Nations Unies

CRC/C/79/D/11/2017

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

18 février 2019

Français

Original : espagnol

Comité des droits de l’enfant

Constatations adoptées par le Comité en vertu du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications concernant la communication no 11/2017 * , ** , ***

Communication présentée par :

N. B. F. (représenté par un conseil, Albert Parés Casanova)

Au nom de :

N. B. F.

État partie :

Espagne

Date de la communication :

15 février 2017

Date de la présente décision :

27 septembre 2018

Objet:

Détermination de l’âge d’un présumé enfant non accompagné

Question(s) de procédure:

Non-épuisement des recours internes, abus du droit de présenter des communications, défaut de fondement des griefs

Article(s) de la Convention:

3, 8, 12, 18 (par. 2), 20, 27 et 29

Article(s) du Protocole facultatif:

7 c), e) et f)

1.1L’auteur de la communication est N. B. F., de nationalité ivoirienne, qui dit être né le 26 mars 2000. Il se dit victime d’une violation des articles 3, 8, 12, 18 (par. 2), 20, 27 et 29 de la Convention. Le Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications est entré en vigueur pour l’État partie le 14 avril 2014.

1.2Le 21 février 2017, le Groupe de travail des communications, agissant au nom du Comité et se fondant sur l’article 6 du Protocole facultatif, a demandé à l’État partie de ne pas renvoyer l’auteur dans son pays d’origine et de le transférer dans un centre de protection de l’enfance et de l’y maintenir tant que sa communication serait à l’examen.

1.3Le 15 juin 2017, le Groupe de travail des communications, agissant au nom du Comité, a décidé de ne pas accéder à la demande de l’État partie qui souhaitait que la question de la recevabilité soit examinée séparément du fond.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 26 janvier 2017, la Police nationale espagnole a intercepté l’embarcation à bord de laquelle l’auteur tentait d’entrer illégalement en Espagne. Au moment de son arrestation, l’auteur, qui était sans papiers, a déclaré être né le 26 mars 2000.

2.2Le 27 janvier 2017, le parquet des mineurs de l’Audiencia Provincial de Grenade a ordonné qu’il soit procédé à des examens ostéométriques pour déterminer l’âge de l’auteur. Les examens en question, pratiqués le jour-même à l’hôpital Virgen de las Nieves de Grenade, consistaient en une radiographie de la main gauche de l’auteur. Les résultats de la radiographie ont permis de conclure que l’âge osseux de l’auteur était « supérieur à 19 ans ».

2.3Toujours le 27 janvier 2017, se fondant sur les résultats susmentionnés, le parquet des mineurs de l’Audiencia Provincial de Grenade a déclaré l’auteur adulte.

2.4Le 28 janvier 2017, le tribunal d’instruction no 3 de Motril a ordonné le placement de l’auteur dans un centre de rétention pour étrangers pour une durée maximale de soixante jours, en attendant l’exécution de la décision de renvoi. L’auteur a été transféré au centre de rétention pour étrangers de Barcelone. Lors de son admission dans le centre, l’auteur a de nouveau déclaré être mineur. Les agents de police du centre ont donc adressé, le 15 février 2017, à la section des mineurs du parquet provincial de Barcelone et à l’administration publique chargée de la protection des mineurs de Catalogne, une télécopie dans laquelle ils rendaient compte de la situation. L’auteur affirme qu’il n’a reçu aucune réponse à ce jour.

2.5L’auteur fait observer que les décisions du parquet relatives à la détermination de l’âge ne peuvent pas être contestées en justice, comme l’a confirmé la Cour constitutionnelle espagnole par l’ordonnance 172/2013, et qu’il a par conséquent épuisé tous les recours internes disponibles.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme qu’au cours de la procédure de détermination de l’âge à laquelle il a été soumis, l’intérêt supérieur de l’enfant n’a pas été pris en considération, contrairement aux dispositions de l’article 3 de la Convention. Il note que, comme le Comité l’a constaté, il n’existe pas dans l’État partie de protocole unifié à l’échelon national pour la protection des enfants non accompagnés. Les méthodes employées pour déterminer l’âge de ces enfants varient en effet d’une communauté autonome à l’autre.

3.2L’auteur fait observer que les seules méthodes de détermination de l’âge actuellement utilisées en Espagne sont l’estimation médicale et l’estimation fondée sur les caractéristiques physiques. Il existe d’autres méthodes, comme l’estimation fondée sur des critères psychosociaux et de développement ou l’estimation fondée sur la documentation disponible, la connaissance et l’information locale, mais elles ne sont pas utilisées. La principale méthode appliquée en Espagne est la radiographie fondée sur l’Atlas de Greulich et Pyle, étude réalisée dans les années 1950 sur un échantillon de 6 879 enfants en bonne santé d’origine nord-américaine et de classe moyenne à supérieure. Elle donne une estimation de l’âge fondée sur des fourchettes de résultats. L’Atlas de Greulich et Pyle, comme d’autres études menées ultérieurement, donne une simple évaluation et n’a pas été conçu pour déterminer l’âge chronologique d’une personne. L’auteur appelle l’attention sur la nécessité d’établir une distinction entre l’âge chronologique et l’âge osseux, ce dernier étant un concept statistique fondé sur l’expérience clinique qui peut être utile à des fins strictement médicales pour évaluer la maturation osseuse d’un sujet et pour prévoir la taille à l’âge adulte ou d’autres éléments. En revanche, l’âge chronologique est le temps vécu par la personne. L’âge osseux et l’âge chronologique ne coïncident pas nécessairement, étant donné que des facteurs liés au statut social de l’enfant, notamment des facteurs génétiques, pathologiques, nutritionnels et hygiénico‑sanitaires, ainsi que des facteurs raciaux, ont une incidence sur la croissance et sur le développement de la personne. Diverses études montrent que les caractéristiques socioéconomiques d’un individu constituent un facteur essentiel de son développement osseux.

3.3L’auteur affirme que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant doit prévaloir tout au long de la procédure de détermination de l’âge et que seuls devraient être pratiqués les examens médicaux nécessaires et conformes à l’éthique médicale. La marge d’erreur doit être systématiquement signalée dans les rapports médicaux. De plus, il faudrait confier la réalisation et l’interprétation des clichés radiographiques à du personnel médical spécialisé en radiodiagnostic, et l’analyse globale des résultats à du personnel médical spécialisé en médecine légale, et non pas aux services de radiologie comme cela est souvent le cas. Enfin, la détermination de l’âge doit être fondée sur plusieurs tests et sur des examens complémentaires. En outre, en application de l’article 35 de la loi organique no 4/2000, il est inutile d’engager une procédure de détermination de l’âge lorsque l’enfant est en possession de documents d’identité.

3.4L’auteur affirme être victime d’une violation de l’article 3 de la Convention, lu conjointement avec les articles 18 (par. 2) et 20 (par. 1), au motif qu’aucun tuteur ou représentant n’a été désigné pour agir en son nom, désignation qui constitue une garantie de procédure fondamentale pour le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant non accompagné. Il soutient qu’ayant été déclaré majeur sur la base d’éléments non dignes de foi, il s’est retrouvé sans défense, privé de la protection qui lui était due et dans une situation d’extrême vulnérabilité.

3.5L’auteur affirme que l’État partie a violé le droit à l’identité qu’il tient de l’article 8 de la Convention. Il fait observer que l’âge constitue un aspect fondamental de l’identité et que l’État partie est tenu de conserver et de protéger les éléments constitutifs de son identité, sans ingérence.

3.6L’auteur affirme également être victime d’une violation de l’article 20 de la Convention puisque l’État partie ne lui a pas accordé la protection qui lui était due en sa qualité d’enfant privé de son milieu familial.

3.7Enfin, l’auteur affirme être victime d’une violation des droits qu’il tient des articles 27 et 29 de la Convention puisqu’il n’a pas eu la possibilité de se développer correctement et qu’aucun tuteur n’a été désigné pour veiller au respect de son intérêt supérieur.

3.8L’auteur propose : a) que l’État partie reconnaisse qu’il est impossible d’établir son âge au moyen des examens médicaux effectués ; b) que lui soit donnée la possibilité de faire appel devant les tribunaux des décisions rendues concernant la détermination de l’âge ; c) que soient reconnus tous les droits dont il jouit en sa qualité d’enfant, notamment le droit à la protection de l’autorité publique, le droit à un représentant légal, le droit à l’éducation et le droit à un permis de séjour et de travail qui lui permette de développer pleinement sa personnalité et de s’intégrer dans la société.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans ses observations en date des 31 mars et 11 avril 2017, l’État partie affirme que la communication est irrecevable aux motifs qu’elle constitue un abus du droit de présenter des communications et qu’elle est manifestement dénuée de fondement, en application des alinéas c) et f) de l’article 7 du Protocole facultatif, respectivement. L’État partie constate que l’auteur n’a fourni aucun élément de preuve attestant son statut de mineur. Il note que, comme dans d’autres cas portés à l’attention du Comité, l’auteur est une personne présumée proche de l’âge de la majorité, qui semble être adulte et qui a passé en Espagne, avec son consentement préalable, des examens médicaux qui permettent de certifier qu’il est majeur ; que l’auteur ne présente aucun document d’identité original sur lequel figureraient des données biométriques, ni aucun résultat d’examens médicaux qui contredirait les résultats des examens effectués, bien qu’il soit représenté par des avocats dotés des ressources nécessaires ; que l’auteur ne précise pas quels seraient les examens médicaux appropriés. Enfin, l’État partie renvoie à l’affaire M. E. B. c . Espagne, dans laquelle l’auteur affirmait être mineur alors qu’un examen radiologique avait permis de conclure qu’il avait 18 ans. Les enquêtes menées par la police espagnole dans le pays d’origine de l’auteur ont montré que l’intéressé avait essayé d’utiliser une fausse identité et qu’en réalité il avait 20 ans. L’État partie appelle l’attention sur les mafias qui pratiquent la traite et qui profitent de l’immigration illégale, incitant certains à abandonner leur pays à la recherche d’une prospérité incertaine et imaginaire en Europe et qui, bien souvent, recommandent à ces personnes de ne pas emporter avec elles leurs pièces d’identité ou de les dissimuler et de prétendre qu’elles sont mineures.

4.2L’État partie affirme également que la communication est irrecevable pour non‑épuisement des recours internes, étant donné : a) que la détermination de l’âge peut être révisée sur présentation de nouveaux éléments de preuve objectifs (pièces d’identité avec données biométriques ou examens médicaux objectifs), auquel cas le parquet peut demander que de nouvelles investigations soient menées pour déterminer l’âge de l’intéressé ; b) qu’il est possible de demander la détermination judiciaire de l’âge ; c) que la décision de renvoi peut également être contestée par voie administrative et judiciaire.

4.3L’État partie fait savoir que l’auteur a été remis en liberté le 27 février 2017, la durée maximale de soixante jours de rétention administrative avant l’exécution de l’ordonnance d’expulsion étant écoulée. L’auteur est actuellement pris en charge par la Fondation Cepaim, à Teruel (Aragon).

4.4L’État partie affirme que la situation de l’auteur a été réexaminée en application de l’article 6 du Protocole facultatif, et qu’il en est ressorti : a) que divers examens objectifs, à savoir une radiographie de la main gauche et un examen physique, pratiqués par des médecins spécialisés, sous le contrôle du parquet et des autorités judiciaires, permettent de conclure que l’auteur est majeur ; b) qu’aucune preuve documentaire n’a été fournie pour démontrer le contraire ; c) qu’il n’a pas été démontré que l’auteur courrait le risque de subir un préjudice irréparable s’il était renvoyé dans son pays d’origine, où il a des attaches personnelles et familiales, ni que son expulsion constituerait une circonstance exceptionnelle.

4.5L’État partie fournit des renseignements sur l’application d’un protocole particulier pour les mineurs non accompagnés présumés, selon lequel tout immigrant en situation irrégulière, qui affirme être un mineur non accompagné et dont l’apparence physique est manifestement celle d’un mineur, est immédiatement confié aux autorités de protection des mineurs et inscrit au registre des mineurs non accompagnés. Si l’apparence physique de l’intéressé fait douter de son âge, des examens médicaux sont immédiatement faits, avec le consentement préalable de la personne concernée, pour déterminer son âge selon les critères reconnus par la communauté médico-légale. Les résultats de ces examens − interprétés dans le sens le plus favorable à l’immigrant − sont pris en compte pour établir si les mesures de protection propres aux mineurs doivent être prises.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Dans ses commentaires en date du 26 mai 2017, l’auteur fait observer que si un avocat a bien été commis d’office pour la procédure d’expulsion engagée contre lui en sa qualité d’adulte, aucun représentant librement choisi par lui n’a été désigné pour défendre ses intérêts en tant que mineur, ce qui constitue une violation de l’article 12 de la Convention.

5.2L’auteur fait valoir que, compte tenu de son parcours de migrant, son apparence est très différente de celle d’une personne qui mènerait une vie normale et ne saurait être un élément pertinent pour déterminer son âge. Il souligne également le manque de fiabilité des examens fondés sur l’Atlas de Greulich et Pyle, et soutient que son droit à la présomption de minorité n’a pas été respecté. Il soutient que les enfants étrangers non accompagnés doivent être présentés aux services de protection des mineurs avant même que leur âge ne soit déterminé. Il conteste l’argument selon lequel les examens médicaux de détermination de l’âge pratiqués sont reconnus par la communauté médico-légale.

5.3L’auteur relève qu’il n’existe aucune trace du document signé par lequel il aurait donné son consentement, de la traduction du document en question dans sa langue maternelle ou de la façon dont il a été informé des conséquences de son consentement.

5.4L’auteur affirme que les déclarations de l’État partie concernant ses attaches personnelles et familiales dans son pays sont totalement infondées et n’ont pas été étayées.

5.5Le Protocole-cadre concernant les procédures applicables aux mineurs étrangers non accompagnés a été contesté devant la Cour suprême, au motif que nombre de ses articles sont considérés comme inconstitutionnels. Plus particulièrement, ledit protocole permet, dans le cas des enfants munis d’un passeport, de considérer que ce document n’est pas valide si le détenteur a l’apparence physique d’un adulte. La Cour suprême a conclu que tout immigrant dont le passeport ou une pièce d’identité équivalente indique qu’il est mineur ne peut être considéré comme un étranger sans papiers et soumis à des examens de détermination de l’âge.

5.6Enfin, l’auteur affirme que l’État partie n’a pas respecté la mesure provisoire prévue par le Comité étant donné qu’il a été confié à une entité sociale privée en qualité d’adulte. Il précise que ce transfert a eu lieu avant que soit écoulée la durée maximale de son séjour dans un centre de rétention administrative pour étrangers.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

6.1Dans ses observations en date du 10 novembre 2017, l’État partie répète ses arguments concernant l’irrecevabilité de la communication. Il fait observer que la photographie actuelle de l’auteur ne laisse aucun doute quant au fait que celui-ci est adulte. Le représentant de l’auteur lui-même admet tacitement que l’intéressé n’a pas l’apparence physique d’un mineur lorsqu’il dit que cette apparence s’explique par le parcours de migrant de l’auteur.

6.2L’État partie fait valoir que, pour qu’une communication présentée en application du Protocole facultatif soit déclarée recevable, il doit au moins y avoir quelque preuve que l’auteur est un enfant.

6.3L’État partie fait observer que, par l’arrêt qu’elle a rendu dans l’affaire Ahmade cGrèce,la Cour européenne des droits de l’homme a confirmé que les examens médicaux de détermination de l’âge en question étaient conformes aux droits de l’homme. Dans cet arrêt, la Cour a considéré que le refus du requérant de se soumettre à un examen radiologique de la mâchoire était la preuve qu’il craignait que cet examen révèle un âge différent de celui qu’il avait indiqué aux autorités.

6.4L’État partie répète ses arguments concernant le non-épuisement des recours internes disponibles. Bien que la détermination provisoire de l’âge par le parquet ne soit pas susceptible de recours devant les tribunaux, le ministère public lui‑même peut ordonner que de nouvelles investigations soient menées si de nouveaux éléments de preuve objectifs sont présentés. De plus, il est possible de demander au juge civil du lieu de rétention administrative de réexaminer toute décision de la communauté autonome dans laquelle l’auteur n’est pas considéré comme mineur. Il est également possible de saisir la juridiction administrative contentieuse pour contester la décision de renvoi et tout éventuel refus d’accorder le droit d’asile. Enfin, il est possible de présenter devant les tribunaux civils un acte de juridiction gracieuse aux fins de la détermination de l’âge, en application de la loi no 15/2015 du 2 juillet relative à la juridiction gracieuse, étant donné que, selon la Cour constitutionnelle, la procédure de détermination de l’âge menée par le ministère public est « toute provisoire ».

6.5L’État partie affirme que le grief soulevé est générique et semble reposer sur l’idée que tout résultat de tests médicaux de détermination de l’âge débouchant sur la conclusion que l’intéressé est adulte constitue une violation de la Convention. L’observation générale no 6 établit le principe de la présomption de minorité en cas d’incertitude, mais ce principe ne s’applique pas lorsque l’intéressé est manifestement adulte ; en pareil cas, les autorités nationales peuvent légalement considérer celui-ci comme majeur, sans qu’il soit nécessaire de procéder à un quelconque examen. Or, en l’espèce, les autorités ont offert à l’auteur la possibilité de se soumettre à des examens médicaux objectifs de détermination de l’âge.

6.6Faute de preuve digne de foi et sur la seule base de sa déclaration, l’auteur ne pouvait pas être maintenu dans un centre pour mineurs, compte tenu du risque élevé de violences et de mauvais traitements que cela aurait fait courir aux jeunes de ce centre.

6.7En ce qui concerne le grief de l’auteur selon lequel son intérêt supérieur n’aurait pas été respecté, l’État partie fait observer : que l’auteur a omis de signaler qu’il a été secouru par les autorités espagnoles alors qu’il se trouvait à bord d’une embarcation de fortune ; qu’il a été soigné par les services de santé à son arrivée sur le territoire espagnol et a bénéficié gratuitement des services d’un avocat et d’un interprète ; que dès qu’il a affirmé être mineur, cette information a été communiquée au parquet, institution chargée de veiller à l’intérêt supérieur de l’enfant ; et qu’il est actuellement libre et bénéficie d’une assistance sociale. On ne peut donc guère parler d’un défaut d’assistance juridique ou de protection, même dans l’hypothèse où l’auteur serait mineur, ce qui n’est pas le cas.

6.8En ce qui concerne les allégations de l’auteur concernant son droit à l’identité, l’État partie souligne que l’auteur n’a produit aucune pièce d’identité officielle, encore moins un document comportant des données biométriques vérifiables. Néanmoins, les autorités espagnoles ont enregistré l’auteur sous le nom qu’il a donné lorsqu’il est entré illégalement sur le territoire espagnol.

6.9L’auteur a été pris en charge par les services publics jusqu’à l’expiration de la période maximale de rétention administrative, après quoi il a été remis en liberté et a commencé à bénéficier d’une « assistance concertée » et d’une couverture médicale, ce qui prouve que son droit au développement n’a pas été violé.

6.10En ce qui concerne les mesures de réparation demandées, l’auteur ne précise pas quelles méthodes auraient dû être utilisées à la place des examens médicaux pratiqués. En ce qui concerne les autres griefs, l’État partie relève que l’auteur a déjà bénéficié de la protection publique. S’agissant de l’enseignement gratuit, l’auteur en bénéficierait automatiquement s’il était mineur. Enfin, les permis de séjour et de travail ne peuvent être obtenus que si les conditions générales prévues par la loi sont réunies, ce qui n’est pas le cas, puisque l’auteur est entré sur le territoire national de manière illégale et n’a pas demandé la protection internationale.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

7.1Dans ses commentaires du 3 janvier 2018, l’auteur maintient que l’État partie se fonde sur son apparence physique et dénonce l’absence de critères rigoureux et fiables pour établir l’âge.

7.2L’auteur réaffirme qu’aucun conseil n’a été nommé pour le représenter au cours de la procédure de détermination de l’âge, et qu’il n’a pas donné son consentement à la réalisation des examens médicaux de détermination de l’âge.

7.3L’auteur conteste l’argument selon lequel son représentant dispose des ressources nécessaires pour faire procéder à d’autres examens médicaux et souligne que c’est à l’État partie qu’incombe l’obligation de procéder à de tels examens.

7.4L’auteur note que l’État partie renvoie à l’affaire M. E. B. c .  Espagne, mais qu’il omet une autre affaire portée devant le Comité, à savoir l’affaire R. L . c.  Espagne, dans laquelle des vérifications menées en collaboration avec le consulat d’Algérie à Barcelone ont permis de démontrer que l’auteur était mineur, alors qu’il avait été déclaré majeur sur la base des résultats d’examens radiologiques ce qui montre le manque de fiabilité de tels éléments de preuve.

7.5En ce qui concerne les recours disponibles contre la décision de renvoi, l’auteur fait savoir que l’avocat commis d’office pour le représenter ne l’a assisté en personne à aucun moment de la procédure et ne l’a jamais rencontré. L’avocat en question n’a pu préparer aucun recours puisqu’il se trouvait à Motril alors que l’auteur était à Barcelone, et que la législation espagnole ne prévoit pas la possibilité de désigner un nouvel avocat commis d’office lorsqu’une personne est transférée vers une autre communauté autonome. L’auteur ajoute que le seul recours qui puisse être formé contre une décision de renvoi est administratif et non judiciaire. Quant aux recours contre l’ordonnance de placement en rétention, il fait observer que cette ordonnance ne fait nullement mention de la détermination de son âge.

Intervention de tiers

8.1Le 3 mai 2018, le Défenseur des droits (France) a soumis en qualité de tiers une intervention portant sur la question de la détermination de l’âge. Il souligne que les procédures de détermination de l’âge doivent être assorties des garanties nécessaires pour assurer le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans un rapport de 2017, le Conseil de l’Europe a indiqué que les garanties procédurales reconnues par les instruments internationaux « ne sont pas uniformément respectées dans l’ensemble des États membres ».

8.2Une procédure de détermination de l’âge ne devrait être engagée qu’en cas de doute sérieux quant à l’âge d’un individu, qui doit être vérifié sur la base des documents ou des déclarations de l’intéressé. Ce type de procédure ne devrait pas se fonder uniquement sur l’apparence physique ; elle devrait également prendre en considération la maturité psychologique et s’inscrire dans une approche pluridisciplinaire. Si le doute persiste à l’issue de la procédure, il devrait profiter à la personne concernée.

8.3Il n’existe pas de règles ni d’accords communs concernant la détermination de l’âge dans les États européens. Plusieurs États recourent à des examens médicaux et non médicaux. Les examens médicaux comprennent la radiographie du poignet gauche (23 États), le panoramique dentaire (17 États), la radiographie de la clavicule (15 États), l’examen dentaire (14 États), ou des estimations fondées sur l’apparence physique (12 États). Bien qu’elle soit couramment pratiquée, la détermination de l’âge osseux n’est pas fiable et porte atteinte à la dignité et à l’intégrité physique de l’enfant. Elle n’a aucune valeur médicale, comme l’a confirmé le Royal College of Radiologists de Londres. Dans une résolution du 12 septembre 2013 sur la situation des mineurs non accompagnés dans l’Union européenne, le Parlement européen a lui aussi condamné le caractère inadapté et invasif des techniques médicales utilisées pour la détermination de l’âge basées sur l’âge osseux, car elles peuvent occasionner des traumatismes, présentent de grandes marges d’erreur et sont parfois pratiquées sans le consentement de l’enfant.

8.4La méthode de Greulich et Pyle est inadaptée et inapplicable aux migrants, qui sont en majorité des adolescents venant d’Afrique subsaharienne, d’Asie ou d’Europe de l’Est qui fuient leur pays d’origine, où leur situation socioéconomique est souvent précaire. Plusieurs études démontrent que le développement osseux varie en fonction de l’origine ethnique et de la situation socioéconomique de l’individu, raison pour laquelle la méthode n’est pas adéquate pour déterminer l’âge de personnes non européennes. Cette méthode présente d’importantes marges d’erreur, en particulier chez les individus âgés de 15 à 18 ans. Selon le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, les associations européennes de pédiatres sont catégoriques sur un point : la maturité de la dentition et du squelette ne permet pas de déterminer l’âge exact d’un enfant, mais uniquement d’en donner une estimation, avec une marge d’erreur importante de deux à trois ans. L’interprétation des données peut en outre varier d’un pays à l’autre, voire d’un spécialiste à l’autre. Le Comité des droits de l’enfant a également engagé les États à ne pas utiliser les méthodes de détermination de l’âge osseux.

8.5Le Défenseur des droits recommande par conséquent : a) que la détermination de l’âge s’inscrive dans une approche pluridisciplinaire et qu’il ne soit procédé à des examens médicaux qu’en dernier ressort, lorsqu’il existe des motifs sérieux de douter de l’âge d’une personne ; b) que l’enfant soit informé et qu’il ait la possibilité de donner son consentement préalable ; c) que l’intéressé soit présumé mineur pendant la procédure de détermination de l’âge et que des mesures de protection soient prises, par exemple la désignation d’un représentant légal chargé de l’assister tout au long de la procédure ; d) que tout examen soit effectué dans le strict respect des droits de l’enfant, notamment de sa dignité et de son intégrité physique ; e) que le droit de l’enfant d’être entendu soit respecté ; f) que si le doute persiste à l’issue de la procédure, il bénéficie à l’intéressé ; g) qu’une demande de protection ne puisse pas être rejetée au seul motif que l’intéressé refuse de se soumettre à des examens médicaux ; h) qu’il existe un recours utile permettant de contester les décisions fondées sur une procédure de détermination de l’âge.

8.6Le Défenseur des droits rappelle que la détention d’enfants migrants, même de courte durée ou à des fins de détermination de l’âge, est interdite par le droit international et que les États devraient recourir à des mesures autres que la détention. Les États devraient interdire la privation de liberté des enfants ou leur placement en détention dans des centres pour adultes. Les services de protection de l’enfance devraient être immédiatement avisés afin qu’ils puissent évaluer les besoins de protection de l’enfant.

Commentaires des parties sur l’intervention de tiers

9.Dans ses commentaires en date du 1er août 2018, l’auteur soutient que l’intervention confirme que la méthode utilisée pour déterminer son âge n’était pas appropriée compte tenu de la marge d’erreur importante qu’elle présente, en particulier pour son groupe d’âge. C’est également la position des instituts espagnols de médecine légale, qui ont élaboré des recommandations sur les méthodes d’évaluation médico-légale de l’âge des mineurs étrangers non accompagnés.

10.1Dans ses observations en date du 3 août 2018, l’État partie indique qu’aucune des communications mettant en cause l’Espagne qui ont été soumises au Comité ne concerne des personnes privées de liberté. Les auteurs de ces communications peuvent vivre dans des centres ouverts tant que les autorités administratives ou judiciaires n’ont pas statué sur leur cas. En outre, ce ne sont pas des demandeurs d’asile, mais des migrants économiques.

10.2La méthode de Greulich et Pyle n’est pas la seule technique utilisée en Espagne. Dans d’autres communications examinées par le Comité, les auteurs ont passé jusqu’à cinq examens médicaux de détermination de l’âge. En outre, les examens médicaux ne sont pratiqués que dans les cas où l’intéressé n’a pas l’apparence physique d’un enfant. Le Tribunal suprême a conclu que, lorsqu’une personne est munie d’un passeport ou d’un document similaire, il n’y a pas lieu de la soumettre à des examens de détermination de l’âge. Il a toutefois fait observer que, s’il existe un motif raisonnable de mettre en doute la validité des documents susmentionnés ou si ces documents ont été déclarés non valables par les autorités compétentes, l’enfant est considéré comme n’ayant pas de papiers et peut être soumis aux examens en question en cas de doute sur son âge. L’État partie ajoute que, selon cette interprétation, on ne peut considérer qu’un mineur non accompagné a des papiers que s’il est muni d’un passeport ou d’une pièce d’identité similaire, ce qui n’est le cas dans aucune des communications dont est saisi le Comité. Par conséquent, les auteurs de ces communications doivent être considérés comme étant sans papiers. En outre, aucun n’avait l’apparence physique d’un mineur, raison pour laquelle ils ont été soumis à des examens de détermination de l’âge. Dans certains cas, l’auteur avait d’abord dit qu’il était majeur pour affirmer ensuite qu’il était mineur. Dans d’autres, les autorités espagnoles avaient reconnu à l’auteur la qualité de mineur, en conséquence de quoi le Comité avait classé l’affaire. Dans une autre affaire, également classée, les autorités du pays d’origine de l’auteur avaient confirmé que l’auteur était adulte. Ces exemples attestent la fiabilité des examens médicaux pratiqués.

10.3L’État partie réaffirme que le placement de personnes déclarées adultes sur la base d’examens médicaux dans des centres de protection des mineurs pourrait mettre en danger les enfants de ces centres.

10.4Lorsqu’une personne a l’apparence d’un mineur ou qu’elle est munie d’un passeport ou d’un document d’identité biométrique, elle n’est pas soumise à des examens visant à déterminer son âge. Enfin, le Défenseur des droits français ne précise pas quelles méthodes de détermination de l’âge devraient être utilisées.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

11.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 20 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications.

11.2Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication est irrecevable au regard de l’article 7 c) du Protocole facultatif puisque l’auteur apparaît clairement être majeur et qu’il n’a fourni aucune preuve documentaire ou médicale attestant son statut de mineur. Il constate toutefois qu’il n’y a dans le dossier aucun élément de preuve qui permette de conclure que l’auteur, qui prétendait alors être mineur, était en fait adulte à son arrivée en Espagne. Par conséquent, le Comité considère que l’article 7 c) du Protocole facultatif ne fait pas obstacle à la recevabilité de la communication.

11.3Le Comité prend note également de l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur n’a pas épuisé les recours internes disponibles étant donné : a) qu’il n’a pas demandé au ministère public d’ordonner la révision de la décision relative à la détermination de l’âge ; b) qu’il n’a pas demandé la détermination judiciaire de l’âge ; c) qu’il n’a pas contesté la décision de renvoi devant la juridiction contentieuse administrative ; d) qu’il n’a pas contesté l’ordonnance de placement en rétention administrative devant la juridiction civile. Il constate néanmoins que, comme l’a fait observer l’État partie, la décision rendue par le parquet concernant la détermination de l’âge peut être contestée sur présentation de nouveaux éléments de preuve, comme des pièces d’identité avec données biométriques ou de nouveaux examens médicaux dont les résultats contrediraient les résultats précédents. À cet égard, le Comité fait observer que l’auteur ne disposait pas des documents demandés par l’État partie ni des ressources nécessaires pour se soumettre à d’autres examens médicaux et que, quoi qu’il en soit, d’après l’auteur, il appartenait à l’État partie de procéder aux examens médicaux et psychologiques nécessaires pour déterminer son âge. Il relève également que, par une télécopie en date du 15 février 2017, le parquet a été informé du fait que l’auteur continuait de se dire mineur, mais que cela n’a pas donné lieu à la conduite de nouveaux examens de détermination de l’âge. Il considère que, dans le contexte de l’expulsion imminente de l’auteur du territoire espagnol, tout recours qui se prolongerait excessivement ou qui ne suspendrait pas l’exécution de la décision de renvoi ne saurait être considéré comme utile. Il constate que l’État partie n’a pas démontré que les recours mentionnés suspendraient l’expulsion de l’auteur. Par conséquent, le Comité considère que l’article 7 e) du Protocole facultatif ne fait pas obstacle à la recevabilité de la communication.

11.4Le Comité considère que les griefs que l’auteur tire des articles 18 (par. 2), 20 (par. 1), 27 et 29 de la Convention n’ont pas été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et les déclare irrecevables au regard de l’article 7 f) du Protocole facultatif.

11.5Le Comité considère toutefois que l’auteur a suffisamment étayé les griefs qu’il tire des articles 3 et 12 de la Convention au motif que l’intérêt supérieur de l’enfant n’a pas été pris en considération et qu’aucun tuteur ou représentant n’a été désigné au cours de la procédure de détermination de l’âge. Il déclare donc que cette partie de la communication est recevable et procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

12.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 10 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’enfant a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été soumises par les parties.

12.2Le Comité doit déterminer si, dans les circonstances de l’affaire, la procédure de détermination de l’âge à laquelle l’auteur, qui affirmait être mineur, a été soumis constitue une violation des droits qu’il tient de la Convention. En particulier, l’auteur affirme qu’il n’a pas été tenu compte de l’intérêt supérieur de l’enfant au cours de cette procédure, du fait du type d’examens médicaux pratiqués pour déterminer son âge et de l’absence de désignation d’un tuteur ou d’un représentant.

12.3Le Comité considère que la détermination de l’âge d’une personne jeune qui affirme être mineure revêt une importance capitale, puisque le résultat de cette procédure permet d’établir si la personne en question peut ou non prétendre à la protection nationale en qualité d’enfant. De même, et cela est extrêmement important pour le Comité, la jouissance des droits énoncés dans la Convention est liée à cette détermination. Il est donc impératif qu’il existe une procédure adéquate pour déterminer l’âge et qu’il soit possible d’en contester les résultats au moyen d’une procédure de recours. Tant que la procédure de recours est pendante, l’intéressé doit avoir le bénéfice du doute et être traité comme un enfant. Par conséquent, le Comité considère que l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être une considération primordiale tout au long de la procédure de détermination de l’âge.

12.4Le Comité rappelle qu’en l’absence de documents d’identité ou d’autres moyens appropriés permettant d’estimer l’âge sur des bases solides, les États doivent faire procéder à une évaluation complète du développement physique et psychologique de l’enfant par des pédiatres, des spécialistes et d’autres professionnels capables d’examiner conjointement différents aspects du développement. Ces évaluations doivent être faites sans attendre, selon une procédure adaptée, qui tienne compte du genre et de la culture de l’enfant, et qui comporte des entretiens dans une langue qui lui est compréhensible. Les documents disponibles doivent être considérés comme authentiques, sauf preuve du contraire, et les déclarations des enfants doivent être dûment prises en considération. De plus, il est extrêmement important que la personne soumise à l’évaluation ait le bénéfice du doute. Les États doivent s’abstenir de recourir à des méthodes médicales fondées sur les analyses osseuses et dentaires, qui peuvent non seulement être imprécises et présenter de grandes marges d’erreur, mais aussi être traumatisantes et entraîner des procédures juridiques inutiles.

12.5En l’espèce, le Comité constate : a) que, afin de déterminer l’âge de l’auteur, qui était sans papiers lorsqu’il est entré sur le territoire espagnol, les autorités l’ont soumis à des examens médicaux consistant en une radiographie de sa main gauche et, selon les informations dont on dispose, à un examen physique, sans qu’aucun autre examen, en particulier psychosocial, ne soit mené et sans que le moindre entretien ne soit conduit avec l’intéressé dans le cadre de cette procédure ; b) que, sur la base des résultats des examens effectués, le centre médical en question a établi que l’âge osseux de l’auteur était supérieur à 19 ans selon l’Atlas de Greulich et Pyle, sans signaler une quelconque marge d’erreur possible ; c) sur la base des résultats de ces test médicaux, le parquet des mineurs de l’Audiencia Provincial de Grenade a déclaré l’auteur adulte.

12.6L’État partie renvoie à l’affaire M. E. B. c. Espagne comme précédent qui démontrerait la fiabilité de l’examen radiologique fondé sur l’Atlas de Greulich et Pyle. Toutefois, le Comité constate que de nombreux éléments d’information versés au dossier laissent entrevoir le manque de précision de cet examen, qui comporte une grande marge d’erreur et ne saurait donc être la seule méthode utilisée pour déterminer l’âge chronologique d’une personne jeune qui affirme être mineure.

12.7Le Comité prend note des conclusions de l’État partie, à savoir que l’auteur avait manifestement l’apparence physique d’un adulte et aurait donc pu être directement considéré comme tel sans qu’il soit nécessaire de procéder au moindre examen, mais a tout de même été soumis à des examens médicaux de détermination de l’âge. Cependant, il rappelle son observation générale no 6, selon laquelle la détermination de l’âge « ne devrait pas se fonder uniquement sur l’apparence physique de l’individu, mais aussi sur son degré de maturité psychologique », […], « être menée scientifiquement, dans le souci de la sécurité de l’enfant, de manière adaptée à son statut d’enfant et à son sexe, et équitablement » et, « en cas d’incertitude persistante, le bénéfice du doute doit être accordé à l’intéressé − qu’il convient de traiter comme un enfant si la possibilité existe qu’il s’agisse effectivement d’un mineur ».

12.8Le Comité prend également note des allégations de l’auteur − que l’État partie n’a pas contestées − selon lesquelles aucun tuteur ou représentant n’a été désigné pour défendre ses intérêts en sa qualité présumée d’enfant, à son arrivée et pendant la procédure de détermination de l’âge à laquelle il a été soumis. Il estime que les États parties doivent désigner gratuitement un représentant légal qualifié ayant les connaissances linguistiques nécessaires pour toutes les personnes jeunes qui affirment être mineures, le plus rapidement possible après leur arrivée sur leur territoire. Il considère que le fait de faciliter la représentation de ces personnes au cours de la procédure de détermination de l’âge revient à leur accorder le bénéfice du doute et constitue une garantie essentielle pour le respect de leur intérêt supérieur et de leur droit d’être entendus. Ne pas le faire constituerait une violation des articles 3 et 12 de la Convention, puisque la procédure de détermination de l’âge est le point de départ de l’application de la Convention. Le défaut de représentation adéquate peut donner lieu à une injustice importante.

12.9À la lumière de ce qui précède, le Comité considère que la procédure de détermination de l’âge à laquelle a été soumis l’auteur, qui affirmait être un enfant, n’a pas été assortie des garanties nécessaires pour protéger les droits que celui-ci tient de la Convention. En l’espèce, compte tenu en particulier du test utilisé pour déterminer l’âge et du fait que l’auteur n’a bénéficié de l’assistance d’aucun représentant pendant la procédure, le Comité considère que l’intérêt supérieur de l’enfant n’a pas été une considération primordiale pendant la procédure de détermination de l’âge auquel l’auteur a été soumis, ce qui constitue une violation des articles 3 et 12 de la Convention.

12.10Ayant conclu à l’existence d’une violation des articles 3 et 12 de la Convention, le Comité n’examinera pas séparément le grief de violation de l’article 8 de la Convention à raison des mêmes faits.

12.11Enfin, le Comité prend note des allégations de l’auteur concernant le non-respect par l’État partie de la mesure provisoire consistant à le transférer dans un centre de protection de l’enfance et à l’y maintenir tant que son cas serait à l’examen. Il considère qu’en ratifiant le Protocole facultatif, les États parties s’engagent à mettre en œuvre les mesures provisoires demandées en application de l’article 6 du Protocole facultatif, qui visent à prévenir tout préjudice irréparable tant qu’une communication est en cours d’examen et, partant, à assurer l’efficacité de la procédure de présentation de communications émanant de particuliers. En l’espèce, le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel le transfert de l’auteur dans un centre de protection de l’enfance aurait pu faire courir un risque important aux enfants qui se trouvaient dans ce centre. Il fait toutefois observer que cet argument est fondé sur l’hypothèse que l’auteur est majeur. Il estime que le risque encouru est bien plus grand lorsqu’un mineur potentiel est envoyé dans un centre accueillant uniquement des personnes reconnues adultes. Il considère par conséquent que la non-application de la mesure provisoire demandée constitue en elle-même une violation de l’article 6 du Protocole facultatif.

12.12Le Comité, agissant en vertu du paragraphe 5 de l’article 10 du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi sont constitutifs d’une violation des articles 3 et 12 de la Convention et de l’article 6 du Protocole facultatif.

13.L’État partie est tenu d’empêcher que des violations analogues ne se reproduisent, en faisant en sorte que toute procédure de détermination de l’âge des personnes qui pourraient être des enfants non accompagnés soit conforme à la Convention et, en particulier, qu’au cours la procédure en question, les intéressés bénéficient rapidement et gratuitement de l’assistance d’un représentant qualifié.

14.Le Comité rappelle qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation de la Convention ou des deux Protocoles facultatifs thématiques s’y rapportant.

15.Conformément à l’article 11 du Protocole facultatif, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dès que possible et dans un délai de cent quatre‑vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner suite aux présentes constatations. Il demande également à l’État partie de faire figurer ces renseignements dans les rapports qu’il soumettra au Comité au titre de l’article 44 de la Convention. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations et à les diffuser largement.

Annexe I

[Original  : anglais]

Opinion conjointe (concordante)deBenyam Dawit Mezmur, Olga A. Khazova, Ann Marie Skelton et Velina Todorova

1.La présente opinion apporte une nouvelle justification aux constatations adoptées par la majorité des membres du Comité et éclaire sur la manière dont le principe du bénéfice du doute devrait être appliqué.

Recevabilité

2.Nous souscrivons à l’opinion majoritaire sur la recevabilité (par. 11.2), mais souhaitons l’étayer davantage. En l’espèce, les défaillances de la procédure de détermination de l’âge ont une importance capitale ; établir l’irrecevabilité de la communication à partir d’éléments obtenus par cette procédure reviendrait à préjuger de l’affaire. L’auteur comme l’État partie fournissent des exemples qui montrent que la méthode de détermination de l’âge donne des résultats peu fiables. Dans ses observations (par. 4.1), l’État partie mentionne l’affaire M. E. B. c .  Espagne, dans laquelle un examen radiologique a permis de conclure que l’auteur de la communication, qui affirmait être mineur, avait 18 ans. Par la suite, une enquête a établi qu’en fait il avait 20 ans. L’auteur renvoie à l’affaire R. L. c .  Espagne (par. 7.4), dans laquelle l’auteur de la communication a été reconnu mineur, après avoir été déclaré adulte sur la base des résultats d’un examen radiologique. Il est donc malvenu que l’État partie présente comme exacts les résultats des tests, qui établissent l’âge de l’auteur à 18 ans, sans aucune marge d’erreur. En conséquence, nous ne pouvons pas fonder l’irrecevabilité de la communication sur les résultats des examens qui ont été réalisés.

Fond

3.Nous souscrivons aux constatations de la majorité énoncées aux paragraphes 12.3, 12.4 et 12.8.

4.Nous souscrivons également à la constatation (par. 12.9) selon laquelle, compte tenu de l’absence d’une procédure multidisciplinaire d’évaluation de l’âge et du manque de garanties, l’intérêt supérieur de l’enfant n’a pas été une considération primordiale au cours de la procédure de détermination de l’âge à laquelle l’auteur a été soumis, ce qui constitue une violation des articles 3 et 12 de la Convention.

5.Cependant, pour conclure qu’il y a eu violation de la Convention, le Comité a dû partir du principe que l’auteur était mineur ou, en l’absence d’éléments d’appréciation fiables, que le bénéfice du doute devrait lui être accordé quant à son âge. Autrement dit, les déclarations de l’auteur concernant son âge ont primé les résultats de l’examen, qui est défaillant.

6.Il convient d’examiner quels éléments relatifs à l’âge de l’auteur ont été versés au dossier. L’État partie accorde une grande importance à l’apparence physique de l’auteur. L’auteur fait une déclaration sur son âge, qui n’est pas corroborée. Le seul autre élément de preuve a été obtenu par examen radiologique et, compte tenu des faiblesses de ce procédé, il ne peut donc pas être pris en considération. L’auteur aurait-il dû fournir plus de preuves ? Il n’est guère probable que des enfants fuyant des situations dangereuses en quête d’asile puissent obtenir des pièces justificatives auprès des autorités de leur pays d’origine ou d’ambassades. L’absence de certificats de naissance et l’apatridie rendent la détermination de l’âge encore plus difficile. Cependant, en l’espèce, l’auteur n’avance pas de tels arguments et n’explique pas pourquoi il n’a pas pu obtenir des documents prouvant son âge.

7.Au vu de toutes les ressources à sa disposition, l’État partie n’est-il pas le mieux à même d’établir l’âge d’une personne ? Dans le cas d’un enfant demandeur d’asile, il serait peu judicieux que l’État partie se mette en contact avec l’État d’origine pour connaître l’âge de l’enfant ou obtenir d’autres renseignements d’ordre personnel. Dans cette affaire, rien n’indique que l’auteur soit demandeur d’asile. S’il est vrai que l’auteur n’a pas fait la preuve de son âge réel, l’État partie n’a pas non plus apporté d’éléments tangibles permettant d’établir son âge exact.

8.En conséquence, le Comité ne dispose d’aucun élément fiable concernant l’âge. La décision adoptée par la majorité de ses membres n’est pas directement fondée sur l’idée que le bénéfice du doute devrait être accordé à l’auteur. Or, il s’agit de l’une des questions essentielles dans cette affaire. Nous sommes d’avis que c’est uniquement sur cette base qu’il pourra être établi que l’auteur a subi une violation de ses droits découlant des articles 3 et 12 de la Convention.

9.Dans son intervention à titre de tierce partie, le Défenseur des droits (France) recommande qu’en cas de doute, la personne en cause soit présumée mineure pendant la procédure de détermination de l’âge et que, si ce doute persiste à l’issue de la procédure, il profite à l’intéressé.

10.Toute personne affirmant être mineure doit se voir accorder le bénéfice du doute car toute autre approche suppose que l’on présume de la chose même à déterminer, à savoir l’âge de l’intéressé. Cela n’empêche pas de se montrer compréhensif à l’égard d’un État partie qui, après avoir appliqué une procédure de détermination de l’âge qui présente les garanties prescrites par la Convention relative aux droits de l’enfant, continue de recevoir d’innombrables demandes visant à ce que le bénéfice du doute soit accordé à quiconque persiste à se dire mineur. Il peut être utile de se reporter à l’observation générale no 6 (2005) sur le traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine, dans laquelle le Comité affirme que « le bénéfice du doute doit être accordé à l’intéressé − qu’il convient de traiter comme un enfant si la possibilité existe qu’il s’agisse effectivement d’un mineur ». Cette approche exclut qu’une personne qui n’est pas sincère demande le bénéfice du doute, alors qu’elle ne peut en aucun cas être mineure.

11.Qu’en est-il dans la présente affaire ? Il n’y a aucun élément de preuve fiable concernant l’âge de l’auteur. Nous ne nous prononçons pas sur la charge de la preuve, mais nous devons souligner qu’aucune des deux parties n’a présenté d’éléments probants, ni n’a expliqué pourquoi elle n’en présentait pas. Il serait souhaitable que cette situation ne se reproduise pas et que les parties s’efforcent d’obtenir et de présenter tous les éléments dont elles disposent, ou expliquent l’absence de tels éléments. En l’espèce, en raison de l’absence de données fiables, le bénéfice du doute devrait être accordé.

12.L’État partie a d’abord accordé le bénéfice du doute à l’auteur, qu’il a soumis à un examen radiologique, aux résultats peu fiables. L’auteur a maintenu qu’il était mineur, et l’État partie a refusé de lui accorder de nouveau le bénéfice du doute. L’État partie a-t-il eu tort d’agir ainsi ?

13.Si une procédure de détermination de l’âge conforme aux dispositions de la Convention avait été élaborée et appliquée, il aurait été possible d’accepter légitimement l’âge ainsi établi et de considérer qu’aucun doute ne subsistait. Ce n’est pas le cas dans cette affaire. Nous souscrivons à la décision du Comité (par. 12.9), selon laquelle la procédure de détermination de l’âge n’est pas assortie des garanties prescrites par la Convention. Dans la situation considérée, l’État partie aurait dû accorder le bénéfice du doute à l’auteur, même à l’issue de la procédure de détermination de l’âge. Faute d’éléments fiables et en présence d’une procédure de détermination de l’âge dépourvue des garanties prescrites par la Convention, le Comité doit lui aussi accorder le bénéfice du doute à l’auteur et conclure que celui-ci aurait dû être traité comme un enfant. Le fait que l’État partie n’ait pas accordé le bénéfice du doute constitue une violation des droits que l’auteur tient des articles 3 et 12 de la Convention.

Annexe II

[Original  : anglais]

Opinion individuelle (dissidente) de Mikiko Otani

1.Je regrette de présenter une opinion dissidente, alors que j’approuve la plupart des constatations adoptées par la majorité des membres du Comité, à la fois sur la recevabilité et sur le fond, y compris en ce qui concerne les problèmes soulevés par la procédure de détermination de l’âge utilisée par l’État partie. Cependant, je ne peux souscrire à la conclusion selon laquelle l’État partie a violé les droits que l’auteur tient des articles 3 et 12 de la Convention.

Recevabilité

2.Je souscris à la décision de recevabilité, mais la raison qui a présidé à son adoption, mentionnée au paragraphe 11.2, mérite d’être explicitée. En l’espèce, le dossier ne contient aucune preuve que l’auteur était majeur au moment où ses droits auraient été violés, c’est‑à‑dire lorsqu’il a été soumis à la procédure de détermination de l’âge. S’il avait été établi, même ultérieurement, que l’auteur était bien majeur à ce moment-là, la plainte serait incompatible avec les dispositions de la Convention, qui protège les droits de l’enfant, et par voie de conséquence irrecevable au regard de l’article 7 c) du Protocole facultatif. Or, l’État partie fait reposer son argumentation en faveur de l’irrecevabilité de la communication au regard de l’article précité uniquement sur une photographie récente de l’auteur qui, selon lui, ne laisse aucun doute sur sa majorité (par. 6.1). Quant à la copie du rapport du service psychiatrique de l’hôpital Virgen de las Nieves de Grenade, communiquée par l’auteur et versée au dossier, elle indique que l’âge osseux était « supérieur à 19 ans » selon les résultats de l’examen radiologique (par. 2.2), mais elle ne peut servir de base au Comité pour conclure que l’auteur était majeur, puisque la fiabilité du test pratiqué et de l’estimation obtenue est mise en cause. En conséquence, l’article 7 c) du Protocole facultatif ne fait pas obstacle à la recevabilité de la communication.

Fond

3.Je considère que, dans sa décision, le Comité n’a pas prêté toute l’attention voulue au fait que l’auteur n’a apporté aucun élément attestant sa minorité, hormis sa déclaration, et n’a pas fait usage de la procédure mise à sa disposition par la législation espagnole, qui lui aurait permis de prouver qu’il était mineur, alors qu’un avocat lui avait été commis d’office. De plus, rien dans les informations communiquées au Comité n’indique que l’auteur a tenté d’apporter la preuve qu’il était mineur et l’auteur n’a fourni aucune raison pour expliquer pourquoi il n’avait pas pu produire des documents à l’appui de ses dires − il n’a pas avancé, par exemple, que sa naissance n’avait pas été enregistrée, qu’il n’avait pas de certificat de naissance ou qu’il l’avait perdu.

4.Je ne veux pas dire pour autant que la procédure de détermination de l’âge appliquée par l’État partie ne pose aucun problème. Au contraire, je souscris aux constatations énoncées aux paragraphes 12.3, 12.4 et 12.8. Cette procédure, du fait de la méthode employée par l’État partie et de l’absence de garanties procédurales, est constitutive d’une violation des droits que l’auteur tient de la Convention, dans l’hypothèse où il est mineur. Cependant, compte tenu des informations disponibles, je ne crois pas que le Comité puisse conclure à une violation des droits de l’auteur en tant qu’enfant. Je ne suis pas convaincue par l’argument selon lequel l’auteur aurait dû se voir accorder le bénéfice du doute et être considéré comme mineur au moment de la violation présumée. Il peut arriver qu’en dépit des éléments de preuve apportés par l’auteur d’une communication, des doutes subsistent quant à sa minorité. En pareil cas, il serait souhaitable que le Comité lui accorde le bénéfice du doute et le considère comme un enfant. Cependant, cela ne s’applique pas à la présente communication, car l’auteur n’a apporté aucune preuve, si ce n’est la déclaration qu’il a faite, qu’il était né le 26 mars 2000 (par. 2.1) et qu’il était mineur (par. 2.4). Je ne sous‑entends nullement que les déclarations orales n’ont aucune valeur probante. Je ne souhaite pas non plus argumenter sur la charge de la preuve. Mon avis est que, dans la présente affaire, le Comité avait besoin tout au moins d’informations complémentaires prouvant que l’auteur était un enfant pour pouvoir constater que celui-ci avait subi une violation de ses droits en tant qu’enfant.

5.Je me dois de souligner que la finalité des communications émanant de particuliers est d’offrir un recours à la personne dont les droits au titre de la Convention ont été violés. À mon avis, la décision adoptée par la majorité des membres confond deux questions : d’une part, celle de savoir si l’État partie a violé ses obligations au titre de la Convention en appliquant cette procédure de détermination de l’âge ; d’autre part, celle de savoir si les droits que l’auteur tient de la Convention ont été violés. Cette confusion transparaît également dans la décision de la majorité concernant les recours, puisque le Comité recommande uniquement à l’État partie d’adopter des mesures d’ordre général pour empêcher que des violations analogues ne se reproduisent, mais ne fait aucune recommandation sur les mesures de réparation à prendre à l’intention de l’auteur, comme l’exige le paragraphe 4 de l’article 27 du règlement intérieur du Comité au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications (par. 13).

6.Pour protéger efficacement les droits spécifiques de l’enfant consacrés par la Convention, le Comité doit exercer comme il convient les fonctions dont il est investi par le Protocole facultatif.

Annexe III

[Original  : français]

Opinion individuelle (dissidente) de Hatem Kotrane

Recevabilité

1.Je ne suis pas d’accord avec la décision de la majorité des membres du Comité selon laquelle le dossier ne présente aucune preuve qui indique que l’auteur était un adulte au moment de son arrivée en Espagne et que, par conséquent, l’article 7 c) du Protocole facultatif ne constitue pas un obstacle à la recevabilité de la communication.

2.Il y a là, à mon avis, une confusion entre le bénéfice du doute reconnu à l’enfant devant les autorités de l’immigration et la condition d’âge comme condition de recevabilité d’une communication devant le Comité au titre du Protocole facultatif.

3.L’auteur ne produit devant le Comité aucun document établissant qu’il est un enfant. La condition d’être un enfant est une question fondamentale de la procédure devant le Comité. Seuls les enfants sont autorisés à soumettre des communications et le Comité n’est pas compétent si, le jour de la présentation d’une communication, l’auteur ne présente aucun document de preuve attestant qu’il est un enfant, comme dans le cas présent.

4.De surcroît, la présomption de minorité − ou bénéfice du doute − n’est pas prévue expressément par le Protocole facultatif, ni par la Convention. Le Comité l’a reconnue comme un des éléments en vue de la détermination de l’âge du jeune se présentant comme mineur non accompagné et qui doit être mis à l’abri par les autorités de l’immigration le temps nécessaire durant lequel une évaluation de son âge sera réalisée. En conséquence, le jeune est présumé mineur dès son arrivée dans un pays étranger et sa confrontation avec les services de l’immigration, non lorsqu’il présente une communication devant le Comité, qui n’a aucun moyen d’effectuer une évaluation quelconque de la minorité alléguée, condition essentielle pour le Comité devant lui-même s’assurer de sa propre compétence telle que définie par le Protocole facultatif.

5.En outre, l’âge constitue un fait juridique. Il ressort de cette qualification que la preuve de l’âge est en principe libre. Les documents d’état civil sont des moyens de preuve efficaces et les avocats de l’intéressé auraient été avisés de produire devant le Comité de tels documents dont la force probante repose elle-même sur une présomption de validité des actes établis à l’étranger.

6.Or, en l’espèce, l’auteur ne produit devant le Comité aucun document établissant qu’il est un enfant alors même que sa minorité est remise en cause par les autorités de l’État partie. Aucune présomption de minorité ne saurait être reconnue par le Comité lui-même et la charge de la preuve de la qualité d’enfant pèse sur l’auteur.

Fond

Présomption de minorité

7.La décision de la majorité est fondée en rappelant à l’État partie les limites des tests médicaux, non suivis de tests psychologiques ni d’entretiens avec l’auteur.

8.Il convient toutefois de rappeler que dans son observation générale no 6 (2005) sur le traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine, le Comité affirme que : « en cas d’incertitude persistante, le bénéfice du doute doit être accordé à l’intéressé − qu’il convient de traiter comme un enfant si la possibilité existe qu’il s’agisse effectivement d’un mineur ». Il en résulte que le principe est celui de la présomption de minorité, elle-même fondée sur deux présomptions : celle d’authenticité des documents produits et celle de légitimité de leur détenteur ; d’où il résulte ce qui suit :

a)Le recours à une évaluation scientifique n’est pas totalement exclu par le Comité, mais « [c]ette évaluation doit en outre être menée scientifiquement, dans le souci de la sécurité de l’enfant, de manière adaptée à son statut d’enfant et à son sexe et équitablement, afin de prévenir tout risque de violation de l’intégrité physique de l’enfant ; cette évaluation doit en outre se faire avec tout le respect dû à la dignité humaine » ;

b)Le bénéfice du doute n’est pas absolu. Il est accordé à l’enfant « en cas d’incertitude persistante » et « si la possibilité existe qu’il s’agisse effectivement d’un mineur ».

9.Ainsi, si une incertitude persiste entre les résultats de l’examen scientifique qui établirait la majorité d’âge et les documents qui attesteraient le contraire, le bénéfice du doute devrait être accordé à l’enfant. Le Comité a rappelé cette position dans l’observation générale conjointe no 4 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et no 23 (2017) du Comité des droits de l’enfant sur les obligations des États en matière de droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations internationales dans les pays d’origine, de transit, de destination et de retour en affirmant que « [l]es documents qui sont disponibles devraient être considérés comme authentiques, sauf preuve du contraire».

10.La situation est différente lorsqu’aucun doute ne persiste et que la personne ne produit aucun document et se limite à sa prétention qu’il est un enfant, alors que les autorités d’immigration ont dû procéder à un examen scientifique et acquis la certitude qu’il s’agit d’un adulte.

Intérêt supérieur de l’enfant et droit à être entendu

11.La décision de la majorité conclut que l’État partie a violé les articles 3 et 12 de la Convention, et ce, en particulier, en ne procédant pas à la nomination d’un représentant pour assister le jeune au cours du processus de détermination de son âge.

12.Cette position nous paraît exagérée dans la mesure où les droits proclamés par les articles 3 et 12 de la Convention sont limités aux enfants. Certes, l’État partie a l’obligation de mettre à l’abri un jeune qui prétend être un mineur et de ne pas le placer, par exemple, dans un centre de détention pour adultes, mais nous ne pensons pas que la nomination d’un représentant ad hoc doive être systématique, si aucun document n’est produit par l’intéressé pour attester qu’il est mineur. La présomption de minorité doit être accordée et emporte toutes les conséquences y attachées, « en cas d’incertitude persistante ». Or, c’est justement ce que conteste l’État partie alors que l’auteur ne produit aucun élément attestant de sa minorité.