Nations Unies

CED/C/MEX/CO/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

5 mars 2015

Français

Original: espagnol

Comité des disparitions forcées

Observations finales concernant le rapport soumispar le Mexique en application du paragraphe 1de l’article 29 de la Convention *

Le Comité des disparitions forcées a examiné le rapport soumis par le Mexique en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention (CED/C/MEX/1) à ses 119e à 121e séances (CED/C/SR.119 à 121), les 2 et 3 février 2015. À sa 133e session, le 11 février 2015, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport présenté par le Mexique en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention, qui a été élaboré conformément aux directives concernant l’établissement des rapports, et les renseignements qui y figurent. Il apprécie également l’occasion qui lui a été offerte de nouer un dialogue constructif avec la délégation de haut niveau de l’État partie sur les mesures prises pour appliquer les dispositions de la Convention.

Le Comité remercie également l’État partie de ses réponses écrites (CED/C/MEX/Q/1/Add.1) à la liste de points concernant le rapport (CED/C/MEX/Q/1).

B.Aspects positifs

Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a ratifié tous les instruments fondamentaux des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme et la quasi-totalité des protocoles facultatifs y afférents, ainsi que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes.

Le Comité salue également les mesures prises par l’État partie dans des domaines ayant trait à la Convention, notamment:

a)La décision de donner rang constitutionnel aux droits de l’homme reconnus dans les instruments internationaux auxquels le Mexique est partie, y compris la Convention;

b)La décision de reconnaître à l’article 29 de la Constitution que l’interdiction de la disparition forcée ne saurait en aucun cas être limitée ou suspendue;

c)L’adoption de la loi générale relative aux victimes, en 2013;

d)L’adoption d’une nouvelle loi d’amparo, en 2013.

Le Comité accueille avec satisfaction l’inauguration d’une page Web contenant des données systématisées sur les recommandations internationales relatives aux droits de l’homme adressées à l’État partie et il engage ce dernier à mieux faire connaître ces recommandations et à les diffuser plus largement.

Le Comité constate avec satisfaction l’existence d’une société civile et d’une Commission nationale des droits de l’homme dynamiques qui contribuent pour beaucoup au contrôle de l’application de la Convention dans l’État partie.

Le Comité constate également avec satisfaction que l’État partie a adressé à tous les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme une invitation permanente à se rendre dans le pays. À cet égard, le Comité salue la visite que le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires a effectuée au Mexique en 2011 et engage l’État partie à veiller à ce que toutes les recommandations qui en découlent (A/HRC/19/58/Add.2, par. 79 à 113) soient mises en œuvre.

Le Comité rappelle l’échange de correspondance qu’il a eu avec l’État partie au sujet du mécanisme prévu à l’article 33 de la Convention et espère que l’État partie consentira à la conduite d’une visite dans le pays dans un délai raisonnable.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité considère que le cadre normatif en vigueur, ainsi que son application et la manière dont certaines autorités compétentes exercent leurs fonctions, ne satisfont pas pleinement aux obligations découlant de la Convention. Les informations reçues par le Comité décrivent un contexte de disparitions généralisées dans une grande partie du territoire de l’État partie, disparitions dont beaucoup pourraient être qualifiées de disparitions forcées et dont certaines ont débuté après l’entrée en vigueur de la Convention. Le cas des 43 étudiants soumis à une disparition forcée en septembre 2014 dans l’État de Guerrero illustre par sa gravité l’ampleur des difficultés auxquelles se heurte l’État partie en matière de prévention des disparitions forcées, d’enquête et de répression ainsi que de recherche des personnes disparues. Le Comité encourage l’État partie à mettre en œuvre ses recommandations, formulées dans un esprit constructif et une logique de coopération, pour garantir la pleine conformité du cadre juridique existant et de son application par les autorités de l’État fédéral, des États fédérés et des municipalités avec les droits et les obligations que consacre la Convention. L’État partie pourrait mettre à profit les débats dont font actuellement l’objet diverses initiatives législatives, en particulier au sujet de la possibilité d’adopter une loi générale relative aux disparitions forcées, pour mettre en œuvre les recommandations formulées dans les présentes observations finales.

Renseignements d’ordre général

Procédure d’action en urgence

Le Comité sait gré à l’État partie de sa coopération dans le cadre de la procédure d’action en urgence et prend note des renseignements fournis au sujet des organismes chargés d’examiner les demandes d’action en urgence et de mettre en œuvre les mesures conservatoires accordées par le Comité (art. 30).

Le Comité engage l ’ État partie à continuer de coopérer avec lui dans le cadre de sa procédure d ’ action en urgence et à veiller à ce que toutes les actions en urgence et toutes les demandes de mesures conservatoires et de protection transmises par le Comité soient examinées immédiatement et fassent l ’ objet d ’ un suivi régulier.

Communications émanant de particuliers et d’États

Le Comité constate que l’État partie n’a pas encore reconnu la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers ou d’États en vertu des articles 31 et 32 de la Convention. À cet égard, il prend note de l’information communiquée par la délégation selon laquelle la question de la reconnaissance de la compétence du Comité en vertu de l’article 31 de la Convention est encore à l’examen (art. 31 et 32).

Le Comité encourage vivement l ’ État partie à reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers ou d ’ États en vertu des articles 31 et 32 de la Convention en vue de renforcer le régime de protection contre les disparitions forcées prévu dans ladite Convention.

Structure fédérale de l’État partie

Le Comité est bien conscient des difficultés liées à la structure fédérale de l’État partie, mais constate avec préoccupation que, en droit comme en pratique, les diverses juridictions se conforment de manière inégale aux obligations découlant de la Convention. À cet égard, le Comité prend note des initiatives présentées en vue de réformer la Constitution politique afin de donner compétence au Congrès de l’Union pour, notamment, adopter une loi générale relative à la disparition forcée.

Rappelant l ’ article 41 de la Convention , le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter les mesures nécessaires pour garantir, au niveau de l ’ État fédéral comme à celui des États fédérés, le plein respect, en droit et en pratique, des obligations que consacre la Convention. À cet égard, le Comité encourage l ’ État partie à approuver dans les meilleurs délais une loi générale qui régisse de manière exhaustive les aspects de la disparition forcée prévus dans la Convention, en particulier ceux ayant trait à la prévention, à l ’ enquête, aux poursuites et à la répression, ainsi qu ’ à la recherche et au statut juridique des personnes disparues. Le Comité recommande également à l ’ État partie de garantir la participation des victimes de disparition forcée, des organisations de la société civile et de la Commission nationale des droits de l ’ homme à l ’ ensemble du processus devant mener à l ’ adoption de ladite loi.

Définition et incrimination de la disparition forcée (art. 1 à 7)

Registre des personnes soumises à la disparition forcée

Le Comité relève avec préoccupation l’absence de données statistiques précises sur le nombre de personnes soumises à la disparition forcée, qui empêche de connaître la véritable ampleur de ce fléau et rend difficile l’adoption de politiques publiques qui permettent de le combattre efficacement. À cet égard, le Comité prend note de la loi sur le Registre national de données concernant les personnes absentes ou disparues, mais est préoccupé par l’absence de réglementation ainsi que par le fait que le registre ne contient pas d’informations qui permettent de déterminer si une personne a pu être soumise à une disparition forcée (art. 1, 3, 12 et 24).

L ’ État partie devrait adopter les mesures nécessaires pour se doter d ’ un registre national unique des personnes disparues qui permette d ’ établir des statistiques fiables en vue de mettre au point des politiques publiques intégrales et coordonnées visant à prévenir, réprimer et éliminer ce crime odieux et à enquêter sur chaque cas. Ce registre devrait au moins: a) rendre compte de manière exhaustive et adéquate de tous les cas de personnes disparues et contenir notamment des informations relatives au sexe, à l ’ âge et à la nationalité de la personne disparue, et au lieu et à la date de la disparition; b) comprendre des renseignements permettant de déterminer s ’ il s ’ agit d ’ une disparition forcée ou d ’ une infraction de disparition commise sans la moindre participation des agents de l ’ État; c) permettre de générer des données statistiques sur les cas de disparition forcée même lorsque les faits ont été tirés au clair; d) être tenu à jour en s ’ appuyant sur des critères clairs et homogènes, actualisés en permanence. Dans ce contexte, l ’ État partie devrait tirer parti du fait que la réglementation établie par la loi sur le Registre national de données concernant les personnes absentes ou disparues n ’ est pas encore entrée en vigueur pour faire en sorte qu ’ elle respecte les critères susmentionnés. Il devrait également adopter les mesures nécessaires pour garantir que les autorités chargées d ’ incorporer les données pertinentes le fassent de manière uniforme et exhaustive, dès qu ’ elles ont connaissance d ’ une disparition.

Infraction de disparition forcée

Le Comité constate avec préoccupation que certaines législations de l’État partie ne qualifient pas la disparition forcée et que celles qui le font prévoient des peines disparates et donnent des définitions qui ne sont pas toujours conformes à celle énoncée dans la Convention (art. 2, 4, 6, 7 et 8).

L ’ État partie devrait adopter les mesures législatives nécessaires pour faire en sorte que, dans les meilleurs délais, au niveau de l ’ État fédéral comme à celui des États fédérés, la disparition forcée soit qualifiée d ’ infraction autonome conformément à la définition établie à l ’ article 2 de la Convention et que les peines prévues tiennent compte de l ’ extrême gravité de ce crime . À la lumière de l ’ article 8 de la Convention, l ’ État partie devrait également faire en sorte qu ’ en cas d ’ application d ’ un régime de prescription au crime de disparition forcée, le délai de prescription soit de longue durée et proportionné à l ’ extrême gravité de ce crime et, compte tenu du caractère continu de la disparition forcée, que ce délai commence à courir lorsque cesse le crime.

Responsabilité pénale du supérieur hiérarchique

Le Comité prend note des initiatives prises au Congrès de l’Union qui prévoient la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique, mais il observe que la législation en vigueur dans ce domaine ne répond pas pleinement à l’obligation découlant de l’alinéa b du paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention (art. 6).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter les mesures législatives nécessaires pour que, au niveau de l ’ État fédéral comme à celui des États fédérés, la législation prévoie spécifiquement la responsabilité pénale des supérieurs hiérarchiques dans les termes établis à l ’ alinéa b du paragraphe 1 de l ’ article 6 de la Convention.

Disparitions de migrants

Le Comité prend note avec préoccupation des informations faisant état d’un grand nombre de cas de disparition de migrants, notamment des enfants, dont certaines seraient des disparitions forcées, ainsi que des défis que pose cette situation dramatique pour ce qui est de la pleine observation des droits à la justice et à la vérité consacrés dans la Convention, en particulier compte tenu du fait que les proches des personnes disparues ne résident généralement pas dans l’État partie. À cet égard, le Comité prend note des renseignements fournis par l’État partie concernant les enquêtes sur les disparitions de migrants et la recherche des victimes, leur prise en charge et leur protection, ainsi que la mise au point d’un mécanisme transnational de recherche et d’accès à la justice (art. 1, 3, 12, 15 et 24).

L ’ État partie devrait, en coopération avec les pays d ’ origine et de destination et avec la participation des victimes et de la société civile, redoubler d ’ efforts en vue de prévenir les disparitions de migrants, de mener des enquêtes, d ’ engager des poursuites pénales contre les responsables et de protéger comme il se doit les plaignants, les experts, les témoins et les défenseurs. De même, le mécanisme transnational de recherche et d ’ accès à la justice devrait garantir: a) la recherche des migrants disparus et, en cas de décès, l ’ identification et la restitution des restes des personnes décédées; b) la collecte de données ante mortem et leur intégration dans la base de données Ante Mortem −  Post Mortem; c) la possibilité effective pour les proches des personnes disparues, quel que soit leur lieu de résidence, d ’ obtenir des informations et de participer à l ’ enquête et à la recherche des personnes disparues .

Responsabilité pénale et coopération judiciaire en matièrede disparition forcée (art. 8 à 15)

Juridiction militaire

Le Comité accueille avec satisfaction la réforme du Code de justice militaire de 2014, qui exclut la compétence des tribunaux militaires dans les infractions de droit commun ou fédéral commises par des militaires contre des civils, mais constate avec préoccupation que ledit code continue de reconnaître la compétence des tribunaux militaires dans les infractions de droit commun ou fédéral, y compris des crimes de disparition forcée, commises par un militaire contre un autre militaire. Le Comité considère que, par principe, les tribunaux militaires n’offrent pas l’indépendance et l’impartialité requises par la Convention pour connaître de violations des droits de l’homme telles que les disparitions forcées (art. 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter les mesures législatives nécessaires pour garantir que les crimes de disparition forcée commis par un militaire contre un autre militaire soient expressément exclus de la compétence des juridictions militaires et que seules les autorités civiles compétentes soient habilitées à enquêter et à engager des poursuites pénales .

Enquêtes sur les cas de disparition forcée

Le Comité prend note des renseignements communiqués par l’État partie au sujet des autorités chargées de mener les enquêtes en cas de disparition forcée ainsi que des mesures prises dans ce domaine. De même, il constate avec satisfaction que le Bureau du Procureur général œuvre à l’élaboration d’un protocole d’enquête en cas de disparition forcée, comme le lui a demandé le Conseil national de sécurité publique. Toutefois, le Comité est préoccupé par l’impunité qui entache de nombreux cas de disparition forcée, comme en témoigne la quasi-absence de condamnation pour ce crime. Le Comité est également préoccupé par les informations faisant état d’une série d’obstacles qui empêcheraient d’enquêter efficacement sur les cas de disparition forcée, notamment: a) le fait que dans différents cas les autorités compétentes n’ont pas ouvert d’enquête avec la diligence requise immédiatement après avoir été informées d’une possible disparition forcée; b) la qualification des faits sur la base d’autres infractions dans de nombreux cas où certains indices laisseraient supposer qu’un crime de disparition forcée pourrait avoir été commis (art. 12).

L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour faire en sorte que, lorsqu ’ il existe des motifs raisonnables de croire qu ’ une personne a été soumise à la disparition forcée, une enquête exhaustive et impartiale soit menée sans tarder, y compris en l ’ absence de plainte formelle, et que les auteurs présumés soient traduits en justice et, s ’ ils sont reconnus coupables, qu ’ ils soient condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes. De plus, l ’ État partie devrait :

a) Faire en sorte que, lorsque des indices laissent supposer qu ’ un crime de disparition forcée a été commis, il soit procédé sans retard et avec efficacité à une enquête sur tous les agents ou organismes publics susceptibles d ’ être impliqués, et que toutes les pistes soient explorées ;

b) Encourager et faciliter la participation des proches de la personne disparue à l ’ enquête, sans que leur incombe pour autant la charge de la preuve ;

c) Garantir la coordination effective et la coopération de tous les organes chargés de l ’ enquête et veiller à ce qu ’ ils disposent des structures et des ressources techniques, financières et humaines ainsi que de l ’ expertise nécessaires pour s ’ acquitter de leurs fonctions avec diligence et efficacité ;

d) Prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les forces de l ’ ordre ou les forces de sécurité, qu ’ elles soient civiles ou militaires, dont des membres sont soupçonnés d ’ avoir commis un crime de disparition forcée ne participent pas à l ’ enquête.

Le Comité encourage l ’ État partie à envisager de créer au sein du Bureau du Procureur général de la République un service spécialisé dans les enquêtes sur les disparitions forcées doté des ressources nécessaires, en particulier un personnel spécialement formé dans ce domaine, qui inscrive les activités de recherche dans une perspective stratégique nationale et transnationale relative à ce phénomène criminel et travaille de manière coordonnée avec les autres organismes compétents, en particulier l ’ Unité de recherche des personnes disparues .

Protection des personnes qui dénoncent une disparition forcée et/ou qui participentà l’enquête

Le Comité prend note de la législation et des mécanismes existants pour assurer la protection des victimes, des témoins et des plaignants ainsi que du mécanisme de protection spécifique pour les défenseurs des droits de l’homme et des journalistes. Il est néanmoins préoccupé par les informations faisant état d’actes de persécution et de menace à l’égard des proches de personnes soumises à la disparition forcée et des défenseurs des droits de l’homme qui s’efforcent d’aider les victimes, ainsi que par l’absence d’information officielle sur ces faits. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles des agents de l’État auraient humilié publiquement certaines de ces personnes et organisations (art. 12 et 24).

L ’ État partie devrait :

a) Redoubler d ’ efforts pour assurer l ’ application rapide et efficace des mesures de protection prévues dans la législation en vue de garantir la protection effective de toutes les personnes visées au paragraphe 1 de l ’ article 12 de la Convention contre tout mauvais traitement ou toute intimidation ;

b) Intensifier ses efforts en vue de prévenir et réprimer les actes d ’ intimidation et/ou les mauvais traitements dont pourraient faire l ’ objet les défenseurs des droits de l ’ homme qui s ’ efforcent de lutter contre les disparitions forcées et aident les victimes ;

c) Répertorier les actes d ’ agression, de menace et d ’ intimidation afin d ’ élaborer des politiques de prévention et de protection et d ’ améliorer l ’ efficacité des enquêtes ;

d) Veiller tout particulièrement à ce que tous les agents de l ’ État s ’ abstiennent de faire des déclarations publiques qui pourraient discréditer, stigmatiser ou mettre en danger les proches de personnes disparues ou les défenseurs des droits de l ’ homme qui s ’ efforcent de lutter contre les disparitions forcées et aident les victimes .

Disparitions forcées survenues pendant la période dite de la «sale guerre»

Le Comité constate avec préoccupation que, malgré le temps écoulé, aucun progrès notable n’a été enregistré ni en ce qui concerne l’enquête et la condamnation des responsables des disparitions forcées survenues pendant la période dite de la «sale guerre» ni sur le plan de la recherche des personnes disparues. Le Comité prend note des difficultés auxquelles se heurte l’État partie pour localiser les proches de toutes les personnes dont la disparition forcée a été confirmée par la Commission nationale des droits de l’homme dans sa recommandation 26/2001, mais est également préoccupé par la lenteur des progrès accomplis en ce qui concerne la réparation. D’autre part, le Comité prend acte du rapport final récemment publié par la Commission de la vérité de l’État de Guerrero et des déclarations de la délégation de l’État partie informant que les efforts menés dans ce domaine se poursuivraient (art. 12 et 24).

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts en vue de :

a) Faire en sorte que tous les cas de disparition forcée survenus pendant la période dite de la «sale guerre» fassent sans délai l ’ objet d ’ une enquête et que les coupables présumés soient traduits en justice et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes ;

b) Localiser et, en cas de décès, identifier dans les meilleurs délais toutes les personnes qui auraient été victimes de disparition forcée pendant cette période ;

c) Garantir le droit à la vérité sur les faits;

d) Faire en sorte que toutes les victimes, que leur disparition forcée ait ou non été confirmée par la Commission nationale des droits de l ’ homme , obtiennent une réparation adéquate, notamment une aide à la réadaptation, qui tienne compte des questions de genre .

Mesures de prévention des disparitions forcées (art. 16 à 23)

Registres des personnes privées de liberté

Le Comité prend note des informations données par l’État partie au sujet de données qui doivent être intégrées au Registre des détenus et au Registre administratif des détentions. Il regrette néanmoins de n’avoir reçu aucune information détaillée sur les registres tenus dans tous les lieux où peuvent se trouver des personnes privées de liberté, comme les centres de rétention de migrants ou les centres de détention militaire (art. 17 et 22).

L ’ État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que:

a) Toutes les privations de liberté soient enregistrées dans des registres et/ou dossiers uniformes dans lesquels figurent au moins les informations requises en vertu du paragraphe 3 de l ’ article 17 de la Convention;

b) Tous les registres et/ou dossiers des personnes privées de liberté soient remplis et tenus à jour avec précision et sans retard;

c) Tous les registres et/ou dossiers des personnes privées de liberté fassent l ’ objet de vérifications périodiques et, en cas d ’ irrégularités, que les fonctionnaires responsables soient sanctionnés.

Formation relative à la Convention

Le Comité prend note des renseignements communiqués par l’État partie au sujet de la formation aux droits de l’homme dispensée aux fonctionnaires et constate avec satisfaction que certains ont bénéficié d’une formation spécifiquement axée sur la disparition forcée. Le Comité relève néanmoins qu’aucune formation spécifique et régulière n’est prévue pour tous les agents de l’État fédéral, des États fédérés et des municipalités concernant les dispositions pertinentes de la Convention, conformément à l’article 23 dudit instrument (art. 23).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter les mesures nécessaires pour veiller à ce que, au niveau de l ’ État fédéral comme aux niveaux des États fédérés et des municipalités, le personnel militaire ou civil chargé de l ’ application des lois, le personnel médical, les agents de la fonction publique et autres personnes qui peuvent intervenir dans la garde ou le traitement de toute personne privée de liberté, y compris les juges, les procureurs et autres fonctionnaires chargés de l ’ administration de la justice, reçoivent une formation appropriée et régulière concernant les dispositions de la Convention, conformément à l ’ article 23 dudit instrument.

Mesures de réparation et mesures de protection des enfantscontre les disparitions forcées(art. 24 et 25)

Droit d’obtenir réparation et d’être indemnisé rapidement, équitablementet de manière adéquate

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la loi générale relative aux victimes qui prévoit, entre autres, une réparation intégrale pour les victimes de la criminalité et de violations des droits de l’homme et établit qu’une personne peut être considérée comme victime, que le responsable du préjudice ait ou non été identifié, arrêté ou condamné, ou que la victime ait ou non engagé des poursuites pénales ou administratives. De même, le Comité salue la création de la Commission exécutive d’aide aux victimes pour appliquer les nombreux droits des victimes garantis par la législation. Le Comité est néanmoins préoccupé par le fait que la loi n’est pas encore pleinement mise en œuvre, en particulier au niveau des États fédérés (art. 24).

Afin de garantir l ’ exercice effectif du droit d ’ obtenir réparation et d ’ être indemnisé rapidement , équitablement et de manière adéquate à toute personne ayant subi un préjudice direct du fait d ’ une disparition forcée, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ intensifier ses efforts en vue de garantir la pleine application de la loi générale relative aux victimes dans l ’ ensemble de l ’ État partie et dans les meilleurs délais;

b) De faire en sorte que l ’ accès à une réparation et à une indemnisation ne soit pas entravé par des questions formelles telles que la non-application de la loi au niveau des États fédérés;

c) De prendre des mesures pour veiller à ce que toutes les instances qui disposent d ’ informations faisant état de l ’ existence d ’ une victime au sens de la loi procèdent à l ’ inscription de la personne concernée dans le registre des victimes de la Commission exécutive d ’ aide aux victimes.

Recherche des personnes disparues

Le Comité prend note des informations relatives aux mesures prises pour rechercher et localiser les personnes disparues et, en cas de décès, pour identifier leurs restes, ainsi qu’au cadre normatif applicable en la matière, en particulier l’article 21 de la loi générale relative aux victimes. Il constate également avec satisfaction la mise en place de l’Équipe spéciale de recherche immédiate au sein du Bureau du Procureur général de l’État de Nuevo León. Il relève toutefois avec préoccupation les nombreuses informations faisant état des grandes difficultés qui existent dans la pratique en matière de recherche des personnes disparues et, en cas de décès, d’identification de leurs restes. Le Comité est particulièrement préoccupé par les informations selon lesquelles les opérations de recherche des personnes disparues ne seraient pas toujours engagées immédiatement (art. 24).

À la lumière du paragraphe 3 de l ’ article 24 de la Convention, l ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour la recherche, la localisation et la libération des personnes disparues et, en cas de décès, pour la localisation, le respect et la restitution de leurs restes. Il devrait en particulier:

a) Garantir en pratique qu ’ en cas de signalement d ’ une disparition la victime est recherchée d ’ office et sans délai pour augmenter les chances de retrouver la personne vivante;

b) Veiller à ce que les activités de recherche soient menées par les autorités compétentes avec la participation des proches de la personne disparue;

c) Consolider la base de données Ante Mortem − Post Mortem et veiller à ce qu ’ elle soit pleinement opérationnelle dans tous les États fédérés dans les meilleurs délais et qu ’ elle contienne les informations pertinentes concernant tous les cas de personnes disparues, sans exception, dans le strict respect des protocoles applicables;

d) Consolider la base de données génériques du Bureau du Procureur général pour faire en sorte qu ’ elle contienne les informations relatives à toutes les personnes ayant disparu dans l ’ État partie;

e) Garantir dans la pratique la coordination, la coopération et le croisement des données des divers organes chargés de la recherche des personnes disparues et, en cas de décès, de l ’ identification de leurs restes, et veiller à ce qu ’ ils disposent des ressources économiques, techniques et personnelles nécessaires.

Situation légale des personnes disparues dont le sort n’a pas été élucidéet de leurs proches

Le Comité est préoccupé par le fait que la majorité des lois relatives à la situation légale des personnes disparues dont le sort n’a pas été élucidé et à la situation de leurs proches, en vigueur dans l’État partie, ne rendent pas compte avec précision du caractère spécifique du phénomène de la disparition forcée. À cet égard, le Comité note avec intérêt que la Conférence nationale des gouverneurs s’est engagée à promouvoir les réformes législatives nécessaires en la matière, mais constate qu’à ce jour, seuls deux États, ceux de Coahuila et de Querétaro, ont instauré une législation permettant d’obtenir une déclaration d’absence pour disparition forcée (art. 24).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter les mesures qui s ’ imposent pour s ’ assurer qu ’ à l ’ échelle nationale, la législation prévoit une procédure relative à l ’ obtention d ’ une déclaration d ’ absence pour disparition forcée afin de régir de manière appropriée la situation légale des personnes disparues dont le sort n ’ est pas élucidé et celle de leurs proches.

Législation relative à la soustraction d’enfants

Le Comité constate avec préoccupation que la législation en vigueur, au niveau de l’État fédéral comme à celui des États fédérés, ne prévoit pas de dispositions qui sanctionne spécifiquement les actes relatifs à la soustraction d’enfants visés au paragraphe 1 de l’article 25 de la Convention (art. 25).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter les mesures législatives nécessaires pour faire des actes décrits au paragraphe 1 de l ’ article 25 de la Convention des infractions spécifiques, au niveau de l ’ État fédéral comme à celui des États fédérés, et prévoir des peines appropriées qui prennent en compte l ’ extrême gravité de ces actes.

D.Diffusion et suivi

Le Comité tient à rappeler les obligations auxquelles les États ont souscrit en ratifiant la Convention et, à ce propos, engage l’État partie à veiller à ce que toutes les mesures qu’il adopte, quelles que soient leur nature et l’autorité dont elles émanent, soient pleinement conformes aux obligations qu’il a assumées en ratifiant la Convention et d’autres instruments internationaux pertinents. À cet égard, il engage tout particulièrement l’État partie à garantir la conduite d’une enquête efficace sur toutes les disparitions forcées et la pleine satisfaction des droits des victimes tels qu’ils sont consacrés par la Convention.

Le Comité tient également à souligner l’effet particulièrement cruel qu’ont les disparitions forcées sur les droits fondamentaux des femmes et des enfants qu’elles touchent. Les femmes victimes de disparition forcée sont particulièrement vulnérables à la violence sexuelle et à d’autres formes de violence sexiste. Lorsqu’elles sont les parentes d’une personne disparue, les femmes sont particulièrement exposées à de graves conséquences sociales et économiques ainsi qu’à la violence, à la persécution et aux représailles du fait des efforts qu’elles déploient pour localiser leur proche. Pour leur part, les enfants victimes de disparition forcée, qu’ils soient eux-mêmes soumis à une disparition ou qu’ils subissent les conséquences de la disparition de leurs parents, sont particulièrement exposés à de multiples violations des droits de l’homme, notamment la substitution d’identité. C’est pourquoi le Comité insiste sur la nécessité, pour l’État partie, de tenir compte des questions de genre et de la sensibilité des enfants dans la mise en œuvre des droits consacrés par la Convention et l’exécution des obligations qui en découlent.

L’État partie est invité à diffuser largement la Convention, le rapport qu’il a soumis en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention, ses réponses écrites à la liste de points élaborée par le Comité et les présentes observations finales, en vue de sensibiliser les autorités judiciaires, législatives et administratives, la société civile et les organisations non gouvernementales qui sont actives dans l’État partie, ainsi que le grand public. Le Comité invite aussi l’État partie à encourager la société civile, en particulier les organisations de femmes victimes, à participer à la mise en œuvre des présentes observations finales.

Conformément à son règlement, le Comité prie l’État partie de lui communiquer, au plus tard le 13 février 2016, des informations utiles sur la suite qu’il aura donné aux recommandations qui figurent aux paragraphes 18, 24 et 41.

En application du paragraphe 4 de l’article 29 de la Convention, le Comité demande à l’État partie de lui soumettre, au plus tard le 13 février 2018, des informations précises et actualisées sur la mise en œuvre de toutes les recommandations formulées, ainsi que tous renseignements nouveaux concernant l’exécution des obligations découlant de la Convention, dans un document conforme aux prescriptions énoncées au paragraphe 39 des Directives concernant la forme et le contenu des rapports que les États parties doivent soumettre en application de l’article 29 de la Convention (CED/C/2). Le Comité encourage l’État partie à promouvoir et à faciliter la participation de la société civile, en particulier les associations de familles de victimes, à la compilation de ces informations.