NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/CHE/616 avril 2007

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques que les États parties doivent présenter en 2005

Additif

Suisse*

[14 novembre 2006]

TABLE DES MATIÈRES

Chapitre Paragraphes Page

Introduction1−67

I.PREMIÈRE PARTIE: INFORMATIONS GÉNÉRALES7−858

A.Remarque liminaire78

B.Évolution de la structure démographique8−198

1.Population étrangère résidente88

2.Immigration9−109

a) Immigration, par nationalité99

b) Motifs d’immigration1010

3.Asile11−1411

4.Minorités linguistiques15−1612

5.Minorités religieuses17−1813

6.Minorités ethniques1913

C.Bases constitutionnelles et législatives20−5213

1.Signature et ratification de conventions internationales21−3013

a) Conventions internationales de l’Organisation des Nations Unies21−2513

b) Conventions régionales relatives aux droits humains26−2714

c) Révision de la Constitution fédérale (Cst.)28−3015

2.Modifications de la législation pénale31−3515

a) Code pénal31−3315

b) Procédure pénale3416

c) Introduction d’une loi fédérale sur l’investigation secrète3516

3.Modifications du droit civil3616

4.Modifications du droit public37−5017

a) Révision partielle de la loi sur l’asile37−4117

b) Révision totale de la loi fédérale sur les étrangers (LEtr)42−4419

c) Autres révisions dans le domaine de la législation sur les étrangers et sur l’asile45−4819

d) Autres révisions dans le domaine du droit public49−5020

5.Réformes de constitutions cantonales51−5220

TABLE DES MATIÈRES ( suite )

Chapitre Paragraphes Page

D.Politique générale de lutte contre la discrimination raciale53−8521

1.Remarques générales53−5521

2.Minorités nationales56−6422

a) Minorités linguistiques5622

b) Minorités religieuses57−6322

c) Gens du voyage6423

3.Population étrangère65−8224

a) Politique de migration65−7024

b) Politique d’asile7124

c) Politique d’intégration72−7825

d) Sans ‑papiers79−8227

4.Activités contre le racisme83−8529

a) Sur le plan national83−8429

b) Sur le plan international85−29

II.EXAMEN DE L’APPLICATION DES ARTICLES 2 À 7 DE LA CONVENTION86−23331

A.Condamnation de la discrimination raciale (art. 2)86−9031

1.Respect du principe de l’égalité de traitement par l’État (art. 2, par. 1, al. a et b)86−8831

2.Le problème de la discrimination entre étrangers et la réserve formulée par la Suisse en faveur de sa politique d’immigration (art. 2, par. 1, al. a)8931

3.L’interdiction de la discrimination et son application aux rapports entre individus (art. 2, par. 1, al. c et d)9032

B.Condamnation de l’apartheid (art. 3)91−9732

1.En Suisse91−9232

2.Sur place93−9732

C.Mesures visant à punir certains actes de discrimination raciale (art. 4)98−11033

1.Jurisprudence du Tribunal fédéral relative aux articles 261 bis du Code pénal et 171c du Code pénal militaire106−10735

2.Modifications de lois visant à lutter contre le racisme108−11036

TABLE DES MATIÈRES ( suite )

Chapitre Paragraphes Page

D.Élimination de la discrimination raciale, notamment dans le domaine de certains droits de l’homme (art. 5)111−19137

1.Droit à l’égalité de traitement devant les tribunaux et tous les autres organes administrant la justice (art. 5, al. a)111−12137

a) Réforme de la justice113−11738

b) Loi fédérale sur l’investigation secrète et loi fédérale sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication118−11938

c) Révision totale de l’organisation judiciaire fédérale120−12139

2.Droit à la sûreté de la personne et à la protection de l’État (art. 5, al. b) 122−12539

3.Droits politiques (art. 5, al. c)126−12840

4.Autres droits civils (art. 5, al. d)129−15841

a) Droit de circuler librement et de choisir son lieu de résidence à l’intérieur de l’État (art. 5, al. d, i))129−13141

b) Droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son propre pays (art. 5, al. d, ii))13242

c) Droit à une nationalité (art. 5, al. d, iii))133−13642

d) Droit de se marier et de choisir son conjoint (art. 5, al. d, iv))137−14143

e) Droit à la propriété (art. 5, al. d, v))14244

f) Droit d’hériter (art. 5, al. d, vi))14344

g) Droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (art. 5, al. d, vii))144−15344

h) Droit à la liberté d’opinion et d’expression (art. 5, al. d, vii))154−15647

i ) Droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques (art 5, al. d, ix))157−15848

5.Droits économiques, sociaux et culturels (art. 5, al e)159−19148

a)Droit au travail (art. 5, al. e, i))164−17749

b) Droits syndicaux (art. 5, al. e, ii))17852

c) Droit au logement (art. 5, al. e, iii))179−18352

d) Droit aux soins médicaux publics et à la sécurité sociale (art. 5, al. e, iv))184−18953

e ) Droit à l’éducation et à la formation (art. 5, al. e, v))19054

f) Droit d’accès à tous les lieux et services destinés à l’usage du public (art. 5, al. f)19154

TABLE DES MATIÈRES ( suite )

Chapitre Paragraphes Page

E.Garantie de voies de recours effectives (art. 6)192−19355

F.Mesures dans les domaines de l’enseignement, de l’éducation,de la culture et de l’information (art. 7)194−23355

1.Service de lutte contre le racisme (SLR)194−20555

a) Activités du SLR194−19856

b) Fonds de projets contre le racisme et en faveur des droits humains199−20557

2.Commission fédérale contre le racisme (CFR)206−21159

3.Commission fédérale des étrangers (CFE)212−21561

4.Mesures concernant l’enseignement et l’éducation216−22162

5.Médias222−23363

a) Conseil suisse de la presse223−22464

b) Autorité indépendante d’examen des plaintes en matière de radiotélévision (AIEP)225−22765

c) Télévision suisse (SRG SSR)22865

d) Service national de coordination de la lutte contre la criminalité sur Internet (SCOCI)22965

e) Étude sur le stéréotypage d’acteurs juifs dans les médias230−23166

f) Conférences232−23367

III.PRISE DE POSITION RELATIVE AUX CONCLUSIONS DU COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATIONRACIALE DU 21 MARS 2002234−34968

A.Généralités234−24068

B.Fédéralisme (CERD/C/60/CO/14, par. 8)235−24068

C.Persistance d’attitudes hostiles envers les Noirs, les musulmans et les demandeurs d’asile (CERD/C/60/CO/14, par. 9)241−24969

D.Procédures de naturalisation (CERD/C/60/CO/14, par. 10)250−26971

1.Jugements du Tribunal fédéral250−25271

2.Modifications législatives liées aux naturalisations253−26172

3.Épreuves de langue262−26374

E.Création de classes séparées pour les élèves étrangers (CERD/C/60/CO/14, par.11)264−26975

TABLE DES MATIÈRES ( suite )

Chapitre Paragraphes Page

F.Police (CERD/C/60/CO/14, par. 12)270−27777

1.Violence policière270−27277

2.Médiateur27378

3.Recrutement de membres des groupes minoritaires dans la police27478

4.Formation et sensibilisation275−27778

G.Commission fédérale contre le racisme (CERD/C/60/CO/14, par. 13)278−27980

1.Commission fédérale contre le racisme et Service de lutte contre le racisme27880

2.Organe de protection des droits humains27980

H.Politique d’immigration (CERD/C/60/CO/14, par. 14)28080

I.Gens du voyage (CERD/C/60/CO/14, par. 15)281−31081

1.Évolutions au niveau national282−28881

2.Organisations internationales289−29283

3.Éducation293−29484

4.Interdiction du travail des enfants295−29785

5.Autorisations de pratiquer le commerce itinérant29885

6.Langue299−30186

7.Aires de séjour et de transit302−31086

a) Situation et besoins302−30686

b) Mesures déjà prises307−30988

J.Discrimination raciale dans le secteur privé (CERD/C/60/CO/14, par. 16)310−34489

1.En général311−31689

2.Emploi317−32590

3.Logement326−32992

4.Éducation330−33693

5.Santé publique337−34195

6.Accès à tous les lieux et services destinés à l’usage public342−34497

K.Article 14 de la Convention (CERD/C/60/CO/14, par. 17)34597

L.Mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban (CERD/C/60/CO/14, par. 18)346−34898

Liste des abréviations100

Introduction

1.Le 29 novembre 1994, la Suisse a adhéré à la Convention internationale de 1965 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ci‑après «la Convention»). Pour la Suisse, la Convention est entrée en vigueur le 29 décembre 1994. Conformément à l’article 9 de la Convention, les États parties s’engagent à présenter des rapports périodiques sur les mesures d’ordre législatif, judiciaire, administratif ou autre qu’ils ont arrêtées pour donner effet aux dispositions de la Convention.

2.Dans ses conclusions (CERD/C/60/CO/14), le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (ci‑après «le Comité») a recommandé à la Suisse de présenter son quatrième rapport périodique, attendu depuis le 29 décembre 2003, et son cinquième rapport périodique, attendu depuis le 29 décembre 2005, sous la forme d’un seul et même rapport (qui pourrait même englober aussi le sixième rapport périodique).

3.Le présent rapport a été établi conformément aux principes directeurs du Comité (CERD/C/70/Rev.5). Les principaux paramètres démographiques, économiques et sociaux ainsi qu’une description du système politique suisse peuvent être retrouvés dans le document de base relatif à la Suisse (HRI/CORE/Add.29/Rev.1). Le présent rapport conjoint, réunissant les quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques, couvre la période comprise entre février 2002 et avril 2006. Il fait suite aux deuxième et troisième rapports périodiques, avec rapport complémentaire (CERD/C/351/Add.2), que la délégation suisse a présentés au Comité les 4 et 5 mars 2002. Il vient actualiser et compléter les rapports présentés jusqu’ici.

4.Par souci de clarté, nous avons subdivisé le présent rapport en trois parties:

La première partie, intitulée «Informations générales», contient quelques considérations relatives à l’évolution de la structure démographique en Suisse et fournit des indications sur le développement du droit et de la politique suisses en général dans les domaines couverts par la Convention depuis la présentation des deuxième et troisième rapports;

Dans la deuxième partie, ce développement est examiné à la lumière des dispositions de la Convention et contient un commentaire actualisé des articles 2 à 7 de cet instrument;

La troisième et dernière partie est consacrée aux observations finales du Comité au sujet des deuxième et troisième rapports périodiques de la Suisse. Elle présente les observations de la Suisse relatives aux questions qui avaient préoccupé le Comité et au sujet desquelles il avait demandé des informations complémentaires.

5.Le présent rapport a été conçu et rédigé par la Direction du droit international public. Les offices concernés ont été consultés dans le cadre de la procédure de consultation des offices. La Commission fédérale contre le racisme, la Commission fédérale des étrangers ainsi que certains organismes indépendants ont également été invités à donner leur avis.

6.Le rapport est publié en français, en allemand et en italien. Il pourra être consulté sur le site Internet du Département fédéral des affaires étrangères.

I. PREMIÈRE PARTIE: INFORMATIONS GÉNÉRALES

A. Remarque liminaire

7.Le présent chapitre contient d’abord une présentation succincte de l’évolution de la population résidant en Suisse depuis la présentation des deuxième et troisième rapports périodiques. Par ailleurs, il fournit de premières indications générales sur le développement du droit interne depuis lors, et donne un aperçu de la politique menée actuellement par les autorités suisses pour lutter contre toutes les formes de discrimination raciale.

B . Évolution de la structure démographique

1. Population étrangère résidente

8.À la fin de l’année 2004, le nombre de personnes résidant en Suisse à titre permanent était de 7 415 102, dont 20,6 % n’avaient pas la nationalité suisse. En 2004, la population étrangère résidant en Suisse à titre permanent a augmenté de 23 756 (1,6 %) par rapport à l’année précédente, pour atteindre1 524 663 personnes. Relevons que la part des titulaires d’un permis de courte durée (au plus douze mois) a augmenté de 57 %, alors que la part des étrangers établis est restée pratiquement stable. La proportion entre hommes et femmes dans la population étrangère était de 53 % d’hommes pour 47 % de femmes.

Tableau 1: Population résidente permanente étrangère, par nationalité, 2001-2004

Nationalité

2001

2002

2003

2004

en %

Italie

315 619

309 913

305 371

301 736

19,8

Serbie ‑et ‑Monténégro

195 436

198 700

200 349

199 739

13,1

Portugal

136 135

141 696

150 448

160 249

10,5

Allemagne

117 656

126 048

134 681

145 967

9,6

Turquie

79 990

79 330

78 120

77 058

5,0

Espagne

81 806

79 729

77 578

75 085

4,9

France

63 329

65 113

66 917

68 850

4,5

Macédoine

58 549

59 926

60 676

61 008

4,0

Bosnie ‑Herzégovine

45 913

46 138

45 554

44 872

2,9

Croatie

44 035

43 510

42 852

41 908

2,7

Autres

305 739

323 459

334 952

348 191

22,8

Source: Office fédéral de la statistique, Statistique de la population résidente de nationalité étrangère (PETRA), au 31 décembre.

Tableau 2: Origine, par continent

Continent

2001

2002

2003

2004

en %

Europe

1 272 457

1 288 587

1 304 169

1 321 981

86,7  

dont États de l’UE/AELE

(833 515)

(844 828)

(859 489)

(879 153)

(57,6) 

Afrique

38 785

41 676

44 326

46 578

3,0  

Amérique

53 268

55 875

57 560

59 325

3,9  

Asie

79 609

87 260

91 369

93 275

6,1  

Australie, Océanie

3 180

3 317

3 259

3 278

0,2  

Apatrides ou origine inconnue

254

251

224

226

0,02

Total

1 447 553

1 476 966

1 500 907

1 524 663

Source: Office fédéral de la statistique, Statistique de la population résidente de nationalité étrangère (PETRA), au 31 décembre.

2. Immigration

a) Immigration, par nationalité

9.En 2004, le nombre total des immigrants étrangers a de nouveau connu une légère augmentation par rapport à l’année précédente. Si l’on tient compte de toutes les autorisations de séjour octroyées en vertu de la législation sur les étrangers, le nombre des immigrants étrangers a tendance à augmenter depuis 1995, à l’exception des années 1997, 2000 et 2003, qui se sont soldées par de légers reculs.

Tableau 3a : Immigration, par nationalité

Immigrants, par nationalité

2000

2001

2002

2003

2004

Europe

Allemagne

12 011

14 121

15 574

15 133

18 221

Portugal

4 311

4 347

9 005

12 228

13 539

Ex ‑Yougoslavie

9 868

11 628

11 609

9 705

8 906

France

6 365

6 491

6 936

6 865

6 936

Italie

4 541

4 625

5 961

5 820

5 859

Royaume ‑Uni

3 631

3 948

3 248

2 980

3 069

Turquie

2 403

2 858

3 063

2 806

2 467

Autriche

1 887

2 350

2 629

2 046

2 273

Espagne

1 490

1 540

1 833

1 819

1 752

Pays ‑Bas

1 215

1 322

1 209

1 100

1 137

Autres États européens

9 171

10 348

9 481

8 776

9 050

Autres continents

2000

2001

2002

2003

2004

Asie

11 535

18 189

16 486

12 911

11 569

Amérique

9 764

10 750

10 604

9 697

9 582

Afrique

5 158

6 265

6 536

6 254

5 800

Australie, Océanie

824

943

814

652

637

Apatrides ou origine inconnue

26

21

26

20

37

Total

84 200

99 746

105 014

98 812

100 834

Source: Office fédéral de la statistique, Statistique de la population résidente de nationalité étrangère (PETRA). Sans les titulaires d’un permis de courte durée et sans les personnes séjournant en Suisse en vertu du droit d’asile.

b) Motifs d’immigration

10.La tendance à une profonde mutation des motifs d’immigration constatée depuis le début des années 90 s’est confirmée une nouvelle fois en 2004: à peine un tiers (31,7 %) des immigrants de longue durée sont arrivés en Suisse dans le cadre des contingents de travailleurs étrangers. Dans 40,3 % des cas, l’entrée en Suisse était due à des raisons familiales (regroupement familial, mariage avec un(e) citoyen(ne) suisse). La part des personnes arrivées en Suisse pour un séjour de plusieurs années par rapport au nombre total des immigrés était de 36,9 % en 2004. Cette même année, les personnes arrivées dans notre pays pour un séjour de courte durée étaient en majorité (55,4 %). En 2004 toujours, les étrangers entrés en Suisse en vertu de la législation sur l’asile ne représentaient plus que 7,7 %.

Tableau  3b : Immigration en 2004, par motif d’immigration

Immigration en 2004, par motif d’immigration − Total

en %

Regroupement familial

38 836

40,3

Étrangers avec activité lucrative contingentée

30 487

31,7

Étrangers avec activité lucrative non contingentée

3 633

3,8

Étrangers sans activité lucrative

4 765

4,9

Retours en Suisse

148

0,2

Formation et perfectionnement professionnels

13 003

13,5

Réfugiés reconnus

1 007

1,0

Cas de rigueur

3 344

3,5

Autres entrées en Suisse

1 047

1,1

Total

96 270

100 %

Source: Office fédéral des migrations.

3. Asile

11.En 2004, le nombre des nouvelles demandes d’asile a diminué en Suisse de façon plus marquée que dans le reste de l’Europe. Si l’on a enregistré une baisse généralisée des requêtes en Europe occidentale, cette tendance a été encore plus marquée en Suisse où la réduction par rapport à l’année précédente a atteint 32,3 %. Le nombre de 14 248 nouvelles requêtes présentées était le plus bas depuis 1987. L’Europe du Sud‑Est est toujours la région dont proviennent le plus de requérants d’asile, devant la Communauté des États indépendants, qui occupe la deuxième place depuis quelque temps déjà. Les requérants originaires d’Afrique occidentale, par contre, sont beaucoup moins nombreux qu’il y a quelques années.

Tableau 4: Personnes relevant du domaine de l’asile, par nationalité

Personnes relevant du domaine de l’asile, par nationalité (au 31 décembre, par millier de personnes)

2001

2002

2003

2004

Total

65,7

66,5

64,6

55,1

Serbie ‑et ‑Monténégro

17,0

15,3

13,4

11,4

Bosnie ‑Herzégovine

5,5

5,6

5,0

4,0

Turquie

3,6

4,0

3,8

3,2

Sri Lanka

9,7

5,6

3,9

3,0

Somalie

4,3

3,9

3,8

4,0

Iraq

3,0

3,1

3,8

3,7

Angola

2,8

3,3

3,2

2,9

Éthiopie

1,4

1,6

1,8

1,7

Algérie

1,1

1,5

1,6

1,1

Iran

1,1

1,2

1,2

1,2

Source: Office fédéral de la statistique, Statistique de la population résidente de nationalité étrangère (PETRA), à l’exclusion des réfugiés reconnus.

12.À la fin de l’année 2004, 79 374 personnes vivaient en Suisse au bénéfice d’un titre de séjour relevant du domaine de l’asile. 30,6 % d’entre elles avaient le statut de réfugié, 29,5 % avaient été admises à titre provisoire, et 17,9 % faisaient l’objet d’une procédure d’exécution après avoir obtenu une décision définitive. Pour le reste, 6 251 requêtes étaient en suspens en première instance et 11 214 demandes tranchées en première instance n’étaient pas encore entrées en force (22 % des personnes dans le domaine de l’asile).

13.En 2004, 19 157 demandes ont été tranchées en première instance, soit 29,9 % de moins qu’en 2003. L’entrée en matière a été refusée dans 5 193 cas. En 2004, le pourcentage des demandes d’asile acceptées était de 9,2 %. Cette même année, les personnes qui ont quitté le domaine de l’asile étaient plus nombreuses que celles qui y sont entrées. Parmi cette première catégorie de personnes on trouve, d’une part, celles qui, de leur plein gré ou de manière contrôlée, ont quitté la Suisse pour leur pays d’origine ou pour un pays tiers une fois leur procédure d’asile close et, d’autre part, les personnes ayant abandonné la procédure d’asile après une décision de non‑entrée en matière. 1 143 personnes sont en outre passées de la compétence de la Confédération à celle des cantons.

14.La tendance à une diminution des nouvelles demandes d’asile, amorcée en juin 2004, lorsque le nombre des nouvelles requêtes s’est mis à baisser mois après mois, s’est poursuivi en 2005 pour atteindre le creux de la vague en février (674 demandes d’asile). Les mois suivants, les demandes d’asile se sont de nouveau multipliées, pour atteindre 892 en août 2005. À fin août, on comptait alors au total 73 379 personnes enregistrées dans le domaine de l’asile. La procédure de première instance était encore en cours dans le cas de 5 214 personnes.

4. Minorités linguistiques

15.Les langues principales les plus parlées dans notre pays restent l’allemand (63,7 %), le français (20,4 %), l’italien (6,5 %) et le romanche (0,5 %). La part des autres langues est de 8,9 %. En comparaison avec 1990, cette répartition des quatre langues nationales est restée pratiquement stable. Ce qui a changé, c’est que le nombre des personnes parlant le serbe, le croate, l’albanais, le portugais, l’espagnol, l’anglais ou le turc est aujourd’hui nettement plus grand que celui des personnes parlant le romanche.

16.Contrairement à la répartition des langues nationales, celle des autres langues a évolué. Bien que leur part soit également restée pratiquement stable dans l’ensemble, les langues slaves ont gagné du terrain aux dépens des langues d’origine latine: 1,4 % de la population parle ainsi une langue slave de l’ex‑Yougoslavie, 1,3 % l’albanais, 1,2 % le portugais, 1,1 % l’espagnol, 1 % l’anglais et 2,9 % une autre langue. Une grande majorité des étrangers maîtrisent cependant une des langues nationales et l’utilisent comme langue principale.

5. Minorités religieuses

17.Les personnes de confession catholique romaine (41,8 %) et évangélique réformée (33,0 %) constituent toujours les deux principaux groupes religieux de Suisse. Dans les années 90, l’appartenance religieuse a été marquée par deux tendances très nettes: l’augmentation frappante de la proportion des personnes n’appartenant plus à aucune communauté religieuse (de 7,4 % à 11,1 %) et la progression des communautés religieuses chrétienne orthodoxe et musulmane.

18.Le nombre des musulmans, en particulier, a plus que doublé en dix ans, puisqu’il est passé de 152 200 à  310 800 personnes (4,3 % de la population résidente). La rapidité de cette progression s’explique avant tout par les flux migratoires en provenance du Kosovo, de Bosnie‑Herzégovine, de l’ex‑République yougoslave de Macédoine et de Turquie. Les immigrants originaires de Serbie, du Monténégro, de Bosnie‑Herzégovine, de l’ex‑République yougoslave de Macédoine et d’autres pays d’Europe centrale ou orientale sont également venus renforcer considérablement les communautés religieuses chrétiennes orthodoxes. Elles comptent aujourd’hui plus de 130 000 personnes (1,8 %) et ont ainsi avancé au rang de troisième confession chrétienne. La part représentée par les communautés religieuses israélites (0,2 %) est en revanche restée constante.

6. Minorités ethniques

19.Dans son rapport d’expertise consacré à l’aménagement du territoire et au statut juridique des gens du voyage, publié en 2001, la fondation «Assurer l’avenir des gens du voyage suisses» estime le nombre des personnes appartenant à ce groupe de population en Suisse à environ 35 000, dont 3 000 à peu près auraient conservé leur mode de vie nomade.

C. Bases constitutionnelles et législatives

20.Les bases générales d’ordre constitutionnel ou législatif destinées à lutter contre le racisme ont été décrites dans les rapports précédents (CERD/C/351/Add.2 et HRI/CORE/Add.29/Rev.1). Dans le chapitre suivant, nous ne ferons donc mention que des bases constitutionnelles ou législatives qui ont été révisées ou qui sont entrées en vigueur dans l’intervalle. Dans la mesure où ils sont pertinents, ces instruments seront éclairés de plus près dans la deuxième ou dans la troisième partie du présent rapport.

1. Signature et ratification de conventions internationales

a) Conventions internationales de l’Organisation des Nations Unies

21.Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, est entré en vigueur pour la Suisse le 26 juillet 2002.

22.Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, a été signé le 7 septembre 2000. Avant que le Parlement puisse approuver sa ratification, il a fallu adapter les dispositions pénales régissant le crime de traite d’êtres humains (art. 182 P‑CP) aux normes internationales en élargissant la définition de l’infraction.

23.Le 25 juin 2004, la Suisse a signé le Protocole facultatif du 18 décembre 2002 se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Cet instrument vise à accroître la protection des personnes emprisonnées ou détenues au moyen de visites et de contrôles par des autorités de surveillance indépendantes, nationales ou internationales. Si la procédure de consultation dont a fait l’objet le projet de ratification du Protocole facultatif est close, l’analyse des résultats n’est pas encore terminée. Il est prévu que le message relatif à la ratification du Protocole et aux dispositions législatives nécessaires à sa mise en œuvre soit soumis au Parlement avant la fin de l’année.

24.Les deux Protocoles additionnels à la Convention internationale contre la criminalité transnationale organisée, que la Suisse a signés le 2 avril 2002, sont prêts à être soumis au Parlement:

Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants; il s’agit là d’un instrument de lutte contre le trafic d’êtres humains en vue de leur exploitation, qui vise tout spécialement la traite des femmes et des enfants.

Protocole additionnel contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer; en vertu de ses dispositions, les États sont tenus de poursuivre pénalement le trafic de migrants en vue de leur exploitation de même que la fabrication ou la mise à disposition de documents falsifiés.

25.Dans le Programme de la législature, la ratification du Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) est prévue avant 2007. Elle est donc en préparation.

b) Conventions régionales relatives aux droits humains

26.Le Protocole no 13 de 2002 à la Convention de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales (CEDH), relatif à l’abolition de la peine de mort en toutes circonstances, a été ratifié par la Suisse le 3 mai 2002. Il est entré en vigueur pour la Suisse le 1er juillet 2003.

27.Le 9 octobre 2003, le Conseil fédéral a signé le Protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité. La Suisse a la conviction que la pénalisation des actes de nature raciste ou xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques doit être internationalisée. Les États membres du Conseil de l’Europe ont jugé ce protocole additionnel nécessaire aux fins de normaliser la lutte contre ce type de criminalité. En conséquence, un Service national de coordination de la lutte contre la criminalité sur Internet (SCOCI) a été créé au Département fédéral de justice et police (DFJP). Cet organisme est un point de contact central pour les personnes souhaitant signaler l’existence de sites à contenu raciste.

c) Révision de la Constitution fédérale ( Cst .)

28.Dans le contexte de la révision de la Constitution, le Gouvernement suisse avait préparé un train de réformes impliquant une refonte des droits populaires. Ce projet, qui visait à éliminer les lacunes qu’accusaient ces derniers, a toutefois été rejeté par le Parlement, qui ne voulait pas que l’extension prévue de la démocratie directe soit liée à une augmentation du nombre des signatures requises pour l’exercice du droit de référendum et d’initiative populaire. Le Parlement a néanmoins repris les propositions du Gouvernement qui lui paraissaient acceptables et les a refondues dans les deux réformes suivantes:

29.Le 1er août 2003, les dispositions d’élargissement du référendum en matière de traités internationaux sont entrées en vigueur. Jusqu’alors, les traités internationaux étaient sujets au référendum dans quatre cas: si leur durée était indéterminée et s’ils n’étaient pas dénonçables, s’ils prévoyaient l’adhésion à une organisation internationale, s’ils entraînaient une unification multilatérale du droit ou si l’Assemblée fédérale décidait spontanément de les y soumettre. Selon l’article 141 (par. 1 d, al. 3), sont désormais aussi sujets au référendum les traités internationaux qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en œuvre exige l’adoption de lois fédérales.

30.D’autre part, l’introduction de l’initiative populaire générale a été acceptée par le peuple et les cantons le 9 février 2003. Cette modification implique une extension du droit d’initiative dans ce sens que les citoyens pourront désormais aussi proposer des modifications législatives. L’article 139 a de la Constitution fédérale, qui prévoit ce droit d’initiative, n’est toutefois pas encore entré en vigueur.

2. Modifications de la législation pénale

a) Code pénal

31.La partie générale du Code pénalsuisse (CP) a fait l’objet d’une révision, qui a consisté essentiellement en une refonte du système de sanctions et qui entrera en vigueur au 1er janvier 2007. L’article 386 du Code pénal, qui avait d’abord été intégré dans la révision de la partie générale, est entré en vigueur par anticipation, au 1er janvier 2006. Cette disposition prévoit l’adoption de mesures préventives visant à éviter les infractions et à prévenir la délinquance. Elle sert de base légale à la création et au soutien d’organisations prenant des mesures de ce type. Le Conseil fédéral a décidé l’entrée en vigueur de cette disposition par anticipation pour manifester expressément son soutien aux projets contre le racisme.

32.Depuis le 1er avril 2004, les violences physiques ou sexuelles dans les couples, mariés ou non, hétérosexuels ou homosexuels, sont poursuivies d’office et non plus seulement sur plainte. Les modifications apportées au Code pénal ont pour effet que les actes de contrainte sexuelle et les viols sont désormais des infractions poursuivies d’office même s’ils ont été commis à l’intérieur d’un couple, à l’encontre d’un conjoint ou d’un partenaire.

33.Soucieux d’adapter les moyens et les instruments permettant de maintenir la sûreté intérieure aux nouvelles formes de menaces, le Département fédéral de justice et police (DFJP) a accéléré la révision des bases légales pertinentes, répondant ainsi à différentes interventions parlementaires. Une révision partielle de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI I, II) est ainsi en cours, de même que l’adjonction d’une disposition supplémentaire au Code pénal destinée à renforcer la lutte contre le racisme par une interdiction d’emblèmes racistes.

b) Procédure pénale

34.Le Code de procédure pénale fédéral, qui devrait un jour remplacer les 26 codes de procédure pénale cantonaux ainsi que la procédure pénale fédérale, est en préparation. À la faveur de la procédure de consultation, les avant‑projets de code de procédure pénale suisse et de nouvelle loi fédérale régissant la procédure pénale applicable aux mineurs ont été bien accueillis dans l’ensemble. Se fondant sur ces résultats, le DFJP a rédigé un message relatif à l’unification des normes de procédure pénale qui a été approuvé par le Conseil fédéral et qui sera soumis au Parlement sous peu. Étant donné la complexité du projet, son entrée en vigueur ne doit toutefois pas être attendue avant 2010.

c) Introduction d’une loi fédérale sur l’investigation secrète

35.La loi fédérale sur l’investigation secrète (LFIS) est entrée en vigueur le 1er janvier 2005. Elle régit de façon très claire et uniforme le recours aux services d’agents infiltrés en Suisse et s’applique aux procédures pénales de la Confédération et des cantons.

3. Modifications du droit c ivil

36.La procédure civile n’est pas encore régie au niveau fédéral, mais fait l’objet, pour l’essentiel, de codes de procédure cantonaux. Conformément à l’article 122 de la Constitution fédérale, l’organisation judiciaire, la procédure et l’administration de la justice en matière de droit civil sont toujours du ressort des cantons. Seule la procédure devant les autorités judiciaires fédérales est régie par la législation fédérale. Bien qu’ayant été acceptée par le peuple dans le contexte de la réforme de la justice, la modification de l’article 122 de la Constitution fédérale nécessaire à une unification de la procédure civile n’est pas encore entrée en vigueur. Se fondant sur l’avant‑projet de procédure civile unifiée qui avait été conçu par une commission d’experts ainsi que sur les résultats de la procédure de consultation, le DFJP a préparé un message, dont le Parlement a commencé à débattre au printemps 2006. L’unification garantira aux personnes saisissant une instance civile qu’elles seront traitées selon les mêmes règles dans toute la Suisse.

4. Modifications du droit public

a) Révision partielle de la loi sur l’asile

37.Le 4 septembre 2002, le Gouvernement suisse a adopté le message concernant la révision partielle de la loi sur l’asile. Les propositions présentées dans le projet de révision sont inspirées des premières expériences faites avec la nouvelle loi, en vigueur depuis le 1er octobre 1999, de la récente jurisprudence internationale, ainsi que des mesures proposées en mars 2000 par le groupe de travail «Financement dans le domaine de l’asile» en vue de l’introduction de nouvelles incitations financières. Les principaux éléments de la révision sont les nouvelles réglementations sur l’État tiers, la procédure d’asile et les possibilités de recours aux centres d’enregistrement et aux aéroports, le statut juridique des personnes admises à titre provisoire, le nouveau système de financement ainsi que les modifications dans les domaines de la santé et des assurances sociales.

38.Le Parlement a adopté la révision partielle de la loi sur l’asile par son vote final du 16 décembre 2005. Les principales modifications que les Chambres fédérales ont apportées au projet présenté par le Gouvernement suisse sont les suivantes:

Extension de la mesure de suppression de l’aide sociale à toutes les personnes dont la demande d’asile a été rejetée;

Prolongation de la durée maximale de la détention en vue du renvoi de neuf à dix‑huit mois; pour les jeunes entre 15 et 18 ans, la durée maximale est de douze mois;

Les mesures d’assignation à un lieu de séjour et d’interdiction de pénétrer dans un lieu déterminé pourront désormais aussi être prises en cas de non‑respect du délai de départ;

Une mesure de rétention d’une durée de trois jours au maximum sera possible à des fins d’établissement de l’identité (par exemple pour amener une personne à l’ambassade afin de lui procurer les papiers nécessaires). Cette mesure permet d’harmoniser les pratiques cantonales;

Extension du motif de non‑entrée en matière pour non‑remise de documents de voyage ou d’identité: si le demandeur ne fournit pas un passeport ou une carte d’identité, l’entrée en matière est refusée, sauf s’il existe une explication valable à l’absence de papiers, si la qualité de réfugié est manifeste ou si une prise de renseignements s’impose;

Introduction d’émoluments pour l’engagement d’une procédure de réexamen ou pour la présentation d’une deuxième demande;

Introduction de la détention pour insoumission d’une durée maximale de dix‑huit mois. Cette mesure a pour but de faire respecter l’obligation de quitter la Suisse. Elle vient s’ajouter à la détention en vue du refoulement lorsque le départ est possible, légal, et qu’il peut raisonnablement être exigé, mais que la personne s’y refuse;

Nouvelle possibilité pour les cantons d’accorder des autorisations de séjour pour des raisons humanitaires aux (anciens) requérants d’asile séjournant en Suisse depuis cinq ans au moins;

Le Conseil fédéral pourra désormais collaborer étroitement avec les pays d’origine et de transit des requérants d’asile afin de lutter contre la migration illégale et d’encourager le retour des personnes faisant l’objet d’une décision de renvoi.

39.Toutes ces mesures, qui tiennent compte des requêtes urgentes des cantons et de la population, sont conformes à la Constitution et au droit international public. Elles permettront aux cantons et à la Confédération de réaliser des économies substantielles sans pour autant porter atteinte aux fondements du droit d’asile, institué pour offrir protection aux personnes persécutées. On en attend une amélioration de la situation dans la mesure où la Suisse ne sera plus aussi attrayante que par le passé pour les étrangers qui cherchent asile dans notre pays sans motif valable.

40.La décision du Conseil des États de supprimer l’aide d’urgence aux requérants d’asile qui sont l’objet d’une décision négative définitive a de nouveau été rejetée au fil de la procédure d’élimination des divergences entre les deux Conseils. Appelé à se prononcer sur la question, le Tribunal fédéral a estimé le 18 mars 2005 que l’exclusion des demandeurs d’asile déboutés de l’aide d’urgence était anticonstitutionnelle. Il a jugé que les cantons continuaient de devoir satisfaire aux besoins fondamentaux de ces personnes tels que l’alimentation, l’hébergement, l’habillement ou les soins médicaux de base. Les cantons sont en revanche libres de décider de la manière dont ils entendent fournir ces moyens indispensables à une existence digne. La Conférence des directeurs cantonaux des affaires sociales a émis des recommandations à cet effet afin d’assurer que les prestations sont fournies selon des critères uniformes dans toute la Suisse.

41.La demande de référendum contre la révision partielle de la loi sur l’asile ayant abouti, la votation populaire a eu lieu le 24 septembre 2006. La population suisse et l’ensemble des cantons ont alors approuvé la version révisée de la loi sur l’asile avec 68 % environ de oui.

b) Révision totale de la loi fédérale sur les étrangers ( LEtr )

42.La loi sur le séjour et l’établissement des étrangers (LSEE) en vigueur jusqu’à présent ne suffit plus aux exigences auxquelles une législation sur les étrangers doit satisfaire dans un état de droit respectueux de sa Constitution. Dans le domaine de l’immigration, certaines normes essentielles ne sont fixées qu’au niveau réglementaire, ce qui les soustrait au contrôle démocratique par le Parlement. La question de l’intégration des immigrants, dont on s’est longtemps désintéressé, n’est guère régie par la loi. Sans compter que certains abus récents comme le problème des passeurs ne peuvent pas être combattus de manière suffisamment efficace au moyen de la législation en vigueur.

43.Soucieuses de remédier à ces lacunes, les Chambres fédérales ont adopté la révision totale de la législation sur les étrangers à une forte majorité durant la session d’hiver 2005. Le système binaire d’admission sera désormais régi au niveau de la loi. Contrairement à la libre circulation des personnes existant entre la Suisse et les États membres de l’Union européenne (UE) et de l’Association européenne de libre‑échange (AELE) depuis 2002, seules des personnes hautement qualifiées sont admises en provenance des États tiers. Cette restriction ne s’applique pas au regroupement familial, aux séjours de perfectionnement et aux admissions pour des raisons humanitaires. C’est en outre la première fois qu’une législation sur les étrangers contient des dispositions détaillées relatives aux efforts d’intégration de la Confédération. On souhaite aussi améliorer la situation des étrangers dont le séjour en Suisse est conforme à la loi. Les personnes qui s’efforcent activement de s’intégrer pourront désormais obtenir une autorisation d’établissement après cinq ans (et non plus dix). La criminalité et les abus de la législation sur les étrangers pourront être prévenus plus efficacement et punis plus sévèrement. Des mesures particulières sont prévues notamment contre les passeurs, contre le travail au noir ou contre les mariages blancs.

44.La demande de référendum contre ce texte de loi adopté a également abouti. Le 24 septembre 2006, le projet a ainsi été approuvé par le peuple suisse et la totalité des cantons, avec quelque 68 % de voix favorables.

c) Autres révisions dans le domaine de la législation sur les étrangers et sur l’asile

45.Pour ce qui est de l’ordonnance sur l’intégration des étrangers (OIE), partiellement révisée, voir les paragraphes 74 à 78 ci‑dessous.

46.La nouvelle loi fédérale sur la formation professionnelle, incluant une révision partielle de la LSEE, a pour but d’améliorer durablement l’intégration professionnelle des jeunes étrangers. Selon la LSEE, le Conseil fédéral fixe les critères d’octroi et les modalités d’application de l’autorisation de séjour accordée au titre du regroupement familial aux enfants célibataires de moins de 18 ans dont les parents, venant d’un État qui n’est membre ni de l’UE ni de l’AELE, sont titulaires d’une autorisation de séjour, de manière à garantir dans chaque cas la formation professionnelle de base de l’enfant. Cela signifie que les enfants doivent, dans toute la mesure possible, arriver en Suisse avant qu’ils ne soient trop âgés pour suivre une formation professionnelle de base. C’est entre autres pour cela que la loi sur les étrangers prévoit un délai de douze mois pour le regroupement familial lorsqu’il s’agit de faire venir en Suisse des enfants de plus de 12 ans. En accélérant ainsi le regroupement familial, on cherche à assurer qu’ils pourront suivre une formation professionnelle en Suisse, ce qui revient à jeter les bases de leur intégration professionnelle.

47.En ce qui concerne les révisions prévues de la loi sur la nationalité, voir les paragraphes 253 à 261 ci‑dessous.

48.À l’heure actuelle, la loi fédérale sur l’usage de la contrainte dans les domaines du droit des étrangers et des transports ordonnés par une autorité fédéraleest sur le point d’être adoptée. On souhaite en effet que l’usage de la contrainte par la police dans le contexte du renvoi d’étrangers soit régi par des règles claires et uniformes (voir par. 131 ci‑dessous).

d) Autres révisions dans le domaine du droit public

49.En complément des deuxième et troisième rapports, nous tenons à relever l’évolution de la situation en ce qui concerne la loi fédérale sur la transparence de l’administration (CERD/C/351/Add.2, par. 188). Cette nouvelle loi vient en effet renverser le principe du secret en conférant à tous les citoyens le droit d’accéder aux documents officiels sans exiger d’eux qu’ils attestent d’un intérêt particulier. Le principe de la transparence n’est toutefois pas absolu et peut, dans certains cas énumérés de façon exhaustive dans la loi, être restreint pour protéger des intérêts publics ou privés. Cette nouvelle loi entrera en vigueur le 1er juillet 2006.

50.Lors de sa séance du 28 avril 2004, le Gouvernement suisse a décidé de renoncer à présenter au Parlement un projet de loi fédérale sur les langues nationales et l’entente entre les communautés linguistiques. Il est en effet convaincu que la Confédération dispose déjà des instruments nécessaires pour atteindre les objectifs fixés dans la loi sur les langues. Des interventions parlementaires demandant la réintroduction de la loi sur les langues dans le Programme de la législature sont toutefois en préparation.

5. Réformes de constitutions cantonales

51.D’autres cantons ont mené à bien des révisions totales de leur constitution depuis le dernier rapport.

52.Les constitutions des cantons de Vaud (art. 10), Schaffhouse (art. 11), Fribourg (art. 9), Zurich (art. 11) et Bâle (art. 8) contiennent maintenant des dispositions interdisant clairement toute discrimination. Dans les nouvelles constitutions des cantons de Saint‑Gall (art. 2) et des Grisons (art. 7), les droits fondamentaux − déjà garantis par la Constitution fédérale − sont simplement énumérés, sans autre précision.

D. Politique générale de lutte contre la discrimination raciale

1. Remarques générales

53.Pour la Suisse, 2002 a été l’année de son admission en tant que 190e Membre de l’ONU. Ce nouveau statut permettra à la Suisse non seulement de poursuivre sa tradition humanitaire, mais aussi de donner plus de poids à son engagement en faveur des droits humains en général et à sa lutte contre le racisme en particulier. Depuis la ratification de la Convention, le 29 décembre 1994, la reconnaissance de la procédure de communication individuelle conformément à l’article 14 de la Convention en juin 2003, l’adoption de la norme antiraciste (en vigueur depuis le 1er janvier 1995), de nombreux objectifs ont pu être atteints. D’autres efforts − il n’y a aucun doute à ce sujet − doivent néanmoins encore être entrepris dans ce domaine.

54.Le Gouvernement suisse considère son engagement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie comme une tâche permanente. Pour preuve de cette position, il a récemment décidé de reconduire le budget dont est doté le Service de lutte contre le racisme (SLR) pour le financement de projets à long terme (voir infra,par. 278 et 279). Le Gouvernement réaffirme ainsi sa conviction selon laquelle l’État ne peut pas laisser des organismes privés ou semi‑privés lutter seuls contre le racisme, mais doit lui‑même jouer un rôle important dans sa prévention.

55.Dans de nombreuses réponses à des interventions parlementaires, le Conseil fédéral a montré à quel point il était sensible aux questions touchant au racisme, à l’antisémitisme et à la xénophobie. Dans sa réponse à une motion demandant la suppression de la norme pénale antiraciste, il a ainsi réaffirmé devant le Conseil national sa conviction que la loi doit sanctionner celui qui, publiquement, aura incité à la haine ou à la discrimination envers des personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse, celui qui les aura abaissées d’une façon qui porte atteinte à la dignité humaine ou qui leur aura refusé une prestation destinée à l’usage public, de même que tous ceux qui propagent une idéologie raciste. Il a aussi rappelé que la liberté d’expression n’était pas absolue, qu’elle pouvait se heurter à des limites, notamment lorsqu’il s’agit de protéger la dignité ou l’honneur d’autrui. De l’avis du Conseil fédéral, il ne saurait être question d’abroger les articles 261 bis du Code pénal et 171c du Code pénal militaire, notamment parce qu’ils sont l’expression concrète des efforts entrepris par la Suisse pour répondre à ses engagements aux termes de la Convention.

2. Minorités nationales

a) Minorités linguistiques

56.Nous renvoyons ici aux deuxième et troisième rapports périodiques présentés par la Suisse au Comité (CERD/C/351/Add.2, par. 45 et suiv.).

b) Minorités religieuses

57.La multiplication généralisée des actes d’intolérance à l’égard de membres des communautés musulmanes de Suisse a été frappante durant la période sous rapport. Dans le contexte de la campagne qui a précédé la votation sur les naturalisations facilitées, notamment, la Commission fédérale des étrangers (CFE) a dénoncé à plusieurs reprises des annonces passées dans la presse écrite par certains milieux de droite, estimant qu’elles étaient diffamatoires à l’égard de la communauté musulmane.

58.Le 30 septembre 2004, des députés au Parlement ont déposé une interpellation dans laquelle ils demandaient au Conseil fédéral s’il considérait que l’islamisme radical représentait une menace pour la Suisse. Dans sa réponse, le Conseil fédéral a souligné qu’il faisait une distinction claire entre islam et islamisme, entre religion et idéologie. Il a ajouté qu’il n’était pas d’avis que l’islam était une religion qui incitait de manière générale à la violence et qui n’était pas pacifique.

59.Au début de l’année 2005, les actes à caractère antisémite se sont multipliés dans différentes régions de Suisse. À Lugano, à Genève et sur la Riviera vaudoise, des lieux sacrés et des symboles rappelant la Shoah ont été profanés. Durant la période couverte par le rapport, le conflit au Proche‑Orient a été très présent dans les médias. Il est arrivé, ça et là, que la presse se fasse l’écho de voix antisémites ou pouvant susciter l’antisémitisme. Le regard porté par les journalistes sur les événements en Israël a été perçu comme de plus en plus tendancieux par la communauté juive.

60.En réaction aux incendies criminels qui ont visé la synagogue et un commerce juif de Lugano le 14 mars 2005, le Président de la Confédération a condamné sans réserve toutes les formes d’antisémitisme et a assuré à toutes les personnes de confession juive vivant en Suisse que l’État ferait tout ce qui est en son pouvoir pour les protéger de tels actes. Le 17 mars 2005, la délégation suisse a également condamné ces infractions devant le Conseil permanent de l’OSCE, tout en soulignant que l’intolérance et la discrimination étaient des problèmes de société que la Suisse se devait de prendre au sérieux.

61.Le 27 janvier 2004, la Journée de la mémoire de l’ Holocauste et de la prévention des crimes contre l’humanité a été commémorée pour la première fois dans les écoles suisses. Sur proposition du Conseil de l’Europe, le souvenir de l’Holocauste mais aussi d’autres génocides qui ont marqué l’histoire de l’Europe au cours du siècle dernier sera célébré dans les États membres ce même jour. Le but de cette Journée est de promouvoir le respect de l’autre, les droits humains, l’engagement contre le racisme et l’antisémitisme, ainsi que le dialogue interculturel et le dialogue interreligieux.

62.En 2004, le Groupe de travail suisse de la «Task Force on International Cooper a tion on  Holocaust Education , Remembrance and Research» (ITF) a été créé à l’initiative du Centre d’analyse et de prospective (CAP) du Département fédéral des affaires étrangères. La Task Force avait vu le jour à l’occasion du Forum international sur la Shoah, qui s’était tenu à Stockholm en janvier 2000. Dix‑huit États avaient alors signé la Déclaration de Stockholm, s’engageant notamment à promouvoir la recherche sur la Shoah. La Suisse s’est ralliée à cette déclaration et a promis de verser une contribution annuelle. Le Groupe de travail suisse se compose de représentants d’organisations et institutions intéressées et bénéficie d’un large soutien dans la communauté juive. Il assure l’interface entre le travail fondamental de l’ITF et les projets concrets réalisés en Suisse.

63.En réaction au malaise croissant éprouvé face à la présentation jugée polémique du conflit au Proche‑Orient dans les médias, la Fédération suisse des communautés israélites a, en 2002, créé un centre d’observation des médias. En mars 2004, une étude portant sur le stéréotypage d’acteurs juifs dans les médias, commandée par l’Anti Defamation League (ADL), Bnai Brith Zurich, et réalisée par des spécialistes des médias, a été présentée (voir infra, par. 230).

c) Gens du voyage

64.La situation des gens du voyage est présentée plus en détail (infra, par. 281 à 288 ) dans les observations relatives au paragraphe 15 des conclusions du Comité sur la présentation des rapports précédents de la Suisse (CERD/C/60/CO/14).

3. Population étrangère

a) Politique de migration

65.Avec l’arrivée dans l’Union européenne de 10 nouveaux membres au 1er mai 2004, l’application des accords bilatéraux conclus entre la Suisse et l’Union européenne a automatiquement été étendue aux nouveaux États membres. L’accord sur la libre circulation des personnes fait exception à cette règle puisque des adaptations ont dû être négociées avec l’UE. L’immigration a ainsi été restreinte sous la forme d’un protocole prévoyant l’introduction contrôlée et progressive de la libre circulation des personnes avec les nouveaux États de l’Union européenne (régime transitoire jusqu’en 2011). On pourra donc contrôler et limiter l’immigration au moyen de réglementations transitoires appropriées, comme on le fait aujourd’hui déjà à l’égard des 15 États membres de l’UE dans le cadre de l’accord de libre circulation des personnes en vigueur. Pour les nouveaux membres, les délais transitoires sont plus longs.

66.Depuis le 1er juin 2004, des mesures d’accompagnement assurent au marché suisse du travail une protection supplémentaire contre le non‑respect du niveau des salaires et des prestations sociales existant en Suisse. Dans la perspective de l’extension de l’Union européenne, l’efficacité et l’exécution de ces mesures seront améliorées grâce à des instruments complémentaires. En 2009, une autre possibilité de référendum permettra de décider du maintien de l’accord avec les États membres de l’Europe des 25.

67.L’extension de l’accord sur la libre circulation permet à la Suisse d’avoir accès à un immense réservoir de main‑d’œuvre, hautement qualifiée ou peu qualifiée. Cette ouverture est à l’unisson avec la politique de migration du Gouvernement suisse, qui d’une part aspire à une ouverture par rapport à l’UE et l’AELE et d’autre part limite l’immigration en provenance des pays tiers à la main‑d’œuvre qualifiée (système binaire d’admission) (voir CERD/C/351/Add.2, par. 81 et suiv.). Inversement, le principe de la libre circulation des personnes s’applique aussi aux ressortissants suisses souhaitant vivre et travailler dans un pays membre de l’Union européenne.

68.Le 25 septembre 2005, le peuple suisse a accepté l’extension de l’accord sur la libre circulation des personnes aux nouveaux États membres de l’UE ainsi que la révision des mesures d’accompagnement dans une votation populaire. Les deux objets sont entrés en vigueur le 1er avril 2006.

69.Le 7 juin 2004, le Conseil fédéral a décidé de fusionner l’Office fédéral de l’immigration, de l’intégration et de l’émigration (IMES) avec l’Office fédéral des réfugiés (ODR). Le regroupement des deux offices au sein de l’Office fédéral des migrations(ODM) a été réalisé au 1er janvier 2005.

70.En ce qui concerne la réserve de la Suisse au sujet de l’alinéa a du paragraphe 1 de l’article 2 de la Convention, voir le paragraphe 280 ci‑dessous.

b) Politique d’asile

71.Le nombre des demandes d’asile a fortement baissé durant la période sous rapport (voir par. 11 ci‑dessus). Ce recul s’explique par une certaine amélioration de la situation politique dans les États de l’ex‑Yougoslavie et en Turquie. Parallèlement, des mesures (exclusion de l’aide sociale de toutes les personnes qui sont l’objet d’une décision de non‑entrée en matière, accélération de la procédure d’asile, exécution rigoureuse des décisions) ont été prises aux fins de prévenir efficacement les abus.

c) Politique d’intégration

72.Améliorer l’intégration des étrangers vivant en Suisse est l’un des principaux défis que la politique et la société se doivent de relever. L’intégration est une tâche globale et collective: elle concerne des domaines essentiels tels que l’école et la formation, le travail, la santé et la sécurité sociale. L’objectif de la politique d’intégration consiste à créer des conditions‑cadres favorisant l’égalité des chances de la population étrangère pour accéder aux ressources sociales et économiques et participer à la vie sociale. Dans la perspective de la politique d’intégration de la Suisse, l’intégration ne doit pas être considérée comme un processus à sens unique, mais suppose autant la volonté des étrangers à s’intégrer que la disposition des Suisses à les accepter. La société ainsi que les autorités de la Confédération, des cantons et des communes doivent s’y atteler en collaboration avec les organisations d’étrangers. L’Office fédéral des migrations (OFM) coordonne les mesures prises par les autorités fédérales en matière d’intégration des étrangers, notamment dans les domaines de l’assurance chômage, de la formation professionnelle et de la santé, et assure l’échange d’informations et d’expériences avec les cantons.

73.L’article 25a LSEE constitue la base légale sur laquelle la Confédération fonde sa participation financière à la promotion de l’intégration. Les dispositions d’exécution figurent dans l’ordonnance sur l’intégration des étrangers(OIE). Pour les années 2002 et 2003, 12,5 millions de francs ont été versés au titre de la contribution annuelle. Pour les années 2004 à 2007, celle‑ci a été augmentée à 14 millions de francs. L’aide financière de la Confédération est destinée avant tout aux domaines suivants: promotion de cours de langue et d’intégration en faveur des groupes‑cibles difficiles à atteindre, formation et perfectionnement de personnes revêtant un rôle clef, soutien d’initiatives et de projets visant au développement des quartiers et favorisant la cohabitation, suivi de projets pilotes innovateurs de portée nationale, renforcement des structures régionales grâce au soutien de services destinés aux étrangers et mise au point de normes de qualité et d’instruments de contrôle. La Commission fédérale des étrangers (CFE) prépare les demandes de financement correspondantes et les transmet, accompagnées de son avis, à l’OFM, qui est habilité à décider des montants jusqu’à un certain plafond, à savoir 300 000 francs suisses. Au‑delà, c’est le département qui est compétent pour prendre les décisions. Les autres activités de la CFE sont décrites aux paragraphes 212 à 215.

74.La révision de l’OIE, entrée en vigueur le 1er février 2006, a pour but d’améliorer l’intégration des étrangers. Le législateur y souligne expressément à quel point il est important que les étrangers assument leur part de responsabilité. Ils sont ainsi priés, d’une part, de respecter l’ordre juridique et les principes démocratiques, d’autre part, de contribuer à leur intégration. Cette contribution se traduit, entre autres, par l’apprentissage d’une langue nationale et par la volonté de participer à la vie économique et d’acquérir une formation. S’agissant des personnes provenant d’un État tiers et chargées d’assurer un encadrement religieux ou de dispenser des cours de langue et de culture de leur pays d’origine, les autorités peuvent exiger d’elles qu’elles fréquentent des cours de langue et d’intégration avant d’entrer en Suisse. Conformément à l’OIE, la mission de coordination mentionnée au paragraphe 72 incombe à l’OFM. Par ailleurs, les cantons sont tenus de désigner un bureau chargé de répondre aux questions ayant trait à l’intégration.

75.La majorité des personnes admises à titre provisoire restant d’expérience plusieurs années voire définitivement en Suisse, leur statut a été amélioré pour ce qui est de l’accès au marché du travail et de la possibilité de bénéficier de mesures d’intégration. En outre, la LEtr prévoit d’autoriser pour ce groupe de personnes le regroupement familial trois ans après le prononcé de l’admission provisoire. Ces mesures visant à encourager l’intégration doivent contribuer à ce que les personnes admises à titre provisoire soient acceptées sur les plans économique et social. En maintenant ainsi leurs compétences sociales, on facilite leur retour éventuel dans leur pays d’origine. De plus, la version révisée de l’OIE comporte des mesures d’incitation à l’intégration du fait que le degré d’intégration est pris en compte dans la décision (dans certaines circonstances, anticipée) relative à l’octroi de l’autorisation d’établissement, ou encore au renvoi ou à l’expulsion. Dans le cadre de sa fonction de coordinateur, l’OFM a, en collaboration avec les offices cantonaux compétents en matière de migration, élaboré des critères propres à la notion juridique d’«intégration réussie», lesquels servent de ligne directrice aux autorités chargées d’apprécier la situation.

76.Le besoin d’une nouvelle réglementation a été ressenti d’une part à la suite du renforcement des efforts d’intégration de la Confédération et d’autre part à cause de l’activité déployée par les cantons et les communes dans ce domaine. Près de la moitié des cantons et de nombreuses villes ont élaboré des stratégies d’intégration et institué des délégués à l’intégration. Le 13 février 2003, on a assisté à la création de la Conférence suisse des délégués communaux, régionaux et cantonaux à l’intégration. Son objectif est d’intensifier la collaboration des délégués au niveau interrégional ainsi que d’améliorer l’échange d’informations et d’expériences entre les différentes régions du pays. Lors d’une réunion, les délégués cantonaux à l’intégration ont décidé d’inclure la lutte contre les discriminations dans leur cahier des charges. Pour l’heure, seuls quelques délégués disposent cependant d’un mandat en bonne et due forme.

77.L’intégration est aussi l’idée maîtresse de la nouvelle loi sur les étrangers. Elle vise à encourager une coexistence pacifique dans le respect des valeurs de la Constitution fédérale et des principes de tolérance. Les dispositions portant sur l’intégration ont été considérablement élargies dans le cadre de la révision de la loi. Ainsi, le projet de loi comprend les objectifs fixés aujourd’hui dans l’OIE, les tâches de l’OFM, de la CFE, ainsi que des autorités cantonales et communales, les attentes envers les étrangers, de même que la prise en compte du degré d’intégration dans la décision d’autorisation d’établissement (voir supra,par. 72 et 74). Afin de favoriser l’intégration des enfants bénéficiant du regroupement familial, la loi sur les étrangers précise que le regroupement doit avoir lieu dans les cinq ans et même dans l’année pour les 12‑18 ans. Cette mesure permet de garantir qu’ils soient intégrés le plus tôt possible dans le système scolaire et éducatif suisse. D’autres conditions, déjà valables auparavant, comme la cohabitation dans un appartement commun, l’indépendance économique de la famille et l’habitation d’un logement adapté aux besoins, restent applicables. La loi sur les étrangers facilite également la mobilité professionnelle des travailleurs étrangers en provenance d’États tiers. À cela s’ajoute la mission d’information confiée à la Confédération, aux cantons et aux communes. Cette mission consiste à informer, d’une part, les étrangers de leurs droits et de leurs obligations, des conditions de vie et de travail en Suisse ainsi que des mesures d’intégration dont ils peuvent bénéficier, d’autre part, la population suisse de la situation particulière de ces étrangers. Une information fiable et objective est une condition sine qua non pour que les différentes populations cohabitent de manière pacifique, en s’acceptant réciproquement.

78.Une importance capitale est accordée non seulement à l’égalité des chances, mais aussi à la participation des étrangers à la vie sociale, économique et politique. Les projets de lois, qui auraient facilité la naturalisation des étrangers des deuxième et troisième générations, ont pourtant été rejetés par le peuple le 26 septembre 2004 (voir aussi infra, par. 250 à 263).

d) Sans ‑papiers

79.Selon une étude datant de l’automne 2004, qui a été commandée par l’OFM, quelque 90 000 personnes vivraient en Suisse sans autorisation (sans‑papiers). L’étude repose sur une enquête menée auprès d’une soixantaine d’experts dans différents cantons. Avant sa publication, les estimations du nombre de sans‑papiers vivant en Suisse se situaient entre 50 000 et 300 000. Outre ces chiffres, l’étude vient aussi rectifier les idées fausses que certains se faisaient du phénomène: la présence de sans‑papiers n’est pas tant due à la politique d’asile, mais plutôt à la situation sur le marché du travail. Les sans‑papiers ne sont pas plus nombreux dans les endroits où vivent beaucoup de réfugiés et leur nombre n’augmente pas non plus avec celui des demandes d’asile rejetées. L’étude montre aussi que la plupart des sans‑papiers exercent une activité lucrative, qu’ils travaillent souvent dans des conditions précaires en étant mal payés et en ayant des horaires de travail très longs.

80.Lorsqu’elles sont confrontées aux cas de personnes qui ne sont pas autorisées à séjourner en Suisse, les autorités se fondent sur la réglementation applicable aux cas de rigueur extrême, qui existe depuis longtemps. Cette réglementation donne aux personnes sans titre de séjour valable la possibilité de présenter une demande de dérogation à la règle des nombres maximums si elles se trouvent dans une situation d’extrême gravité (art. 13, al. f, OLE). En cas d’acceptation de la demande, la présence du sans‑papiers peut être légalisée par l’octroi d’un permis de séjour. Les demandes sont examinées compte tenu de tous les aspects et de toutes les particularités du cas d’espèce. Les autorités prennent les renseignements nécessaires pour déterminer si, compte tenu de la situation personnelle, économique et sociale du requérant, on peut raisonnablement lui demander de rentrer au pays et d’y demeurer. Pour cela, sa future situation à l’étranger doit être comparée avec la situation personnelle qui est la sienne en Suisse. Le cas personnel d’extrême gravité ne peut en effet être admis que si l’étranger en question se trouve dans une situation de détresse. En outre, ses conditions de vie et d’existence doivent être pires que celles que connaît la moyenne des étrangers. Les critères déterminants pour l’évaluation d’un cas de rigueur sont la durée de son séjour, la situation scolaire des enfants, le comportement irréprochable et la bonne réputation du requérant, son intégration sociale, son état de santé, son intégration sur le marché du travail et la présence de membres de sa famille, en Suisse ou à l’étranger. On tient également compte des possibilités de logement et d’intégration à l’étranger ainsi que, le cas échéant, des procédures antérieures d’autorisation. Cette pratique, qui a jusque‑là donné satisfaction, doit également être poursuivie avec la loi sur les étrangers.

81.De septembre 2001 à mai 2006, les autorités ont légalisé la situation d’environ 1 900 personnes. 1 168 ont été l’objet de décisions négatives, 218 de décisions de non‑entrée en matière.

82.Dans sa circulaire, l’OFM a restreint le cercle des personnes ayant la possibilité de faire valoir l’existence d’un cas de rigueur à celles dont le statut est régi par la législation sur les étrangers. Les requérants d’asile vivant en Suisse depuis plusieurs années dont la demande a été rejetée ne peuvent donc plus en bénéficier. Une nouvelle possibilité est cependant prévue dans l’article 14 de la loi révisée sur l’asile. Sous certaines conditions, une autorisation de séjour peut être octroyée aux requérants d’asile déboutés. La personne concernée doit avoir séjourné en Suisse depuis au moins cinq ans à compter du dépôt de la demande d’asile et son lieu de séjour doit toujours avoir été connu des autorités. En outre, il doit s’agir d’un cas de rigueur grave en raison de l’intégration poussée de la personne concernée. Sur proposition de la CFE et avec l’appui de la plate‑forme «Pour une table ronde au sujet des sans‑papiers», le Groupe Sans‑papiers a été institué. Cet organisme, composé d’experts et présidé par la CFE, examine les dossiers d’intéressés à la lumière de la circulaire sur les cas personnels d’extrême gravité. En cas d’avis positif, le dossier est renvoyé à l’expéditeur, qui est assuré d’obtenir une recommandation favorable. Fort de ce préavis, l’intéressé peut alors s’adresser aux autorités cantonales pour requérir l’examen de son dossier ainsi qu’une décision définitive de leur part. Le Groupe Sans‑papiers est par ailleurs en contact avec la direction de l’OFM et avec des représentants de la Conférence des directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP), d’une part pour se tenir au courant de la pratique des autorités fédérales et cantonales et d’autre part pour discuter de l’opportunité et des possibilités d’intensifier la coopération.

4. Activités contre le racisme

a) Sur le plan national

83.Les efforts de lutte contre le racisme ont continué d’être intensifiés durant la période sous rapport. Outre le travail courageux et infatigable de divers organismes, étatiques ou non étatiques, une grande partie du mérite en revient aux deux institutions que la Confédération a créées à cet effet: le Service de lutte contre le racisme (SLR), faisant partie de l’administration fédérale, et la Commission fédérale contre le racisme (CFR), qui est un organisme indépendant. Au moyen de différentes campagnes, études, conférences et autres, ces institutions ont contribué de manière substantielle à prévenir le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie et l’extrémisme de droite. Pour plus de détails au sujet des activités du SLR et de la CFR, voir ci‑dessous les paragraphes 194 à 205 et 206 à 211, respectivement.

84.Par arrêté fédéral du 13 juin 2001, le Parlement a voté pour les années 2001 à 2005 un crédit d’engagement de 15 millions de francs au total pour le soutien de projets d’éducation et de prévention dans les domaines des droits humains et de la lutte contre l’antisémitisme, le racisme et la xénophobie. Il a ainsi marqué sa ferme intention de combattre durablement les phénomènes de racisme, d’antisémitisme et de xénophobie ainsi que de renforcer les droits humains à long terme. Divers projets de tiers ont ainsi bénéficié d’un soutien substantiel. La gestion du crédit a été confiée au SLR.

b) Sur le plan international

85.La Suisse s’efforce de prendre une part active à la lutte contre la discrimination et l’intolérance aussi sur le plan international. Outre les activités mentionnées dans les deuxième et troisième rapports périodiques, dont certaines ont été poursuivies jusqu’à ce jour, nous donnons ici quelques exemples d’autres initiatives qu’elle a lancées sur le plan international:

Dans le cadre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), la Suisse a, en 2002, pris en commun avec le Kirghizistan l’initiative de la décision no 6 du Conseil ministériel de Porto relative à la tolérance et à la non‑discrimination, qui fait de la lutte contre toutes les formes d’intolérance, d’antisémitisme, de racisme et de xénophobie l’une des priorités de l’Organisation. En 2003 et 2004, dans le sillage de cette décision, une délégation suisse comprenant d’éminents experts a prononcé des interventions très remarquées sur l’antisémitisme lors de séances de haut segment.

En 2003 et en 2004, la Suisse a proposé à la Commission des droits humainsainsi qu’auGroupe de travail pour les minorités de la Sous‑Commission de la promotion et de la protection des droits humains l’introduction d’une procédure spéciale destinée à encourager les États à mettre en œuvre la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, adoptée par l’ONU en 1992. La Suisse estime qu’une telle procédure spéciale serait propre à venir compléter le Plan d’action en cinq points pour la prévention du génocide, annoncé par le Secrétaire général de l’ONU en avril 2004.

En sa qualité d’«institution nationale spécialisée», la CFR a des contacts réguliers avec des représentants de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) et du Conseil de l’Europe, avec le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et le Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, ainsi qu’avec le Comité international de coordination (CIC) des institutions nationales des droits de l’homme (INDH). Des membres de la présidence et du secrétariat ont en outre pris part à différentes conférences internationales consacrées aux droits humains et à la lutte contre le racisme, par exemple à la deuxième Conférence de l’OSCE sur la tolérance et la lutte contre le racisme, la xénophobie et la discrimination, aux conférences de suivi de la Conférence mondiale de Durban contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, ou à la Table ronde de l’ECRI sur les institutions nationales contre le racisme.

II . EXAMEN DE L’ APPLICATION DES ARTICLES 2 À 7 DE LA CONVENTION

A. Condamnation de la discrimination raciale (art. 2)

1. Respect du principe de l’égalité de traitement par l’ État (art. 2, par. 1, al. a et b )

86.Comme nous l’avions déjà relevé dans les deuxième et troisième rapports périodiques, la jurisprudence du Tribunal fédéral a été confirmée et a fait ses preuves depuis la refonte du principe de l’égalité et de l’interdiction de toute discrimination dans le cadre de l’article 8 de la Constitution fédérale. Le Tribunal fédéral continue en effet de se fonder sur le principe selon lequel l’égalité de traitement doit être assurée dans la mesure de l’égalité des situations respectives, ce qui n’exclut donc pas une inégalité de traitement dans la mesure de l’inégalité des situations respectives. Certaines inégalités de traitement peuvent, en conséquence, être justifiées par des motifs objectifs sérieux.

87.Il y a discrimination lorsqu’une personne est désavantagée uniquement en raison de son appartenance à un certain groupe qui, par le passé et dans la réalité sociale actuelle, a tendance à être exclu ou à être considéré comme inférieur. La discrimination est une inégalité de traitement qualifiée de personnes se trouvant dans des situations comparables. Elle entraîne une pénalisation d’un individu constituant un abaissement ou une exclusion parce qu’elle est liée à une différence qui est une partie intégrante essentielle de la personne en question, une caractéristique dont celle‑ci ne peut pas se défaire ou ne peut se défaire que très difficilement. L’interdiction de la discrimination au sens du droit constitutionnel suisse n’exclut cependant pas catégoriquement le fait de fonder une inégalité de traitement sur une telle caractéristique (origine, race, sexe, langue ou autres critères énumérés, de façon non exhaustive, à l’article 8, par. 2, de la Constitution fédérale). Dans un premier temps, une telle inégalité ne fait que générer un soupçon de différenciation illicite, soupçon qui ne peut être levé que par une justification suffisante. Juridiquement, l’interdiction de la discrimination signifie donc que les inégalités de traitement doivent être motivées d’une façon particulièrement qualifiée.

88.Ce principe doit être observé tant dans la législation que dans l’application du droit. Tous les organes de l’État, quelle que soit leur fonction, doivent veiller à ce que leur activité étatique y soit conforme.

2. Le problème de la discrimination entre étrangers et la réserve formulée par la Suisse en faveur de sa pol i tique d’immigration (art. 2, par. 1, al. a )

89.Voir informations données à ce propos au paragraphe 280 ci‑dessous.

3. L’interdiction de la discrimination et son application aux rapports entre individus (art. 2, par. 1, al. c et d )

90.Quant à la question de l’effet que l’interdiction de la discrimination peut avoir sur les rapports entre individus, nous renvoyons aux deuxième et troisième rapports périodiques (CERD/C/351/Add.2, par. 86 à 88) et aux paragraphes 310 à 344 du présent rapport.

B. Condamnation de l’apartheid (art. 3)

1. En Suisse

91.La Suisse a condamné clairement le régime d’apartheid à plusieurs reprises. Elle a été l’un des premiers pays à décréter des sanctions contre l’Afrique du Sud (1963: embargo sur les livraisons d’armes). La Suisse a aussi joué un rôle important dans le processus de réconciliation et de transition en Afrique du Sud puisqu’elle a encouragé le passage à la démocratie par un programme de mesures positives. Elle entend continuer de développer les excellentes relations qu’elle entretient aujourd’hui avec l’Afrique du Sud dans de très nombreux domaines.

92.Dans le sillage du premier rapport qu’un groupe de travail interdépartemental a publié en juillet 1999, un Programme national de recherche a été lancé aux fins d’obtenir un éclairage objectif des faits historiques. Le programme intitulé «Les relations entre la Suisse et l’Afrique du Sud» a pour but d’élaborer des bases scientifiques à partir d’un petit nombre de projets de recherche coordonnés et compte tenu d’aspects économiques, juridiques, politiques et historiques. Ces projets serviront à informer le public sur le rôle de la Suisse à l’époque de l’apartheid et à fournir des bases de discussion sur le sujet. Le Gouvernement suisse salue ce rapport comme une contribution précieuse à une meilleure compréhension des rapports que la Suisse et l’Afrique du Sud ont eus par le passé.

2. Sur place

93.Au moyen de son programme spécial, dont la deuxième phase est actuellement en cours, la Direction du développement et de la coopération (DDC) se propose de contribuer à assurer la transition dans l’ère post‑apartheid en tentant de limiter les tensions sociales et la violence au minimum. Les priorités du programme spécial sont la bonne gouvernance (décentralisation de l’administration de l’État, réforme du système judiciaire, défense des droits humains), la formation scolaire de base (formation d’enseignants, établissement de curriculums, amélioration de l’administration scolaire dans des homelands traditionnellement défavorisés) et la réforme agraire (attribution de parcelles de terrain public à des personnes défavorisées, restitution à leurs propriétaires Noirs de terrains expropriés durant l’apartheid, attribution de droits de propriété foncière à des travailleurs migrants dans les homelands d’autrefois). La DDC collabore avec des organisations de la société civile (en majorité des ONG) de même qu’avec l’État sud‑africain, au niveau national et au niveau des provinces. Ce programme spécial d’une durée limitée (fin 2004) a été converti en programme régional dont les priorités sont la bonne gouvernance, la lutte contre le VIH et le sida ainsi que la gestion des ressources naturelles, et qui conserve un composant Afrique du Sud. Quelque 35 millions de francs suisses sont inscrits au budget de la DDC pour le programme spécial Afrique du Sud 2000‑2004.

94.Dans le cadre de son programme spécial 2000‑2004, la DDC a lancé, le 1er février 2001, la «Swiss‑South African Cooperation Initiative» (SSACI), un fonds financé pour moitié par des grandes entreprises suisses. La SSACI (budget annuel de 10‑15 millions de francs suisses) soutient des projets d’ONG sud‑africaines visant à faciliter l’accès des jeunes Noirs et des personnes de couleur en général au marché du travail.

95.Le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) soutient l’Afrique du Sud au même titre que les 26 autres pays qu’il a choisi d’aider dans le cadre de sa coopération économique au développement. Sa contribution annuelle de plus de 3 millions de francs destinée à l’Afrique du Sud est consacrée, entre autres, à l’encouragement de petits et moyens entrepreneurs issus de couches défavorisées ainsi qu’à la promotion d’un projet visant à introduire des standards sociaux dans les entreprises.

96.Parallèlement à l’aide économique, le DFAE réalise un programme de mesures de promotion de la paix. La Division politique IV du DFAE prévoit en outre, en étroite collaboration avec le Ministère sud‑africain des affaires extérieures, d’accroître son engagement en faveur de la promotion de la paix sur le continent africain.

97.Au total, les contributions de la Confédération au titre de la coopération au développement en Afrique du Sud ont atteint près de 14 millions de francs suisses en 2003 (ce montant comprend les contributions de programme versées à différentes œuvres d’entraide). La province d’Eastern Cape, l’une des plus pauvres du pays, en a été l’une des principales bénéficiaires.

Tableau 5: Contributions de la Suisse au titre de la coopération au développement en Afrique du Sud

2002 ( mio . fr.)

2003 ( mio . fr.)

2004 ( mio . fr.)

Contributions de programme de la DDC ( bilat .)

8,6

9,2

10,8

Contributions de programme de la DDC à des œuvres d’entraide suisses

0,25

0,37

0,4

Programmes de promotion de la paix du DFAE ( DP IV)

1,2

1,2

1,0

Secrétariat d’ État à l’économie ( SECO )

1,7

3,1

3,0

Total coopération publique au développement

11,75

13,87

15,2

C. Mesures visant à punir certains actes de discrimin a tion raciale (art. 4)

98.Le 13 décembre 2005, la CFR a publié sur son site Internet accessible au public une compilation de la jurisprudence de 1995 à la fin de 2002 relative à l’article 261 bis du Code pénal. On y trouve un résumé, préservant l’anonymat des personnes, de chaque jugement prononcé par une autorité judiciaire et de chaque décision rendue par une instance de recours durant cette période. Cela permet aux personnes intéressées de rechercher des cas précis et d’avoir, grâce aux relevés statistiques, une vue d’ensemble sur l’état de la jurisprudence se rapportant à l’article 261 bis du Code pénal. Il est prévu que cette banque de données soit régulièrement mise à jour.

99.Selon le relevé figurant dans la banque de données, 212 actes de discrimination raciale ont été portés devant une instance judiciaire entre 1995 et 2002. Ils se sont conclus par 277 décisions ou jugements. Dans à peu près la moitié de ces 212 cas, les autorités judiciaires ont décidé de ne pas entrer en matière, tandis que, dans les autres cas, une poursuite pénale a été engagée. Sur les 110 affaires qui ont débouché sur un jugement définitif, plus de 80 % se sont soldées par une condamnation de l’auteur.

100.À titre d’exemple, nous présentons ci‑après cinq affaires ayant abouti à une condamnation par un tribunal. Chacune d’entre elles se rapporte à un alinéa différent de la norme pénale antiracisme:

101.Art. 261 bis, par. 1, CP: La citation «Courbons l’échine devant l’étoile de David, le chapeau de Gessler de notre temps!» a été considérée comme une incitation à la haine et à la discrimination au sens de l’alinéa 1; les juges ont en effet estimé que le «chapeau de Gessler» constituait un symbole de l’oppression et de l’asservissement et que les juifs étaient donc accusés de vouloir assujettir d’autres peuples ou communautés religieuses. Comme il est dans l’ordre des choses que les oppresseurs soient haïs, le tribunal en a conclu que cette citation constituait un appel à la haine, au mépris, voire à l’anéantissement des juifs, puisque Guillaume Tell a fini par tuer Gessler.

102.Art. 261 bis, par. 2, CP: En 1999, l’inscription dans un livre d’or des phrases «Fais affaire avec un juif et, je te le dis, tu récolteras escroquerie et tromperie. Lis Mein Kampf d’Adolf Hitler: ce qui était vrai il y a cinquante ans l’est toujours de notre temps» a été qualifiée par l’autorité compétente de poursuite pénale du canton de Zurich de propagation d’une idéologie visant à dénigrer ou à rabaisser les juifs de manière systématique. Le prévenu a été condamné au paiement d’une amende de 600 francs suisses.

103.Art. 261 bis, par. 4, première partie de la phrase, CP: À la suite d’un désaccord au travail, qui s’est produit dans un grand entrepôt dans lequel circulent chaque jour une centaine de chauffeurs de différentes entreprises de transport, le contremaître, accusé dans l’affaire en question, avait traité le lésé de «cochon de Serbe», de «trou du cul» ainsi que de «salopard» et lui avait en outre dit «C’est la guerre, j’aurai ta peau». L’autorité de poursuite pénale compétente du canton de Bâle‑campagne a considéré que les termes «cochon de Serbe» tombaient sous le coup du droit pénal parce qu’ils visaient à abaisser et à discriminer une personne en portant atteinte à sa dignité humaine. En 2002, le prévenu a été condamné au paiement d’une amende de 500 francs suisses pour discrimination raciale, tentative de menace et insultes.

104.Art. 261 bis, par. 4, deuxième partie de la phrase, CP: Dans un arrêt datant de l’an 2000, le Tribunal fédéral a considéré que le fait de contester l’utilisation par le régime national‑socialiste de gaz ou de chambres à gaz aux fins d’exterminer des êtres humains constituait à lui seul une minimisation grossière de l’holocauste. Il a affirmé être parvenu à cette conclusion notamment «parce que l’extermination systématique de détenus juifs dans les chambres à gaz (fait unique dans l’histoire de l’humanité) a distingué le régime national‑socialiste d’autres régimes totalitaires ayant fait régner la terreur, et parce que, pour cette raison précisément, le fait de nier l’existence des chambres à gaz était utilisé par certains cercles entre autres pour offenser les juifs». Le Tribunal fédéral a ainsi confirmé le jugement rendu en 1998 en première instance par un tribunal du canton d’Argovie, par lequel l’auteur d’un ouvrage révisionniste avait été condamné à quinze mois d’emprisonnement ainsi qu’à 8 000 francs suisses d’amende.

105.Art. 261 bis, al. 5, CP: Dans un arrêt datant de 2001, la Cour suprême du canton de Zurich a condamné à 600 francs d’amende la propriétaire d’un commerce qui avait refusé de servir une cliente de couleur et qui lui avait indiqué la porte par ces mots: «I don’twant people fromyour country». Le tribunal a considéré que le refus d’une prestation destinée à l’usage public, qu’il s’agisse d’un service ou d’une marchandise, enfreignait la norme pénale antiracisme (art. 261 bis, al. 5, CP). La clémence de la peine a été justifiée par la légèreté de la faute.

1. Jurisprudence du Tribunal fédéral relative aux articles 261 bis du Code pénal et 171 c du Code pénal militaire

106.Dans un arrêt du 27 mai 2004, le Tribunal fédéral a précisé la notion de publicité au sens de l’article 261 bis du Code pénal. Selon celui‑ci, les propos et les comportements racistes ne sont pénalement répréhensibles que s’ils ont lieu publiquement. Jusque‑là, le Tribunal fédéral avait estimé qu’un acte devait être considéré comme public s’il avait lieu dans un groupe important de personnes qui ne sont pas liées entre elles par des relations personnelles. En raison du caractère restrictif de cette définition de la publicité, il était jusque‑là possible d’organiser en Suisse des concerts pour skinheads ou des exposés véhiculant des idées d’extrême droite. Il suffisait de simuler un cercle privé en organisant des contrôles à l’entrée et en renonçant à rendre public le lieu de réunion. Depuis qu’il a précisé sa jurisprudence, le Tribunal fédéral considère que des propos racistes ont été tenus en public au sens de l’article 261 bis du Code pénal et sont donc pénalement répréhensibles dès le moment où ils ne sont pas destinés uniquement à un cercle privé très restreint. Des réunions, par exemple, ne sont ainsi pas considérées comme privées même si les entrées sont contrôlées et si les personnes admises sont triées sur le volet. En ce qui concerne l’infraction de la discrimination raciale au sens de l’article 171c du Code pénal militaire, les tribunaux militaires ont eux aussi repris les précisions que le Tribunal fédéral a apportées à sa jurisprudence: les actes racistes commis dans le cadre de l’armée sont, par principe, considérés comme ayant eu lieu publiquement. Le fait, par exemple, qu’ils aient été perpétrés à l’intérieur d’une caserne ou que seuls des membres de l’armée en aient été témoins ne suffit pas à exclure d’emblée leur caractère public.

107.Dans un autre cas, traitant d’un déni du génocide arménien, le Tribunal fédéral a précisé la jurisprudence relative à l’article 261 bis, paragraphe 4, alinéa 2, du Code pénal en estimant que l’infraction en question constituait une atteinte à la paix publique. Les biens juridiques individuels ne sont donc protégés que de manière indirecte. En conséquence, il n’y a pas de place pour des victimes individuelles pouvant intervenir comme parties au sens de la loi sur l’aide aux victimes (LAVI) dans l’action pénale intentée à l’auteur, car le préjudice subi du fait de cet acte précis ne peut être qu’indirect. Sans compter que le (simple) fait de nier, de minimiser grossièrement ou de justifier un génocide au sens du paragraphe 4 ne constitue pas un acte de discrimination raciale au sens strict du terme. S’il est vrai que les propos tenus peuvent aussi toucher des individus, le préjudice subi, même s’il peut être grave, est toujours indirect. Une personne physique n’est donc pas légitimée à prendre part au procès en qualité de partie lésée. C’est par conséquent à l’autorité cantonale de poursuite pénale qu’il revient de décider si elle entend entamer une procédure ou non, autrement dit si ses soupçons sont suffisamment fondés pour lui permettre de supposer que les éléments constitutifs de l’infraction, objectifs et subjectifs, sont réunis.

2. Modifications de lois visant à lutter contre le racisme

108.La loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sécurité intérieure (propagande incitant à la violence, violence dans le cadre de manifestations sportives) (LMSI I) servira de base légale à un renforcement des moyens de lutte contre la violence dans les stades. On prévoit notamment la mise en place d’une banque de données «hooliganisme» et l’on souhaite se donner les moyens de confisquer le matériel de propagande incitant à la violence. Comme les championnats d’Europe de football approchent à grands pas, ce projet bénéficie d’un traitement prioritaire. Les mesures aux termes de la LMSI I ont été votées par le Parlement lors de la session de printemps 2006. Elles doivent maintenant être concrétisées au niveau réglementaire.

109.Il est en outre prévu de créer une nouvelle norme pénale interdisant l’exposition ou le port en public de symboles de discrimination raciale, de même que le fait de rendre de tels symboles accessibles au public de toute autre manière. Les commissions des affaires juridiques des deux Conseils ont estimé que la nouvelle disposition pénale ne devait pas être limitée à l’utilisation de symboles d’extrême droite, mais s’appliquer à tous les symboles glorifiant des mouvements extrémistes appelant à la violence et à la discrimination raciale.

110.La question du racisme dans l’armée a été étudiée dans le contexte d’un rapport intermédiaire relatif à «l’extrémisme dans l’armée». Compte tenu du fait que les cas d’extrémisme et de racisme sont très clairsemés dans l’armée suisse et que les supérieurs responsables interviennent rigoureusement lorsque de tels cas se présentent, on en a conclu que la situation dans l’armée n’appelait pas de mesures spéciales et on a donc renoncé à créer une disposition légale spéciale prévoyant d’exclure de l’armée les auteurs d’actes extrémistes.

D. Élimination de la discrimination raciale, notamment dans le domaine de certains droits de l’homme (art. 5)

1. Droit à l’égalité de traitement devant les tribunaux et tous les autres organes administrant la justice (art. 5, al. a )

111.Le déroulement des procédures judiciaires ou administratives est essentiellement déterminé par les garanties de procédure contenues dans la Constitution. Les articles 29 à 32 de la Constitution fédérale assurent un standard minimum. Celui‑ci est complété par les dispositions de la CEDH et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dans la mesure où elles vont plus loin que les normes constitutionnelles. L’article 6, paragraphe 1, de la CEDH et l’article 14, paragraphe 1, du Pacte garantissent ainsi à chacun un droit général à une procédure judiciaire. Tant que la garantie des voies de droit n’est pas encore en vigueur, le justiciable peut donc invoquer ces dispositions.

112.Si les garanties générales de procédure inscrites à l’article 29 de la Constitution fédérale s’appliquent à toutes les procédures judiciaires et administratives, le champ d’application de l’article 30 de la Constitution fédérale est limité aux procédures devant les tribunaux. Le tribunal en question doit être prévu par la loi, il doit être compétent, indépendant et impartial. Les garanties de procédure ne peuvent pas être restreintes en vertu de l’article 36 BV de la Constitution fédérale. Les dispositions de ce dernier visent en effet les droits fondamentaux et n’ont pas été conçues pour s’appliquer aux garanties de procédure. Les autorités ne doivent pas avoir la possibilité, quelles que puissent être les circonstances, de soustraire une procédure à ces garanties élémentaires données par l’état de droit.

a) Réforme de la justice

113.Plusieurs changements sont en cours dans le domaine de l’administration de la justice: la mise en œuvre de la réforme de la justice, acceptée par le peuple, a lieu progressivement. Cette réforme a pour but d’améliorer la protection juridique des justiciables en leur garantissant les voies de droit, de décharger le Tribunal fédéral et d’unifier tant la procédure civile que la procédure pénale. On a commencé par réviser l’article 123 de la Constitution fédérale et par introduire le nouvel article 191a. Les deux dispositions sont entrées en vigueur le 1er avril 2003.

114.À l’entrée en vigueur de la garantie de l’accès au juge, le justiciable obtiendra un droit très complet de porter tout litige, quel qu’il soit, devant une autorité judiciaire. La possibilité de déroger à cette règle par des dispositions légales est toutefois prévue à l’article 29 a de la Constitution fédérale. La date d’entrée en vigueur de la nouvelle norme, qui sera fixée par l’Assemblée fédérale, n’est pas encore connue.

115.Dans le contexte de cette réforme, on a en outre préparé un projet de code deprocédure pénale suisse. Avec la révision de l’article 123 de la Constitution fédérale, la Confédération a obtenu la compétence de réglementer non seulement le droit pénal quant au fond, mais aussi le droit de procédure pénale. Le projet est fondé sur le modèle «ministère public», ce qui signifie que l’instruction relève directement du Procureur. Pour contrebalancer la position de force du ministère public, les garanties données aux prévenus et aux victimes du point de vue de l’état de droit sont renforcées. On prévoit ainsi la création d’un tribunal des mesures de contrainte, chargé de décider des mesures les plus contraignantes requises par le Procureur. En outre, on envisage d’instituer ce qu’il est convenu d’appeler l’«avocat de la première heure»: le prévenu arrêté provisoirement par la police peut communiquer immédiatement et librement avec son défenseur, qui a également le droit d’être présent dès la première audition de son client. Cette innovation répond à une exigence formulée par différents comités internationaux des droits humains.

116.L’harmonisation des différentes procédures augmentera la sécurité du droit et diminuera le nombre des inégalités de traitement. On souhaite pouvoir intervenir rapidement et sans complications par‑delà les frontières cantonales, ce qui accroîtra l’efficacité de la lutte contre la criminalité sans toutefois restreindre les droits de la défense dans leur ensemble.

117.Pour ce qui est de l’unification de la procédure civile, nous renvoyons au paragraphe 36 ci‑dessus.

b) Loi fédérale sur l’investigation secrète et loi fédérale sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication

118.La loi fédérale sur l’investigation secrète (LFIS) est entrée en vigueur le 1er janvier 2005. L’investigation secrète consiste, pour des membres de la police qui ne sont pas identifiables comme tels, à infiltrer des milieux criminels sous une fausse identité pour enquêter sur certaines infractions. La loi fédérale tient compte des exigences de l’efficacité de la poursuite pénale tout en garantissant qu’il soit procédé de façon correcte du point de vue des règles de l’état de droit. Le recours à des agents infiltrés est limité à l’enquête sur des crimes particulièrement graves, énumérés de façon exhaustive. Les opérations impliquant des agents infiltrés doivent en outre être proportionnées aux crimes commis et avoir été approuvées par le juge.

119.La loi fédérale sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (LSCPT) est entrée en vigueur le 1er janvier 2002. Les conditions auxquelles une telle surveillance peut être autorisée sont désormais les mêmes sur tout le territoire suisse: il faut que de graves soupçons pèsent sur la personne visée quant à la commission de l’une des infractions pénales énumérées dans la loi. Il faut en outre que la gravité de l’acte justifie la surveillance et que celle‑ci soit ordonnée par une autorité judiciaire. L’atteinte à la sphère privée que constitue la surveillance est compatible avec le paragraphe 2 de l’article 8 de la CEDH ainsi qu’avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

c) Révision totale de l’organisation judiciaire fédérale

120.Le 28 février 2001, le Gouvernement suisse a soumis au Parlement le message relatif à la révision totale de l’organisation judiciaire fédérale. Il s’agit là du premier pan de la réforme de la justice qui se trouve concrétisé au niveau de la loi. La loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF),qui viendra remplacer la loi fédérale d’organisation judiciaire, a été votée par le Parlement le 17 juin 2005, et le délai pour le dépôt d’un référendum est échu le 6 octobre 2005 sans qu’une telle demande n’ait été présentée. Une des modifications les plus remarquables est l’introduction du recours unifié en matière de droit civil, de droit pénal et de droit public. Simplifié, le nouveau système des voies de recours viendra augmenter la sécurité du droit et permettra aux justiciables d’économiser du travail, du temps et de l’argent. Le Parlement a également approuvé la loi sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF), qui prévoit un Tribunal administratif fédéral unique destiné à remplacer les commissions de recours et de conciliation existantes. Le Tribunal administratif fédéral fonctionnera dès 2007. La loi fédérale sur le Tribunal pénal fédéral a déjà été votée. Le Tribunal a pris ses fonctions le 1er avril 2004.

121.Différentes tentatives de créer un service de médiation au niveau fédéral ont déjà été entreprises. La dernière en date a été celle de la Commission des affaires politiques du Conseil national, qui a présenté un avant‑projet de loi fédérale sur le Bureau fédéral de médiation. Le médiateur, tel qu’il était prévu dans ce projet, aurait eu pour mission de conseiller les personnes physiques ou morales dans leurs relations avec les autorités fédérales et de s’entremettre en cas de litige. Compte tenu des résultats de la procédure de consultation et de la situation financière très tendue, la Commission a finalement décidé d’abandonner le projet. Une intervention au contenu identique, présentée sous la forme d’une initiative parlementaire, a également été rejetée par le Conseil national peu de temps après.

2. Droit à la sûreté de la personne et à la protection de l’ État (art. 5, al. b )

122.En cas de mauvais traitements relevant du droit pénal commis par des organes de la police, les victimes peuvent dénoncer la commission d’infractions pénales. Ces actes, en concours nécessaire avec l’abus d’autorité (art. 312 CP), se poursuivent d’office et sont justiciables des autorités judiciaires pénales. Dans de nombreux cantons, la plainte peut être déposée auprès de l’une des différentes autorités de poursuite pénale. Un jugement en première instance ou une décision de non‑entrée en matière peut être contesté d’abord au niveau cantonal, puis devant le Tribunal fédéral.

123.Un comportement fautif de la police peut aussi entraîner des mesures disciplinaires. Celles‑ci ne représentent pas une peine au sens strict du terme, mais une sanction administrative répressive, dont le but est de préserver le crédit, l’autorité et la confiance dont la police bénéficie. La procédure pour violation des devoirs de fonction est généralement conduite par l’autorité de surveillance de la police.

124.Lors du renvoi d’étrangers, le recours de la police à la violence a posé des problèmes à plusieurs reprises. En 1999 et en 2001, l’usage de la contrainte a malheureusement été à l’origine de deux décès. Inquiète de cette évolution, la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) a émis des directives aux fins d’uniformiser les critères pour l’usage de la contrainte. Comme de simples directives ne suffisent cependant pas à légaliser une atteinte à la liberté personnelle, la création d’une base légale s’est révélée nécessaire.

125.Un projet de loi a donc été préparé à cet effet. Laloi sur l’usage de la contrainte(LUsC) s’appliquera aux organes de police de la Confédération ainsi qu’aux organes des cantons lorsque, sur mandat d’une autorité fédérale, ils procèdent au rapatriement forcé d’étrangers ou assurent le transport de personnes en Suisse. Uniforme et claire, la nouvelle réglementation vise à garantir le respect du principe de la proportionnalité par les autorités amenées à faire usage de la contrainte policière. Le recours à la force physique, à des moyens auxiliaires ou à des armes, doit être approprié aux circonstances et porter le moins possible atteinte à l’intégrité physique des personnes concernées. Selon la loi, les moyens auxiliaires admis sont les menottes et autres liens, ainsi que les chiens de service. Sont en revanche interdits les moyens auxiliaires pouvant entraver la respiration ou porter gravement atteinte à la santé des intéressés. La loi interdit également l’usage de dispositifs incapacitants (appareils à électrochocs). La loi sur l’usage de la contrainte règle en outre l’assistance médicale et l’utilisation de médicaments. Ceux‑ci ne peuvent être administrés qu’à des fins médicales. Ils ne peuvent être utilisés en lieu et place de la contrainte policière, aux fins de calmer ou d’endormir une personne. Enfin, la loi oblige les autorités à ne charger de tâches pouvant impliquer l’usage de la contrainte policière que des personnes spécialement formées à cet effet. Le Conseil fédéral a approuvé le message à l’appui du projet de loi sur l’usage de la contrainte le 18 janvier 2006.

3. Droits politiques (art. 5, al. c )

126.Au niveau fédéral, le droit de vote est régi par les articles 136 et 39 de la Constitution fédéraleet par laloi fédérale du 17 décembre 1976 sur les droits politiques (LDP) (voir CERD/C/351/Add.2, par. 138 à 142). Aux termes de l’article 136 de la Constitution, l’exercice des droits politiques est réservé aux personnes de nationalité suisse. Deux postulats, proposant l’octroi du droit de vote aux étrangers, ont été rejetés.

127.Aux niveaux cantonal et communal, ce sont les cantons qui, selon l’article 39 de la Constitution fédérale, règlent l’exercice des droits politiques. Depuis la présentation des deuxième et troisième rapports périodiques, la liste des cantons ayant accordé le droit de vote aux étrangers s’est allongée: depuis 2002, le canton de Neuchâtel accorde le droit de vote en matière cantonale aux étrangers qui bénéficient d’une autorisation d’établissement et qui sont domiciliés dans le canton depuis au moins cinq ans. Les constitutions des cantons des Grisons et de Bâle‑ville permettent aux communes d’introduire le droit de vote des étrangers. Dans le canton de Vaud, les étrangers ont le droit de vote à condition qu’ils soient domiciliés en Suisse depuis au moins dix ans, dont trois au moins sur le territoire cantonal. Le canton de Fribourg, finalement, vient d’accorder le droit de vote en matière communale à tous les étrangers qui sont au bénéfice d’une autorisation d’établissement et qui sont domiciliés dans le canton depuis au moins cinq ans.

128.Les choses ont aussi changé en ce qui concerne les règles d’admission à la fonction publique. La nouvelle loi sur le personnel de la Confédération (LPers), entrée en vigueur au 1er janvier 2001, ne contient plus de disposition limitant l’accès aux postes impliquant l’exercice de la puissance publique aux personnes possédant la nationalité suisse. Dans le cas de certaines fonctions particulières, dans le secteur international notamment, l’engagement peut néanmoins être assujetti à la condition que le candidat soit de nationalité suisse. Les domaines dans lesquels de telles restrictions sont possibles sont définis dans l’ordonnance sur le personnel de la Confédération.

4. Autres droits civils (art. 5, al. d )

a) Droit de circuler librement et de choisir son lieu de résidence à l’intérieur de l’ État (art . 5,  al.  d, i))

129.Comme nous l’avions déjà relevé dans le précédent rapport, seuls les ressortissants suisses peuvent invoquer le droit à la liberté d’établissement (art. 24, al. 1, Cst. féd.). Depuis le 1er juin 2002, 60 % des étrangers vivant en Suisse tombent toutefois sous le coup de l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP), qui s’applique aux ressortissants des pays membres de l’UE ou de l’AELE et qui confère à ceux‑ci un droit à la mobilité professionnelle et géographique et leur garantit donc un statut équivalant à celui des ressortissants suisses. Les autorisations accordées en vertu de la législation sur les étrangers ne sont plus limitées à certains cantons, mais valent pour l’ensemble du territoire suisse. Les étrangers qui changent d’emploi n’ont en outre plus besoin d’une autorisation supplémentaire.

130.Tous les autres étrangers continuent d’être assujettis à la LSEE. Nous renvoyons à ce propos aux deuxième et troisième rapports périodiques (CERD/C/351/Add.2, par. 153 à 155).

131.À la faveur de la révision totale de la loi sur les étrangers, un assouplissement a été prévu en matière de mobilité: les titulaires d’une autorisation de séjour ou d’établissement pourront choisir librement leur lieu de résidence sur le territoire du canton qui a octroyé l’autorisation (art. 36 LEtr). Si le transfert de domicile dans un autre canton continue d’être soumis à autorisation, les titulaires d’une autorisation de séjour ou d’établissement y auront désormais droit et pourront donc y prétendre (art. 37 LEtr).

b) Droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son propre pays (art. 5, al.  d , ii ))

132.Nous renvoyons à ce propos aux deuxième et troisième rapports périodiques (CERD/C/351/Add.2, par. 156 et 157).

c) Droit à une nationalité (art. 5, al. d , iii ) )

133.Les deux projets qui auraient facilité l’acquisition de la nationalité suisse par les jeunes étrangers ayant grandi en Suisse ont été rejetés par le peuple. À l’exception de quelques modifications législatives, la politique suisse en matière de naturalisations n’a pas connu de changements fondamentaux (voir infra,par. 256 à 273).

134.Le tableau qui suit donne un aperçu des naturalisations pour les années 2003 et 2004 en indiquant la nationalité d’origine des personnes naturalisées.

Tableau 6: Aperçu des naturalisations par pays d’origine pour 2003 et 2004

Pays d’origine

Total

Ordinaires

Facilitées

2003

2004

2003

2004

2003

2004

Serbie ‑et ‑Mo n ténégro

6 316

7 840

5 994

7 485

322

355

Italie

5 357

4 408

3 874

3 001

1 478

1 406

Turquie

4 212

3 558

4 006

3 382

206

186

Bosnie ‑Herzégovine

2 268

2 369

2 157

2 308

111

61

Macédoine

1 795

1 976

1 734

1 940

61

36

Croatie

1 560

1 615

1 456

1 521

104

94

Portugal

1 153

1 189

971

1 008

182

181

Sri Lanka

1 138

1 563

1 095

1 527

43

36

Espagne

814

842

603

547

211

295

Autres États

10 123

11 587

4 478

4 623

5 538

6 810

Total

37 070

36 947

27 015

27 342

9 865

9 460

135.Le tableau suivant donne un aperçu général des naturalisations ventilées par catégories.

Tableau 7: Aperçu général des naturalisations pour 1999 ‑2003

1999

2000

2001

20002

2003

Naturalisations ordinaires

14 634

20 418

19 239

27 216

27 015

Naturalisations facilitées

6 818

9 759

10 563

11 400

9 865

Réintégrations

246

275

273

217

190

Total

21 698

30 452

30 075

38 833

37 070

Source: OFM, Naturalisations, réintégrations et naturalisations facilitées depuis 1978 − aperçu général; état au 22 mars 2004.

136.L’augmentation des naturalisations lors de ces dernières années est essentiellement due à l’augmentation de la proportion d’étrangers vivant depuis longtemps en Suisse, ayant grandi dans notre pays ou s’étant mariés avec un citoyen suisse. Si le nombre des naturalisations augmente constamment, seuls 2,4 étrangers vivant en Suisse sur 100 ont reçu la nationalité suisse en 2002.

d) Droit de se marier et de choisir son conjoint (art. 5, al. d , iv ) )

i) Droit au mariage

137.Le droit au mariage, garanti à l’article 14 de la Constitution fédérale, implique la liberté d’épouser quelqu’un sans avoir à se plier à des restrictions étatiques, policières en particulier, ainsi que la liberté de fonder une famille. La vie commune des époux est protégée essentiellement par l’article 13 de la Constitution fédérale, combiné avec l’article 8 de la CEDH.

138.Dans son annexe 1, l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) contient des dispositions relatives au regroupement familial. Quelle que puisse être leur nationalité, les membres de la famille du travailleur étranger obtiennent la même autorisation de séjour que celui‑ci. Ils obtiennent aussi le droit d’exercer une activité lucrative et les enfants ont libre accès aux établissements scolaires.

139.Un droit au regroupement familial ne peut être déduit de la CEDH ou de la Constitution fédérale que par des personnes ayant un droit de présence en Suisse bien établi. Outre la nationalité suisse et l’autorisation d’établissement, une simple autorisation de séjour est aussi considérée comme droit de présence bien établi, à condition que le titulaire possède un droit bien établi à l’obtention de celle‑ci. À titre d’exemple, le Tribunal fédéral a reconnu ce droit à un homme originaire de Serbie‑et‑Monténégro qui vivait en Suisse depuis vingt ans, qui était marié depuis dix ans, et qui avait deux filles. Malgré l’endettement et l’instabilité professionnelle de cet homme, le Tribunal fédéral a considéré que ses attaches avec la Suisse étaient suffisantes pour lui reconnaître un droit de présence en Suisse fondé sur les garanties de la vie privée et familiale.

ii ) Droit au libre choix du conjoint

140.Dans le sillage de la multiculturalité croissante de notre société, le mariage forcé est un sujet qui fait parler de lui de plus en plus souvent en Suisse. Les dispositions permettant de punir cette atteinte à la liberté de choisir son conjoint existent. Selon le Code civil suisse, le fait qu’un époux ait contracté le mariage sous la menace d’un danger grave et imminent pour sa vie, sa santé ou son honneur, ou ceux de l’un de ses proches, est une cause de nullité (art. 107, par. 4, du Code civil). Si cet état de fait est établi, il peut en principe tomber sous le coup de la norme pénale relative à la contrainte (art. 181 du Code pénal), être donc poursuivi d’office, et être puni de trois ans d’emprisonnement au plus ou de l’amende.

141.En dépit de l’existence de ces moyens d’action civile et pénale, on discute actuellement de la nécessité d’interdire expressément les mariages forcés dans la loi. Le Conseil des États a approuvé un projet visant à compléter le Code pénal par une norme rendant la contrainte au mariage pénalement répréhensible. Ce projet devra maintenant être approfondi par les commissions compétentes. Au moyen d’un postulat, le Conseil national a demandé au Conseil fédéral d’étudier les différents moyens pouvant être mis en œuvre en droit civil et en droit pénal pour lutter contre les mariages forcés ou arrangés de personnes domiciliées en Suisse et de présenter les résultats sous la forme d’un rapport. Il importe toutefois de relever que la création d’un tel instrument ne changera rien au fait qu’il restera toujours très difficile de réunir les éléments nécessaires à l’accusation. Les personnes mariées de force n’osent en effet souvent pas en parler, et il est difficile, voire impossible, dans de nombreux cas, de prouver qu’il y a réellement eu contrainte.

e) Droit à la propriété (art. 5, al. d , v) )

142.Nous renvoyons aux deuxième et troisième rapports périodiques, par. 170 et 171.

f) Droit d’hériter (art. 5, al. d , vi ) )

143.Nous renvoyons ici aux explications données dans le rapport initial (ch. 119).

g) Droit à la liberté de pensée, de con s cience et de religion (art. 5, al. d , vii ) )

i) Droit à l’expression et à la mise en pratique de convictions religieuses

144.La compétence de reconnaître des communautés religieuses en droit public et de fixer les conditions de cette reconnaissance est du ressort des cantons. Depuis la présentation du dernier rapport, les communautés israélites ont été reconnues comme étant de droit public dans les constitutions révisées des cantons de Berne, Saint‑Gall et Bâle‑ville. Les cantons de Bâle‑campagne, Bâle‑ville, Berne, Obwald, Nidwald, Glaris, Fribourg, Soleure, Jura, Schaffhouse, Appenzell Rhodes‑Extérieures, Grisons, Neuchâtel, Argovie, Tessin, Vaud et Valais prévoient la possibilité de reconnaître encore d’autres communautés religieuses que celles qu’ils ont déjà reconnues. Dans certains cantons, les conditions de cette reconnaissance sont inscrites dans la Constitution, alors que dans d’autres elles sont développées au niveau de la loi.

145.Dans les autres constitutions cantonales, on cherche en vain une disposition permettant d’allonger la liste des communautés religieuses reconnues. En règle générale, les communautés religieuses qui ne sont pas reconnues en droit public sont assujetties au droit privé. Le 30 novembre 2003, le peuple du canton de Zurich a rejeté une loi sur la reconnaissance d’autres communautés religieuses. La campagne des opposants était essentiellement fondée sur des slogans anti‑islamiques.

146.Même si la plupart des cantons n’accordent pas le statut de droit public à des communautés religieuses qui ne l’ont pas encore, les membres de ces dernières ont le droit de pratiquer librement leur culte. La question de l’inhumation continue d’être l’une des principales préoccupations de la communauté musulmane. Il n’existe que quelques communes dans lesquelles les défunts peuvent être ensevelis selon le rite islamique. On dénote néanmoins une tendance accrue à l’aménagement de secteurs islamiques dans les cimetières publics. Les municipalités de Genève, Bâle, Berne, Neuchâtel, Zurich et Lucerne, mais aussi de communes moins importantes, ont ainsi donné l’exemple ces dernières années. Dans d’autres villes, la question est discutée et des initiatives ont été prises dans ce sens.

147.La construction de lieux de culte est une question qui a ému l’opinion publique ces derniers temps, notamment dans le contexte des discussions qui ont entouré des projets de construction de lieux de prière par la minorité musulmane. La Suisse a commandé un avis de droit relatif au traitement de projets de construction de bâtiments de culte en droit de la planification et de la construction à la lumière de la liberté de conscience et de croyance. Il en ressort que les communautés religieuses qui souhaitent construire ou transformer des lieux de culte sont souvent confrontées au problème de l’absence de zones spécialement réservées aux monuments sacrés dans les plans d’affectation locaux. Des exemples tirés de la jurisprudence récente des tribunaux montrent que ce problème peut se poser pour toutes les communautés religieuses, mais que celles qui sont implantées en Suisse depuis longtemps disposent en général déjà de bâtiments existants alors que les confessions nouvelles dans notre pays n’ont souvent pas de lieu de culte sur lequel elles puissent se rabattre. La construction de lieux de culte est en principe protégée par la liberté de croyance (art. 15, par. 2, Cst. féd.). L’empêchement d’une telle construction ou les restrictions imposées représentent donc en fait une atteinte à la liberté de croyance et ne sont conformes au droit que s’ils sont fondés sur des bases légales suffisantes, si l’intérêt public l’exige, si le principe de proportionnalité est respecté et si les éléments essentiels de la liberté de croyance sont préservés (art. 36, Cst. féd.). Pour savoir si ces conditions sont remplies, chaque cas doit être examiné séparément. Récemment, dans une affaire qui a fait beaucoup de bruit, la commission communale compétente a rejeté une demande de permis pour la construction d’un minaret sur un lieu de prière, arguant du fait que le minaret n’était conforme ni à la zone ni à la législation cantonale sur les constructions.

148.La liberté du culte peut subir certaines restrictions dans les établissements d’exécution des peines si l’intérêt public l’exige (par exemple pour limiter le risque d’évasion ou pour assurer le bon fonctionnement de l’établissement). Ces restrictions ne doivent toutefois pas provoquer une discrimination des communautés religieuses non reconnues. Il importe de trouver des solutions permettant l’exercice des pratiques religieuses sans que celles‑ci n’entravent l’exécution des peines de manière excessive. Le Tribunal fédéral a ainsi estimé que les détenus musulmans avaient un droit à la célébration commune de la prière du vendredi.

ii ) Écoles publiques neutres sur le plan confessionnel

149.Le 15 février 2001, la Cour européenne des droits humains a confirmé l’arrêt du Tribunal fédéral interdisant à une maîtresse d’école primaire le port du foulard islamique durant l’exercice de son activité d’enseignante. Elle a conclu que ce jugement n’était pas contraire à la CEDH, que le port de vêtements à caractère religieux tombait bien sous le coup de la liberté de culte et de conscience, mais que ce même droit fondamental garantissait aussi la neutralité confessionnelle de l’enseignement dispensé dans les écoles publiques. Elle a considéré que ce second aspect primait le premier.

150.Le port de symboles religieux par des élèves n’a en revanche encore jamais été l’objet d’une décision judiciaire. Les cantons, qui sont responsables du code vestimentaire dans les écoles, n’ont à ce jour prononcé aucune interdiction du port de symboles religieux; les litiges à ce propos semblent être quasiment inexistants. Les gouvernements des cantons de Zurich et de Bâle‑ville ont envisagé d’interdire le port du foulard dans les écoles, mais ont fini par y renoncer.

151.Les questions qui se posent en rapport avec la dispense d’élèves de certains éléments du programme scolaire, comme les cours de natation, de gymnastique ou d’éducation sexuelle, pour des raisons religieuses, ou encore avec la dispense scolaire les jours de fêtes religieuses, continuent d’être discutées. Le Tribunal fédéral s’est prononcé à ce sujet dans trois arrêts relativement anciens (voir aussi CERD/C/351/Add.2, par. 181). Il s’est avant tout attardé sur la question de la proportionnalité des mesures prises pour préserver le caractère obligatoire de l’enseignement. Il a ainsi estimé que seul un intérêt public important et impératif qui ait été prouvé de manière convaincante pouvait être prédominant par rapport à la liberté religieuse, garantie par la Constitution. Ces arrêts montrent que les autorités scolaires peuvent se trouver confrontées à des problèmes délicats lorsqu’elles s’efforcent de préserver le caractère obligatoire de l’enseignement et de satisfaire à l’obligation de neutralité à l’école. Ils montrent aussi que les règles existantes doivent être appliquées avec souplesse. Certains cantons ont émis des recommandations à ce propos ou ont consigné les règles pour le traitement de certaines questions concrètes dans des ordonnances.

152.La garantie de la liberté de culte et de conscience interdit que l’enseignement religieux, quel qu’il puisse être, soit rendu obligatoire. L’enseignement religieux dans les écoles relève des cantons, qui n’ont pas tous la même approche du problème. Comme l’appartenance religieuse de la population suisse a beaucoup évolué ces dernières années, on dénote néanmoins une tendance à la neutralité confessionnelle de l’enseignement dans de nombreux cantons. L’enseignement de matières telles que «éthique et religion» ou «religion et culture» doit consister en une présentation aussi neutre que possible des grandes religions. Le but est d’initier les élèves aux différentes conceptions religieuses et de les inciter à s’intéresser aux autres religions.

153.Différents cantons sont en train d’étudier la possibilité de permettre aux communautés religieuses non reconnues en droit public d’organiser elles aussi − à certaines conditions − un enseignement religieux à l’école. Deux communes lucernoises ont ainsi introduit un enseignement religieux islamique: les autorités scolaires mettent à disposition les plages horaires et les locaux nécessaires; le contenu de l’enseignement ainsi que les conceptions pédagogiques, de même que la formation et la rétribution des enseignants, étant l’affaire de la communauté religieuse responsable. Ce projet a pour but d’initier les enfants aux bases de l’islam, de renforcer leur capacité de réflexion et leur sens de la démocratie ainsi que de promouvoir l’intégration sociale des immigrants musulmans.

h) Droit à la liberté d’opinion et d’expression (art. 5, al.  d , vii ) )

154.Le droit à la liberté d’opinion et d’expression est garanti tant par la Constitution fédérale (art. 16) que par la CEDH (art. 10) et par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (art. 19). Des restrictions ne sont admissibles que si elles sont prévues par la loi, si elles sont dans l’intérêt public et si elles ne sont pas disproportionnées.

155.Dans un jugement récent, le Tribunal fédéral a tenu compte du droit à la liberté d’opinion dans son interprétation de l’article 261 bis du Code pénal. Il a en effet estimé que le droit à la liberté d’expression interdisait de conclure à la légère à un rabaissement ou à une discrimination au sens de l’article 261 bis, alinéa 4, du Code pénal dans le contexte d’un débat politique. Il a considéré que faire une remarque peu flatteuse sur une frange de la population ne suffisait pas à réunir les éléments constitutifs de l’infraction tant que l’auteur de la remarque l’avait formulée dans le contexte plus large d’une critique objective fondée sur des faits. Il a jugé essentiel pour le fonctionnement d’une démocratie qu’il soit possible de défendre des points de vue qu’une majorité de la population ne partage pas et que certains peuvent même trouver choquants. L’importance accordée à la liberté d’expression ne doit cependant pas être telle, selon lui, que la lutte contre la discrimination raciale soit vidée de sa substance.

156.La nouvelle loi sur la transparence de l’administration (voir supra, par. 49) viendra renforcer la liberté d’information en tant qu’élément de la liberté d’opinion et d’expression et permettra d’augmenter la transparence de l’administration.

i) Droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques (art 5, al. d , ix ) )

157.Les manifestations sont protégées non seulement par la liberté d’expression, mais aussi par la liberté de réunion. Comme elles impliquent une utilisation de la voie publique allant au‑delà de l’usage commun, les cantons peuvent les soumettre à autorisation. Dans sa jurisprudence récente, le Tribunal fédéral reconnaît toutefois l’existence d’un droit conditionnel à l’utilisation de la voie publique pour l’organisation de manifestations. Les étrangers peuvent eux aussi invoquer ce droit, même si les manifestations réunissant des étrangers peuvent être l’objet de restrictions policières supplémentaires, notamment si l’on redoute des accrochages entre groupes rivaux.

158.La liberté d’association est garantie à l’article 23 de la Constitution fédérale. Les associations illégales ou représentant une menace pour l’État ne sont toutefois pas protégées par cette disposition (voir CERD/C/270/Add.1, par. 146). Ce droit peut aussi être invoqué tant par les étrangers que par les personnes morales ou les associations elles‑mêmes.

5. Droits économiques, sociaux et culturels (art. 5, al. e )

159.Pour une information complète et détaillée sur les droits économiques, sociaux et culturels, nous recommandons de consulter le premier rapport de la Suisse sur la mise en œuvre du Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 30 juin 1994. Depuis la présentation de ce rapport en 1998, la situation de la Suisse en ce qui concerne ces droits n’a pas cessé d’évoluer. Le deuxième rapport est en préparation et sera soumis au Comité aussitôt que possible.

160.En sa qualité d’État partie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Suisse admet que les droits économiques, sociaux et culturels qui y sont garantis ont, par principe, valeur de programme. Elle considère donc être tenue de les concrétiser progressivement, en profitant de toutes les occasions et en usant de tous les moyens dont elle dispose, avant tout dans le contexte de son activité législative. Les normes du Pacte ne peuvent normalement pas être invoquées par des individus. Un citoyen ne peut donc pas en exiger l’application devant les autorités administratives et judiciaires suisses. Le Tribunal fédéral a pourtant estimé que certaines dispositions pouvaient, exceptionnellement, être applicables directement, comme le droit de grève, garanti à l’article 8, paragraphe 1, alinéa d, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

161.L’article 41 de la Constitution fédérale contient une liste de ce que l’on a appelé les buts sociaux. Il ne s’agit pas de droits à des prestations de l’État auxquelles le citoyen peut prétendre directement, mais d’un programme qui s’adresse aux autorités politiques et qui leur indique les domaines dans lesquels une action s’impose. Le droit d’obtenir de l’aide dans des situations de détresse (art. 12, Cst. féd.), le droit à un enseignement de base suffisant et gratuit (art. 19, Cst. féd.), le droit à des obsèques décentes (qui résulte du droit à la protection de la dignité humaine, art. 7, Cst. féd.) ainsi que le droit à l’assistance judiciaire gratuite (art. 29, al. 3, Cst. féd.) sont des droits que chacun peut faire valoir devant l’autorité compétente. Ces droits reviennent également aux étrangers, indépendamment du statut régissant leur séjour (même s’ils se trouvent en Suisse illégalement).

162.Selon l’article 12 de la Constitution fédérale, «quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine». Cette disposition ne garantit pas un revenu minimum au sens du minimum vital respecté dans le cadre de la poursuite pour dettes, mais uniquement ce dont une personne a besoin pour pouvoir vivre dignement.

163.Invoquant l’article 12 de la Constitution fédérale, le Tribunal fédéral a considéré que la suppression de l’aide d’urgence était contraire à la Constitution, même dans le cas des requérants d’asile séjournant en Suisse illégalement et ne coopérant pas avec les autorités. Il a estimé qu’il était inadmissible d’utiliser le refus de l’aide minimale comme moyen de pression pour obtenir l’exécution du renvoi.

a) Droit au travail (art. 5, al. e , i) )

i) Droit au travail

164.Pour ce qui est de l’effet horizontal entre individus de l’interdiction de discrimination, nous renvoyons aux deuxième et troisième rapports périodiques (CERD/C/351/Add.2, par. 86 à 88). En complément des rapports antérieurs, nous tenons à relever ceci:

165.Les données statistiques (2004) montrent qu’en Suisse une personne exerçant une activité lucrative sur quatre est de nationalité étrangère (25,3 %). Plus de la moitié de ces travailleurs étrangers (52,8 %) sont occupés par des entreprises comptant plus de 50 employés (Suisses/Suissesses: 46,6 %). Le secteur dans lequel on trouve le plus d’étrangers est celui de l’hôtellerie et de la restauration (53 %). La proportion de travailleurs étrangers est aussi élevée dans les «ménages privés» (40,1 %) et dans la construction (36,5 %). Un travailleur étranger sur cinq a des horaires irréguliers (19,3 %), et un sur cinq également travaille le week‑end (20,1 %).

166.Le droit d’accès des citoyens des pays membres de l’UE ou de l’AELE au marché suisse du travail est accordé par étapes. Il est prévu, dans l’Accord sur la libre circulation des personnes, que la libre circulation − autrement dit l’ouverture inconditionnelle du marché du travail suisse sans quotas − devra être garantie dès 2007, au terme d’un délai transitoire de cinq ans (voir art. 10, ALCP).

167.L’ordonnance limitant le nombre des étrangers (OLE) régit l’admission en Suisse des étrangers originaires d’États tiers, soit d’États qui ne sont membres ni de l’UE ni de l’AELE. Le Gouvernement suisse fixe périodiquement des nombres maximums (art. 12, OLE) et les travailleurs suisses ainsi que les ressortissants d’État membres de l’UE ou de l’AELE bénéficient d’un traitement prioritaire (art. 7 et 8, OLE).

168.L’interdiction générale de travailler qui avait été mentionnée dans les deuxième et troisième rapports périodiques (CERD/C/351/Add.2, par. 196) et dont étaient frappés les demandeurs d’asile a été supprimée par le Gouvernement suisse au 1er septembre 2000. Le nombre des requérants d’asile et des personnes admises provisoirement avait en effet diminué à un point tel que les conditions légales nécessaires au maintien de la mesure n’étaient plus remplies. On en est donc revenu à l’ancien régime, en vertu duquel le requérant d’asile avait le droit d’exercer une activité lucrative au terme d’un délai de trois mois à compter du dépôt de sa demande d’asile (art. 43, LAsi). Dans le projet de révision de la loi sur l’asile, il est prévu à l’article 43, paragraphe 3 bis, d’accorder au Gouvernement la compétence de frapper certains groupes de requérants d’asile d’une interdiction temporaire de travailler.

169.Les requérants d’asile sont admis provisoirement lorsque l’exécution de la décision de renvoi est illégale, impossible, ou ne peut raisonnablement pas être exigée des intéressés. À la fin janvier 2006, le nombre des personnes admises en Suisse à titre provisoire était de 24 600. Leur taux d’occupation (34 %) n’atteint même pas la moitié de celui des étrangers au bénéfice d’un permis de séjour en Suisse. L’expérience a montré qu’une grande majorité de ces personnes demeure en Suisse pendant très longtemps ou même pour toujours. Afin de permettre à ce groupe de personnes d’intégrer la vie professionnelle le plus tôt possible, mais aussi afin de faire des économies au niveau de l’aide sociale, le Conseil fédéral a, au 1er avril 2006, adapté les prescriptions en matière de priorité dans le recrutement (art. 7, par. 3, OLE): lorsqu’il s’agit de l’exercice d’une première activité, la priorité est accordée, outre aux travailleurs indigènes, aux demandeurs d’emploi étrangers se trouvant déjà en Suisse et autorisés à travailler. Les étrangers admis à titre provisoire bénéficient du même traitement.

ii ) Droit au libre choix de l’emploi

170.L’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) garantit aux ressortissants des États membres de l’UE ou de l’AELE un droit complet à la mobilité professionnelle, y compris l’accès à une activité lucrative indépendante.

171.La nouvelle loi sur les étrangers prévoit un droit de changer de métier ou d’emploi sans autorisation préalable.

iii ) Droit à des conditions de travail équitables et satisfaisantes

172.Outre le principe général de la non‑discrimination en raison de la nationalité (art. 2, ALCP), l’Accord sur la libre circulation des personnes régit, à son article 7, alinéa a, ainsi que dans son annexe I (art. 9), le droit à l’égalité de traitement avec les nationaux en ce qui concerne l’accès à une activité économique et son exercice, ainsi que les conditions de vie, d’emploi et de travail. L’interdiction de toute discrimination déploie un effet direct à l’égard des tiers étant donné que l’article 9, paragraphe 4, de l’ALCP (annexe I) déclare nulle toute clause de convention collective ou individuelle portant sur l’accès à l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail et de licenciement qui prévoit ou autorise des conditions discriminatoires à l’égard des travailleurs ressortissants des Parties contractantes.

173.Aux fins d’écarter la menace du dumping social et salarial, la loi fédérale sur les conditions minimales de travail et de salaire applicables aux travailleurs détachés en Suisse et sur les mesures d’accompagnement a été adoptée en même temps que les accords bilatéraux.

174.Pour ce qui est des ressortissants de pays non membres de l’UE ou de l’AELE, l’OLE prévoit qu’une autorisation ne peut être accordée que si l’employeur leur assure les mêmes conditions de rémunération et de travail, en usage dans la localité et la profession, qu’il accorde aux Suisses (art. 9, al. 1, OLE).

iv ) Droit à un salaire égal pour un travail égal ainsi qu’à une rémunération équit a ble et satisfaisante

175.Nous renvoyons à ce propos au paragraphe 176 ci‑dessous et ainsi qu’au rapport initial (CERD/C/270/Add.1, par. 157).

176.De nouveaux relevés statistiques ont révélé qu’en 2002 seul un tiers des étrangers (34,5 %) contre plus de la moitié des Suisses (53,8 %) ont bénéficié d’un salaire mensuel supérieur au salaire brut médian national de 5 417 francs suisses par mois. Si une partie de cet écart peut être expliquée par des différences de formation, d’expérience professionnelle, par les années de service, la structure d’âge, ou les secteurs dans lesquels les travailleurs sont occupés, des études récentes ont montré que la raison principale de ces différences était que les étrangers occupent plus des postes caractérisés par des tâches simples et répétitives dans des branches économiques à faible rémunération et qu’on les retrouve moins souvent dans les branches à forte rémunération à des postes exigeants convenant à des personnes hautement qualifiées. Cependant, à niveau d’exigence égal, on constate parfois dans certaines branches des disparités salariales importantes entre Suisses et étrangers, surtout lorsque ceux‑ci ne bénéficient que d’une autorisation de courte durée.

v) Droit à la protection contre le chômage

177.Voir exposé figurant dans le rapport initial de la Suisse, toujours pertinent (CERD/C/270/Add.1, par. 158).

b) Droits syndicaux (art. 5, al. e , ii )

i) Droit de se syndiquer et droit de grève

178.Nous renvoyons ici à ce qui a été écrit dans le rapport initial (CERD/C/270/Add.1, par. 160 et suiv.) ainsi que dans les deuxième et troisième rapports périodiques (CERD/C/351/Add.2, par. 201 et 202).

c) Droit au logement (art. 5, al. e , iii ))

179.Dans le contexte du recensement 2000, l’Office fédéral de la statistique a réuni des données sur les conditions de logement en Suisse. Depuis 1990, la proportion des personnes propriétaires de leur logement a passé de 31,3 % à 34,6 %. Seuls 10 % des étrangers sont propriétaires de leur logement en Suisse, ce qui s’explique, entre autres, par leur souhait de rentrer au pays un jour ou l’autre ou par la précarité de leur statut en Suisse. Si 64 % des Suisses sont locataires, cette proportion est beaucoup plus élevée chez les étrangers, puisqu’elle atteint 91 %. Moins de 40 % des ménages suisses vivent dans un immeuble de trois unités ou plus. Chez les familles étrangères, ce taux est de 80 %.

180.Les logements sont devenus un bien rare, notamment dans les centres urbains et leurs agglomérations. Les loueurs se permettent donc de sélectionner leurs locataires selon des critères tels que le nom, la maîtrise de la langue ou l’autorisation de séjour. Les étrangers ont donc souvent de la peine à trouver un logement et doivent se rabattre sur des objets peu avantageux offrant un mauvais rapport qualité/prix. Comme ils ne connaissent généralement pas le droit de bail suisse, ils sont mal placés pour se défendre contre les préjudices et l’injustice.

181.Consciente du problème, l’Association suisse des locataires a lancé le projet «Égalité des chances (aussi) dans le droit du bail à loyer»: des modules relatifs au droit de bail sont combinés avec des cours de langue et d’intégration, formule qui rencontre un grand succès auprès des participants et qui contribue à la prévention des conflits dans le domaine du droit de bail à loyer.

182.La Commission fédérale des étrangers (CFE), qui s’occupe de questions d’intégration ainsi que de cohabitation entre les populations suisse et étrangère, a en 2004 mis l’accent essentiellement sur le thème «Intégration et habitat−logement, politique de l’habitat et aménagement du territoire». À la suite de ses recherches et de ses discussions avec divers acteurs œuvrant dans le domaine de l’habitat et de la politique de l’habitat, la CFE a formulé diverses recommandations. Entre autres, elle s’est prononcée en faveur de l’égalité des chances face au marché du logement, indépendamment de la nationalité et du statut de séjour des intéressés, et invite les loueurs, les régies immobilières ainsi que les propriétaires d’immeubles à renoncer à toute attitude ou pratique discriminatoire au profit de mesures de promotion de l’intégration.

183.Comme nous l’avions déjà relevé dans le rapport initial, la conclusion de contrats de bail à loyer relève de l’autonomie contractuelle, ce qui signifie que chacun est libre d’y consentir ou non (voir infra,par. 326 à 329, et CERD/C/270/Add.1, par. 162 et suiv.).

d) Droit aux soins médicaux publics et à la sécurité sociale (art. 5, al. e , iv ) )

i) Droit aux soins médicaux publics et au suivi médical

184.Dans les buts sociaux énoncés dans la Constitution fédérale, il est précisé à l’article 41, paragraphe 1, alinéa b, que la Confédération et les cantons s’engagent à ce que toute personne bénéficie des soins nécessaires à sa santé. Le droit d’obtenir de l’aide dans des situations de détresse (art. 12, Cst. féd.) implique, entre autres, un droit d’accès aux soins médicaux de base qui soit le même pour tous, sans discrimination aucune .

185.Selon la loi fédérale sur l’assurance maladie (LAMal), l’assurance de base est obligatoire pour toutes les personnes domiciliées en Suisse et a pour but de garantir des soins à tous ceux qui en ont besoin. Tombent aussi sous le coup de ce régime obligatoire les requérants d’asile, les personnes admises à titre provisoire ou pour des raisons humanitaires, de même que les personnes à protéger qui n’ont pas d’autorisation de séjour. Une caisse maladie n’a pas le droit de refuser l’assurance de base à quelqu’un ou de résilier l’assurance de base de l’un de ses membres. Il est précisé dans la circulaire de l’Office fédéral des assurances sociales que les assurances maladie ont aussi l’obligation d’assurer tant les sans‑papiers que les personnes ayant fait l’objet d’une décision de non‑entrée en matière.

186.Aux fins d’enrayer les coûts de la santé dans le domaine de l’asile, le projet de révision de la loi sur l’asile prévoit d’exclure les requérants d’asile de l’effectif déterminant pour la compensation des risques. Cela présuppose une modification de la LAMal. Il est en outre prévu de modifier la loi sur l’asile de sorte que les requérants d’asile bénéficiant de l’aide sociale puissent être restreints dans le choix de leur assureur et de leur fournisseur de prestations.

ii ) Droit à la sécurité sociale et aux services sociaux

187.Pour ce qui est de l’AVS/AI, nous renvoyons au développement − toujours valable − qui se trouve dans les deuxième et troisième rapports périodiques (CERD/C/351/Add.2, par. 209 à 212).

188.Selon le droit en vigueur, les requérants d’asile qui n’exercent pas d’activité lucrative sont obligatoirement assurés à l’AVS/AI/APG une fois écoulé un délai de six mois à compter du dépôt de leur demande d’asile. Comme la plupart des requérants d’asile ne séjournent en Suisse que temporairement, la charge administrative entraînée par cette réglementation est considérable. À la faveur de la modification de la LAVS prévue dans le contexte de la révision de la loi sur l’asile, on envisage de suspendre la perception des cotisations. En cas de survenance de l’événement assuré ou si le séjour en Suisse de l’intéressé est régularisé, il est prévu que la suspension soit levée et que les cotisations soient perçues rétroactivement, dans les limites du délai de prescription.

189.Pour ce qui est du droit à l’aide d’urgence, voir les paragraphes 162 et 163 ci‑dessus.

e) Droit à l’éducation et à la formation (art. 5, al. e , v) )

190.Tous les enfants vivant en Suisse ont un droit à l’enseignement de base (gratuit) qui est garanti par la Constitution fédérale (art. 19), par la Convention relative aux droits de l’enfant (art. 28) ratifiée par la Suisse, ainsi que par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (art. 13). En vertu du paragraphe 2 de l’article 62 de la Constitution fédérale, les cantons sont tenus de pourvoir à un enseignement de base suffisant, ouvert à tous les enfants. En 1991 déjà, dans ses «Recommandations concernant la scolarisation des enfants de langue étrangère», la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) avait posé le principe selon lequel tous les enfants de langue étrangère vivant en Suisse devaient être intégrés dans l’école publique. Le 7 septembre 2005, le Conseil général de la ville de Zurich a clairement rejeté une intervention qui demandait que les élèves de langue étrangère soient contraints au passage d’un examen d’admission avant de pouvoir intégrer une classe ordinaire, que le statut régissant leur séjour en Suisse soit enregistré à leur scolarisation et que ces données soient publiées.

f) Droit d’accès à tous les lieux et services destinés à l’usage du public (art. 5, al. f )

191.Nous renvoyons ici aux deuxième et troisième rapports périodiques (CERD/C/351/Add.2, par. 213 et 214).

E. Garantie de voies de recours effectives (art. 6)

192.Le recours de droit public est ouvert en cas de violation de l’interdiction générale de toute discrimination, formulée à l’article 8 de la Constitution fédérale. Pour qu’une personne ait qualité pour exercer le recours, il suffit qu’elle fasse valoir une discrimination motivée par son appartenance à un groupe protégé selon le paragraphe 2 de l’article 8. Appelé à se prononcer à ce sujet (ATF, 129 I 217), le Tribunal fédéral a considéré que le fait de déduire la reconnaissance d’un intérêt protégé par le droit directement de l’interdiction de toute discrimination permettait de garantir l’ouverture du recours de droit public au Tribunal fédéral contre les actes discriminatoires commis par des autorités cantonales ou communales. La Suisse remplit ainsi son engagement au sens de l’article 6 de la Convention de garantir l’ouverture de voies de droit efficaces devant les tribunaux nationaux compétents à toutes les victimes d’actes discriminatoires à motivation raciste.

193.Le Tribunal fédéral a en outre rendu un arrêt relatif à la qualité de victime en application de l’article 261 bis du Code pénal. La loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions (LAVI), qui vise à aider efficacement les victimes d’infractions pénales et à améliorer leur statut juridique, peut à certaines conditions être appliquée dans le contexte de l’article 261 bis du Code pénal. Le Tribunal fédéral a considéré que, selon les circonstances, la qualité de victime pouvait être reconnue si l’agression raciste et discriminatoire était accompagnée de voies de fait. Si tel n’est pas le cas et si l’agression ne réunit pas les éléments constitutifs d’autres infractions telles que les lésions corporelles ou l’incendie intentionnel, la reconnaissance de la qualité de victime ne peut être envisagée que dans des cas particulièrement graves. On se trouve en présence d’un tel cas particulièrement grave lorsque le recourant a subi une atteinte sérieuse à son intégrité psychique. Cela vaut dans le contexte tant du paragraphe 4, première partie, de l’article 261 bis que dans celui du paragraphe 5. Pour ce qui est de la négation d’un génocide ou d’autres crimes contre l’humanité au sens du paragraphe 4, deuxième partie, de l’article 261 bis, le Tribunal fédéral a estimé qu’il s’agissait d’une atteinte à la paix publique et que ces actes pouvaient donc porter atteinte à l’intégrité psychique d’un individu tout au plus de manière indirecte. L’application de la LAVI est donc exclue dans ce cas.

F. Mesures dans les domaines de l’enseignement, de l’éducation, de la culture et de l’information (art. 7)

1. Service de lutte contre le racisme (SLR)

194.Exprimant sa volonté de mettre en œuvre les résultats de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée (Conférence de Durban), le Gouvernement suisse a créé au sein de l’administration fédérale le Service de lutte contre le racisme (SLR). Ce nouvel organe a pour tâche de coordonner et de mettre en réseau les mesures de l’administration fédérale contre le racisme et l’extrémisme. Le SLR est l’interlocuteur privilégié de la Confédération dans ses rapports avec les cantons, les communes et des tiers pour toutes les questions touchant au racisme. Il favorise la coopération et l’échange avec les organisations non gouvernementales et les instituts de recherche travaillant dans ce domaine, de même qu’avec les institutions spécialisées au niveau international (Conseil de l’Europe, ONU, UE). Il met ses connaissances spécifiques à la disposition des autorités et institutions et soutient les efforts concrets de lutte contre le racisme, la xénophobie et l’extrémisme de droite par des mesures d’aide appropriées.

a) Activités du SLR

195.Le SLR organise des réunions de travail, qui se tiennent à intervalles réguliers dans les différentes régions linguistiques de Suisse. Elles permettent aux acteurs (organismes étatiques, œuvres d’entraide et ONG intéressés) d’approfondir les connaissances dont ils ont besoin pour accomplir un travail de sensibilisation et de prévention efficace dans les différents domaines de la vie sociale (éducation, emploi, administration, jeunesse, etc.). Lors de ces réunions, il s’agit d’une part de transmettre des informations et d’autre part de favoriser la discussion entre les participants. On en espère en outre une meilleure coordination des activités ainsi qu’une diffusion d’informations sur le travail du SLR auprès des autres services de l’administration fédérale intéressés par le sujet (par exemple, CFR, CFE). Le SLR a déjà organisé des séminaires de transfert de compétences sur les thèmes suivants: «Promouvoir l’intégration, lutter contre le racisme: différences et complémentarités» (Olten, Yverdon, Bellinzone, 2003), «L’évaluation − un outil pour développer la qualité des projets de lutte contre le racisme et en faveur des droits humains» (Olten, Yverdon, 2003), «Sérier les problèmes: évaluer, rediriger, aider les victimes de discrimination à motif xénophobe/raciste» (Olten, Yverdon, 2004), «Comment le dire aux médias et donc au public?» (Olten, 2004), «Introduction aux médias» (Yverdon, 2005), «Lutte contre le racisme chez les jeunes. Projets couronnés de succès» (Olten, 2004).

196.Le SLR a conçu plusieurs publications spécifiques pour informer sur différents thèmes en rapport avec son travail de lutte contre le racisme. Il a ainsi publié une étude intitulée «Un monde du travail sans discrimination. Mesures de lutte contre la discrimination dans le domaine de l’emploi» (2003), de même qu’une brochure donnant un aperçu des mesures concrètes pouvant être prises par les employeurs pour prévenir les conflits dans leur entreprise et réduire les risques de discrimination au travail, lors de l’embauche et dans la formation professionnelle. Un colloque a aussi été organisé sur le thème «Un monde du travail sans discrimination». Il a réuni 150 représentants des secteurs les plus divers. Grâce à la collaboration avec les associations patronales, avec les syndicats et avec les organismes de la Confédération touchés par les thèmes du travail et de la formation professionnelle, il a été possible de sensibiliser les acteurs les plus importants au problème de la discrimination. Dans un rapport paru sous le titre «Agents de la fonction publique aux prises avec la diversité culturelle: quelle formation en matière de prévention des discriminations», le SLR donne un aperçu des formations proposées aux agents de la fonction publique aux fins de prévenir les discriminations. Le SLR a organisé sur le même thème un colloque qui a réuni 130 professionnels du secteur social, de l’enseignement et de l’administration. Finalement, le SLR résume les multiples expériences qu’il a accumulées en rapport avec la gestion du Fonds de projets contre le racisme et en faveur des droits humains dans une publication intitulée «Agir contre le racisme. Expériences et recommandations pour la gestion de projets» (y compris documentation filmée sur DVD). Cet ouvrage a pour but d’encourager le lancement de nouveaux projets.

197.En collaboration avec le DFAE, le SLR s’est chargé de publier en trois langues les deuxième et troisième rapports périodiques présentés par la Suisse au Comité. De concert avec la CFR, le SLR a en outre assuré la publication des documents finaux de la Conférence de Durban.

198.Contrairement à la CFR, le SLR n’a aucun mandat lui permettant d’exercer une fonction de médiation en cas de conflit. On trouve cependant sur son site Internet un répertoire d’adresses d’antennes et de centres de conseil qui proposent leur aide aux victimes d’actes de discrimination raciale. Comprenant 175 adresses, cette liste se trouve aussi dans la brochure «Adresses de centres de conseil aux victimes de discriminations et d’aide en cas de conflit» (disponible en trois langues). Conformément à son mandat, le SLR soutient la formation et le perfectionnement des collaborateurs de services de conseil aux victimes d’actes de discrimination raciale. En collaboration avec la CFE, il a organisé une audition à laquelle ont participé des institutions de formation, les antennes existantes ainsi que les cantons et les communes en qualité de fournisseurs potentiels d’aide financière. Ensemble, on a dressé une liste de tous les besoins et de toutes les offres de formation. Celle‑ci a ensuite été commentée et discutée. Les résultats de ce colloque ont été résumés dans une brochure (qui n’existe qu’en allemand). Ils peuvent aussi être consultés sur le site Internet du SLR (en allemand seulement).

b) Fonds de projets contre le racisme et en faveur des droits humains

199.De 2001 à 2005, le SLR s’est occupé de la gestion du Fonds de projets contre le racisme et en faveur des droits humains, que le Gouvernement suisse avait créé pour soutenir des projets de formation, de sensibilisation et de prévention ainsi que des services d’aide aux victimes et de conseil en cas de conflit. Il a, à cet effet, mis à disposition un crédit d’engagement de 15 millions de francs suisses au total pour un durée de cinq ans (2001–2005). Un sixième de cette somme était destiné à des projets relevant du domaine scolaire (voir infra, par. 218 à 221). Le but du Fonds était de contribuer à faire reconnaître la lutte contre le racisme et la xénophobie comme un élément douloureux certes, mais incontournable et gérable, de notre vie sociale au quotidien, et ce sans volonté moralisatrice ni désir de trouver de nouveaux boucs émissaires. Le Fonds devait s’adresser au plus de milieux possible de la société et encourager les projets les plus divers, les plus innovants et les plus expérimentaux. L’orientation thématique des appels d’offres a permis d’aborder les problèmes concrets qui se posent dans divers domaines de la société. Les organisations et institutions actives dans chacun de ces domaines ont ainsi pu se rendre compte des besoins et des possibilités qui existent en matière de lutte contre le racisme. Le but n’était toutefois pas de limiter le choix des projets à ceux qui portaient sur le thème annuel. Les thèmes annuels ont été les suivants:

2001:Éducation des adultes;

2002:Jeunesse;

2003:Mise en œuvre des décisions prises par la Conférence de Durban;

2004:Monde du travail;

2005:Agir sur le long terme − Favoriser les droits humains et la non‑discrimination dans la vie quotidienne.

200.Sur 994 projets déposés, 529 ont bénéficié d’un soutien.Ils provenaient des milieux les plus divers: classes d’écoles et groupes de jeunes, administrations cantonales ou communales, employeurs et employés, œuvres d’entraide et organisations d’étrangers. Il a été intéressant de constater que, bien qu’ayant toujours été importante, la part des projets déposés par les pouvoirs publics n’a cessé d’augmenter.

201.Le nombre de projets dans le domaine scolaire, déjà élevé, a encore augmenté d’année en année. Jusqu’à l’année passée, les projets d’intervention contre la violence n’ont aussi cessé de se multiplier. Cette progression s’explique d’une part par la façon dont le problème est perçu dans l’opinion publique, et d’autre part par les restrictions budgétaires imposées dans les cantons et les communes. Elle prouve toutefois aussi que le travail d’intervention, impliquant une discussion à cœur ouvert des problèmes posés par les préjugés et la xénophobie, est un moyen de lutte contre la violence qui semble prometteur à long terme.

202.Les projets ainsi que le travail de suivi du SLR ont largement contribué à faire prendre conscience du problème que représentent le racisme et la xénophobie ainsi qu’à faire reconnaître ces phénomènes comme des éléments certes douloureux, mais incontournables et gérables, de notre société. En résumé, les principaux résultats positifs ont été les suivants:

Expérimentation et évaluation de conceptions novatrices de l’intervention, de la prévention et de la sensibilisation;

Mise en place et mise en réseau d’antennes et de services de conseil aux victimes et aux collectivités publiques;

Transfert de savoir‑faire vers des services de consultation non spécifiques leur permettant de traiter le sujet de manière professionnelle;

Professionnalisation et mise en réseau d’organismes spécialisés;

Multiplication et spécification des cours de formation de base et de formation continue.

203.L’analyse différenciée des activités du Fonds sous plusieurs angles est unique aussi au niveau international:

L’administration et les résultats des projets soutenus par le Fonds ont été consignés dans des rapports d’évaluation annuels. Le SLR a rédigé un rapport final donnant un aperçu des cinq années d’activité du Fonds.

Chaque projet relevant du domaine scolaire est apprécié par le service régional compétent de la fondation Éducation et développement. Ces appréciations sont ensuite encore soumises à une commission d’experts.

Les ateliers d’analyse des résultats auxquels les responsables des projets ont été conviés en 2005 ont servi de base à la conception du document de synthèse avec son DVD.

Bon nombre de projets de recherche menés à bien dans le contexte du Programme national de recherche PNR 40+ «Extrémisme de droite. Causes et contre‑mesures» reposent sur des expériences récoltées grâce à des projets soutenus par le Fonds.

204.En 2005, le SLR a procédé à une étude analytique complète de tous les projets. À l’occasion d’une réunion finale, qui s’est tenue en novembre 2005 en présence de M. Pascal Couchepin, Conseiller fédéral, de M. Doudou Diène, Rapporteur spécial de l’ONU sur les formes modernes du racisme, et de M. Alvaro Gil‑Robles, Commissaire du Conseil de l’Europe aux droits humains, différents projets soutenus ont été éclairés rétroactivement et des perspectives ont été esquissées en prévision d’activités futures.

205.Depuis 2006, la Confédération alloue chaque année 1,1 million de francs (dont 900 000 francs pour le financement de projets et 200 000 francs pour des frais de matériel) au SLR pour son travail et pour le soutien de projets de tiers. Elle entend ainsi promouvoir un effort de prévention et de sensibilisation qui ait des effets durables à long terme. Au moyen d’activités ciblées, le SLR continuera de contribuer à l’éducation, à la professionnalisation et à la mise en réseau dans le domaine de la lutte contre le racisme. Le fait que le sujet sera désormais pris en compte dans les programmes d’autres services de la Confédération, notamment dans les domaines de l’intégration, de la santé, de la jeunesse, de l’éducation et de la recherche, apportera d’une part une plus‑value substantielle et fera d’autre part apparaître le thème du racisme sous un jour nouveau, pluridisciplinaire.

2. Commission fédérale contre le racisme ( CFR )

206.En septembre 2005, la CFR a fêté ses dix ans d’existence. Son budget d’exploitation se monte en moyenne à environ 185 000 francs par année. Comme son mandat et ses activités ont déjà été éclairés de manière circonstanciée dans les deuxième et troisième rapports périodiques, nous nous contentons ici d’y renvoyer (CERD/C/351/Add.2, par. 218 à 226). Cela nous permet de nous concentrer sur les principales orientations de ces dernières années et sur les projets que la CFR a réalisés dans le cadre de son mandat durant cette période.

207.Après avoir consacré beaucoup d’énergie à aborder le phénomène du racisme sur les plans idéologique et symbolique ces dernières années, la CFR prévoit, à l’avenir, d’accorder une attention accrue à la concrétisation de l’égalité de traitement dans les faits. Dans les domaines du travail et du logement, par exemple, elle entend œuvrer en faveur d’une interdiction explicite de la discrimination entre particuliers. Elle soutient les efforts visant à renforcer les instruments de droit pénal, notamment dans la perspective d’une interdiction des organisations et symboles racistes. À l’occasion de son dixième anniversaire et en prévision de ces prochaines années, la CFR propose une stratégie en cinq points «pour une politique commune contre le racisme».

208.Au moyen de textes sur cartes et affiches, la campagne médiatique de sensibilisation lancée sous le titre «Sans exclusion» attire l’attention du grand public sur des situations de la vie quotidienne, que des personnes de religion, de couleur ou d’origine différentes peuvent ressentir comme une atteinte à leur dignité. La campagne a été parrainée par des entreprises et organisations, qui la diffusent gratuitement.

209.La CFR se sert de l’instrument du communiqué de presse pour se prononcer sur des événements politiques à chaque fois qu’elle perçoit ou craint des discriminations. Elle s’exprime dans le contexte de procédures de consultation portant sur des sujets qui relèvent de son mandat. La CFR a ainsi pris position par exemple dans le contexte des procédures de consultation relatives à la loi fédérale sur le Bureau fédéral de médiation, relative à l’ordonnance sur l’intégration des étrangers et relative à la révision totale de la loi sur l’aide aux victimes d’infractions. Outre son bulletin «Tangram», une publication bisannuelle, la CFR a publié des rapports et des études portant sur des thèmes spécifiques (voir supra, par. 92). Une importance croissante revient à son site Internet ainsi qu’aux informations que l’on y trouve.

210.Exerçant une fonction de médiatrice, la CFR conseille les personnes qui s’estiment victimes d’actes de discrimination raciale, mais aussi des entreprises et des services de consultation confrontés à des questions de racisme. Chaque jour, un cas de conflit au moins est dénoncé à la Commission. La CFR est aussi l’organe auquel peuvent s’adresser toutes les personnes qui, au sens de l’article 14 de la Convention, souhaitent présenter une communication au CERD et désirent se faire conseiller sur la procédure à suivre, l’efficacité de la démarche et les chances de succès.

211.Dans sa réponse à une motion émanant de la droite bourgeoise, qui demandait la suppression de la CFR, le Gouvernement suisse a confirmé l’importance du travail fourni par la Commission. L’intérêt très vif que lui témoignent non seulement les autorités au niveau de la Confédération, des cantons et des communes, mais aussi les ONG et les particuliers, ainsi que la renommée internationale de la Commission sont autant de preuves du professionnalisme avec lequel la CFR a accompli son mandat au cours des dix dernières années.

3. Commission fédérale des étrangers ( CFE )

212.La Commission fédérale des étrangers est une commission extraparlementaire chargée de conseiller le Conseil fédéral. Elle se penche sur des questions sociales, économiques, culturelles, politiques, démographiques et juridiques se posant dans le contexte de la cohabitation entre les populations suisse et étrangère. Elle s’efforce plus particulièrement de favoriser l’intégration et l’égalité des chances (voir CERD/C/270/Add.1, par. 174, et CERD/C/351/Add.2, par. 227 à 229).

213.La mission dont la CFE est chargée est double: elle s’occupe d’abord de la gestion du crédit d’intégration, déjà mentionné au paragraphe 227 des deuxième et troisième rapports périodiques. Ce crédit sert à cofinancer des projets correspondant aux points forts définis. La CFE examine les demandes reçues, se prononce à leur sujet et soumet sa proposition pour approbation à l’Office fédéral des migrations. La mise en œuvre du Programme de points forts 2001–2003 a été l’objet d’une évaluation et a été jugée positive dans l’ensemble. Le Programme pour la promotion de l’intégration 2004 à 2007 a été conçu sur la base des expériences faites dans le cadre du premier programme et compte tenu des évolutions importantes relevées en matière d’intégration. Pour les années 2004 et 2005, un crédit annuel de 13,7 millions de francs a été mis à disposition pour le soutien de projets. Ces moyens financiers ont permis d’encourager financièrement plus de 600 projets par année.

214.Ensuite, la CFE fournit aussi un important travail politique. Elle approfondit des sujets en rapport avec l’intégration, émet des recommandations, donne son avis sur des questions relatives aux migrations ou à l’intégration dans le contexte de procédures de consultation et s’efforce de soutenir et de mettre en réseau les acteurs de l’État et de la société civile qui travaillent dans le domaine de l’intégration. La CFE publie en outre le magazine bisannuel Terra cognita, qui traite de thèmes divers en rapport avec l’intégration et les migrations. En créant le prix suisse d’intégration, décerné pour la première fois en 2005, la CFE s’est donné les moyens de primer les meilleures initiatives et les meilleurs projets dans le domaine de l’intégration.

215.La CFE choisit chaque année des thèmes qu’elle se propose d’approfondir dans le contexte de son activité politique. En 2005, la Commission s’est penchée sur la question de l’ouverture des institutions, le but étant d’inciter les administrations publiques et les organismes de la société civile à reconsidérer leur conception et leurs activités à la lumière de la pluralité de la société suisse. Dans le cadre du Programme de promotion de l’intégration, la CFE soutient donc financièrement les institutions de la société civile qui souhaitent s’engager dans un processus d’ouverture. Outre différents autres projets et activités en rapport avec ce thème, la CFE a émis des recommandations en vue de «l’ouverture des institutions dans les administrations et dans la société civile», commandé plusieurs études à ce sujet, produit un DVD qui a pour but d’encourager les institutions à s’engager dans des processus d’ouverture, et organisé une journée nationale sur le sujet. Le thème de l’année 2004 était «Intégration et habitat–logement, politique de l’habitat et aménagement du territoire». Différentes études et plusieurs textes ont été publiés à ce sujet et une journée nationale a été organisée sur ce thème. Des projets portant sur l’intégration et l’habitat ont en outre été encouragés. Le point fort thématique de l’année 2003 était l’intégration des migrants sur le marché du travail et dans le monde du travail.

4. Mesures concernant l’enseignement et l’éducation

216.En 2003, la Conférence des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) a décidé d’instituer dès 2004 une Journée de la Mémoire de l’Holocauste, commémorée dans toutes les écoles de Suisse le 27 janvier. Elle a ainsi repris une initiative du Conseil de l’Europe, de même qu’une résolution des Ministres de l’éducation du Conseil de l’Europe datant d’octobre 2002. Sur le serveur suisse de l’éducation e d uca, la CDIP propose un dossier qui a pour but d’aider les enseignants à aborder ce thème. Depuis 2001, le crédit «Projets contre le racisme» est venu compléter de manière décisive les efforts de la CDIP dans le domaine de la politique de l’éducation. Ce crédit est géré par la fondation Éducation et développement (FED), qui apprécie elle‑même les demandes de soutien et qui fixe pour le dépôt de celles‑ci deux délais d’envoi par année.

217.Depuis le lancement du Programme contre le racisme et en faveur des droits humains en 2001, les projets relevant du domaine scolaire sont devenus l’un des piliers de la prévention. Grâce à la collaboration avec la CDIP et la fondation Éducation et développement, qui évalue et suit les projets scolaires, le SLR est devenu pour les différents acteurs du secteur scolaire une plate‑forme d’action et d’information.

218.Sur les 440 projets scolaires déposés au total, 184 ont été soutenus. Tous les niveaux scolaires, de l’école enfantine au gymnase ou à l’école professionnelle, et toutes les régions linguistiques de Suisse sont représentés parmi ces projets encouragés, qui vont de l’atelier de classe de courte durée à des projets menés sur plusieurs années dans des établissements scolaires entiers. On trouve parmi eux aussi bien des ateliers de théâtre ou de musique que des expositions itinérantes, aussi bien des actions limitées aux places de récréation que des projets d’échanges interculturels. Dans la plupart des cas, c’est un conflit latent ou un incident concret ayant opposé des jeunes d’origines culturelles différentes qui incite les enseignants à mettre sur pied un tel projet de prévention du racisme. Selon la CDIP, ces projets ont généralement un effet tangible et durable.

219.Pour partager les expériences recueillies avec un large public et pour encourager à la présentation de projets, la fondation Éducation et développement (FED) a créé un site Internet sur lequel ont trouve une description de 33 des 184 projets soutenus. Ce site, qui s’adresse avant tout aux enseignants et aux responsables dans le domaine de la formation, contient des conseils concrets et des idées pour la mise sur pied de projets, des adresses utiles et des liens ainsi que des propositions de matériel pédagogique sélectionnées parmi la gamme de produits didactiques proposés par la fondation Éducation et développement.

220.Il est prévu que la fondation Éducation et développement (FED), financée par la Confédération et par la CDIP,continue de fonctionner comme centre de compétence qui se préoccupe activement des questions de racisme et qui apprécie, suive et évalue les projets du domaine scolaire. Dès 2006, 300 000 francs sont mis à disposition chaque année pour l’encouragement de ce type de projets.

221.Voici un autre exemple d’activités contre le racisme relevant du domaine scolaire et de l’éducation en général: «Klartext» est un projet national de culture des jeunes pour la tolérance, contre le racisme et la violence. «Klartext» est un projet d’INFOKLICK.CH et de Caritas Suisse qui est placé sous l’égide de la CFR et qui est soutenu par le Fonds de projets contre le racisme et en faveur des droits humains. Il propose aux enfants et aux jeunes des plates-formes de rencontre interculturelle faisant appel à leur engagement et à leur créativité, à leur participation et à leur collaboration, pour le traitement des thèmes du racisme, de la violence et de l’intégration. Il encourage leurs activités culturelles en général.

5. Médias

222.Dans le secteur des médias, différentes institutions ont établi des codes de conduite aux fins de garantir le respect de la dignité humaine et de l’interdiction de toute discrimination dans le cadre de l’activité journalistique critique et indépendante. Voici une description des mesures prises par les trois principales:

a) Conseil suisse de la presse

223.Le Conseil suisse de la presse, qui est à la disposition du public et des journalistes en tant qu’instance de plainte pour des questions relevant de l’éthique des médias, a émis une Déclaration et des directives à l’intention des journalistes. Relevons qu’il s’agit là de restrictions contraignantes que les journalistes se sont imposées de leur plein gré. Au paragraphe 8 de la Déclaration, l’interdiction de toute discrimination est décrite de la façon suivante:

«Le/la journaliste respecte la dignité humaine; il/elle doit éviter toute allusion, par le texte, l’image et le son, à l’appartenance ethnique ou nationale d’une personne, à sa religion, à son sexe ou à l’orientation de ses mœurs sexuelles, ainsi qu’à toute maladie ou handicap d’ordre physique ou mental, qui aurait un caractère discriminatoire.»

224.Dans une prise de position, le Conseil de la presse constate que le racisme ouvert a pratiquement disparu dans les médias suisses d’actualité. Il reste cependant, selon lui, deux domaines dans lesquels on continue de retrouver régulièrement des formulations discriminatoires: les lettres de lecteurs et les comptes rendus d’actes criminels. La question des lettres de lecteurs racistes avait déjà été traitée de manière détaillée dans une prise de position antérieure du Conseil de la presse. Pour ce qui est des informations portant sur des crimes ou délits, le Conseil de la presse a précisé l’interdiction de toute discrimination dans une prise de position ainsi que dans un nouvel alinéa qui a été ajouté aux directives et qui ne cesse de susciter des discussions chez les journalistes. Il n’est apparemment pas facile, même pour le Conseil de la presse, de trouver une voie médiane entre une non‑discrimination raisonnable et le politiquement correct timoré. Le libellé du paragraphe 8.2 de la directive est le suivant:

«Lorsqu’une information porte sur un délit, des indications touchant l’appartenance ethnique, la religion ou l’orientation des mœurs sexuelles, ainsi qu’une maladie ou un handicap d’ordre physique ou mental, peuvent être admises pour autant qu’elles soient nécessaires à la compréhension du récit. La mention de la nationalité ne devrait faire l’objet d’aucune forme de discrimination: lorsqu’elle n’est pas systématique (et donc appliquée aussi aux ressortissants nationaux), elle doit répondre aux mêmes conditions restrictives que les autres indications. Une attention particulière sera accordée au fait que ces indications peuvent renforcer les préjugés contre des minorités.»

b) Autorité indépendante d’examen des plaintes en matière de radiotélévision ( AIEP )

225.En sa qualité d’instance quasi judiciaire, l’AIEP statue sur les plaintes relatives à des émissions de radio et de télévision diffusées par des diffuseurs suisses. Dans l’exercice de son mandat, l’AIEP n’est liée par aucune instruction émanant du Parlement, du Gouvernement ou de l’administration fédérale.

226.L’AIEP a résumé ses principes jurisprudentiels relatifs aux dispositions les plus importantes du droit des programmes dans des directives. Il y est inscrit que les diffuseurs suisses de radio et de télévision doivent dans leur ensemble accomplir un mandat culturel. Une émission qui va diamétralement à l’encontre de ce mandat, en affichant par exemple un caractère essentiellement destructeur, est inadmissible. Afin d’assurer la réalisation du mandat culturel, un certain nombre de domaines sensibles, comme la dignité humaine ou le racisme, imposent par ailleurs des exigences accrues dans le cadre d’une émission particulière.

227.Selon ces mêmes directives, sont considérées comme violant la dignité humaine les émissions qui ridiculisent ou rabaissent des individus en les réduisant au statut d’objets. La protection ne se limite pas aux personnes mentionnées dans une émission, mais elle s’étend à la dignité humaine dans son principe, dans le sens d’une protection des valeurs culturelles et sociales fondamentales.

c) Télévision suisse ( SRG SSR )

228.La Télévision suisse alémanique (SF) s’est donné des directives, valables pour toutes ses rédactions, qui sont encore plus détaillées que la Charte d’éthique établie par la Télévision suisse romande. S’agissant de commentaires racistes et de la norme pénale antiracisme, l’article 39 de ces directives précise ceci:

«SF ne s’interdit pas les reportages sur des politiques ou des skinheads scandant des slogans racistes. Ces personnes peuvent aussi être citées au moyen de la bande‑son originale, même si leurs assertions racistes et peut‑être même pénalement répréhensibles obtiennent ainsi une diffusion supplémentaire. Au moyen du commentaire et de la façon dont ces paroles discriminatoires sont intégrées dans le reportage, les responsables de ce dernier veillent à priver les propos racistes de tout effet de propagande. Les réactions d’adversaires politiques, de personnes lésées ou d’enquêteurs permettent de rétablir l’équilibre.

Dans le cadre de reportages sur des actes criminels, toute précision sur l’appartenance ethnique ou nationale de l’auteur ou du suspect est délicate. Lorsque des nationalités sont citées pour leur contenu informatif, l’information doit être complète (égalité de traitement entre ressortissants suisses et étrangers). Les stéréotypes racistes comme «de type balkanique» ou «d’allure maghrébine» doivent être évités.

Dans le contexte de discussions télévisées, le racisme latent fait surface dès le moment où certaines caractéristiques négatives sont attribuées globalement à un groupe ethnique ou racial. Si cela arrive, le présentateur doit réagir immédiatement en réfutant la notion biologique de race ou, si l’émission est diffusée en direct, en provoquant l’expression d’un avis contraire.»

d) Service national de coordination de la lutte contre la criminalité sur Inte r net ( SCOCI )

229.Rattaché à l’Office fédéral de la police, le Service de coordination de la lutte contre la criminalité sur Internet (SCOCI) a vu le jour en 2003, grâce à un arrangement administratif conclu entre la Confédération et les cantons. La situation en matière de lutte contre la criminalité sur Internet n’était pas satisfaisante, surtout en ce qui concernait la coordination de l’action de la police. Le service créé permet désormais à la Confédération et aux cantons de coordonner les mesures qu’ils prennent pour lutter contre la criminalité sur Internet. Il constitue le point de contact central pour les personnes souhaitant signaler l’existence de sites Internet suspects et entreprend lui‑même des recherches sur Internet pour traquer les abus pénalement répréhensibles.

e) Étude sur le stéréotypage d’acteurs juifs dans les médias

230.Une étude publiée récemment avait pour but d’analyser le travail des médias en Suisse alémanique pour y traquer les propos généralisateurs (stéréotypant) concernant des acteurs juifs ou le judaïsme en général et pour les comparer avec les généralisations portant sur des acteurs musulmans ou sur l’islam.

231.Les auteurs de l’étude ont constaté des différences dans la représentation des acteurs juifs et des acteurs musulmans dans les médias: l’image donnée des acteurs juifs était souvent positive et suscitait l’empathie; les juifs sont souvent considérés comme des victimes, soit en leur qualité de minorité menacée et persécutée tout au long de l’histoire, soit dans le contexte actuel, en raison des dangers qu’ils courent de nos jours, notamment par le fait d’attentats terroristes. La menace latente ou ouverte de l’antisémitisme a par ailleurs été généralement confirmée et n’est que rarement remise en question. Les conclusions en ce qui concerne les acteurs musulmans ont été bien différentes: ils sont très souvent représentés comme étant les auteurs d’actes d’agression et comme attisant les conflits. Si ce stéréotypage de l’«auteur» est relativisé dans la mesure où elle s’applique généralement aux islamistes ou aux fondamentalistes musulmans et non à la collectivité musulmane dans son ensemble, force est d’admettre que cette image d’«auteurs» reste très problématique en ce qu’elle vient biaiser la vision que l’on a de l’islam et des musulmans, car la notion d’islamiste est mise en rapport direct avec l’islam en tant que religion et a pratiquement toujours une connotation négative dans les produits médiatiques.

f) Conférences

232.Le SLR s’est penché sur le travail des médias dans une publication parue sous le titre «Comment capter l’attention des médias? Conseils pour le travail d’information en matière de lutte contre le racisme et de promotion de l’intégration», ainsi que dans des ateliers organisés dans ce contexte. Le but tant de la publication que des ateliers était de familiariser les organisations œuvrant dans le domaine de la lutte contre la discrimination et de la promotion de l’intégration au travail des médias. L’idée à la base de cette démarche était d’intéresser les médias locaux et la presse spécialisée aux projets de lutte contre le racisme et la discrimination aux fins d’attirer l’attention du public sur cette problématique et d’obtenir un ancrage à long terme de cette thématique dans différents secteurs clefs de la société.

233.En 2003, la CFR a organisé une conférence nationale sur le thème de la représentation des minorités dans les médias. Sous le titre «Parler non pas de, mais avec, les minorités − racisme et minorités dans les médias», la discussion a essentiellement porté sur les questions suivantes: comment concilier devoir d’information et interdiction de toute discrimination dans l’agitation du quotidien journalistique et comment les journalistes peuvent‑ils répondre à l’attente des minorités, qui ne se satisfont plus du rôle d’objet et souhaitent prendre une part active dans le processus de couverture médiatique? La Conférence a réuni des représentants non seulement de différents médias, mais aussi de différentes minorités, qui ont tous eu l’occasion d’animer la discussion de leurs différents points de vue.

III . PRISE DE POSITION RELATIVE AUX CONCLUSIONS DU COMITÉ POUR L’ ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE DU 21 MA RS 2002

A. Généralités

234.Le Comité a examiné les deuxième et troisième rapports périodiques de la Suisse (CERD/C/351/Add.2) du 29 décembre 1997 et du 29 décembre 1999 ainsi qu’un rapport complémentaire à ses 1495e et 1496e séances des 4 et 5 mars 2002. Lors de sa 1520e séance du 21 mars 2002, il a adopté les conclusions ( CERD /C/60/CO/14 ) commentées ci‑après.

B. Fédéralisme ( CERD /C/60/CO/14, par. 8)

235.D’une manière tout à fait générale, le fédéralisme tel qu’il fonctionne en Suisse est à lui seul un moyen efficace de protection des minorités. À travers les institutions de la Confédération, il garantit une représentation aux groupes de la population qui appartiennent à une minorité nationale tout en étant majoritaire à l’intérieur d’une région géographique déterminée. Grâce au fédéralisme, les communes et les cantons dans lesquels vivent ces minorités jouissent aussi d’une certaine autonomie dans leur organisation.

236.Le fédéralisme et la démocratie sont donc deux des piliers de l’État suisse. Adapté à la pluralité culturelle du pays ainsi qu’aux besoins d’autonomie des États fédérés, le fédéralisme assure l’unité nationale dans le respect de la diversité des parties qui le composent. La simple structure de l’État fédéré suffit à assurer la protection des minorités nationales et leur soutien.

237.«Selon la conception suisse du droit, le droit international public et la législation nationale forment un ordre juridique unique.». Selon le paragraphe 4 de l’article5 de la Constitution fédérale, les normes de droit international sont donc automatiquement assimilées au droit national dès leur entrée en vigueur. La Suisse reste ainsi fidèle à la conception moniste du droit qu’elle applique déjà depuis de très nombreuses années. Entre conventions internationales et législations cantonales ou communales, la hiérarchie des normes est donc claire puisque les traités ratifiés par la Confédération sont considérés comme droit fédéral et puisque celui‑ci prime toutes les normes cantonales ou communales. En vertu de l’article 191 de la Constitution fédérale, le Tribunal fédéral et les autres autorités sont en outre tenus d’appliquer non seulement les lois fédérales, mais aussi le droit international.

238.Le paragraphe 1 de l’article 54 de la Constitution fédérale confère par ailleurs à la Confédération une compétence globale en matière de conclusion de traités internationaux. Lorsque la mise en œuvre de traités internationaux requiert des dispositions d’exécution dans le droit interne, ce sont en principe les cantons qui s’en chargent dans les domaines relevant de leur compétence. Les cantons sont en effet tenus d’appliquer et d’exécuter les traités ratifiés par la Confédération au même titre que toutes les autres normes de la législation fédérale. Dans le cadre de la surveillance fédérale, la Confédération peut, si nécessaire, enjoindre aux cantons d’appliquer des traités internationaux de manière correcte et en temps utile.

239.Aux fins de mieux coordonner leurs mesures de prévention du racisme, de l’antisémitisme, de la xénophobie et de l’extrémisme de droite, la Confédération a créé le SLR (voir supra, par. 194 à 198). Il est l’interlocuteur privilégié de la Confédération pour ce type de questions et collabore étroitement avec les cantons, les communes ainsi que des tiers (organisations privées, instituts de recherche et organisations non gouvernementales). Le SLR revêt en outre un rôle important en ce qui concerne la concrétisation d’engagements internationaux comme la Convention ou les recommandations de la Conférence de Durban. La CFR, en revanche, est une commission extraparlementaire, qui concentre son action au niveau politique et s’efforce avant tout de sensibiliser le public (voir supra, par. 206 à 211). Chaque année, elle organise une conférence à laquelle sont conviées toutes les personnes responsables de la lutte contre le racisme au niveau des cantons afin de discuter avec elles de questions concrètes de lutte contre le racisme dans les cantons.

240.L’organisation faîtière des délégués cantonaux et communaux à l’intégration est la CDI. En matière de discrimination et de racisme, les délégués sont les antennes du SLR. D’entente avec celui‑ci, les délégués à l’intégration ont adapté les statuts de leur organisation faîtière pour y déclarer expressément que la lutte contre la discrimination faisait partie de leur travail d’intégration. Des représentants du SLR participent régulièrement aux séances des délégués à l’intégration.

C. Persistance d’attitudes hostiles envers les Noirs, les musu l mans et les demandeurs d’asile ( CERD /C/60/CO/14, par. 9)

241.Dans une société multiculturelle, il ne suffit pas de lois pour combattre les tendances racistes. Il est tout aussi important d’œuvrer au rapprochement entre les cultures et les religions en cherchant à éliminer les préjugés existant à l’égard de personnes de couleur ou de religion différente ou suscités par leur statut de séjour en Suisse. L’intégration de ces minorités dans notre société est un pas important en direction de l’ouverture et de la tolérance. La politique suisse d’intégration − nous renvoyons à ce propos aux paragraphes 72 à 78 ci‑dessus et notamment aux précisions données sur le crédit d’intégration géré par la CFE − contribue à faire avancer ce processus. Dans ce contexte, il est tout aussi important de fournir à la population suisse des informations fiables et objectives sur la situation particulière des étrangers, une mission qui, dans la loi sur les étrangers, est désormais confiée à la Confédération, aux cantons et aux communes. Ainsi, les autorités contribuent à instaurer un climat de tolérance mutuelle, sans pour autant apparaître sous les traits de «faiseurs d’opinion». Voir également à ce sujet le paragraphe 76.

242.La politique suisse contre le racisme, qui consiste en une lutte contre toutes les formes de racisme, d’antisémitisme et de xénophobie en général ne se limite en principe pas à la protection de minorités spécifiques. La Suisse a néanmoins conscience de l’attitude hostile, mentionnée par le Comité, à laquelle sont confrontés les groupes en question et a donc pris des mesures spéciales. D’une manière générale, on constate lors de séances d’information et de séminaires une sensibilisation croissante du public au problème de la discrimination de groupes spécifiques (Noirs, musulmans, etc.).

243.Grâce aux crédits de soutien du Fonds de projets contre le racisme et en faveur des droits humains, des montants substantiels ont pu être alloués à des projets de soutien de groupes minoritaires et de victimes potentielles du racisme (gens du voyage, juifs, Noirs). Ces projets contribuent à promouvoir l’auto‑assistance (empowerment) ainsi qu’à lutter contre les discriminations spécifiques dont ces groupes font l’objet. Le Fonds a également permis de soutenir des projets consacrés à la discrimination multiple de femmes, d’immigrantes et de requérantes d’asile en particulier.

244.Les projets lancés ont aussi permis aux groupes victimes d’actes racistes de reprendre de l’assurance et de prendre eux‑mêmes l’initiative d’intervenir activement pour organiser leur défense. Un soutien financier est accordé à différents services d’aide aux personnes victimes d’actes de discrimination raciale.

245.Dans le contexte de la mise en œuvre du plan d’action de la Conférence de Durban, la CFR a accordé une attention accrue, ces dernières années, au problème du racisme et de l’exclusion de personnes venues d’Afrique ou d’origine africaine. En 2002, elle a ainsi organisé une Conférence nationale sous le titre «Les ombres du passé et le poids des images − le racisme anti‑Noir en Suisse». Différentes discussions et tables rondes ont incité à la réflexion en retraçant les origines historiques du racisme anti‑Noir (colonialisme, esclavage) et en analysant les formes qu’il prend en Suisse au quotidien. Elle a également consacré à ce thème un numéro de son bulletin bisannuel Tangram.

246.Par la suite, la CFR a commandé l’étude «Les Noirs en Suisse. Une vie entre intégration et discrimination», qui décrit comment les personnes à peau foncée se sentent en Suisse et quelles sont les difficultés auxquelles elles se heurtent au quotidien. Les deux chercheuses, qui appartiennent elles‑mêmes au groupe cible, décrivent le vécu de la population noire au moyen d’entretiens dits «qualitatifs» et analysent dans une optique psychosociale ce que ressentent les Noirs en décrivant leurs réactions aux blessures subies. L’étude se termine par des recommandations, données du point de vue tant des personnes interrogées que des auteurs elles‑mêmes, indiquant comment promouvoir l’intégration et l’acceptation. Les résultats spécifiques de l’étude concernant le racisme et la discrimination ont révélé que la plupart des événements entraient dans la catégorie du racisme sournois (ou latent): regards méprisants, insultes, le fait d’être ignoré ou de «ne pas être vu». Il s’agit de formes de racisme face auxquelles les personnes touchées se sentent particulièrement désarmées parce qu’elles sont difficiles à prouver et parce qu’elles sont souvent minimisées. Le racisme ouvert se manifeste sous la forme d’agressions verbales ou physiques dans des lieux publics, qui peuvent aller jusqu’aux voies de fait. Une personne interrogée sur deux a été insultée plus d’une fois à cause de la couleur de sa peau.

247.Dans le sillage des événements du 11 septembre 2001 et des autres attentats terroristes revendiqués par des groupements islamistes radicaux, les personnes de confession musulmane sont, depuis un certain temps, au centre du débat public, parfois mené sur ton de polémique. En tant que minorité religieuse, elles sont souvent la cible de généralisations abusives et d’attitudes discriminatoires. La CFR attire l’attention sur ce problème dans un communiqué de presse et demande l’instauration d’un débat public qui soit factuel et dont la communauté musulmane ne soit pas exclue.

248.Mandatée par la CFE, une équipe de chercheurs s’est entretenue avec des musulmans dans le cadre d’une étude intitulée «Musulmans en Suisse − profils, attentes et visions». Les interviews ont porté sur différents aspects de leur religion, de leur identité et de leur rôle en Suisse. En résumé, l’étude a révélé que le profil des musulmans et musulmanes vivant dans notre pays était très hétérogène et que les stéréotypes ainsi que les visions de l’islam largement répandus dans l’opinion publique ne correspondaient pas à la réalité. Les auteurs de l’étude se sont aussi interrogés sur les moyens de parvenir à un rapprochement entre les communautés musulmanes et la société majoritaire. Ils plaident d’une part pour une meilleure reconnaissance des communautés religieuses musulmanes, tout en estimant d’autre part que celles‑ci doivent être mieux intégrées dans les processus politiques les concernant afin qu’elles participent aux décisions au lieu de se les voir simplement imposer. Ils relèvent toutefois que des efforts de rapprochement doivent aussi être faits à l’intérieur de la communauté musulmane, pour donner à l’État un interlocuteur auquel il puisse s’adresser.

249.Pour plus de détails concernant les attitudes hostiles aux musulmans, nous renvoyons aux paragraphes 57 à 63 ci‑dessus.

D. Procédures de naturalisation ( CERD /C/60/CO/14, par. 10)

1. Jugements du Tribunal fédér al

250.La procédure de naturalisation telle qu’elle est pratiquée dans certains cantons n’est effectivement pas satisfaisante et a donné lieu à des discussions de principe sur les conditions qu’elle doit remplir pour satisfaire pleinement aux principes de l’état de droit. Le Tribunal fédéral a contribué à cette discussion par deux arrêts fondamentaux. Il a estimé que si la compétence de déterminer l’organe responsable des naturalisations aux niveaux cantonal et communal devait continuer de relever des cantons, le respect des principes de l’état de droit tels que l’interdiction de toute discrimination ou l’obligation de motiver devait être garanti. Plusieurs cantons se sont déjà conformés à ces arrêts en adaptant leurs procédures de naturalisation. D’autres révisions au niveau fédéral sont à l’étude.

251.Il ressort de l’arrêt du Tribunal fédéral 129 I 232 que le respect des principes de l’état de droit n’est pas garanti dans les votes populaires aux urnes. Les décisions de naturalisation doivent obligatoirement être motivées, ce qui, par définition, n’est pas possible dans le contexte d’un scrutin populaire par les urnes. La motivation ultérieure de la décision par une autorité communale ne saurait venir combler cette lacune. Le Tribunal fédéral ne voit aucune possibilité de pallier l’absence de motivation dans les cas où des décisions en matière de naturalisation sont prises aux urnes et a donc jugé qu’il était anticonstitutionnel de décider des demandes de naturalisation par voie de scrutin aux urnes.

252.Dans un deuxième arrêt, le Tribunal fédéral a jugé que «le recours de droit public pour violation de l’interdiction de toute discrimination est recevable aussi dans des cas tels que le refus d’une naturalisation, où il n’existe pas de droit à l’acte demandé». En reconnaissant qu’un intérêt protégé par le droit pouvait résulter directement de l’interdiction de toute discrimination, on garantit que tout acte discriminatoire d’une autorité cantonale ou communale ouvre le recours de droit public au Tribunal fédéral.

2. Modifications législatives liées aux naturalisations

253.À la suite de cette jurisprudence du Tribunal fédéral, le Conseil des États a, lors de la session d’hiver 2003, donné suite à une initiative parlementaire demandant que les cantons et les communes soient libres de concevoir la procédure de naturalisation comme ils l’entendent et que le recours au Tribunal fédéral soit ouvert uniquement en cas de violation d’une garantie constitutionnelle de procédure. La Commission des institutions politiques du Conseil des États s’est fixé pour but de mettre en œuvre les deux arrêts du Tribunal fédéral dans la législation et de s’atteler à cet effet à la tâche délicate consistant à refermer le clivage existant entre la procédure démocratique appliquée par certains cantons enmatière de naturalisations d’une part et les exigences de l’état de droit d’autre part.

254.Selon la solution proposée par la Commission des institutions politiques du Conseil des États en ce qui concerne les naturalisations au niveau communal, la procédure doit être définie par les cantons et les décisions négatives doivent être motivées. L’organe habilité à décider des demandes de naturalisation n’est cependant pas précisé. Le projet de loi prévoit en outre l’institution d’un droit de recours au niveau cantonal contre les décisions de naturalisation prises selon la procédure ordinaire. Aux fins d’améliorer la protection de la personnalité des candidats, les cantons doivent veiller au respect de la sphère privée de ces derniers en ne rendant publiques que les données personnelles nécessaires à la prise de la décision de naturalisation. Le Conseil fédéral a adopté le projet le 2 décembre 2005, le Conseil des États le 14 décembre 2005.

255.Dans le sillage des deux arrêts du Tribunal fédéral susmentionnés, deux initiatives parlementaires ont aussi été déposées au Conseil national. Sous la forme de trois initiatives cantonales, les cantons de Schwyz, de Lucerne et d’Argovie ont formulé, en substance, les mêmes préoccupations.

256.L’initiative populaire «Pour des naturalisations démocratiques», déposée par l’Union démocratique du centre (UDC), a par ailleurs abouti. Elle demande que l’on laisse aux communes la liberté de décider de l’organe compétent pour l’octroi du droit de cité communal. Selon l’initiative, la décision de cet organe serait définitive. Le Conseil fédéral est en train de préparer le message y relatif. La Commission des institutions politiques du Conseil des États a décidé de traiter l’initiative parlementaire Pfisterer en même temps que l’initiative populaire de l’UDC «Pour des naturalisations démocratiques». Les Chambres fédérales débattront de ces deux objets vraisemblablement au printemps 2007.

257.En réaction aux interventions politiques et à l’initiative populaire fédérale mentionnées, le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral de justice et police de rédiger un rapport sur les questions en suspens en matière de naturalisations. Ce rapport a été présenté au printemps 2006.

258.Le 26 septembre 2004, le peuple suisse a rejeté les deux objets relatifs à la naturalisation sur lesquels il était appelé à se prononcer: d’une part la naturalisation facilitée des jeunes de la deuxième génération, et d’autre part l’octroi de la nationalité suisse à la naissance pour les étrangers de la troisième génération.

259.D’autres modifications législatives, commentées ci‑après, sont en revanche entrées en vigueur le 1er janvier 2006, car elles n’ont pas été l’objet d’une demande de référendum.Selon la première, les autorités cantonales et communales ne pourront plus percevoir que des émoluments couvrant les frais de naturalisation. Elles ne seront donc plus autorisées à demander plusieurs milliers de francs pour l’octroi d’un droit de cité.

260.Une autre avait pour but d’améliorer la position des enfants apatrides: aux termes du nouvel article 30 LN, un enfant apatride mineur peut former une demande de naturalisation facilitée s’il a résidé au total cinq ans en Suisse, dont l’année précédant le dépôt de la demande. La disposition s’applique également aux enfants que l’on a fait venir en Suisse en vue d’une adoption et qui finalement ne sont pas adoptés, s’ils ont perdu leur nationalité en vertu du droit en vigueur dans leur pays d’origine.

261.La plupart des autres modifications apportées à la LN portent sur les naturalisations facilitées et les réintégrations. Il s’agit, en premier lieu, de mesures en faveur de personnes d’origine suisse.

3. Épreuves de langue

262.L’idée d’introduire une épreuve de langue écrite dans la procédure de naturalisationa suscité de vives discussions sur l’utilité de ce genre de tests comme critère d’intégration des candidats à la naturalisation. On est généralement d’accord sur le fait que l’apprentissage d’une langue nationale est indispensable à l’intégration et que la langue doit donc être considérée comme un critère d’aptitude dans la procédure de naturalisation. Une grande majorité des cantons posent d’ailleurs déjà des exigences en matière de connaissances linguistiques, que ce soit au niveau de la loi, au niveau réglementaire ou sous la forme de recommandations. Le désaccord porte sur la façon dont il convient de prendre en compte ce genre de critères. Les discussions virulentes qui ont eu lieu à ce sujet en Suisse alémanique avant tout et le fait que différentes communes ont commencé à mettre au point leurs propres tests ont incité la Commission fédérale des étrangers à requérir la collaboration du Centre d’enseignement et de recherche en langues étrangères de l’Université de Fribourg pour élaborer des règles‑cadres en vue de l’authentification des connaissances linguistiques dans le contexte des procédures de naturalisation. Se fondant sur les résultats de cette collaboration, la CFA a formulé des recommandations à l’intention des autorités souhaitant tester les compétences communicatives des candidats à la naturalisation dans la langue locale en tant que critère d’intégration. Ces recommandations ont pour but d’aider les autorités à concevoir les tests de manière transparente et équitable.

263.Le Tribunal fédéral s’est lui aussi prononcé une fois déjà sur la prise en compte des connaissances linguistiques dans le cadre de la procédure de naturalisation en donnant raison à une commune qui avait rejeté la demande de naturalisation d’une candidate à cause des lacunes constatées dans sa capacité de communiquer dans la langue du pays. Statuant sur le recours interjeté contre cette décision, le gouvernement cantonal l’a infirmée. Appelé à se prononcer à son tour, le Tribunal fédéral a estimé que le canton avait enfreint l’autonomie communale et qu’il n’avait pas le droit de naturaliser la candidate contre la volonté de la commune. Il a jugé que, dans la mesure où le droit cantonal leur conférait l’autonomie en matière de naturalisations, les communes étaient libres d’appliquer en ce qui concerne les connaissances linguistiques des critères plus stricts que le canton. Ces exigences ne doivent cependant, toujours selon le Tribunal fédéral, pas être excessives au point de représenter un véritable obstacle à la naturalisation.

E. Création de classes séparées pour les élèves étrangers ( CERD /C/60/CO/14, par. 11)

264.Il y a quelques années, deux villes suisses avaient tenté l’expérience de former des classes de primaire en séparant enfants suisses et enfants étrangers. À cette époque, de nombreuses voix s’étaient élevées dans les parlements cantonaux et communaux de Suisse alémanique pour demander des classes séparées pour les germanophones dans les écoles dans lesquelles les enfants suisses étaient en minorité. Les défenseurs de cette idée estimaient en effet que des mesures étaient nécessaires pour préserver les chances des élèves germanophones dans ces établissements scolaires. Ces requêtes avaient été vivement discutées tant dans les médias que dans les parlements qui étaient appelés à en décider (voir CERD/C/351/Add.2, par. 323). La plupart de ces interventions ont été rejetées et l’expérience a été tentée uniquement dans quelques classes des villes de Rorschach et de Lucerne. L’objectif de ces essais mis en pratique était d’optimiser l’apprentissage tant des enfants suisses que des enfants étrangers. À Rorschach, le nombre important d’enfants de réfugiés albanophones avait incité les autorités à former deux classes spéciales de niveaux préscolaire et primaire. L’enseignement y avait lieu tantôt en albanais, tantôt en allemand. Cet essai a été stoppé après deux ans et les enfants de ces classes ont réintégré les structures scolaires ordinaires. À Lucerne, il s’est agi d’une mesure exceptionnelle dans le cadre de laquelle une première classe primaire avait été constituée exclusivement d’enfants étrangers. Depuis lors, il n’y a plus eu en Suisse de classes séparées pour enfants étrangers, d’une part en raison des résistances politiques très fortes suscitées par ces expériences, et d’autre part grâce aux résultats très encourageants qu’ont permis d’obtenir des projets novateurs fondés sur l’intégration des enfants étrangers dans des classes ordinaires. L’idée de la séparation a donc fini par être abandonnée.

265.Dans ses recommandations du 24 octobre 1991 concernant la scolarisation des enfants de langue étrangère, la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) s’était clairement prononcée en faveur de l’intégration des enfants allophones dans les écoles publiques et avait recommandé aux cantons de scolariser le plus directement possible les enfants arrivés en Suisse dans des types d’écoles et dans des classes correspondant à leur âge et à leur bagage scolaire. Pour se donner les moyens d’enrayer les évolutions évoquées plus haut, la CDIP a, dans son Règlement de 1999 concernant la reconnaissance des diplômes de hautes écoles pour les enseignantes et enseignants des degrés préscolaire et primaire ainsi que du degré secondaire I, inclus la pédagogie spécialisée et la pédagogie interculturelle dans les contenus de formation obligatoires. La CDIP a en outre institué un groupe de travail permanent chargé de la conseiller dans les questions de migration et d’intégration à l’école.

266.Les enfants migrants vivant en Suisse ont en outre la possibilité, s’ils le souhaitent, d’assister à des «cours de langue et de culture d’origine». La CDIP recommande aux cantons d’intégrer ces cours d’au moins deux heures hebdomadaires dans les horaires scolaires, de les soutenir de manière appropriée, et d’attester la fréquentation de ces cours ainsi que le cas échéant l’appréciation donnée dans le bulletin scolaire. Selon les résultats d’une enquête que la CDIP a effectuée auprès des cantons en 2002, plus d’un tiers d’entre eux avaient intégré les cours de langue et de culture d’origine dans les horaires scolaires.

267.Dans le contexte scolaire, l’égalité des chances des enfants étrangers reste toutefois difficile à garantir. Selon le rapport PISA 2000, les jeunes issus de familles immigrées sont généralement désavantagés à maints égards. Premièrement, ils ne sont pas suffisamment soutenus et encouragés par leur famille. Ensuite, leurs parents ne connaissent souvent pas le système éducatif local. Finalement, leurs difficultés linguistiques les obligent à fournir des efforts particuliers pour pouvoir suivre les cours. Ce handicap les gêne aussi bien en lecture qu’en mathématiques ou en sciences. On constate aussi que les familles d’immigrés vivent en majorité dans des conditions économiques peu favorables, que les parents n’ont bien souvent pas de formation supérieure et que, dans bien des cas, l’environnement familial manque de ressources culturelles. Pour toutes ces raisons, les retards des jeunes issus de familles immigrées se révèlent en fait plus importants que l’on pouvait s’y attendre au vu de leur socialisation dans un environnement plurilingue. Relevons toutefois que les retards accusés sont d’autant moins grands que les jeunes séjournent longtemps dans la région linguistique considérée. Le rapport PISA 2000 montre que la diversité culturelle accroît les défis qui sont posés au système éducatif, mais aussi que les jeunes issus de familles d’immigrés sont capables d’obtenir des résultats excellents.

268.Les systèmes scolaires cantonaux connaissent une multitude de mesures d’appui et d’encouragement intégratives ou séparatives destinées aux élèves ayant des besoins particuliers. Une partie d’entre elles s’adressent tout spécialement aux enfants et adolescents issus de familles d’immigrés et mettent l’accent sur l’acquisition d’une deuxième langue dans la langue d’enseignement locale. Parmi ces mesures, citons les classes d’allophones, dans lesquelles sont admis passagèrement des enfants et adolescents dont les connaissances de la langue d’enseignement ne permettent pas une intégration directe dans une classe régulière. La scolarisation dans une classe d’allophones peut être prolongée par un appui linguistique individuel, intégré dans une structure d’enseignement régulière.

269.La politique des cantons relative à l’encadrement scolaire des enfants migrants est loin d’être uniforme, mais il est fréquent que les classes spéciales donnent matière à discussion. Il ressort d’une publication de la CDIP que «les enfants allophones sont assignés plus facilement que les enfants suisses à des classes spéciales, mais ce phénomène varie fortement de canton à canton et entre les communes scolaires d’un même canton aussi». On peut également lire dans cette publication qu’en 2001 la proportion des élèves fréquentant une classe spéciale a doublé par rapport à 1980. Cette augmentation, toujours selon le rapport, est due uniquement à une affectation croissante des élèves étrangers dans les classes spéciales, où leur proportion est passée de 28 % en 1980 à 53 % en l’an 2000. En 2001, disent les chercheurs, 1 enfant étranger sur 10 fréquentait une école spéciale. Cependant, la forte proportion d’étrangers ne peut guère être imputée aux programmes de développement pédagogique qui ont été introduits explicitement à l’intention des enfants et adolescents étrangers (par exemple: classes d’accueil pour enfants allophones). Cette tendance à une augmentation supérieure à la moyenne de la proportion d’enfants allophones dans les classes spéciales n’a pas pu être inversée en dépit des efforts d’intégration déployés au niveau de l’école obligatoire.

F. Police ( CERD /C/60/CO/14, par. 12)

1. Violence poli cière

270.Dans son troisième rapport sur la Suisse du 27 juin 2003, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) écrit que le comportement de la police à l’égard des membres des groupes minoritaires demeure problématique. Le Gouvernement suisse y a réagi par le commentaire suivant: «La police est bien consciente que, parmi les nombreuses opérations policières effectuées tous les jours 24 heures sur 24, il peut y avoir des bavures. Mais les thèmes comme la xénophobie ou la violence policière sont systématiquement pris en compte dans la formation de base et la formation continue des forces de police». Tous les soupçons de bavures policières font l’objet d’une enquête et, lorsque cela se révèle nécessaire, des mesures sont prises pour améliorer le travail de la police.

271.La CFE est en contact avec la Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse et avec la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) aux fins d’encourager la prise de mesures contre le racisme à l’intérieur des corps de police.

272.Une délégation du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a séjourné en Suisse en octobre 2003. Elle a visité la section de la prison de l’aéroport de Zurich‑Kloten qui héberge les personnes en attente d’éloignement. Elle s’est également penchée sur la procédure suivie en matière d’expulsions et en a profité pour examiner la manière dont la Suisse met en œuvre les normes édictées par le Comité pour l’éloignement d’étrangers par la voie aérienne. Elle n’a constaté aucun indice permettant de conclure à l’application de la torture ou de mauvais traitements graves. La délégation a confirmé que des progrès importants avaient été faits depuis sa dernière visite, en particulier dans le cadre des opérations d’éloignement d’étrangers par la voie aérienne. La délégation a également inspecté le service swissREPAT que l’ODR/ODM entretient à l’aéroport. Cette institution ainsi que les directives de la CCDJP d’avril 2002 déjà mentionnées ont permis de rendre transparent l’usage de la contrainte par la police lors d’opérations de renvoi par avion. Depuis que ces changements ont eu lieu, il n’y a plus eu de cas de recours par la police à des moyens de contrainte disproportionnés dans le contexte de l’exécution de décisions de renvoi.

2. Médiateur

273.La protection des citoyens contre les abus de pouvoir de la police a été améliorée. Depuis 2003, le canton de Zoug possède un service de médiation cantonal, institué sous le titre de «Vermittler in Konfliktsituationen». Des services de médiation aux compétences générales existent en outre dans les cantons de Zurich, de Bâle‑ville et de Bâle‑campagne ainsi que dans les villes de Winterthur, Berne et Saint‑Gall. Après la découverte d’une série de comportements abusifs reprochés à la police municipale, la ville de Zurich avait institué un service de contact et de recours indépendant en matière de police. Comme celui‑ci n’a pas constaté d’abus systématiques sous la forme d’agressions par la police municipale et après que le chef du service eut proposé une série de mesures destinées à limiter au minimum le recours à la violence, le service a été fusionné avec l’Office du médiateur de la ville de Zurich au milieu de l’année 2003. Le délégué aux recours du Département de la police et des affaires militaires du canton de Bâle‑ville n’a, pour sa part, enregistré qu’un seul cas de violence policière dirigée contre un étranger au cours de ces deux dernières années. Des sanctions ont été prises contre l’agent fautif.

3. Recrutement de membres des groupes minoritaires dan s la police

274.Dans les cantons de Bâle‑ville, de Schwyz et de Genève, la nationalité n’est plus un critère d’admission à l’école de police.

4. Formation et sensibilisation

275.En 2004, on a créé la dénomination professionnelle protégée de «policier/policière». Les exigences posées à la formation des policiers sont unifiées dans toute la Suisse. À l’avenir, un policier devra être titulaire d’un brevet pour pouvoir exercer sa profession. Le titre de «policier/policière» ne pourra plus être porté que par les personnes ayant suivi une formation complète dans une école de police reconnue, et ayant réussi les examens. Parmi les matières d’examen, on trouve l’éthique policière et les droits humains. Les policiers doivent être sensibilisés au respect de la dignité humaine et des droits humains. Parmi les sujets traités dans le cadre de cette matière, on trouve notamment les droits humains, les infractions commises par les policiers, les droits de la personne arrêtée, l’interdiction de toute discrimination, les mesures de contrainte, la protection et les droits des victimes ainsi que l’interdiction de tout acte de discrimination raciale.

276.Dans les cours de base pour surveillants chefs d’ateliers d’institutions pénitentiaires, dispensés par le Centre suisse de formation pour le personnel pénitentiaire, les droits humains et l’encadrement des détenus étrangers sont des sujets qui font partie de l’enseignement. Dans le plan d’étude de ce cours de base, les objectifs fixés dans ces domaines sont définis de la façon suivante: les candidats doivent être conscients de la situation particulière des détenus étrangers. Ils disposent des connaissances élémentaires relatives aux normes religieuses et sociales régissant d’autres cultures. Ils doivent savoir quelles peuvent être leurs incidences sur le comportement des différents détenus. Pour ce qui est des droits fondamentaux et des droits humains, les candidats doivent pouvoir énumérer les principales conventions internationales, les droits fondamentaux inscrits dans la Constitution fédérale, ainsi que les principales normes du droit pénal. Ils doivent aussi connaître l’organisation des droits fondamentaux et savoir à quelles conditions ceux‑ci peuvent être limités. Les candidats doivent également être au fait des étapes principales de la marche à suivre pour faire valoir les droits fondamentaux et les droits humains. On apprend en outre aux candidats à reconnaître les conflits et à y faire face de manière appropriée. Les cours de formation continue pour le personnel des établissements d’exécution des peines visent à prévenir l’émergence de tendances xénophobes dans l’univers carcéral ainsi qu’à sensibiliser le personnel aux problèmes posés par la cohabitation de détenus de cultures différentes, ainsi qu’à les aider à trouver des solutions appropriées et à avoir une approche constructive.

277.Grâce au soutien du SLR, il a été possible de réaliser différents projets de formation ou de perfectionnement de collaborateurs de la police et des autorités en général traitant des problèmes pouvant se poser lors de contacts avec des personnes d’origine culturelle différente. La police cantonale de Bâle‑ville a ainsi mis sur pied un module de formation et de perfectionnement du personnel de la police qui a pour but de prévenir les problèmes potentiels lors de contacts entre la police et des personnes de couleur, en particulier, et de décrisper d’une manière générale les contacts entre les deux groupes. Alors que, d’une part, les organisations de Noirs se plaignent d’une intensification des contrôles jugés humiliants dont sont l’objet les jeunes gens de couleur, souvent pris pour des dealers, ou les jeunes femmes Noires, soupçonnées de prostitution, le personnel de la police, d’autre part, réagit de plus en plus mal aux reproches de racisme auxquels ses membres sont de plus en plus souvent confrontés personnellement. Il s’agit avant tout de les toucher sur le plan émotionnel afin d’empêcher un durcissement des positions et de prévenir ainsi les comportements discriminatoires. À Lugano et à Chiasso, le SLR soutient des projets de formation de la police et des collaborateurs des autorités en général aux fins d’enrayer au maximum les attitudes discriminatoires et les préjugés dans les contacts avec des personnes d’origine étrangère.

G. Commission fédérale contre le racisme ( CERD /C/60/CO/14, par. 13)

1. Commission fédérale contre le racisme et Service de lutte contre le racisme

278.La création du Service de lutte contre le racisme (SLR) en 2001 a permis de doubler les forces engagées contre le racisme. En premier lieu, ce renfort permet à la CFR de concentrer ses activités sur la sensibilisation et l’action de principe, puisque toutes les tâches internes à l’administration fédérale dans ce domaine sont désormais assumées par le SLR. La CFR n’est pas un organisme officiel de protection des droits humains au sens des Principes de Paris, mais une institution nationale spécialisée dans la lutte contre le racisme. Soucieuse de se faire connaître en sa qualité d’institution nationale spécialisée, elle entretient des contacts avec d’autres organismes nationaux de lutte contre le racisme et de défense des droits humains. Cela permet d’une part un transfert de savoir‑faire et d’autre part la comparaison de la situation en Suisse avec la situation telle qu’elle se présente dans d’autres pays européens.

2. Organe de protection des droits humains

279.La discussion relative à l’institution d’une commission fédérale des droits humains a été lancée par deux initiatives parlementaires demandant la création d’un tel organisme. Par la suite, le Conseil fédéral a été chargé de rédiger un rapport à ce sujet. Sur la base d’une enquête menée auprès d’experts et de personnes intéressées dans l’administration, le Parlement, les cantons, l’économie et la science, des consultants externes à l’administration ont réalisé une étude fondamentale proposant six modèles de commission fédérale des droits humains, compte tenu, entre autres, des Principes de Paris. D’accord avec l’auteur de l’initiative et en se fondant sur ce rapport, le DFAE a étudié la possibilité d’adapter le mandat d’une commission existante œuvrant dans le domaine des droits humains et a pris contact à cet effet avec la CFR et avec le Département fédéral de l’intérieur (DFI). Une extension du mandat de la CFR a été envisagée dans ce contexte. Le DFAE estime que les travaux entrepris jusqu’ici et les contacts noués ont montré qu’il était tout à fait possible de trouver un modèle qui repose sur une base très large et qui permette de tirer partie des effets de synergie. L’analyse doit cependant encore être approfondie à la lumière des possibilités existant sur les plans institutionnel et financier.

H. Politique d’immigration ( CERD /C/60/CO/14, par. 14)

280.Au moment de la ratification, la Suisse avait jugé opportun d’émettre une réserve en ce qui concerne la législation régissant l’accès au marché du travail. Actuellement, la politique d’admission de la Suisse est fondée sur un système binaire distinguant entre ressortissants des États membres de l’UE et ressortissants d’autres États. Cette distinction n’est pas contraire à la Convention dans la mesure où elle repose sur des traités conclus avec les États en question. Comme l’accord bilatéral sur la libre circulation des personnes est conforme aux exigences de la Convention, la Suisse pourrait en effet décider le retrait de sa réserve. Soucieuse de conserver une certaine marge de manœuvre pour l’avenir, elle juge cependant préférable de maintenir la réserve. Un relâchement des restrictions d’admission imposées aux ressortissants d’États tiers ne pourra être envisagé qu’à partir du moment où les conséquences de l’accord sur la libre circulation des personnes seront connues et où les possibilités de recrutement de personnes peu qualifiées à l’intérieur des frontières de l’UE et de l’AELE, à des conditions de rémunération et de travail correctes, auront effectivement été épuisées.

I. Gens du voyage ( CERD /C/60/CO/14, par. 15)

281.La Suisse présente dans les paragraphes ci‑dessous une analyse plus détaillée de la situation des gens du voyage.

1. Évolutions au niveau na tional

282.La fondation «Assurer l’avenir des gens du voyage suisses»(voir CERD/C/351/Add.2, par. 57) a été dotée d’un crédit‑cadre de 750 000 francs pour les années 2002 à 2006 afin de lui permettre de poursuivre son travail sur des bases solides et de développer de nouvelles activités. Pour la période 2007-2011, le Gouvernement suisse a demandé au Parlement un nouveau crédit‑cadre de 150 000 francs par année en faveur de la fondation pour permettre à cette dernière de continuer son travail.

283.La «Radgenossenschaft der Landstrasse» (ci‑après «Radgenossenschaft»), l’organisation faîtière d’entraide des Yéniches, a été créée en 1975. Elle est reconnue comme telle depuis 1986 par la Confédération, qui lui verse à ce titre des contributions financières annuelles (250 000 francs en 2006) couvrant à peu près 85 % de ses frais d’exploitation. La «Radgenossenschaft sert d’intermédiaire entre les autorités et les gens du voyage pour régler les problèmes liés aux aires de séjour et de transit ou les problèmes que les gens du voyage peuvent avoir avec leurs autorisations commerciales ou avec les autorités scolaires. En plus, elle les conseille dans les domaines du droit et de l’aide sociale. La représentation de la Radgenossenschaft dans la fondation «Assurer l’avenir des gens du voyage suisses» est très importante dans la mesure où elle permet d’assurer que les propositions, recommandations et actions de la fondation reflètent les idées et bénéficient de l’appui de la base. La Radgenossenschaft sensibilise la population aux besoins des gens du voyage grâce à un important travail de relations publiques. C’est avec son soutien que la Confédération défend les intérêts de cette minorité culturelle en Suisse, cela à travers une organisation indépendante, gérée par les intéressés eux‑mêmes. En novembre 2003, on a assisté à l’inauguration à Zurich du premier centre de documentation et de rencontre des Yéniches en Europe. La fondation «Assurer l’avenir des gens du voyage suisses» a contribué de manière substantielle à en couvrir les frais. Il convient également de mentionner le soutien financier généreux accordé par la plupart des cantons et le montant considérable versé au titre du crédit du Fonds de projets contre le racisme et en faveur des droits humains». À l’intérieur du centre de documentation, les gens du voyage ont eux‑mêmes mis sur pied une exposition consacrée à leur histoire et à leur culture.

284.Dans le cadre du Programme national de recherche 51 «Intégration et exclusion» (2003), trois projets de recherche sur l’histoire des Yéniches ont été autorisés et financés à raison de 1 million de francs.

285.La Suisse a ratifié la Convention‑cadre du 1er février 1995 du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales (RS 0.441.1) le 21 octobre 1998. Dans son message au Parlement du 19 novembre 1997, le Gouvernement suisse a souligné expressément que les gens du voyage suisses constituaient une minorité nationale au sens de la Convention‑cadre. La Suisse s’engage ainsi à favoriser l’instauration d’un contexte qui permette aux membres de minorités nationales de cultiver et de développer leur culture.

286.Dans son jugement du 28 mars 2003, le Tribunal fédéral a confirmé que la volonté des gens du voyage de conserver leur mode de vie traditionnel et leur culture bénéficiait de la protection de la Constitution et du droit international et que les besoins des gens du voyage devaient être pris en compte dans l’aménagement du territoire. Cela ne leur confère toutefois pas le droit de vivre comme ils l’entendent, au mépris des restrictions imposées par l’aménagement du territoire. Selon le Tribunal fédéral, les restrictions prévues dans la législation sur l’aménagement du territoire, dans l’intérêt d’une urbanisation contrôlée du pays, ne sont contraires ni à la liberté d’établissement garantie dans la Cst. (art. 24), ni au droit à la famille et à la vie privée prévu dans la CEDH (art. 8), ni même aux garanties données aux minorités ethniques dans le Pacte II de l’ONU (art. 27).

287.Dans un avis de droit du 27 mars 2002 relatif au statut juridique des gens du voyage en Suisse eu égard à leur qualité de minorité nationale reconnue, l’Office fédéral de la justice est parvenu à la conclusion suivante: «Les gens du voyage, en tant que groupe de population possédant la nationalité suisse en ayant un mode de vie culturel et économique non sédentaire ont le statut de minorité nationale protégée. Il est avéré que le droit en vigueur contient un certain nombre de discriminations indirectes à l’égard de cette minorité nationale, notamment dans le domaine de l’aménagement du territoire et de la police des constructions et dans celui de la police du commerce et de la scolarisation obligatoire. Il convient d’emprunter la voie législative pour supprimer ces discriminations indirectes et pour accorder, le cas échéant, des compensations et des aides étatiques.». Selon l’Office fédéral de la justice, les bases constitutionnelles nécessaires à cet effet existent. Dans son arrêt mentionné plus haut (voir par. 285), le Tribunal fédéral confirme cet avis. Il y relève que les plans d’affectation doivent prévoir des zones et des aires qui conviennent au séjour des gens du voyage suisses et qui leur permettent de conserver leur mode de vie traditionnel, protégé par la Constitution.

288.Différents débats parlementaires sont en cours concernant la situation des gens du voyage en Suisse. Le Gouvernement suisse a rejeté la motion de la Commission de politique extérieure du Conseil national (00.3604) «Ratification de la Convention no 69 de l’OIT par la Suisse», estimant que la situation juridique en Suisse n’était pas conforme à la Convention. Parallèlement, le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) a été chargé de rédiger un rapport démontrant les adaptations législatives nécessaires pour permettre une ratification ainsi que les conséquences financières que celle‑ci aurait pour la Suisse. En réponse à un postulat de la Commission de la sécurité sociale et de la santé du Conseil national (03.3426) «Éliminer les discriminations à l’égard des gens du voyage en Suisse», il présente dans une deuxième partie de ce même rapport les mesures qui pourraient être prises pour améliorer la situation des nomades en Suisse. L’accent a été mis sur le problème principal, à savoir le manque d’aires de séjour et de transit. Les résultats de ce projet‑rapport seront analysés plus en détail ci‑après, aux paragraphes 293 à 309. La procédure de consultation à laquelle a été soumis l’avant‑projet de rapport rédigé par le Conseil fédéral sur la situation des gens du voyage en Suisse s’est terminée en novembre 2005. Il est prévu que la version définitive du rapport, intitulé «La situation des gens du voyage en Suisse», soit approuvée et publiée par le Gouvernement suisse dans le courant de l’automne 2006.

2. Organisations internationales

289.Lors de sa réunion des 1er et 2 décembre 2003 à Maastricht, le Conseil ministériel de l’OSCE a adopté un plan d’action visant à améliorer la situation des Roms et des Sintis dans l’espace de l’OSCE. Les mesures prévues ont pour but d’éliminer toutes les formes de discrimination dans les domaines de l’établissement, de la nationalité, de l’éducation, du marché du travail, de la santé publique et de la sécurité sociale. La Suisse s’était déclarée prête à soutenir le plan d’action Sintis et Roms. Bien qu’il y soit question uniquement de «Sintis et de Roms», ce plan s’applique à tous les gens du voyage, quelle que soit leur appartenance ethnique.

290.Le 10 décembre 2003, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté une résolution sur la mise en œuvre de la Convention‑cadre pour la protection des minorités nationales par la Suisse. La quatrième résolution traite de la situation des gens du voyage. Des améliorations sont demandées tant en ce qui concerne le manque d’aires de séjour et de transit qu’au niveau des mécanismes de participation des gens du voyage.

291.En janvier 2004, le Conseil de l’Europe a publié le troisième rapport de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) sur la Suisse. La Commission y demande la mise à disposition d’un nombre suffisant d’aires de séjour et de transit destinées aux gens du voyage. La Suisse a pris acte tant du rapport que des remarques de la Commission.

292.En relation avec l’application de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, la Confédération examine actuellement des possibilités concrètes de préserver et de promouvoir le yéniche, en collaboration avec des représentants des gens du voyage. La Suisse répond ainsi à une exigence du Comité des ministres du Conseil de l’Europe, formulée dans des recommandations émises le 22 septembre 2004.

3. Éducation

293.Les établissements scolaires publics sont bien entendu ouverts aux gens du voyage. Dans les faits, cependant, la scolarisation des enfants dans des écoles ordinaires n’est que difficilement conciliable avec un mode de vie nomade. Les absences prolongées des enfants durant la scolarité obligatoire ne restent pas sans effets sur leur niveau de formation, souvent relativement modeste. Les cantons cherchent à résoudre le problème de la scolarisation des enfants nomades de manière très pragmatique en les admettant dans les écoles même durant les séjours qui ne sont que de courte durée. En hiver, lorsqu’ils ne se déplacent pas, les enfants vont à l’école comme tous les autres enfants de la commune dans laquelle ils sont stationnés. Ils y bénéficient de cours d’appui. Durant les mois d’été, les enseignants leur fournissent le matériel scolaire nécessaire et leur donnent un plan d’étude et se tiennent à leur disposition en cas de questions (voir CRC/C/78/Add.3, par. 790 à 794).

294.La «Radgenossenschaft» a publié des directives relatives à la scolarité obligatoire des enfants nomades: durant le semestre d’hiver, lorsqu’ils ne voyagent pas, ils sont tenus de suivre l’enseignement scolaire dans la commune dans laquelle ils sont stationnés. Durant le semestre d’été, il serait souhaitable que parents et enseignants s’entendent sur l’envoi périodique de devoirs aux enfants et sur le renvoi de travaux scolaires aux enseignants. Les parents ont l’obligation de faire parvenir aux enseignants les travaux terminés par leurs enfants. Une libération de la scolarité obligatoire est possible dès l’âge de 15 ans révolus, étant donné que l’autorisation de pratiquer le commerce itinérant est accordée dès cet âge.

4. Interdiction du tra vail des enfants

295.Dans le domaine de l’application du droit, l’application des dispositions de protection prévues dans le droit du travail − notamment de celles qui interdisent le travail des enfants − a été perçue comme posant particulièrement problème ces dernières années. Les enfants des familles nomades participent en effet fréquemment à l’activité commerciale de leurs parents avant la fin de leur scolarité obligatoire.

296.La législation suisse interdit en principe l’emploi de jeunes gens de moins de 15 ans. Les dispositions de la loi sur le travail relatives à l’âge minimal ne s’appliquent toutefois pas aux entreprises familiales (art. 4, al. 1, LTr). Ce qui ne signifie pas que les enfants peuvent être exploités sans vergogne dans l’entreprise familiale: l’autorité tutélaire prend les mesures nécessaires pour protéger l’enfant si son développement est menacé et si les parents n’y remédient pas d’eux‑mêmes.

297.Tant que les enfants de familles nomades travaillent avec leurs parents et que ceux‑ci respectent leurs besoins physiques et psychiques élémentaires (notamment le besoin d’éducation, de repos, de loisirs et de jeu ainsi que la protection contre l’exploitation), l’interdiction du travail des enfants ne vient pas déranger les habitudes des gens du voyage. Dès que les enfants de familles nomades ne travaillent plus dans une entreprise strictement familiale mais dans des unités économiques plus importantes gérées par la famille au sens très large ou par plusieurs familles en même temps, les dispositions du droit suisse du travail interdisant l’emploi de jeunes s’appliquent. Toute jurisprudence contraire viendrait saper la protection des droits de l’enfant, que la Suisse a reconnus notamment par la ratification de la Convention sur les droits de l’enfant.

5. Autorisations de pratiquer le commerce itinérant

298.En ce qui concerne les autorisations de pratiquer le commerce itinérant, les chambres fédérales ont adopté la loi fédérale sur le commerce itinérant le 23 mars 2001. La nouvelle loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2003. Désormais, une autorisation n’est plus valable que pour un seul canton, mais sur l’ensemble du territoire national pour une durée de cinq ans. Les nouvelles normes viennent remplacer la multitude de réglementations qui existaient dans ce domaine et facilitent donc l’exercice du commerce itinérant.

6. Langue

299.Une grande partie des gens du voyage suisses considèrent le yéniche comme un élément important de leur identité commune qui est transmis de génération en génération et qui, pour beaucoup, a aujourd’hui encore les caractéristiques d’un langage secret. Il y a peu, il n’existait pas encore de transcription de cette langue. Ce n’est qu’en 2001 que le tout premier dictionnaire yéniche a été publié.

300.La Suisse ne reconnaît pas le yéniche comme une langue liée à un territoire. En collaboration avec des représentants des gens du voyage, la Confédération s’efforce donc de trouver des moyens concrets permettant de préserver et d’encourager le yéniche. Comme une majorité des gens du voyage ne souhaitent pas mettre le yéniche à la portée de la population sédentaire, ils n’ont pas encore fini de discuter entre eux comment cet encouragement pourrait se présenter. La «Radgenossenschaft» est présente sur les aires de séjour pour discuter de ces moyens d’encouragement avec les personnes directement intéressées.

301.À ce jour, les gens du voyage n’ont jamais demandé que le yéniche soit enseigné à leurs enfants dans les écoles publiques. Dans le cadre des mesures d’encouragement de la Confédération, la priorité est accordée à l’élaboration de moyens didactiques, si possible ludiques, visant à faciliter l’apprentissage du yéniche par les enfants du voyage dans le cadre de leur famille.

7. Aires de séjour et de trans it

a) Situation et besoins

302.En 2001, la fondation «Assurer l’avenir des gens du voyage suisses» a publié un rapport d’expertise conçu en étroite collaboration avec la «Radgenossenschaft».Ce rapport contient un relevé détaillé des aires de séjour et de transit utilisées et fait état des besoins existant encore dans ce domaine. Cette expertise a été actualisée en 2006.

303.En été 2005, la Suisse comptait 12 aires de séjour, accueillant environ 600 personnes. À une exception près, toutes les aires de séjour affichaient complet en 2005. On a estimé que 29 aires supplémentaires (à 10 places) seraient nécessaires.

304.En 2005, les experts ont compté 44 aires de transit officielles, de surfaces différentes. Une aire n’a pas été comptée parce qu’elle est utilisée exclusivement par des gens du voyage étrangers. On a constaté que les aires de transit existantes pouvaient accueillir environ 1 500 personnes en 2005. Cela signifie que les 490 places officiellement à disposition en 2005 ne pouvaient accueillir qu’à peu près 60 % de tous les gens du voyage suisses. Les experts font état d’un besoin supplémentaire de 38 aires de transit (à 10 places). Pour les gens du voyage étrangers, qui traversent souvent la Suisse en grands convois, il faudrait encore 10 grandes aires de transit (conçues pour accueillir entre 35 et 50 caravanes).

305.Les démarches entreprises en vue de l’aménagement de nouvelles aires destinées aux gens du voyage sont souvent longues et difficiles. Elles appellent la mise en œuvre d’instruments relevant de l’aménagement du territoire ainsi que la collaboration à différents niveaux de compétence. Les cantons sont ainsi les principaux responsables en matière d’aménagement du territoire. Ils coordonnent les différents souhaits au moyen du plan directeur cantonal. Les communes sont tenues d’enregistrer ces besoins dans leurs plans d’affectation sous la forme exigée par la loi. Selon la réglementation applicable au niveau communal, les citoyens peuvent en effet revendiquer un droit de codécision et rejeter les plans présentés en votation populaire. Il ressort de l’arrêt du Tribunal fédéral mentionné plus haut (par. 286) qu’en vertu de la loi en vigueur, les besoins des gens du voyage doivent être pris en compte dans l’aménagement du territoire.

306.Au lieu d’utiliser les aires de transit, les gens du voyage peuvent aussi s’arrêter spontanément sur un terrain privé. Les paysans ou les propriétaires de terrains industriels permettent aux gens du voyage de stationner chez eux à titre onéreux. Très souvent, les règlements cantonaux de police des constructions et les dispositions cantonales ou communales sur le camping empêchent toutefois cette pratique de l’arrêt spontané ou la rendent même illégale. À bien des endroits, le stationnement d’une caravane pendant une période prolongée nécessite un permis de construire ou n’est autorisé que dans des lieux spécialement prévus à cet effet. Ces réglementations sont autant d’obstacles à l’arrêt spontané des gens du voyage, même s’ils obtiennent l’autorisation du propriétaire foncier. Les campings refusent généralement de les accueillir, avant tout parce que, contrairement aux touristes, les gens du voyage exercent une activité lucrative, ce qui est indésirable dans ce genre d’endroits. Pour permettre les arrêts spontanés, il serait nécessaire de modifier certaines dispositions légales dans le domaine de l’aménagement du territoire et de la construction. Dans plusieurs cantons, ces adaptations ont déjà eu lieu: il est explicitement précisé dans leur législation que le stationnement de courte durée de caravanes appartenant aux gens du voyage est possible sans permis de construire.

b) Mesures déjà prises

307.Les dispositions légales en matière d’aménagement du territoire ne sont pas le seul élément qui donne matière à discussion: il a aussi beaucoup été question dans certains cantons du manque de terrains disponibles pour l’aménagement d’aires de stationnement et de transit. Dans les constitutions des cantons de Bâle‑campagne et d’Argovie, les autorités sont chargées de rechercher des terrains convenant à l’aménagement d’aires de transit et de stationnement. Plusieurs cantons et communes ont mis à disposition des terrains à cet effet, soit pour les transformer directement en aires destinées aux gens du voyage, soit pour les échanger contre des terrains plus appropriés.

308.La Confédération n’est pas non plus restée inactive: à chaque fois qu’il en a eu la possibilité ces dernières années, le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) a mis des terrains temporairement inutilisés à la disposition des gens du voyage pour leur permettre des arrêts spontanés. Au cours des prochaines années, il est en outre prévu d’étudier si certains terrains militaires désaffectés ne pourraient pas être transformés en aires de transit ou de stationnement. Dans le sillage de la réforme Armée XXI, le DDPS prévoit, d’ici 2010, de se séparer de quelque 10 000 biens fonds, qui seront mis en vente en accord avec les cantons. Comme la Confédération est elle aussi tenue de contribuer à la mise en œuvre de l’arrêt du Tribunal fédéral du 28 mars 2003, le DDPS attirera l’attention des cantons sur les terrains dont il entend se séparer qui se prêteraient à servir d’aires de transit ou de stationnement pour les gens du voyage et, si possible, les vendra aux cantons et aux communes en imposant ce type d’affectation.

309.Ces dernières années, la fondation «Assurer l’avenir des gens du voyage suisses» s’est consacrée essentiellement au problème posé par la pénurie d’aires de transit et de stationnement. Le secrétariat de la fondation fonctionne comme point de contact tant pour les nomades eux‑mêmes que pour les communes. Il conseille et aide les parties en cas de problèmes avec les aires de stationnement ou de transit et exerce même des fonctions de médiation. La «Radgenossenschaft» collabore étroitement avec d’autres organisations de nomades et fonctionne comme médiatrice entre les autorités et les gens du voyage lorsqu’il s’agit de l’aménagement ou de l’entretien des aires de stationnement ou de transit.

J. Discrimination raciale dans le secteur privé ( CERD /C/60/CO/14, par. 16)

310.La Suisse répond dans les paragraphes ci‑après à la demande d’informations du Comité sur la législation en vigueur concernant l’interdiction de la discrimination raciale dans le secteur privé, dans des domaines tels que l’emploi, le logement, l’enseignement, la santé et l’accès aux lieux publics.

1. En général

311.Pour ce qui est de la question de l’interdiction de toute discrimination et de l’éventualité d’un effet horizontal sur le secteur privé, nous renvoyons à notre réponse dans le rapport initial (CERD/C/270/Add.1, par. 57) ainsi que dans les deuxième et troisième rapports périodiques (CERD/C/351/Add.2, par. ch. 86 à 88).

312.En plus des dispositions garantissant les droits fondamentaux (Constitution fédérale, CEDH, Pacte international relatif aux droits civils et politiques), le droit suisse contient des bases légales contribuant à prévenir les discriminations dans le cadre de lois spécifiques. En vertu du paragraphe 3 de l’article 35 de la Constitution fédérale, les autorités veillent à ce que les droits fondamentaux, dans la mesure où ils s’y prêtent, soient aussi réalisés dans les relations qui lient les particuliers entre eux. Les tribunaux peuvent donc, en interprétant des prescriptions de droit civil en conséquence dans une situation de droit privé et en invoquant le devoir de protection de l’État, obtenir l’application de l’interdiction de toute discrimination entre personnes privées.

313.Le droit privé suisse est fondé sur l’autonomie individuelle. Dans le droit des obligations, cette autonomie individuelle est matérialisée par la liberté contractuelle, qui implique, entre autres, la liberté des transactions, la liberté de choisir l’autre partie au contrat, la liberté de définir le contenu du contrat, la liberté de forme, et la liberté de résiliation. En tant que composantes de la liberté contractuelle, la liberté des transactions et la liberté de choisir l’autre partie au contrat peuvent, exceptionnellement, être restreintes par des contraintes imposées aux parties contractantes. Ce type de contraintes repose soit sur un contrat soit sur une base légale. La Constitution autorise en principe les particuliers à faire des différences là où l’État n’en aurait pas le droit et où pareille différenciation serait considérée comme une discrimination ou comme une inégalité de traitement contraire à la Constitution.

314.Conformément à la jurisprudence et à la doctrine dominante, et à l’exception de quelques cas particuliers, un effet direct des interdictions de toute discrimination sur les relations entre particuliers est, par principe, exclu. Dans un jugement récent, le Tribunal fédéral a estimé qu’en l’absence de bases légales explicites, il était possible, tout à fait exceptionnellement, de conclure à une obligation de contracter relevant du droit privé sur la base de principes généraux. Selon le Tribunal fédéral, il y a lieu d’admettre une telle obligation lorsque ces quatre conditions sont remplies cumulativement:

La prestation en question est l’objet d’une offre générale et publique;

L’offre se rapporte à des besoins courants, est à la disposition de pratiquement tout le monde et peut être acceptée au quotidien;

En raison de la position de force de l’offreur sur le marché, les clients potentiels n’ont pas d’alternative acceptable pour couvrir leurs besoins normaux;

L’offreur n’invoque pas de raisons justifiées objectivement à son refus de contracter.

315.On constate donc qu’à quelques exceptions près, il n’y a pas d’obligation générale de contracter en droit privé suisse. Pour peu qu’elles n’enfreignent pas la législation pénale, les personnes privées peuvent par conséquent, dans leurs relations juridiques privées, conclure des contrats − des contrats de travail ou de bail, par exemple − avec qui elles l’entendent, indépendamment de l’interdiction de toute discrimination raciale.

316.Dans le secteur privé, le droit civil suisse reconnaît le principe de la protection de la personnalité (art. 28 CC), qui s’applique non seulement à la valeur morale de l’être humain, mais aussi sa considération professionnelle et sociale. Une diffamation à motivation raciste pouvant être considérée comme une atteinte à la dignité humaine enfreindrait donc le principe de la protection de la personnalité reconnu en droit civil.

2. Emploi

317.En ce qui concerne les dispositions légales relatives au contrat de travail, relevons encore ceci:

318.Dans ses réponses à deux interventions parlementaires relatives à la discrimination raciale dans le monde du travail, le Conseil fédéral a estimé que la mise en œuvre rigoureuse des dispositions existantes devait avoir la priorité sur la mise en place d’une législation spécifique en matière de lutte contre la discrimination dans le monde du travail. Il a considéré qu’il fallait donner aux entreprises et aux partenaires sociaux la possibilité et le temps de développer des instruments de prévention et d’intervention sur la base d’une collaboration librement consentie avant d’envisager l’adoption de nouvelles dispositions légales. Le Conseil fédéral s’est en outre dit convaincu que la lutte contre les discriminations passait aussi par des mesures favorisant l’intégration des étrangers à plusieurs niveaux.

319.En cas d’atteintes à l’honneur causées par des diffamations à motivation raciste dans le domaine du travail, l’article 28 CCS s’applique. La protection de la personnalité est aussi garantie à l’article 6 de la loi sur le travail (LTr). L’employeur doit ainsi prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger l’intégrité personnelle des travailleurs.

320.En vertu de l’article 328 CO, l’employeur est tenu de protéger et de respecter la personnalité du travailleur dans les rapports de travail. Cette disposition implique la protection contre le harcèlement raciste et le mobbing ainsi que le respect du principe de l’égalité de traitement.

321.Selon l’article 336 CO, sont abusifs les congés donnés pour une raison inhérente à la personnalité de l’autre partie − l’appartenance ethnique, par exemple −, à moins que cette raison n’ait un lien avec le rapport de travail ou ne porte sur un point essentiel un préjudice grave au travail dans l’entreprise. Pour le reste, nous renvoyons au commentaire actualisé qui se trouve dans les deuxième et troisième rapports périodiques (CERD/C/351/Add.2, par. 87).

322.Se fondant sur les dispositions mentionnées, les tribunaux des prud’hommes ont, dans deux affaires différentes, condamné à la réparation du tort moral des employeurs qui avaient refusé d’engager des candidates suisses d’origine étrangère en raison de cette origine. Le tribunal zurichois a fondé son jugement sur l’article 28 CC et qualifié l’attitude de l’employeur d’atteinte grave à la personnalité de la personne lésée. Le tribunal lausannois, pour sa part, a considéré qu’il y avait violation de l’obligation de protéger la personnalité de l’employeur au sens de l’article 328 CO.

323.Les contrats collectifs de travail prévoyant expressément la non‑discrimination des travailleurs migrants sont encore peu répandus en Suisse. Des principes relatifs à la non‑discrimination se trouvent dans les contrats collectifs de travail de la Poste, de Swisscom et des Chemins de fer fédéraux (CFF). Outre le sexe et l’état de santé, les caractéristiques énumérées comme motifs de discrimination inadmissibles sont l’origine, la culture, la langue, la religion ou la forme de vie. La Poste désigne même les domaines auxquels l’interdiction de toute discrimination s’applique et indique aussi des mesures de mise en œuvre.

324.Dans le cadre du crédit «Projets contre le racisme et en faveur des droits humains», le Service de lutte contre le racisme (SLR) a commandé une étude intitulée «Un monde du travail sans discrimination». Les auteurs de cette étude font un état des lieux des mesures de lutte contre la discrimination dans le domaine de l’emploi et proposent des manières de procéder concrètes. Cette étude a été présentée et discutée publiquement à l’occasion d’un séminaire auquel ont assisté d’éminents représentants des associations patronales et des syndicats ainsi que du SECO et de l’OFFT.

325.Se fondant sur une étude réalisée sur ce thème, la Commission fédérale des étrangers (CFE) a, en novembre 2003, émis des recommandations destinées à améliorer l’intégration des migrants sur le marché du travail. Du point de vue de la CFE, il appartient à tous les acteurs concernés de s’engager pour améliorer la situation des immigrés au bénéfice d’une autorisation sur le marché du travail suisse. Tant les institutions étatiques que les partenaires sociaux et, en fin de compte, les entreprises privées sont appelées à apporter leur contribution en la matière. Selon la CFE, les principes applicables sont l’égalité de traitement entre la main‑d’œuvre suisse et étrangère ainsi que l’égalité des chances et la non‑discrimination dans la formation et dans la vie professionnelle. Partant de ces principes qui, d’après elle, conditionnent l’amélioration de la situation des travailleurs étrangers, la Commission fédérale des étrangers a formulé concrètement les recommandations suivantes: favoriser l’accès des jeunes au monde du travail, encourager les qualifications individuelles pour faciliter la recherche d’un emploi et encourager l’intégration dans l’entreprise.

3. Logement

326.Actuellement, la demande sur le marché du logement dépasse l’offre. Cette situation permet aux loueurs de choisir parmi un grand nombre de bailleurs potentiels, ce qui peut jouer en défaveur des étrangers à la recherche d’un logement. Il y a par exemple eu le cas de ce propriétaire qui a expressément précisé dans son annonce que «pour des raisons démoscopiques» il souhaitait que son futur locataire ait le passeport suisse. Divers projets ont été lancés dans l’espoir d’obtenir une amélioration de la situation. En voici deux exemples:

Cela fait un certain temps déjà que la ville de Berne propose aux gérants d’immeubles privés une table ronde à ce sujet et qu’elle organise des cours destinés aux concierges et aux collaborateurs des agences immobilières qui ont pour but de les aider à gérer les conflits interculturels à connotation raciste dans leurs immeubles.

Dans le canton de Zurich, les collaborateurs des gérances immobilières ayant une fonction clef sont sensibilisés à ces problèmes. D’autres projets sont en outre prévus pour améliorer la qualité de vie et augmenter le taux de satisfaction des locataires dans les quartiers où la cohabitation pose problème.

327.D’autres projets lancés au niveau national sont mentionnés aux paragraphes 181 à 183 ci‑dessus.

328.Les remarques générales relatives à la conception et aux limites de l’autonomie individuelle figurant dans les paragraphes 311 à 316 ci‑dessus valent aussi pour le droit de bail. Les personnes qui voient leur contrat de bail résilié pour des motifs racistes ont la possibilité d’invoquer une violation des dispositions de protection de la personnalité (art. 28 CCS) ou du principe de la bonne foi (art. 2 CCS) pour se défendre.

329.La liberté contractuelle n’autorise pas les loueurs à refuser un locataire adéquat, proposé par leur locataire ayant résilié le contrat avant terme, en raison de craintes infondées, d’une antipathie ou d’une attitude fondamentalement hostile à une certaine catégorie de personnes. Le Tribunal fédéral a considéré que les requérants d’asile étaient des candidats acceptables pour les loueurs et que ceux‑ci n’avaient pas le droit de les refuser uniquement en raison de leur statut juridique.

4. Éducation

330.L’éducation relève essentiellement de l’autonomie des cantons durant la période de la scolarité obligatoire. L’enseignement élémentaire (niveaux primaire et secondaire I) est obligatoire et doit être gratuit pour tous les enfants inscrits à l’école publique. Les parents ont cependant la possibilité d’envoyer leur enfant dans une école privée. Les écoles privées définissent elles‑mêmes les critères d’admission, conformément au principe de l’autonomie individuelle.

331.Au terme de leur scolarité obligatoire, 90 % des jeunes poursuivent leur formation. À ce niveau, qualifié de secondaire II, les jeunes ont le choix entre deux orientations: la filière de formation générale (gymnases et écoles de degré diplôme) ou l’entrée en formation professionnelle. Relèvent du niveau tertiaire B les écoles supérieures spécialisées, les examens professionnels et les examens professionnels supérieurs. Ce secteur est régi par la loi sur la formation professionnelle. Le niveau tertiaire A, comprenant les universités, les écoles polytechniques et les hautes écoles spécialisées, relève en majorité du secteur public et se trouve donc assujetti au droit public. En Suisse, la formation professionnelle revêt une grande importance puisque deux tiers des jeunes terminent ce type de formation. Dans le sillage des évolutions économiques et sociales observées en Suisse, le marché de la formation professionnelle est soumis à des tensions croissantes. Ce sont notamment les jeunes confrontés à des difficultés scolaires et ceux qui sont issus de la dernière vague de migration qui ont le plus de peine à trouver une place de formation. Les plus touchés sont les jeunes originaires des États de l’ex‑Yougoslavie. Dans les familles immigrées, la recherche d’une place de formation est souvent d’autant plus difficile que ses membres maîtrisent mal la langue du pays.

332.S’inspirant d’une méthode d’analyse appliquée par l’Organisation internationale du Travail (OIT), des chercheurs suisses ont mesuré le degré de discrimination auquel sont exposés les jeunes étrangers à la recherche de leur premier emploi. À qualifications égales, les jeunes migrants ayant pourtant suivi leur scolarité en Suisse avaient nettement moins de chances de trouver un emploi que la moyenne si leurs parents étaient originaires d’un État non membre de l’Union européenne.

333.La Confédération est consciente de ces difficultés et a donc pris des mesures visant à augmenter les chances des jeunes à la recherche d’une place de formation.

334.Des collaborateurs spécialisés attirent l’attention des jeunes sans place d’apprentissage sur des places vacantes, les conseillent et transmettent leur dossier à des entreprises. Les migrants sont encadrés par des personnes de leur propre culture.

335.Depuis quelques années, on est de plus en plus souvent confronté à l’arrivée de jeunes migrants de plus de 16 ans, qui sont donc trop âgés pour être scolarisés dans une école relevant de la scolarité obligatoire. L’Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie (OFFT) recommande de créer à l’intention de ces jeunes âgés de 15 à 21 ans des filières de transition destinées à les aider dans les domaines dans lesquels ils ont encore des lacunes afin de pouvoir, en fin de compte, les intégrer dans des cycles de formation professionnelle ordinaires. Il souhaite en outre que les entreprises formant des apprentis et les écoles professionnelles fassent preuve de plus de sensibilité et de compréhension pour la situation de ces jeunes. La Confédération soutient financièrement les efforts que les cantons fournissent dans ce domaine, à condition que les recommandations de l’OFFT soient respectées. Une enquête de la CDIP auprès des cantons a révélé que ces recommandations étaient suivies presque partout.

336.La deuxième ordonnance sur les places d’apprentissage a été conçue sous la forme d’un programme d’action représentant un investissement dans des projets d’avenir du niveau secondaire II lancés par des cantons, des associations professionnelles, des institutions ou la Confédération. Ce programme d’action a duré de 2000 à 2004 et a permis de soutenir des projets novateurs à raison de 100 millions de francs. Son objectif déclaré était, entre autres, de pallier les problèmes structurels existant sur le marché des places d’apprentissage, d’accroître l’offre de places de formation et d’encourager l’égalité de traitement entre hommes et femmes. Le programme d’action a été remplacé par la nouvelle loi sur la formation professionnelle (LFPr), entrée en vigueur le 1er janvier 2004. Cette nouvelle loi tient compte des changements qui sont venus bouleverser le monde de la formation professionnelle et du travail et a été adaptée aux besoins d’aujourd’hui. Une des tâches fondamentales de l’éducation et de la formation est d’assurer l’intégration dans l’économie et la société des jeunes et des adultes ayant des lacunes dans leur formation. Il importe de répondre aux exigences de plus en plus élevées par une extension de l’offre destinée aux élèves doués et aux élèves ayant des difficultés d’apprentissage. Il est ainsi prévu de créer des filières d’orientation pratique dotées d’un profil de qualification propre à l’intention des élèves faibles.

5. Santé publique

337.Les immigrés appartiennent pour la plupart aux couches sociales et aux catégories professionnelles défavorisées, ce qui a une influence négative sur leur santé. La précarité de leur situation, surtout s’ils séjournent en Suisse illégalement, fait peser un risque accru sur l’état de santé de ces personnes. Sans compter que les problèmes de langue ainsi que les handicaps structurels et sociaux comme l’exclusion et la discrimination sont pour les migrants autant d’obstacles supplémentaires qu’ils doivent surmonter pour accéder aux prestations dans le domaine de la santé. Les recherches et l’expérience pratique de ces dernières années ont prouvé que l’accès au système de santé est plus difficile pour la population étrangère, qui représente à peu près 21 % de la population résidante, que pour la population locale.

338.Consciente de ce problème, la Confédération a mis au point la stratégie «Migration et santé 2002 à 2007», fondée sur les résultats d’une enquête de grande envergure menée dans le domaine de la migration. Le Conseil fédéral a adopté ces orientations stratégiques de la Confédération pour le secteur de la santé et des migrations en été 2002. Son objectif à long terme est d’instaurer un système de santé capable d’entrer en matière sur les besoins d’une société modifiée par les migrations aux fins de faciliter l’accès au domaine de la santé. Déterminé à éliminer les obstacles qui empêchent certains groupes de bénéficier des prestations de santé, on se propose de créer des services de coordination des offres de santé et de mettre à la disposition des migrants des prestations spécifiques, des interprètes ainsi que des médiateurs interculturels.

339.Les cinq domaines d’intervention de la stratégie «Migration et santé 2002 à 2007» sont:

La formation (formation et formation continue);

L’information, la prévention et la promotion de la santé;

Les soins de santé;

Les prestations thérapeutiques pour requérants d’asile et réfugiés traumatisés; et

La recherche (bases, évaluation et monitoring).

340.Le domaine de la migration ne se limite pas à la population résidente autorisée à séjourner en Suisse de façon durable: les requérants d’asile et les étrangers en situation irrégulière représentent un véritable défi du point de vue des secteurs préventif et curatif de la santé publique (voir infra, par. 184 à 186). La Confédération est chargée d’une manière générale de veiller sur la santé de la population vivant sur le territoire suisse, soit non seulement les ressortissants suisses mais aussi les personnes de nationalité étrangère. Le mandat de la Confédération en ce qui concerne la santé de la population immigrée repose sur l’objectif général d’un système de santé de conception globale. Comme la stratégie présentée ci‑avant, celui‑ci est fondé sur les trois piliers suivants: égalité des chances, adéquation des prestations et responsabilité individuelle.

341.On peut affirmer en résumé que l’on aspire à une ouverture du système de santé suisse pour tenir compte des besoins apparus dans le sillage de l’immigration aux fins de répondre aux problèmes spécifiques à ces groupes de personnes, défavorisées sur les plans économique et social. Ce ne sont pas essentiellement les différences culturelles qui appellent des mesures spéciales dans le domaine migration et santé, mais des problèmes de communication et des lacunes dues à la position sociale. L’ouverture du système de santé à laquelle on aspire et la sensibilisation visée pourront d’ailleurs aussi profiter à certains groupes indigènes marginalisés, qui sont souvent confrontés à des problèmes similaires à ceux des immigrés.

6. Accès à tous les lieux et services destinés à l’usage public

342.En ce qui concerne la question de l’accès à tous les lieux et services destinés à l’usage public, nous renvoyons au commentaire figurant dans les deuxième et troisième rapports périodiques (CERD/C/351/Add.2, par. 213 et 214).

343.Le refus de prestation au sens du paragraphe 5 de l’article 261 bis du Code pénal est un cas typique de discrimination raciale. Il s’agit du fait de «refuser à une personne ou à un groupe de personnes, en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse, une prestation destinée à l’usage public». Pour qu’il puisse y avoir infraction, il faut donc que la prestation en question soit proposée publiquement. On se situe par conséquent dans un domaine quasi public, qui ne tombe plus sous le coup de la protection de la sphère privée. Comme il n’est pas facile d’obtenir des preuves de cette infraction − personne n’admet d’ordinaire une motivation raciste dans la procédure −, les condamnations fondées sur cette norme sont rares. Il ne fait aucun doute qu’il est très difficile, dans la pratique, de prouver que c’est précisément en raison de l’appartenance raciale, ethnique ou religieuse du plaignant que l’auteur lui a refusé la prestation en question.

344.Il est néanmoins certains cas dans lesquels les autorités de poursuite pénale ont eu à traiter des affaires relevant des dispositions sur le refus de prestations. Il s’agissait le plus souvent de plaintes déposées par des personnes qui se sont vu refuser l’entrée dans un club. Le refus de fournir à certains groupes une prestation destinée au public n’est pas pénalement répréhensible s’il repose sur des motifs objectivement fondés. Quant à savoir ce qu’il faut entendre exactement par un motif objectivement fondé, la jurisprudence n’a pas encore tranché de manière définitive. Le refus est difficilement justifiable notamment lorsque les membres d’un groupe spécifique n’ont encore jamais été à l’origine de problèmes en raison d’un comportement déplacé.

K. Article 14 de la Convention ( CERD /C/60/CO/14, par. 17)

345.Le 19 juin 2003, la Suisse a reconnu la procédure de communication individuelle au sens de l’article 14 de la Convention. La CFR propose son aide aux intéressés, aux services de conseil et de recours ainsi qu’aux avocats qui souhaitent en savoir plus sur la procédure à suivre pour présenter une communication au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale.

L. Mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban (CERD/C/60/CO/14, par. 18)

346.La Suisse a participé activement et avec succès à la préparation et à l’organisation de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée. Loin de marquer le début ou la fin d’un processus, la présence de la Suisse à la Conférence de Durban n’a représenté qu’un effort parmi tant d’autres. La Suisse est en effet toujours en train de développer et de multiplier ses instruments de sensibilisation, de prévention et de lutte contre la discrimination. Il n’est donc pas nécessaire à ses yeux de concevoir un nouveau programme d’action pour mettre en œuvre les résultats de la Conférence mondiale. Ce qu’il faut, c’est reconsidérer d’un œil critique les instruments existants à la lumière des expériences de Durban et fixer les priorités en conséquence.

347.La première mesure prise, avant la fin de 2002, a été de publier une version française et une version allemande de la Déclaration politique et du Programme d’action de la Conférence mondiale sur Internet mais aussi sous forme de brochure.

348.S’inspirant des discussions et des résultats de la Conférence de Durban, le Service de lutte contre le racisme a défini quatre thèmes principaux auxquels il entend se consacrer en priorité ces prochaines années, en collaboration avec les organismes compétents:

a)Protéger et aider les victimes potentielles, professionnaliser la prévention et l’intervention en cas de conflit ainsi que constituer et professionnaliser des organisations de groupes cibles comme les Noirs ou les gens du voyage: le service de lutte contre le racisme a reçu le mandat d’instituer, en collaboration avec des cantons et des organismes privés, un réseau d’antennes et de centres de conseil aux victimes de discrimination raciale et d’aide en cas de conflit. Dans le contexte du Programme national de recherche «Intégration et exclusion» (PNR 51), trois projets seront spécifiquement consacrés à l’histoire de la discrimination des gens du voyage en Suisse.

b)Mettre en place un monitoring systématique des actes racistes et discriminatoires: le SLR a été chargé par le Gouvernement suisse d’examiner les possibilités d’un tel monitoring, en tenant compte de la nécessité de l’harmoniser avec les efforts européens allant dans le même sens. Dans le cadre du Programme national de recherche «Extrémisme de droite, causes et contre‑mesures» (PNR 40+), il est prévu de soutenir un projet pilote de ce type.

c)Prévention de la discrimination et intégration des migrants: la Confédération est consciente de la tâche qu’il reste à accomplir dans ce domaine et accorde aux cantons un soutien substantiel dans ce domaine. La compétence en revient à l’Office fédéral des migrations (OFM) et la Commission fédérale des étrangers (CFE).

d)Lutte contre les nouvelles formes de racisme: le Conseil fédéral est conscient des dangers que recèle l’extrémisme de droite, non seulement en raison de la violence latente de certains cercles de jeunes. Un groupe de travail du DFJP a présenté des propositions concrètes pour enrayer le phénomène. De plus, le Conseil fédéral a créé un module de recherche visant à permettre la réalisation d’une série de projets dans le cadre du Programme national de recherche «Extrémisme de droite: causes et contre‑mesures» (PNR 40+).

Liste des abréviatio ns

AELE

Association européenne de libre-échange

AIEP

Autorité indépendante d’examen des plaintes en matière de radiotélévision

ALCP

Accord sur la libre circulation des personnes

ATF

Arrêts du Tribunal fédéral suisse (recueil officiel)

AVS/AI

Assurance vieillesse et survivants/assurance invalidité

CAT

Comité de l’ONU contre la torture

CC

Code civil suisse du 10 décembre 1907 (RS 210)

CCDJP

Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police

CDIP

Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique

CE

Communauté européenne

CEDH

Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales (RS 0.101)

CFE

Commission fédérale des étrangers

CFR

Commission fédérale contre le racisme

chap.

chapitre

cons.

considérant (dans un ATF)

CP

Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (RS 311.0)

CPM

Code pénal militaire du 13 juin 1927 (RS 321.0)

CPT

Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants

Cst. féd.

Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101)

DDC

Direction du développement et de la coopération

DDPS

Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports

DFAE

Département fédéral des affaires étrangères

DFI

Département fédéral de l’intérieur

DFJP

Département fédéral de justice et police

doc.

documentation

ECRI

Commission européenne contre le racisme et l’intolérance

éd.

édition/éditeur

FED

Fondation éducation et développement

FF

Feuille fédérale

FRS

francs suisses

GfS

Schweizerische Gesellschaft für praktische Sozialforschung

HCNUDH

Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits humains

JAAC

Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération (vol. (année) numéro)

LAMal

loi fédérale du 18 mars 1994 sur l’assurance maladie (RS 832.10)

LAsi

loi sur l’asile du 26 juin 1998 (RS 142.31)

LAVI

loi du 4 octobre 1991 sur l’aide aux victimes (RS 312.5)

LAVS

loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l’assurance vieillesse et survivants (RS 831.10)

LDP

loi fédérale du 17 décembre 1976 sur les droits politiques (RS 161.1)

let.

lettre

LEtr

loi fédérale sur les étrangers (02.024)

LFIS

loi fédérale du 20 juin 2003 sur l’investigation secrète (RS 312.8)

LFPr

loi fédérale du 13 décembre 2002 sur la formation professionnelle (RS 412.10)

LMSI

loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (RS 120)

LN

loi fédérale du 29 septembre 1952 sur l’acquisition et la perte de la nationalité (RS 141.0)

LPers

loi du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération (RS 172.220.1)

LSCPT

loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (RS 780.1)

LSEE

loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l’établissement des étrangers (RS 142.20)

LTAF

loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (RS 173.32)

LTF

loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (RS 173.110)

LTr

loi fédérale du 13 mars 1964 sur le travail dans l’industrie, l’artisanat et le commerce (RS 822.11)

LUsC

loi fédérale sur l’usage de la contrainte dans le cadre du droit des étrangers et des transports ordonnés par une autorité fédérale

NZZ

Neue Zürcher Zeitung

OFE

Office fédéral des étrangers

OFFT

Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie

OFM

Office fédéral des migrations

OFS

Office fédéral de la statistique

OIE

Ordonnance du 13 septembre 2000 sur l’intégration des étrangers (RS 142.205)

OIT

Organisation internationale du Travail

OLE

Ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (RS 823.21)

ONG

Organisation(s) non gouvernementale(s)

ONU

Organisation des Nations Unies

OSCE

Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe

OSYMIC

Ordonnance sur le système d’information central sur la migration

p.

page

PNR

Programme national de recherche

RO

Recueil officiel des lois fédérales (cit. par année et par volume, p.)

RS

Recueil systématique du droit fédéral

SECO

Secrétariat d’État à l’économie

SJZ

Schweizerische Juristen‑Zeitung, depuis 1904

SLR

Service de lutte contre le racisme

UDC

Union démocratique du centre

UE

Union européenne

UNHCR

Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés

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