Trente-septième session

Compte rendu analytique de la 769e séance (Chambre A)

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 25 janvier 2007, à 10 heures

Présidente :Mme Dairiam (Rapporteur)

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Troisième rapport périodique du Suriname

En l’absence de Mme Simonovic, Mme Dairiam (Rapporteur) prend la présidence.

La séance est ouverte à 10 h 10.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Troisième rapport périodique du Suriname (CEDAW/C/SUR/3; CEDAW/C/SUR/Q/3 et Add. 1)

À l’invitation de la présidente, la délégation du Suriname prend place à la table du Comité.

M. Joemmanbaks (Suriname), présentant le rapport, dit que le Suriname a fourni un effort sérieux pour traiter des préoccupations antérieures du Comité, exposées dans le document A/57/38 (Supp.), deuxième partie, Chapitre VI, en formulant des propositions d’amendement des législations discriminatoires sur la base des recommandations du Comité. La discrimination est définie aussi bien dans la Constitution surinamaise (art. 8, par. 2) que dans le Code pénal (art. 126 bis). De plus, la Constitution établit l’égalité entre hommes et femmes par une interdiction générale de la discrimination basée sur le sexe dans la législation nationale (art. 35, par.2). Le Ministère de la Justice et de la Police a mis sur pied un comité chargé de réviser le Code pénal, en y incluant un renforcement de la définition de la violence contre les femmes et l’augmentation des peines pour violence et discrimination. Des dispositions spécifiques seront également formulées pour protéger les garçons, les fillettes et les mineurs et pour traiter du viol conjugal, de la traite des êtres humains et de la prostitution.

Le Ministère de l’Intérieur prolongera le mandat du Comité chargé de la législation sur l’égalité entre les sexes, qui comprend des fonctionnaires des ministères concernés aussi bien que des académiciens et des représentants d’organisations féminines non gouvernementales (ONG). Le comité aura un statut permanent et son secrétariat sera le Bureau national des affaires féminines. Il aura pour mandat de comparer la législation nationale aux standards internationaux et de proposer les amendements nécessaires. Il travaillera en étroite collaboration avec le Comité contre la traite des femmes et le Comité des droits de l’homme de son pays, deux organes dépendant du Ministère de la Justice et de la Police. En janvier 2007, un séminaire organisé par le Centre des droits de la femme, a recommandé que le Suriname envisage sérieusement de ratifier le Protocole facultatif de la Convention. En 2007, le Centre participera, aux côtés de responsables de la coordination pour l'égalité des sexes, à un débat sur ces questions, organisé par le Ministère de l’Intérieur.

Le rapport est le résultat de consultations avec la société civile, tout comme le Plan d’Action intégré en faveur de l’égalité des sexes pour la période 2006-2010, lancé de manière à coïncider avec l’établissement d’une filiale du Bureau national des affaires féminines à Nickerie. Les nouvelles priorités identifiées par le nouveau Plan incluent des dispositions institutionnelles en faveur de l’amélioration du développement des politiques en faveur de l’égalité des sexes, de la réduction de la pauvreté dans une perspective liée à l’égalité des sexes, d’une planification macroéconomique visant à augmenter la participation des femmes sur le marché du travail, d’une participation paritaire dans le processus décisionnel et du développement d’instruments légaux et politiques pour améliorer les droits de l’homme.

Dans les années à venir, l’action gouvernementale se concentrera aussi sur l’élimination de la violence sexuelle et conjugale, l’augmentation de la participation des femmes dans l’enseignement et la réduction des stéréotypes basés sur le sexe dans l’assignation des postes de travail, aussi bien que sur le renforcement des soins de santé primaires en traitant de la santé procréative et sexuelle, du VIH/sida et du suicide. L’amélioration de l’accès des femmes à l’information et aux technologies de communication, l’élimination des stéréotypes basés sur le sexe dans les médias et l’obtention de la parité des sexes dans le processus décisionnel relatif à l’environnement font partie des autres priorités fixées pour 2006-2010.

Le Bureau national des affaires féminines augmente en ce moment ses capacités et prévoit d’établir des bureaux dans d’autres districts. Son personnel comprend 7 personnes, dont deux à Nickerie. Des postes spécialisés seront bientôt pourvus et des femmes seront recrutées grâce au principe de la discrimination positive. Le Comité chargé de la législation sur l’égalité des sexes a recommandé des projets de législation sur le congé maternité, le concubinage, les retraites, la violence conjugale, le mariage, le travail, l’environnement et les médias. Les détails de ces projets figurent dans le rapport.

Le Plan de développement pluriannuel du Suriname pour 2006-2011 est basé sur les objectifs du Millénaire pour le Développement et vise à créer une société juste qui garantit les droits de l’homme et les sécurités sociales de base pour tous. L’importance particulière de l’enseignement des droits de l’homme a été reconnue par l’Université du Suriname et par les écoles secondaires, aussi bien que par les ONG.

Le Gouvernement a souligné l’importance de s’attaquer à la violence conjugale et aux crimes liés à la drogue. Un comité judiciaire spécial revoit en ce moment la législation dans ce domaine pour l’adapter à la Convention. L’établissement d’un Bureau des femmes et des enfants qui s’attaquerait à la violence conjugale et servirait de centre de coordination et de soutien pour les victimes figure parmi les mesures envisagées. En prévision de l’adoption d’un projet de loi sur le harcèlement sexuel, le Ministère de la Justice et de la Police a mis sur pied un comité des plaintes, chargé de recevoir les plaintes individuelles et d’émettre des sanctions. Un bureau de médiateur est également en passe d’être mis sur pied.

En juin 2003, la loi relative au mariage datant de 1973 est entrée en vigueur, remplaçant les règles du mariage asiatique. En vertu du Code civil, l’age minimum légal du mariage au Suriname est de 17 ans pour les hommes et de 15 ans pour les femmes. La loi sur la traite des êtres humains, qui augmente de 8 à 10 ans les pénalités pour la traite des mineurs de moins de 16 ans, est entrée en vigueur en avril 2006. Dans le domaine de la santé, une politique sexuelle et procréative a été formulée et un plan de mise en œuvre de la santé maternelle est envisagé. Des efforts sont également entrepris pour améliorer la collecte de données. Un plan stratégique national de lutte contre le VIH/Sida a aussi été approuvé pour la période 2004-2008.

L’intégration d’une perspective sexospécifique dans la production et le développement d’activités sont des signes supplémentaires de l’engagement du Gouvernement à remplir ses obligations en vertu de la Convention. Le plan sectoriel de l’enseignement, pour sa part, est orienté de façon à atteindre l’égalité des sexes à tous les niveaux. De plus, il est ravi d’annoncer que plus de femmes sont recrutées pour occuper des postes diplomatiques et consulaires de haut niveau, et que le Suriname compte cinq femmes ambassadeurs. Dix huit pourcent des postes de ministres au Cabinet sont occupés par des femmes, ainsi que 25 % des sièges à l’Assemblée nationale et 25 % de tous les postes de greffiers, y compris ceux de greffiers intérimaires à l’Assemblée nationale. Un Comité spécial des femmes et des enfants a été formé au sein de l’Assemblée nationale et le nombre de femmes nommées aux échelons inférieurs du législatif et de l’exécutif est également en augmentation.

La nouvelle coalition gouvernementale élue en 2005 garantira que les besoins spécifiques des femmes seront pris en considération avec davantage de muscle politique. Bien qu’il n’y ait pas de quota spécial pour garantir qu’un plus grand nombre de femmes soient élues, elles sont libres de s’affilier à chacun des partis politiques. La nouvelle législation relative à l’inclusion du nom de jeune fille des candidates sur les bulletins de vote sera applicable pour les élections de 2010. Le Suriname est engagé à améliorer la vie des femmes surinamaises et à atteindre l’égalité des sexes.

Articles 1 à 6

M. Flinterman demande une clarification de la position de l’État partie sur la ratification du Protocole facultatif et des informations plus détaillées sur l’incorporation de la Convention à l’échelle nationale, aussi bien que sur le statut et la diffusion de cette dernière. Quelles sont également les tâches prioritaires du Comité national chargé de la législation sur l’égalité des sexes? Est-ce qu’un délai cadre a été fixé pour annuler les lois discriminatoires et est-ce que des mesures de discrimination positives sont envisagées pour favoriser la promotion de la femme?

Mme Halperin-Kaddari dit que le Comité a besoin de plus d’information sur la formation, la coordination, le statut et le financement de l’appareil national chargé de la mise en œuvre des dispositions de la Convention. Elle a l’impression générale qu’il y a plus de promesses que d’actes et se demande si le Plan d’Action intégré sur l’égalité des sexes de 2000-2005 a atteint des résultats concrets. Comme la réforme du Code pénal a été entamée en 1993, la délégation devrait être à même d’indiquer un délai cadre pour l’adoption des amendements relatifs à la violence conjugale, entre autres. Est-ce que le fait qu’il n’y a pas eu de plaintes relatives à la discrimination sexuelle ne signifierait-il pas que les femmes n’ont pas accès à une assistance juridique suffisante?

Mme Shin, priant l’État partie de s’assurer que ses quatrième et cinquième rapports conjoints soient soumis à temps, dit qu’elle est très déçue par le manque de progrès réalisés pendant la période couverte par le rapport. Le rythme des réformes juridiques est particulièrement inquiétant, vu que les lois discriminatoires mentionnées dans les conclusions antérieures du Comité (A/57/38 (Supp.), deuxième partie, chapitre IV, par. 41) n’ont toujours pas été abrogées. Les initiatives dans ce domaine semblent être surtout le fait d’organisations non gouvernementales et internationales.

La délégation devrait expliquer quels facteurs spécifiques entravent les efforts propres du gouvernement. Le Bureau général des statistiques a peut-être en effet brûlé, mais c’est la responsabilité du gouvernement de trouver des moyens alternatifs pour collecter des données nationales. Enfin, elle souhaiterait avoir des informations sur le statut des droits de la femme dans la société surinamaise. Elle est en désaccord avec le constat du gouvernement dans son Plan d’Action intégré sur l’égalité des sexes de 2000-2005 selon lequel les droits de la femme sont des « droits de l’homme spéciaux ». Les droits de la femme sont des droits de l’homme fondamentaux, et non des droits spéciaux.

Mme Schöpp-Schilling exprime l’espoir que le prochain rapport de l’État partie donne plus d’informations sur les résultats de sa politique et des plans soulignés dans le présent rapport, et sur les entités qui sont impliquées dans leur mise en œuvre. Elle voudrait savoir si la volonté politique de ratifier le Protocole facultatif existe. La discussion à ce sujet ne devrait pas être laissée aux ONG; l’affaire doit être examinée par le Parlement et des ministères du Gouvernement.

Les efforts sur l’égalité des sexes et les droits de l’homme semblent être considérés comme des concepts distincts. En fait, les efforts sur l’égalité des sexes font partie du cadre général des droits de l’homme pour les femmes, basé sur la Convention, et toutes les politiques, les programmes et les institutions pertinentes devraient orienter leur travail dans ce sens. Elle est également inquiète de voir que les femmes, en soi, sont considérées comme un groupe vulnérable. Une telle notion pourrait faire oublier que les femmes appartenant à des groupes vulnérables, comme les minorités ethniques ou les handicapés, peuvent être victimes de discriminations multiples.

Elle salue le Plan d’Action intégré en faveur de l’égalité des sexes et les 10 secteurs prioritaires qui y sont été décrits. Toutefois, elle demande plus d’information sur la mise en œuvre du Plan d’Action : quelles mesures concrètes seront prises et quels sont les délais prévus ? Est-ce que des ministères particuliers auront une part de responsabilité pour chaque secteur prioritaire ou est-ce que le poids de cette mise en œuvre sera porté entièrement par le Bureau national des affaires féminines ?

Mme Neubauer, tout en saluant la mise en place d’un réseau de responsables de la coordination de l’égalité des sexes, dit que le Bureau national des affaires féminines devrait jouer un rôle crucial dans le développement d’un savoir faire sur les questions de parité et de capacités pour intégrer l’égalité des sexes dans les politiques et les programmes à tous les niveaux du Gouvernement. Une approche en deux phases pourrait être adoptée sur les questions d’égalité, d’un côté en incluant des mesures spécifiques dans les secteurs critiques pour la promotion de la femme, de l’autre en contrôlant et en évaluant le processus de prise en compte généralisée de l’égalité des sexes.

À cet égard, il serait souhaitable d’avoir une structure interministérielle permanente, composée de représentants de haut niveau, avec pouvoir décisionnel, émanant des secteurs politiques pertinents. Elle voudrait savoir s’il existe un engagement politique fort pour garantir que le réseau des responsables de la coordination des questions féminines fonctionne comme une structure permanente en vue d’une coopération et d’une coordination systématiques. Si le réseau ne fonctionne pas déjà de cette manière, elle souhaite que cela devienne le cas dans un futur proche.

M. Joemmanbaks (Suriname) dit que des représentants du Gouvernement ont participé aux discussions de la société civile sur le Protocole facultatif. Le Protocole Facultatif doit également être discuté très prochainement par le réseau des responsables de la coordination des questions féminines et par des représentants d’ONG. Des recommandations seront faites au Gouvernement sur la base de ces discussions.

La Convention a été publiée dans la Gazette nationale en 1992. Il n’était pas possible de la mettre immédiatement en œuvre dans la législation nationale, et de ce fait, des amendements aux instruments législatifs existants ont été adoptés pour qu’elle entre en vigueur. Ce processus suit son cours. Toutefois, les dispositions de la Convention peuvent être invoquées devant les tribunaux si le juge concerné les estime applicables dans l’affaire en cours. La tâche principale du Comité chargé de la législation sur l’égalité des sexes, qui est composé de hauts fonctionnaires, de représentants d’ONG et d’experts de l’Université du Suriname, est de fournir au Gouvernement les informations adéquates sur les amendements législatifs nécessaires. Le processus législatif du pays est lent, car chaque loi doit être revue et approuvée à différents niveaux avant son adoption par le parlement et avant sa publication. Il est d’accord sur le fait que le processus devrait être accéléré.

Le mécanisme national en faveur des femmes est composé du Bureau national des affaires féminines, du réseau de coordination des responsables sur les questions féminines et d’autres parties prenantes, et est coordonné par le Ministère de l’Intérieur. Le Bureau est un organe de haut niveau, placé directement sous la supervision du Ministère de l’Intérieur. Il est composé de sept personnes et est également soutenu par d’autres hauts fonctionnaires. En plus des 10 secteurs de priorités déjà mentionnés, le Plan d’Action intégré en faveur de l’égalité des sexes établit des activités spécifiques qui doivent être menées par des ministères particuliers et des ONG, dans des délais cadre. À cet égard, le Bureau national des affaires féminines agit comme coordinateur mais n’est pas engagé dans la mise en œuvre des activités individuelles.

Le Suriname est engagé à mettre en œuvre la Convention mais fait face à des difficultés diverses à cet égard. Il manque d’experts juridiques dans la collecte et l’analyse des données. Par ailleurs, de nombreuses données ont été perdues en 2003, lors de l’incendie du bâtiment qui abritait le Bureau général des statistiques. Toutefois, le Bureau est à nouveau entièrement opérationnel. Un certain nombre de données ont été récupérées grâce à des systèmes de double sécurité. Des statistiques sur l’égalité des sexes, dans un certain nombre de domaines, sont désormais disponibles pour la période 2002-2005.

Environ 60 % des activités établies par le Plan d’Action intégré en faveur de l’égalité des sexes pour la période 2000-2005 ont été mises en œuvre avec succès. Le reste a été incorporé dans le nouveau Plan (2006-2010). Répondant au point soulevé par Mme Schöpp-Schilling, il dit que les droits de la femme sont bien sûr considérés comme des droits de l’homme en général. Toutefois, le Gouvernement essaie de soutenir des groupes de femmes spécifiques qui ont besoin d’une attention particulière.

Mme Mohanlal (Suriname) dit que le système de gestion des questions sur l’égalité des sexes est en passe d’être renforcé par la fourniture d’équipements Internet et de programmes de formation. En tant que coordinateur du Plan d’Action intégré en faveur de l’égalité des sexes, le Bureau national des affaires féminines est responsable de l’identification des parties prenantes en fonction des questions politiques, de l’identification des développements pertinents et des goulots d’étranglement, de la fourniture de conseils et de soutiens techniques aux partenaires chargés de la mise en œuvre et de la collecte de données aux fins de surveillance et d’évaluation. Du personnel supplémentaire est en passe d’être recruté pour décharger le Bureau. Le Ministère de l’Intérieur a un budget spécial pour les activités relatives aux questions de l’égalité des sexes.

M. Joemmanbaks (Suriname), répondant à une question sur la relation entre le Bureau national des affaires féminines et le Comité chargé de la législation sur l’égalité des sexes, dit que le Bureau fonctionne comme secrétariat du Comité. Les deux dépendent du Ministère de l’Intérieur. Quant au calendrier du rapport au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard les femmes, il dit que le prochain rapport couvrira la période d’avril 2002 à 2010. Dans l’intervalle, toutefois, des informations sur la période allant d’avril 2002 à décembre 2006 seront fournies au Comité.

Mme Tobing-Klein (Suriname) dit que le Gouvernement est entrain de faire de grands efforts, en coopération avec la société civile, pour remplir ses obligations en vertu de la Convention. L’absence de résultats concrets et les retards dans la soumission des rapports sont dus, en partie, au manque de ressources, et son Gouvernement saluerait, à cet égard, l’assistance de la communauté internationale. Elle assure le Comité que le prochain rapport sera davantage axé sur les résultats.

Mme Saiga fait remarquer que, selon le rapport, l’élimination des préjudices n’est pas couverte par la législation nationale. Comme l’élimination des stéréotypes est requise par la Convention, le Gouvernement est obligé de prendre des mesures à cet effet. Dans ses observations finales précédentes, le Comité a recommandé que l’État partie fasse des efforts pour sensibiliser les femmes, les hommes et les médias à la nécessité de lutter contre les stéréotypes. Elle demande quelles mesures sont prises, en particulier auprès des hommes, pour faire changer les comportements sur le rôle de chaque sexe, et comment le gouvernement planifie d’utiliser le potentiel médiatique pour casser les stéréotypes.

Mme Pimentel fait écho aux inquiétudes de Mme Saiga sur l’apparente absence d’action du Gouvernement pour lutter contre les stéréotypes. Elle demande les détails du contenu de deux projets de loi sur la violence conjugale, vu que l’État partie n’a pas fourni cette information dans ses réponses à la liste des questions. Pourquoi ces lois n’ont-elles pas encore été soumises au Parlement ? En attendant leur adoption, quels autres mécanismes existent-ils pour faire rapport et enquêter sur les affaires de violence conjugale et de violence sexuelle, pour garantir la protection des victimes et pour condamner les auteurs de ces violences ?

Mme Coker-Appiah dit que l’obligation faite à l’État partie d’éliminer les stéréotypes et les préjudices sur les sexes est tout aussi importante que les autres obligations, en vertu de la Convention. Les traditions culturelles ne devraient pas empêcher les gouvernements de s’engager dans l’action nécessaire, qui joue un rôle essentiel dans la promotion de la femme laquelle ne devrait pas être laissée uniquement à la société civile et aux organisations internationales. Elle regrette que le rapport ne mentionne pas les résultats des activités mentionnées pour lutter contre la violence faite aux femmes et recommande instamment que cette omission soit corrigée dans le prochain rapport. Elle demande ce qui est fait en ce qui concerne les deux projets de loi sur la violence conjugale mentionnés dans les réponses du Suriname (CEDAW/C/SUR/Q/3/Add.1, p. 9) et quel est leur contenu. Toute information sur des études entreprises sur la violence contre les femmes au Suriname serait également bienvenue, en particulier sur les formes qu’elle prend et le nombre de cas déclarés.

Mme Simms dit qu’il est encourageant que les droits de l’homme aient été définis de manière à y inclure les droits de la femme. Toutefois, le défi est de transformer l’idéologie en action. L’attention portée à la question de la traite de femmes, qui est un problème majeur dans la région de la CARICOM et qui est liée aux problématiques de la prostitution et de la propagation du VIH/sida, est insuffisante. Elle regrette l’absence de statistiques à cet égard, et le manque apparent de mesures sérieuses pour traiter cette question. Des lois fortes sont nécessaires pour protéger les femmes de l’exploitation sexuelle, en particulier au vu de la présence de compagnies internationales dans la région; il faut cibler les promoteurs de la prostitution et les hommes qui utilisent les services de prostituées.

Mme Gabr insiste, à son tour, sur la responsabilité du Gouvernement dans la mise en œuvre de la Convention. Cela inclut des actions pour développer la sensibilisation de ses dispositions au sein de la population aussi bien qu’à l’Assemblée nationale. Le Gouvernement est libre d’engager des consultants pour rédiger son rapport, qui demeure néanmoins sous sa responsabilité. Elle exprime son désarroi face à la déclaration faite dans le rapport (CEDAW/C/SUR/3, p. 12) disant que l’élimination des préjudices n’est pas inclue dans la législation du pays. Le Comité serait reconnaissant s’il pouvait obtenir des statistiques sur la traite des êtres humains, en particulier compte tenu de la haute incidence de la pauvreté au Suriname. Elle demande si ces statistiques peuvent être inclues dans le prochain rapport périodique, notamment en ce qui concerne les femmes autochtones. Elle demande aussi des informations sur les projets de loi sur la violence à l’égard des femmes et la traite des êtres humains.

M. Joemmanbaks (Suriname) dit qu’il reconnaît qu’il est de la responsabilité du Gouvernement de prendre des mesures pour mettre en œuvre la Convention. Le Ministère de la Justice et de la Police a récemment adopté de nouvelles régulations sur la traite des êtres humains, qui servent actuellement de base juridique pour trois cas devant les tribunaux; une condamnation a été prononcée dans une de ces affaires, alors que les deux autres sont toujours en cours.

Mme Tobing-Klein (Suriname) dit que le Gouvernement a soutenu des programmes d’information et d’enseignement pour lutter contre les stéréotypes sur les sexes, en particulier par le biais de la télévision d’État. Si le Gouvernement reconnaît sa propre responsabilité dans la promotion des droits de la femme, il salue le soutien de la société civile. L’ONG ProHealth a produit un rapport sur la violence à l’égard des femmes dans le pays, en coopération avec le Ministère de la Santé. Les données qu’il contient pourraient être mises à la disposition du Comité.

M. Joemmanbaks (Suriname) dit que le premier projet de loi est le résultat d’amendements au Code pénal et inclut une définition de la violence contre les femmes quasi identique à celle contenue dans la Convention interaméricaine pour la prévention, la sanction et l'élimination de la violence contre la femme, adoptée à Belém do Para en 2002. Ce projet comprend des peines plus sévères pour les contrevenants, fixe des règles pour la collecte des preuves et introduit des changements dans les procédures d’enquête policière. Le deuxième projet de loi, préparé par le Centre des droits de la femme, a été soumis directement au Ministère de la Police et de la Justice. Comme ce projet n’a pas encore été déposé au Ministère de l’Intérieur, il ne peut fournir plus d’information à son sujet, mais espère qu’il sera à même de le faire dans le prochain rapport. La collecte d’informations sur la population des Marrons a commencé, mais il n’est pas encore en mesure de présenter des données.

M. Landveld (Suriname) dit que, bien que le rapport n’en fasse pas mention, le Gouvernement a entrepris des actions pour combattre les préjudices sur les sexes. En collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, le Ministère de l’Éducation a mené des projets sur l’égalité des sexes dans les écoles. En ce qui concerne la traite des êtres humains, en particulier parmi la population des Marrons, la législation n’a pas encore été formulée, mais il y a eu une réduction de ces activités, grâce au renforcement de la présence policière. L’intérieur du pays est plus accessible que pendant les années 80 et 90, lorsque des guerres internes empêchaient le Gouvernemental d’exercer son contrôle sur ces régions; de plus, les principaux chefs ont décidé que les mineurs ayant participé à des grèves sauvages, connus sous le nom de garimpeiros, doivent quitter la région des mines. Il regrette de ne pas pouvoir fournir de données.

M. Flinterman dit que, comme il semble qu’il n’existe aucun obstacle à la ratification du Protocole facultatif par le Suriname, il espère que les mesures appropriées seront prises rapidement. Comme la Convention n’est pas directement applicable par la législation de l’État partie et qu’il n’a pas préséance sur les lois nationales, il est d’autant plus important que le Suriname abroge toutes les lois discriminatoires et adopte de nouvelles lois conformes aux dispositions de la Convention. De plus, les membres de la magistrature devraient se familiariser non seulement avec la Convention mais aussi avec les recommandations du Comité. Il exprime sa gratitude sur le fait qu’une approche basée sur le concept désigné par les termes « discrimination positive » ait été incorporé dans le rapport. Il recommande au Gouvernement de remplacer ces termes par « mesures temporaires spéciales » et de tenir compte de manière appropriée de la Recommandation générale 25 du Comité. Il souhaiterait savoir quel est le délai espéré pour son adoption.

Mme Pimentel salue l’inclusion dans le projet de loi sur la violence, de la définition contenue dans la Convention de Belém do Para, dont l’importance, pour toute la région de l’Amérique latine et des Caraïbes, repose sur l’emphase portée à la prévention ainsi qu’aux mécanismes et politiques d’éradication. Elle recommande instamment que le projet de loi reflète également l’esprit et les principaux points juridiques contenus dans la Convention.

Mme Schöpp-Schilling demande des informations additionnelles sur le projet de loi sur l’égalité de traitement, en particulier en ce qui concerne les mesures temporaires spéciales. Elle exprime son inquiétude sur l’utilisation de consultants extérieurs pour préparer le rapport de l’État partie. La planification des réformes juridiques nécessaires doit se faire dans le cadre de la Convention, laquelle doit, par conséquent, être portée à la connaissance de tous les fonctionnaires gouvernementaux. Elle se demande comment ces fonctionnaires peuvent se familiariser complètement avec les dispositions de la Convention, ou tenter de les mettre en œuvre, si la responsabilité de superviser cette dernière est confiée à des experts extérieurs.

Mme Halperin-Kaddari salue l’existence d’un budget indépendant pour le Bureau national des questions féminines. Elle demande si ce budget est garanti par la loi ou s’il doit être renégocié chaque année. Le Comité apprécierait de savoir pourquoi la Convention n’a pas été, à ce jour, invoquée par une seule femme, devant les tribunaux nationaux. Elle se demande ce que fait le Gouvernement pour encourager les femmes à profiter des garanties offertes par la Convention, en particulier en tant que soutien juridique.

Mme Saiga applaudit le Gouvernent pour ses actions médiatiques en faveur des droits de la femme. Elle demande s’il existe des procédures permettant au Bureau national sur les questions féminines d’être informé ou impliqué dans les mesures en faveur de l’égalité des sexes prises en dehors du Ministère de l’Intérieur, comme l’élaboration des projets de lois sur la violence à l’égard des femmes.

Mme Shin dit que le rapport de l’État partie serait plus utile au Comité s’il était préparé par des fonctionnaires du Gouvernement, même si le coût doit en être une écriture moins parfaite. Elle salue la collaboration du Gouvernement avec les ONG, mais souligne que l’initiative de la mise en œuvre de la Convention doit toujours émaner des autorités nationales.

M. Joemmanbaks (Suriname) dit que les magistrats ont reçu une formation sur les droits de l’homme qui comprenait des éléments sur les instruments internationaux, telle que la Convention, et sur la question de la violence à l’égard des femmes. Des organisations féminines, comme le Centre des droits de la femme et la Fondation Stop à la violence contre les femmes ont aidé à préparer le curriculum de ces programmes de formation. Le Centre des droits de la femme a également fourni des directives de formation sur l’égalité des sexes à l’intention du Corps de Police. Le projet de loi sur l’égalité de traitement entre hommes et femmes n’a malheureusement pas encore été examiné par le Ministère de la Justice, mais son Gouvernement est conscient de la nécessité d’adopter cette loi aussi vite que possible. Il fait remarquer que le projet de loi inclut une disposition qui prévoit l’établissement d’une agence pour enquêter sur les cas où des hommes ou des femmes prétendent que leurs droits ont été violés par l’administration.

Il prend note de la recommandation selon laquelle il serait préférable de faire référence à des mesures spéciales temporaires, termes utilisés par la Convention, plutôt qu’à la discrimination positive, qui semble être un contresens linguistique. Il dit également que le projet de loi sur l’égalité reflètera les dispositions de la Convention de Belém do Para tout comme les notes explicatives qui y seront annexées. En ce qui concerne le fait de faire appel à des consultants pour écrire le prochain rapport périodique de l’État partie, il tient à rassurer le Comité de la présence d’un groupe parallèle, composé de représentants de haut niveau de plusieurs ministères et du réseau des responsables de la coordination pour les questions féminines, dont la responsabilité sera de discuter les propositions du prochain rapport avec le consultant. Si les précédentes recommandations du Comité n’ont pas été largement diffusées auprès du public, elles ont été distribuées dans les ministères, aux responsables de la coordination des questions féminines et aux parties prenantes. Le consultant devra également en tenir compte pour la préparation du prochain rapport. Un fois terminé, le rapport sera soumis, pour examen, aux ministères, au Conseil des Ministres et à l’Assemblée nationale.

Le budget du Bureau national des affaires féminines est attribué annuellement et est déterminé sur la base des activités anticipées par le Bureau; ce budget a augmenté régulièrement. Il n’a pas d’information sur le projet de loi relatif à la violence conjugale soumis par le Centre des droits de la femme, mais il dit qu’en général, le Bureau national est tenu informé des développements relatifs aux questions ayant trait à l’égalité des sexes, par exemple, via le réseau de responsables de la coordination de l’égalité des sexes. Le Bureau coopère avec le Ministère de la Justice sur l’élaboration des dispositions du Code pénal relatives à l’égalité des sexes.

Mme Tobing-Klein (Suriname) dit que son Gouvernement, des députées du parlement et d’autres parties prenantes sont entrain d’examiner la possibilité de ratifier le Protocole facultatif de la Convention, et qu’elle espère qu’il y aura des progrès lors de la soumission du prochain rapport. Son Gouvernement est également engagé à mettre pleinement en œuvre la Convention de Belém do Para et à éliminer la violence contre les femmes. Elle rappelle que sa délégation est actuellement membre de la Commission de la condition de la femme. Son Gouvernement participe activement à la discussion de la division de l’Organisation des Nations Unies pour la promotion de la femme sur les questions de la violence contre les femmes et les droits des adolescentes et qu’il coopère avec le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) et les organisations de la société civile pour lutter contre le VIH/sida, qui touche plus de 3000 personnes au Suriname, dont plus de 40% de femmes.

Articles 7 à 9

Mme Neubauer dit que, bien que le nombre de femmes élues en 2005 ait augmenté, les femmes sont toujours peu représentées dans la fonction publique; il n’y a, par exemple, pas de femme commissaire de district. Le Gouvernement doit faire preuve de volonté politique afin de prendre les mesures pour augmenter le nombre de femmes dans les postes à responsabilité. Elle demande si les résultats de l’étude faite par le Forum des députées du Parlement sur la possibilité d’imposer des quotas ont été pris en compte; les quotas peuvent être considérés comme une mesure temporaire spéciale en vertu de l’article 4 (1) de la Convention. Des informations additionnelles seraient également bienvenues sur les effets pratiques des mesures adoptées pour améliorer la représentation des femmes autochtones et des femmes issues de minorités raciales.

Mme Pimentel se dit inquiète du faible niveau de représentation des femmes dans la vie publique et politique, et au niveau de la prise de décision. Elle prend note des obstacles à leur participation décrits dans le rapport, comme les responsabilités familiales, l’absence de garde d’enfants et le manque d’action du Gouvernement et des partis politiques. Le nombre de femmes à des postes élevés semble en fait avoir diminué depuis le dernier rapport, et de ce fait, elle demande des informations sur toutes les mesures prises ou les mécanismes mis en place par l’État partie afin d’augmenter la représentation des femmes à tous les niveaux du processus décisionnel et d’indiquer le sexe des candidats sur les listes électorales. Elle demande aussi pourquoi l’information électorale officielle n’est pas différenciée de manière à tenir compte des sexes.

M. Flinterman se demande si l’État partie a l’intention d’éliminer les dispositions discriminatoires actuelles concernant les droits de la femme à la nationalité, y compris le droit de changer sa nationalité. Bien que la Convention ne soit pas, de façon générale, applicable dans l’État partie, il demande qu’au moins une exemption soit faite en ce qui concerne l’article 9, dont l’intention est d’accorder aux hommes et aux femmes les mêmes droits en matière de nationalité.

M. Joemmanbaks (Suriname) dit que son Gouvernement est bien sûr au courant de la nécessité d’augmenter la représentation des femmes au niveau de la prise de décision; actuellement, les femmes forment la majorité des employées aux niveaux subalternes, 45% aux niveaux intermédiaires et 30% aux niveaux supérieurs. Un certain nombre de femmes sera rapidement nommé à des postes à responsabilité, y compris au niveau de directeur et de directeur adjoint. Les commissaires de district posent un problème particulier car la question des stéréotypes est plus forte à l’intérieur du pays, et souvent les femmes les plus compétentes préfèrent rester dans la capitale où elles bénéficient de meilleures écoles pour leurs enfants. Toutefois, il y a un certain nombre de femmes occupant des fonctions placées immédiatement sous le commissaire de district et il est probable que certaines d’entre elles seront promues rapidement. Le Ministère du Développement régional, qui est responsable de la nomination des commissaires de district, est conscient du problème.

Mme Tobing-Klein (Suriname) dit que le nouveau Code civil inclura des dispositions garantissant l’égalité des droits entre les sexes sur la question du transfert de leur nationalité; malheureusement, l’adoption du nouveau Code prendra du temps. Elle ajoute que pour les élections de 2010, les femmes candidates auront le choix de faire apparaître leur nom de femme mariée or leur nom de jeune fille sur les listes électorales et sur les bulletins de vote.

M. Landveld (Suriname) dit que la minorité Marron est représentée dans le Gouvernement actuel : il y a trois ministres Marrons, dont l’un est une femme, une femme Marron occupe un poste de Secrétaire permanent et une, un poste de sous-secrétaire permanent. Les Marrons et les minorités autochtones occupent 10 sièges au Parlement, parmi eux une femme indigène et trois femmes Marrons. Le Président a établi un comité interministériel pour le conseiller sur les questions des droits fonciers, et le Ministère de la Planification et de la Coopération au Développement est engagé dans un projet de promotion du dialogue sur la question des droits fonciers avec les parties prenantes. Les communautés autochtones et Marrons ont mis sur pied un comité, qui comprend des femmes, pour coordonner les discussions avec le comité gouvernemental. En ce qui concerne la question de la représentation des femmes au Département des affaires étrangères, il dit que neuf des vingt nominations récentes concernent des femmes, y compris cinq cheffes de mission. Cinq nominations sont allées à des représentants de la communauté Marron, dont une femme, nommée ambassadeur à Trinidad et Tobago.

Mme Simms salue l’augmentation de la représentation des femmes issues de minorités, mais insiste sur le fait que le Gouvernement et le parti actuellement au pouvoir ont la responsabilité de se poser en exemple pour l’ensemble du pays et pour l’opposition politique, en portant, par exemple, le quota des femmes à 30 %. De plus, dans les discussions avec les communautés Marron et autochtones, où les stéréotypes sont plus prévalents, le Gouvernement doit souligner la nécessité de garantir aux femmes une représentation identique aux hommes.

La séance est levée à 13 heures.