* Adoptées par le Comité à sa cinquante-neuvième session, tenue du 20 octobre au  7 novembre 2014.

Observations finales concernant les septième et huitième rapports périodiques, présentés en un seul document, de la République bolivarienne du Venezuela *

Le Comité a examiné les septième et huitième rapports périodiques, présentés en un seul document, de la République bolivarienne du Venezuela (CEDAW/C/VEN/7-8) à ses 1 247e et 1 248e séances, le 21 octobre 2014 (voir CEDAW/C/SR.1247 et 1248). La liste des points et questions soulevés par le Comité a été publiée sous la cote CEDAW/C/VEN/Q/7-8 et les réponses de la République bolivarienne du Venezuela l’ont été sous la cote CEDAW/C/VEN/Q/7-8/Add.1.

A. Introduction

Le Comité remercie l’État partie d’avoir présenté, en un seul document, ses septième et huitième rapports périodiques. Il le remercie également de ses réponses écrites à la liste des points et questions soulevés par le groupe de travail d’avant-session, de l’exposé de sa délégation et des réponses apportées aux questions posées oralement par les membres du Comité au cours du dialogue.

Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir constitué une délégation de haut niveau, dirigée par Mme Andreina Tarazon, Ministre de la condition de la femme et de l’égalité des sexes, et composée de représentants de la Commission nationale sur la justice dans les rapports entre hommes et femmes, de l’Institut national de la femme, du Conseil national des droits de l’homme, du Ministère de la santé, du Ministère des affaires étrangères et de la Mission permanente de la République bolivarienne du Venezuela auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité constate avec satisfaction les progrès accomplis depuis l’examen auquel il a procédé en 2006 des quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques de l’État partie, présentés en un seul document (CEDAW/C/VEN/4-6), en ce qui concerne la réforme législative, et relève en particulier l’adoption des lois suivantes :

a)La loi organique sur le travail, en 2012;

b)La loi organique relative au droit de la femme de vivre à l’abri de la violence, en 2007;

c)La loi relative à la promotion et à la protection de l’allaitement maternel, en 2007.

Le Comité salue les mesures prises par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes, notamment la création des organes suivants :

a)La Commission nationale sur la justice dans les rapports entre hommes et femmes, en 2011;

b)Le Ministère de la condition de la femme et de l’égalité des sexes, en 2007.

Le Comité note avec satisfaction que depuis l’examen des rapports précédents, l’État partie a signé les instruments internationaux suivants ou y a adhéré :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, en 2013;

b)Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en 2011.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Assemblée nationale

Le Comité souligne le rôle déterminant que joue le pouvoir législatif s’agissant d’assurer la pleine application de la Convention (voir la déclaration du Comité sur s es relation s avec les parlementaires, qu’il a adoptée à sa quarante-cinquième session, en 2010). Il invite l’Assemblée nationale à prendre, conformément à son mandat, les mesures nécessaires concernant la suite à donner aux présentes observations finales d’ici à la présentation du prochain rapport périodique de l’État partie au titre de la Convention.

Cadre législatif

Le Comité prend note de l’invalidation par la Chambre constitutionnelle de certaines dispositions légales discriminatoires, telles que la disposition du Code civil fixant l’âge minimum du mariage, différent pour les filles et pour les garçons. Il reste toutefois préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas encore terminé la révision de sa législation, en particulier de son Code civil et son Code pénal, de façon à en éliminer toutes les dispositions discriminatoires. Il note également avec préoccupation que l’adoption du projet de loi organique relatif au droit de la femme à l’équité et à l’égalité des sexes a pris du retard.

Le Comité recommande de nouveau à l’État partie d’entreprendre d’urgence la révision compl ète de sa législation, en particulier de son c ode civil et son c ode pénal, en vue d’en supprimer toutes les dispositions discriminatoires. Il lui recommande aussi d’accélérer l’adoption du projet de loi organique relatif au droit de la femme à l’équité et à l’égalité des sexes, et de veiller à ce que ce texte soit rigoureusement conforme à la Convention et tienne dûment compte des points de vue des organisations de la société civile qui défendent les droits de la femme. L’État partie devrait consacrer des ressources humaines, financières et techniques suffisantes à la mise en œuvre de la future loi- cadre et instituer un dispositif de suivi.

Accès à la justice

Le Comité relève les mesures que l’État partie a prises pour faciliter l’accès des femmes à la justice, dont la création de la Commission nationale sur la justice dans les rapports entre hommes et femmes. Il constate toutefois avec préoccupation qu’un grand nombre de femmes n’ont pas un accès effectif à la justice, en l’absence de stratégies efficaces conçues pour faciliter cet accès. Le Comité est aussi préoccupé par le fait que l’État partie a dénoncé en 2012 la Convention américaine relative aux droits de l’homme, se soustrayant ainsi à la juridiction de la Cour interaméricaine des droits de l’homme.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’élaborer une politique judiciaire globale permettant d’éliminer les obstacles d’ordre institutionnel, social, économique, technique ou autre qui entravent l’accès des femmes à la justice et de dégager des ressources humaines, financières et techniques suffisantes à cette fin, ainsi que de mettre au point des indicateurs et un dispositif de surveillance de la mise en œuvre de cette politique;

b) De veiller à ce que les femmes victimes de discrimination fondée sur le sexe biologique ou social aient accès à un recours utile et de leur faciliter l’obtention de l’aide juridictionnelle;

c) De faire en sorte que les femmes aient davantage conscience de leurs droits et connaissent mieux la loi dans tous les domaines, afin de pouvoir utiliser toutes les procédures et voies de recours disponibles pour faire valoir leurs droits en vertu de la Convention;

d) D’évaluer l’utilité des programmes de formation sur les droits des femmes et l’égalité des sexes destinés aux avocats, aux juges, aux procureurs et aux fonctionnaires de police et, en fonction de ces résultats, d’améliorer la qualité des programmes et d’augmenter le nombre des bénéficiaires;

e) De reconsidérer sa décision de dénoncer la Convention américaine relative aux droits de l’homme, en vue d’y adhérer de nouveau, étant donné que cet instrument et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes sont complémentaires.

Mécanisme national pour la promotion de la femme

Le Comité constate que plusieurs institutions ayant vocation à promouvoir les droits des femmes ont été créées, et note en particulier le Ministère de la condition de la femme et de l’égalité des sexes. Il demeure toutefois préoccupé par l’absence de dispositifs efficaces pour élaborer et mettre en œuvre les politiques et programmes dans ce domaine et en suivre l’application. Il regrette tout particulièrement que l’État partie n’ait pas procédé à une évaluation adéquate de la mise en œuvre du Plan d’égalité pour les femmes Juana Ramírez « La Avanzadora » (2009-2013), dont les résultats auraient servi de base pour élaborer l’actuel Plan pour l’égalité et l’équité entre les sexes « Mamá Rosa » (2013-2019).

Le Comité recommande à l’État partie d’évaluer les résultats du précédent Plan d’égalité pour les femmes (2009-2013) et de réviser l’actuel Plan pour l’égalité et l’équité entre les sexes (2013-2019), afin de vérifier qu’il traite comme il convient de tous les domaines visés par la Convention, qu’il prévoit des indicateurs mesurables, un échéancier et un dispositif de suivi, et de veiller à ce que des ressources financières, humaines et techniques suffisantes soient allouées à sa mise en œuvre. Il invite l’État partie à faire participer à la révision du Plan les organisations de défense des droits de la femme, y compris les organisations autonomes.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité est reste préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas pris de mesures temporaires spéciales dans le cadre d’une stratégie, indispensable pour accélérer la réalisation de l’égalité réelle ou de fait des hommes et des femmes dans tous les domaines dans lesquels les femmes sont actuellement désavantagées ou sous‑représentées, comme l’exigent le paragraphe 2 de l’article 21 de sa Constitution et le paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention. Il se déclare de nouveau préoccupé de ce que les autorités de l’État partie ne comprennent pas le but et la portée des mesures temporaires spéciales, au sens du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et de la recommandation générale no 25 du Comité.

Compte tenu de ses observations finales concernant les quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques (présentés en un seul document) de l’État partie ( CEDAW/C/VEN/CO/6 ), le Comité recommande à ce dernier :

a) De prendre des mesures temporaires spéciales, y compris l’instauration de quotas, assorties d’ objectifs et d ’ échéances précis, et considérées comme un élément systématique de la stratégie visant à accélérer l’instauration de l’ égalité réelle entre les hommes et les femmes dans tous les domaines où les femmes sont sous ‑représentées ou désavantagées, comme la participation à la vie politique, publique, économique, sociale et culturelle, l’éducation et l’emploi. À cette fin, l’État partie devrait accorder une attention particulière aux femmes autochtones et d’ascendance africaine, aux femmes handicapées, aux femmes des zones rurales, aux femmes âgées et aux migrantes;

b) De faire en sorte que tous les agents de l’État concernés connaissent bien la notion de mesures temporaires spéciales et fassent clairement la distinction entre les politiques et programmes sociaux et économiques de caractère général, qui peuvent également être favorables aux femmes, et les mesures temporaires spéciales visées au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, telles qu’elles sont définies dans la recommandation générale n o  25 du Comité .

Stéréotypes

Le Comité est toujours profondément préoccupé par la persistance des comportements patriarcaux et des stéréotypes tenaces concernant le rôle et les responsabilités de l’homme et de la femme dans la famille, dans la société et dans les pratiques institutionnelles, en particulier l’image des femmes présentées comme des objets sexuels dans les médias. Il relève que l’État partie a pris des mesures pour éliminer les stéréotypes, par exemple la création d’un observatoire de la discrimination à l’égard des femmes dans les médias, mais il note avec préoccupation que ces mesures ne sont pas assez ambitieuses pour permettre de faire disparaître les stéréotypes dans tous les domaines.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De revoir le Plan pour l’égalité et l’équité entre les sexes « Mamá Rosa » (2013-2019) et d’y in scrire comme objectif prioritaire l’élimination des comportements patriarcaux et des stéréotypes discriminatoires à l’égard des femmes;

b) De renforcer les programmes d’éducation et de sensibilisation du public portant sur l’incidence négative de ces stéréotypes sur l’exercice de leurs droits par les femmes;

c) De veiller à ce que toutes les autorités de l’État et tous les agents de la fonction publique soient sensibilisés à l’incidence négative des stéréotypes sexistes sur les droits des femmes;

d) De procéder à une étude pour déterminer comment, dans l’appareil judiciaire, les stéréotypes portent atteinte au droit des femmes à un procès équitable, et de faire en sorte que les juges, les procureurs, les avocats et les agents de la force publique bénéficient de formations à ce sujet, de façon à garantir que les stéréotypes et les préjugés sexistes n’aient pas d’incidence sur les procédures et les décisions judiciaires;

e) De faire en sorte que les enseignants reçoivent aussi une formation adéquate sur les stéréotypes et que les programmes scolaires et le matériel pédagogique, à tous les niveaux de l’enseignement, favorisent une image positive et non stéréotypée des femmes et des hommes;

f) De continuer à suivre la façon dont les femmes sont présentées dans les médias, sur Internet ainsi que dans les déclarations de personnalités publiques, et d’appliquer des mesures innovantes visant les médias pour faire mieux comprendre la notion d’égalité hommes-femmes et encourager les médias à diffuser des images positives des femmes, en insistant sur leur statut d’égalité avec les hommes dans la vie publique et la vie privée, et éliminer l’image des femmes présentées dans les médias et les publicités comme des objets sexuels.

Violence à l’égard des femmes

Le Comité prend note de l’adoption de la loi organique relative au droit de la femme de vivre à l’abri de la violence, mais il est profondément préoccupé de constater que la violence à l’égard des femmes et des filles, déjà très courante, est en augmentation. Il est particulièrement préoccupé par :

a)Le manque d’information sur les formes de la violence à l’égard des femmes, sa prévalence et ses causes profondes, et par l’absence d’un système de collecte de données ventilées;

b)L’application insuffisante de la loi;

c)Le fait que les femmes victimes de violence n’ont pas toutes un accès effectif à la justice sur l’ensemble du territoire de l’État partie, en raison de l’insuffisance des structures et du mauvais fonctionnement du système judiciaire, en particulier eu égard au petit nombre de cas qui font l’objet de poursuites, et le fait que des tribunaux spécialisés ont été établis dans 16 États fédérés seulement;

d)Le nombre insuffisant des refuges offerts aux victimes, dont il n’existe actuellement que six, alors que la loi en prévoit un dans chaque État.

Le Comité demande instamment à l’État partie :

a) De donner la priorité à la mise en œuvre intégrale de la loi organique relative au droit de la femme de vivre à l’abri de la violence, notamment en adoptant les règlements et protocoles nécessaires, et de réexaminer la définition du fémicide pour la rendre conforme aux normes internationales;

b) D’adopter un plan national d’action contre la violence à l’égard des femmes et de prévoir des mesures particulières visant toutes les formes de violence, y compris les nouvelles formes de violence apparues avec Internet. Le plan devrait également prévoir la mise sur pied d’un dispositif national de coordination et de surveillance, l’élaboration d’indicateurs spécifiques et un calendrier précis ainsi que des crédits budgétaires suffisants, et garantir que toutes les parties prenantes soient expressément ciblées;

c) D’établir un système de collecte de données statistiques sur les violences à l’égard des femmes, ventilées par type de violence et en fonction des relations entre auteurs et victimes, et également sur le nombre de plaintes déposées, de poursuites engagées, de condamnations et de peines prononcées ainsi que sur les réparations offertes aux victimes;

d) De garantir l’accès effectif des femmes à la justice dans tout le pays, y compris pour les femmes réfugiées et les migrantes, en mettant en place dans tous les États des tribunaux spécialisés dans les affaires de violence à l’égard des femmes, sans oublier les zones rurales et les régions frontalières, en renforçant les procédures de plainte qui tiennent compte des considérations de genre, en développant les programmes d’aide juridictionnelle, en traduisant en justice les auteurs de violence contre les femmes et en les condamnant à des peines adéquates et en indemnisant les victimes;

e) De prendre des mesures pour améliorer les services d’appui à l’intention des femmes et des filles victimes de violence, notamment en ouvrant sur tout son territoire des refuges en nombre suffisant, et en renforçant les programmes de réadaptation et de réinsertion psychosociales qui existent;

f) De continuer à dispenser des formations sur la violence sexiste aux membres des professions concernées et de mener des campagnes de sensibilisation à l’intention des enfants, des enseignants, des femmes, des hommes, des médias et du public, y compris, mais non exclusivement, en utilisant Internet et d’autres moyens informatiques et télématiques.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité est inquiet de la prévalence de la traite des femmes et des filles, en particulier dans les régions frontalières, et prend note avec préoccupation des informations indiquant que des femmes et des filles font l’objet d’une exploitation sexuelle dans les régions touristiques de l’État partie. Il regrette particulièrement que l’État partie n’ait pas encore adopté un texte législatif général visant à prévenir la traite et à aider les victimes, conformément au Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole relatif à la traite des personnes). Le Comité demeure préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas adopté de stratégie globale pour traiter du problème des femmes et des filles livrées à la prostitution.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De réaliser une étude pour déterminer l’ampleur et les causes profondes de la traite des femmes et des filles, ainsi que de la prostitution forcée, notamment en recueillant et analysant des données sur la traite et sur l’exploitation des femmes et des filles par la prostitution;

b) De faire adopter sans tarder le projet de texte législatif général sur la traite des personnes, de veiller à ce qu’il tienne compte des considérations de sexe social, conformément au Protocole relatif à la traite des personnes, et de prendre des mesures énergiques pour prévenir la traite, notamment en instituant des systèmes d’identification et d’alerte précoces, en poursuivant les auteurs et en les condamnant. L’État partie devrait offrir à titre gratuit des conseils juridiques et un soutien psychologique aux filles et aux femmes victimes et ouvrir des refuges à leur usage;

c) De revoir ses textes législatifs afin de garantir que tous les aspects de la prostitution des enfants, notamment la demande de prostituées adolescentes, soient interdits et dûment réprimés;

d) De prendre des mesures pour combattre l’exploitation des femmes et des filles par la prostitution, y compris par la voie d’Internet et des médias, d’apporter une aide et des moyens de réadaptation aux victimes et d’offrir aux femmes des débouchés leur permettant de sortir de la prostitution tout en les rendant à même de faire leurs propres choix concernant leur vie.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité prend note des mesures que l’État partie a prises pour accroître la participation des femmes à la vie politique et publique. Il relève toutefois avec préoccupation que :

a)La représentation des femmes à l’Assemblée nationale est inférieure à la moyenne régionale et mondiale et que seules quelques femmes ont été élues gouverneures d’État ou maires;

b)Sur 31 ministères, seuls 5 sont dirigés par des femmes;

c)L’État partie n’a pas pris les mesures temporaires spéciales et efficaces qui étaient nécessaires, dans le cadre d’une stratégie globale, pour parvenir plus vite à la véritable égalité entre hommes et femmes dans tous les domaines de la vie politique et publique, notamment des mesures visant les femmes issues de groupes défavorisés dans la vie politique et publique. Il regrette que les mesures prises pour promouvoir la parité dans le cadre des élections ne soient pas obligatoires.

Conformément à sa recommandation générale n o  23 relative à la participation des femmes à la vie politique et publique, le Comité recommande à l’État partie :

a) De poursuivre ses efforts pour garantir l’égalité de représentation des femmes au Gouvernement aux niveaux élevés de la prise de décisions, à l’Assemblée nationale, dans l’appareil judiciaire, dans les organes décentralisés et dans la fonction publique, centrale et territoriale, et la fonction publique des États fédérés;

b) D’incorporer à la législation un système de parité hommes-femmes visant à garantir la représentation des femmes dans la vie politique et publique, en particulier dans la loi électorale, en prévoyant des sanctions en cas de non-respect par les partis politiques, et de prendre des mesures temporaires spéciales au sens du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et de la recommandation générale n o  25 du Comité pour les nominations et désignations de candidats;

c) De renforcer les campagnes de sensibilisation ciblant tant les femmes que les hommes et visant à éliminer les stéréotypes sur les rôles respectifs des hommes et des femmes et mettant en lumière l’importance de la pleine participation des femmes, dans des conditions d’égalité, à la vie politique et publique. Les chefs des partis politiques devraient être visés tout particulièrement par ces campagnes;

d) D’intensifier son action de renforcement des capacités, pour permettre aux femmes de participer davantage à la vie politique et publique.

Le Comité est préoccupé par des informations concordantes faisant état de menaces et d’intimidations visant des membres de la société civile, et notamment des femmes, qui vivent dans la peur. Il constate avec une inquiétude particulière que des femmes ont été arbitrairement placées en détention et/ou harcelées lors des manifestations qui ont eu lieu début 2014.

Le Comité recommande à l’État partie de créer des conditions propres à favoriser la participation des femmes et des filles, en particulier celles qui défendent les droits fondamentaux de la femme, à la vie publique. Il invite instamment l’État partie à garantir à ces femmes et à ces filles le droit d’exprimer leurs opinions, conformément aux normes internationales, et l’engage à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les femmes et les filles contre la détention arbitraire et le harcèlement.

Éducation

Le Comité salue l’élimination de l’analphabétisme chez les jeunes. Il relève aussi les mesures que l’État partie a prises pour assurer l’accès des filles et des femmes à l’éducation dans des conditions d’égalité à tous les niveaux de l’enseignement. Cependant, il est préoccupé par la mauvaise qualité de l’enseignement, par le manque d’enseignants qualifiés dans des domaines tels que les sciences, et par le fait que l’accent est mis sur des matières liées au domaine militaire. Il est également préoccupé par les informations indiquant que les mères adolescentes abandonnent fréquemment leurs études et par le fait que les programmes scolaires ne prévoient pas d’enseignement adapté à l’âge des élèves concernant la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation. Il note aussi avec préoccupation que certaines filières restent essentiellement féminines.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre rapidement des mesures pour améliorer la qualité de l’enseignement, en s’appuyant sur les résultats de la concertation en cours, de veiller à ce que les questions de sexe social soient dûment prises en considération, de supprimer les matières liées au domaine militaire des programmes scolaires et de remédier à la pénurie d’enseignants qualifiés;

b) De prendre des mesures temporaires spéciales pour promouvoir l’éducation des filles et des femmes autochtones ou d’ascendance africaine, des filles et des femmes pauvres, de celles qui vivent dans les zones rurales, et des filles handicapées;

c) De promouvoir la poursuite de la scolarité des filles qui sont enceintes, ainsi que la réintégration de celles qui ont accouché;

d) De mettre en œuvre des programmes complets sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation faisant partie intégrante du programme scolaire, pour fournir aux filles et aux garçons des informations appropriées et adaptées à leur âge afin qu’ils puissent faire des choix responsables en matière de sexualité. Ces programmes devraient traiter du droit des femmes de faire leurs propres choix en ce qui concerne leur santé procréative et sexuelle, et fournir des informations sur les moyens de prévenir les grossesses précoces et les maladies sexuellement transmissibles. Les enseignants devraient recevoir une formation appropriée pour apprendre à traiter ces questions avec tact et professionnalisme;

e) D’éliminer les stéréotypes sexistes et les obstacles structurels qui pourraient dissuader les filles et les jeunes femmes de s’engager dans des filières d’enseignement et de formation professionnelle non traditionnelles, telles que les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques, à tous les niveaux de l’enseignement.

Emploi

Le Comité salue l’adoption de la loi organique sur le travail, mais note avec préoccupation qu’elle ne protège pas suffisamment les droits des travailleurs et travailleurs domestiques. Il est également préoccupé par la ségrégation verticale et horizontale dont sont victimes les femmes sur le marché du travail et par les écarts de salaire persistants entre hommes et femmes. Il prend note avec préoccupation du taux élevé de chômage chez les femmes en âge de procréer et du nombre élevé de femmes employées dans le secteur informel. Il est également préoccupé par la définition restrictive du harcèlement sexuel et par le manque de mesures de prévention du harcèlement sexuel au travail.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à la bonne application de la loi organique sur le travail, en adoptant s’il y a lieu des lois spéciales, des règlements et des protocoles;

b) De renforcer les moyens de surveillance de l’application de la loi organique sur le travail et de garantir le droit de tous les travailleurs, et en particulier des travailleurs domestiques aux congés prénatals et postnatals, aux congés de maternité ou de paternité et à des pauses d’allaitement;

c) De prendre des mesures pour mettre en œuvre le principe « à travail égal, salaire égal », afin de réduire, jusqu’à les supprimer, les écarts salariaux entre hommes et femmes;

d) De redoubler d’efforts pour éliminer la ségrégation horizontale et verticale dont sont victimes les femmes sur le marché du travail, de promouvoir l’accès des femmes à l’emploi dans le secteur structuré de l’économie et de réduire le taux de chômage chez les femmes en âge de procréer, y compris en recourant à des mesures temporaires spéciales;

e) De garantir l’accès des femmes à la justice dans le domaine de l’emploi, y compris en renforçant les procédures de recours et en sanctionnant dûment les pratiques discriminatoires en matière d’emploi;

f) D’élargir la définition du harcèlement sexuel pour qu’elle englobe les comportements créant un climat de travail hostile, conformément à la recommandation générale n o  19 du Comité sur la violence à l’égard des femmes, et de prendre des mesures efficaces pour prévenir, surveiller et sanctionner de manière adéquate le harcèlement sexuel au travail.

Santé

Le Comité est profondément préoccupé par :

a)Le taux de mortalité maternelle qui reste élevé malgré les mesures prises pour le réduire;

b)Le nombre élevé de grossesses précoces, qui, dans bien des cas, entraînent le décès de la jeune fille;

c)Les informations indiquant que des services de santé adéquats, en particulier dans le domaine de la santé sexuelle et procréative, les traitements anticancéreux et les contraceptifs, y compris la contraception d’urgence, ne sont pas toujours disponibles et accessibles;

d)La législation restrictive concernant l’avortement, qui oblige les femmes à avorter dans de mauvaises conditions, ce qui nuit souvent à leur santé et entraîne parfois leur décès;

e)Le manque d’antirétroviraux pour les femmes vivant avec le VIH/sida et la discrimination dont souffrent ces femmes.

  Le Comité invite instamment l’État partie :

a) À redoubler d’efforts pour réduire la mortalité maternelle, en adoptant une stratégie globale prévoyant la mise en œuvre effective du protocole de soins prénatals et aux soins obstétriques d’urgence, un dispositif de surveillance et des services de santé sexuelle et procréative adéquats, y compris la contraception d’urgence et des services avant, pendant et après l’accouchement et après l’avortement. À cette fin, le Comité invite l’État partie à prendre en considération le Guide technique du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme ( A/HRC/21/22 ) concernant l’application d’une approche fondée sur les droits de l’homme à la mise en œuvre des politiques et des programmes visant à réduire la mortalité et la morbidité maternelles évitables ;

b) À allouer des ressources financières, humaines et techniques suffisantes pour faire en sorte que des services de santé adéquats, y compris des services de prévention et de traitement du cancer, soient disponibles sur tout son territoire, en particulier dans les zones rurales et à l’intention des autochtones, des femmes d’ascendance africaine, des femmes âgées et des femmes handicapées;

c) À redoubler d’efforts pour réduire le nombre de grossesses précoces, y compris en garantissant l’accès des filles et des garçons à des informations et à une éducation adaptées à leur âge concernant la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation ;

d) À modifier sa législation pour dépénaliser l’avortement dans les cas de viol, d’inceste, de risque pour la santé de la mère ou de malformation grave du fœtus, à supprimer les mesures punitives visant les femmes qui avortent et à garantir la disponibilité de services d’avortement;

e) À remédier au manque d’antirétroviraux pour les femmes et les filles qui vivent avec le VIH/sida, à veiller à ce que toutes les femmes enceintes vivant avec le VIH/sida reçoivent un traitement adéquat, et à accélérer l’adoption du projet de loi sur le VIH/sida.

Émancipation économique des femmes

Le Comité félicite l’État partie pour son système de microcrédit destiné aux femmes et pour les programmes sociaux visant à faire bénéficier les femmes d’activités rémunératrices. Il note néanmoins avec préoccupation que l’État partie n’a pas donné d’informations sur les résultats de ces programmes et sur leur durabilité. Il est également préoccupé par les informations indiquant que lesdits programmes, dont l’objectif est de promouvoir l’émancipation des femmes, peuvent avoir pour effet de rendre certaines d’entre elles dépendantes.

Le Comité recommande à l’État partie de continuer à renforcer les formules de crédit proposées aux femmes, en prêtant particulièrement attention aux femmes des zones rurales, aux femmes autochtones, aux femmes d’ascendance africaine, aux femmes handicapées et aux femmes âgées. Il recommande également à l’État partie de revoir ses programmes sociaux pour faire en sorte que ceux-ci donnent des résultats durables, qu’ils favorisent l’émancipation des femmes et qu’ils n’aggravent pas leur dépendance.

Femmes des zones rurales

Le Comité relève les mesures que l’État partie a prises pour soutenir les femmes qui travaillent dans l’agriculture. Il regrette toutefois que l’État partie n’ait pas adopté de stratégie globale pour garantir aux femmes et aux filles des zones rurales l’accès aux services de base, à la justice et aux débouchés économiques, ainsi que pour favoriser leur participation à la vie politique.

Le Comité recommande à l’État partie de revoir le Plan pour l’égalité et l’équité entre les sexes « Mamá Rosa » (2013-2019) pour qu’il réponde de manière efficace à la situation et aux besoins des femmes et des filles vivant dans les zones rurales. Une attention particulière devrait être accordée à l’accès des femmes et des filles des zones rurales aux services de base, à la justice, aux perspectives économiques, à la terre, au crédit et à la participation à la vie politique, en particulier en ce qui concerne le développement rural.

Groupes de femmes défavorisés

Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas pris de mesures pour s’attaquer à la discrimination et à la violence dont sont victimes les groupes de femmes défavorisés, notamment les femmes autochtones et d’ascendance africaine, les migrantes, les femmes âgées, les femmes handicapées, les lesbiennes, les femmes bisexuelles, transgenres et intersexuées, ainsi que les autres femmes victimes de formes multiples et croisées de discrimination.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures voulues pour répondre aux besoins particuliers des groupes de femmes défavorisés. Dans son prochain rapport périodique, l’État partie devrait fournir des informations complètes et des données ventilées sur la situation de ces femmes et sur les mesures qu’il aura prises pour répondre à leurs besoins particuliers.

Femmes placées en détention

Le Comité est préoccupé par des informations dont il ressort que des femmes placées en détention sont victimes de violences et que nombre de ces cas ne donnent pas lieu aux enquêtes et aux poursuites voulues. Il prend note avec une préoccupation particulière des informations indiquant qu’une juge, María Lourdes Afiuni, aurait été placée arbitrairement en détention et aurait été victime de violences sexuelles pendant son incarcération, et que l’enquête ouverte par l’État partie n’a encore donné aucun résultat.

Le Comité recommande à l’État partie de mener les enquêtes et d’exercer les poursuites voulues dans tous les cas de détention arbitraire de femmes et de violence à l’égard de femmes incarcérées, y compris le cas de la juge María Lourdes Afiuni, et d’indemniser les victimes.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité prend note de la décision de la Chambre constitutionnelle invalidant la disposition discriminatoire du Code civil qui fixait des âges minimums de mariage différents pour les filles et pour les garçons, décision qui fixe l’âge minimum à 16 ans pour les deux sexes. Il reste toutefois préoccupé par le fait que l’âge minimum du mariage n’est pas conforme aux obligations internationales définies dans la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et dans la Convention relative aux droits de l’enfant. Le Comité note par ailleurs que selon la législation de l’État partie, le régime matrimonial par défaut est la communauté. Il s’inquiète cependant du fait que les actifs incorporels, dont les avantages liés à l’emploi, ne sont pas considérés comme faisant partie de la communauté à répartir en cas de dissolution du mariage.

Le Comité recommande à l’État partie de porter l’âge minimum légal du mariage à 18 ans pour les filles et les garçons, conformément au paragraphe 2 de l’article 16 de la Convention, à la recommandation générale n o  21 du Comité et à la Convention relative aux droits de l’enfant. Il lui recommande également de prendre les mesures législatives nécessaires pour que les actifs incorporels, dont les avantages en matière de retraite et d’assurance, soient considérés comme faisant partie de la communauté à répartir en cas de divorce, conformément au paragraphe 1 de l’article 16 de la Convention et à la recommandation générale n o  29 du Comité.

Amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité encourage l’État partie à accepter dès que possible l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant la durée des réunions du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité demande à l’État partie de se fonder sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing dans la mise en œuvre des dispositions de la Convention.

Objectifs du Millénaire pour le développement et cadre de développement pour l’après-2015

Le Comité invite l’État partie à intégrer une démarche soucieuse d’égalité entre les sexes , en application des dispositions de la Convention, dans tous ses efforts visant à réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement ainsi que dans son cadre de développement pour l’après-2015.

Diffusion

Le Comité rappelle l’obligation qu’a l’État partie d’appliquer de façon systématique et continue les dispositions de la Convention. Il encourage vivement l’État partie à accorder une attention prioritaire à la suite à donner aux présentes observations finales et recommandations d’ici à la présentation de son prochain rapport périodique. Le Comité demande par conséquent que les présentes observations finales soient diffusées en temps voulu, dans les langues officielles de l’État partie, dans les institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local), et soient en particulier communiquées au Gouvernement, aux ministères, à l’Assemblée nationale et à l’appareil judiciaire, afin qu’il y soit intégralement donné suite. Il encourage l’État partie à collaborer avec toutes les parties concernées, comme les associations patronales, les syndicats, les organisations de défense des droits de l’homme et les organisations de femmes, les universités, les institutions de recherche et les médias. Il recommande en outre que les présentes observations finales soient diffusées de manière appropriée au niveau des collectivités locales, pour en permettre l’application. De plus, le Comité demande à l’État partie de continuer de diffuser la Convention, le Protocole facultatif s’y rapportant et la jurisprudence connexe, ainsi que les recommandations générales du Comité auprès de tous les intéressés.

Assistance technique

Le Comité recommande à l’État partie d’articuler la mise en œuvre de la Convention avec son effort de développement et de mettre à profit l’assistance technique régionale ou internationale à cet égard, notamment par l’intermédiaire du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

Ratification d’autres traités

Le Comité note que l’adhésion de l’État partie aux neuf grands instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme conduirait à ce que les femmes jouissent plus pleinement de leurs droits et libertés fondamentaux dans tous les domaines de la vie. C’est pourquoi le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées .

Suivi des observations finales

Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai de deux ans, des informations écrites sur les mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre les recommandations énoncées aux paragraphes 19 a), b) et d) et 31 a), c) et d) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité prie l’État partie de présenter son neuvième rapport périodique en novembre 2018.

Le Comité demande à l’État partie de suivre les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument ( HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).