Communication présentée par :

N. (représentée par un conseil, Ilse van Kuilenburg)

Au nom de :

L’auteur

État partie :

Pays-Bas

Date de la communication :

16 février 2012 (date de la lettre initiale)

Références :

Communiquée à l’État partie le 28 février 2012 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision :

17 février 2014

Annexe

Décision du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes au titre du Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (cinquante-septième session)

* Les membres suivants du Comité ont participé à l'examen de la présente communication: Ayse Feride Acar, Olinda Bareiro-Bobadilla, Niklas Bruun, Náela Gabr, Hilary Gbedemah, Ruth Halperin-Kaddari, Yoko Hayashi, Ismat Jahan, Dalia Leinarte, Violeta Neubauer, Theodora Nwankwo, Pramila Patten, Silvia Pimentel, Maria Helena Pires, Biancamaria Pomeranzi, Patricia Schulz et Xiaoqiao Zou.

Communication no 39/2012 ; N. c. Les Pays-Bas*

Présentée par :

N. (représentée par un conseil,Ilse van Kuilenburg)

Au nom de :

L’auteur

État partie :

Pays-Bas

Date de la communication :

16 février 2012 (date de la lettre initiale)

Références :

Communiquée à l’État partie le 28 février 2012 (non publiée sous forme de document)

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,institué en vertu de l’article 17 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

Réuni le 17février 2014,

Adopte ce qui suit :

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteur de la communication est N., ressortissante mongole, née le 10 juin 1987. Elle a demandé asile aux Pays-Bas; sa demande a été rejetée et, au moment de la soumission de la communication, elle était en attente d’expulsion vers la Mongolie. Elle affirme que le rejet de sa demande d’asile constitue une violation, par les Pays-Bas, des articles 1, 2 e), 3 et 6 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. L’auteur est représentée par un conseil, Ilse van Kuilenburg. La Convention et le Protocole facultatif y relatif sont entrés en vigueur pour l’État partie les 22 août 1991 et 22 août 2002, respectivement.

1.2Le 28 février 2012, le Comité a décidé de ne pas accéder à la demande de mesures conservatoires que l’auteur avait présentée le 16 février 2012.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur est célibataire. Orpheline, elle a été élevée à Darkan (Mongolie) et n’a qu’un frère, qui est incarcéré depuis mai 2004. Elle a un fils, G.

2.2En août 2007, à l’âge de 20 ans, l’auteur a commencé à travailler pour M. L. dans son hôtel à Oulan-Bator. Comme l’hôtel était fréquenté par des personnes influentes en Mongolie, telles que des ministres, des banquiers et des parlementaires, M. L. avait des relations. En octobre 2008, l’auteur a également commencé à travailler au domicile de M. L. comme femme de ménage pour accroître son revenu en vue d’achever ses études et d’acheter une maison.

2.3En décembre 2008, M. L. a violé l’auteur, qui est devenue enceinte de son fils, G. Deux jours après l’incident, un collègue, N., lui a suggéré de dénoncer le viol à la police. L’auteur s’est rendue à un poste de police à Oulan-Bator et a porté plainte contre M. L. Trois ou quatre jours plus tard, la police est venue à l’hôtel et M. L. a été placé en garde à vue. Celui-ci a été remis en liberté soixante-douze heures plus tard. Il est revenu à l’hôtel et a dit à l’auteur qu’elle ne pouvait rien faire contre lui puisqu’il avait de l’argent et des relations. Il lui a également rappelé qu’il détenait son passeport, son certificat de naissance et son diplôme.

2.4M. L. a forcé l’auteur à retourner chez lui. On ne lui a plus permis de travailler à l’hôtel. M. L. l’a enfermée dans une petite pièce chez lui. Alors qu’elle était enceinte, il lui a régulièrement fait subir des violences, tant sexuelles que physiques. Un jour, il l’a frappée et ligotée, et l’a attaquée avec des ciseaux, un couteau et une fourchette.

2.5Deux mois plus tard, M. L. ayant omis de fermer la porte à clef, l’auteur a réussi à s’échapper et est allée porter plainte à un poste de police. La police a pris des photographies de ses blessures et a enregistré sa déclaration. Étant donné qu’elle n’avait nulle part où aller, elle est retournée chez M. L. Le soir, celui-ci lui a dit que des policiers l’avaient contacté, qu’il leur avait versé un pot-de-vin et que la police ne ferait donc rien pour la protéger; puis il l’a frappée une nouvelle fois.

2.6Fin février 2009, l’auteur a réussi à s’échapper une nouvelle fois. Elle a demandé de l’aide à son ancien collègue, N., qui l’a conduite dans une maison familiale située dans une petite ville mongole, Bayandelger, où elle a passé deux mois. En mars 2009, deux hommes l’ont arrachée de force à cette maison et l’ont renvoyée chez M. L.

2.7Quelques jours plus tard, l’auteur a réussi à s’échapper de chez M. L. Son ancien collègue, N., l’a conduite à Khuder, petite ville de province, où elle a passé un mois. Fin mars 2009, deux hommes sont arrivés et l’ont forcée à retourner chez M. L., qui l’a à nouveau soumise à des violences.

2.8Quand la grossesse de l’auteur est devenue apparente, M. L. l’a obligée à prendre des pilules pour déclencher un avortement. Comme cela n’a pas marché, il l’a battue pour provoquer une fausse couche. Une nuit, elle s’est échappée une nouvelle fois de chez M. L. Sans abri, elle a erré pendant quatre ou cinq jours dans les rues d’Oulan-Bator. Finalement, elle a pris contact avec Mme B., passeuse de clandestins, qui l’a aidée à se réfugier aux Pays-Bas.

2.9En juin 2009, elle est arrivée aux Pays-Bas. Le 25 août 2009, elle a officiellement demandé l’asile. Après plusieurs auditions et examens médicaux, le Service de l’immigration et de la naturalisation l’a informée, le 25 janvier 2011, de son intention de rejeter sa demande. D’après l’auteur, le Service jugeait ses déclarations plausibles, mais n’était pas persuadé que le Gouvernement mongol n’était pas désireux de la protéger ou était incapable de le faire. Le 24 février 2011, elle a présenté des arguments supplémentaires à l’appui de sa demande d’asile, mettant en relief la situation des femmes en Mongolie et le fait que, pour des raisons structurelles, l’État était incapable de les protéger effectivement. Le 1er mars 2011, le Service a rejeté sa demande d’asile, estimant qu’il n’y avait aucune raison de penser que les autorités mongoles n’étaient pas en mesure de lui assurer une protection efficace.

2.10Le 26 mars 2011, l’auteur a contesté la décision du Service de l’immigration et de la naturalisation auprès du tribunal de district d’Almelo. Le 16 août 2011, ce dernier a rejeté son appel pour les mêmes raisons que celles retenues par le Service. Le 13 septembre 2011, l’auteur a formé un recours auprès de la Division administrative du Conseil d’État. Le 1er novembre 2011, le Conseil a rejeté le recours sans formuler de nouvelles observations sur le fond de l’affaire.

2.11L’auteur fait valoir que, eu égard aux informations concernant l’absence systémique, en Mongolie, de moyens de protection des femmes victimes de discrimination et de violence familiale, elle ne disposait et ne disposera d’aucun recours en Mongolie. Elle explique que les autorités mongoles sont minées par la corruption et qu’il n’existe pas de système de justice efficace et accessible en Mongolie. Elle affirme que les deux plaintes qu’elle a déposées auprès de la police n’ont suscité aucune action rapide de la part des autorités. Elle fait également valoir que l’État partie aurait dû déterminer si les autorités mongoles étaient à même de lui accorder une protection efficace en examinant toutes les informations disponibles sur la situation en Mongolie et en évaluant la situation personnelle de l’auteur à la lumière de ces informations dans le cadre de la procédure d’asile. À l’appui de ses arguments, elle fait référence à des affaires examinées par la Cour européenne des droits de l’homme: H. L .R. c. France (requête no 24573/94, arrêt du 29 avril 1997) et N. A. c. le Royaume-Uni (requête no 25904/07, arrêt du 17 juillet 2008). Elle souligne également l’incorporation, dans la législation de l’État partie, de l’article 7 de la Directive 2004/83/CE du Conseil de l’Union européenne du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugiés ou de personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme être victime d’une violation de l’article 1, de l’alinéa e de l’article 2 et des articles 3 et 6 de la Convention. Elle déclare en particulier avoir été victime de violences, d’esclavage sexuel et de sévices en raison de sa condition de femme. Elle renvoie à la Recommandation générale no 19 du Comité, selon laquelle la violence sexiste tombe sous le coup de l’article premier de la Convention. L’auteur affirme que puisque la Convention s’applique à toutes les femmes se trouvant sur le territoire de l’État, elle s’applique également à des femmes de pays tiers qui demandent l’asile. L’État a l’obligation de protéger ces femmes contre la discrimination dans leur pays d’origine et de les autoriser à demeurer sur le territoire national en cas de besoin. Elle ajoute que les autorités mongoles sont réticentes à prévenir la violence contre les femmes, à enquêter sur les cas signalés ou à sanctionner les auteurs de tels faits, et que la violence est répandue et considérée comme une affaire de famille.

3.2L’auteur fait également valoir qu’en rejetant sa demande d’asile, l’État partie ne l’a pas protégée et, en particulier, n’a pas pris toutes les mesures voulues pour éliminer la discrimination pratiquée à l’égard des femmes par toute personne; pour lui garantir l’exercice et la jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales sur la base de l’égalité avec les hommes; et pour la protéger contre l’exploitation, en violation des articles 2, 3 et 6 de la Convention.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Le 23 août 2012, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et le fond de la demande. Il rappelle les faits et apporte des précisions concernant la demande d’asile présentée par l’auteur. Il déclare en particulier que l’auteur s’est présentée aux autorités néerlandaises le 22 juin 2009, puis a demandé un permis de séjour temporaire au titre de l’asile. Le 25 août 2009, un entretien a été mené dans le cadre de l’examen de sa demande. L’auteur a été interrogée sur son identité, sa nationalité, son état civil, sa famille, ses documents d’identité, la date du départ de son pays d’origine et son itinéraire de voyage. Elle bénéficiait des services d’un interprète. Un rapport a été établi sur cet entretien. Le 24 février 2010, l’auteur a soumis ses observations concernant le rapport sur l’entretien. Le 19 mars 2010, l’État partie l’a informée de son intention de rejeter sa demande. Le 23 avril 2010, l’auteur a contesté cette décision et, le 27 avril et le 10 mai 2010, elle a soumis des documents supplémentaires. Le 17 août 2010, elle a été interrogée sur les raisons motivant sa demande d’asile et un rapport a été établi sur cet entretien. Le 3 novembre 2010, le Bureau de l’évaluation médicale du Service de l’immigration et de la naturalisation a rédigé un rapport dans lequel il était indiqué que l’auteur recevait un traitement médical qui pouvait être interrompu avec un bref préavis sans créer de situation d’urgence médicale. Un exemplaire du rapport a été envoyé à l’auteur. Le 15 novembre 2010, l’État partie a informé l’auteur de son intention de lui refuser l’autorisation de rester dans le pays pour des raisons médicales conformément à l’article 64 de la loi de 2000 relative aux étrangers. Le 25 janvier 2011, l’État partie a confirmé son intention de rejeter la demande d’asile temporaire, décision que l’auteur a contestée le 24 février 2011, en insistant sur le fait qu’elle remplissait toutes les conditions requises à cet égard. Le 28 février 2011, la demande de permis de séjour temporaire au titre de l’asile présentée par l’auteur a été rejetée. Le 26 mars 2011, l’auteur a demandé au tribunal de district de La Haye de revoir cette décision et, le 21 juillet 2011, elle a présenté des arguments à l’appui de cette demande. Le 2 août 2011, le tribunal de district d’Almelo a examiné le cas de l’auteur en présence de celle-ci et de son conseil. Le 16 août 2011, il a rejeté la demande de réexamen pour absence de fondement. Le 13 septembre 2011, l’auteur a fait appel de cette décision. Le 1er novembre 2011, la Division administrative du Conseil d’État a confirmé la décision du tribunal de district.

4.2L’État partie conteste la recevabilité de la plainte. En particulier, il affirme que la communication est irrecevable ratione materiae. Il fait observer que l’auteur déclare avoir été victime de violences sexuelles en Mongolie, État partie à la Convention. L’auteur n’affirme pas que la violation, en Mongolie, des droits qu’elle tient de la Convention est imputable à l’État partie. Si l’auteur estimait que les autorités mongoles ne l’avaient pas protégée, elle aurait dû présenter une plainte contre la Mongolie.

4.3S’agissant du grief de l’auteur selon lequel l’État partie ne se serait pas acquitté de ses obligations au titre de la Convention en lui refusant un permis de séjour malgré le traitement qu’elle a subi en Mongolie, l’État partie déclare qu’il ne saurait être tenu responsable d’une violation, réelle ou présumée, de la Convention par un autre État partie. Le Comité n’est donc pas compétent, vis-à-vis des Pays-Bas, pour connaître des violations qui auraient eu lieu. En outre, la Convention ne devrait pas être interprétée comme englobant l’obligation juridique des États parties de ne pas expulser une personne en cas de menace de torture ou d’autres menaces graves à la vie et à la sécurité de la personne (principe de non-refoulement) afin d’éviter le chevauchement avec d’autres instruments internationaux et européens.

4.4L’État partie fait également valoir que la communication n’est pas recevable au motif que les recours internes n’ont pas été épuisés. Il affirme que l’auteur n’a pas fait valoir de discrimination fondée sur le sexe ou de violation de la Convention au cours de la procédure d’asile devant les autorités ou tribunaux néerlandais. La question centrale dans cette procédure était de savoir si son expulsion constituerait une violation du principe de non-refoulementpar l’État partie. Par conséquent, les autorités et les tribunaux nationaux n’ont pas eu la possibilité de connaître des allégations de l’auteur concernant une discrimination fondée sur le sexe et de remédier à la prétendue violation avant que le Comité n’en soit saisi. L’État reconnaît que l’auteur n’était pas tenue de citer des dispositions précises de la Convention au cours de la procédure interne, mais fait valoir qu’elle aurait dû déposer une plainte quant au fond concernant la discrimination dont elle aurait été victime.

4.5En ce qui concerne le fond de la communication de l’auteur, l’État partie déclare que la portée de l’obligation de protéger découlant de la Convention en ce qui concerne l’octroi de l’asile à une femme n’est pas plus étendue que celle des obligations découlant de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La protection offerte par ces instruments peut être déclenchée même si la menace émane de personnes qui ne sont pas des fonctionnaires. Toutefois, il doit être établi que le risque est réel et que les autorités du pays d’origine ne sont pas en mesure de l’éviter en accordant une protection appropriée.

4.6Compte tenu de ce qui précède, l’État partie explique que conformément à sa politique relative aux étrangers, l’obligation de protéger s’applique seulement dans les cas où il peut être établi qu’un demandeur d’asile n’est pas à même d’obtenir une protection de la part des autorités de son pays d’origine. L’une des questions déterminantes à cet égard est celle de savoir si ces autorités prennent des mesures appropriées, telles que mettre en place un système juridique efficace qui permette de mener des enquêtes et de poursuivre et sanctionner les responsables. Le système juridique est efficace s’il peut offrir la protection nécessaire lorsque des cas se présentent. L’efficacité de la protection est déterminée au moyen d’une évaluation des mesures prises. La protection est efficace si elle assure une protection raisonnable contre la menace, ce qui ne suppose pas l’exclusion de tous les risques possibles. En outre, pour être efficace, la protection ne doit pas être réputée permanente au moment de son évaluation: il suffit que la protection existe dans un avenir prévisible. Il convient également de déterminer si tout étranger a accès à une telle protection. Les étrangers sont censés s’adresser à une autorité supérieure, si besoin est. Dans le cas où les autorités locales n’accordent pas une protection adéquate, les victimes sont censées, en principe, se tourner vers les autorités centrales de l’État.

4.7Par ailleurs, l’État partie explique qu’il incombe à l’étranger concerné de démontrer, en premier lieu, qu’aucune protection effective n’existe dans le pays d’origine. Toutefois, la charge de la preuve peut être reportée sur les autorités néerlandaises si la situation personnelle de l’étranger et la situation générale dans le pays d’origine le justifient. La répartition de la charge de la preuve est donc fonction de la situation personnelle de l’étranger, laquelle est appréciée en partie à la lumière de la situation générale dans le pays d’origine. Dans le cas où les sources d’informations générales sur le pays indiquent que la protection n’est généralement pas assurée ou qu’il est inutile voire dangereux de la réclamer, l’étranger n’est pas tenu de démontrer l’absence de protection dans son cas particulier.

4.8Compte tenu de cette politique, l’État partie souligne que la situation générale en Mongolie n’est pas telle que les demandeurs d’asile sont automatiquement considérés comme des réfugiés. Par conséquent, l’auteur doit démontrer que les faits et sa situation personnelle justifient sa crainte de subir des persécutions au sens de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. De l’avis de l’État partie, lequel a été confirmé par les tribunaux nationaux, l’auteur ne l’a pas fait.

4.9À ce sujet, l’État partie note qu’entre 2004 et 2005 une loi relative à la violence familiale a été adoptée et un centre national contre la violence a été créé en Mongolie. En 2007, le Comité a reconnu les efforts déployés pour prévenir et réprimer la violence familiale et la violence à l’égard des femmes. Dans le même temps, le Comité s’est inquiété de ce que la violence familiale restait répandue et de ce qu’elle continuait d’être considérée comme une question privée. Aussi, le Comité a engagé la Mongolie à veiller à ce que les femmes victimes de violences aient immédiatement accès à des voies de recours et à une protection, y compris des mesures de protection et l’accès à des foyers sûrs et à une assistance médicale et à une aide à la réadaptation. Dans le même temps, l’État partie fait observer qu’au cours des dernières années, plusieurs condamnations ont été prononcées dans des affaires de violence contre des femmes. D’après Caritas International, des formes spécifiques de soutien sont disponibles pour les femmes en situation vulnérable. Par exemple, le Centre mongol pour l’égalité des sexes offre des services de protection et de réinsertion aux victimes de la traite des personnes et aux personnes qui reviennent volontairement dans le pays. Le Centre pour la protection de l’enfant et de la femme apporte une aide aux personnes qui rentrent volontairement de l’Union européenne. En outre, il est loisible en principe à toute personne de demander aux autorités une protection contre des fonctionnaires corrompus.

4.10L’État partie note également que les informations concernant le pays mentionnées ci-dessus et les arguments présentés par l’auteur ont été pris en considération lors de l’examen de la demande d’asile. Si les autorités néerlandaises et l’auteur ont tiré des conclusions différentes des faits présentés, cela ne signifie pas que les autorités n’en aient pas tenu compte dans leur évaluation.

4.11L’État partie convient qu’il ressort des informations présentées ci-dessus que la violence familiale est très répandue en Mongolie et que les allégations de l’auteur concernant les violences subies de la part de M. L. ont été jugées plausibles par les autorités néerlandaises. Toutefois, l’État partie considère que l’auteur n’a pas démontré qu’elle ne pouvait pas obtenir de la part des autorités mongoles une protection efficace contre la conduite de M. L. Il affirme que, selon les informations disponibles, les personnes coupables de violences (sexuelles) à l’égard des femmes ne jouissent d’aucune impunité, ce que montrent également les condamnations prononcées ces dernières années. Il ressort du rapport de pays établi par le Ministère néerlandais des affaires étrangères que la police mongole est tenue d’enquêter sur les allégations de violence familiale et d’offrir une protection aux victimes. En outre, la législation mongole prévoit des sanctions contre les délinquants, qui sont principalement des hommes, telles que des mesures d’interdiction ou de non-harcèlement ou une formation obligatoire destinée à modifier les comportements.

4.12L’État partie conteste l’argument de l’auteur selon lequel il ne lui servirait à rien de demander une protection si elle retournait en Mongolie. En premier lieu, l’État partie fait observer que la manière dont les autorités mongoles ont traité les plaintes déposées par l’auteur n’a pas été clairement établie. Après la première plainte de l’auteur, la police a détenu M. L. pendant soixante-douze heures. Après sa deuxième plainte, la police a enregistré ses déclarations, a pris des photographies de ses blessures et a interrogé M. L. Ces mesures ne donnent pas l’impression que les autorités mongoles ne sont pas désireuses de la protéger. Le seul fait que la police ait pris contact avec M. L. après le dépôt de la plainte ne suffit pas à prouver qu’elle a accepté de l’argent pour le tenir au courant de l’enquête ou que les autorités n’ont pas pris la plainte au sérieux. En outre, l’affirmation de l’auteur selon laquelle M. L. aurait versé un pot-de-vin à la police n’est étayée par aucune preuve. Les seuls soupçons de l’auteur ne permettent pas de conclure qu’elle ne pourrait pas obtenir une protection officielle en Mongolie.

4.13D’autre part, l’État partie note que l’auteur aurait pu porter plainte auprès d’une autorité supérieure en Mongolie. Elle n’a pas expliqué pourquoi elle ne l’a pas fait avant de quitter son pays d’origine et de chercher à obtenir une protection aux Pays-Bas. Elle n’a pas non plus tenté d’obtenir une assistance auprès d’une autre organisation en Mongolie, par exemple le Centre national contre la violence, qui gère cinq foyers destinés aux victimes de violence familiale et offre une aide juridique à celles-ci.

4.14L’État partie considère donc que la communication est sans fondement, l’auteur n’ayant pas démontré que les autorités mongoles n’étaient ni désireuses ni capables de la protéger. Il fait valoir que conformément à la Recommandation générale no 19, les États parties n’ont pas l’obligation d’accorder de permis de séjour aux victimes de la violence familiale. Le rejet de la demande d’asile de l’auteur ne constitue donc pas une violation des articles 1, 2, 3 et 6 de la Convention.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Le 23 octobre 2012, l’auteur a présenté ses commentaires sur les observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond. Elle rejette l’argument de l’État partie selon lequel elle aurait dû porter plainte auprès des autorités mongoles, la Mongolie étant également État partie à la Convention. S’agissant de l’Observation générale no 15 du Comité des droits de l’homme, l’auteur fait valoir que la Convention s’applique à toutes les personnes se trouvant sur le territoire néerlandais, y compris les femmes migrantes et réfugiées. Par conséquent, elle a le droit de présenter sa plainte aux Pays-Bas.

5.2L’auteur conteste également les arguments de l’État partie selon lesquels elle n’a pas fait état de discrimination fondée sur le sexe devant les autorités et tribunaux néerlandais qui ont examiné sa demande d’asile. Elle affirme avoir clairement déclaré avoir été victime de discrimination fondée sur le sexe en Mongolie, en particulier d’esclavage sexuel et de violence familiale de la part de son ancien employeur et de violences sexuelles et physiques sur son lieu de travail. Elle a également déclaré que les autorités mongoles ne lui avaient pas accordé une protection efficace malgré les deux plaintes qu’elle avait présentées à la police. L’État partie n’a pas nié que ses affirmations étaient plausibles. En outre, l’auteur a fourni à l’État partie et à ses tribunaux nationaux d’amples informations sur la situation générale des femmes en Mongolie afin de montrer que la discrimination à l’égard des femmes y était très répandue, de même que l’impunité pour les faits de violence familiale et de traite des femmes. Elle a ainsi tenté de démontrer que sa situation ne constituait pas un cas isolé mais était la conséquence d’une discrimination structurelle à l’égard des femmes en Mongolie. Par ailleurs, l’auteur note qu’il n’était pas nécessaire qu’elle invoque la Convention dans le cadre de la procédure nationale. S’agissant de la Recommandation générale no 19, elle fait valoir à nouveau que la violence à l’égard des femmes tombe sous le coup de l’article premier de la Convention. En outre, il n’existe aux Pays-Bas aucune autre procédure nationale ou tribunal lui permettant de se plaindre du traitement dont elle a été victime en Mongolie. Par conséquent, l’auteur affirme avoir, sur le fond, soulevé la question de la discrimination fondée sur le sexe auprès de l’État partie et que sa communication devrait être déclarée recevable.

5.3L’auteur rejette également l’argument de l’État partie selon lequel elle aurait dû demander une protection au titre d’autres instruments, tels que la Convention contre la torture ou la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la Convention ne devant pas faire double emploi avec d’autres instruments internationaux et européens relatifs aux droits de l’homme. Elle souligne que dans la mesure où ces instruments sont destinés à protéger les personnes contre des atteintes, il faut s’attendre à certains chevauchements. Elle a demandé à l’État partie de la protéger (ainsi que son fils) contre des violations et des actes discriminatoires en Mongolie. Elle affirme qu’une crainte «bien fondée» de l’expulsion vers le pays d’origine pourrait être une raison pour accorder l’asile et ainsi assurer une protection effective conformément à la Convention. Elle fait référence aux observations finales du Comité concernant les deuxième et troisième rapports périodiques des Pays-Bas et à l’Observation générale no 15 du Comité des droits de l’homme. L’auteur affirme à nouveau que sa communication devrait être déclarée recevable.

5.4S’agissant du fond de l’affaire, l’auteur n’accepte pas les arguments de l’État partie selon lesquels elle n’a pas démontré qu’elle ne pouvait pas obtenir une protection effective de la part des autorités mongoles; que le fait qu’elle ait déposé deux plaintes ne suffit pas pour conclure qu’il ne servirait à rien de solliciter une protection après son retour en Mongolie; qu’elle aurait pu solliciter une protection auprès d’une autorité supérieure.

5.5L’auteur souligne également que les autorités néerlandaises ont jugé ses déclarations plausibles et que les faits de l’affaire ne sont pas contestés par l’État partie. Les autorités néerlandaises devaient donc évaluer le cas à la lumière de la situation en Mongolie. S’agissant de l’affirmation de l’État partie selon laquelle l’auteur invoque une discrimination de la part d’une personne plutôt que de la part des autorités de son pays d’origine, l’auteur affirme que la discrimination exercée par une personne tombe sous le coup de la Convention.

5.6En outre, l’auteur rappelle que l’État partie convient que la violence familiale à l’égard des femmes est très répandue en Mongolie. Le Comité s’est également inquiété du caractère répandu de la violence familiale dans ce pays, où celle-ci continue d’être considérée comme une affaire privée; du faible nombre de poursuites engagées en vertu de la loi relative à la lutte contre la violence familiale (20 poursuites engagées depuis son adoption); du fait que la Mongolie n’a pas érigé le viol conjugal en infraction pénale. Bien que l’État partie affirme, pour montrer que les autorités mongoles protégeraient l’auteur à son retour, qu’il y a eu plusieurs condamnations dans des cas de violence contre des femmes, l’auteur estime que les sources citées ne prouvent pas que la situation se soit améliorée. Au contraire, le nombre d’actes de violence contre des femmes reste élevé, les auteurs de tels actes jouissent de l’impunité et il n’existe pas de recours utile.

5.7À titre d’exemple, le Département d’État des États-Unis signale, dans un rapport auquel l’État partie renvoie dans ses observations que, selon des organisations non gouvernementales, de nombreux cas de viol ne sont pas dénoncés; la police n’engage des poursuites que dans un petit nombre de ces cas, faute de preuves ou de moyens financiers; la stigmatisation sociale, le stress ou la nature publique des procédures découragent les victimes de dénoncer les faits. La violence familiale reste un grave problème, notamment en ce qui concerne les femmes de familles rurales à faible revenu, et elle est considérée comme une affaire de famille, dans laquelle la police est réticente à intervenir. Il n’y a pas de condamnations pour violence familiale car le Code pénal ne comporte pas de disposition d’application expresse. Ces conclusions sont confirmées dans le rapport de Caritas International,selon lequel, en 2007, une femme sur trois a été victime de violence familiale et une sur dix a été battue. En outre, il n’existe pas de loi contre le harcèlement sexuel et, lors d’une enquête, une femme de moins de 35 ans sur deux ayant un emploi a indiqué être victime de harcèlement sexuel sur son lieu de travail.

5.8L’auteur souligne que, dans son cas, elle ne pouvait pas obtenir de protection efficace de la part des autorités mongoles. Le fait que la police ait lancé une enquêteet ait interrogé M. L. ne peut pas être considéré comme une protection efficace au sens de la Convention. La police n’a donné suite à aucune des plaintes de l’auteur et ne lui a pas accordé une protection efficace, puisqu’elle n’a pas poursuivi M. L. et qu’elle n’a pas même tenté de la mettre à l’abri de nouvelles violations. L’auteur renvoie au paragraphe 24 de la Recommandation générale no 19 du Comité, dans lequel celui-ci souligne que les États parties devraient prendre des mesures efficaces pour éliminer toutes les formes de violence fondées sur le sexe, qu’il s’agisse d’un acte public ou d’un acte privé, et prévoient une procédure de plainte et des voies de recours efficaces, y compris pour le dédommagement. Elle affirme avoir fourni aux autorités et aux tribunaux néerlandais d’amples informations montrant que les femmes ne sont généralement pas protégées contre la discrimination et la violence en Mongolie.

5.9L’auteur fait également valoir que l’État partie doit prendre en considération le fait que la corruption est très répandue en Mongolie. Elle rappelle que M. L. est une personne riche ayant des liens solides avec l’élite du pays, y compris des personnalités politiques en vue. M. L. a dit à l’auteur que la police ne le poursuivrait pas car il lui avait versé un pot‑de-vin. L’auteur renvoie au rapport de pays du Ministère néerlandais des affaires étrangères en date du 12 janvier 2010, dans lequel il est indiqué que le public ne fait généralement pas confiance au système judiciaire mongol; que 85 % de la population estime que les tribunaux sont favorables aux riches et aux grandes entreprises; que la corruption reste un grave problème, y compris au sein du système judiciaire; que la police figure parmi les éléments les plus corrompus. D’après l’auteur, il y a lieu de penser, à la lumière de ce qui précède, que M. L. a effectivement versé un pot-de-vin à la police afin qu’elle mette un terme à son enquête, et il lui serait donc difficile de solliciter une protection auprès d’une autorité supérieure à son retour en Mongolie, les preuves ayant probablement été détruites. L’auteur affirme également que même si M. L. comparaissait devant un tribunal, son argent et ses relations le mettraient à l’abri de toute condamnation. Aussi, il était peu probable que les autorités mongoles lui accordent une protection avant qu’elle ne quitte le pays et il est très peu probable qu’elle bénéficie d’une telle protection si elle devait retourner en Mongolie.

5.10L’auteur rejette également l’argument de l’État partie selon lequel des organisations non gouvernementales mongoles, telles que le Centre national contre la violence, pourraient lui offrir une protection efficace. Premièrement, l’obligation de fournir une protection efficace incombe aux États et non à des organisations privées. Deuxièmement, les organisations non gouvernementales ne seraient pas en mesure de lui offrir une protection efficace car la plupart d’entre elles ne sont pas spécialisées dans la protection des victimes contre la violence et se bornent à fournir un soutien psychosocial et une aide à la réinsertion. En tout état de cause, la protection offerte par ces organisations serait très limitée. S’agissant en particulier de l’argument de l’État partie selon lequel le Centre national contre la violence dispose de cinq centres pour victimes de la violence familiale, l’auteur souligne qu’une douzaine de femmes seulement peuvent y séjourner en même temps, alors que le nombre de femmes ayant besoin d’être hébergées est beaucoup plus élevé. En outre, les foyers n’offrent une protection que pour une durée limitée, ce qui n’est pas efficace car les femmes sont à nouveau en danger lorsqu’elles les quittent.

5.11L’auteur réaffirme par conséquent qu’elle était victime d’une discrimination fondée sur le sexe lorsqu’elle était en Mongolie. Elle soutient que, compte tenu de sa situation personnelle et de la situation en Mongolie, elle n’a pas été à même d’obtenir une protection efficace dans son pays d’origine et qu’il est peu probable qu’elle obtienne une telle protection en cas de retour. L’auteur souligne qu’elle n’a accès à aucune autre forme de protection efficace. En conséquence, le rejet de sa demande d’asile par l’État partie constitue une violation de la Convention.

Délibérations du Comité concernant la recevabilité

6.1Conformément à l’article 64 de son règlement intérieur, le Comité doit décider si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif. En application de l’article 66 dudit règlement, le Comité peut examiner la question de la recevabilité séparément de celle du fond.

6.2Conformément au paragraphe 2 a) de l’article 4 du Protocole facultatif, le Comité s’est assuré que la question n’a pas déjà fait ou ne fait pas l’objet d’un examen dans le cadre d’une autre procédure d’enquête ou de règlement international.

6.3Le Comité prend note de l’affirmation de l’auteur selon laquelle en rejetant sa demande d’asile, l’État partie ne l’a pas protégée contre la violence sexuelle, l’esclavage sexuel et les violences physiques subies de la part de M. L., son ancien employeur en Mongolie, en violation de l’article 1, de l’article 2 a) et des articles 3 et 6 de la Convention. Par ailleurs, le Comité prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle l’auteur, sur le fond, n’a pas soulevé la question de la discrimination fondée sur le sexe au cours de l’examen de sa demande d’asile par les autorités et les tribunaux néerlandais, et qu’elle s’est bornée à faire valoir que son expulsion serait contraire au principe de non‑refoulement. Le Comité rappelle que conformément au paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif, les auteurs doivent se prévaloir de tous les recours internes disponibles. Il rappelle également sa jurisprudence selon laquelle l’auteur doit avoir effectivement soulevé au plan interne le grief qu’il ou elle souhaite soumettre au Comité, afin que les autorités et/ou les juridictions internes aient la possibilité de se prononcer sur ce grief.

6.4Le Comité prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle l’auteur aurait limité sa plainte à une violation du principe de non-refoulementet n’aurait pas fait état d’une discrimination fondée sur le sexe. Le Comité rappelle que le principe de non‑refoulementveut qu’un État ne renvoie pas une personne vers un territoire où elle risque d’être victime de persécution, y compris de formes de persécution fondée sur le sexe ou motivée par celui-ci. Il rappelle également que le principe de non-refoulement est un élément essentiel du droit d’asile et du régime international de protection des réfugiés. Le Comité rappelle sa jurisprudence, selon laquelle l’alinéa d de l’article 2 de la Convention englobe l’obligation des États parties de protéger les femmes contre un risque réel, personnel et prévisible d’être victimes de formes graves de violence sexiste, indépendamment de la question de savoir si ces conséquences se produiraient en dehors des frontières territoriales de l’État partie d’envoi. Le Comité rappelle également que la violence sexiste est une forme de discrimination à l’égard des femmes et qu’elle comprend des actes qui causent un préjudice physique, mental ou sexuel, la menace d’infliger de tels actes, la coercition et d’autres formes de privation de liberté. Dans ces circonstances, et même à supposer que l’auteur n’ait pas allégué spécifiquement une discrimination fondée sur le sexe auprès des autorités nationales, le Comité considère que l’auteur a fait état, dans le cadre de sa demande d’asile, de la violence sexiste, de l’esclavage sexuel et des violences physiques dont elle avait été victime en sa qualité de femme et que les autorités compétentes avaient donc la possibilité d’examiner ces affirmations. Par ailleurs, le Comité constate que l’État partie n’a pas contesté l’absence de toute autre procédure interne permettant à l’auteur de soulever sur le fond la question de la discrimination fondée sur le sexe. Le Comité considère donc qu’il n’est pas empêché par le paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif d’examiner la présente communication.

6.5Le Comité prend également acte des arguments de l’État partie, qui fait valoir que la communication devrait être déclarée irrecevable ratione materiae, l’auteur cherchant à étendre la protection offerte par la Convention de manière extraterritoriale et à en élargir la portée pour y inclure le principe de non-refoulement; que l’État partie ne saurait être tenu responsable de violations de la Convention, réelles ou prétendues, commises par un autre État partie; que le Comité n’est pas compétent vis-à-vis des Pays-Bas pour connaître des violations qui auraient été commises.

6.6Compte tenu de la définition de la violence sexiste retenue par le Comité35 et de sa jurisprudence concernant l’applicabilité de la Convention ratione materiae, ratione loci et extraterritoriale34, le Comité s’estime compétent pour examiner la communication. Eu égard aux considérations qui précèdent, le Comité doit déterminer, aux fins de la recevabilité conformément au paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif, si l’auteur a, à première vue, présentéune plainte recevable en étayant suffisamment ses allégations de violation par l’État partie des articles 1, 2 e), 3 et 6 du Protocole facultatif. Le Comité doit également déterminer si l’auteur a fourni des informations suffisantes quant au point de savoir si elle serait exposée à un risque réel, personnel et prévisible d’être victime de formes graves de violence sexiste si elle retournait en Mongolie.

6.7Le Comité constate que l’auteur n’a en rien expliqué pourquoi et en quoi elle estime que le rejet de sa demande d’asile par l’État partie constitue une violation des droits qu’elle tient des articles 3 et 6 de la Convention, qui portent sur la promotion des droits fondamentaux de la femme, l’exploitation de la prostitution des femmes et la traite des femmes. En l’absence de toute autre information pertinente dans le dossier, le Comité considère que l’auteur n’a pas suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, ses griefs de violation des articles 3 et 6 de la Convention.

6.8Concernant l’évaluation du risque que courrait l’auteur d’être victime de formes graves de violences sexistes si elle était renvoyée en Mongolie, compte tenu des articles 1 et 2 e) de la Convention, le Comité relève tout d’abord que l’auteur se borne à indiquer qu’elle craint que les autorités mongoles ne la protégeraient pas contre M. L, sans donner d’explication supplémentaire. Elle n’a pas non plus expliqué en quoi M. L. continuerait de constituer une réelle menace pour elle, cinq ans après les faits allégués, qui se seraient produits (entre décembre 2008 et juin 2009). En outre, l’auteur n’a pas expliqué comment, dans le passé, les autorités mongoles ne l’ont pas protégée, compte tenu de sa situation personnelle, ni montré en quoi il y a un risque réel que ces autorités ne soient pas en mesure de lui assurer une protection adéquate à son retour.

6.9En outre, le Comité relève que l’auteur n’a pas expliqué pourquoi elle n’avait pas, pendant les trois mois entre décembre 2008 et juin 2009 où elle n’était pas chez M. L., donné suite aux plaintes qu’elle avait déposées auprès de la police. Elle n’a pas non plus expliqué pourquoi elle n’avait pas porté plainte auprès des autorités mongoles chargées des poursuites ou des tribunaux pendant cette même période. Le Comité relève également que l’auteur a quitté le pays en juin 2009, soit six mois après avoir déposé sa première plainte auprès de la police (décembre 2008). Par ailleurs, le Comité constate qu’il ne ressort pas des éléments du dossier que les autorités mongoles ont agi de mauvaise foi ou n’ont pas réagi rapidement aux plaintes de l’auteur. Dans ce contexte, le Comité souligne que la Mongolie est un État partie à la Convention et au Protocole facultatif, et qu’elle est donc tenue d’appliquer leurs dispositions.

6.10Dans ces circonstances, et en l’absence de toute autre information pertinente, le Comité considère que les faits dont il est saisi ne permettent pas de conclure qu’il n’y a pas en Mongolie de système judiciaire efficace qui permette d’établir les faits et de poursuivre et punir M. L, et que la situation personnelle de l’auteur fait qu’elle court le risque d’être persécutée en cas de retour dans son pays d’origine. Le Comité conclut également que l’auteur n’a pas étayé, aux fins de la recevabilité, son grief de violation des articles 1 et 2 e) de la Convention.

6.11Compte tenu des considérations qui précèdent, prises dans leur ensemble, et en l’absence de toute autre information pertinente dans le dossier, le Comité considère que l’auteur n’a pas suffisamment montré, aux fins de la recevabilité, que le rejet de sa demande d’asile par l’État partie lui ferait courir un risque réel, personnel et prévisible d’être victime de formes graves de violence fondée sur le sexe si elle était renvoyée en Mongolie et que les Pays-Bas ne lui ont pas assuré ou ne lui assureraient pas une protection efficace contre de telles formes de violence. Par conséquent, le Comité conclut que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Décision adoptée en anglais (version originale), en arabe, en chinois, en espagnol, en français et en russe.]