Communication présentée par:

Y. C. (représenté par un conseil, City Advokaterne)

Au nom de:

L’auteure

État partie:

Danemark

Date de la communication:

16 janvier 2013 (date de la lettre initiale)

Références:

Communiquée à l’État partie le 14 août 2013 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision:

24 octobre 2014

Annexe

Décision du Comité pour l’élimination de la discriminationà l’égard des femmes adoptée en vertu du Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (cinquante-neuvième session)

Concernant la

* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l’examen de la communication: Ayse Feride Acar, Nicole Ameline, Olinda Bareiro-Bobadilla, Náela Gabr, Hilary Gbedemah, Nahla Haidar, Yoko Hayashi, Ismat Jahan, Dalia Leinarte, Violeta Neubauer, Theodora Nwankwo, Maria Helena Pires, Biancamaria Pomeranzi, Patricia Schulz, Dubravka Ŝimonovič, Xiaoqiao Zou.

Communication no 59/2013 *

Communication présentée par:

Y. C. (représenté par un conseil, CityAdvokaterne)

Au nom de:

L’auteure

État partie:

Danemark

Date de la communication:

16 janvier 2013 (date de la lettre initiale)

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, créé en vertu de l’article 17 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

Réuni le 24 octobre 2014,

Adopte ce qui suit :

Décision concernant la recevabilité

La communication est présentée par Y. C, de nationalité chinoise, née en 1974. Elle a demandé l’asile au Danemark; sa demande a été rejetée et, quand elle a présenté la communication, elle attendait son expulsion du Danemark à destination de la Chine. Elle affirme que son expulsion vers la Chine constituerait une violation par le Danemark de l’article 1 et des articles 2, 3 et 5 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et de la recommandation générale no 19 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. L’auteure est représentée par un conseil, CityAdvokaterne. La Convention et le Protocole facultatif s’y rapportant sont entrés en vigueur pour l’État partie le 21 mai 1983 et le 22 décembre 2000, respectivement.

Lors de l’enregistrement de la plainte, le Groupe de travail sur les communications, agissant au nom du Comité, a décidé de ne pas accorder les mesures provisoires demandées par l’auteure conformément au paragraphe 1) de l’article 5 du Protocole facultatif (c’est-à-dire de surseoir à l’exécution de l’arrêté d’expulsion, en attendant que le Comité ait achevé l’examen de la communication).

Le 20 juin 2014, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Groupe de travail, a décidé, conformément à l’article 66 de son règlement intérieur, d’examiner la question de la recevabilité séparément de celle du fond.

Rappel des faits présentés par l’auteure

L’auteure est arrivée au Danemark au début de l’année 2011 et a demandé l’asile quand elle a été interpellée, le 17 juin 2011. Sa demande a été rejetée par le Service danois de l’immigration le 23 août 2011. Le 7 novembre 2011, cette décision a été confirmée par la Commission de recours pour les réfugiés.

L’auteure explique qu’elle est chinoise, de confession catholique. Elle assistait aux services religieux dans la ville de Xinxiang et aidait tous les jours un prêtre. À un moment donné, son employeur lui a interdit de mettre des symboles religieux (images et photos) sur son lieu de travail et a également inspecté l’endroit où elle dormait, car elle vivait sur place. L’auteure précise qu’elle n’avait pas de problèmes avec les autorités, mais que celles-ci avaient menacé le prêtre qu’elle aidait, notamment de démolir l’église.

Enfin, l’auteure dit qu’en Chine elle vivait avec un homme dont elle avait eu un enfant, âgé d’environ 13 ans lorsqu’elle a envoyé sa communication. Peu après la naissance de leur fils, le père est parti en emmenant l’enfant. L’homme l’avait battue six fois quand elle avait voulu voir son fils et quand elle l’avait vu pour la dernière fois, deux ou trois ans avant qu’elle quitte la Chine, il l’avait menacée de la battre de nouveau. Plus tard il avait épousé une autre femme.

Teneur de la plainte

D’après l’auteure, la Commission de recours pour les réfugiés n’a pas contesté qu’elle assistait quotidiennement à un service religieux dans sa ville, et aidait le prêtre, ni qu’elle avait eu des problèmes avec le père de son enfant, qui lui avait fit subir des violences. La Commission a noté que même s’il lui avait fallu pratiquer sa religion discrètement, l’auteure ne pouvait pas être considérée comme étant persécutée concrètement et individuellement par les autorités pour des motifs religieux. La Commission a également constaté que les informations générales décrivant la situation des catholiques dans la province du Fujian ne permettaient pas de conclure que l’auteure, si elle était renvoyée en Chine, risquerait des persécutions pour les motifs énoncés au paragraphe 1 de l’article 7 de la loi sur les étrangers.

Concernant le conflit avec le père de l’enfant, l’auteure indique que la Commission a considéré que ses relations étaient une affaire privée et ne croyait pas que le conflit exposerait l’auteure, à son retour en Chine, à des persécutions ou à une des atteintes visées au paragraphe 2 de l’article 7 de la loi sur les étrangers, contre lesquelles elle ne serait pas en mesure de prétendre à la protection des autorités. La Commission a également noté que l’auteure avait déclaré que le père de son enfant n’avait pas cherché à la voir.

L’auteure affirme qu’en l’expulsant vers la Chine l’État partie commettrait une violation de son droit à la liberté de religion et que, comme son ancien compagnon l’avait déjà rouée de coups quand elle avait voulu voir son fils, l’inaction des autorités chinoises l’avait empêchée d’essayer de nouveau. Elle soutient que toute nouvelle tentative entraînerait de nouvelles violences de la part de son ancien compagnon. Pour ce qui est du paragraphe 6 de la recommandation générale no 19 du Comité, l’auteure note qu’il y est indiqué que la notion de discrimination à l’égard des femmes inclut la violence fondée sur le sexe, qui englobe les actes qui infligent des tourments ou des souffrances d’ordre physique, mental ou sexuel. En conséquence, son expulsion vers la Chine constituerait une violation par le Danemark des dispositions de la Convention et de la recommandation générale. Elle explique qu’elle ne bénéficierait pas d’une protection de la part des autorités chinoises parce qu’elle n’est pas mariée avec le père de l’enfant et parce qu’elle vient d’une société où il est considéré comme normal que les hommes battent les femmes. Elle ajoute qu’elle craint que sa religion ne la place dans une situation encore plus précaire si elle devait chercher l’aide ou la protection des autorités concernant son enfant.

L’auteure affirme que ce qui précède montre qu’elle serait victime d’une violation de l’article 1 et des articles 2, 3 et 5 de la Convention et de la recommandation générale no 19 du Comité, et que son expulsion vers la Chine constituerait une violation par le Danemark des dispositions de la Convention, parce que les autorités chinoises ne lui assureraient aucune protection.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

Dans une note verbale datée du 14 octobre 2013, l’État partie conteste la recevabilité de la communication. Il rappelle les faits de l’espèce, notant que l’auteure, de nationalité chinoise, née en 1974, est entrée au Danemark sans titres de voyage valides au début de l’année 2011. Le 16 juin 2011, la police l’a trouvée dans un restaurant chinois et l’a interpellée parce qu’elle séjournait illégalement dans le pays. À l’audience, le 18 juin 2011, l’auteure a déposé une demande d’asile, affirmant qu’elle n’avait nulle part où vivre en Chine et qu’elle subirait les violences de son ancien compagnon, dont elle avait eu un fils, s’ils devaient se trouver de nouveau face à face. Elle a déclaré qu’elle avait donné naissance à son enfant à l’âge de 25 ans, en 1999 ou autour de cette date. Peu de temps après, le père avait emmené l’enfant; il avait frappé l’auteure à six reprises. L’enfant avait vécu avec son père depuis lors, et l’auteure ne l’avait pas revu depuis 1998. Après leur rupture, l’auteure avait téléphoné à son ancien compagnon une fois parce qu’elle voulait la garde de l’enfant; son compagnon lui avait rendu visite et ils s’étaient querellés. Elle l’avait rencontré de nouveau deux ou trois ans avant qu’elle ne quitte la Chine et il l’avait avertie qu’il la frapperait si elle continuait à le harceler. L’auteure n’avait pas cherché à le contacter depuis lors et il n’avait pas cherché à la joindre. L’auteure a également mentionné l’absence de liberté du culte en Chine.

Le 23 août 2011, le Service danois de l’immigration a refusé d’accorder l’asile à l’auteure. Le 7 novembre 2011, la Commission de recours pour les réfugiés a confirmé cette décision, considérant que l’auteure ne satisfaisait pas aux conditions de séjour sur le territoire de l’État partie énoncées à l’article 7 de la loi sur les étrangers. La Commission n’a pas contesté la réalité du conflit entre l’auteure et le père de l’enfant, qui l’avait frappée, mais a noté qu’elle ne s’était pas adressée aux autorités lorsque ces actes de violence s’étaient produits ou lorsque son ancien compagnon avait emmené l’enfant. La Commission a observé que la relation de l’auteure avec son ancien compagnon relevait du droit privé, et que cette situation conflictuelle ne signifiait pas que l’auteure risquait d’être victime de persécutions ou d’atteintes visées au paragraphe 2 de l’article 7 de la loi sur les étrangers en cas de renvoi dans son pays d’origine, contre lesquelles il lui serait impossible de demander la protection des autorités chinoises. La Commission a également relevé que l’ancien compagnon de l’auteure n’avait pas cherché à la retrouver.

Pour ce qui est de la pratique de sa religion, la Commission a ajouté foi au récit de l’auteure qui disait qu’elle avait assisté tous les jours au service religieux catholique dans une église de la ville où elle travaillait et avait aidé le prêtre. Celui‑ci lui avait recommandé de faire attention avec les autorités; elle n’avait jamais eu d’ennuis au sujet de sa religion et n’avait jamais eu affaire avec les autorités à ce sujet. Son employeur lui avait interdit de mettre des symboles religieux (images et photos) sur son lieu de travail, où elle vivait également.

La Commission a confirmé que même s’il lui avait fallu pratiquer sa religion discrètement, l’auteure ne pouvait pas être considérée comme étant persécutée, concrètement et individuellement, par les autorités pour des motifs religieux. La Commission a également constaté que les informations générales décrivaient la situation des catholiques dans la province du Fujian ne permettaient pas de conclure que l’auteure, si elle était renvoyée en Chine, risquerait des persécutions justifiant l’octroi de l’asile, aux fins du paragraphe 1 de l’article 7 de la loi sur les étrangers.

Dans son évaluation générale, la Commission a tenu compte du fait que le départ de l’auteure n’était pas dû à une situation particulière mais, d’après son récit, à une multitude de facteurs − les pressions exercées par son ancien compagnon, l’absence de contacts avec sa propre famille, sa situation sur le plan du travail, du logement et de la religion. La Commission a également tenu compte du fait que l’auteure avait passé quatre ou cinq mois au Danemark avant de présenter une demande d’asile, et qu’elle ne l’a fait que quand la police l’a trouvée.

L’État partie donne aussi une description complète de l’organisation, des fonctions, des prérogatives et de la compétence de la Commission et les garanties en place pour les demandeurs d’asile, notamment la représentation juridique, la présence d’un interprète et la possibilité pour le demandeur de faire une déclaration à l’audience en appel. Il précise aussi que la Commission dispose d’un ensemble complet de documents de référence généraux sur la situation dans les différents pays d’origine des demandeurs d’asile au Danemark, actualisés et complétés en permanence à partir de multiples sources reconnues.

En ce qui concerne la recevabilité de la communication, l’État partie note que l’auteure a fait valoir que si elle retournait en Chine, elle serait victime de violence sexiste, vu que son ancien compagnon l’avait frappée lorsqu’elle avait voulu voir leur enfant, qu’il avait refusé de la laisser ne serait-ce que voir l’enfant et qu’il l’avait avertie qu’il la frapperait s’ils se rencontraient de nouveau. L’auteure a reconnu qu’elle n’avait pas essayé d’obtenir la protection des autorités, parce que dans sa région d’origine, il est considéré comme normal qu’un homme frappe une femme. En outre, elle affirme que le fait de devoir pratiquer sa religion discrètement constituait une violation de l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

En premier lieu, l’État partie estime que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif car elle est manifestement mal fondée et insuffisamment motivée. Il note que l’auteure cherche à faire appliquer d’une manière extraterritoriale les obligations prévues au titre de la Convention. Se référant à la décision du Comité dans la communication no 33/2011, M. N. N. c. Danemark, l’État partie note que d’après le raisonnement du Comité, il apparaît que la Convention a une portée extraterritoriale seulement dans le cas où la femme renvoyée dans son pays est exposée à un risque réel, personnel et prévisible de formes graves de violence sexiste. Il faut de plus que la conséquence nécessaire et prévisible soit que les droits que l’intéressée tient de la Convention vont être violés dans une autre juridiction.

D’après l’État partie, cela signifie que les actes qui peuvent produire dans d’autres pays un effet indirect sur les droits consacrés par la Convention peuvent engager la responsabilité de l’État partie (portée extraterritoriale) uniquement dans des circonstances exceptionnelles, dans le cas où le renvoi d’une personne expose celle-ci au risque de perdre la vie ou de subir des tortures et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ces droits sont garantis par la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, les articles 6 et 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et les articles 2 et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

L’État partie note que l’auteure dit qu’elle a peur de rentrer en Chine, parce que le père de son enfant l’a frappée six fois quand elle a voulu avoir la garde de l’enfant, qu’il a épousé une autre femme, qu’il a refusé de la laisser voir l’enfant et qu’il a menacé de la frapper s’ils devaient se rencontrer de nouveau.

L’État partie note que le père de l’enfant n’a jamais cherché à se mettre en rapport avec l’auteure depuis qu’il a emmené l’enfant. D’après la déclaration de celle‑ci, c’est elle qui avait contacté le père de l’enfant parce qu’elle voulait la garde de l’enfant. Lorsqu’il lui a rendu visite, ils se sont querellés. Plus tard, le père avait changé son numéro de téléphone, et l’auteure n’avait eu aucun contact avec lui depuis cet incident, sauf deux ou trois ans avant qu’elle ne quitte la Chine, lorsqu’ils s’étaient rencontrés et qu’il l’avait avertie qu’il la frapperait si elle continuait à le harceler. Il ressort des propos de l’auteure elle-même qu’il n’existe donc aucun risque que le père de l’enfant cherche à la rencontrer ou l’agresser; l’auteure a déclaré qu’elle avait peur de le rencontrer, si elle était renvoyée en Chine parce qu’il était probable qu’il la frappe.

Pour ce qui est de la peur de rencontrer le père, l’État partie note que l’auteure ne l’a rencontré qu’une seule fois, sans accord préalable, deux ou trois avant de quitter la Chine. Elle a également indiqué qu’il vit dans un autre village et que la ville dans laquelle ils travaillent l’un et l’autre est grande. L’idée qu’il la frapperait s’ils se rencontraient repose uniquement sur une supposition. Lorsqu’ils s’étaient vus deux ou trois ans avant son départ il ne l’avait pas frappée. L’État partie ne voit aucun élément permettant d’affirmer qu’il est prévisible que l’auteure subirait de graves violences sexistes si elle était renvoyée en Chine.

Pour ce qui est de la peur de l’auteure de retourner en Chine parce qu’il lui a été interdit de mettre des symboles religieux (images et photos) sur son lieu de travail et de la crainte de se retrouver dans une situation plus précaire à cause de sa religion si elle devait rechercher aide et protection auprès des autorités concernant son enfant, l’État partie souligne d’abord que l’auteure elle-même a demandé que sa plainte soit examiner au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et non du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

L’État partie ajoute que l’auteure n’a pas montré en quoi sa religion la placerait dans une situation plus précaire si elle devait rechercher l’aide ou la protection des autorités concernant son enfant, ni comment sa religion pouvait peser de quelque autre manière sur l’évaluation par le Comité du risque de violences sexistes ou de discrimination auxquelles elle serait exposée si elle était renvoyée dans son pays d’origine. Au contraire, l’auteure a constamment affirmé qu’elle n’avait jamais eu de problèmes avec les autorités chinoises; elle a déclaré que les autorités s’étaient entretenues avec le prêtre ou les prêtres de l’église sans qu’il y ait d’incidences. L’auteure a également déclaré pendant toute la procédure que c’était son employeur qui lui avait interdit de mettre en évidence des images et des objets religieux sur son lieu de travail, où elle vivait également.

Pour ce qui est de la possibilité de voir son fils, l’auteure n’a fourni aucune information indiquant que sa situation serait différente si, au lieu de la renvoyer en Chine, le Danemark lui délivrait un permis de séjour.

De plus, le départ de l’auteure n’a pas été causé par une situation spécifique. Durant son entrevue avec le Service danois de l’immigration, le 26 juillet 2013, elle a parlé des conditions sociales difficiles en Chine comme un motif de sa demande d’asile.

À la lumière de ce qui précède, l’État partie estime que l’auteure n’a pas suffisamment montré, aux fins de la recevabilité, que son expulsion vers la Chine l’exposerait à un risque réel, personnel et prévisible de formes graves de violence sexiste. De plus, les violations de la Convention qui pourraient être commises si l’auteure était renvoyée dans son pays ne sont pas claires et sont insuffisamment étayées. L’auteure renvoie à plusieurs dispositions de la Convention, sans expliquer en quoi elles peuvent être considérées comme pertinentes. Cette section de la communication devrait donc être déclarée irrecevable en vertu du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif car elle est manifestement mal fondée et insuffisamment étayée.

En ce qui concerne la crainte de subir des persécutions de la part du père de l’enfant, l’État partie affirme que cette partie de la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 4 du Protocole facultatif parce qu’elle est incompatible avec les dispositions de la Convention.

En ce qui concerne la jurisprudence du Comité contre la torture, l’État partie note que les obligations positives découlant de l’article 2 d) n’incluant pas l’obligation pour les États parties de ne pas expulser une personne qui risquerait de se voir infliger une douleur ou des souffrances par une entité non gouvernementale, sans le consentement exprès ou tacite du gouvernement. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme concernant l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales montre également qu’un État partie qui a expulsé un étranger peut être tenu pour responsable des actes commis contre cet étranger dans son pays d’origine si et seulement si celui-ci peut montrer que les autorités de l’État de destination ne sont pas en mesure de prévenir ce risque par une protection appropriée.

De l’avis de l’État partie, l’auteure n’a pas suffisamment étayé l’argument selon lequel les autorités chinoises ne seraient pas en mesure de prévenir ce risque par une protection appropriée, et cette partie de la communication est donc irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 4, au motif qu’elle est incompatible avec les dispositions du Protocole facultatif.

À ce propos, l’État partie souligne que, selon ses propres déclarations aux autorités danoises, l’auteure ne s’est jamais adressée aux autorités chinoises pour dénoncer la violence exercée par le père de l’enfant ni le séjour prolongé de l’enfant avec son père. Les allégations de l’auteure qui affirme qu’elle ne pouvait pas bénéficier d’une aide des autorités parce qu’elle n’était pas mariée avec le père de l’enfant ou que l’inaction des autorités l’avait empêchée de tenter de nouveau de voir son enfant, ne sont pas corroborées par ses propres déclarations pendant la procédure.

L’État partie ajoute que les propres déclarations de l’auteure de la procédure ne corroborent pas non plus l’allégation faite dans la communication, selon laquelle elle ne s’était pas adressée aux autorités parce qu’elle n’osait pas demander leur protection. Au Service danois de l’immigration, elle a déclaré qu’elle n’avait pas demandé une protection aux autorités parce qu’en Chine personne ne veut se mêler à des affaires privées, que ce serait une perte de temps et que les autorités « s’occupaient seulement des problèmes des riches ». Devant la Commission de recours pour les réfugiés, elle a déclaré qu’elle ne s’était pas adressée aux autorités concernant la garde de l’enfant parce que, selon elle, elles n’examineraient pas son cas vu qu’elle n’était pas mariée avec le père de son enfant. Elle a ajouté qu’elle pensait que ni la police ni aucune autre autorité examineraient son cas, parce qu’il s’agissait d’une affaire de famille privée. L’État partie estime donc que l’auteure n’a pas sollicité l’aide des autorités chinoises parce qu’elle supposait que celles-ci ne prendraient pas son cas en considération.

Pour ces motifs, l’État partie fait valoir que la communication devrait être déclarée irrecevable par le Comité. Faisant référence à l’article 66 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie demande au Comité d’examiner la recevabilité de la communication séparément du fond. Il se réserve également le droit de présenter des observations sur le fond.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie

Dans une réponse du 6 mars 2014, le conseil de l’auteure a affirmé que la communication était recevable et étayée, indiquant que Y. C. n’avait pas cherché de l’aide auprès de la police en Chine parce qu’elle n’était pas mariée au père de l’enfant et parce que la police ne se préoccupe pas des affaires domestiques. Elle avait le sentiment que, en tant que chrétienne, on lui accorderait encore moins d’attention et craignait d’être harcelée par la police.

Le conseil fait valoir que, étant donné que Y. C. a été battue six fois par le père de l’enfant et qu’il l’a avertie qu’il recommencerait s’ils se rencontraient de nouveau, elle était exposée à un risque réel, personnel et prévisible de subir des formes graves de violence sexiste si elle se rapproche de nouveau de lui. Un principe fondamental des droits de l’homme veut que chacun doit pouvoir voir son enfant doit pouvoir le faire; mais la peur a empêché l’auteure d’exercer ce droit pendant de nombreuses années.

Selon le conseil, si l’auteure devait obtenir le droit d’asile au Danemark et un jour devenir une citoyenne danoise, elle aurait de meilleures chances d’obtenir satisfaction et protection si elle s’adressait aux autorités chinoises pour voir son fils.

Citant un rapport d’une organisation non gouvernementale, le conseil note qu’il est d’usage en Chine de considérer la violence dans la famille comme une affaire privée.

Le conseil conclut que la communication devrait être déclarée recevable afin de protéger les droits fondamentaux de l’auteure et lui permettre de revoir son enfant et de pratiquer sa religion aussi librement qu’au Danemark.

Délibérations du Comité concernant la recevabilité

Conformément à l’article 64 de son règlement intérieur, le Comité doit décider si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif. Conformément à l’article 66, le Comité peut décider d’examiner séparément la question de la recevabilité d’une communication et la communication elle-même quant au fond.

Conformément au paragraphe 2 a) de l’article 4 du Protocole facultatif, le Comité s’est assuré que la question n’avait pas fait l’objet ou ne faisait pas l’objet d’un examen dans le cadre d’une autre procédure de règlement international.

Le Comité note le grief de l’auteure qui affirme que son expulsion vers la Chine constituerait une violation par le Danemark de ses droits au titre de l’article 1 et des articles 2, 3 et 5 de la Convention et de la recommandation générale no 19 du Comité, étant donné que les États sont tenus de s’abstenir d’expulser des personnes qui pourraient être exposées à la violence sexiste. À l’appui de ses griefs, elle explique que le père de son enfant est parti en emmenant leur fils, qu’il l’a frappée six fois durant une querelle lorsqu’elle a cherché à voir l’enfant. Le père avait refusé qu’elle voie l’enfant et avait menacé de la battre s’il la rencontrait de nouveau. L’auteure fait également valoir qu’elle est chrétienne et que son ancien employeur lui avait interdit de mettre des articles religieux en évidence sur son lieu de travail, où elle vivait aussi. Le Comité prend note également de l’argument de l’État partie selon lequel la communication doit être déclarée irrecevable pour incompatibilité avec les dispositions de la Convention, car elle est manifestement mal fondée et insuffisamment étayée, conformément aux paragraphes 2 b) et c) de l’article 4 du Protocole facultatif.

En l’espèce, s’agissant des griefs de l’auteure selon lesquels elle avait subi des actes de violence de la part du père de l’enfant, qu’il lui était impossible de voir son enfant, vu que le père l’en avait empêchée et qu’il l’avait avertie qu’il la battrait s’il la rencontrait de nouveau, le Comité note qu’en fait, l’auteure n’a jamais tenter d’attirer l’attention des autorités chinoises sur ses problèmes. Même si l’on tient compte les arguments de l’auteure sur la persistance de stéréotypes en Chine, le fait que la police considère la violence dans la famille comme une affaire privée, qu’elle n’a jamais été mariée avec le père de l’enfant et qu’elle est chrétienne, le Comité estime que l’auteure n’a pas suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, l’allégation selon laquelle elle n’aurait pas reçu de protection adéquate en Chine si elle s’était adressée aux autorités compétentes ou n’aurait pas eu accès à l’enfant ou obtenu sa garde. Le Comité estime que la violence exercée par l’ancien compagnon de l’auteure en 1998 était sporadique. Il note également que l’auteure a indiqué que sa dernière tentative pour voir l’enfant remontait à deux ou trois ans avant son départ de la Chine, sans fournir d’explications suffisantes sur la raison pour laquelle elle n’a pas cherché à le voir ou à obtenir sa garde pendant un laps de temps aussi considérable. Dans ces circonstances, le Comité considère que cette partie de la communication n’a pas été suffisamment étayée aux fins de la recevabilité, et la déclare donc irrecevable en vertu du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif.

Quant aux allégations de l’auteure faisant valoir qu’il lui était impossible de pratiquer librement sa religion et qu’elle ne pouvait pas mettre des articles religieux en évidence sur son lieu de travail, où elle vivait également, le Comité note, dans ce contexte, que l’auteure n’a pas montré l’existence d’une discrimination qui serait fondée sur le sexe. Le Comité prend note de l’argument de l’État partie, selon lequel l’auteure a invoqué une violation de ses droits au titre de l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, non une violation de ses droits au titre de la Convention. En outre, le Comité considère que l’auteure n’a pas apporté d’informations suffisantes à l’appui de l’argument selon lequel elle serait persécutée en raison de sa religion. Par conséquent, en l’absence de toute autre information pertinente dans le dossier à ce sujet, le Comité considère que cette partie de la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif, pour défaut de fondement manifeste.

Dans ces circonstances, le Comité considère que l’auteure n’a pas suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, l’argument selon lequel son expulsion vers la Chine l’exposerait à un risque réel, personnel et prévisible de subir des formes graves de violence sexiste et, par conséquent, il déclare la communication irrecevable en vertu du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif, parce qu’elle est à la fois manifestement mal fondée et insuffisamment étayée.

Compte tenu de cette conclusion, le Comité décide de ne pas examiner les autres motifs d’irrecevabilité invoqués par l’État partie, c’est‑à‑dire l’incompatibilité avec les dispositions de la Convention.

En conséquence le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteure.