NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.187922 septembre 2008

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante-treizième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1879e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 30 juillet 2008, à 10 heures

Présidente: Mme DAH

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) ( suite )

HUITIÈME À DOUZIÈME RAPPORTS PÉRIODIQUES DE LA NAMIBIE ( suite )

La séance est ouverte à 10 h 0 5.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Huitième à douzième rapports périodiques de la Namibie (CERD/C/NAM/12; liste des points à traiter, document sans cote distribué en séance, en anglais seulement)

1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation namibienne reprend place à la table du Comité.

2.M. NAMISEB (Namibie) affirme, en ce qui concerne la question relative à la structure démographique de son pays, que la délégation namibienne enverra ultérieurement au Comité une réponse écrite à ce sujet.

3.S’agissant de l’affiliation à des partis politiques, M. Namiseb indique que la liberté d’association est garantie par la Constitution namibienne. Chacun est donc autorisé à adhérer au parti politique de son choix.

4.Pour ce qui concerne la déclaration autorisant la mise en place de la procédure de communications individuelles, M. Namiseb indique qu’un processus de consultation est en cours et que le Gouvernement namibien prévoit d’organiser des consultations entre les institutions nationales. Une étude a été faite à ce sujet et examinée au niveau politique le plus élevé. La Namibie fournira des informations plus détaillées sur ce point dans son prochain rapport.

5.M. Namiseb confirme que la Namibie n’a pas encore ratifié la Convention internationale sur les travailleurs migrants et les membres de leur famille et ajoute que la délégation fournira ultérieurement des informations plus détaillées sur ce point par écrit. En ce qui concerne la formation et l’information relatives à la Convention, il dit que la Namibie a mis en place des programmes de formation et d’information sur les droits de l’homme destinés aux juges et aux magistrats. Les magistrats chargés de recevoir les plaintes ayant trait à la discrimination raciale suivent déjà une formation dans ce domaine. Le Gouvernement prévoit de renforcer cette formation et souhaite coopérer avec les éventuels programmes mis en place dans ce domaine par le Comité ou d’autres organismes du système des Nations Unies.

6.En ce qui concerne le processus de lutte contre la discrimination envers les Noirs et les Métis, la délégation namibienne rappelle qu’en raison de l’histoire récente de la Namibie, ce processus est encore en cours. Ces groupes de la population ont besoin de bénéficier de progrès économiques, et des mesures ont été prises dans ce sens, mais il s’agit d’un processus plus lent que pour les droits politiques.

7.À propos de la nécessité de rompre le cycle de la pauvreté des communautés sans, la délégation prend note de l’inquiétude exprimée sur ce point par le Comité et déclare qu’il conviendrait de procéder à une évaluation des résultats des mesures qui ont été prises afin de disposer de données et de statistiques précises qui permettront d’adapter les stratégies dans ce domaine.

8.Pour ce qui concerne le revenu minimum des travailleurs agricoles, le droit du travail prévoit un salaire minimum pour ces travailleurs. La loi sur le travail adoptée en 2007 devrait entrer en vigueur vers le milieu du mois d’août 2008.

9.Au sujet des mariages traditionnels ou coutumiers, M. Namiseb déclare que la Constitution namibienne reconnaît le droit coutumier de manière générale à condition que ce droit ne soit pas contraire à l’esprit et à la lettre de la Constitution. Le droit coutumier s’applique donc au mariage lorsque ses dispositions ne vont pas à l’encontre de celles de la Constitution.

10.M. Namiseb précise que les chefs traditionnels sont reconnus par la législation namibienne. Leur statut est réglementé et doit être respecté. Le Gouvernement ne prend pas de décisions arbitraires à leur égard.

11.M. Namiseb note que le rapporteur a signalé qu’une quinzaine de personnes ont récemment été arrêtées et torturées en Namibie. Il affirme que le Gouvernement n’a pas eu connaissance de ces arrestations et cas de torture, mais qu’il s’agit d’un fait grave et préoccupant. Ces renseignements seront vérifiés et un complément d’information sera donné par écrit au Comité dans les meilleurs délais.

12.En ce qui concerne les réfugiés et les demandeurs d’asile, M. Namiseb précise que tous les réfugiés sont placés dans des camps spéciaux mais qu’ils sont autorisés à trouver du travail et, le cas échéant, ne sont pas tenus de rester dans l’enceinte des camps. Il en va de même pour les personnes qui poursuivent des études en dehors des camps.

13.M. Namiseb dit que le statut des médecins cubains installés en Namibie est régi par un accord bilatéral conclu entre la Namibie et Cuba. Ils se rendent en Namibie à la demande et sous la protection de leur gouvernement.

14.À propos de la politique de réconciliation en Namibie évoquée par M. Lahiri, M. Namiseb indique que ce processus se poursuit. Un programme est notamment consacré au renforcement des moyens d’action des Noirs dans le domaine économique et social. Bien qu’une évaluation ait montré que les progrès sont lents dans ce domaine, le Gouvernement namibien espère que ce programme permettra d’accélérer le processus d’intégration économique des catégories défavorisées de la population.

15.En ce qui concerne la question posée par M. Prosper au sujet de la discrimination, le délégué explique que le Gouvernement namibien reconnaît qu’en raison de l’histoire récente de la Namibie, la discrimination ne peut pas disparaître du jour au lendemain car elle était auparavant institutionnalisée et légale dans le pays. Cette idéologie s’est gravée dans les esprits et il n’est pas facile de l’effacer rapidement. Mais le Gouvernement est déterminé à mener une politique de réconciliation nationale et à prendre d’autres mesures pour assurer le développement économique de toutes les catégories de la population.

16.S’agissant de la question posée par M. Thornberry sur les méthodes de collecte des données ayant servi au recensement, M. Namiseb dit que les autorités namibiennes enverront une réponse écrite détaillée à ce sujet. Il ajoute qu’il n’est pas facile de poser des questions relatives à l’appartenance ethnique, réalité que les personnes interrogées préfèrent ne pas évoquer.

17.En ce qui concerne les affaires traitées par le médiateur, M. Namiseb précise que ce dernier ne s’occupe que des seules affaires mentionnées dans le rapport.

18.Au sujet de la question posée par M. Peter, M. Namiseb confirme que la Namibie n’a pas adhéré à la Convention de l’OUA. Les autorités namibiennes fourniront ultérieurement des informations par écrit à ce sujet. Cela étant, il indique que la différence entre la Convention de l’OUA et les instruments de l’ONU porte principalement sur la définition du terme «réfugié» et sur les mécanismes d’exécution des dispositions. Le champ d’application des instruments mis en place par le système des Nations Unies dans ce domaine est plus étendu et recouvre donc les objectifs fixés par la Convention de l’OUA.

19.En matière d’acquisition de la nationalité par le mariage, il n’y a pas de discrimination fondée sur le sexe. Cette possibilité est donc offerte aussi bien à l’étranger épousant une Namibienne qu’à l’étrangère épousant un Namibien. Toutefois, le mariage étant une institution protégée, on s’efforce d’éviter les mariages blancs ou d’autres infractions aux dispositions relatives au mariage.

20.M. ILUKENA (Namibie) déclare, en ce qui concerne le financement de l’enseignement destiné aux groupes marginalisés ou à la population san, que ce financement est assuré en Namibie au niveau régional. Chacune des 13 régions du pays est chargée d’assurer le financement de son système d’enseignement. Dans les régions, les minorités ou les groupes marginaliséssont particulièrement ciblés par les financements et bénéficient d’un quota spécial visant à leur permettre d’accéder à l’éducation. Les paragraphes 73 et 74 du rapport de la Namibie précisent que des mesures ont été prises pour offrir des solutions de remplacement aux élèves issus de communautés marginalisées. On a parfois assoupli les exigences relatives à l’inscription dans les écoles afin de permettre aux groupes marginalisés de se scolariser. Au niveau universitaire, on a mis en place un système d’entrée sur concours ainsi que des programmes de préparation à l’entrée à l’université, car les personnes issues des groupes marginalisés sont rarement en mesure d’entrer à l’université dans des conditions d’égalité.

21.En ce qui concerne la question posée par M. Peter au sujet de la déségrégation de l’éducation et les résultats obtenus dans ce domaine, M. Ilukena indique que les enfants ayant débuté leur scolarité depuis la proclamation de l’indépendance de la Namibie achèveront leurs études secondaires dans l’année en cours. Il faut en effet avoir 18 ans pour accéder à l’enseignement supérieur. Le Gouvernement a effectivement voulu assurer la déségrégation de l’éducation et ouvrir à tous les portes des établissements d’enseignement qui étaient auparavant essentiellement réservés aux Blancs. Il a également veillé à ce que les établissements d’enseignement soient en nombre suffisant et disposent de tous les équipements nécessaires. Grâce à ces mesures, le nombre d’étudiants admis dans les établissements d’enseignement supérieur a augmenté très sensiblement depuis l’indépendance. Par ailleurs, quelque 5 000 étudiants suivent actuellement des études à l’étranger dans divers domaines. La déségrégation commence donc à porter ses fruits grâce aux efforts faits dans l’intérêt de la majorité.

22.Mme SHIVUTE (Namibie) affirme que la Constitution namibienne n’autorise pas la revendication de terres ancestrales car la quasi-totalité des Namibiens ont perdu leurs terres d’une façon ou d’une autre. Cette décision a été prise lors d’une Conférence consacrée à la question des terres qui s’est tenue en 1991.

23.La délégation namibienne reconnaît que le processus de redistribution des terres est lent, un nombre très limité de personnes s’étant déjà vu allouer des terres. Diverses méthodes ont été appliquées, notamment l’expropriation accompagnée d’une indemnisation, comme le prévoit la Constitution, mais cela a donné lieu à des actions en justice engagées par les personnes expropriées. Afin d’envisager d’autres approches, on a notamment effectué un audit des mesures prises et des résultats obtenus entre 2003 et 2005 sur la base duquel des recommandations ont été adoptées par le Gouvernement en 2005 et traduites dans un programme d’action. Le Gouvernement doit trouver un juste équilibre entre la nécessité de redistribuer les terres et les exigences du système démocratique, qui permet aux propriétaires de poursuivre l’État en justice lorsque leurs droits ne sont pas respectés. C’est la plus grande difficulté à laquelle il soit confronté dans ce domaine.

24.Mme Shivute indique que l’article 16 de la Constitution autorise les expropriations à condition qu’elles donnent lieu à une indemnisation. Concrètement, lorsque des travaux publics ayant été engagés sur des terres appartenant à l’État (par exemple pour l’élargissement du réseau de chemin de fer), et lorsque certaines communautés en ont pâti, une indemnisation leur a été versée sur la base des prix du marché.

25.En ce qui concerne la question relative au rôle joué par les ONG dans les questions liées à la promotion du tourisme, il est exact que des ONG sont intervenues dans certains cas ayant trait à l’accès aux terres, à l’exploitation des terres ou aux droits des personnes habitant dans des régions très touristiques et ayant des activités agricoles ou de chasse et de pêche traditionnelles. Des études faites pour le Gouvernement ont notamment montré qu’il n’existe pas de dispositions juridiques interdisant la coexistence des réserves naturelles et des activités agricoles. Le Gouvernement n’impose pas un point de vue en la matière mais engage les communautés au dialogue. À titre d’exemple, un projet de développement de petites exploitations agricoles a récemment été retardé parce que les communautés locales s’y étaient opposées.

26.Mme Shivute convient que des changements radicaux devront sans doute être apportés au système d’acquisition des terres dit «d’achat-vente par consentement» et précise que cette question fait l’objet d’un débat au niveau national. Elle ajoute qu’aucun peuple, pas même le peuple san, n’a été dépossédé de ses terres. Il est vrai que sous le régime de l’apartheid, celui-ci a dû quitter son territoire, sur lequel s’étend actuellement le parc national d’Etosha. Le Gouvernement cherche donc à allouer aux Sans des terres arables à titre de compensation. Tirant des enseignements du passé, il a veillé à ce que les droits des Sans soient préservés lors de la création de nouveaux parcs nationaux, et à ce que les membres de cette communauté puissent vivre à proximité.

27.Dans le cadre du processus de redistribution des terres, le Gouvernement namibien a créé 13 régions administratives, chacune dotée d’un comité régional de réinstallation que peuvent saisir les personnes souhaitant se voir attribuer des terres. Les comités régionaux sont composés d’un représentant de l’administration régionale, des autochtones, des jeunes, des femmes et des handicapés, entre autres. Ils ont pour mandat d’identifier les personnes réunissant le plus grand nombre de critères pour bénéficier du programme de réinstallation ou d’attribution des terres.

28.La réforme agraire comporte plusieurs volets, dont l’acquisition par l’État de terres situées dans une région propice à l’agriculture commerciale, où se trouvent quelque 1 200 exploitations agricoles détenues par 4 000 familles, blanches pour la plupart. Le Gouvernement s’est donc fixé comme objectif de veiller à ce que les ressources naturelles soient redistribuées et à ce que tous les Namibiens puissent subvenir à leurs besoins et vendre leur production et éventuellement créer des activités génératrices de revenu, participant ainsi à l’accroissement du PIB.

29.Le programme de réinstallation et le programme de redistribution des terres visent trois groupes en particulier: premièrement, les personnes qui n’ont pas de terres, de revenu ou de bétail; deuxièmement, celles qui n’ont ni terres ni revenu mais possèdent quelques têtes de bétail; troisièmement, celles qui ont un revenu et sont propriétaires de bétail mais ne possèdent pas de terres pour s’établir ni faire paître leurs animaux. Les membres de la communauté san, les anciens soldats, les rapatriés, les personnes déplacées, les handicapés et les personnes issues des zones communautaires surpeuplées font partie des groupes cibles prioritaires.

30.Un autre volet de la réforme agraire consiste à définir les régimes fonciers et à assurer un logement sûr aux personnes originaires des zones communautaires. Après l’indépendance, le Ministère des affaires foncières et de la réinstallation a été créé pour administrer les terres considérées comme une ressource nationale stratégique, accélérer le processus de réforme agraire et de réinstallation, gommer les vastes disparités en matière de distribution des terres et favoriser l’intégration des Namibiens les plus défavorisés. Aussi une équipe technique a‑t‑elle été constituée pour réviser le cadre juridique et politique dans lequel s’inscrivent ces divers plans et programmes et évaluer la viabilité de cette réforme des points de vue économique, financier et écologique.

31.Compte tenu de l’ampleur de la tâche, le Gouvernement a élaboré un plan stratégique et s’est fixé comme objectif pour 2030 («Vision 2030») de faire de la Namibie une nation prospère et industrialisée, pacifique et stable.

32.En 2003, le Gouvernement namibien n’avait acquis que 204 exploitations commerciales, s’étendant sur 133 hectares au lieu des 5 millions d’hectares prévus dans le programme de redistribution des terres. En outre, il a estimé que les communautés concernées n’avaient pas été suffisamment consultées et a donc jugé nécessaire que d’autres acteurs s’associent au processus de réforme agraire. En effet, le Ministère des affaires foncières et de la réinstallation est certes responsable de la répartition des terres, mais leur mise en valeur et la production agricole ne relèvent pas de son mandat.

34.M. KAMATUKA (Namibie) insiste sur le fait que le Gouvernement namibien est parfaitement conscient et n’a aucune intention de nier que les Sans vivent dans l’extrême pauvreté. Les membres de cette communauté comptent effectivement parmi les personnes les plus défavorisées du pays en ce qu’ils n’ont pas accès à l’éducation et ne possèdent pas de documents d’identité. Pour remédier à ces injustices et pallier le problème de l’inscription à l’état civil, des équipes itinérantes sillonnent le pays pour recenser les Sans, qui connaissent rarement leur âge. Ces équipes doivent parfois faire appel à des médecins ou à des spécialistes pour déterminer l’âge des personnes concernées, certaines d’entre elles ne pouvant percevoir de pension de retraite car elles ne sont pas en mesure de prouver leur âge.

35.Il est également vrai que les Sans ne sont pas représentés sur le plan politique ni au sein des instances gouvernementales. Des programmes sont donc mis en œuvre pour inciter les partis politiques à faire figurer sur leurs listes électorales, en position d’être élus, des représentants de cette communauté, ainsi que des femmes, la Namibie ayant opté pour le mode de scrutin proportionnel pour les élections législatives notamment.

36.Pour ce qui est de la participation à la prise des décisions concernant par exemple le développement, l’éducation ou encore la réforme agraire, M. Kamatuka précise que les Sans sont consultés de manière systématique, notamment par l’intermédiaire de leurs anciens ou chefs traditionnels. Consulter les anciens est un principe fondamental en Afrique. Lorsque, comme cela arrive parfois, des décisions sont prises sans le consentement préalable des communautés concernées, il s’agit d’une erreur humaine, non pas d’une décision gouvernementale arbitraire.

37.La Constitution namibienne protège les droits culturels. Ainsi le peuple san peut pratiquer les rites propres à sa culture au même titre que les autres communautés, afin d’éviter de perdre son identité culturelle.

38.M. Kamatuka indique que la Namibie a ratifié la Déclaration sur les droits des peuples autochtones en septembre 2007 et espère qu’elle poursuivra sur cette voie en ratifiant la Convention no 169 de l’OIT concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants.

39.M. Kamatuka dit qu’il ne fait aucun doute que le parc national d’Etosha a été créé sur des terres anciennement occupées par les Sans; c’est pourquoi il est impératif que ces derniers soient réinstallés sur un territoire proche de leurs terres ancestrales. Ils ne peuvent toutefois faire valoir aucun droit sur ces terres, puisque tous les Namibiens ont été déplacés au cours de la période coloniale. Pour tenter d’éradiquer l’extrême pauvreté dans laquelle se trouve ce peuple et améliorer ses conditions de vie, il semble indispensable que tous les acteurs privés et publics unissent leurs efforts, le Gouvernement namibien n’étant pas en mesure de relever ce défi tout seul.

40.MmeTJAHIKIKA (Namibie) dit que le Gouvernement namibien a, au fil des ans, mené des politiques et exécuté des programmes visant à améliorer le niveau de vie des membres des communautés les plus marginalisées, et notamment des Sans, pour redresser les déséquilibres socioéconomiques du passé. Le Gouvernement a reconnu, dès les premières années qui ont suivi l’indépendance, que certaines communautés nécessitaient des programmes ciblés d’autonomisation. Les Sans et les Himbas en ont été les premiers bénéficiaires.

41.Mme Tjahikika précise que le Gouvernement est parfaitement conscient de la pauvreté et de la marginalisation extrêmes du peuple san et que c’est pourquoi il a mis en place des programmes ciblés d’enseignement et de réinstallation à son intention. Ces programmes sont souvent réalisés avec l’aide d’organisations non gouvernementales. Les équipes mobiles dépêchées sur le terrain pour répertorier les membres de la communauté san et leur venir en aide se sont aperçues que la plupart ne connaissent pas leur âge et n’ont pas de papiers d’identité. Outre que cette situation renforce leur exclusion sociale, elle pose des problèmes en termes de représentation politique car n’étant pas inscrits dans les registres officiels, ils ne peuvent être ni reconnus ni représentés politiquement. Conscient de cette situation, le Gouvernement a mis en œuvre des programmes pour que tous les Namibiens, y compris les femmes et les groupes marginalisés, soient représentés politiquement.

42.Mme Tjahikika dit que la culture du peuple san est protégée par la Constitution. En outre, la Namibie, qui a voté en faveur de l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones en septembre 2007, envisage d’adhérer à la Convention no 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux.

43.M. NAMISEB (Namibie) précise que la question des réparations à accorder aux descendants du peuple herero victime du génocide perpétré par les Allemands au début du XXe siècle fait l’objet de discussions bilatérales entre la Namibie et l’Allemagne.

44.M. AVTONOMOV souhaite savoir si les 381 personnes de nationalité «non connue» figurant dans le tableau 1 du rapport périodique à l’examen sont des apatrides et, dans l’affirmative, quelles mesures ont été prises par les autorités namibiennes pour leur venir en aide. M. Avtonomov attire à cet égard l’attention de la délégation namibienne sur la Recommandation générale no 30 du Comité concernant les non-ressortissants et souhaite connaître sa position à cet égard.

45.Notant que le paragraphe 27 du rapport périodique de la Namibie traite du Conseil des chefs traditionnels établi par la loi no 13 de 1997, M. Avtonomov souhaite connaître la composition précise de cet organe et savoir si les dirigeants traditionnels de tous les peuples autochtones, y compris du peuple san, y sont représentés.

46.M. Avtonomov relève en outre qu’en vertu de l’article 11 1) modifié de la loi de 1998 modifiant la loi sur l’interdiction de la discrimination raciale, les faits de tourner en dérision toute personne ou groupe de personnes au motif que celles-ci appartiennent à un groupe racial particulier et de provoquer, encourager un désaccord, ou des sentiments d’hostilité ou de malveillance, entre différents groupes raciaux ou personnes appartenant à différents groupes raciaux, ne sont plus punis par la loi. Il attire l’attention de la délégation sur le fait que de nombreux actes de discrimination ont des motifs purement ethniques et raciaux et qu’il convient de protéger les personnes contre ce type d’actes.

47.M. de GOUTTES note que la délégation namibienne a indiqué que la question de la compatibilité des nouvelles dispositions de la loi de 1998, qui sont apparemment plus restrictives que celles de la loi antérieure et moins protectrices pour les victimes de certains actes de racisme, avec l’article 4 de la Convention, serait examinée. M. de Gouttes comprend que cette modification législative résulte de décisions de la Haute Cour et de la Cour suprême namibiennes mais souligne qu’il appartient au législateur namibien d’apprécier la compatibilité des dispositions juridiques en vigueur avec les engagements internationaux de l’État et d’envisager de les amender, le cas échéant.

48.M. de Gouttes rappelle à cet égard que, dans sa Recommandation générale no 15, le Comité a expliqué que les prescriptions de l’article 4 de la Convention sont impératives et que l’interdiction de la diffusion de toute idée fondée sur la supériorité ou la haine raciale est compatible avec le droit à la liberté d’opinion et d’expression. Il n’existe donc pas de conflit de droit entre la liberté d’expression et le droit à la protection contre le racisme.

49.M. de Gouttes poursuit en expliquant que même si les particuliers peuvent, étant donné que la Namibie a une conception moniste du droit, invoquer directement la Convention devant les tribunaux nationaux, ces derniers sont néanmoins tenus d’appliquer directement la législation interne, laquelle doit être modifiée par le législateur si elle s’avère contraire aux engagements internationaux de l’État namibien. La solution, en l’espèce, est donc entre les mains du législateur namibien.

50.S’agissant de la question de la réforme agraire et de la politique nationale de réinstallation (par. 76) et de redistribution des terres, M. de Gouttes se félicite que cette politique soit fondée sur le principe de «l’achat-vente par consentement» (par. 282) entre l’acheteur et l’acquéreur, et souhaite connaître le pourcentage de terres qui ont été rachetées par l’État en vertu de tels accords et de terres qui ont été redistribuées suite à des expropriations.

51.M. THORNBERRY se félicite que les droits du peuple san aient été respectés par la Namibie dans les régions où des parcs nationaux ont été créés alors que tant d’autres pays n’ont pas hésité à expulser les peuples autochtones de leurs terres ancestrales. S’agissant des mesures spéciales adoptées en faveur des Sans et d’autres groupes marginalisés, M. Thornberry dit qu’il n’est pas toujours souhaitable d’avoir recours à des mesures spéciales qui sont, par définition, temporaires, car elles ne sont pas toujours conformes au principe des droits permanents des peuples autochtones. Il rappelle à cet égard que le Gouvernement néo-zélandais, qui avait aussi tendance à adopter des mesures et des programmes spéciaux d’aide en faveur des peuples autochtones, a reconnu que ce type de mesures temporaires fragilisait les efforts déployés notamment pour parvenir à un règlement des revendications historiques des communautés autochtones.

52.M. PETER se dit satisfait des réponses très détaillées et approfondies apportées par la délégation namibienne aux nombreuses questions des membres du Comité. Il se félicite également que la Namibie ait opté en faveur d’un système moniste qui lui permet d’intégrer automatiquement dans son droit interne tous les instruments internationaux ratifiés.

53.M. Peter souhaite savoir si la Namibie envisage d’adhérer à la Convention de l’OUA de 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique en tant qu’État membre de l’Union africaine. Si tel était le cas, cela permettrait à la Namibie de compléter le système mis en place pour venir en aide aux réfugiés.

54.M. KEMAL se dit impressionné par le professionnalisme de la délégation namibienne. Il se félicite que des pourparlers aient été engagés au niveau bilatéral entre la Namibie et l’Allemagne pour donner réparation aux descendants du peuple herero pour les atrocités commises au début du XXe siècle et souhaite savoir si des revendications peuvent être adressées au Gouvernement sud-africain concernant les erreurs commises par le régime d’apartheid contre le peuple san.

55.Relevant que 5 millions d’hectares de terres devraient être acquis par le Gouvernement namibien aux fins de redistribution, M. Kemal souhaite savoir si la priorité sera accordée aux membres les plus démunis des tribus.

56.M. HUANG se félicite de l’attitude sérieuse et honnête de la délégation namibienne au cours du dialogue. La Namibie est un pays jeune qui, après son indépendance, a tenté de se débarrasser du legs de la discrimination raciale. Le Gouvernement namibien a adopté un nombre impressionnant de mesures pour protéger les droits des minorités, les Sans et d’autres, et veiller à ce qu’ils jouissent de tous les droits économiques et sociaux, du droit au développement, du droit à l’éducation et aux soins de santé, notamment.

57.M. Huang dit que le développement socioéconomique reste la principale priorité des pays en développement pour assurer une protection optimale des droits humains. De ce point de vue, le Gouvernement namibien a fait des progrès importants, même s’il reste un long chemin à parcourir. Il conviendra de le féliciter des efforts déployés pour mettre en œuvre la Convention.

La séance est suspendue à 11 h 40; elle est reprise à 12 h 10.

58.M. NAMISEB (Namibie), commentant le tableau 1 figurant au paragraphe 16 du rapport, qui contient des statistiques de la population ventilées par nationalité, indique que la catégorie intitulée «tous autres pays» recouvre les ressortissants de pays non africains et que la rubrique sous laquelle sont rangées les personnes de nationalité «non connue» comprend les non‑ressortissants qui n’ont pas précisé leur nationalité dans le questionnaire de recensement. Il ne s’agit donc pas d’apatrides. À cet égard, il précise que, conformément aux dispositions de la loi sur la nationalité, une personne ne peut être privée de sa nationalité namibienne que si elle en a acquis une autre, ce afin d’éviter que l’intéressée ne devienne apatride.

59.La délégation namibienne partage les préoccupations exprimées par certains membres du Comité au sujet de l’abrogation et la modification de certaines dispositions de la loi de 1991 sur l’interdiction de la discrimination raciale, qui limitent les voies de recours prévues pour poursuivre les personnes prônant publiquement la haine raciale. La délégation informera les autorités namibiennes du point de vue du Comité et fera tout son possible pour que le réexamen des modifications pertinentes figure parmi les priorités de la réforme législative.

60.La délégation a pris bonne note de la suggestion d’un membre du Comité concernant l’adhésion de la Namibie à la Convention de 1969 de l’Organisation de l’Union africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique et encouragera le Gouvernement namibien à se pencher sur la question.

61.Mme SHIVUTE (Namibie) dit que la délégation ne dispose pas de statistiques complètes et à jour sur l’application des politiques publiques de redistribution des terres et qu’elle en enverra ultérieurement au Comité. Néanmoins, pour donner une idée de la situation, elle indique qu’en 2005 1 600 familles avaient été réinstallées sur 120 000 hectares de terres redistribuées, résultat encore très éloigné des objectifs fixés dans le plan stratégique pour 2005-2010, selon lesquels 52 000 familles devraient avoir été réinstallées et 5 300 000 hectares redistribués dès 2010. En outre, pour le moment, trois exploitants seulement ont été expropriés et indemnisés par l’État et les surfaces ainsi acquises représentent 12 000 hectares, ce qui est insignifiant au regard des 15 millions d’hectares que le Gouvernement compte racheter. Ainsi, l’exécution du plan stratégique progresse très lentement et si l’État ne rachète des terres que par le biais de «l’achat‑vente par consentement» (willing seller, willing buyer), il n’atteindra pas les objectifs qu’il s’est fixés dans les délais.

62.Afin de mettre à jour les statistiques, un audit national du programme de réinstallation de familles a été lancé afin d’en savoir plus sur la façon dont les bénéficiaires utilisent les terres sur lesquelles ils ont été réinstallés. De plus amples renseignements seront envoyés ultérieurement au Comité à ce sujet.

63.Lorsque la Namibie a accédé à l’indépendance, le Gouvernement au pouvoir à l’époque a constaté que le régime précédent n’avait établi aucun plan d’aménagement du territoire. Afin de combler cette lacune, huit plans intégrés d’aménagement du territoire ont été élaborés afin d’organiser l’utilisation des terres. Ils ont montré que le territoire namibien se compose d’environ 40 % de terres inutilisables pour l’agriculture, de 36 % de terres arables et de 33 % de terres communales administrées par les collectivités traditionnelles. Les pouvoirs publics ont prévu d’élaborer des plans régionaux d’aménagement du territoire en vue de déterminer si les terres des régions concernées sont arables, si elles doivent être classées comme réserves naturelles ou si elles peuvent avoir une autre utilité. Pour le moment, le Gouvernement procède à la démarcation d’exploitations de petite étendue dans les zones communales. Ces travaux ont pu être réalisés dans toutes les régions concernées, sauf dans celles où vivent les Sans, le Gouvernement n’étant pas parvenu à s’entendre avec cette minorité bien qu’il soit en pourparlers avec elle depuis 2000.

64.L’un des problèmes de la réforme agraire est lié au fait que les terres rachetées par l’État sont divisées en petites parcelles qui sont ensuite mises en vente par voie d’annonce. Cela signifie que seules les personnes qui savent lire et écrire ont accès à ces offres, ce qui exclut les personnes appartenant aux groupes les plus défavorisés. Pour cette raison, un projet de loi tendant à habiliter le Ministère des affaires foncières et de la réinstallation à attribuer des terres aux groupes marginalisés est en cours de préparation. Enfin, étant donné que les plans intégrés d’aménagement du territoire doivent être mis à jour tous les dix ans, il est prévu de procéder prochainement à la révision complète de ceux qui ont été élaborés en 2000.

65.Mme TJAHIKIKA (Namibie) dit que la Namibie s’est dotée de deux lois sur les autorités traditionnelles: la Traditional Authorities Act (loi sur les autorités traditionnelles) et la Council of Traditional Leaders Act (loi sur le Conseil des chefs traditionnels). Le Conseil des chefs traditionnels compte 42 membres, dont trois sont des Sans. Des informations détaillées sur les critères selon lesquels les chefs traditionnels sont admis au sein du Conseil des chefs seront fournies ultérieurement au Comité.

66.M. KAMATUKA (Namibie), précisant le sens d’une des interventions de la délégation, dit que le Gouvernement namibien déplore vivement l’absence de progrès en ce qui concerne l’accès des Sans à l’éducation et souhaite sincèrement obtenir de meilleurs résultats dans ce domaine.

67.En réponse à M. Thornberry, M. Kamatuka indique que la Namibie mène des activités en collaboration avec des États membres de la Communauté de développement de l’Afrique australe, notamment dans le domaine de l’enseignement des langues. En outre, la Namibie a prévu d’organiser conjointement avec le Bureau international du Travail une conférence réunissant les membres de la Communauté de développement de l’Afrique australe, qui portera sur les communautés sans vivant dans la région. Enfin, s’agissant des expulsions de Sans qui se sont produites sous le régime de l’apartheid, M. Kamatuka indique qu’aucune plainte n’a encore été déposée par les intéressés contre l’Afrique du Sud.

68.M. EWOMSAN (rapporteur pour la Namibie) se félicite de la richesse et de la franchise du dialogue noué entre le Comité et la délégation namibienne et espère que l’État partie présentera plus régulièrement ses prochains rapports périodiques.

69.La délégation namibienne se retire.

La séance est levée à 12 h 40.

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