sa volonté de reprendre effectivement le dialogue avec le Comité. Il se félicite de la tenue au Togo, en décembre 2007, d’un séminaire régional d’experts sur la mise en œuvre du plan d’action et de la Déclaration de Durban et sur le chemin à parcourir jusqu’à la Conférence d’examen de Durban de 2009.

21.Pour analyser la situation au Togo, M. de Gouttes s’est non seulement appuyé sur  le  rapport soumis par l’État partie (CERD/C/TGO/17) et sur ses réponses écrites (CERD/C/TGO/Q/17/Add.1), mais également sur les observations finales d’autres organes conventionnels auxquels le Togo a présenté des rapports au cours de la période considérée, ainsi que sur des études d’ONG. Le rapport examiné traite de manière approfondie l’évolution de la situation politique et institutionnelle dans le pays jusqu’en 1999, mais ne dit rien de celle-ci au cours de la période ultérieure couverte par le rapport. Le document de base (HRI/CORE/1/Add.38/Rev.1) donne certaines des informations nécessaires sur la composition démographique et ethnique du pays, dont la population est estimée à 6 millions d’habitants environ.

22.M. de Gouttes accueille avec satisfaction la signature, le 20 août 2006, de l’accord politique global et les élections qui se sont déroulées avec succès le 14 octobre 2007. Un nouvel engagement des partenaires internationaux dépendra désormais de la capacité du pays d’entreprendre toutes les réformes nécessaires.

23.Selon le rapport, la situation économique togolaise s’est détériorée à la suite de la suspension de l’aide extérieure en 1993 et de la dévaluation du franc CFA en 1994. La dette extérieure pèse lourdement sur le Togo et a nécessité l’intervention de la Banque mondiale.

24.Le rapport reconnaît avec franchise la gravité de l’intolérance ethnique qui a prévalu dans le pays pendant la période de transition vers la démocratie au début des années 90, évoquant les «tueries, chasses à l’homme et déplacements de population» qui ont eu lieu à ce moment-là. C’est aussi avec franchise que le rapport reconnaît la persistance d’une criminalité violente (par. 202 à 208), malgré les nombreuses mesures prises pour venir à bout de ce problème. M. de Gouttes voudrait savoir pourquoi aucune poursuite pénale n’a été engagée contre les dirigeants politiques qui ont incité à la haine raciale dans le passé.

25.Rappelant qu’en juillet 2006, le Comité contre la torture a souligné les déficiences du système pénal, il se dit préoccupé par l’absence de ressources et de formation qui empêchelesjuges d’exercer leurs fonctions comme il se doit et de préparer convenablement la réinsertion sociale des prisonniers remis en liberté. M. de Gouttes est également préoccupé par le manque de participation effective des citoyens à la gestion des affaires publiques et par la sous-représentation des femmes et de certains groupes ethniques au Gouvernement, à l’Assemblée nationale et dans les institutions publiques.

26.Enmai2001,leComitédesdroitséconomiques, sociauxetculturelsanotél’existence d’unphénomènedediscriminationsociale fondée sur l’appartenance ethnique, en particulier entre les peuples du sud et du nord du Togo; discrimination susceptible d’engendrer des violences interethniques. M. de Gouttes partage les préoccupations également exprimées par le Comité des droits de l’homme et par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Le rapport prend acte en outre de problèmes avec la presse et de la prévalence des maladies infectieuses, exacerbées par l’absence d’accès à l’eau potable et le manque de personnels de santé.

27.Des statistiques donnant une image plus précise de la démographie et de la composition ethnique du pays sont nécessaires. M. de Gouttes se demande si la législation togolaise contient une définition de la discrimination raciale pleinement compatible avec l’article premier de la Convention, si celle-ci compte parmi les textes immédiatement applicablesetsitoutessesdispositions, ouquelques-unesseulement,peuventêtredirectement invoquées devant les cours et tribunaux nationaux. Le Togo a-t-il déjà eu l’occasion d’appliquer les règles contenues dans l’article 7 de sa Constitution, interdisant à tous les candidats de s’identifier à un groupe ethnique ou à une religion?

28.M. de Gouttes voudrait des informations complémentaires sur les activités du bureau du Haut-Commissariat des droits de l’homme à la réconciliation et au renforcement de l’unité nationale et sur les mesures envisagées pour apaiser les tensions ethniques, lutter contre l’impunité et intégrer la lutte contre la discrimination raciale dans les programmes adoptés par le Gouvernement. L’État partie doit être félicité pour avoir obtenu une accréditationdestatut«A»duComitéinternationaldecoordinationdesinstitutionsnationales de promotion et de protection des droits de l’homme.

29.Il semble y avoir une contradiction entre le fait de dire que «le phénomène de la discrimination raciale est très peu connu au Togo» (par. 176 du rapport) et celui de reconnaître franchement, ailleurs dans le rapport, l’existence de tensions ethniques. M. de Gouttes voudrait savoir ce que la Commission nationale des droits de l’homme a accompli, quellessontlesfonctionsetlacompositiondelaCommissionVérité, justiceetréconciliation et quand celle-ci commencera ses travaux. Il note avec satisfaction les mesures prises pour assurer une meilleure représentation des différents groupes ethniques dans la fonction publique et dans l’armée.

30.Il semble que l’article 4 n’ait pas été pleinement pris en compte, en ce qui concerne notamment l’interdiction du financement des activités et de la propagande racistes qu’il énonce. M. de Gouttes voudrait des précisions sur le calendrier de l’adoption des réformes du Code pénal qui aboutiront à la formulation d’une définition de la discrimination raciale.

31.Il demande des informations à jour sur les plaintes déposées depuis la présentation du rapport. Des poursuites concernant la publication «d’articles tendancieux incitant à la haine ethnique et au tribalisme» (par. 176 du rapport) ont-elles été engagées contre leurs auteurs? Quel rôle jouent les médias audiovisuels dans l’incitation aux tensions ethniques ou la lutte contre celles-ci?

32.Les nombreuses informations relatives à l’application de l’article 5 sont essentiellement générales. M. de Gouttes voudrait savoir si le Gouvernement prévoit d’abroger toutes les dispositions discriminatoires contenues dans le Code de la nationalité afin de le rendre pleinement compatible avec la Convention et ce qu’il prévoit de faire pour garantir une représentation équitable dans les organismes publics.

33.Les renseignements communiqués par l’État partie au sujet des poursuites engagées à propos de la traite des enfants sont utiles mais des précisions devraient être apportées sur le cas des enfants contraints de travailler en tant que travailleurs domestiques, sur les sanctions pénales imposées et sur les mesures de protection et de réparation prises à l’intention des victimes. Des renseignements supplémentaires sont également nécessaires sur les Peulhs, un peuple nomade − ainsi qu’indiqué dans les réponses écrites, et sur la notion de terre entendue comme «propriété collective des indigènes» (par. 286 du rapport). Quant aux mesures prises pour moderniser le système de justice avec l’aide du PNUD, il faudrait les expliquer davantage.

34.Vu qu’aucune plainte n’a encore été enregistrée par les tribunaux ou par des entités non judiciaires (par. 351 du rapport), M. de Gouttes voudrait savoir quelles mesures ont été prises par le Gouvernement pour que les victimes aient connaissance des voies de recours dont elles disposent. Le Togo envisage-t-il de faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention dans un futur proche? Des informations plus précises seraient les bienvenues sur le programme national de sensibilisation sur les droits de l’homme adopté en 2007, y compris sur les mesures visant à inscrire les droits de l’homme dans les programmes scolaires et les programmes diffusés par les médias dans le but de promouvoir la tolérance. Enfin M. de Gouttes voudrait savoir pourquoi les ONG n’ont pas été invitées à participer à l’élaboration du rapport.

35.M. Thornberry dit que le rapport dresse un tableau dramatique des conflits ethniques et que l’État partie doit être salué pour sa franchise. Pour s’attaquer au problème, le Togo met l’accent sur l’unité nationale, la réconciliation, le pardon et l’éducation. Or les explosions de violence ethnique ne se produisent pas sans raison; les idées des politiciens et des médias qui ont contribué à attiser la haine ethnique n’auraient pas trouvé de résonnance en l’absence de tensions préexistantes. Dans ce contexte, M. Thornberry voudrait savoir si la délégation estime que la domination de certains groupes ethniques a eu une influence sur les tensions ethniques et si l’application de la loi de 1998 sur la décentralisation (par. 175 du rapport) a apaisé ou exacerbé ces tensions. Il invite également la délégation à présenter des considérations générales sur la relation entre l’unité nationale et la décentralisation au Togo: réaliser l’unité nationale en exploitant la richesse culturelle d’une population composite est une chose, empêcher des manifestations culturelles locales en est une autre.

36.M. Thornberry ne partage pas l’idée «d’un monde où s’effacent les frontières, les différencesraciales,ethniquesetlinguistiques», énoncéeauparagraphe 357. Cesdifférences sont une caractéristique fondamentale de l’humanité; l’importance de la diversité culturelle a été reconnue par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture(UNESCO)etpard’autresorganes. Lefaitdecondamnerladiscriminationn’empêche pas de valoriser ces différences.

37.M. Amir dit que les conflits ethniques sont un thème récurrent dans les rapports soumis au Comité par les États parties africains, et qu’ils entravent malheureusement le développement et la croissance. Les gouvernements doivent mobiliser la volonté politique nécessaire pour mettre fin aux tensions ethniques et construire l’unité nationale; l’avenir de l’Afrique en dépend. Le contraste est saisissant entre ce qu’ont fait les pays européens, qui ont réussi à surmonter leurs différences après la Seconde guerre mondiale, et ce que l’Afrique n’a pas su faire, à savoir mettre de côté ses différences ethniques. L’Afrique doit parvenir à un règlement pacifique des conflits fondé sur l’idée de l’appartenance des pays à un seul et même continent. En s’attachant à promouvoir la démocratie et la liberté d’expression, l’Afrique se donnera les moyens de développer sa capacité de modernisation, et donc sa capacité de surmonter les tensions ethniques qui entravent son développement de manière significative.

38.M. Lindgren Alves dit que l’affirmation, au paragraphe 148 du rapport, selon laquelle la discrimination raciale est née avec la décolonisation de l’Afrique, le laisse perplexe: la discrimination raciale existe depuis longtemps. Il convient avec M. Amir que l’unité nationale est toujours un sujet de préoccupation lorsque le Comité examine les rapports présentés par des États parties africains. Sans sous-estimer l’importance de la célébration des différences culturelles, il reste convaincu que des pays qui ont connu des événements aussi tragiques que le Togo doivent faire tout leur possible pour favoriser l’unité. Le rapport présenté est détaillé, mais la plupart des informations qu’il contient sont d’ordre historique; M. Lindgren Alves apprécierait un aperçu plus actualisé de la situation dans le pays.

39.M. Diaconu estimeencourageantqueleTogoaitunministredes droits de l’homme et encore plus qu’il soit une femme. Le Gouvernement semble conscient des problèmes de recrutement dans la fonction publique et a un programme visant à remédier aux inégalités dans ce domaine. Il indique cependant aussi qu’aucune mesure spéciale n’est appliquée pour protéger des groupes de personnes, races ou ethnies donnés (par. 150 du rapport). Le programme mentionné ci-dessus prévoit sans doute de telles mesures spéciales; dans la négative, il devrait en prévoir.

40.Les définitions de la discrimination raciale énoncées dans la Constitution et dans le Codepénalnerépondentquepartiellementauxexigencesdel’article4, encesensnotamment que les dispositions évoquées aux paragraphes 168 et 169 du rapport ne rendent pas la discrimination illégale. M. Diaconu demande des informations complémentaires sur le statut des peuples autochtones au Togo et sur les langues d’enseignement utilisées dans le systèmescolaire. L’éliminationdeladiscriminationracialeestunobjectifidéalextrêmement difficile à atteindre. Par conséquent, le Comité n’est jamais enclin à accepter l’affirmation selon laquelle la discrimination raciale n’existe pas dans un pays donné.

41.M. Peter demandepourquoilesdonnéesdémographiquescontenuesdanslesréponses écrites datent de 1981 alors qu’on trouve des chiffres plus récents dans d’autres documents. Il estime lui aussi que la délégation devrait apporter des précisions sur l’idée, énoncée dans leparagraphe148, que«ladiscriminationracialeestnéeavecladécolonisationdel’Afrique». Il demande des précisions sur toute restriction concernant la durée pendant laquelle un présidentpeutexercersesfonctions. Toutensefélicitantdesmesuresd’incitationfinancière prises pour favoriser la fréquentation scolaire, M. Peter aimerait savoir ce qui est fait pour surmonterlesobstaclesculturelsàl’éducationdesfilles.Assouplirlesconditionsd’inscription des filles serait peut-être un moyen de promouvoir l’accès de celles-ci à l’université, et de remédier ainsi à une inégalité historique.

42.Le Togo considère-t-il toujours que la peine de mort est appropriée? M. Peter s’étonne de ce qu’une fillette étrangère âgée de moins de 18 ans puisse épouser un Togolais et acquérir la nationalité togolaise sans le consentement de ses parents (par. 249 du rapport). Un étranger qui épouse une fillette togolaise de moins de 18 ans (par. 250) peut-il acquérir la nationalité de cette manière? Il est surprenant qu’un mineur puisse être considéré comme étant à même de consentir au mariage (par. 252), en particulier si l’on tient compte du fait que le Togo a ratifié la Charte africaine sur les droits et le bien-être de l’enfant, selon laquelle toute personne âgée de moins de 18 ans est un mineur.

43.M. Peter demande des précisions sur la position du Gouvernement quant aux règles coutumières en matière de succession (par. 256) et sur les mesures prises par celui-ci pour remédier à la grave discrimination dont sont victimes les filles en la matière. Une telle discriminationest-elleinterditeparlaConstitution? Dansl’affirmative, est-celaConstitution ou les règles coutumières qui prévalent?

44.Le Président invite la délégation à préparer ses réponses, que le Comité examinera à la prochaine séance.

La séance est levée à 17 h 30.