Nations Unies

CAT/C/SLV/CO/2

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

9 décembre 2009

Français

Original: espagnol

Comité contre la torture

Quarante ‑troisième sessionGenève, 2-20 novembre 2009

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Observations finales du Comité contre la torture

El Salvador

1.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique d’El Salvador (CAT/C/SLV/2) à ses 902e et 904e sessions (CAT/C/SR.902 et 904), les 5 et 6 novembre 2009, et a adopté à ses 920e et 921e sessions (CAT/C/SR.920 et 921), le 18 novembre 2009, les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique d’El Salvador, qui suit les directives générales relatives à la présentation et à la teneur des rapports périodiques. Il regrette toutefois que ce rapport ait été soumis avec six ans de retard. Il se félicite d’avoir eu un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie et exprime ses remerciements pour les informations apportées en réponse à ses questions et préoccupations.

B.Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction que depuis l’examen du rapport initial l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants:

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif (ratifiés respectivement le 13 décembre 2006 et le 14 décembre 2007);

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (ratifié le 17 mai 2004);

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (ratifié le 18 avril 2002).

4.Le Comité relève avec satisfaction les invitations adressées par l’État partie à plusieurs titulaires de mandat au titre des procédures spéciales, comme le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires et le Rapporteur spécial sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences.

5.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a aboli la peine de mort. Toutefois, il recommande à l’État partie de l’abolir également pour certains délits militaires, prévus dans les lois militaires en période de conflit international.

6.Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption de la loi spéciale relative à la protection des victimes et des témoins, en mai 2006.

7.Le Comité accueille avec satisfaction:

a)La création de l’Institut salvadorien pour le développement des enfants et des adolescents, par la modification de la loi portant création de l’Institut salvadorien pour le développement complet des enfants et des adolescents, en juillet 2006;

b)La création de la Commission de détermination du statut de réfugié (CODER), en juillet 2002;

c)La création, en juin 2000, au sein de la Police nationale civile, d’une Unité des droits de l’homme composée de trois départements chargés respectivement de la promotion, de la protection et de l’administration.

8.Le Comité note avec satisfaction que le 1er avril 2004 la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice a établi que certains articles de la loi antibandes étaient contraires à la Constitution et à la Convention relative aux droits de l’enfant car ils violaient le principe fondamental de l’égalité devant la loi. La Chambre constitutionnelle a également conclu que la loi présupposait que des personnes se livraient à des activités criminelles, en se fondant sur leur situation personnelle ou sociale et non sur la réalité de l’infraction, et qu’un enfant ne pouvait pas être jugé comme un adulte.

9.Le Comité salue l’intention du Gouvernement d’adopter une politique de pleine reconnaissance des obligations internationales relatives aux droits de l’homme découlant des instruments internationaux ratifiés par l’État partie, et de reconnaître le droit qu’ont les victimes de violations des droits de l’homme de connaître la vérité, d’avoir accès à la justice et d’obtenir une réparation appropriée.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Définition de la torture

10.Le Comité note que l’article 297 du Code pénal et la Constitution de l’État partie incriminent la torture, mais se dit préoccupé, comme il l’avait déjà indiqué lors de l’examen du rapport initial, par le fait que l’État partie n’a toujours pas mis la définition de la torture que donne sa législation interne en conformité avec la définition énoncée à l’article premier et avec les prescriptions de l’article 4 de la Convention. Il note en particulier avec préoccupation que la définition de la torture ne précise pas la finalité de l’infraction, ne prévoie pas de circonstances aggravantes, exclue la tentative de pratiquer la torture, ne comprenne pas les actes visant à intimider la victime ou une tierce personne ou à faire pression sur elles et n’envisage pas la discrimination, quelle qu’elle soit, comme motif ou raison d’infliger la torture. Le Code manque également de dispositions incriminant la torture infligée à l’instigation ou avec le consentement exprès ou tacite d’un agent de la fonction publique ou de toute autre personne agissant à titre officiel. En outre, le Comité note avec préoccupation que la législation nationale ne prévoit pas l’application de peines appropriées en fonction de la gravité de l’infraction (art. 1er et 4).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que tous les actes de torture, y compris tous les éléments mentionnés à l’article premier et à l’article 4 de la Convention, constituent des infractions au regard de son droit pénal et à ce que, conformément au paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention, des peines appropriées en fonction de la gravité de l’infraction soient prononcées dans chaque cas.

2.Allégations de torture

11.Le Comité note avec préoccupation que continuent d’être reçues des allégations indiquant que des agents de la Police nationale civile et des membres du personnel pénitentiaire auraient commis des infractions graves, et notamment des actes de torture, dans l’exercice de leurs fonctions, en particulier dans le cadre des stratégies de lutte contre le niveau élevé de criminalité. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que ces allégations font état d’actes de torture commis sur des personnes vulnérables comme les enfants et les adolescents des rues ou les enfants en rupture familiale. Il note également avec préoccupation que, malgré leur gravité, des cas possibles de torture ont fait l’objet d’enquêtes disciplinaires pour simple abus de pouvoir. Le Comité regrette qu’il n’existe pas un organisme indépendant chargé d’enquêter sur les plaintes pour mauvais traitements et actes de torture, ce qui contribue à ce que ces crimes restent impunis (art. 2 et 12).

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses réformes législatives en vue de créer un organe indépendant chargé de surveiller le comportement des forces de police et leur respect des règles. En outre, l’État partie devrait veiller à ce qu’aucun acte contraire à la Convention commis par les forces de police ne reste impuni et à ce que de tels actes donnent lieu à des enquêtes pénales efficaces et transparentes. Il devrait également renforcer les programmes de formation continue pour que tous les agents des forces de l’ordre connaissent parfaitement les dispositions de la Convention.

3.Impunité et absence d’enquêtes promptes, approfondies et impartiales

12.Le Comité note avec préoccupation que l’impunité généralisée est l’une des principales raisons pour lesquelles la torture n’a pas pu être éradiquée. Il est particulièrement préoccupé par les informations faisant état de plusieurs cas d’accusations graves portées contre des membres de la Police nationale civile et du personnel pénitentiaire qui en restent au stade de l’enquête, qui est toujours plus longue, et dans lesquels les auteurs n’ont pas été traduits en justice, et par d’autres informations indiquant que les auteurs présumés d’infractions continueraient d’exercer leurs fonctions. Le Comité s’inquiète également de ce que l’État partie n’ait pas établi un organe indépendant pour garantir l’indépendance de la justice (art. 12, 13 et 16).

Le Comité invite instamment l’État partie à prendre des mesures pour lutter contre l’impunité, et notamment à:

a) Faire savoir publiquement qu’il ne tolère pas la pratique de la torture et que les auteurs de tels actes seront traduits en justice;

b) Mener rapidement des enquêtes approfondies, impartiales et efficaces sur toute allégation de tortures et de mauvais traitements imputés à des agents des forces de l’ordre. En particulier, ces enquêtes devraient être entreprises non pas par la police ou des agents pénitentiaires ni sous leur autorité, mais par un organe indépendant. En cas de présomption de torture et de mauvais traitements, le suspect devrait, en règle générale, être suspendu ou réaffecté pendant la durée de l’enquête, surtout s’il y a risque d’obstruction de sa part;

c) Traduire en justice les responsables et condamner les personnes reconnues coupables à des peines appropriées, afin d’en finir avec l’impunité des agents des forces de l’ordre responsables de violations de la Convention;

d) Garantir l’indépendance totale du pouvoir judiciaire conformément aux Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature (résolution 40/146 de l’Assemblée générale , en date du 13 décembre 1985) et créer un organe indépendant chargé de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire.

4.Sécurité publique

13.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie a intégré 4 000 membres des forces armées dans des unités de police appelées Groupes de travail conjoints pour intervenir dans des domaines relevant de la police, tels que la prévention et la répression de la criminalité de droit commun liée au grand nombre de gangs, au lieu de renforcer les forces de police (art. 2).

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour renforcer la Police nationale civile et supprimer les programmes, même temporaires, qui permettent à l’armée d’intervenir dans des opérations relevant purement de la police et de la prévention de la criminalité de droit commun, qui sont uniquement du ressort de la police.

5.Disparitions forcées ou involontaires pendant le conflit armé de 1980 à 1992

14.Le Comité salue le travail, limité à ce jour, accompli par la Commission interinstitutions pour la recherche des enfants disparus pendant le conflit armé, ainsi que le projet de restructuration de la Commission interinstitutions et de redéfinition de ses fonctions. Il salue également l’invitation adressée en 2007 par l’État partie au Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires. Toutefois, il s’inquiète de l’absence de réparation complète accordée aux victimes et aux familles de victimes de disparitions forcées ou involontaires pendant le conflit armé, de 1980 à 1992, et de manière générale de l’insuffisance des enquêtes et des peines et l’absence de réparation complète pour ces infractions. Il regrette en outre que les personnes adultes disparues ne soient pas recherchées (art. 2, 4 et 16).

Le Comité rappelle à l’État partie que l’infraction de disparition forcée est continue et doit faire l’objet d’une enquête tant que ses effets se poursuivent, jusqu’à ce que les responsables soient identifiés. De même, le Comité rappelle les recommandations du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, et note avec préoccupation qu’elles n’ont pas été entièrement suivies. Il exhorte l’État partie à prendre rapidement des mesures pour faire progresser la recherche des personnes disparues, mettre en place un programme complet de réparation et d’indemnisation en faveur des victimes et de leur famille, et empêcher que ne se produisent de nouveaux cas de disparition forcée ou involontaire.

6.Loi d’amnistie générale pour la consolidation de la paix et recommandations de la Commission de la vérité

15.Le Comité prend note avec satisfaction de l’intention du Gouvernement de ne pas maintenir la position des gouvernements précédents, qui consistait à justifier la loi d’amnistie au nom de la préservation de la paix dans l’État partie. Il note également que la Cour suprême de justice a indiqué dans son arrêt du 26 septembre 2000 que, même si la loi d’amnistie est conforme à la Constitution, les juges peuvent, lorsqu’ils statuent sur des affaires précises, ne pas l’appliquer. Elle a précisé que le juge devait déterminer, dans chaque cas, quand s’appliquait cette exception, au moyen d’une interprétation conforme à la Constitution, et que si les faits entraînant la responsabilité civile d’un fonctionnaire ou d’un agent public n’avaient pas été amnistiés − parce qu’il s’agissait d’infractions ne pouvant faire l’objet d’une amnistie − ou que l’amnistie accordée était contraire à la Constitution, la demande d’indemnisation était recevable par les tribunaux compétents. Toutefois, le Comité estime que cette loi viole le droit à un recours effectif car elle empêche que soient ouvertes des enquêtes dans tous les cas de violations des droits de l’homme et que tous les responsables soient sanctionnés et elle empêche l’exercice par les victimes du droit d’obtenir réparation, d’être indemnisé et de bénéficier de services de réadaptation. Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas appliqué les recommandations formulées par la Commission de la vérité en 1993 (art. 2, 4, 5 et 14).

Le Comité engage instamment l’État partie à abroger la loi d’amnistie générale pour la consolidation de la paix. À ce sujet, il appelle l’attention de l’État partie sur le paragraphe 5 de son Observation générale n o  2 relative à l’application de l’article 2 par les États parties (CAT/C/GC/2), dans lequel il dit considérer qu’une amnistie ou tout autre obstacle juridique qui empêcherait que les auteurs d’actes de torture ou de mauvais traitements fassent rapidement l’objet de poursuites et de sanctions équitables, ou qui exprimerait une réticence à cet égard, violerait le principe d’intangibilité de l’interdiction de la torture. Le Comité recommande également à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les enquêtes sur la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants soient menées de façon approfondie, avec diligence et impartialité, que les responsables fassent l’objet de poursuites et de sanctions, et que les victimes bénéficient de mesures de réparation, conformément aux dispositions de la Convention.

Le Comité prend note avec satisfaction de la volonté du nouveau gouvernement d’adopter une politique de réparation intégrale − du préjudice matériel comme du préjudice moral − à l’intention des victimes de violations des droits de l’homme commises actuellement ou récemment. Cependant, il engage instamment l’État partie à prendre rapidement des mesures pour mettre en œuvre les recommandations de la Commission de la vérité, et en particulier à poursuivre et sanctionner sans délai et en toute impartialité les auteurs d’actes de torture, de mauvais traitements ou de disparitions forcées ou involontaires, à démettre de leurs fonctions tous les agents de l’État qui ont été identifiés comme les auteurs présumés de violations des droits de l’homme, à créer un fonds spécial d’indemnisation pour les victimes, à construire un monument national portant le nom de toutes les victimes, et à décréter un jour férié national en mémoire des victimes.

7.Détention provisoire

16.Le Comité est préoccupé par la durée de la détention provisoire et par le grand nombre de personnes qui se trouvent en prévention du fait, comme l’État partie l’a reconnu lui-même, d’une augmentation générale de la violence dans le pays (art. 2).

L’État partie devrait prendre les mesures voulues pour limiter le placement en détention provisoire et réduire la durée de la détention provisoire, en recourant à des mesures de substitution chaque fois que possible et quand l’inculpé ne représente pas une menace pour la société.

8.Conditions de la privation de liberté

17.Le Comité relève avec satisfaction le plan de mesures et d’actions de l’administration du système pénitentiaire visant à faire cesser les violations des droits fondamentaux de la population privée de liberté. Il exprime néanmoins sa préoccupation face au grave problème de surpopulation; d’après les renseignements donnés par l’État partie la population carcérale s’élève à 21 671 personnes pour une capacité d’accueil de 9 000, ce qui a des répercussions négatives sur les autres aspects des conditions de vie en prison. Le Comité est préoccupé en particulier par le fait que les prévenus ne sont pas détenus séparément des condamnés, les hommes séparément des femmes et les enfants séparément des adultes et par le fait que l’accès aux services de santé et d’hygiène, à l’eau potable et à l’éducation est insuffisant et que les possibilités de visite sont inadéquates. Il est également préoccupé par les plaintes dénonçant l’utilisation de la détention au secret pendant de longues périodes.

18.Le Comité note avec regret le niveau élevé de violence entre détenus et l’absence de contrôle dans les centres pénitentiaires, qui a été la cause de décès chez les détenus. Il est préoccupé également de ce que ces incidents n’aient pas fait l’objet d’enquêtes rapides et impartiales et de ce que les responsables n’aient pas été sanctionnés. Dans ce contexte, le Comité relève avec préoccupation que l’article 45 de la loi pénitentiaire prévoit un délai maximal de quinze jours à partir de la perpétration des faits pour que le détenu dépose une plainte en justice.

19.De plus, le Comité est particulièrement préoccupé par les conditions de détention des mineurs, qui subissent des mauvais traitements et pour qui les services médicaux et éducatifs sont insuffisants (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) De prendre immédiatement des mesures en vue de réduire la surpopulation dans les centres de détention, en particulier en appliquant des mesures de substitution à l’emprisonnement, et d’adopter des mesures pour améliorer les infrastructures, les conditions d’hygiène et les services de santé;

b) De veiller à ce que dans tous les centres de détention les prévenus soient séparés des condamnés, les femmes des hommes et les enfants des adultes;

c) De fournir l’équipement, le personnel et les ressources budgétaires nécessaires pour que les conditions carcérales sur tout le territoire soient conformes aux normes et aux principes minimaux en matière de droits des personnes privées de liberté internationalement reconnues;

d) De supprimer toute forme de détention au secret;

e) De progresser dans l’élaboration de programmes de resocialisation et de réinsertion pour les personnes privées de liberté;

f) De prendre d’urgence des mesures visant à prévenir la violence entre détenus et de faire en sorte que tous les cas de violence dans les centres de détention fassent l’objet sans délai d’une enquête impartiale et approfondie et que les responsables soient condamnés. Il ne devrait pas y avoir de délai impératif pour le dépôt de plainte en justice par les détenus;

g) De mener sans délai des enquêtes impartiales et approfondies sur toutes les plaintes pour mauvais traitement infligés à des mineurs privés de liberté et de prendre d’urgence des mesures pour empêcher tout acte de torture et de mauvais traitement sur la personne de mineurs privés de liberté. L’État partie devrait en outre veiller à ce que la privation de liberté ne soit ordonnée qu’à titre de mesure de dernier recours et pour la durée la plus brève possible, et concevoir d’autres mesures que la privation de liberté et en favoriser l’application.

9.Conditions de vie des détenus en régime d’incarcération spécial

20.Le Comité prend note avec préoccupation des informations signalant le transfèrement de détenus au Centre de sécurité sans un ordre des autorités et faisant état de la mise au secret de prisonniers. Il est également préoccupé par les conditions de vie des détenus en régime d’incarcération spécial dans le Centre de sécurité, en particulier par les rapports faisant état de mauvais traitements infligés par le personnel pénitentiaire à l’arrivée du détenu, par le maintien prolongé en cellule d’isolement, l’accès limité aux parloirs, l’insuffisance de la nourriture, le manque de lumière et d’air (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que le droit à une procédure régulière dans l’application du régime d’incarcération spécial soit respecté et de supprimer toute forme de détention au secret. L’État partie devrait faire ouvrir sans délai des enquêtes impartiales et approfondies sur toutes les plaintes pour mauvais traitements. Il devrait également prendre des mesures pour améliorer les conditions de vie des détenus en régime d’incarcération spécial afin de les rendre conformes aux normes et principes minimaux en matière de droits des personnes privées de liberté internationalement reconnus.

10.Violences contre la femme et féminicide

21.Le Comité prend note de la création de 14 comités interinstitutions pour l’exécution du Plan national contre la violence dans la famille, de la création d’observatoires de la violence ainsi que de la conduite, en 2005, de l’enquête nationale sur le féminicide. Il prend note de l’avant-projet de loi contre la violence à l’égard des femmes et de l’organisation de campagnes de prévention visant à informer et éduquer la population sur la question de la violence dans la famille. Néanmoins, il se déclare profondément préoccupé par la prévalence de nombreuses formes de violence à l’égard des femmes et des filles, notamment des violences sexuelles, des violences dans la famille ainsi que des morts violentes de femmes (féminicides). Le Comité est également préoccupé par l’insuffisance d’enquêtes rigoureuses dans les affaires dénoncées et par l’impunité dont jouissent les auteurs de tels actes (art. 12, 13 et 16).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour assurer l’application d’urgence de mesures de protection efficaces visant à prévenir et combattre la violence contre les femmes et les filles, en particulier les sévices sexuels, la violence dans la famille et les morts violentes de femmes. Le Comité considère que ces crimes ne doivent pas rester impunis et l’État partie devrait allouer des ressources humaines et financières pour punir les auteurs. Il devrait également organiser de vastes campagnes de sensibilisation et des cours de formation sur la violence à l’égard des femmes et des filles, à l’intention des agents de l’État qui sont en contact direct avec les victimes (agents des forces de l’ordre, juges, avocats, travailleurs sociaux, etc.) et de la population en général.

22.De même, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les femmes sont soumises à des fouilles intimes humiliantes quand elles arrivent dans les lieux de détention pour rendre visite à un détenu, et en particulier par le fait que ces fouilles peuvent être effectuées par des personnes non qualifiées, y compris par des personnels sans formation médicale (art. 16).

Le Comité souligne que la fouille intime des femmes peut constituer un traitement cruel ou dégradant et que l’État partie devrait prendre des mesures pour faire en sorte que ces fouilles soient effectuées uniquement quand les circonstances l’exigent, par des femmes ayant des compétences médicales et de la façon la plus respectueuse possible afin de ne pas porter atteinte à la dignité de la femme.

11.Allégations de viol ou d’inceste

23.Le Comité est particulièrement préoccupé de ce que, d’après les renseignements qu’il a reçus, plus de la moitié des plaintes pour viol ou inceste sont portées par des victimes qui étaient mineures au moment des faits. Il est également préoccupé par le fait que le Code pénal de 1998, actuellement en vigueur, réprime et punit d’un emprisonnement pouvant aller de six mois à douze ans toutes les formes de recours à l’interruption volontaire de grossesse, même en cas de viol ou d’inceste, ce qui a entraîné des préjudices graves pour les femmes, y compris la mort (art. 2 et 16).

Rappelant son Observation générale n o  2 (CAT/C/GC/2), le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires, notamment d’ordre législatif, pour prévenir efficacement les délits et tous les actes qui nuisent gravement à la santé des femmes et des filles, procéder aux enquêtes nécessaires et punir les auteurs et apporter les soins médicaux requis, renforcer les programmes de planification familiale et offrir un meilleur accès à l’information et aux services de santé de la procréation, y compris pour les adolescents.

12.Traite des êtres humains

24.Le Comité donne acte à l’État partie des efforts qu’il a accomplis pour faire face à la traite des femmes et des enfants, comme la création d’un foyer d’accueil temporaire pour les femmes accompagnées de leurs enfants qui ont été victimes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales ou d’autres formes d’exploitation et d’un foyer pour les filles victimes de traite. Toutefois il est préoccupé par le fait que des cas de trafic de femmes et d’enfants à l’intérieur du pays et à travers les frontières, à des fins sexuelles ou autres, sont toujours dénoncés, et il regrette que les agents de l’État soupçonnés d’avoir commis de tels actes ne fassent pas l’objet d’enquêtes adéquates, et ne soient pas poursuivis et punis (art. 2, 10 et 16).

L’État partie doit veiller à ce que toutes les allégations de traite fassent l’objet sans délai d’enquêtes impartiales et approfondies et à ce que les auteurs de ces faits soient traduits en justice et punis pour le crime de traite d’êtres humains. Il devrait continuer à organiser des campagnes de sensibilisation dans tout le pays, à offrir des programmes adéquats d’aide, de réadaptation et de réinsertion pour les victimes de la traite et à dispenser une formation aux membres des forces de l’ordre, aux fonctionnaires des services d’immigration et de la police des frontières sur les causes, les conséquences et les répercussions de la traite et des autres formes d’exploitation. Le Comité recommande en outre à l’État partie d’intensifier ses efforts pour mettre en place des modes et des mécanismes de coopération internationale, régionale et bilatérale avec les pays d’origine, de transit et de destination, afin de prévenir la traite.

13.Principe du «non-refoulement»

25.Le Comité regrette d’apprendre que le principe du non-renvoi, le droit à une procédure régulière et l’accès à l’information ne seraient pas respectés systématiquement dans le cas des réfugiés ou des requérants d’asile potentiels et que les dispositifs qui empêchent de faire courir un risque à des individus en les renvoyant dans leur pays d’origine ne seraient pas pleinement appliqués. Il regrette également l’insuffisance de mécanismes qui permettent aux autorités d’immigration de vérifier qu’un individu encourt le risque d’être soumis à la torture s’il retourne dans son pays d’origine. Le Comité note en outre avec préoccupation les allégations faisant état d’un traitement discriminatoire appliqué par les autorités de l’État partie aux demandeurs d’asile (art. 3 et 6).

L’État partie devrait adopter des mesures d’ordre administratif et législatif de façon à garantir le respect des règles d’une procédure régulière pendant la phase de détermination du statut de réfugié et la procédure d’expulsion, en particulier du droit à la défense, et la présence de personnel du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. De même, le Comité recommande la mise en place de programmes de formation sur le droit international humanitaire applicable aux réfugiés en mettant l’accent sur la teneur et la portée du principe du «non-refoulement», à l’intention des membres de la police de l’immigration et des fonctionnaires de l’administration chargés de la procédure de détermination du statut de réfugié et des procédures d’expulsion.

14.Bureau du Procureur pour la défense des droits de l’homme

26.Le Comité accueille avec satisfaction l’augmentation du budget alloué au bureau du Procureur pour la défense des droits de l’homme et l’amélioration du dialogue entre celui-ci et le Gouvernement. Il constate toutefois que ce budget reste insuffisant. Il regrette d’apprendre qu’il y a eu des ingérences dans le travail de cette institution nationale des droits de l’homme et qu’elle a reçu des menaces quand elle enquêtait sur certains incidents (art. 2).

Le Comité rappelle à l’État partie l’importance de l’action de l’institution nationale des droits de l’homme et l’engage à assurer la protection de ses activités et à lui allouer un budget suffisant. Il lui recommande également de donner la suite voulue aux recommandations du bureau du Procureur pour la défense des droits de l’homme et de renforcer les liens entre ses activités, les procédures de plainte et les autres mécanismes officiels de surveillance afin que les problèmes rencontrés soient effectivement résolus.

15.Défenseurs des droits de l’homme

27.Le Comité est préoccupé par les allégations faisant état d’actes de harcèlement et de menaces de mort dont sont victimes les défenseurs des droits de l’homme, et par le fait que ces actes demeurent impunis (art. 2).

L’État partie devrait adopter des mesures efficaces pour faire cesser les actes de harcèlement et les menaces de mort dont sont victimes les défenseurs des droits de l’homme et pour prévenir de nouveaux actes de violence. Il devrait de plus veiller à ce qu’une enquête diligente, exhaustive et efficace soit menée rapidement et à ce que les auteurs de tels actes soient dûment punis.

16.Formation sur l’interdiction de la torture et l’application du Protocole d’Istanbul

28.Le Comité relève avec satisfaction que l’étude et la pratique des droits de l’homme, comprenant la Convention contre la torture et le Protocole d’Istanbul, sont au programme de la formation de base dispensée par l’École de la sécurité publique aux membres des forces de police, et que des journées de formation aux droits de l’homme sont organisées à l’intention des personnels de police. Il regrette toutefois de ne pas avoir reçu assez de renseignements sur le suivi et l’évaluation des programmes de formation existants, et de ne pas avoir eu non plus de renseignements sur les résultats des formations et sur l’utilité des programmes, mesurée par la diminution du nombre de cas de torture et de mauvais traitements. Il regrette également le manque de renseignements sur les formations relatives au Protocole d’Istanbul à l’intention des personnels qui participent à la recherche et à l’identification des cas de torture (art. 10).

L’État partie devrait concevoir et appliquer une méthode pour évaluer l’efficacité des programmes de formation et d’enseignement, ainsi que leur incidence sur la réduction du nombre de cas de torture, de violence et de mauvais traitements. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts afin que tous les personnels qui participent à la recherche et à l’identification des cas de torture connaissent la teneur du Protocole d’Istanbul et reçoivent une formation leur permettant de l’appliquer.

17.Réparation et réadaptation

29.Le Comité constate avec préoccupation qu’il n’existe dans l’État partie aucun programme de réparation et de réadaptation pour les victimes de torture et que toutes les victimes n’ont pas eu droit à une réparation équitable et adéquate (art. 14).

Le Comité rappelle à l’État partie son obligation de veiller à ce que toutes les victimes d’actes de torture aient le droit, prévu par la loi, à une réparation équitable et adéquate.

30.Le Comité invite l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

31.Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments de protection des droits de l’homme des Nations Unies auxquels il n’est pas encore partie: le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (signé le 25 septembre 2009), le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (signé le 4 avril 2001), le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

32.Le Comité note que le Programme de gouvernement pour 2009-2014 dans le cadre de la réforme politique − Droits de l’homme − prévoit la possibilité de lever les réserves à la reconnaissance de la compétence contentieuse. Il recommande néanmoins à l’État partie d’étudier la possibilité de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

33.Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations formulées dans les présentes observations finales. Il lui recommande de prendre toutes les dispositions voulues pour mettre en œuvre ces recommandations, et notamment en les portant à la connaissance des membres du Gouvernement et du Parlement pour examen et adoption des mesures qui s’imposent.

34.Le Comité recommande à l’État partie de diffuser largement, y compris dans les langues autochtones, les rapports qu’il soumet ainsi que les présentes observations finales, par le biais des organes d’information, des sites Web officiels et des organisations non gouvernementales.

35.Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 15, 19 et 21.

36.L’État partie est invité à soumettre son document de base en suivant les directives harmonisées pour l’établissement des rapports (HRI/GEN/2/Rev.6).

37.L’État partie est invité à soumettre son troisième rapport périodique au plus tard le 20 novembre 2013.