NATIONS UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/GC/2002/1

17 septembre 2002

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Commentaires des États parties sur les conclusions et recommandations adoptées par le Comité à la suite de l’examen des rapports présentés en vertu de l’article 19 de la Convention

Indonésie

[Original: anglais] [7 décembre 2001]

La Mission permanente de la République d’Indonésie auprès de l’Office des Nations Unies et des organisations internationales à Genève présente ses compliments au Président du Comité contre la torture et souhaite lui fournir, et par son intermédiaire au Comité, des éclaircissements sur un certain nombre de sujets de préoccupation évoqués au paragraphe 7, 8, 9 et 10 des conclusions et recommandations du Comité.

En ce qui concerne tout d’abord les observations du Comité, formulées aux paragraphes 9 i) et 10 m), selon lesquelles la coopération avec l’Administration transitoire des Nations Unies au Timor oriental (ATNUTO) serait insuffisante, la Mission permanente tient à souligner qu’un certain nombre d’échanges ont lieu entre le Gouvernement indonésien et l’ATNUTO depuis quelque temps. À cet égard, la Commission frontalière mixte créée en septembre 2000 afin d’instaurer et d’encourager de bonnes relations entre l’Indonésie et le Timor oriental et de poursuivre la normalisation des activités sur leur frontière commune, concernant notamment les questions des réfugiés telles que les déplacements des personnes, les retraites et les indemnités offre un important exemple de coopération. La Commission frontalière mixte, qui vient d’achever sa troisième réunion le 21 novembre 2001 à Dili, était composée d’une délégation de 50 personnes provenant des deux pays et s’est déroulée dans un esprit d’amitié et de coopération constructive. Pour citer José Ramos Horta, «les deux parties se sont appliquées ces deux dernières années à examiner les problèmes d’intérêt commun et ont fait des progrès concrets».

En outre, le 26 juin 2001, l’Indonésie et l’ATNUTO ont signé un accord au sujet d’une enquête sur le meurtre d’un membre du personnel de maintien de la paix de l’Organisation des Nations Unies, Leonard Manning, survenu en juillet 2001 à Suai, au Timor oriental, au cours d’un accrochage avec des miliciens indonésiens. Les deux parties qui étaient représentées par le directeur du parquet du Timor oriental et le directeur de la police provinciale (pour l’Indonésie) et par le Procureur général du Timor oriental (pour l’ATNUTO), ont décidé de faciliter et d’accélérer l’enquête sur cette affaire en interrogeant les témoins et les suspects. Par ailleurs, les deux pays ont décidé d’autoriser le parquet général du Timor oriental à interroger neuf témoins importants en Indonésie, notamment plusieurs officiers supérieurs de l’armée indonésienne, en rapport avec le meurtre de cinq journalistes australiens, le 16 octobre 1976.

Dans le cadre d’une autre mesure visant à favoriser le resserrement des liens entre l’Indonésie et le Timor oriental, une délégation conduite par le chef de l’ATNUTO, Sergio Viera de Mello, s’est entretenue cette année avec le Président de la Chambre des représentants, Akbar Tandjung, et le Président de l’Assemblée consultative populaire, Amien Rais, en présence de législateurs de la Commission I pour la défense, la sécurité et les affaires étrangères. Plus récemment encore, tandis que le Comité contre la torture était réuni à Genève, M. Longuinhos Monteiro, Procureur général de l’ATNUTO, s’est rendu à Jakarta pour s’entretenir avec des responsables indonésiens de haut niveau. Les 20 et 21 novembre, M. Monteiro, accompagné par M. Marco Kalbush, du Groupe d’enquête de l’ATNUTO sur les crimes graves à Dili, s’est entretenu respectivement avec le Procureur général, le Ministre de la justice et des droits de l’homme et le Directeur du Département des stupéfiants de la police indonésienne en vue d’examiner des questions juridiques et de créer des liens de coopération entre le Timor oriental et l’Indonésie.

M. Monteiro et le Procureur général ont examiné plusieurs questions allant des poursuites à l’encontre des meurtriers de deux fonctionnaires de l’ONU travaillant au Timor oriental à la situation du Mémorandum d’accord sur les questions juridiques signé en avril 2000 et le développement des échanges d’informations judiciaires, moyennant des visites régulières. Des progrès décisifs ont été réalisés dans de nombreux domaines, en ce qui concerne notamment le meurtre du journaliste néerlandais Sander Thoenes, à propos duquel il a été décidé d’envoyer à Dili une équipe mixte composée d’enquêteurs du Parquet général, de la Komnas HAM et de la police néerlandaise afin d’enquêter plus avant sur cette affaire. En outre, l’ATNUTO et l’Indonésie étudient actuellement la possibilité d’engager des avocats indonésiens afin de juger des affaires dans lesquelles sont impliqués d’anciens miliciens. Enfin, les parties ont exprimé le souhait de renforcer leurs liens mutuels de coopération judiciaire et promis d’engager une série d’entretiens auxquels participeraient le Procureur général et l’ATNUTO, dont le premier devrait avoir lieu en Indonésie, en janvier 2002.

Pendant la réunion entre M. Monteiro et le Ministre de la justice et des droits de l’homme de l’Indonésie, les deux parties se sont engagées à rétablir les programmes de formation des juges et conseillers juridiques est‑timorais, les deux pays appliquant le même système juridique. De nouvelles négociations concernant tant le statut de citoyens est‑timorais que des questions d’immigration doivent également avoir lieu à une date rapprochée. À cet égard, le Gouvernement indonésien et l’ATNUTO ont dans le passé tenu des réunions sous l’égide de la Commission frontalière mixte pour examiner des questions concernant la sécurité frontalière, la coopération policière transfrontalière, la délimitation et le contrôle de la frontière entre la République d’Indonésie et l’État indépendant du Timor oriental, ainsi que les mouvements transfrontaliers des personnes et des biens.

Entre‑temps, des entretiens entre le représentant de l’ATNUTO et le Directeur du Département des stupéfiants de la police indonésienne ont porté sur la nécessité urgente de combattre le trafic de drogues des deux côtés de la frontière en procédant à des échanges mutuels et réguliers d’informations et en ayant recours à l’aide internationale pour démanteler les réseaux transfrontaliers. L’Indonésie et l’ATNUTO étudient également la possibilité de fournir à des policiers est‑timorais une formation sur les techniques de prévention contre le trafic de drogues.

On espère que ces éclaircissements persuaderont le Comité que tout est mis en œuvre afin de coopérer pleinement avec l’ATNUTO et qu’ils montreront que, contrairement aux impressions du Comité, des relations cordiales et des liens de coopération sont mis en place entre les autorités indonésiennes et les responsables de l’ATNUTO afin de faciliter le travail de cette dernière et d’accroître le professionnalisme de la partie indonésienne.

En ce qui concerne la nomination de juges spéciaux, le Gouvernement indonésien est sur le point d’affecter 60 juges professionnels et non professionnels dans des tribunaux permanents ou spéciaux créés pour connaître des violations des droits de l’homme. Ils prendront leurs fonctions après avoir suivi un stage de formation de six jours sur les questions relatives aux droits de l’homme et siégeront dans des tribunaux permanents des droits de l’homme créés à Jakarta, Surabaya, Medan, la capitale du nord de Sumatra et Makassar, la capitale du sud de Sulawesi. La moitié des nominations concernent des juges non professionnels qui sont des experts issus de centres d’étude des droits de l’homme des principales universités nationales. Quoique cette mesure gouvernementale soit une étape importante, il reste néanmoins un certain nombre d’obstacles à surmonter. Parmi ces derniers figurent l’élaboration de codes de procédure de jugement à l’intention des tribunaux des droits de l’homme et des mesures propres à remédier à l’inexpérience des juges professionnels en matière de violation des droits de l’homme.

S’agissant d’une autre question importante qui a été soulevée, à savoir la traite des femmes et des enfants, problème sensible et complexe en Indonésie à cause de la grande pauvreté dans laquelle vivent encore un grand nombre de personnes et qu’il est donc difficile de surveiller et d’éradiquer complètement. Toutefois, ce problème tient particulièrement à cœur à la Présidente de l’Indonésie qui, en tant que femme, se sent obligée de s’y attaquer. De fait, la Présidente Megawati Soekarnoputri a évoqué récemment ce problème à la session annuelle de l’Assemblée consultative populaire, le 1er octobre 2001. En outre, la Commission nationale pour les femmes (Komnas Perempuan) a proposé de créer un groupe de travail spécial composé de représentants de divers secteurs tels que les administrations locales, la police, les experts, les militants des droits de l’homme et le Ministère des affaires étrangères afin de s’atteler à cette tâche. Entre‑temps, à sa dernière session annuelle, l’Assemblée consultative populaire (MPR) a fait sienne cette idée et recommandé au Gouvernement de créer un groupe de travail et de ratifier la Convention de 1949 des Nations Unies pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui.

De même, la Chambre des représentants (DPR) a commencé l’examen du projet de loi sur la protection de l’enfant, dans lequel sont énoncées de façon détaillée les obligations des parents, des familles, de la communauté et du Gouvernement à l’égard des enfants, qui a été rédigé en mars 2001 par un groupe de législateurs. Le projet de loi, qui comprend 13 chapitres et 67 articles, tend à créer des commissions régionales pour la protection juridique des enfants. Il convient de rappeler que l’Indonésie a ratifié la Convention no 182 de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants en mars 2000 et que, à l’heure actuelle, la protection de l’enfant est régie par les lois nos 4/1979 sur la santé de l’enfant, et 33/1999 sur les droits de l’homme ainsi que plusieurs conventions internationales qui ont été également ratifiées par l’Indonésie.

S’agissant d’un certain nombre d’incidents concernant les droits de l’homme dont ont été saisis les tribunaux militaires, notamment la fusillade de Trisakti, la Mission permanente de l’Indonésie souhaite porter à l’attention du Comité les faits suivants. Le 12 mai 1998, des agents de sécurité ont ouvert le feu sur des étudiants qui manifestaient devant le campus de l’Université Trisakti, à Java‑Ouest, causant la mort de quatre manifestants. Neuf policiers ont été par la suite jugés en vertu de l’article 338 du Code pénal, pour meurtre avec préméditation, et de l’article 351 3) pour coups et blessures ayant entraîné la mort. Les peines prononcées en août 1998 par le tribunal militaire ont été largement considérées comme trop légères. Toutefois, on a fait valoir que les preuves qui auraient justifié des peines plus sévères avaient été insuffisantes, le parquet n’ayant pas réussi à établir que les balles qui avaient effectivement causé la mort des étudiants appartenaient aux accusés. Depuis, à la suite d’une vague de protestations, la Commission nationale des droits de l’homme (la Komnas HAM) a repris ces affaires et ouvert de nouvelles enquêtes sur cette fusillade meurtrière et d’autres incidents similaires qui s’étaient produits à Semanggi. Malgré le dépassement de la date limite pour l’achèvement des enquêtes, la procédure a été reportée à janvier 2002 à cause de la complexité des affaires qui non seulement sont reliées entre elles mais ont toutes des liens avec deux autres événements, les émeutes de mai et l’enlèvement de défenseurs des droits de l’homme en 1998. La Komnas HAM réexamine donc les éléments de preuves concernant la mobilisation des forces de l’ordre et les balles qui ont été tirées sur les protestataires et convoque aux fins d’interrogatoire tous les militaires de haut rang qui commandaient à l’époque.

La Mission permanente de l’Indonésie regrette que des doutes aient été exprimés par le Comité dans le paragraphe 8 c) de ses conclusions et recommandations sur le point de savoir si la Commission nationale des droits de l’homme (le Komnas HAM) est suffisamment impartiale ou indépendante. Pourtant, dans ses enquêtes préliminaires menées au titre du mandat qui lui avait été confié en application de la loi sur les tribunaux des droits de l’homme, la Komnas HAM a dénoncé à plusieurs reprises des violations qui ont lieu en Indonésie et qui n’ont pas été sanctionnées de façon adéquate. À cet égard, la réputation d’indépendance de la Komnas HAM est attestée de façon particulièrement évidente par ses diverses initiatives au Timor oriental. La Mission permanente de l’Indonésie tient à rappeler à ce sujet que c’est en se fondant sur les investigations effectuées par un comité d’enquête (le KPP HAM) créé par la Komnas HAM, que le Procureur général a pu mener des enquêtes officielles sur cinq incidents comportant des atteintes aux droits de l’homme qui s’étaient produits avant et après les élections de 1999, à savoir le massacre du 6 avril à Liquica, les meurtres commis le 17 avril au domicile du dirigeant indépendantiste Manuel Carrascalao, l’attaque du 5 septembre contre les immeubles du diocèse catholique de Dili, le massacre, le 6 septembre, de prêtres et de personnes déplacées dans une église de Suai, puis le meurtre, le 21 septembre, du journaliste néerlandais, Sander Thoenes. Dans son rapport du 31 janvier 2000 au Procureur général, contenant une liste de 33 suspects, la Komnas HAM a désigné un certain nombre d’officiers supérieurs de l’armée (TNI) et de la police indonésienne, dont certains exercent encore leurs fonctions. L’indépendance d’action de la Komnas HAM est en outre attestée par le fait que les attaques de décembre 2000 lancées par la police en six endroits différents, à Abepura, ont été condamnées par sa commission d’enquête sur la situation des droits de l’homme à Irian Jaya. Dans son rapport, le KPP HAM a désigné nommément 21 officiers de police soupçonnés d’avoir perpétré directement des crimes contre l’humanité et quatre hauts fonctionnaires de police responsables de ces violations graves à travers la chaîne de commandement.

Il convient à ce stade d’examiner un sujet qui a suscité un certain nombre d’observations concernant en particulier la question de l’exécution d’ordres émanant d’un supérieur. À cet égard, les informations ci‑après pourront peut‑être aider le Comité à comprendre non seulement la «légèreté» des peines prononcées dans certaines des affaires mentionnées plus haut, mais aussi le concept de responsabilité pénale énoncé à l’article 2 de la Convention contre la torture. En droit international, la «responsabilité du commandant» est un principe en vertu duquel l’officier commandant assume l’entière responsabilité de tous les crimes ou violations qui ont pu avoir lieu par suite de ses ordres ou de sa négligence. La responsabilité obligatoire du commandant est le principe qui a été entre autres invoqué dans le rapport du Comité d’enquête sur les violations des droits de l’homme au Timor oriental pour inculper un certain nombre de généraux qui étaient affectés au Timor oriental avant et après le vote sur l’autodétermination. Toutefois, le tribunal militaire, qui est compétent pour juger l’auteur plutôt que l’acte commis, s’est avéré être un mécanisme très efficace pour assurer l’obéissance à l’autorité hiérarchique et la discipline militaire.

Contrairement au droit militaire, le droit civil indonésien a adopté depuis longtemps le concept de responsabilité du fait d’autrui, y compris à l’égard des commandants et de la hiérarchie militaires. Toutefois, les procédures judiciaires concernant les membres de l’armée et de la police sont régies par la loi no 31/1997 sur les tribunaux militaires qui n’accorde pas une importance particulière au principe de la «responsabilité du commandant». Ainsi, dans certains cas de violations des droits de l’homme en Indonésie, notamment celles qui ont eu lieu à Trisakti, Semanggi et Bantaqiah, les officiers affectés sur le terrain ont dû porter l’entière responsabilité de ces événements tandis que les commandants de l’armée et de la police ont échappé aux poursuites.

Afin d’aligner la pratique judiciaire de l’Indonésie sur les normes internationales, la loi no 26/2000 sur les droits de l’homme, qui énonce explicitement le principe de la «responsabilité du commandant» a été ratifiée en novembre 2000. Le paragraphe 1) de l’article 42 cette loi est libellé comme suit:

«Tout commandant militaire ou toute personne qui assure effectivement cette fonction, est responsable de tout crime relevant de la compétence du Tribunal des droits de l’homme, qui a été commis par des forces se trouvant sous son commandement et son contrôle ou sous son autorité et son contrôle, selon le cas, par suite du fait qu’il n’a pas exercé son commandement de façon adéquate dans les cas suivants: a) le commandant militaire savait ou, étant donné les circonstances, aurait dû savoir que les forces (…) commettaient de graves violations des droits de l’homme, et, b) le commandant militaire (…) n’a pas pris les mesures adéquates et nécessaires en son pouvoir afin de prévenir ou de faire cesser les actes en cause ou d’en remettre les auteurs aux autorités pour enquête, examen et poursuites.»

L’article 42 de la loi n° 26/2000 élargit cette interprétation de la «responsabilité du commandant» à la police et à d’autres civils. Les principes régissant la responsabilité des chefs et supérieurs non militaires sont conformes à ceux qui ont été incorporés dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. En conséquence, pendant les périodes qui ont précédé et suivi les élections organisées au Timor oriental, le gouverneur et les administrateurs ont été tenus pour responsables en raison de leur rôle actif ou de leur négligence, qui ont conduit à des violations par leurs subordonnés. Il est donc évident que cette responsabilité s’applique non seulement aux commandants des forces militaires de la police et des milices mais aussi aux civils exerçant des fonctions d’autorité et que la loi n° 26/2000 apporte au pays des fondements juridiques renforcés en matière de défense des droits de l’homme.

De leur côté, les crimes contre l’humanité, qui comprennent la torture, font l’objet d’une définition juridique précise du droit international des droits de l’homme, en particulier dans le statut de la Cour pénale internationale dénommé Statut de Rome. Quoique l’Indonésie n’ait pas encore ratifié ce statut, elle a adopté en novembre 2000, la loi sur les tribunaux des droits de l’homme qui souligne le caractère hautement criminel des violations graves des droits de l’homme en prévoyant de lourdes peines pour deux des quatre crimes visés dans le Statut de Rome, à savoir le génocide et les crimes contre l’humanité. Cette loi est un fondement solide pour établir et punir les violations graves des droits de l’homme perpétrées par des Indonésiens.

S’agissant de la préoccupation exprimée par le Comité au paragraphe 9 b) de ses conclusions et recommandations relatives aux «restrictions géographiques et temporelles concernant le mandat du tribunal spécial des droits de l’homme sur le Timor oriental dont la création est prévue», la Mission permanente de l’Indonésie aimerait présenter les explications suivantes. Le paragraphe 2 du décret présidentiel n° 96/2001 stipule que «le tribunal spécial des droits de l’homme (…) est chargé d’instruire et de juger les cas de violations flagrantes des droits de l’homme qui ont eu lieu au Timor oriental dans la juridiction administrative de Liquica, Dili et Suai, en avril et septembre 1999». En conséquence, tout élargissement de la compétence du tribunal aux violations présumées des droits de l’homme qui se sont produites en dehors de ces périodes seraient contraires à la lettre du décret. En outre, un tel élargissement serait incompatible avec la déclaration approuvée du Président de la cinquante-septième session de la Commission des droits de l’homme dans laquelle sont évoqués des cas de violations des droits de l’homme «pendant la période précédant et suivant immédiatement la consultation populaire d’août 1999». Tout au long des négociations qui ont précédé la déclaration du Président sur le Timor oriental, il était entendu que le Procureur général, assisté par une équipe mixte composée d’ONG de défense des droits de l’homme, serait chargé d’examiner et de soumettre aux tribunaux spéciaux des droits de l’homme cinq affaires précises de violations présumées qui s’étaient produites en avril et septembre 1999, respectivement, en se fondant sur le rapport de la Commission nationale des droits de l’homme. En outre, la Mission permanente aimerait signaler, étant donné le fait que le deuxième amendement à la Constitution indonésienne de 1945 stipule explicitement qu’aucune loi ne peut être rétroactive, qu’une modification du décret présidentiel susmentionné ne permettrait pas d’atteindre l’objectif désiré. En d’autres termes, quoique la Constitution protège explicitement les droits de l’homme, son article 28 dans lequel est énoncé le principe de non‑rétroactivité est en contradiction avec la loi n° 26/2000 sur les tribunaux des droits de l’homme.

La flambée d’affrontements violents qui ont opposé la police et les manifestants ces derniers mois a soulevé de nouveau la question de l’emploi excessif de la force par la police afin de maîtriser des situations souvent dangereuses qui sont presque toujours qualifiées de «protestations pacifiques», et est indubitablement la cause des préoccupations du Comité exprimée au paragraphe 7 b). La Mission permanente de l’Indonésie aimerait appeler l’attention du Comité sur la tâche de plus en plus difficile à laquelle est confrontée la police indonésienne face à des mouvements séparatistes armés à Aceh et Irian Jaya, des conflits ethniques à Maluku les provinces centrales du Kalimantan et du Sulawesi, ainsi qu’aux protestations violentes fréquentes qui se produisent dans les villes et aux taux de criminalité croissants touchant la plupart des zones urbaines. Nombre de ces manifestations sont en réalité orchestrées par des provocateurs extérieurs résolus à susciter une agitation propre à créer une effervescence politique et sociale. Pour la défense de la police, il convient de signaler que, compte tenu de la tâche difficile dont elle doit s’acquitter et des lourdes responsabilités qu’elle doit assumer, elle est souvent chroniquement en sous‑effectif, sous‑entraînée et sous‑payée.

La police nationale est également en cours de réorganisation depuis qu’elle a été séparée officiellement de l’armée indonésienne, en juin 2000. Sa transformation, d’institution quasi militaire pendant les trois décennies du régime d’ordre nouveau du Président Soeharto en institution pleinement professionnelle et capable d’assurer la protection de la population prendra du temps. Quoique des abus de pouvoir puissent encore se produire, un certain nombre d’améliorations ont été introduites, au moins parmi les fonctionnaires de police de rang inférieur, en particulier la règle de conduite actuelle consistant à tenter de négocier avec les protestataires avant d’intervenir physiquement. Globalement, la police nationale devrait sûrement se transformer de pair avec une évolution correspondante de la population vers une société civile plus saine et mûre. À cet égard, l’opinion publique, de plus en plus irritée par les émeutes, souhaite que la police prenne des mesures énergiques contre les manifestants. Une enquête d’opinion réalisée par la chaîne de télévision Metro‑TV de Jakarta à la suite des manifestations anti‑américaines qui ont eu lieu dans cette ville a indiqué que 79 % des personnes interrogées pensaient que la police devrait plier les manifestants en faisant usage, au besoin, de méthodes «répressives» face aux manifestants violents tandis que 16 % seulement souhaitaient que les autorités adoptent une méthode faisant davantage appel à la persuasion.

La Mission permanente de l’Indonésie aimerait appeler l’attention du Comité sur le fait qu’un certain nombre de réformes juridiques et institutionnelles importantes sont en cours et elle regrette à ce sujet que le Comité ait évoqué au paragraphe 9 d) de ses conclusions et recommandations «l’absence de protection suffisante des témoins et des victimes de torture». À cet égard, comme cela a été indiqué dans la déclaration dont lecture a été donnée au Comité, les projets de loi sur la protection des témoins et des victimes restent en voie d’achèvement. De même, des interdictions juridiques de la torture sont en train d’être formulées dans le projet, inachevé pour l’instant, de Code pénal révisé qui sera examiné par la Chambre des représentants lorsqu’elle se réunira de nouveau.

Des allégations selon lesquelles il existerait «un décalage entre le texte de la loi et la pratique» ont été également exprimées. Quoique les institutions juridiques indonésiennes aient été améliorées de façon régulière au fil des ans en vue de satisfaire aux normes internationales, il s’en faut encore de beaucoup pour que notre appareil judiciaire soit au niveau de ceux des démocraties établies. Les aspects de son système juridique que l’Indonésie devrait améliorer sont au nombre de trois. Le premier est l’universalité des lois indonésiennes, afin de faire en sorte que tous les principes juridiques aient une application universelle et non particulière ou locale. Le deuxième est leur prévisibilité, afin de prévoir des peines uniformes pour éliminer tout risque de voir appliquer aux auteurs de crimes similaires des peines sensiblement différentes, et le troisième concerne le respect de la jurisprudence. Tant l’appareil judiciaire du pays que ses institutions juridiques doivent donc être mis en conformité avec les principes juridiques universels reconnus par la communauté internationale. Cela nécessitera une réévaluation et une modernisation des tribunaux, y compris la Cour suprême, le parquet général, la police et d’autres professions judiciaires. Toutefois, le respect des lois ne peut être assuré sans l’appui de la communauté ou lorsque la culture juridique n’est ni forte ni largement diffusée.

Étant donné la qualité des éclaircissements apportés ci–dessus, la Mission permanente de la République d’Indonésie prie le Président de veiller à ce qu’il en soit tenu compte quant au fond dans tous les prochains documents officiels du Comité se rapportant aux questions en cause. La Mission permanente de la République d’Indonésie saisit cette occasion de renouveler au Président du Comité contre la torture, l’assurance de sa haute considération.

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