NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/CHN/CO/412 décembre 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTUREQuarante et unième sessionGenève, 3‑21 novembre 2008

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L ’ ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité contre la torture

CHINE

1.Le Comité contre la torture a examiné le quatrième rapport périodique de la Chine (CAT/C/CHN/4) à ses 844e et 846e séances, les 7 et 10 novembre 2008 (CAT/C/SR.844 et 846), et a adopté à sa 864e séance, le 21 novembre 2008 (CAT/C/SR.864), les observations finales ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique de la Chine qui, s’il suit généralement les directives du Comité pour la soumission des rapports, est dépourvu de données statistiques et de renseignements concrets sur l’application des dispositions de la Convention.

3.Le Comité exprime ses remerciements pour les réponses écrites détaillées apportées à la liste des questions à traiter (CAT/C/CHN/Q/4). Il apprécie également les compétences diverses de la délégation nombreuse de l’État partie, les réponses détaillées et complètes apportées aux nombreuses questions posées oralement et les renseignements complémentaires fournis par les représentants de l’État partie en réponse aux questions posées pendant l’examen du rapport.

B. Aspects positifs

4.Le Comité accueille avec satisfaction l’action continue de l’État partie en vue de réformer son cadre juridique, par l’adoption des lois ci‑après:

a)La loi sur le mariage de 2001, qui contient une interdiction expresse de la violence dans la famille;

b)La loi sur les avocats modifiée en 2007, qui garantit le droit de l’avocat de s’entretenir avec les suspects d’infraction pénale;

c)La loi de 2005 sur les sanctions administratives pour les organes de la sécurité publique, qui fait notamment obligation aux organes de la sécurité d’observer strictement les principes de respect des garanties des droits de l’homme et qui, en particulier, d’après le représentant de l’État partie, «a pour la première fois établi dans la législation nationale la règle excluant les preuves obtenues par des moyens illicites».

5.Le Comité accueille avec satisfaction la promulgation des nouveaux règlements ci‑après:

a)La modification depuis 2005 des Règles de procédure relatives au traitement des affaires administratives par les organes de la sécurité publique et les Règles de procédure relatives au traitement des affaires pénales par les organes de la sécurité publique;

b)Les «Six interdictions à l’intention de la police pénitentiaire du peuple» et les «Six interdictions à l’intention des gardiens des camps de rééducation par le travail», adoptées par le Ministère de la justice le 14 février 2006, et les «Règles pour l’ouverture d’enquêtes sur les violations des droits commises à la suite d’un manquement aux devoirs de la charge», émises le 26 juillet 2006 par le Parquet populaire suprême et qui visent avant tout à prévenir les violations en détention et à enquêter sur toute exaction commise;

c)Les réformes apportées à l’application de la peine de mort tendant à mettre en place un système de réexamen qui pourrait garantir que les condamnations injustes soient cassées avant que le condamné ne soit exécuté;

d)L’interdiction des châtiments corporels à l’égard des enfants dans les établissements scolaires et dans les institutions de prise en charge judiciaire.

6.Le Comité accueille avec satisfaction les efforts engagés par l’État partie pour lutter contre la pratique de la torture, notamment l’adoption de règlements administratifs interdisant l’emploi de la torture pour obtenir des aveux, l’organisation dans tout le pays de formations à l’intention de la police et l’introduction de l’enregistrement audio et vidéo dans les salles d’interrogatoire, encore que les moyens appropriés pour garantir l’application des règlements administratifs fassent défaut et que les modifications voulues n’aient pas été apportées à la loi pénale ni à la loi de procédure pénale.

7.Le Comité salue l’adhésion de la Chine aux instruments suivants:

a)Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en 2001;

b)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2002;

c)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2008.

8.Le Comité note aussi avec intérêt que le Gouvernement chinois a invité le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, dont il a reçu la visite en novembre‑décembre 2005. Il note en outre que le Groupe de travail sur la détention arbitraire a été aussi accueilli deux fois.

9.Le Comité prend note de la déclaration de Wang Zhenchuan, procureur général adjoint du Parquet populaire suprême qui a déclaré en novembre 2006 que «dans presque tous les cas de verdict injuste recensés ces dernières années … il y avait eu … un interrogatoire illégal». À ce sujet, le Comité relève avec intérêt que le Rapporteur spécial sur la question de la torture a noté que «la volonté de plus en plus affirmée des agents de l’État et des analystes de reconnaître qu’il existe un problème de torture en Chine est un progrès important». Depuis la publication d’un livre intitulé The C rime of Tortured Confession (Le crime des aveux sous la torture), à la fin des années 1990, on a reconnu le problème de la torture, en particulier en traitant de la question des condamnations injustes, des enquêtes insuffisantes, du manque de professionnalisme de la police et des aveux arrachés sous la torture, et la Cour populaire suprême a de nouveau assumé son pouvoir de réexamen de toutes les condamnations à mort prononcées (voir E/CN.4/2006/6/Add.6, par. 46 à 51).

10.Le Comité accueille aussi avec satisfaction les efforts des organisations non gouvernementales, nationales et internationales, qui lui ont adressé des rapports et des renseignements utiles et encourage l’État partie à renforcer encore sa coopération avec ces organisations en ce qui concerne l’application des dispositions de la Convention.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

Pratique généralisée de la torture et des mauvais traitements et insuffisance des garanties pendant la détention

11.Malgré les efforts de l’État partie tendant à lutter contre la pratique de la torture et à résoudre d’autres problèmes existant dans le système de justice pénale, le Comité est toujours profondément préoccupé par les allégations persistantes, confirmées par de nombreuses sources juridiques chinoises, qui font état de l’utilisation systématique et généralisée de la torture et des mauvais traitements sur les suspects en garde à vue, en particulier pour obtenir des aveux ou des renseignements qui seront versés à la procédure dans les affaires pénales. De plus, le Comité note avec préoccupation l’absence de garanties légales pour les détenus, ainsi:

a)Les détenus ne sont pas traduits sans délai devant un juge, et peuvent donc rester en garde à vue sans que des charges ne soient formulées pendant de longues périodes, jusqu’à trente‑sept jours ou parfois même davantage;

b)Il n’existe pas d’enregistrement systématique de tous les détenus, et il n’est pas tenu de registre pour toutes les périodes de détention avant jugement;

c)La possibilité de communiquer avec un avocat et de voir un médecin indépendant est limitée et les détenus ne sont pas informés de leurs droits quand ils sont placés en détention, notamment du droit de prendre contact avec leur famille;

d)Les aveux continuent d’être admis comme une forme courante de preuve à charge, ce qui crée des conditions qui peuvent favoriser l’utilisation de la torture et des mauvais traitements sur les suspects, comme dans le cas de Yang Chunlin. De plus, le Comité relève avec satisfaction que la Cour suprême a rendu plusieurs décisions tendant à interdire l’utilisation d’aveux obtenus sous la torture comme preuve devant les tribunaux mais la loi de procédure pénale chinoise ne contient toujours pas d’interdiction expresse de cette pratique, comme l’exige l’article 15 de la Convention;

e)Il n’existe pas de mécanisme de surveillance indépendant et efficace de la situation des détenus (art. 2, 11 et 15).

À titre d ’ urgence, l ’ État partie devrait prendre des mesures immédiates pour empêcher la pratique de la torture et des mauvais traitements dans tout le pays.

Dans le cadre de cette action, l’État partie devrait mettre rapidement en œuvre des mesures efficaces afin de garantir que tous les suspects placés en détention bénéficient réellement de toutes les garanties fondamentales pendant la détention. Il s’agit en particulier du droit de bénéficier de l’assistance d’un avocat et d’être examiné par un médecin indépendant, d’aviser un proche et d’être informé de leurs droits au moment du placement en détention, y compris du droit d’être informé des charges qui pèsent contre eux ainsi que du droit d’être déféré devant un juge dans un délai conforme aux normes internationales. L’État partie devrait également veiller à ce que tout suspect qui fait l’objet d’une enquête pénale soit inscrit sur un registre.

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour garantir que dans la loi et dans la pratique les déclarations qui ont été faites sous la torture ne puissent pas être invoquées comme preuve dans toute procédure, sauf contre une personne accusée de torture, comme l’exige la Convention. L’État partie devrait réexaminer toute s les affaires dans lesquelles l es inculpés ont été condamnés sur le fondement d’aveux faits par la contrainte, afin de remettre en liberté ceux qui ont été injustement condamnés .

L’État partie devrait arrêter des normes cohérentes et complètes pour assurer la surveillance indépendante de tous les lieux de détention, garantissant que tout organe qui pourrait être créé, au niveau national ou au niveau local, ait un mandat solide et impartial et dispose d e ressources suffisantes.

Conditions de détention et décès en détention

12.Le Comité prend note des renseignements apportés par l’État partie au sujet des conditions carcérales mais il est préoccupé par les rapports dénonçant des mauvais traitements en détention, en particulier le grand nombre de décès, qui pourraient être liés à la pratique de la torture ou des mauvais traitements, et par le fait que ces cas de mauvais traitements et de décès en détention ne fassent pas l’objet d’une enquête. Le Comité relève que le Rapporteur spécial sur la question de la torture a constaté que les soins médicaux assurés dans les centres de détention qu’il a visités étaient généralement satisfaisants (E/CN.4/2006/6/Add.6, par. 77) mais il prend aussi note avec inquiétude de nouvelles informations qui lui ont été apportées notamment au sujet de l’absence de traitement pour les toxicomanes et pour les personnes atteintes du VIH/sida; il regrette aussi l’absence de données statistiques relatives à la santé des détenus (art. 11).

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour assurer une surveillance systématique de tous les lieux de détention, y compris des services de santé existants et disponibles. De plus, il devrait prendre sans délai des mesures pour garantir que tous les cas de décès en détention fassent l’objet d’une enquête indépendante et que les responsables de s décès consécutif s à la torture, à des mauvais traitements ou à une négligence délibérée soient poursui vis . Le Comité souhaiterait un rapport sur les résultats de ces enquêtes, quand elles seront achevées, indiquant les peines prononcées et les réparations accordées.

Internement administratif, y compris la «rééducation par le travail»

13.Le Comité réitère la recommandation qu’il avait déjà faite à l’État partie tendant à ce que celui‑ci envisage d’abolir toutes les formes d’internement administratif (A/55/44, par. 127). Il est toujours préoccupé par l’utilisation générale de toutes formes d’internement administratif, y compris de la «rééducation par le travail» pour des personnes qui n’ont jamais été jugées et qui n’ont jamais eu la possibilité de contester leur placement en internement administratif. Il s’inquiète aussi de ce que les allégations de torture et autres mauvais traitements pratiqués dans les centres de «rééducation par le travail», en particulier contre les membres de certains groupes religieux et ethniques minoritaires, ne fassent pas l’objet d’enquête. L’État partie a certes fait savoir que le système de rééducation par le travail avait récemment été réformé et qu’une nouvelle réforme était prévue, mais le Comité est préoccupé par les retards répétés qui repoussent la réforme malgré les appels d’intellectuels chinois qui demandent l’abolition du système (art. 2 et 11).

L’État partie devrait abolir immédiatement toutes les formes d’internement administratif, y compris le système de la «rééducation par le travail». Il devrait donner de plus amples renseignements, accompagnés de statistiques à jour, sur les personnes qui se trouvent actuellement en internem ent administratif, les motifs du placement, les possibilités de contester cette mesure et les garanties existant pour empêcher la torture et les mauvais traitements dans les camps de rééducation par le travail.

Centres de détention secrets

14.Le Comité est préoccupé par les allégations dénonçant l’existence de lieux de détention secrets, notamment de prisons clandestines, utilisés pour placer des pétitionnaires, comme ceux qui essaient de se rendre à la capitale, par exemple Mme Wang Guilan. Le placement dans ces lieux de détention constitue en soi une disparition. D’après les renseignements reçus, les détenus ne bénéficient d’aucune des garanties légales fondamentales, notamment d’un mécanisme de contrôle pour superviser la façon dont ils sont traités et des procédures d’examen de leur détention. Le Comité est également préoccupé par l’existence d’autres lieux de détention non reconnus, tels que ceux où des personnalités éminentes disparues auraient été placées (art. 2 et 11).

L’État partie devrait veiller à ce que personne ne soit placé dans un lieu de détention secret quel qu’il soit. Le placement en détention dans ces conditions constitue, en soi, une violation de la Convention. L’État partie devrait mener des enquêtes, révéler l’existence de lieux de cette nature et les pouvoirs en vertu desquels ils ont été créés et la façon dont les détenus sont traités et il devrait assurer réparation aux victimes de disparition forcée, le cas échéant.

Principaux obstacles à l’application effective de la Convention

15.Le Comité a identifié trois problèmes fondamentaux qui ont une incidence sur toutes les autres questions qu’il a posées dans la liste des points à traiter et pendant les présentations orales: a) la loi de 1988 sur la protection des secrets d’État dans la République populaire de Chine; b) le harcèlement dont les avocats et les défenseurs des droits de l’homme sont l’objet, d’après les renseignements reçus; c) les exactions commises par des éléments incontrôlés qui font usage de violence physique contre certains défenseurs déterminés mais jouissent de l’impunité de fait. Pris ensemble, ces problèmes entravent l’application des garanties que le Comité recommande généralement à tous les États parties à la Convention et qui sont nécessaires pour la prévention de la torture.

1. Loi sur la protection des secrets d’État

16.Le Comité prend note des renseignements donnés oralement par le représentant de l’État partie sur les conditions d’application de la loi de 1988 sur la protection des secrets d’État dans la République populaire de Chine, mais il exprime sa profonde préoccupation face à l’utilisation de cette loi qui compromet gravement la possibilité d’avoir des renseignements sur la torture, la justice pénale et d’autres questions connexes. L’application générale de cette loi soulève toute une série de questions relatives à l’application de la Convention dans l’État partie:

a)Cette loi empêche la divulgation d’informations cruciales qui permettraient au Comité d’identifier des ensembles éventuels de violations qui demandent une attention, comme des informations statistiques ventilées sur les personnes soumises à toutes les formes de détention et de garde ainsi que les mauvais traitements dans l’État partie, des renseignements sur les groupes et entités réputés être des «organisations hostiles», des «organisations séparatistes minoritaires», des «organisations religieuses hostiles», et des «sectes réactionnaires», ainsi que des renseignements essentiels sur les lieux de détention, sur ce qui est la «situation des prisonniers très influents», les violations de la loi ou des codes de conduite par les organes de la sécurité publique, et des informations sur tout ce qui concerne les conditions à l’intérieur des prisons;

b)Cette loi dispose que la décision de déterminer si l’information constitue un secret d’État appartient à l’autorité publique qui produit cette information;

c)Cette loi empêche tout processus public visant à déterminer si une question donnée est un secret d’État ou non et toute possibilité de recours devant un tribunal indépendant;

d)La classification d’une affaire dans le champ d’application de la loi sur la protection des secrets d’État autorise les agents de la force publique à refuser aux détenus le droit de communiquer avec un avocat, garantie fondamentale pour la prévention de la torture, et ce refus semble être en contradiction avec la loi relative aux avocats telle qu’elle a été modifiée en 2007 (art. 2 et 19).

L’État partie devrait réviser sa législation sur les secrets d’État afin de garantir que le Comité ait accès aux informations, y compris aux statistiques, nécessaires pour apprécier le respect des dispositions de la Convention sur l’ensemble de son territoire, y compris dans les Régions administratives spéciales.

L’État partie devrait expliquer les critères utilisés pour déterminer qu’une information constitue un secret d’État et donner des renseignements sur le nombre de cas qui entrent dans le champ d’application de la loi sur la protection des secrets d’État.

L’État partie devrait faire en sorte que la décision de classer une question secret d’État puisse être contestée devant un tribunal indépendant.

L’État partie devrait garantir à tout suspect le droit de communiquer rapidement avec un avocat indépendant, si possible de son choix, même dans des affaires en rapport avec des secrets d’État.

2. Collecte de données

17.Le Comité regrette que les données statistiques que, dans ses précédentes conclusions et recommandations (A/55/44, par. 130), il avait demandé à l’État partie de lui communiquer ne lui aient pas été fournies. L’absence de données complètes ou ventilées relatives aux plaintes, aux enquêtes, aux poursuites et aux condamnations pour les actes de torture et les mauvais traitements commis par des agents de la force publique, ainsi que sur les conditions de détention, les exactions commises par des agents de l’État, l’internement administratif, les affaires de condamnation à mort et la violence contre les femmes, les minorités ethniques et religieuses, empêche sérieusement d’identifier d’éventuels ensembles de violations qui appellent une attention (art. 2 et 19).

L’État partie devrait rassembler des données statistiques utiles pour la surveillance de l’application de la Convention au plan national, ventilées par sexe, appartenance ethnique, âge, région géographique et type et lieu du centre de privation de liberté, en incluant des données relatives aux plaintes, aux enquêtes, aux poursuites et aux condamnations pour tortures et mauvais traitements, aux conditions de détention, aux exactions imputables à des agents de l’État, à l’internement administratif, aux affaires de condamnation à mort, et à la violence contre les femmes et contre les minorités ethniques et religieuses.

3. Harcèlement dont sont victimes les avocats de la défense

18.Le Comité est préoccupé par les informations reçues qui indiquent que l’article 306 du Code pénal, conjointement avec l’article 39 de la loi de procédure pénale, qui autorise les procureurs à arrêter les avocats de la défense pour «parjure» ou «faux témoignage», a été appliqué pour intimider des avocats de la défense. Le Comité relève aussi avec une grande préoccupation le harcèlement dont des avocats, comme Teng Biao et Gao Zhisheng, ont été l’objet alors qu’ils avaient essayé d’offrir leurs services à des pétitionnaires, des défenseurs des droits de l’homme et d’autres dissidents, et les informations indiquant que ces actes étaient imputables à du personnel ne relevant pas de l’État qui aurait été engagé par les autorités publiques (art. 2).

L’État partie devrait abroger toute disposition législative qui amoindrit l’indépendance des avocats et devrait mener des enquêtes sur tous les cas d’agression contre des avocats et des pétitionnaires, afin d’engager les poursuites voulues.

L’État partie devrait prendre des mesures immédiates pour enquêter sur les actes d’intimidation et les autres façons de faire obstacle au travail indépendant des avocats.

4. Harcèlement et violences contre les défenseurs des droits de l’homme et les pétitionnaires

19.Le Comité se déclare préoccupé par des informations faisant état de harcèlement et de violence systématiques contre des défenseurs des droits de l’homme, comme Hu Jia. De tels actes entravent sérieusement le fonctionnement des groupes de surveillance de la société civile et n’encouragent pas l’échange d’informations, l’ouverture d’enquêtes et le signalement des cas auprès des autorités. Bien que l’État partie ait donné l’assurance qu’aucun personnel non officiel n’a été engagé par des autorités publiques afin de harceler les avocats ou les pétitionnaires, le Comité s’inquiète des rapports persistants faisant état de tentatives de restreindre les activités des militants des droits de l’homme, comme Li Heping. Ces tentatives sont notamment des violences commises par du personnel non officiel, qui aurait été engagé par des autorités publiques pour harceler les avocats et les pétitionnaires, l’utilisation de différentes formes d’internement administratif, comme la «résidence surveillée», la rééducation par le travail et les lieux de détention secrets. Le Comité s’inquiète des allégations indiquant que ce personnel non officiel n’a pas eu à répondre de ses actes (art. 12 et 16).

Le Comité devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que toutes les personnes, notamment celles qui surveillent la situation des droits de l’homme, soient protégées contre tout acte d’intimidation ou de violence du fait de leurs activités et de l’exercice des garanties des droits de l’homme, et veiller à ce que de tels actes fassent l’objet d’une enquête immédiate, impartiale et effective.

L’État partie devrait cesser d’employer du personnel non officiel pour harceler les défenseurs des droits de l’homme, en particulier les avocats et les militants pétitionnaires.

Absence d’enquêtes

20.Le Comité est profondément préoccupé par l’absence d’un mécanisme effectif permettant d’enquêter sur les allégations de torture, comme l’exige la Convention. Comme le Comité l’a expliqué pendant le débat oral, il existe de graves conflits d’intérêts avec le rôle du parquet, qui est chargé d’enquêter sur les allégations de torture imputables à des agents de l’État et à des agents privés qui opèrent avec le consentement exprès ou tacite d’agents de l’État ce qui risque de compromettre l’efficacité et l’impartialité des enquêtes (art. 2, 11 et 12).

L’État partie devrait établir un mécanisme de contrôle efficace et indépendant afin que toutes les plaintes pour tortures ou mauvais traitements fassent immédiatement l’objet d’une enquête impartiale et effective.

Mouvement pour la démocratie de 1989

21.Malgré les demandes répétées de groupes de parents de personnes tuées, arrêtées ou disparues pendant ou après la répression du Mouvement pour la démocratie, le 4 juin 1989 à Beijing, aucune enquête n’a été ouverte sur ces événements, ce dont le Comité s’inquiète ainsi que du fait que les membres des familles n’ont pas été informés du sort de leurs proches; il regrette aussi que les responsables de l’emploi excessif de la force n’aient fait l’objet d’aucune sanction ni administrative ni pénale (art. 12).

L’État partie devrait mener une enquête approfondie et impartiale sur la répression du Mouvement pour la démocratie à Beijing en juin 1989, donner des informations sur les personnes qui sont toujours détenues depuis cette période, informer les membres des familles des conclusions des enquêtes, présenter des regrets et offrir une réparation selon qu’il convient, et engager des poursuites contre les responsables de l’utilisation excessive de la force, des actes de torture et autres mauvais traitements.

Minorités nationales, ethniques ou religieuses et autres groupes vulnérables

22.Le Comité est profondément préoccupé par les allégations faisant état d’actes de torture, de mauvais traitements et de disparitions ciblées directement contre les minorités nationales, ethniques et religieuses et d’autres groupes vulnérables en Chine, au nombre desquels les Tibétains, les Ouïghours et les adeptes du Falun Gong. De plus, le renvoi de personnes qui traversent la frontière et de réfugiés venant de la République populaire démocratique de Corée inquiète également le Comité en ce qui concerne les groupes vulnérables, comme il est développé plus loin.

1. Événements dans la Région autonome du Tibet et dans les préfectures et districts tibétains voisins: utilisation excessive généralisée de la force et autres exactions

23.Le Comité note avec une profonde préoccupation les rapports qu’il a reçus au sujet de la répression récente dans la Région autonome du Tibet et dans les préfectures et districts tibétains voisins, qui a aggravé le climat de peur et entrave encore plus l’obligation de rendre compte. Ces rapports font suite à des informations reçues depuis longtemps faisant état d’actes de torture, de coups, de mise aux fers et d’autres mauvais traitements, en particulier sur des moines et des religieuses tibétains, par des agents publics, des agents de la sécurité publique et de la sécurité de l’État ainsi que par des personnels paramilitaires et même des personnels non officiels, à l’instigation ou avec le consentement exprès ou tacite des autorités publiques. Bien que l’État partie ait donné des chiffres pour les personnes arrêtées et les personnes condamnées à un emprisonnement après les événements de mars 2008 dans la Région autonome du Tibet et dans les préfectures et districts tibétains voisins, le Comité regrette l’absence de détails concernant ces personnes. En particulier, l’État partie a fait savoir que 1 231 suspects s’étaient «repentis» et avaient été «remis en liberté après avoir reçu une éducation et exécuté une sanction administrative», mais n’a donné aucun détail sur ces affaires ni sur le traitement de ces personnes. En particulier, le Comité exprime sa préoccupation en ce qui concerne ce qui suit:

a)Le grand nombre de personnes emprisonnées ou arrêtées à la suite des manifestations de mars 2008 et des événements dans la Région autonome du Tibet et dans les préfectures et districts tibétains voisins des provinces de Gansu, du Sichuan et du Qinghai, et le manque de mesure avec lequel ces individus auraient été traités, selon de nombreuses allégations et informations dignes de foi reçues par le Comité;

b)L’absence d’enquête sur les morts causées par la police en tirant de façon aveugle sur la foule de manifestants, principalement pacifiques, dans les districts de Kardze et de Ngaba et à Lhassa;

c)Le fait qu’aucune enquête indépendante et impartiale n’a été menée sur les allégations selon lesquelles certaines des nombreuses personnes incarcérées ou arrêtées ont été soumises à la torture ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant;

d)Le fait que les autorités n’ont pas laissé des enquêteurs indépendants et impartiaux se rendre dans la région;

e)Les allégations concordantes d’après lesquelles certaines des personnes arrêtées n’ont pas pu aviser leurs proches, n’ont pas eu rapidement la possibilité de voir un médecin indépendant ni un avocat indépendant, les avocats qui proposaient de les représenter ont reçu des menaces et ont été d’une autre manière découragés de leur offrir une assistance juridique et le procès accéléré de 69 Tibétains a fait qu’ils ont été condamnés de façon sommaire;

f)Le grand nombre de personnes qui ont été arrêtées et dont on ignore actuellement où elles se trouvent et dont l’État partie n’a pas pu préciser le sort malgré des demandes écrites et orales du Comité (liste des points à traiter, question 2 l), CAT/C/CHN/Q/4) (art. 2, 11 et 12).

L’État partie devrait mener une enquête approfondie et indépendante sur les cas rapportés d’utilisation excessive de la force, notamment contre des manifestants pacifiques et plus particulièrement des moines, dans les districts de Kardze et de Ngaba et à Lhassa.

L’État partie devrait conduire sans délai des enquêtes impartiales et effectives sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitement et devrait faire en sorte que les responsables soient traduits en justice.

L’État partie devrait veiller à ce que toutes les personnes qui ont été arrêtées ou détenues à la suite des événements de mars 2008 dans la Région autonome du Tibet et dans les préfectures et districts tibétains voisins aient accès sans délai à un avocat indépendant et à des soins médicaux indépendants, et aient le droit de déposer des plaintes de façon confidentielle, sans risquer des représailles ou des harcèlements.

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour interdire et empêcher les disparitions forcées, pour faire la lumière sur le sort des personnes disparues, notamment de Genden Choekyi Nyima, et de juger et de punir les responsables, étant donné que la pratique des disparitions constitue en soi une violation de la Convention.

L’État partie devrait mener des investigations ou des enquêtes sur les morts, y compris en détention, survenues pendant les événements de mars 2008 dans la Région autonome du Tibet et dans les préfectures et districts tibétains voisins.

2. Discrimination et violence contre des personnes appartenant à des minorités nationales, ethniques ou religieuses

24.Le Comité est préoccupé par des allégations faisant état d’actes de discrimination et de mauvais traitements contre des personnes appartenant à des groupes ethniques minoritaires, en particulier tibétains et ouïgours, comme Ablikim Abdureyim, et par le fait que la police et les autorités ne seraient pas disposées à mener sans délai des enquêtes impartiales et effectives sur ces actes de discrimination ou de violence (art. 2, 12 et 16).

À la lumière de l’Observation générale n o 2 (CAT/C/GC/2, par. 21) du Comité, l’État partie devrait assurer la protection des membres de groupes qui sont particulièrement exposés au risque de mauvais traitements, en faisant en sorte que des enquêtes rapides, impartiales et effectives soient menées sur tous les cas de violence et de discrimination motivés par l’origine ethnique de la victime, en particulier les actes dirigés contre des personnes appartenant à des minorités ethniques. L’État partie devrait engager des poursuites contre les auteurs de tels actes et veiller à ce que des mesures positives de prévention et de protection soient appliquées.

L’État partie devrait envisager rapidement de recruter dans les forces de l’ordre des personnes appartenant à des minorités ethniques.

3. Allégations concernant les adeptes du Falun Gong

25.Le Comité prend note des renseignements donnés par l’État partie au sujet du Règlement provisoire de 2006 sur les transplantations d’organes et de l’ordonnance de 2007 sur les transplantations d’organes, mais il prend aussi connaissance des allégations reçues par le Rapporteur spécial sur la question de la torture, qui a relevé qu’une augmentation des transplantations d’organes coïncidait avec «le début des persécutions contre les [adeptes du Falun Gong] et qui a demandé une explication complète de l’origine des transplantations» qui pourrait éclaircir la différence entre le nombre d’organes greffés et les sources et démentir l’allégation de prélèvements d’organes (A/HRC/7/3/Add.1). Le Comité s’inquiète en outre des renseignements qu’il a reçus indiquant que de nombreux adeptes du Falun Gong avaient été soumis à des tortures et à des mauvais traitements en prison et que certains d’entre eux avaient été l’objet de transplantations (art. 12 et 16).

L’État partie devrait conduire ou faire conduire immédiatement une enquête indépendante sur les griefs dénonçant des tortures et des prélèvements d’organes sur la personne de certains adeptes du Falun Gong et prendre des mesures, le cas échéant, pour faire en sorte que les responsables de tels traitements soient traduits en justice et condamnés.

4. Non ‑ refoulement et risque de torture

26.Le Comité note avec une préoccupation profonde que d’après certaines sources de nombreux individus ont été renvoyés de force en République démocratique populaire de Corée, sans que leur cas ait été examiné individuellement sur le fond, et ont ensuite subi des actes de torture ou des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de la part des autorités. Il relève avec préoccupation que l’État partie appelle ces personnes des «immigrants illégaux» ou des «trafiquants de personnes» et que ces étiquettes impliquent que les intéressés ne méritent pas la moindre protection. De même, les personnes extradées vers les États voisins ou en provenance d’États voisins ne bénéficient pas des garanties de la loi contre leur renvoi si elles risquent la torture. Le Comité s’inquiète également de ce que l’État partie n’ait pas expliqué comment il garantit dans sa loi ou dans sa pratique l’interdiction de renvoyer une personne dans un pays où elle court un risque réel d’être soumise à la torture et donc comment il s’acquitte de ses obligations en vertu de l’article 3 de la Convention (art. 3).

L’État partie ne devrait en aucune circonstance expulser, renvoyer ou extrader une personne vers un État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

Pour déterminer si les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3 de la Convention s’appliquent, l’État partie devrait établir une procédure adéquate d’examen de la situation afin d’établir si les individus qui vont être renvoyés courent un risque réel de torture d’autant plus que, d’après les renseignements disponibles, quitter sans autorisation la République populaire démocratique de Corée constitue une infraction pénale; l’État partie devrait aussi permettre au Haut ‑ Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés d’accéder à la région frontalière pour rencontrer les personnes dont la situation est préoccupante. Étant donné le grand nombre de ressortissants coréens qui ont franchi la frontière avec la Chine, l’État partie doit être plus actif pour s’acquitter pleinement des obligations qui découlent de l’article 3. L’État partie devrait aussi s’assurer qu’il existe des mécanismes judiciaires adéquats pour réexaminer les décisions et que toute personne qui fait l’objet d’une demande d’extradition dispose des moyens de défense suffisants, et veiller à ce qu’il existe des arrangements effectifs pour suivre la situation de l’intéressé après son retour.

L’État partie devrait fournir des données sur le nombre de personnes expulsées ou renvoyées dans les États voisins.

L’État partie devrait continuer ses efforts visant à se doter des dispositions législatives appropriées pour incorporer pleinement dans son droit interne l’obligation qui découle de l’article 3 de la Convention, empêchant ainsi quiconque d’être expulsé, renvoyé ou extradé vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

Violence à l’égard des femmes

27.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la nouvelle loi sur le mariage, en 2001, qui interdit expressément la violence dans la famille, et l’élaboration du programme pour le développement de la femme (2001‑2010) interdisant toute forme de violence à l’égard des femmes, mais il prend note des observations finales du Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et, comme celui‑ci, il s’inquiète de l’absence de loi interdisant toutes les formes de violence à l’égard des femmes, notamment le viol conjugal, et prévoyant des recours effectifs pour les victimes (art. 16).

L’État partie devrait poursuivre son action en vue de prévenir et de punir la violence à l’égard des femmes et, en particulier, adopter une législation qui interdise explicitement toutes les formes de violence à l’égard des femmes et qui garantisse l’accès à la justice pour les victimes.

28.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour faire en sorte que les femmes détenues soient surveillées par des femmes. Toutefois il est préoccupé par les cas rapportés de violence contre des femmes dans les centres de détention, notamment contre des religieuses tibétaines en détention, et regrette l’absence de renseignements sur le nombre de plaintes et les mesures prises pour empêcher la torture et les mauvais traitements des femmes dans les lieux de détention (art. 12, 13 et 16).

L ’ État partie devrait veiller à mettre en place des procédures pour surveiller le comportement des agents des forces de l’ordre. Il devrait ouvrir sans délai des enquêtes impartiales sur tous les cas de torture et de mauvais traitements, y compris de violences sexuelles, en vue de traduire les responsables en justice, et assurer réparation et indemnisation aux victimes.

Usage de la violence dans les mesures de mise en œuvre de la politique démographique

29.Le Comité relève de nouveau avec préoccupation qu’aucune enquête n’a été ouverte sur les allégations dénonçant l’emploi de la coercition et de la violence pour faire appliquer la politique démographique (A/55/44, par. 122). Il prend note des renseignements donnés par la délégation qui a expliqué que des agents locaux de la ville de Lingyi avaient été tenus pour responsables de coercition et de violence dans ce domaine mais il s’inquiète de l’insuffisance des sanctions réellement prises contre ces agents et d’autres qui ont agi de la même manière. Il s’inquiète également de ce que les défenseurs des droits de l’homme, comme Chen Guangcheng, qui ont conseillé et défendu les victimes et dénoncé publiquement l’utilisation de la coercition et de la violence pour faire appliquer la politique démographique, aient été l’objet d’actes de harcèlement par les autorités, comme l’ont été aussi leurs avocats (art. 12 et 16).

L ’ État partie devrait mettre en œuvre la politique démographique en respectant intégralement les dispositions de la Convention et devrait engager des poursuites contre ceux qui utilisent des méthodes coercitives et violentes pour appliquer cette politique, en particulier à l’encontre de femmes qui appartiennent à des groupes ethniques minoritaires.

Indemnisation et réadaptation

30.Le Comité prend note des renseignements donnés au sujet du droit des victimes à une indemnisation prévu dans les dispositions de la loi sur l’indemnisation, mais il note avec préoccupation que le nombre de cas dans lesquels des particuliers ont été indemnisés est extrêmement faible. Le Comité est préoccupé par les mesures limitées prises pour assurer la réadaptation des victimes de torture, y compris de violences sexuelles, de traite, de violence dans la famille et de mauvais traitements (art. 14).

L ’ État partie devrait faire en sorte que les victimes de torture et de mauvais traitements reçoivent une indemnisation adéquate et que des programmes de réadaptation appropriés soient organisés à l’intention de toutes les victimes de torture, y compris de violences sexuelles, de traite, de violence dans la famille et de mauvais traitements, prévoyant notamment une assistance médicale et psychologique.

Impunité et peines appropriées pour les actes de torture

31.Le Comité est profondément préoccupé par le fait que les plaintes dénonçant des tortures ou des mauvais traitements commis par les membres des forces de l’ordre soient rarement l’objet d’une enquête et d’une action pénale. Il note avec une grande inquiétude que certains cas de torture constitués par des faits considérés comme des «infractions relativement mineures» peuvent donner lieu à des sanctions disciplinaires ou administratives (art. 2, 4 et 12).

L ’ État partie devrait faire en sorte que toutes les allégations d ’ actes de torture ou de mauvais traitements fassent l ’ objet d’enquêtes immédiates, effectives et impartiales. Il devrait faire en sorte également que tous les actes de torture soient punis de peines appropriées, à la mesure de leur gravité, comme il est énoncé au paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention.

Définition de la torture

32.Le Comité prend note de l’affirmation de l’État partie qui explique que tous les actes qui peuvent être qualifiés de «torture» au sens de l’article premier de la Convention tombent sous le coup de la loi pénale chinoise mais il réitère ses conclusions et recommandations précédentes (A/55/44, par. 123) car il considère que l’État partie n’a pas incorporé dans sa législation une définition de la torture qui soit pleinement conforme à celle qui est donnée dans la Convention.

33.Le Comité est préoccupé par le fait que les dispositions relatives à la torture ne portent que sur les violences physiques et n’incluent pas les douleurs ou souffrances mentales sévères. Il est également préoccupé de ce que l’article 247 de la loi pénale, l’article 43 de la loi de procédure pénale et les dispositions du Parquet populaire suprême concernant les critères applicables aux affaires de manquement au devoir et de violation du droit circonscrivent l’interdiction de la pratique de la torture aux actes des personnels judiciaires et des personnels des établissements de détention et ne couvrent pas les actes commis par «toute autre personne agissant à titre officiel», notamment les actes faits à l’instigation ou avec le consentement exprès ou tacite d’un agent de la fonction publique. De plus, ces dispositions ne traitent pas de l’utilisation de la torture à des fins autres que l’obtention d’aveux (art. 1er).

L ’ État partie devrait incorporer dans sa législation une définition qui comprenne tous les éléments énoncés à l’article premier de la Convention, y compris la discrimination quelle qu’elle soit. L’État partie devrait faire en sorte que les personnes qui ne sont pas des membres de l’appareil judiciaire ou des agents d’un établissement de détention mais qui agissent à titre officiel ou à l’instigation ou avec le consentement exprès ou tacite d’un agent de l’État puissent être poursuivies pour torture. Il devrait également veiller à ce que la loi interdise l’utilisation de la torture à toutes les fins.

Affaires de condamnation à mort et conditions de détention des condamnés à mort

34.Le Comité relève que l’État partie a fourni des données sur le grand nombre de prisonniers condamnés à mort, condamnés à mort avec un sursis à exécution de deux ans, condamnés à la réclusion à vie et à un emprisonnement de plus de cinq ans mais il regrette que ces données n’aient pas été ventilées selon la condamnation et que des données spécifiques sur les condamnations à mort ne soient pas rendues publiques du fait de l’application de l’article 3 de la réglementation sur les secrets d’État et sur le champ d’application de chaque niveau de secret pour les parquets populaires élaboré par le Parquet populaire suprême. Le Comité est préoccupé par les conditions de détention des condamnés à mort, en particulier par le port de fers vingt‑quatre heures sur vingt‑quatre, qui équivalent à un traitement cruel, inhumain ou dégradant. De plus, le Comité est préoccupé par les questions que le Rapporteur spécial sur la torture a soulevées (A/HRC/7/3/Add.1) en ce qui concerne le prélèvement d’organes sur des condamnés à mort sans leur consentement libre et éclairé (art. 11 et 16).

L ’ État partie devrait réviser sa législation de façon à limiter l’application de la peine capitale. Il devrait fournir des données spécifiques relatives aux affaires de condamnation à mort et veiller à ce que tous les condamnés à mort bénéficient de la protection assurée par la Convention.

Traitement médical forcé

35.Le Comité note que l’article 18 de la loi pénale permet aux autorités de faire administrer un traitement médical obligatoire à une personne souffrant d’une maladie mentale qui a commis une infraction pénale mais ne peut pas être tenue pour responsable, mais il note aussi avec préoccupation que cette disposition a été appliquée de façon abusive pour placer certaines personnes en hôpital psychiatrique pour des raisons qui ne sont pas médicales. Le Comité a évoqué le cas de Hu Jing mais l’État partie n’a pas donné de réponse satisfaisante (art. 11).

L’État partie devrait prendre des mesures pour garantir que personne ne soit placé contre sa volonté dans un hôpital psychiatrique pour des raisons qui ne sont pas médicales. Si l’hospitalisation est nécessaire pour des raisons médicales, l’État partie devrait veiller à ce qu’elle ne soit ordonnée que sur l’avis d’experts psychiatriques indépendants et que de telles décisions puissent faire l’objet d’un recours.

Formation des agents de la force publique et du personnel médical

36.Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements apportés par la délégation de l’État partie au sujet de son action visant à donner une formation aux droits de l’homme aux agents de la force publique et au personnel judiciaire, ainsi qu’aux agents de base, sur la prévention de la torture quand ils prennent leurs fonctions, quand ils sont promus et quand ils sont affectés sur le terrain, mais les renseignements ne permettent pas de connaître l’efficacité de cette formation. Le Comité regrette l’insuffisance de la formation pratique sur les dispositions de la Convention dispensée aux agents de forces de l’ordre. Il note aussi avec préoccupation l’absence de formation spécifique visant à déceler les signes de torture et de mauvais traitements à l’intention du personnel médical dans les lieux de détention (art. 10).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour renforcer et développer les programmes de formation actuels, notamment avec la coopération d’organisations non gouvernementales, sur l’interdiction absolue de la torture à l’intention des agents des forces de l’ordre à tous les niveaux.

L’État partie devrait faire en sorte que le personnel médical reçoive une formation suffisante pour lui permettre de détecter les signes de torture et de mauvais traitements et intégrer à cette formation le Protocole d’Istanbul de 1999 (Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants).

En outre, l’État partie devrait élaborer et mettre en œuvre une méthodologie pour évaluer l’efficacité de ses programmes de formation et leur incidence sur la réduction des cas de torture et de mauvais traitements.

Mesures de lutte contre le terrorisme

37.Le Comité relève avec satisfaction les renseignements donnés sur l’importance que l’État partie accorde aux actions antiterroristes et sur les initiatives visant à renforcer la législation antiterroriste et d’autres mesures, notamment la coopération internationale dans la lutte contre le terrorisme. Malgré ces renseignements, le Comité relève avec préoccupation que tous les droits consacrés dans la Convention ne sont pas toujours respectés en toutes circonstances.

Le Comité invite instamment l’État partie à veiller à ce que toute mesure prise pour lutter contre le terrorisme soit conforme aux résolutions 1373 (2001) et 1566 (2004) du Conseil de sécurité, qui exigent que les mesures antiterroristes soient appliquées dans le respect total, entre autres dispositions, du droit international relatif aux droits de l’homme, y compris la Convention, et du principe absolu du non ‑ refoulement.

38.Le Comité encourage l’État partie à mettre en œuvre les recommandations faites par le Rapporteur spécial sur la question de la torture dans son rapport sur sa visite de novembre‑décembre 2005 (E/CN.4/2006/6/Add.6) et à le réinviter. Il encourage également l’État partie à inviter d’autres rapporteurs spéciaux.

39.Le Comité encourage également l’État partie à envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

40.Le Comité réaffirme sa recommandation tendant à ce que l’État partie envisage de retirer ses réserves et déclarations à l’égard de la Convention (A/55/44, par. 124).

41.L’État partie devrait envisager de ratifier les principaux instruments des NationsUnies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie: le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et les deux Protocoles s’y rapportant, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. L’État partie devrait également envisager de ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

42.L’État partie devrait diffuser largement son rapport, ses réponses à la liste des questions à traiter, les comptes rendus analytiques des séances et les présentes observations finales, dans toutes les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

43.Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base commun en suivant les directives harmonisées concernant l’établissement de rapports, selon les recommandations des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.5).

44.Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 11, 15, 17 et 23.

45.L’État partie est invité à faire parvenir son prochain rapport périodique, qui sera son cinquième rapport, avant le 21 novembre 2012.

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