Nations Unies

CERD/C/SR.2171

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

21 août 2012

Original: français

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Quatre-vingt -un ième session

Compte rendu analytique de la 2171 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 8 août 2012, à 15 heures

Président: M. Avtonomov

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements soumis par les États parties en application de l’article 9 de la Convention (suite)

Sixième à huitième rapports périodiques du Tadjikistan

La séance est ouverte à 15 h 10.

Examen des rapports, observations et renseignements soumis par les États parties en application de l’article 9 de la Convention (suite)

Sixième à huitième rapports périodiques du Tadjikistan (CERD/C/TJK/6-8; CERD/C/TJK/Q/6-8; HRI/CORE/1/Add.128)

1.Sur l ’ invitation du Président, la délégation tadjike prend place à la table du Comité.

2.M. Mengeliev (Tadjikistan) dit que le Tadjikistan s’est doté d’un cadre juridique garantissant l’égalité entre tous les individus indépendamment de leur race, leur origine ethnique, leur langue, leur situation financière, matérielle ou professionnelle ou leur religion. Il souligne à propos de l’absence de définition de la discrimination raciale dans le droit interne que l’interdiction de la discrimination raciale figure dans plusieurs lois protégeant les libertés et les droits de la personne et que, conformément à l’article 10 de la Constitution, les instruments internationaux ratifiés par le Tadjikistan priment le droit interne. Les minorités nationales jouissent de tous les droits définis dans la législation nationale, dont celui de participer aux élections et de créer des organisations, ainsi que de la liberté d’expression et de religion. Afin de garantir le droit de tous les citoyens, y compris ceux qui appartiennent à une minorité nationale, de préserver et de développer leur identité culturelle, le Programme de développement culturel pour 2008-2015 a été lancé et huit programmes publics portant sur divers aspects de la vie culturelle sont en cours d’exécution. Le Gouvernement tadjik collabore activement avec les organisations de la société civile. En 2011, il a organisé une table ronde sur l’application de la Convention à laquelle ont participé des représentants de la société civile, des ministères et des organes publics compétents ainsi que d’organisations non gouvernementales (ONG). Une coalition d’ONG a été constituée dans le pays et elle est actuellement opérationnelle.

3.Au 1er janvier 2012, la population comptait 7,8 millions de personnes et se composait de 84,3 % de Tadjiks, 12,3 % d’Ouzbeks, 0,8 % de Kirghizes, 0,5 % de Russes, 0,2 % de Turkmènes, 0,9 % de Laks, 0,5 % de Kongrat, 0,07 % de Barlos,0,01 % d’Ukrainiens, 0,09 % de Tatars, 0,03 % de Roms ainsi que d’autres minorités. Parmi les 1,7 million d’enfants qui fréquentent un établissement d’enseignement général, 78,6 % sont scolarisés en tadjik, 17,6 % en russe, 2,8 % en ouzbek, 0,7 % en kirghize, 0,2 % en turkmène et 0,04 % dans d’autres langues. Le fait que l’Ouzbékistan ait abandonné le cyrillique pour passer à l’alphabet latin est un problème pour les écoles ouzbèkes au Tadjikistan car celles-ci continuent d’utiliser des manuels en cyrillique (leurs élèves ne connaissant que cet alphabet) et elles ne peuvent s’approvisionner en Ouzbékistan où les manuels scolaires sont désormais publiés en caractères latins. Toutefois, les écoles ouzbèkes disposent de suffisamment de manuels en cyrillique pour assurer un enseignement du premier au onzième degré. Dans le pays, on dénombre près de 2 700 écoles tadjikes, 18 écoles russes, 282 écoles ouzbèkes, 37 écoles kirghizes ainsi que quelques écoles mixtes.

4.La Constitution consacre le droit de former des organisations et de s’affilier à un parti politique et 24 associations créées par des minorités nationales sont enregistrées dans le pays. La liberté de religion, que garantit l’article 26 de la Constitution, revêt une grande importance et des progrès considérables ont été accomplis dans ce domaine depuis l’indépendance du pays. Il existe près de 4 000 organisations religieuses et 74 des fondateurs de ces organisations appartiennent à une minorité nationale. Le pays compte en tout près de 4 000 mosquées et 74 lieux de culte non musulmans. Le nombre d’associations religieuses est nettement plus élevé au Tadjikistan que dans les autres anciennes républiques soviétiques: il y a en effet une association religieuse pour 1 900 personnes. La législation tadjike n’établit aucune distinction entre les confessions et ne permet pas qu’une religion soit imposée à l’ensemble de la population. La liberté d’expression est également garantie par la Constitution. La censure et les persécutions contre les personnes ou les médias qui formulent des critiques contre le Gouvernement sont interdites. On dénombre 320 journaux dans le pays, dont 29 sont publiés en russe, 91 en tadjik et en russe, 7 en ouzbek, le reste étant publié dans d’autres langues ou combinaisons de langues. La télévision et la radio diffusent des programmes en tadjik, russe, anglais, arabe, persan, ouzbek et hindi.

5.À ce jour, les tribunaux et les autres organes compétents n’ont été saisis d’aucune plainte pour discrimination raciale, ce qui ne signifie toutefois pas que les victimes ne connaissent pas leurs droits ou qu’elles ne font pas suffisamment confiance aux forces de l’ordre, ou encore que les juges n’accordent pas l’attention voulue aux faits de discrimination raciale. En effet, les organes chargés de l’application des lois et les organes judiciaires mènent régulièrement des campagnes d’information, dans les médias ainsi que dans d’autres contextes, pour sensibiliser le public aux droits consacrés par la Constitution et la législation interne. Dans la même perspective, le Gouvernement a approuvé le Programme d’éducation et d’instruction juridiques des citoyens de la République pour 2009-2019, lequel prévoit toute une série de mesures visant à améliorer les connaissances de la population dans le domaine juridique. Conformément à l’article 2 de la loi sur la fonction publique, tout citoyen tadjik a accès à la fonction publique indépendamment de son origine nationale, sa race, son sexe, sa langue, sa religion, ses convictions politiques et sa situation sociale ou matérielle. L’administration publique compte 19 255 fonctionnaires, dont 17 492 Tadjiks, 129 Russes, 1 408 Ouzbeks et 175 Kirghizes et 51 membres d’autres minorités nationales ou ethniques.

6.En ce qui concerne l’adhésion du Tadjikistan à la Convention relative au statut des apatrides et à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie, M. Mengeliev fait observer que l’application des dispositions de ces instruments suppose des dépenses considérables et que, pour le moment, le Tadjikistan ne peut pas les ratifier car il n’a pas les moyens de remplir les obligations qui en découlent. Toutefois, la réduction des cas d’apatridie est au centre des préoccupations du Tadjikistan. En 2007, celui-ci a organisé une conférence régionale sur ce thème à laquelle des représentants d’organes publics et d’ONG ont participé. En outre, un nouveau projet de loi sur la nationalité, en cours de rédaction, prévoit toute une série de mesures de prévention et de réduction des cas d’apatridie, ainsi que de nouvelles dispositions régissant l’octroi de la nationalité tadjike.

7.En ce qui concerne la recommandation formulée par le Comité dans ses précédentes observations finales au sujet des restrictions touchant la liberté de circulation des réfugiés (CERD/C/65/CO/8, par. 13), M. Mengeliev rappelle que le Tadjikistan est partie à la Convention relative au statut des réfugiés et au Protocole s’y rapportant et souligne que l’arrêté dans lequel figure une liste de localités où les demandeurs d’asile et les réfugiés ont l’interdiction de séjourner temporairement a été pris par le Gouvernement afin de préserver la sécurité et l’ordre public et de protéger les droits et les intérêts de la population. Pour ce qui est de la recommandation du Comité tendant à ce que les réfugiés qui remplissent les conditions requises puissent obtenir la citoyenneté tadjike sans discrimination (ibid., par. 14), M. Mengeliev dit que, conformément à l’article 23 de la Loi constitutionnelle sur la nationalité, les étrangers et les apatrides qui souhaitent obtenir la nationalité tadjike doivent avoir résidé de façon permanente sur le territoire national pendant cinq ans, cette durée de séjour étant divisée par deux pour les réfugiés reconnus. L’expulsion d’étrangers et de réfugiés ne peut avoir lieu que sur décision des organes de sécurité, avec l’accord du Bureau du Procureur général, et la décision pertinente peut être contestée devant les tribunaux. Depuis 2009, 588 étrangers ont été expulsés du territoire. La plupart d’entre eux ont été expulsés parce qu’ils avaient enfreint la loi, qu’ils avaient fini de purger une peine d’emprisonnement ou encore qu’ils avaient bénéficié d’une amnistie pour une infraction commise sur le territoire tadjik.

8.En ce qui concerne la formation des juges et du personnel de l’appareil judiciaire, M. Mengeliev indique que le deuxième Programme de réformes judiciaires et juridiques pour 2011-2013 prévoit toute une série d’activités de formation et de renforcement des compétences à l’intention des magistrats et de personnel des organes judiciaires. Enfin, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et une coalition d’ONG poursuivent leurs activités de formation du personnel des établissements pénitentiaires dans le domaine des normes internationales relatives aux droits de l’homme.

9.M. Diaconu (Rapporteur pour le Tadjikistan) dit que ces dix dernières années, le Tadjikistan a fait de grands progrès dans les domaines législatif et institutionnel avec l’adoption d’un Code pénal, d’un Code de procédure pénale et d’un Code des infractions administratives, et la nomination d’un médiateur des droits de l’homme. L’État partie participe activement aux efforts régionaux et internationaux de protection des droits de l’homme, en adhérant à des instruments juridiques internationaux. Le Rapporteur souhaite tout d’abord que la délégation fournisse des informations sur les groupes ethniques les plus importants dans le pays. Il voudrait aussi des renseignements sur la compétence et la structure des régions et des communautés rurales autonomes, sachant que les groupes ethniques vivent principalement en zone rurale. Il note avec inquiétude que l’État partie semble imputer aux Roms la responsabilité de leur situation préoccupante et fait observer que le Gouvernement doit s’attaquer aux racines des problèmes, en permettant à ce groupe de la population d’accéder à l’emploi, à l’éducation, à la protection sociale et aux services de santé dans un esprit de tolérance, de compréhension et de solidarité.

10.La législation nationale ne comprend aucune définition de la discrimination raciale, à l’exception d’une définition proche de celle de la Convention dans le Code du travail, qui ne peut être appliquée que dans le domaine de l’emploi. L’État partie affirme dans son rapport que les juges peuvent appliquer directement les dispositions de la Convention mais il n’existe aucun précédent d’affaires dans lesquelles la Convention aurait été appliquée. Cette apparente absence de discrimination raciale dans l’État partie est d’autant plus surprenante que 137 groupes ethniques ainsi que des réfugiés, des migrants et des demandeurs d’asile cohabitent sur le territoire. Le Comité souhaite savoir si les plaintes déposées au Tadjikistan pour diffamation ou insultes avaient un caractère raciste. Notant avec satisfaction que le Code pénal érige en infraction l’incitation à l’hostilité ethnique et la création d’associations extrémistes, et prévoit des circonstances aggravantes pour les infractions motivées par la haine raciale, M. Diaconu constate néanmoins qu’il ne criminalise pas l’incitation à la haine raciale, les actes de violence dirigés contre toute personne ou tout groupe pour des motifs racistes et l’assistance à des activités racistes, contrairement à ce que préconise l’article 4 de la Convention.

11.Notant que le Code des infractions administratives punit la production, le transport et la diffusion de matériel de propagande incitant à la haine raciale ou ethnique, M. Diaconu demande quelles sont les peines encourues. Il se demande si les infractions visées par l’article 4 de la Convention sont traitées de la même façon dans le Code pénal et dans le Code des infractions administratives. Il voudrait aussi connaître les sanctions encourues en cas de violation de la loi sur la télé et la radiodiffusion, qui interdit la diffusion de messages encourageant la haine raciale ou ethnique.

12.Le rapport comporte de nombreuses données sur la représentation des membres de groupes ethniques dans différentes sphères mais ces personnes semblent sous-représentées au Parlement. Le Rapporteur voudrait des informations sur la jouissance des droits économiques et sociaux par les groupes ethniques ainsi que sur leurs taux de chômage et d’analphabétisme. M. Diaconu accueille avec satisfaction la loi sur la langue officielle de l’État, qui autorise les groupes nationaux et ethniques à utiliser librement leur langue maternelle, et encourage l’État partie à redoubler d’efforts pour leur permettre de bénéficier d’un enseignement dans leur langue, en formant des professeurs dans les langues concernées et en fournissant les manuels nécessaires.

13.Le Rapporteur encourage le Tadjikistan à mettre en œuvre la recommandation qui lui a été faite par le Comité des droits de l’homme de créer une institution des droits de l’homme conformément aux Principes de Paris ou d’élargir les compétences du Médiateur des droits de l’homme. Il demande des précisions sur les dispositions de la Loi constitutionnelle de 2008 sur la nationalité, qui simplifie la procédure d’obtention de la nationalité tadjike. Il s’enquiert du nombre d’apatrides dans le pays et de la manière dont le Gouvernement entend régler ce problème. Il encourage le Tadjikistan à adhérer à la Convention relative au statut des apatrides et à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie. Les réfugiés et les demandeurs d’asile, que l’État partie accueille en grand nombre, n’ont pas le droit de résider à Douchanbé et à Kjujand, au motif qu’ils pourraient porter atteinte à l’ordre public, ce qui constitue une discrimination à leur égard. En outre, ils n’ont pas le droit de travailler, ce qui porte atteinte au droit que leur reconnaît la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Le Rapporteur note aussi avec étonnement qu’une modification du Code de la famille impose aux étrangers et aux apatrides qui souhaitent épouser un citoyen tadjik de lui fournir un logement, alors même que la loi leur interdit d’acquérir des biens immobiliers. Le Tadjikistan devrait aussi examiner la situation des enfants réfugiés et se conformer aux normes internationales en la matière.

14.M. Diaconu note avec inquiétude que malgré son adhésion au Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes et l’adoption de mesures nationales, l’État partie continue d’être un pays de départ et de transit pour la traite des personnes, y compris de membres de groupes ethniques, de réfugiés et de demandeurs d’asile. Le Tadjikistan devrait prendre des mesures supplémentaires pour se conformer à l’article 7 de la Convention. À cet égard, M. Diaconu souhaite savoir s’il existe un programme d’éducation aux droits de l’homme dans toutes les écoles. En conclusion, le Rapporteur fait observer qu’en dépit de toutes les difficultés qu’il rencontre, l’État partie a les moyens de mettre en place le cadre législatif et institutionnel nécessaire à la pleine mise en œuvre de la Convention, notamment grâce à son taux de croissance économique élevé.

15.M. Murillo Mart í nez demande des précisions sur l’application de la disposition du Code pénalérigeant en infraction l’incitation à la haine raciale, nationale ou religieuse et souhaite en savoir plus sur les affaires examinées dans ce domaine.Il souhaite aussi savoir quels ont été les résultats du programme gouvernemental de lutte contre le VIH/sida et dans quelle mesure les groupes ethniques sont touchés par cette maladie. Il prend note des efforts déployés par l’État partie pour élargir l’accès des minorités ethniques à l’éducation et souhaite en particulier connaître le nombre d’enfants afghans qui sont scolarisés. Enfin, il voudrait des informations sur l’éducation aux droits de l’homme au Tadjikistan.

16.M. de Gouttesdemande un complément d’information sur la création d’un centre d’hébergement temporaire pour les demandeurs d’asile, comme il est indiqué au paragraphe 189 du rapport de l’État partie. Il souhaite savoir si la question de la détermination de la citoyenneté des Tadjiks revenus dans le pays après la guerre civile a été réglée. Il demande quel est l’état d’avancement du projet de loi visant à ratifier la Convention relative au statut des apatrides.

17.Bien que le Code pénal érige en infraction l’incitation à l’hostilité nationale ou religieuse et la participation à des associations extrémistes et prévoie une circonstance aggravante pour les crimes à motivation raciale, l’application de ces dispositions semble décevante, notamment en raison de l’absence de définition de la «discrimination raciale». La délégation est invitée à apporter des précisions à ce sujet. M. de Gouttes demande aussi des éclaircissements au sujet du contenu du programme qu’il est en train d’élaborer en vue d’améliorer la situation des Roms dans le pays. Enfin, il souhaite savoir si le Bureau du Médiateur des droits de l’homme est conforme aux Principes de Paris.

18.M. Kut demande si la Commission gouvernementale chargée de garantir le respect des obligations internationales en matière de droits de l’homme, créée en 2002, est un organe permanent et si elle est chargée d’examiner les questions de discrimination raciale. Il se félicite de la plus grande mobilité sociale et de la participation accrue des minorités à la vie publique et aimerait savoir si l’amélioration de la situation résulte d’une politique publique de promotion des minorités. Il demande si l’article 62 du Code pénal qui dispose que la motivation raciale ou religieuse d’une infraction est une circonstance aggravante a déjà été invoqué devant les tribunaux. Il demande en outre combien d’apatrides compte l’État partie, et si ce dernier a élaboré une politique et pris des mesures concrètes pour remédier au problème de l’apatridie. Des précisions sur le rôle et les attributions du Médiateur des droits de l’homme et sur le nombre d’affaires liées à la discrimination dont il est saisi seraient également bienvenues.

19.M. Kut aimerait savoir si des mesures ont été prises pour régler le problème de la violence à l’égard des minorités religieuses et ethniques, soulevé lors de l’examen du précédent rapport périodique en 2004 (CERD/C/463/Add.1; CERD/C/SR.1658), et demande si des plaintes pour discrimination ou incitation à la haine raciale ont déjà été portées devant les tribunaux. Enfin, il fait remarquer que la traduction des manuels scolaires tadjiks en ouzbek ne devrait guère poser de problèmes, dans la mesure où il s’agit de procéder à une simple translittération d’un alphabet à l’autre.

20.M. Vázquez demande si les organes judiciaires de l’État partie ont été saisis de plaintes pour discrimination depuis l’élaboration du rapport à l’examen, et si des poursuites pénales ont été engagées en application de l’article 189 du Code pénal, qui réprime l’incitation à la haine nationale, raciale, locale ou religieuse. Il demande aussi si les tribunaux de l’État partie ont déjà invoqué le Code des infractions administratives pour sanctionner des actes de nature à attiser les tensions raciales.

21.M. Thornberry regrette qu’aucun représentant d’organisations non gouvernementales (ONG) ne soit présent pour l’examen du rapport de l’État partie, leur participation aux travaux du Comité permettant d’enrichir le débat avec la délégation. Il aimerait un complément d’information sur la définition des actes constituant des circonstances aggravantes au sens de l’article 62 du Code pénal, et, notamment sur les notions de fanatisme religieux et d’actes de représailles. Il lit au paragraphe 16 du rapport que la loi de 1996 sur la télévision et la radiodiffusion interdit de diffuser des messages «encourageant […] l’exclusivité» et demande ce que cela signifie exactement. Il demande si le Code d’exécution des peines de 2001, qui proclame le principe de l’égalité des condamnés devant la loi, prévoit des dispositions relatives à la prise en compte des besoins particuliers des détenus, notamment en ce qui concerne le régime alimentaire ou l’observance de rites religieux. Enfin, il souhaiterait des précisions sur le paragraphe 69 du rapport, où il est indiqué que l’État peut intervenir «lorsque des personnes ou des organisations, abusant de leurs droits et de leurs libertés religieuses, agissent au détriment d’autres personnes et d’autres organisations religieuses».

22.M me Crickleyrappelle que l’absence de plaintes pour discrimination raciale peut être révélatrice d’un manque de confiance dans les autorités et demande l’avis de la délégation sur l’efficacité des mesures visant à sensibiliser à leurs droits les groupes vulnérables à la discrimination. Elle demande si les ONG ont participé à l’élaboration du rapport et si l’État partie envisage de les associer systématiquement à l’élaboration des prochains rapports. Enfin, elle aimerait savoir si des femmes siégeant dans les assemblées populaires sont issues des minorités ethniques et quelles mesures concrètes sont mises en œuvre pour favoriser la participation des minorités à la vie politique en général.

23.M. Calí Tzaydemande si l’État partie prend des mesures pour promouvoir l’usage de toutes les langues parlées dans le pays. Il aimerait des précisions sur la distinction faite par l’État partie entre les termes «ethnies», «peuples» et «nationalités» et comment cette distinction se traduit dans l’élaboration des politiques. Enfin, il s’interroge sur le maintien de la notion de nationalités depuis l’accession du pays à l’indépendance et aimerait un complément d’information à ce sujet.

24.M. Kema ldemande combien de recours ont été engagés par des étrangers sous le coup d’un arrêté d’expulsion et combien ont obtenu gain de cause. Par ailleurs, il aimerait savoir la place qu’occupent le dari et le farsi dans les émissions de radio et de télévision.

25.M. Lindgren Alvesse dit préoccupé par le fait que, sous couvert de lutte contre le terrorisme, l’État partie légitime toutes sortes d’actions contre les terroristes, et aimerait obtenir des renseignements sur les techniques d’interrogatoire utilisées dans la lutte contre le terrorisme. Il demande ce que l’État partie entend par le réenregistement des organisations religieuses suite à l’entrée en vigueur de la loi relative à la liberté de conscience et aux organisations religieuses. Il demande à la délégation de confirmer l’information selon laquelle le pays compte en moyenne une organisation religieuse pour 1 900 habitants, chiffre qui lui paraît très important.

26.Le Président, s’exprimant en sa qualité de membre du Comité, rappelle que la discrimination n’est pas toujours une politique délibérée de l’État mais peut se manifester de manière déguisée à l’égard de certains groupes de population qui sont, de fait, victimes d’une discrimination structurelle ou culturelle. Les données relatives aux salaires, aux taux de chômage et au niveau d’instruction de certains groupes sont un bon indicateur de la discrimination dont ils peuvent faire l’objet. Il souhaiterait en savoir plus sur le rôle joué par le Tadjikistan dans les accords régionaux auxquels il est partie, notamment ceux ayant trait aux droits de l’homme. Il rappelle que, même si le Comité n’a pas vocation à traiter la question religieuse, l’appartenance à une religion est étroitement liée à l’appartenance ethnique. Il s’interroge sur les risques de discrimination cachée à l’égard de personnes dont la religion n’est pas officiellement reconnue ou dont les organisations ne sont pas enregistrées. Il aimerait savoir si le Tadjikistan compte une communauté bouddhiste, et une communauté russe orthodoxe, qui, du fait de leur caractère minoritaire, pourraient être victimes de discrimination.

27.Le Président demande, en outre, si des mesures spéciales ont été prises pour préserver les langues des minorités nationales, telles que le dari et le yaghnobi. Il prend note avec intérêt des nombreuses données statistiques figurant en annexe du rapport périodique et souhaite savoir si l’État partie dispose de chiffres actualisés concernant le nombre d’élèves par langue d’enseignement dans les établissements d’enseignement général. Il voudrait davantage d’informations sur les Roms vivant au Tadjikistan, notamment sur le point de savoir s’ils sont sédentaires ou nomades, si des aires d’installation sont mises à leur disposition et s’ils peuvent suivre un enseignement dans leur langue maternelle.

28.Le Président invite l’État partie à prendre connaissance de la Recommandation générale no 30 concernant la discrimination à l’égard des non-ressortissants dans laquelle figurent des recommandations particulières relatives aux apatrides. Évoquant la situation difficile des Tadjiks installés dans des pays voisins, il souhaite savoir comment le Tadjikistan entend venir en aide à ceux, nombreux, qui sont en situation irrégulière et sont souvent victimes de l’exploitation et de la traite. Le Président souhaiterait obtenir des statistiques sur les chômeurs ventilées par origine ethnique et nationale et par sexe. Enfin, il aimerait savoir si des personnes d’ascendance africaine vivent au Tadjikistan.

29.M. Mengeliev (Tadjikistan) dit que le dari et le tadjik sont issus du même groupe linguistique mais que le tadjik est la seule langue officielle de l’État. La loi de 2009 sur la langue de l’État de la République du Tadjikistan dispose que tous les groupes nationaux et ethniques vivant sur le territoire ont le droit d’utiliser librement leur langue maternelle, et a créé les conditions permettant le libre usage, la protection et le développement des langues de la région autonome du Haut-Badakhchan (Pamir) et du yaghnobi. Le badakhchan et le yaghnobi, deux langues très anciennes, ont fait l’objet de nombreuses études et peuvent être étudiées à l’école, mais elles n’ont pas le statut de langues officielles.

30.Les Roms du Tadjikistan sont originaires d’Inde et se sont établis dans le pays à l’époque de la route de la soie. Auparavant nomades, ils sont aujourd’hui sédentarisés. Ils disposent de papiers d’identité et sont enregistrés à l’état civil. Leur mode de vie n’a pas réellement évolué et ils vivent toujours principalement de la mendicité. Il n’y a pas de bouddhistes au Tadjikistan même si des vestiges archéologiques bouddhistes ont été retrouvés dans le pays. Les organisations religieuses créées avant la loi de 2009 ont dû être réenregistrées afin de confirmer leur existence sur le plan juridique. Il existe 24 associations de minorités nationales mais le Tadjikistan ne dispose pas de statistiques distinctes à leur sujet.

La séance est levée à 18 heures.