Présentée par :

M. K. D. A.-A.(non représentée par un conseil)

Au nom de :

L’auteur et son fils

État partie :

Danemark

Date de la communication :

6 septembre 2012 (date de la lettre initiale)

Références :

Transmises à l’État partie le 19 novembre 2012 (non publiées sous forme de document)

Date de la présente décisions :

18 octobre 2013

Annexe

Décision du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes adoptée en vertu du Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (cinquante-sixième session)

* La présente communication a été examinée par les membres du Comité suivants : M me  Noor Al-Jehani, M me  Nicole Ameline, M me  Barbara Bailey, M me  Olinda Bareiro-Bobadilla, M me  Náela Gabr, M me  Hilary Gbedemah, M me  Nahla Haidar, M me  Ruth Halperin-Kaddari, M me  Yoko Hayashi, M me  Ismat Jahan, M me  Dalia Leinarte, M me  Violeta Neubauer, M me  Theodora Nwankwo, M me  Pramila Patten, M me  Silvia Pimentel, M me  Maria Helena Pires, M me  Biancamaria Pomeranzi et M me  Patricia Schulz.

1 Le Protocole facultatif à la Convention est entré en vigueur pour le Danemark le 22 décembre 2000.

Communication no 44/2012, M. K .D. A.-A. c. Danemark*

Présentée par :

M. K. D. A.-A.(non représentée par un conseil)

Au nom de :

L’auteur et son fils

État partie :

Danemark

Date de la communication :

6 septembre 2012 (date de la lettre initiale)

Références :

Transmises à l’État partie le 19 novembre 2012 (non publiées sous forme de document)

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, créé par l’article 17 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

Réuni le 18 octobre 2013,

Adopte ce qui suit :

Décision concernant la recevabilité

La présente communication a pour auteur M. K. D. A.-A., de nationalité philippine, qui la présente en son nom et au nom de son fils, M. A. A.-A., également de nationalité philippine, né le 2 janvier 2009. L’auteur affirme qu’elle et son fils sont victimes d’une violation par le Danemark des droits qu’ils tirent des articles 1, 2 d), 5 et 16 d) de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes1. L’auteur et son fils ne sont pas représentés par un conseil.

Dans une note verbale datée du 22 janvier 2013, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication et demandé que la question de la recevabilité soit examinée en premier lieu. À sa cinquante-quatrième session, le Comité a décidé d’accéder à la demande de l’État partie et d’examiner la recevabilité de la communication séparément du fond.

Exposé des faits

En 2005, l’auteur est arrivée au Danemark et a épousé M. M. A., de nationalité danoise. Peu après, M. M. A. a commencé à infliger des mauvais traitements affectifs et psychologiques à l’auteur et l’a menacée de divorce. Ils ont quitté le Danemark en 2007 et vécu dans différents pays, dont les Philippines, où leur fils est né en 2009. Durant la grossesse, M. M. A. s’est montré particulièrement violent à son égard et leurs relations se sont détériorées considérablement. En janvier 2011, M. M. A. est rentré au Danemark, où il devait rembourser des prêts pour étudiants qu’il avait contractés longtemps auparavant, et a présenté une demande de visa pour l’auteur, au titre de la réunification familiale. Après le départ de M. M. A., l’auteur lui a fait savoir qu’elle était peu disposée à vivre au Danemark en raison de leur mésentente et des problèmes conjugaux; dans des courriers électroniques et des appels téléphoniques M. M. A. a répondu qu’il comprenait et respectait sa décision. En mars 2011, l’auteur a reçu un visa d’une validité de 28 jours. Elle était invitée par M. M. A. à se rendre au Danemark pour y passer deux semaines de vacances avec l’enfant. M. M. A. étant d’accord qu’elle retourne aux Philippines avec l’enfant à l’issue de ces deux semaines, elle a accepté l’invitation et le 7 mai 2011, elle s’est rendue au Danemark avec son fils.

Comme convenu entre M. M. A. et elle-même, à son arrivée au Danemark, l’auteur a logé chez des amis tandis que son fils était hébergé chez son père. M. M. A. a pris possession du passeport de l’enfant au motif qu’il avait besoin d’un document d’identité en cas d’urgence. Alors qu’ils avaient convenu de se rencontrer pour parler de leur avenir, plus spécialement de leur divorce, après le 7 mai 2011, l’auteur n’a plus eu de contact avec M. M. A. et n’a pu avoir des nouvelles de l’enfant que par téléphone ou par messages textuels. Le 11 mai 2011, M. M. A. a appelé l’auteur et lui a fait savoir que l’enfant ne retournerait pas aux Philippines avec elle. L’auteur a immédiatement pris contact avec le Service de l’immigration et la police. Elle s’est aussi rendue chez M. M. A., qui l’a empêchée d’entrer chez lui et a refusé de lui remettre l’enfant. Le même jour, l’auteur a demandé à la police d’intervenir, mais en vain. On lui a dit que par défaut, M. M. A. avait la garde partagée de l’enfant et on lui a conseillé de s’adresser à la «Statsforvaltningen Sjaelland» (l’Administration publique régionale). Le 12 mai 2011, elle a déposé plainte auprès de cet organisme et retenu les services d’un avocat. Après des négociations infructueuses entre son avocat et M. M. A., l’auteur a demandé la garde exclusive de son fils à l’Administration publique régionale de l’agglomération de Copenhague. Entre-temps, M. M. A. n’a autorisé l’auteur à voir l’enfant que deux heures, cinq jours par semaine, ou quatre heures deux fois par semaine, ce qu’il faisait, selon ses propres dires, sur le conseil des «autorités». Au terme des vingt-huit jours de validité de son visa et alors qu’elle attendait le résultat de l’examen de sa demande de prolongation du visa, l’auteur n’a pas été autorisée par M. M. A. à voir l’enfant. En juin 2012, comme l’affaire était en instance, l’auteur a reçu un permis de séjour.

Le 30 juin 2011, l’Administration publique régionale a décidé qu’elle n’était pas compétente en l’espèce parce que l’enfant était domicilié aux Philippines, et a confirmé que l’enfant était en vacances au Danemark bien que l’auteur ait voyagé avec un visa émis aux fins de la réunification familiale. La décision de l’Administration mentionnait également la Convention de La Haye. À une date non précisée, M. M. A. a interjeté appel contre cette décision, qui a été confirmée à deux reprises, le 21 juillet et le 15 août 2011. Le 25 juillet 2011, l’auteur et M. M. A. ont déposé une demande de divorce.

Le 2 août 2011, l’auteur n’a pu récupérer son fils malgré tous les documents d’appui de l’Administration publique régionale et l’aide de la police et du consulat des Philippines à Copenhague.

Le 23 août 2011, la Chambre des saisies a tenu une audience visant à déterminer si l’enfant pouvait retourner aux Philippines avec l’auteur. Le 29 août 2011, la Chambre des saisies a également conclu qu’elle n’était pas compétente pour statuer sur cette affaire. À ce stade, l’auteur avait également engagé une procédure de demande de garde aux Philippines.

Le 7 septembre 2011, le Service de l’immigration danois a fait savoir à l’auteur que la durée de son visa ne serait pas prolongée et qu’elle devait quitter le Danemark dans un délai d’un mois. L’auteur est partie pendant deux mois et est revenue au Danemark à une date indéterminée en novembre 2011. À partir de ce moment, elle n’a vu l’enfant qu’occasionnellement et seulement pendant quelques heures.

Le 15 mai 2012, l’auteur a même cherché à rendre visite à son fils dans une crèche mais un membre du personnel de cet établissement lui a interdit l’entrée, arguant qu’en vertu d’une décision de la municipalité de Naestved, elle n’avait pas le droit de voir son fils car elle risquait de l’enlever. À une date indéterminée, ladite décision de la municipalité a été annulée.

Le 23 juillet 2012, un tribunal a statué en faveur de l’auteur, et conclu qu’il serait dans l’intérêt de l’enfant qu’il vive avec sa mère aux Philippines. M. M. A. a interjeté appel contre cette décision et refusé de remettre l’enfant à l’auteur. Le 31 août 2012, une cour d’appel a décidé de renvoyer l’affaire au tribunal de la ville de Naestved afin qu’il se prononce sur la compétence des tribunaux danois pour connaître de l’affaire. Entre-temps, l’auteur n’a pu voir son fils que pendant un nombre restreint d’heures chaque semaine et est restée à la merci complète de M. M. A.

L’auteur demande au Comité de mener une enquête complète pour faire la lumière sur la situation intolérable des femmes, des filles et des enfants étrangers dans l’État partie, qui sont à la merci d’hommes danois, et sur l’attitude des autorités danoises. L’auteur demande aussi que le Comité apporte son concours à l’introduction immédiate et urgente, dans l’État partie, de lois et mesures efficaces visant à prévenir et combattre les enlèvements, les menaces, le harcèlement et les violences psychologiques et physiques perpétrés par des Danois de souche à l’égard de femmes et d’enfants étrangers et, en l’espèce, de faire en sorte que son fils et elle-même puissent vivre ensemble en sécurité et en paix.

Teneur de la plainte

3.L’auteur considère que les faits susmentionnés constituent une violation, par l’État partie, des articles 1, 2 d), 5 et 16 d) de la Convention. En particulier, elle évoque la situation intolérable dans laquelle elle se trouve, qui est également celle de nombreuses étrangères et de leurs enfants dans l’État partie. Elle affirme aussi que l’État partie n’a pas fourni de recours effectifs et ne l’a pas protégée, pas plus que son fils, de son ex-mari, M. M. A., et a, par sa passivité, manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit international. Elle affirme en dernier lieu que l’État favorise le maintien d’une situation dans laquelle il n’est pas tenu compte des enlèvements violents et d’infractions commises par des hommes danois de souche au détriment de femmes et d’enfants étrangers.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

Le 22 janvier 2013, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité de la communication. Il confirme que l’auteur, de nationalité philippine, a épousé M. M. A., de nationalité danoise, en 2005, et que leur fils est né le 2 janvier 2009 aux Philippines, qu’ils ont vécu dans différents pays jusqu’en janvier 2011, époque à laquelle M. M. A. est revenu dans l’État partie, et que le 7 mai 2011, l’auteur et son fils sont arrivés au Danemark. L’État partie souligne que l’auteur affirme s’être rendue au Danemark avec son fils pour deux semaines de vacances, afin de rendre visite à M. M. A., alors que ce dernier affirme qu’ils sont arrivés au Danemark pour s’y installer et qu’une fois arrivée dans l’État partie, l’auteur n’a pas vécu avec lui parce qu’elle avait décidé de demander le divorce et souhaitait retourner vivre aux Philippines avec son fils.

M. M. A. a refusé de rendre l’enfant à l’auteur, l’a inscrit dans le système d’état civil danois, ainsi que sur la liste d’attente d’une crèche.

Le 14 mai 2011, l’auteur a demandé à l’Administration publique régionale que la garde exclusive de l’enfant mineur lui soit octroyée et qu’il soit mis fin à la solution de garde partagée entre elle et M. M. A. Le 30 juin 2011, l’Administration publique régionale a refusé de statuer sur sa requête, arguant qu’elle n’avait pas compétence internationale parce que le fils de l’auteur n’était pas domicilié au Danemark, ainsi que l’exigeait l’article 448f de la loi sur l’Administration de la justice.

Le 4 juillet 2011, M. M. A. a, lui aussi, demandé à l’Administration publique régionale qu’il soit mis fin à la garde partagée. Sa demande a aussi été rejetée, d’abord le 21 juillet 2011 et, de nouveau, le 15 août 2011, en application de l’article 448f de la loi sur l’Administration de la justice. M. M. A. a fait appel de la décision du 15 août 2011, mais le 12 mai 2012, la Cour d’appel de l’Est a maintenu la décision, constatant que, à son arrivée au Danemark, l’auteur n’avait pas l’intention d’établir résidence, ni pour elle ni pour son fils, dans l’État partie et qu’elle n’avait pas consenti au changement de domicile de son fils au Danemark, dont il est question à l’article 448f de la loi sur l’Administration de la justice.

Le 26 août 2011, la Chambre des saisies a rejeté la requête de l’auteur visant à ce que son fils lui soit rendu.

Le 21 mai 2012, l’auteur a de nouveau porté la question de la garde de l’enfant devant l’Administration publique régionale, arguant que le Danemark était compétent pour connaître de l’affaire car la Chambre des saisies avait refusé le 26 août 2011 d’ordonner que l’enfant lui soit rendu.

Dans une décision rendue le 27 juillet 2012, le tribunal d’instance de Naestved a décidé que l’enfant résiderait avec l’auteur. Le 31 août 2012, la Cour d’appel de l’Est a annulé cette décision et renvoyé l’affaire au tribunal d’instance.

En septembre 2012, le divorce de l’auteur et de M. M. A. a été prononcé.

Le 10 octobre 2012, le tribunal d’instance de Naestved a statué que le fils devrait résider aux Philippines avec l’auteur, comme celle-ci l’avait demandé. Le tribunal d’instance a déterminé qu’il n’y avait aucune raison de penser que le fils ne pourrait avoir une enfance et une jeunesse adéquates aux Philippines et que l’auteur chercherait à empêcher M. M. A. de voir son fils ou d’être en contact avec lui. Le tribunal d’instance a en outre observé que l’auteur était la personne qui s’occupait principalement de l’enfant, lequel était né et avait été élevé aux Philippines jusqu’à ce que M. M. A. le garde avec lui lorsque l’enfant était arrivé au Danemark début mai 2011. Le tribunal d’instance a souligné que M. M. A. avait empêché l’auteur de voir son fils depuis leur arrivée au Danemark, en dehors de deux séances hebdomadaires de quatre heures au domicile de M. M. A. Le tribunal d’instance a donc conclu que, quand bien même l’enfant se serait habitué à sa situation et serait épanoui à la crèche, il serait dans son intérêt de vivre avec l’auteur, même si l’auteur le ramenait aux Philippines.

Le 14 janvier 2013, la Cour d’appel de l’Est a maintenu la décision du tribunal d’instance, rejetant ainsi un appel de M. M. A. La Cour d’appel de l’Est a jugé qu’il était dans l’intérêt de l’enfant de résider avec l’auteur, qui était la personne qui s’occupait principalement de lui et à laquelle on considérait qu’il était très attaché.

L’État partie conteste la recevabilité de la présente communication pour plusieurs raisons. Il fait d’abord valoir que la présente communication est irrecevable en ce qui concerne le fils de l’auteur car il ne peut prétendre être une victime au titre de la Convention. L’État partie rappelle le libellé de l’article 2 du Protocole facultatif à la Convention et fait valoir qu’aucune disposition de la Convention n’indique qu’elle vise à protéger les individus de sexe masculin de la discrimination. Il est en outre clairement indiqué à l’article 2 du Protocole facultatif, lu conjointement avec l’article 68 du Règlement intérieur du Comité, que seules les femmes dont les droits énoncés dans la Convention ont été violés peuvent être considérées comme victimes. La Convention ne traite que de la discrimination à l’égard des femmes, bien que le terme «femmes» n’ait pas été explicitement défini dans la Convention. Pour des raisons biologiques, les individus de sexe masculin ne peuvent être considérés comme des femmes et, par conséquent, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif, le fils de l’auteur − un garçon − ne peut être une victime au titre de la Convention.

L’État partie fait également valoir que l’auteur et son fils ne peuvent prétendre être des victimes au titre de la Convention, compte tenu de la décision de la Cour d’appel de l’Est datée du 14 janvier 2013, dans laquelle la Cour a statué que l’enfant devait résider avec l’auteur. Par conséquent, ne serait-ce que du fait de cette décision, qui accédait à la demande de l’auteur visant à ce que son fils réside avec elle, l’auteur ne peut plus prétendre être une victime.

L’État partie fait en outre valoir que la communication devrait être jugée irrecevable au titre du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif pour non-épuisement des recours internes parce qu’elle porte sur des allégations de discrimination fondée sur le sexe non justifiées, qui n’ont pas été portées comme il se doit à l’attention des autorités de l’État partie. D’après l’État partie, les procédures internes n’étaient pas non plus terminées au moment où la présente communication a été soumise.

L’État partie renvoie à la jurisprudence du Comité, selon laquelle l’auteur aurait dû présenter ses griefs dans le cadre d’une procédure interne au fond avant de les soumettre au Comité. L’État partie note à cet égard que d’après les informations fournies par l’auteur, l’auteur n’a présenté aux autorités de l’État partie aucun grief faisant état de discrimination fondée sur le sexe à son égard ou à l’égard de son fils. Les autorités nationales n’ont donc à ce jour pas eu la possibilité d’examiner de tels griefs. La décision du tribunal d’instance de Naestved en date du 10 octobre 2012 et celle de la Cour d’appel de l’Est en date du 14 janvier 2013 ne portaient que sur la question du domicile du fils de l’auteur. Aucune plainte pour discrimination à l’égard des femmes n’a été déposée sous quelque forme que ce soit par l’auteur.

En outre, la présente communication a été soumise au Comité le 6 septembre 2012. Plus d’un mois plus tard, le 10 octobre 2012, le tribunal d’instance de Naestved a statué sur la question du domicile du fils de l’auteur. Cela signifie que, lorsque l’auteur a soumis la communication au Comité, la procédure interne qu’elle avait engagée était en cours, parallèlement à la présente procédure devant le Comité, concernant des questions en rapport direct avec l’affaire.

L’État partie ajoute qu’en principe, la décision du 14 janvier 2013 est définitive mais que, pour épuiser les recours internes, l’auteur ou M. M. A. doit demander au Conseil d’autorisation des recours la permission de faire appel de la décision auprès de la Cour suprême. Une telle demande doit être faite dans un délai de huit semaines (art. 371 de la loi sur l’Administration de la justice). L’État partie indique à cet égard qu’il ne sait pas si M. M. A. a fait une telle demande. Il signale cependant que les organes créés en vertu de traités relatifs aux droits de l’homme exigent que les recours − extraordinaires et ordinaires − aient été épuisés. Il note que la Cour européenne des droits de l’homme a statué qu’il fallait, pour que les recours internes soient épuisés, que la permission d’interjeter appel des décisions et arrêts rendus ait été demandée au Conseil. L’État partie fait donc valoir que les recours internes n’ont pas tous été épuisés car le Conseil n’a pas pris de décision concernant la permission d’interjeter appel auprès de la Cour suprême. L’État partie note que, d’après le paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif, il n’est pas nécessaire que les recours internes aient été épuisés lorsque les procédures de recours excèdent des délais raisonnables ou qu’il est improbable que le requérant obtienne réparation par ce moyen. Le recours offert à l’auteur ou à M. M. A. est la possibilité de demander au Conseil la permission d’interjeter appel de la décision auprès de la Cour suprême. L’État partie fait valoir que la procédure de recours n’excédera pas des délais raisonnables et qu’il n’est pas improbable qu’elle donne satisfaction à l’auteur. Adresser une demande au Conseil n’entraîne aucun frais et le Conseil peut accorder la permission de faire appel auprès de la Cour suprême.

L’État partie note en outre que l’auteur et son fils ont adressé une requête à la Cour européenne des droits de l’homme le 13 mai 2012, enregistrée sous le numéro 30108/12. Il fait valoir que le dépôt d’une requête auprès de la Cour constitue une procédure d’enquête ou de règlement international au sens de l’alinéa a du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif. L’État partie renvoie à la jurisprudence du Comité contre la torture concernant des affaires dans le cadre desquelles la même question a fait ou fait actuellement l’objet d’un examen au titre d’une autre procédure internationale. Il note en outre qu’à sa vingtième session, le Groupe de travail sur les communications présentées en vertu du Protocole facultatif a décidé de mettre un terme à l’examen de la communication no 21/2009 parce que l’auteur avait exprimé clairement l’intention de porter son dossier devant la Cour européenne des droits de l’homme.

L’État partie observe à cet égard que dans l’affaire Rahime Kayhan c. Turquie, le Comité a renvoyé à la jurisprudence du Comité des droits de l’homme concernant cette question et a noté que d’après la communication no 075/1980 (Fanali c. Italie), « la “même question” au sens du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif [doit] s’entendre comme la même plainte concernant la même personne, présentée par cette dernière devant un organe international ». L’État partie note en outre que pour être considérées comme identiques, les requêtes doivent se fonder sur les mêmes faits et événements et porter sur les mêmes droits substantiels.

Compte tenu de ce qui précède, l’État partie note que la requête introduite le 15 mai 2012 auprès de la Cour européenne des droits de l’homme est très détaillée, faisant état d’une violation de l’article 8 et d’autres articles, outre la discrimination invoquée en vertu de l’article 14. Les dispositions de la Convention auxquelles l’auteur fait référence sont également des dispositions adoptées contre la discrimination. L’État partie estime par conséquent qu’il s’agit de la même question, étant donné que le requérant et l’auteur sont les mêmes personnes, que les deux plaintes se fondent sur la même question et que l’auteur invoque dans les deux cas les mêmes droits substantiels. L’État partie estime que l’on peut considérer que l’affaire est actuellement examinée par la Cour. D’après les informations disponibles, la Cour n’a à ce jour pas pris de décision à ce sujet.

La même question étant déjà examinée dans le cadre d’une autre procédure d’enquête ou de règlement international − la Cour européenne des droits de l’homme − à la suite de la requête en date du 15 mai 2012, l’État partie estime que la présente communication devrait être déclarée irrecevable en vertu du paragraphe 2 a) de l’article 4 du Protocole facultatif.

En outre, l’État partie estime que la communication de l’auteur devrait être jugée irrecevable en vertu du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif car elle est manifestement mal fondée et insuffisamment étayée. L’auteur n’a pas justifié en quoi ou comment ses propres droits et ceux de son fils tirés des articles 1, 2 d), 5 et 16 d) de la Convention avaient été violés. Elle n’a pas du tout indiqué ni précisé en quoi des décisions, actes ou omissions des autorités de l’État partie auraient entraîné une violation des droits énoncés dans la Convention.

L’auteur affirme que la procédure de recours interne de l’État partie excède des délais raisonnables et qu’il est improbable qu’elle obtienne réparation par ce moyen. Elle affirme en outre que de nombreuses femmes étrangères et leurs enfants pâtissent de cette situation intolérable et que les autorités de l’État partie ne lui ont pas fourni de protection et de recours effectifs contre son ex-mari danois. Elle affirme en outre qu’il n’existe pas dans l’État partie de protection, de système judiciaire et de système de sécurité sociale pour les filles et mères étrangères.

L’État partie indique à cet égard que ces allégations ne sont pas fondées car elles ne s’appuient sur aucun élément de preuve ou document et aucun lien n’est établi avec les faits de l’affaire, y compris d’éventuels actes ou omissions par les autorités de l’État partie. L’auteur a au contraire obtenu gain de cause après avoir demandé le droit de garde, la dernière décision en la matière étant celle du 14 janvier 2013.

En dernier lieu, l’État partie fait valoir que la communication devrait être jugée irrecevable en vertu du paragraphe 2 d) de l’article 4 du Protocole facultatif car elle constitue un abus du droit de présenter de telles communications. L’auteur n’a manifestement pas épuisé les recours internes; elle ne peut prétendre être une victime; elle a introduit une requête similaire auprès de la Cour européenne des droits de l’homme et sa communication n’est pas étayée. Au titre de l’article 58 du Règlement intérieur du Comité, le Secrétaire général peut demander à l’auteur d’une communication de fournir des éclaircissements ou de présenter des renseignements supplémentaires, y compris l’objet de la communication; les moyens de fait; les dispositions prises par l’auteur ou la victime pour épuiser les recours internes, les dispositions de la Convention qui auraient été violées et si la même question est déjà en cours d’examen ou a déjà été examinée devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. L’État partie ne sait pas si de tels renseignements ont été demandés. Il note qu’en principe, l’auteur d’une telle communication devrait apporter ces précisions avant que le Comité ne transmette une communication donnée à un État partie pour observations.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

Le 26 janvier 2013, l’auteur a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie. S’agissant de l’affirmation selon laquelle son fils ne peut être considéré comme une victime, elle note que son fils est un jeune enfant et a, comme elle, en vertu de l’article 5 de la Convention, le statut de victime au sens de la Convention. Elle note également que les autorités de l’État partie n’ont pas pris en compte l’intérêt supérieur de l’enfant, ainsi que l’exige cette disposition de la Convention.

Quant à l’argument selon lequel elle ne serait pas une victime, l’auteur rappelle en détail les faits présentés dans sa première communication et maintient que rien n’empêche l’État partie d’autoriser son ex-mari à refaire la même chose avec l’appui de l’État partie la prochaine fois qu’elle se rendra au Danemark.

En ce qui concerne l’obligation d’épuiser les recours internes, l’auteur note que, d’après la jurisprudence du Comité, la règle de l’épuisement des recours internes peut ne pas prévaloir quand les autorités n’ont pas agi avec la diligence voulue. Elle indique à cet égard qu’elle tente en vain depuis 2011 de régler l’affaire en s’adressant aux autorités nationales mais que celles-ci affirment ne pas avoir compétence en la matière. Elle indique en outre que son fils et elle ont été terrorisés, menacés, harcelés, enlevés, placés illégalement en détention et maltraités et brutalisés par M. M. A et que les autorités de l’État partie ne fonctionnent pas comme elles le devraient. Elle indique aussi qu’elle n’est pas certaine que la Cour suprême du Danemark aurait dûment examiné sa situation car la Convention n’a pas été incorporée au droit interne de l’État partie.

En ce qui concerne l’argument de l’État partie selon lequel la même question est actuellement examinée par la Cour européenne des droits de l’homme, l’auteur fait valoir que sa requête (qui, affirme-t-elle, a été introduite dans le cadre d’une requête collective) n’a pas été enregistrée par la Cour. Elle indique également qu’elle a retiré sa requête.

S’agissant de la motivation insuffisante de ses affirmations, l’auteur fait valoir que la nature même de sa plainte se fonde sur l’existence des mauvais traitements fondés sur le sexe qu’elle a subis, établie de manière concluante, ce qui constitue en soi une violation des dispositions de la Convention. La maltraitance fondée sur le sexe et la violation des droits des enfants ont été explicitement considérées comme une forme de discrimination à l’égard des femmes par le Comité dans son Observation générale no 19, portant sur la violence à l’égard des femmes. Elle ajoute que son ex-mari était agressif verbalement et physiquement. Du fait de son comportement et des mesures prises par les autorités de l’État partie après qu’il a enlevé son enfant dans l’État partie, elle a perdu son emploi. Sa demande de bénéficier de la protection des autorités n’a pas été prise en compte parce que son ex-mari était danois. Les autorités l’ont privée des droits qui étaient les siens en tant que mère d’avoir des nouvelles de son fils et d’être avec lui quand son ex-mari l’a enlevé au Danemark. Elle n’a pas pu le voir au Danemark du fait de menaces constantes et du comportement passivement agressif des autorités. Elle estime qu’il y a donc bien eu violation de l’article 16 1) d) de la Convention.

Le 9 juillet 2013, l’auteur a déclaré qu’elle avait quitté le Danemark avec son fils le 6 février 2013. Ils mènent tous deux une vie heureuse aux Philippines et son fils demeure en contact avec son père par Internet. L’auteur a ajouté que, tout en vivant aux Philippines avec son fils, elle souhaite maintenir sa communication contre l’État partie parce qu’elle n’a pas la garde exclusive de l’enfant et qu’elle court le risque de passer de nouveau par les mêmes épreuves si jamais elle retourne au Danemark. L’auteur a ajouté qu’il ne faut pas que d’autres ressortissantes étrangères mariées avec un Danois subissent la même expérience qu’elle.

Délibérations du Comité : examen de la recevabilité

Conformément à l’article 64 de son règlement intérieur, le Comité doit décider si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif. En application de l’article 66, le Comité peut décider d’examiner séparément la question de la recevabilité d’une communication et la communication elle-même quant au fond.

Le Comité note que l’État partie conteste la recevabilité de la présente communication au titre de l’article 2 et des paragraphes 1 et 2 a), c) et d) de l’article 4 du Protocole facultatif à la Convention.

Le Comité prend note du fait que l’État partie fait valoir que la communication devrait être jugée irrecevable au titre de l’article 2 du Protocole facultatif dans la mesure où l’auteur et son fils ne peuvent pas prétendre être victimes étant donné la décision de la Cour d’appel de l’Est, datée du 14 janvier 2013, dans laquelle la Cour a maintenu la décision de la juridiction inférieure et statué que l’enfant devait résider avec l’auteur. L’article 2 du Protocole facultatif dispose que des communications peuvent être présentées par des particuliers ou groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou groupes de particuliers relevant de la juridiction d’un État partie, qui affirment être victimes d’une violation par cet État partie d’un des droits énoncés dans la Convention. Le Comité note en outre que l’auteur a confirmé le fait que, suite à ladite décision de la Cour d’appel de l’Est, elle-même et son fils ont quitté le Danemark le 6 février 2013, mènent tous deux une vie heureuse aux Philippines et que son fils demeure en contact avec son père par Internet. Le Comité note que, tout en vivant aux Philippines avec son fils, l’auteur, dans une lettre datée du 9 juillet 2013, a exprimé le souhait de maintenir sa communication contre l’État partie pour deux raisons : d’abord parce qu’elle n’a pas la garde exclusive de l’enfant et qu’elle court le risque de passer de nouveau par les mêmes épreuves si jamais elle retourne au Danemark et, ensuite, parce qu’elle ne veut pas que « d’autres ressortissantes étrangères mariées avec un Danois subissent la même expérience qu’elle ».

Le Comité observe que l’Administration publique régionale devant laquelle aussi bien l’auteur que M. M. A. ont demandé la garde exclusive de l’enfant a décidé le 30 juin 2011, le 21 juillet 2011 et le 15 août 2011 qu’elle n’était pas compétente pour statuer sur la question de la garde, parce que l’enfant n’était pas domicilié au Danemark, ainsi que l’exigeait l’article 448 f) de la loi sur l’Administration de la justice. Le 10 octobre 2012, le tribunal d’instance de Naestved a donné raison à l’auteur en statuant que son fils devrait résider avec elle aux Philippines. Le tribunal a tenu compte du fait qu’elle était la personne qui s’occupait principalement de l’enfant, lequel était né et avait été élevé aux Philippines jusqu’au moment où M. M. A. l’avait gardé avec lui lorsque l’enfant était arrivé au Danemark en mai 2011. Le Comité note en outre que, le 14 janvier 2013, ladite décision de tribunal d’instance de Naestved a été maintenue par la Cour d’appel de l’Est, qui a elle aussi estimé qu’il serait dans l’intérêt du fils de l’auteur de résider avec elle aux Philippines.

Le Comité estime qu’il est indifférent que l’auteur n’ait pas la garde exclusive de l’enfant dans la mesure où elle peut la réclamer devant les tribunaux nationaux des Philippines, où l’enfant est domicilié. Le Comité déclare que, suite à la décision de la Cour d’appel de l’Est, par laquelle la Cour a rejeté l’appel de M. M. A. et maintenu la décision du tribunal d’instance de Naestved, l’auteur et son fils ont cessé d’être des victimes au sens entendu à l’article 2 du Protocole facultatif, bien que, de toute évidence ils aient été victimes de discrimination avant que cette décision ne soit rendue. Le Comité reconnaît la souffrance endurée par l’auteur et par son fils à l’époque où elle n’avait qu’un accès très restreint à celui-ci, avant qu’ils ne soient en mesure de repartir aux Philippines suite à la décision du 14 janvier 2013 de la Cour d’appel de l’Est, qui a confirmé la décision du tribunal d’instance de Naestved du 10 octobre 2012. Le Comité rappelle cependant que le Protocole facultatif exclut toute actio popularis. Par conséquent, le Comité ne peut pas continuer à examiner la présente communication dans l’intérêt « d’autres ressortissantes étrangères mariées avec un Danois ». Le Comité observe en outre que l’article 2 du Protocole facultatif interdit de présenter une communication au nom de « groupes de particuliers » sans leur consentement préalable, à moins que l’absence de consentement puisse être justifiée. Or, l’auteur n’a pas abordé la question du consentement des « autres ressortissantes étrangères mariées avec un Danois ».

Dans ces circonstances, le Comité conclut que l’auteur n’est pas fondée à maintenir sa communication, étant donné qu’après la décision rendue par la Cour d’appel de l’Est le 14 janvier 2013, elle et son fils ont cessé d’être « victimes » au sens de l’article 2 du Protocole facultatif à la Convention, bien qu’ils aient été victimes de discrimination avant que cette décision ne soit rendue.

6.7Compte tenu de la conclusion présentée ci-dessus, le Comité n’estime pas nécessaire d’examiner les autres griefs d’irrecevabilité invoqués par l’État partie.

Le Comité décide donc :

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en anglais (version originale), en arabe, en chinois, en espagnol, en français et en russe.]