Présentée par :

Elisabeth de Blok et al. (représentées par le conseil Marlies S. A. Vegter)

Au nom de :

Les auteurs

État partie :

Pays-Bas

Date de la communication :

24 novembre 2011 (date de la lettre initiale)

Références :

Transmises à l’État partie le 13 janvier 2012 (non publiées sous forme de document)

Date de l’adoption de la décision :

17 février 2014

Annexe

Constatations du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes au titre du Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (cinquante-septième session)

Communication no 36/2012 (Elisabeth de Blok et al. c. les Pays-Bas*)

Présentée par :

Elisabeth de Blok et al. (représentées par le conseil Marlies S. A. Vegter)

Au nom de :

Les auteurs

État partie :

Pays-Bas

Date de la communication :

24 novembre 2011 (date de la lettre initiale)

Références :

Transmises à l’État partie le 13 janvier 2012 (non publiées sous forme de document)

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, institué en vertu de l’article 17 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

Réuni le 17 février 2014,

Adopte ce qui suit :

Constatations au titre du paragraphe 3 de l’article 7 du Protocole facultatif

Les auteurs de la communication sont six ressortissantes des Pays-Bas : Bettina Gerarda Elisabeth de Blok (née en 1972), Jolanda Huntelaar (née en 1974), Titia Helena Spreij (née en 1969), Jacqueline Antoinette Andrews (née en 1971), Henriette Sophie Lesia Koers (née en 1975) et Maria Johanna Hendrika den Balvert (née en 1970). Elles font état de violations par les Pays-Bas de leurs droits au titre de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Elles sont représentées par leur conseil, Marlies S. A. Vegter, de Bosch Advokaten. La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes est entrée en vigueur pour les Pays-Bas le 22 août 1991 et le Protocole facultatif s’y rapportant le 22 août 2002.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Le 1er janvier 1998, la loi sur l’assurance invalidité des travailleurs indépendants est entrée en vigueur, instituant un système d’assurance publique obligatoire pour les travailleurs indépendants, les membres des professions libérales et les conjoints collaborateurs rémunérés contre la perte de revenus en cas d’incapacité à travailler. Les assurés paient des primes à cette fin.

2.2Aux termes du paragraphe 2 de l’article 22 de la loi, les femmes assurées ont droit à une allocation de maternité pendant au moins 16 semaines aux alentours de la date d’accouchement, pour laquelle elles ne paient aucun supplément. L’allocation correspondait à 100 % de l’assiette applicable mais ne pouvait être supérieure au salaire minimum obligatoire (art. 24, lu en parallèle avec l’article 8 de la loi). L’assiette applicable au calcul de l’allocation était fonction du revenu perçu par l’assurée pendant une certaine période (définie dans la loi) précédant l’accouchement.

2.3Le 1er janvier 2001, la loi relative au travail et aux obligations familiales est entrée en vigueur. Elle comportait différents systèmes de congé statutaire permettant de concilier travail et obligations familiales. Le système d’allocations de maternité pour les travailleuses indépendantes, y compris les membres de professions libérales et les conjointes collaboratrices rémunérées, est prévu au paragraphe 19 de l’article 3. Le financement de ce système n’a pas changé.

2.4Le 1er août 2004, l’assurance invalidité publique obligatoire pour les travailleurs indépendants, les membres des professions libérales et les conjoints collaborateurs rémunérés a cessé d’exister après l’entrée en vigueur de la loi annulant l’assurance invalidité des travailleurs indépendants. Par conséquent, les femmes travaillant à leur compte, y compris les membres des professions libérales et les conjointes collaboratrices rémunérées, n’avaient plus droit au système public des prestations de maternité et les travailleurs indépendants devaient souscrire une assurance privée s’ils souhaitaient se prémunir contre une perte de revenus.

2.5Comme suite à la modification de la loi intervenue le 1er août 2004, les travailleuses indépendantes n’avaient pas d’autre choix que de se tourner vers les compagnies d’assurances privées pour obtenir une couverture en cas de grossesse et d’accouchement. Les assureurs privés ont couvert ce risque dans certains cas. Toutefois, pour les travailleuses indépendantes, cette assurance était assortie de restrictions. Presque toutes les polices d’assurance contenaient une clause stipulant que le droit à l’allocation de maternité ne pouvait s’exercer que si la date d’accouchement prévu intervenait au moins deux ans après la date d’entrée en vigueur de la police d’assurance.

2.6Dans le mémoire explicatif qu’il a adressé au Parlement néerlandais concernant le projet de loi annulant l’assurance invalidité des travailleurs indépendants, le Gouvernement a déclaré, au sujet de l’allocation de maternité pour les travailleuses indépendantes, ce qui suit :

Le Gouvernement s’est demandé si ces prestations devaient faire l’objet d’un dispositif de droit public. Les traités internationaux ne créent pas d’obligation en la matière. La privatisation de cette assurance va dans le sens de la privatisation de l’assurance des travailleurs indépendants contre une perte de revenus due à l’invalidité. Par conséquent, la charge en revient aux travailleurs indépendants eux-mêmes, comme c’est le cas de la charge pour l’incapacité de travailler. Les travailleurs indépendants peuvent évaluer le risque eux-mêmes et, s’ils le souhaitent, prendre les dispositions qui s’imposent. En outre, certains assureurs assurent contre le risque de grossesse et d’accouchement – comme un complément aux prestations visées par la loi relative au travail et aux obligations familiales – sous certaines conditions dans le cadre de l’assurance invalidité.

2.7Le Gouvernement a ajouté que, compte tenu de ce qui précède, il ne voyait pas pourquoi il devrait maintenir un système d’allocations de maternité de droit public pour les travailleuses indépendantes. Selon le Gouvernement, cela signifiait qu’à compter de la date d’abrogation de la loi sur l’assurance invalidité des travailleurs indépendants, aucune allocation de maternité ne serait versée. Il a également déclaré qu’une grossesse intervenant pendant les deux premières années de souscription n’est généralement pas couverte.

2.8Lorsque la loi annulant l’assurance invalidité des travailleurs indépendants est entrée en vigueur, souscrire une assurance grossesse et accouchement auprès d’une compagnie privée n’était pas une option pour les auteurs à cause de la période d’attente de deux ans, car elles ne percevraient pas de prestations pendant cette période. En outre, le coût de l’assurance invalidité privée, y compris l’allocation de maternité, était beaucoup plus élevé que la prime payée par les travailleuses indépendantes en vertu de la loi sur l’assurance invalidité des travailleurs indépendants.

2.9D’autres femmes que les auteurs ont intenté une action en justice contre les assureurs au sujet des conditions restrictives imposées concernant le risque de grossesse et d’accouchement. Elles soutenaient que les assureurs n’étaient pas habilités à appliquer des conditions comme la période d’attente de deux ans car, ce faisant, ils violaient l’interdiction de toute discrimination fondée sur le sexe. Leur argument a été rejeté par les tribunaux de l’État partie. La Cour suprême a estimé qu’il revenait aux compagnies d’assurances d’offrir une police d’assurance invalidité qui soit la même pour les hommes et les femmes, et que la même assurance pouvait également couvrir la perte de revenus résultant d’une grossesse. Elle était d’avis que l’assureur avait notamment la latitude de faire des dérogations dans la police. Les auteurs font valoir que cette décision montre manifestement qu’il faut un système d’assurance publique pour les travailleuses indépendantes, d’autant que les polices d’assurance privée (s’il en existe) n’offrent pas de choix approprié.

2.10L’annulation de l’assurance publique et ses conséquences pour l’allocation de maternité pour les travailleuses indépendantes ont suscité un tel émoi dans l’État partie que, le 4 juin 2008, la loi sur les prestations au titre de la grossesse et de l’accouchement pour les travailleuses indépendantes est entrée en vigueur. Depuis lors, la loi relative au travail et aux obligations familiales accorde aux travailleuses indépendantes le droit à l’allocation de maternité pour une période de 16 semaines. Toutefois, selon les dispositions transitoires de l’article 6 de la loi, les travailleuses indépendantes qui ont accouché avant le 4 juin 2008 ne peuvent prétendre à des prestations au titre de la nouvelle loi, ce qui veut dire que la loi n’a pas d’effet rétroactif.

2.11Avant le début de la procédure judiciaire, les auteurs se sont adressées à leur syndicat, qui est membre de la Confédération syndicale des Pays-Bas. La Confédération et d’autres organisations recevaient de nombreuses plaintes de travailleuses indépendantes qui ne pouvaient pas souscrire d’assurance auprès d’assureurs privés contre le risque de perte de revenus pendant la grossesse après l’annulation de l’assurance publique. Les auteurs font valoir qu’elles ne sont donc pas les seules concernées par ce problème, qui touche beaucoup d’autres femmes aux Pays-Bas.

Situation propre à chacune des auteurs

2.12Les auteurs travaillaient toutes à leur compte après août 2004 et ont accouché entre juin 2005 et mars 2006. Du fait de l’entrée en vigueur, le 1er août 2004, de la loi annulant l’assurance invalidité des travailleurs indépendants, elles n’ont pas perçu de prestations de sécurité sociale pendant la période autour de la naissance de leur enfant lorsqu’elles ne pouvaient pas travailler.

2.13Le 7 mai 2004, Mme De Blok a souscrit une assurance invalidité privée assortie de l’allocation de maternité. Toutefois, l’assureur a refusé de lui verser quoi que ce soit car elle avait pris son congé de maternité avant la fin de la période d’attente de deux ans prévue dans le contrat d’assurance. Elle a fini par recevoir de l’assureur une indemnité de 1 818,76 euros (correspondant à l’allocation à laquelle elle aurait eu droit s’il n’y avait pas eu de période d’attente, moins la franchise de deux mois) parce qu’elle a menacé d’intenter une action en justice.

2.14Suite à des reportages réalisés dans les médias concernant la loi annulant l’assurance invalidité des travailleurs indépendants, Mme Huntelaar et Mme Spreij se sont renseignées sur le coût de l’assurance invalidité privée et ont découvert que les primes étaient prohibitives pour elles. La prime mensuelle pour Mme Huntelaar était si élevée qu’elle équivalait presqu’à son revenu. En outre, elle ne souhaitait pas souscrire une assurance privée dont la prime était inabordable pour elle, d’autant qu’elle ne voulait pas attendre après la période d’exclusion pour avoir un deuxième enfant compte tenu de la date de naissance du premier. Elle avait demandé un devis à cinq assureurs privés mais tous appliquaient une période d’attente de deux ans.

2.15Mmes Andrews, Koers et Den Balvert non plus n’ont pas souscrit d’assurance invalidité privée en raison du montant de la prime et de la période d’attente.

2.16Le 12 décembre 2005, les auteurs ont sollicité une décision déclaratoire du Tribunal de district de La Haye (tribunal de première instance), arguant que l’État avait notamment violé l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention en n’ayant pas institué un système statutaire ouvrant droit à l’allocation de maternité aux travailleuses indépendantes. Elles soutenaient que le libellé de l’article indiquait que l’État avait une obligation claire et concrète d’obtenir un résultat rigoureusement défini, à savoir donner à toutes les femmes qui font un travail rémunéré le droit au congé de maternité assorti d’une indemnisation pour perte de revenus. L’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention impose une obligation d’obtenir un résultat concret. Les auteurs soutenaient en outre que l’État partie n’avait pas respecté le principe selon lequel toute femme enceinte doit être protégée contre les risques de santé et la perte de revenus. Il s’agissait donc d’un cas de discrimination directe fondée sur le sexe qui avait causé aux auteurs un dommage, pour lequel elles demandaient réparation à l’État et le paiement d’une avance sur réparation.

2.17Le 25 juillet 2007, le Tribunal de district de La Haye a rejeté la demande des auteurs, au motif que l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention n’était pas directement applicable en l’espèce car il donnait simplement aux États parties « instruction » d’accorder le congé de maternité mais leur laissait la liberté d’en déterminer les modalités. L’article n’avait donc pas d’effet direct et ne pouvait donc constituer le fondement de la revendication des auteurs à l’égard de l’État.

2.18Le 21 juillet 2009, la Cour d’appel de La Haye a confirmé l’arrêt du Tribunal de district. Elle a conclu que l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention était trop général pour être appliqué par un tribunal, vu que l’article exige seulement des États qu’ils prennent des mesures appropriées, sans prescrire les mesures précises à prendre. La Cour a établi que la durée du congé de maternité, la forme qu’elle doit prendre et le montant de l’allocation n’avaient pas été précisés et que, par conséquent, elle n’était pas en mesure d’appliquer l’article. Le 1er avril 2010, la Cour suprême a confirmé l’arrêt de la Cour d’appel.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs soutiennent que leurs droits au titre de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention ont été violés car l’État partie n’a pris aucune mesure pour instituer le congé de maternité assorti d’une indemnisation pour perte de revenus pour les travailleuses indépendantes pendant la période du 1er août 2004 au 4 juin 2008. Elles demandent au Comité de recommander que l’État partie leur accorde réparation pour le préjudice subi et qu’il prenne les mesures appropriées pour se conformer aux dispositions de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention.

3.2Du 1er août 2004 au 4 juin 2008, période au cours de laquelle l’allocation de maternité a été supprimée puis rétablie, les auteurs ont subi un préjudice car elles n’ont perçu aucune prestation pendant leur congé de maternité. Souscrire une assurance privée n’était pas une option car les primes étaient prohibitives et elles avaient pris leur congé de maternité avant l’expiration de la période d’attente appliquée par les assureurs. Le préjudice subi par les auteurs est égal au montant qu’elles auraient perçu si la loi sur l’assurance invalidité des travailleurs indépendants n’avait pas été abrogée à compter du 1er août 2004. Elles présentent un calcul détaillé du montant du préjudice que chacune d’elles a subi.

3.3Se référant au paragraphe 10.2 des constatations du Comité dans la communication no 3/2004 (Nguyen c. les Pays-Bas), les auteurs soutiennent que tout régime accordant un congé de maternité payé ou des prestations sociales comparables à toutes les femmes qui font un travail rémunéré doit être mis en œuvre dans le respect des obligations visées à l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention. Elles soutiennent également qu’il incombe à l’État partie d’obtenir ce résultat et de le faire en veillant à créer des droits applicables pour les femmes. La marge d’appréciation laissée à l’État partie se limite donc à déterminer les prestations appropriées et à créer différents systèmes pour les femmes travaillant pour leur compte et pour les travailleurs rémunérés. Cela étant, dire qu’aucune prestation n’est appropriée ne relève pas de la marge d’appréciation laissée à l’État partie.

3.4Les auteurs font valoir que la question du congé de maternité payé a été traitée dans les quatrième et cinquième rapports périodiques des Pays-Bas au Comité. En 2007, dans ses observations finales sur le quatrième rapport périodique, le Comité avait exprimé l’opinion suivante concernant la situation des travailleuses indépendantes : « [Le Comité] est en outre préoccupé par … l’abrogation de la loi de 2004 sur l’assurance invalidité des travailleurs indépendants, qui s’est traduite par la disparition des allocations de maternité pour les travailleuses indépendantes … Le Comité demande à l’État partie … d’accorder de nouveau des prestations de maternité à toutes les femmes, conformément à l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention ».

3.5Les auteurs notent qu’avant l’examen du cinquième rapport périodique des Pays-Bas, le Comité avait demandé, comme suit, à l’État partie de fournir des réponses écrites à la liste des questions soulevées : « Le Comité, dans ses précédentes observations finales (CEDAW/C/NLD/CO/4, par. 30), a appelé l’État partie à réinstaurer les allocations de maternité pour toutes les femmes, y compris pour les travailleuses indépendantes et les chefs d’entreprise. Cette mesure a été prise en juillet 2008 après l’entrée en vigueur de la loi sur le travail et les obligations familiales. À cet égard, veuillez indiquer si le Gouvernement a envisagé la mise en place d’un régime de compensation pour les travailleuses indépendantes enceintes entre la révocation de la loi sur l’assurance invalidité de 2004 et juillet 2008. ».

3.6Ces considérations ont conduit les auteurs à la conclusion que, de l’avis du Comité, l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention dispose clairement et sans équivoque que toutes les femmes qui font un travail rémunéré ont droit à un congé de maternité payé et que les travailleuses indépendantes bénéficiaient également de ce droit entre août 2004 et juillet 2008. Les auteurs ayant été privées de ce droit, l’État partie doit les dédommager pour la perte de revenus qu’elles ont subie.

3.7L’État partie a toutefois répondu, en ces termes, à la demande du Comité mentionnée au paragraphe 3.5 ci-dessus :

Le Gouvernement néerlandais ne considère pas que le rétablissement des indemnités de maternité pour les travailleuses indépendantes justifie la mise en place d’un arrangement de compensation pour les femmes qui n’avaient pas droit à des prestations pendant la période où elles entreprenaient des démarches à cette fin. Puisqu’un tel arrangement serait rétroactif, il ne permettrait pas aux femmes concernées d’arrêter de travailler ou de travailler moins pendant les périodes prénatales ou postnatales, situations qui constituent les seules justifications des allocations de maternité. Une décision d’une cour d’appel sur ce sujet est attendue en octobre 2009.

3.8Les auteurs concluent que l’État partie n’est pas disposé à reconnaître les obligations que lui impose l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention et qu’il ne cesse de soutenir devant les juridictions nationales que cette disposition n’a pas d’effet direct et que les auteurs ne peuvent en tirer aucun droit. La Cour suprême a rejeté la requête des auteurs à l’égard de l’État partie.

Observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fondde la communication

4.1Le 12 juillet 2012, l’État partie a présenté ses observations concernant la recevabilité et le fond de la communication. En premier lieu, l’État partie note que la question dont le Comité est saisi était de savoir si l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention a été violé en l’espèce.

4.2Il rappelle que les auteurs étaient des travailleuses indépendantes et qu’elles ont accouché entre 2005 et 2006. Jusqu’au 31 juillet 2004, les travailleurs indépendants étaient obligatoirement assurés contre le risque de perte de revenus due à l’incapacité de travailler, au titre de la loi sur l’assurance invalidité des travailleurs indépendants. Au titre de la loi sur le travail et les obligations familiales, les femmes travaillant à leur compte avaient également droit à une allocation de maternité de l’État, à concurrence de la valeur du salaire minimum statutaire, pour au moins 16 semaines. L’allocation était financée au moyen de cotisations au titre de la loi sur l’assurance invalidité des travailleurs indépendants. Le 1er août 2004, la loi annulant l’assurance invalidité des travailleurs indépendants est entrée en vigueur, mettant ainsi fin aux prestations de maternité dont bénéficiaient les travailleuses indépendantes. Dès lors, elles pouvaient adhérer à un régime d’assurance privée; l’une des auteurs l’a fait mais pas les autres.

4.3Les auteurs ont porté plainte devant le Tribunal de district de La Haye, arguant que l’État aurait dû mettre en place un système d’allocations de maternité approprié, conformément, entre autres, à ses obligations au titre de la Convention. Le Tribunal de district a déclaré leur plainte non fondée. La Cour d’appel de La Haye a confirmé ce jugement. Statuant en cassation, la Cour suprême l’a rejetée au motif que les dispositions de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention n’étaient pas assez précises et qu’elles ne se prêtaient donc pas à une application directe par les juridictions nationales.

4.4L’État partie ajoute que, aux Pays-Bas, l’assurance sociale a toujours eu pour but de protéger les personnes occupant un emploi rémunéré contre le risque de perte de revenus. Au début, les employés n’étaient protégés que contre la perte de revenus découlant de l’incapacité de travailler. Par la suite, la protection a été étendue à l’invalidité, à la maladie, au chômage et à la vieillesse. Depuis les années 50, les personnes non employées sont également protégées et l’assurance nationale a été mise en place. En 1970, la loi sur l’invalidité générale est entrée en vigueur; elle prévoyait l’assurance contre l’incapacité de travailler aussi bien pour les employés que pour les travailleurs indépendants. En 1998, les autorités ont modifié la législation régissant l’incapacité de travailler afin de favoriser la responsabilité et l’initiative personnelles. Des systèmes publics étaient mis en œuvre lorsque les risques étaient extrêmement élevés et que les particuliers ne pouvaient les supporter. La loi sur l’invalidité générale a été abrogée et remplacée par différentes lois pour les employés, les jeunes handicapés et les travailleurs indépendants. La loi sur l’assurance invalidité des travailleurs indépendants, l’un de ces textes législatifs, a mis en place l’assurance invalidité obligatoire pour les travailleurs indépendants, les membres des professions libérales et les conjoints travaillant dans une entreprise familiale.

4.5Avant l’adoption de la loi sur l’assurance invalidité des travailleurs indépendants, il n’existait pas de systèmes publics de prestations de maternité pour les travailleuses indépendantes. Sous certaines conditions, celles-ci pouvaient choisir de souscrire une assurance au titre de la loi sur l’assurance maladie, qui prévoyait une allocation de maternité; une petite proportion de travailleuses indépendantes ont choisi cette option. La loi sur l’assurance invalidité des travailleurs indépendants a mis en place un système d’assurance distinct, financé par le groupe cible lui-même, qui prévoyait une allocation de maternité de 16 semaines pour les travailleuses indépendantes.

4.6En 2001, la loi sur le travail et les obligations familiales a été adoptée en réponse à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne selon laquelle la grossesse ne peut être considérée comme une maladie; les dispositions relatives à la maternité de la loi sur l’assurance invalidité des travailleurs indépendants sont donc déchues. La loi sur le travail et les obligations familiales a aussi regroupé les dispositions existantes régissant le congé en un cadre statutaire unique. Les prestations ont continué d’être financées par les cotisations des assurés.

4.7Au cours des années qui ont suivi, on a estimé que l’entreprise privée supposait l’acceptation des possibilités et des risques qui l’accompagnent. En outre, les travailleurs indépendants pouvaient souscrire une assurance invalidité privée. On a donc estimé que le régime public n’était plus nécessaire. Les pays voisins estimaient eux aussi que la mise en place d’un régime d’assurance pour les travailleurs indépendants ne relevait pas de la responsabilité de l’État. Les travailleurs indépendants eux-mêmes n’étaient pas satisfaits du système institué par la loi sur le travail et les obligations familiales à cause du montant des cotisations et du fait que celles-ci sont basées sur le revenu. C’est pour toutes ces raisons que la loi annulant l’assurance invalidité des travailleurs indépendants a été adoptée en août 2004, supprimant ainsi le système public d’assurance invalidité pour les travailleurs indépendants et le système de prestations de maternité pour les travailleuses indépendantes au titre de la loi sur le travail et les obligations familiales. En 2008, la loi sur le travail et les obligations familiales a été modifiée en vue d’instituer un système public de prestations de maternité visant à protéger la santé des mères et des enfants. Depuis lors, les mères travaillant à leur compte peuvent réclamer des prestations de maternité à concurrence du salaire minimum pour 16 semaines. À la différence du système précédent, les prestations sont financées par des fonds publics et non par des cotisations.

4.8S’agissant de la communication quant au fond, l’État partie réfute l’allégation de violation de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention faite par les auteurs. Il estime que cette disposition n’a pas d’effet direct. Il reconnaît être lié par la Convention mais considère que cela ne signifie pas nécessairement que des dispositions particulières de la Convention ont un effet direct. Il note par ailleurs que ni le texte de la Convention ni l’historique de sa rédaction n’indiquent que la disposition concernée était destinée à avoir un effet direct. Selon l’État partie, la question de savoir si la disposition a un effet direct doit s’apprécier au regard de la législation nationale. Cette question a été soulevée au Parlement néerlandais pendant le débat sur la loi portant approbation de la Convention. Le Gouvernement avait alors affirmé que l’article 7 avait un effet direct mais doutait que les juridictions nationales attribueraient un effet direct, par exemple, au paragraphe 2 de l’article 11.

4.9Selon l’article 93 de la Constitution, les dispositions des traités qui peuvent être contraignantes pour tous de par leur teneur le deviennent après avoir été publiées dans l’État partie. Ces dispositions produisent un effet direct dans le système juridique des Pays-Bas et n’exigent pas l’adoption d’une loi d’application. Pour décider si ces dispositions peuvent être contraignantes pour tous de par leur teneur, il faut vérifier si elles imposent des obligations ou confèrent des droits et si elles ne sont assorties d’aucune condition et sont suffisamment claires pour être appliquées par les tribunaux dans les affaires dont ils sont saisis.

4.10L’État partie considère que l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention est assorti de conditions et n’est pas suffisamment clair pour être appliqué par les juridictions nationales dans les affaires dont elles sont saisies. L’article exige des États parties qu’ils prennent des « mesures appropriées » pour empêcher la discrimination à l’égard des femmes en raison de la maternité; c’est donc une obligation d’effort maximal, mais l’article ne définit pas de règles claires pour atteindre cet objectif. Il n’indique pas les priorités que les États parties doivent fixer ni les droits qui doivent avoir prééminence et ne précise pas la forme que le congé de maternité doit prendre ou les conditions connexes. Selon l’État partie, la disposition n’exige pas la mise en place d’un système particulier de congé de maternité mais vise plutôt à garantir aux femmes le droit de travailler effectivement, y compris en cas de grossesse et de maternité. Ce droit n’est pas assez précis pour être appliqué directement par les juridictions nationales. Celles-ci ont maintenu cette position à trois reprises dans la présente communication. En outre, dans deux arrêts, le Tribunal central des recours pour la fonction publique et la sécurité sociale a souligné que cette disposition était une obligation d’effort maximal, sans effet direct.

4.11L’État partie juge non pertinente en l’espèce la référence que les auteurs ont faite aux constatations du Comité en l’affaire Nguyen c. les Pays-Bas, indiquant que dans cette affaire le Comité a expliqué qu’aux termes de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention, les États parties doivent accorder un congé de maternité payé ou des prestations sociales comparables. Toutefois, le Comité a également déclaré que cette disposition laissait aux États parties toute latitude de décider de la forme que devrait prendre le régime des prestations. En outre, le Comité a indiqué que les États parties étaient autorisés à prendre différentes mesures pour les femmes salariées et les femmes travailleuses indépendantes.

4.12L’État partie ajoute que le fait qu’il ait accepté le Protocole facultatif à la Convention ne signifie pas, comme le prétendent les auteurs, que toutes les dispositions de la Convention sont si précises qu’elles ont un effet direct. La question de savoir si un État partie a pris des mesures suffisantes pour appliquer une disposition est différente de celle de savoir si la disposition a un effet direct. Autrement, la Convention aurait imposé des obligations différentes aux États qui sont également parties au Protocole facultatif et à ceux qui ne le sont pas. Le Protocole facultatif n’offre qu’une procédure et n’explicite pas les dispositions de la Convention.

4.13Selon l’État partie, les auteurs font une interprétation trop large de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention, lorsqu’elles prétendent qu’il s’applique aussi bien aux employés rémunérés qu’aux travailleurs indépendants. L’État partie pense que cette disposition ne s’applique qu’aux femmes qui occupent un emploi rémunéré. Le texte indique qu’il faut accorder un congé de maternité « payé »; le terme « payé » renvoie à l’emploi rémunéré. On ne peut l’interpréter comme signifiant accorder une protection aux travailleurs indépendants. Les personnes travaillant à leur compte ne sont pas dans une relation de dépendance et ont le droit de prendre congé et de retourner travailler après la grossesse compte tenu de leur statut de travailleur indépendant. Ces personnes peuvent elles-mêmes prendre des mesures pour se prémunir contre le risque de perte de revenus en épargnant et en souscrivant une assurance. C’est la différence fondamentale entre les travailleurs indépendants et les employés rémunérés.

4.14L’État partie ajoute que l’interprétation large que les auteurs font de l’article 11 n’est pas non plus évidente lorsqu’on le compare aux dispositions d’autres traités internationaux. La Charte sociale européenne et les conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT) contiennent des dispositions semblables à l’article 11. Le parallèle avec les conventions de l’OIT est reconnu non seulement par l’État partie mais aussi par l’OIT elle-même. Les conventions de l’OIT portent exclusivement sur la protection des employés ayant un contrat d’emploi et non sur la protection des travailleurs indépendants.

4.15Concernant l’argument des auteurs selon lequel les autorités auraient dû indemniser les travailleuses indépendantes pour la perte de revenus découlant de la maternité et les conditions de l’assurance maternité privée étaient moins favorables que celles du système d’assurance publique obligatoire précédemment en place, l’État partie note tout d’abord que, même s’il a l’obligation de prendre des dispositions pour les travailleurs indépendants, il lui est loisible de décider de la forme que celles-ci devraient prendre. Les autorités sont libres, lorsqu’elles prennent des « mesures appropriées », de définir les détails de la politique relative à la maternité et les prestations correspondantes. Elles peuvent mettre en place un système public ou laisser le soin au secteur privé de le faire. En outre, l’historique de la rédaction de la Convention montre qu’on a délibérément décidé de laisser au choix la manière dont le coût des mesures visées à l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 serait financé. La participation des autorités n’est pas nécessaire lorsque, comme en l’espèce, les travailleurs indépendants peuvent souscrire une assurance privée appropriée. Par ailleurs, l’État partie a facilité l’assurance privée en rendant les primes déductibles du revenu imposable. Certains travailleurs indépendants ont pu volontairement s’assurer en vertu de la loi sur l’assurance maladie, qui ouvre droit à l’allocation de maternité pour une période de 16 semaines. De l’avis de l’État partie, il existait donc un système de prestations de maternité approprié pour les travailleuses indépendantes.

4.16L’État partie ajoute que le fait que les auteurs aient trouvé les conditions offertes par les assureurs privés, notamment l’existence d’une période d’attente, moins attractives ne permet pas de conclure que les autorités n’ont pas pris les dispositions appropriées. Les compagnies d’assurances sont en principe libres de déterminer l’ampleur du risque, le niveau des prestations et les conditions de l’assurance. Les assureurs appliquent une période d’attente car, à la différence de la maladie et de l’incapacité de travailler, la grossesse n’implique pas un risque imprévisible. La loi sur l’égalité de traitement garantit que les compagnies d’assurances ne fassent pas de distinction inadmissible fondée sur le sexe et la maternité.

4.17L’État partie conclut que, compte tenu des considérations qui précèdent, il n’y a pas eu violation de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention dans le cas d’espèce.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie

5.1Le 24 septembre 2012, les auteurs ont présenté leurs commentaires sur les observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond. S’agissant de la question de l’effet direct, elles font valoir que le libellé de la première phrase du paragraphe 2 de l’article 11 et l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention imposent clairement une obligation concrète à l’État partie d’atteindre un certain résultat, qui est d’accorder aux femmes qui font un travail rémunéré le droit de recevoir compensation pour la perte de revenus pendant la maternité. Dans l’entendement des auteurs, les États parties doivent veiller à ce que les femmes qui font un travail rémunéré aient droit au congé de maternité. Selon les auteurs, il n’est pas permis aux États parties de décider de ne pas instituer un système de congé de maternité pour les travailleuses.

5.2Par ailleurs, les auteurs réfutent l’argument de l’État partie selon lequel, faute de détails, l’obligation qu’impose la Convention de prendre des « mesures appropriées » pour instituer le congé de maternité n’a pas d’effet direct. Les auteurs notent que si les États parties sont tenus de prendre des mesures appropriées pour accorder le congé de maternité, cela ne signifie pas qu’il leur est loisible de ne pas prendre de mesures. À leur avis, la première phrase du paragraphe 2 de l’article 11 et l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention imposent aux États parties l’obligation d’accorder le congé de maternité. Dans le cas d’espèce, aucune disposition n’a été prise pour les auteurs. La disposition de la Convention en question est suffisamment détaillée et non assortie de conditions pour être appliquée par les tribunaux. De l’avis des auteurs, même si on peut argumenter sur l’ampleur du congé de maternité à instituer, rien ne donne à penser que l’État partie n’a pas l’obligation de créer un dispositif. Les auteurs soutiennent que le libellé de la première phrase du paragraphe 2 de l’article 11 et de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 est suffisant et aussi détaillé que possible, vu qu’il aurait été impossible de décrire en détail dans un traité comme la Convention ce à quoi devrait ressembler le congé de maternité dans tous les États parties, étant donné la diversité des systèmes juridiques de ces États.

5.3Par ailleurs, les auteurs jugent incorrecte l’explication de l’État partie selon laquelle, dans le système juridique néerlandais, une disposition n’a d’effet direct que lorsqu’elle n’exige pas l’adoption d’une loi nationale d’application. Elles soutiennent que le système juridique reconnaît les trois types suivants de dispositions dans les conventions : les dispositions servant d’instructions qui ne peuvent être invoquées directement devant les tribunaux; les dispositions suffisamment détaillées qui peuvent être invoquées directement devant les tribunaux, quand bien même leur application exige d’autres mesures législatives; et les dispositions clairement définies, dont les justiciables peuvent se prévaloir devant les tribunaux. Les auteurs ajoutent que la Cour suprême des Pays-Bas a qualifié l’article 7 de la Convention de disposition du deuxième type dans l’affaire Staatkundig Gereformeerde Partij (SGP), soutenant que l’État partie doit prendre d’autres mesures pour faire en sorte que le SGP accorde effectivement aux femmes le droit de se présenter aux élections et que l’État doit user d’instruments qui sont efficaces et affectent le moins possible les droits fondamentaux (des membres) du SGP.

5.4De l’avis des auteurs, la première phrase de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 relève de la même catégorie que l’article 7; la Cour suprême aurait donc dû considérer que cette disposition a également un effet direct, étant donné que l’objectif à atteindre est suffisamment clair et que la disposition fait obligation à l’État de prendre d’autres mesures pour atteindre cet objectif. Elles ne comprennent pas pourquoi la Cour n’a pas suivi la même démarche pour les deux articles et pourquoi la Cour n’a pas motivé sa décision de façon plus détaillée.

5.5Les auteurs notent que, lorsque la législation portant approbation de la Convention a été élaborée, le Gouvernement a estimé que l’article 7 aurait un effet direct. Il n’a toutefois pas fait d’observation similaire au sujet de l’article 11, ce qui, selon les auteurs, ne signifie pas qu’un tribunal n’est pas habilité à décider que l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 a également un effet direct. De l’avis des auteurs, dans l’État partie, ce sont les tribunaux qui déterminent si telle ou telle disposition a un effet direct. Selon les auteurs, les tribunaux devraient tenir compte du temps considérable qui s’est écoulé depuis l’adoption de la Convention et du fait que la Convention est un instrument évolutif. Des dispositions qui ont pu précédemment être considérées strictement comme n’ayant pas d’effet direct peuvent être perçues différemment aujourd’hui.

5.6Les auteurs jugent non pertinente en l’espèce la référence faite par l’État partie aux arrêts du Tribunal central de recours de janvier 2000 et d’avril 2003. Elles ne partagent pas la conclusion du Tribunal selon laquelle la première phrase du paragraphe 2 de l’article 11 et l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 n’ont pas d’effet direct. Elles font valoir que l’affaire de janvier 2000 concernait l’inscription à un programme d’études pendant que l’intéressé bénéficiait de prestations; c’était seulement dans un sens général que le Tribunal a jugé que l’article 11 n’avait pas d’effet direct. L’autre arrêt, en avril 2003, concernait la décision soumise au Comité en l’affaire Nguyen. Dans cette affaire, le Comité a décidé que la première phrase du paragraphe 2 de l’article 11 et l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 ordonnaient aux États parties d’accorder le congé de maternité avec maintien du salaire ou d’autres avantages sociaux; de l’avis des auteurs, cela signifie que les États sont tenus d’instituer un système de congé de maternité, même si la forme que ce système doit prendre est laissée au choix.

5.7Les auteurs considèrent que les constatations du Comité en l’affaire Nguyen sont pertinentes dans le cas d’espèce. Selon elles, la Cour suprême aurait dû tenir compte des vues du Comité en l’affaire Nguyen pour déterminer si la première phrase du paragraphe 2 de l’article 11 et l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 avaient un effet direct dans le cas d’espèce.

5.8Elles se réfèrent aux observations finales adoptées par le Comité après examen du cinquième rapport périodique des Pays-Bas, dans lesquelles le Comité a déploré que la question de l’applicabilité directe des dispositions de la Convention continue d’être arbitrée par les tribunaux nationaux et, partant, de donner lieu à des divergences d’opinions et que les Pays-Bas aient soutenu devant les tribunaux que les dispositions de fond de la Convention n’étaient pas directement applicables. Le Comité avait fait de nouveau observer que, du fait de la position de l’État partie, c’est au système judiciaire qu’il appartient de déterminer si telle ou telle disposition de la Convention est directement applicable et que les mesures prises par l’État partie pour lutter contre la discrimination à l’égard des femmes et pour transposer toutes les dispositions de fond de la Convention dans les lois du pays sont donc insuffisantes. Les auteurs soutiennent que l’État partie fait fi des observations finales du Comité quant à l’effet direct qu’ont la première phrase du paragraphe 2 de l’article 11 et l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11. Elles soulignent que l’interprétation d’un organe judiciaire et de supervision doit faire partie de l’évaluation et que les tribunaux ont omis à tort de tenir compte d’une telle interprétation dans leur cas.

5.9Compte tenu de la décision du Comité en l’affaire Nguyen, l’État partie sait que la première phrase du paragraphe 2 de l’article 11 et l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 lui imposent d’accorder le congé de maternité aux femmes qui travaillent. Selon les auteurs, cette disposition devrait avoir un effet direct, exigeant des autorités qu’elles prennent d’autres mesures. L’indemnisation réclamée par les auteurs se fonde sur le système statutaire dont bénéficiaient les travailleuses indépendantes jusqu’en août 2004 et qui a été rétabli en juin 2008. De l’avis des auteurs, on peut considérer que, par ce système, l’État partie s’acquitte de l’obligation que l’article 11 de la Convention met à sa charge.

5.10Les auteurs ajoutent que l’État partie ne peut pas faire fi de ses obligations internationales en invoquant le droit interne et notent que les États parties sont comptables de leur système judiciaire. L’État partie a accepté l’article 11 de la Convention comme une source d’obligations contraignantes. Le Comité, qui a un rôle de supervision, a donné une interprétation large du champ d’application de l’article, qui lie l’État partie.

5.11S’agissant de l’argument de l’État partie selon lequel l’article 11 ne s’applique pas aux travailleuses indépendantes car le congé « payé » concerne les femmes salariées, les auteurs soutiennent que la première phrase du paragraphe 2 de l’article 11 et l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 font état non seulement de garantie du maintien du salaire mais aussi de congé « payé ouvrant droit à des prestations sociales comparables ». Selon les auteurs, l’argument de l’État partie est erroné, le terme « payé » ayant un sens plus large que l’emploi rémunéré. Elles notent que, en l’affaire Nguyen, il a été tenu compte de l’historique de l’élaboration de la Convention et que le Comité a conclu que la première phrase du paragraphe 2 de l’article 11 et l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 s’appliquaient aux travailleuses indépendantes. En outre, l’État partie ne s’était pas prononcé sur les arguments développés par les auteurs sur ce sujet dans leur communication initiale.

5.12S’agissant de l’argument de l’État partie selon lequel les travailleuses indépendantes devraient prendre les dispositions nécessaires pour s’offrir le congé de maternité, les auteurs réaffirment qu’elles n’avaient pas de choix étant donné qu’après la suppression du dispositif statutaire en 2004 la plupart des polices d’assurance privée prévoyaient une période d’exclusion de deux ans. En outre, les auteurs ne pouvaient pas supporter le coût de l’assurance privée car leurs revenus étaient relativement faibles, ce que l’État partie n’avait pas réfuté, même s’il a fait observer que les primes étaient déductibles du revenu imposable. Par conséquent, les femmes travailleuses indépendantes avaient particulièrement besoin d’un système de congé de maternité; l’État partie en était conscient lorsqu’il a rétabli le système de congé de maternité pour les travailleuses indépendantes en 2008.

5.13S’agissant de l’argument de l’État partie selon lequel il s’est acquitté de ses obligations au titre de l’article 11 car les auteurs auraient pu souscrire une assurance privée, les auteurs font valoir qu’elles s’étaient plaintes devant les tribunaux du fait que la période d’exclusion de deux ans imposée par les assureurs était discriminatoire à l’égard des femmes mais que les tribunaux ont rejeté leur argument. Les auteurs estiment donc que la loi sur l’égalité des sexes était inefficace.

5.14Les auteurs ajoutent que seules les femmes qui ont été des employées et qui sont devenues travailleuses indépendantes par la suite pouvaient souscrire volontairement une assurance maladie privée.

5.15En conclusion, les auteurs indiquent que lors du rétablissement du système de congé de maternité en 2008, on se serait attendu à ce que l’État partie offre une compensation appropriée aux travailleuses indépendantes qui avaient accouché entre le 1er août 2004 et le 4 juin 2008.

5.16Enfin, les auteurs qualifient d’incorrecte la référence que l’État partie a faite à la situation dans les pays voisins. Pour étayer leur argument, elles se réfèrent à une recommandation que la Commission de l’égalité de traitement a formulée à l’intention du Gouvernement de l’État partie en 2007, sur la base d’une étude comparative, sur le fait que les Pays-Bas étaient le seul État, parmi les 29 États membres de l’Espace économique européen de l’époque, où il n’existait pas de système de congé de maternité des travailleuses indépendantes financé par des fonds publics.

Observations supplémentaires de l’État partie

6.1Le 10 avril 2013, l’État partie a contesté la thèse des auteurs selon laquelle il avait déclaré que les dispositions de la Convention n’avaient d’effet direct que si elles n’exigeaient pas d’autres textes d’application. Se référant à ses précédentes observations, il a expliqué que toute disposition conventionnelle devait être examinée afin de déterminer si elle avait un effet direct, c’est-à-dire si la disposition conférait des droits aux citoyens ou leur imposait des obligations et si elle n’était pas assortie de conditions et était suffisamment précise pour être appliquée par les tribunaux dans les affaires dont ils étaient saisis.

6.2S’agissant de la référence que les auteurs ont faite à la jurisprudence de la Cour suprême des Pays-Bas, selon laquelle la Cour a accepté que l’article 7 de la Convention avait un effet direct (voir par. 5.3 ci-dessus), l’État partie confirme que, dans l’affaire SGP, la Cour a soutenu que « l’État partie doit prendre d’autres mesures pour faire en sorte que le SGP accorde effectivement aux femmes le droit de se présenter aux élections et que l’État doit user d’instruments qui sont efficaces et affectent le moins possible les droits fondamentaux (des membres) du SGP ». L’État partie conteste toutefois toute idée donnant à penser que la Cour entendait par là des mesures statutaires, arguant qu’il ressort clairement de l’arrêt en question que le passage cité visait l’adoption de mesures de coercition à l’égard du SGP et non de mesures statutaires.

6.3S’agissant de l’idée, avancée par les auteurs, que le système de prestations au titre du travail indépendant et de la grossesse de 2008 a été institué par l’État partie en vue de remplir l’obligation imposée par l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention, l’État partie réaffirme que cette disposition n’impose aucune obligation d’instituer un tel système; c’est plutôt pour protéger la santé des femmes et des enfants que le système a été mis en place.

6.4S’agissant de la thèse des auteurs selon laquelle, dans l’affaire Nguyen, le Comité a souligné que l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention s’appliquait aux travailleuses indépendantes, l’État partie note que l’affaire en question concernait l’accumulation de droits au titre des systèmes en vigueur à l’époque, à savoir celui destiné aux femmes occupant un emploi rémunéré, d’une part, et celui destiné aux travailleuses indépendantes, d’autre part. Dans l’affaire Nguyen, le Comité a décidé que l’État partie pouvait instituer différents systèmes pour les femmes salariées et pour les travailleuses indépendantes, mais n’a pas explicitement dit que l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 s’appliquait aux travailleuses indépendantes.

6.5Enfin, l’État partie qualifie d’incorrect l’argument des auteurs selon lequel le Gouvernement a déclaré que, dans les pays voisins non plus, la mise en place d’un système de prestations de maternité pour les travailleuses indépendantes n’était pas considérée comme une responsabilité de l’État. Dans ses observations antérieures, l’État partie a indiqué que l’assurance invalidité des travailleurs indépendants n’était pas considérée comme une responsabilité de l’État dans les pays voisins; c’était l’une des raisons pour lesquelles il avait été mis fin au système institué par la loi sur l’assurance invalidité des travailleurs indépendants.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1En application de l’article 64 de son règlement intérieur, le Comité décide si la communication est recevable au regard des dispositions du Protocole facultatif à la Convention. En application du paragraphe 4 de l'article 72 de ce règlement intérieur, il en décide avant de se prononcer sur le fond de la communication.

7.2Conformément à l’alinéa a) du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif, le Comité s’est assuré que l’affaire n’était pas ou n’avait pas été examinée dans le cadre d’une autre procédure d’enquête ou de règlement au niveau international.

7.3En outre, le Comité note que l’État partie n’a pas contesté la recevabilité de la communication et qu’il n’a aucun motif de juger la communication irrecevable. Il estime donc que la communication est recevable.

Examen au fond

8.1Le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de l’ensemble des informations qui lui ont été communiquées par les auteurs et par l’État partie, comme le prévoit le paragraphe 1 de l’article 7 du Protocole facultatif.

8.2Le Comité a pris note de la thèse des auteurs selon laquelle, n’ayant pas bénéficié de prestations de maternité en raison de la réforme du système menée en 2004, elles ont droit à une indemnisation correspondant aux prestations qu’elles auraient perçues en vertu de la loi sur l’assurance invalidité des travailleurs indépendants avant la réforme. Il a également pris note de l’argumentation de l’État partie selon laquelle l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 ne s’applique qu’aux femmes qui occupent un emploi rémunéré et ne peut pas être interprété comme signifiant accorder une protection aux travailleurs indépendants; les travailleurs indépendants peuvent eux-mêmes prendre des mesures pour se prémunir contre le risque de perte de revenus en épargnant ou en souscrivant une assurance privée; l’intervention des autorités n’est pas nécessaire puisque les travailleurs indépendants peuvent souscrire une assurance privée appropriée contre ce risque; il existait un système de prestations de maternité approprié, puisque certaines travailleuses indépendantes ont pu volontairement s’assurer en vertu de la loi sur l’assurance maladie, qui ouvre droit à l’allocation de maternité pour une période de 16 semaines; et, en outre, l’État partie avait même facilité l’assurance privée pour les travailleurs indépendants en rendant les primes déductibles du revenu imposable.

8.3La question dont le Comité est saisi est donc celle de savoir si, en éliminant le système de congé de maternité qui s’appliquait également aux travailleuses indépendantes en 2004, l’État partie a violé les droits des auteurs au titre de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention, vu qu’elles se sont retrouvées, de fait, sans prestations de congé de maternité lorsqu’elles ont accouché en 2005 et 2006.

8.4S’agissant de l’argument de l’État partie selon lequel l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention ne s’applique pas aux travailleuses indépendantes, le Comité note que rien, dans le texte de l’article 11 en général et, plus spécifiquement, de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11, n’étaye une interprétation aussi étroite. Il relève au contraire que, durant le dialogue constructif qu’il a tenu avec les représentants de l’État partie dans le cadre de l’examen des rapports périodiques, dans ses observations finales et dans sa jurisprudence, il a traité de la situation des travailleurs indépendants en se référant aux dispositions figurant dans différents alinéas de l’article 11 et, plus particulièrement, dans l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11. En outre, le Comité rappelle que, dans l’affaire Nguyen, à laquelle les auteurs et l’État partie font référence, il a fondé sa conclusion sur le principe selon lequel, s’agissant de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11, les termes « toutes les travailleuses » s’appliquent non seulement aux employées mais aussi aux travailleuses indépendantes. De l’avis du Comité, l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 s’applique donc également aux travailleuses indépendantes et pas exclusivement aux employées.

8.5Le Comité prend également note de l’arrêt en date du 25 juillet 2007, dans lequel le Tribunal de district de La Haye a conclu que l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention n’était pas directement applicable car il donnait simplement aux États parties « instruction » d’accorder le congé de maternité mais leur laissait la liberté d’en déterminer les modalités. Il note par ailleurs l’argument de l’État partie selon lequel l’obligation de prendre des « mesures appropriées » pour empêcher la discrimination à l’égard des femmes en raison de la maternité est seulement une obligation d’effort maximal. Le Comité rappelle que, dans ses observations finales concernant le quatrième rapport périodique de l’État partie, il avait estimé que les dispositions de la Convention étaient directement applicables. Il s’était déclaré profondément préoccupé par l’état de l’application de la Convention dans le système juridique de l’État partie et, en particulier, par le fait que les autorités continuaient de considérer que les dispositions de fond de la Convention n’étaient pas toutes directement applicables.

8.6Le Comité note que, à cette occasion, l’État partie avait été invité à reconsidérer sa position selon laquelle toutes les dispositions de fond de la Convention n’étaient pas directement applicables en droit néerlandais et à faire en sorte que toutes les dispositions de la Convention le soient pleinement. Il rappelle en outre qu’en ratifiant la Convention et son Protocole facultatif, l’État partie a souscrit à l’obligation de remédier aux violations de tous les droits personnels garantis par la Convention. Il rappelle également qu’il s’était déclaré préoccupé par l’abrogation de la loi de 2004 sur l’assurance invalidité (travailleurs indépendants), qui s’était traduite par la disparition des allocations de maternité pour les travailleuses indépendantes; il avait spécifiquement invité l’État partie à accorder de nouveau des prestations de maternité à toutes les femmes, y compris aux travailleuses indépendantes, conformément à l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention. Par ailleurs, le Comité renvoie à sa recommandation générale no 28, qui dispose que la question de l’applicabilité directe des dispositions de la Convention à l’échelon national est une question de droit constitutionnel qui dépend du statut que l’ordre juridique national reconnaît aux conventions internationales. Selon la Convention, l’État partie est donc tenu de donner effet aux dispositions de la Convention (art. 18 de la Convention), c’est-à-dire d’appliquer les dispositions de la Convention ou d’en assurer l’application, ce qui signifie que l’État partie ne peut pas invoquer le défaut d’applicabilité directe ou des concepts tels que des « instructions » ou « l’obligation d’effort maximal » pour ne pas s’acquitter des obligations que lui imposent les dispositions de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention.

8.7Le Comité note en outre que si les États parties disposent d’une certaine marge d’appréciation quant à la mise en œuvre pratique des obligations au titre de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention, dans le cas d’espèce, après avoir initialement institué un système obligatoire de congé de maternité pour tous, dont bénéficiaient également les travailleuses indépendantes, même si celles-ci étaient financées au moyen d’une affectation budgétaire spécifique, l’État partie a supprimé le système en question en 2004 sans instaurer de mesures transitoires et décidé que les travailleuses indépendantes ne bénéficieraient plus du régime d’assurance publique mais qu’elles devaient souscrire une assurance privée pour perte de revenus pendant la maternité. En conséquence, les auteurs se sont retrouvées sans assurance congé de maternité le 1er août 2004. Les auteurs ont cherché à souscrire une assurance privée mais, fait que l’État partie n’a pas réfuté, toutes sauf une en ont été dissuadées par le coût de l’assurance, vu que leur revenu était relativement bas. En outre – autre fait que l’État partie n’a pas réfuté –, les assureurs privés appliquaient aux nouveaux souscripteurs une période d’exclusion de deux ans au cours de laquelle aucune prestation de maternité pour perte de revenus ne pouvait être versée en cas de congé de maternité.

8.8Le Comité note que l’État partie n’a pas remis en question les allégations des auteurs, se contentant de donner les explications suivantes : les autorités disposaient d’une marge d’appréciation pour décider des modalités précises d’application d’un système d’assurance congé de maternité; les primes de cette assurance étaient déductibles du revenu imposable; et, dans tous les cas, les assureurs privés étaient libres de déterminer les paramètres financiers précis de la couverture des risques.

8.9Le Comité note que, dans ces circonstances, après avoir accouché en 2005 et 2006, les auteurs n’ont pas reçu d’allocations pour perte de revenus pendant leur congé de maternité, à l’exception de Mme De Blok, qui avait souscrit une assurance privée et reçu un versement forfaitaire de son assureur, mais seulement après qu’elle ait notifié à la compagnie d’assurances son intention d’intenter une action en justice. Le fait que l’État partie n’ait pas assuré les allocations de maternité a eu des effets préjudiciables sur ces femmes enceintes et constitue donc une discrimination directe à caractère sexiste à l’encontre des femmes et une violation de l’obligation faite à l’État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination en vertu de l’article 11 de la Convention. Le Comité estime donc qu’en supprimant le système public de congé de maternité qui existait initialement, sans mettre en place un dispositif de rechange couvrant la perte de revenus pendant le congé de maternité dont les auteurs, travailleuses indépendantes, pouvaient bénéficier immédiatement lorsqu’elles ont accouché, l’État partie a failli à ses obligations au titre de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention.

9.S’autorisant du paragraphe 3 de l’article 7 du Protocole facultatif relatif à la Convention et tenant compte de toutes les considérations exposées ci-dessus, le Comité est d’avis que l’État partie n’a pas rempli ses obligations et qu’il a ainsi violé les droits dont jouissent les auteurs en vertu de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention. Il fait à l’État partie les recommandations suivantes :

a)Concernant les auteurs de la communication :

Leur accorder des réparations appropriées, notamment monétaires, pour la perte de revenus découlant de la maternité;

b)Concernant le contexte général :

Le Comité note que l’État partie a modifié sa législation en juin 2008 (avec l’entrée en vigueur de la loi sur le travail et les obligations familiales) et a institué un système de congé de maternité dont bénéficient également les travailleuses indépendantes, ce qui permettra d’éviter que des violations semblables se produisent à l’avenir. Il note cependant qu’il n’est pas possible pour les travailleuses indépendantes, comme les auteurs, qui ont accouché entre le 1er août 2004 et le 4 juin 2008, d’obtenir réparation. L’État partie est par conséquent invité à étudier la situation de ces femmes et à y remédier.

10.Conformément au paragraphe 4 de l’article 7 du Protocole facultatif, l’État partie examinera dûment les constatations et les recommandations du Comité, auquel il soumettra, dans un délai de six mois, une réponse écrite, l’informant de toute action menée à la lumière de ses constatations et recommandations. L’État partie est également prié de publier les constatations et les recommandations du Comité et de les distribuer largement, de façon à ce qu’elles parviennent à tous les secteurs concernés de la société.

[Adopté en anglais (version originale), en arabe, en chinois, en espagnol, en français et en russe.]