Trente-quatrième session

Compte rendu analytique de la 709e séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 24 janvier 2006, à 10 heures

Présidente:Mme Manalo

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième et troisième rapports périodiques combinés de l’Érythrée

La séance est ouverte à 10 h 10.

Examen des rapports présentés par les États partiesconformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième et troisièmerapports périodiques combinés de l’Érythrée (CEDAW/C/ERI/1 à 3 et Corr.1, CEDAW/C/ERI/Q/1 à 3, CEDAW/C/ERI/Q/1 à 3/Add.1)

À l’invitation de la Présidente, les représentants de l’Érythrée prennent place à la table du Comité.

M me  Gebreab (Érythrée) déclare que la libération de la femme a constitué un aspect important de la lutte pour l’indépendance, un combat qui remonte, en Érythrée, au début des années 60. Au cours des 30 ans qu’a duré cette lutte, les femmes ont participé à part égale à l’économie, à l’éducation, à la santé, ainsi qu’à l’élaboration des politiques, à la gouvernance, et aux opérations militaires, et ont représenté le tiers des forces engagées dans le combat actif. Les efforts déployés par le Gouvernement en vue de la réalisation de l’égalité parfaite entre les sexes sont une réaffirmation d’une politique qui a joué un rôle central dans la longue lutte de libération.

Après l’indépendance, la volonté politique des pouvoirs publics de promouvoir la condition féminine a été réaffirmée à travers la Macropolitique adoptée en 1994 et élaborée plus avant dans la Politique nationale en matière d’égalité des sexes en 2005. La première Constitution de l’Érythrée indépendante, qui a été ratifiée en 1997, prévoit le droit des femmes à gérer les affaires publiques, à voter et à se porter candidates à tous les postes politiques au niveau des assemblées villageoises, régionales ou nationales et de bénéficier, sur un pied d’égalité, de toutes les opportunités économiques et commerciales. Ses efforts de développement sont, par conséquent, fondés sur la reconnaissance du fait que l’égalité des sexes constitue un préalable du développement durable.

Depuis la présentation du dernier rapport en 2004, des mesures supplémentaires ont été prises en vue de promouvoir la cause des femmes. S’inspirant du Plan d’action national pour l’égalité des sexes, le Conseil des ministres a adopté des résolutions visant à la prise en compte généralisée des questions d’égalité des sexes dans les différents ministères et secteurs, approuvé un plan d’action assorti de délais précis pour sa mise en œuvre, et pris l’engagement de collaborer étroitement avec l’Union nationale des femmes érythréennes (UNFE). Une femme a été nommée gouverneure de l’une des six régions du pays et une autre est maire de Massawa, la deuxième ville du pays.

La politique et la stratégie nationales d’égalité des sexes en matière d’éducation, adoptée en avril 2005, assurent l’égalité des droits et de chances pour les deux sexes et s’attaquent aux inégalités actuelles entre les filles et les garçons en matière d’accès et de performance à l’école, dans le cadre de l’objectif de développement du Millénaire qui prévoit l’école primaire pour tous à l’horizon 2015. Elle vise également à réduire les inégalités entre les sexes en matière d’éducation d’ici à 2020. Reconnaissant que les tâches domestiques et les responsabilités économiques des femmes réduisent leur capacité à bénéficier des opportunités en matière d’éducation, le Gouvernement, en partenariat avec l’Union nationale des femmes érythréennes et le Programme alimentaire mondial (PAM), a lancé un programme dénommé « De la nourriture pour l’éducation » qui consiste en la distribution des aliments de base (farine, huile, sucre et sel) afin de dégager du temps susceptible d’être consacré à l’éducation. Les premiers résultats indiquent un meilleur accès des jeunes femmes aux activités éducatives et un soutien ainsi qu’un encouragement accrus de la part des membres de la famille de sexe masculin. Un programme scolaire de rattrapage d’un an a également été lancé en vue de mieux préparer les jeunes gens, surtout les jeunes filles, aux programmes de formation supérieure et professionnelle; ce qui a permis l’augmentation de l’effectif des femmes impliquées dans ces programmes.

La pauvreté est la principale cause de la malnutrition et de la forte morbidité des populations, principalement chez les enfants et les femmes en âge de procréer. Au cours des cinq dernières années, une sécheresse persistante et le conflit frontalier avec l’Éthiopie ont aggravé cette pauvreté. Le Gouvernement distribue gratuitement des vitamines essentielles, de l’iode et les moustiquaires imprégnées aux femmes en âge de procréer. En outre, il a élaboré un programme quinquennal de formation des professionnels de la santé, y compris la préparation à l’obstétrique en tant que prérequis du programme de formation des infirmières, et il offre des cours d’éducation sexuelle à l’école. Par ailleurs, le Cabinet des ministres a pris la résolution de préparer un texte de loi interdisant l’excision et offrant des services d’avortement légaux et en toute sécurité. Enfin, dans le cadre de la lutte contre le VIH/sida, le Gouvernement a étendu sa campagne à travers le lancement de HAMSET II, deuxième phase d’un programme géré conjointement par le Gouvernement, l’Union des femmes érythréennes et les ONG locales et orienté vers la lutte contre le VIH/sida, le paludisme, les MST et la tuberculose.

Dans le cadre du renforcement des capacités économiques des femmes, le Conseil des ministres a pris des mesures dans les domaines de la création d’emplois et des revenus, y compris des activités agricoles et commerciales à petite échelle gérées par les femmes, la formation des femmes à des activités non traditionnelles, telles que le bâtiment et les transports, l’accord des prêts à faible taux d’intérêt, le recyclage des compétences monnayables, la réduction du poids de leurs travaux domestiques et l’égalité des droits en matière de propriété foncière. Les ministres ont également convenu d’organiser des rencontres régulières avec l’UNFE en vue de suivre la mise en œuvre de leurs décisions.

La sécheresse persistante et la pauvreté font partie des obstacles majeurs aux efforts de promotion de la femme, et les femmes en ont souffert plus que les hommes. La malnutrition a fait des victimes chez les femmes en âge de procréer et miné les efforts d’instauration de l’égalité des chances. En vue de réduire la dépendance à l’égard de l’agriculture pluviale, le Gouvernement mène une campagne nationale de construction des barrages, de systèmes d’irrigation et de pistes de collecte, en dépit du montant élevé des fonds nécessaires.

Les pratiques socioculturelles, religieuses et coutumières négatives devront être abandonnées si l’on veut éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Le Gouvernement est peut-être totalement engagé en faveur de la mise en œuvre des lois en harmonie avec les normes internationales, mais les croyances et les pratiques tenaces peuvent constituer un obstacle insidieux à la réalisation de cet objectif.

Le manque des données ventilées selon le sexe a gêné ses efforts de promotion de la femme. Étant une jeune nation en développement, l’Érythrée ne dispose pas de données globales et fiables nécessaires à la planification et à la mise en œuvre des programmes. Récemment, le Gouvernement a élaboré une loi sur les statistiques nationales qui va obliger toutes les institutions publiques et le secteur privé à fournir des données statistiques de façon régulière.

Dernière difficulté et non des moindres, la paix et la stabilité régionales sont des préalables du développement socioéconomique et politique durable, pas seulement pour les femmes mais aussi pour la population tout entière. Le déplacement d’une partie importante de la population et les difficultés découlant du refus de l’Éthiopie de respecter la décision finale de la Commission frontalière Érythrée-Éthiopie et l’échec du Conseil de sécurité dans la mise en œuvre de la décision de démarcation des frontières sont de véritables freins à la promotion de la femme.

Articles 1 et 2

M. Flinterman dit qu’il n’est pas clair que la Convention sera intégrée dans le système juridique national érythréen lorsque l’harmonisation des lois nationales et des instruments internationaux sera achevée en 2007. Sinon, l’Érythrée ne sera pas à jour avec ses obligations internationales. Il veut connaître le niveau de sensibilisation du personnel de la magistrature aux dispositions de la Convention et si cette dernière et les autres instruments des droits de l’homme font partie des programmes de formation des magistrats et des facultés de droit. Il n’y a pas d’indication que l’Érythrée compte ratifier ou non le Protocole facultatif à la Convention.

M me  Gaspard déclare que, bien que le rapport n’ait pas respecté scrupuleusement les directives en matière de reportage, le Comité espère pouvoir aider la jeune nation à travers un dialogue constructif. Elle est préoccupée par la déclaration contenue dans les réponses écrites à la liste des points et questions selon laquelle l’Érythrée n’envisage pas d’adopter une loi interdisant les mutilations génitales féminines et voudrait en savoir plus sur le contenu du projet de loi portant interdiction de l’excision dont mention a été faite dans l’exposé liminaire. Elle veut savoir si le pays a ratifié le Protocole additionnel à la Déclaration africaine des droits de l’homme et des peuples sur les droits des femmes en Afrique.

M me  Khan demande si le Comité de réforme juridique du Ministère de la justice est aussi habilité à réviser le droit coutumier. Elle suggère que l’objectif recherché ne doit pas consister à disposer de lois « impartiales à l’égard des sexes » mais plutôt de lois sensibles à la spécificité des sexes. Elle voudrait connaître le statut du droit coutumier par rapport au Code civil, et si la Macropolitique va modifier les lois qui régissent le mariage.

Enfin, l’oratrice veut savoir si une institution publique avait collaboré avec l’UNFE dans la préparation du présent rapport.

M me  Gabr déclare vouloir en savoir un peu plus sur le statut, les missions, le financement et l’accès aux ressources dont jouit l’Union nationale des femmes érythréennes. Il serait également intéressant de savoir s’il existe des projets de collaboration avec le Comité national sur les droits de l’enfant, puisque les intérêts des enfants et des femmes sont souvent intimement liés.

M me  Shin déclare que, bien que les dispositions de l’article 7.2 de la Constitution comportent une définition de la discrimination à l’égard des femmes, elles n’entendent pas la discrimination au même sens que la Convention. Elle aimerait en savoir plus sur leur compréhension de la discrimination à l’égard des femmes et de la parité hommes-femmes, et si on envisage de consacrer une définition de la discrimination et de l’égalité des sexes à travers un texte de loi.

M me  Saiga sollicite davantage d’éclaircissements sur le statut du Comité de réforme juridique du Ministère de la justice, elle veut aussi savoir s’il va achever ses travaux en 2007 tel que prévu, et s’il existe des propositions concrètes d’amendement et un calendrier d’harmonisation.

M me  Gnacadja demande à la délégation si une loi entre en vigueur dès son adoption, ou s’il faut attendre les règlements d’application et si le Comité de réforme juridique est compétent pour abroger une loi.

M me  Morvai se demande si les femmes, y compris les femmes éthiopiennes ont participé à la construction et au maintien de la paix lors des difficiles années de guerre en Érythrée et si les résultats des efforts des Nations Unies dans ce domaine ont été utilisés. Elle veut également savoir si des pays occidentaux ont apporté leur collaboration dans le domaine des droits et de la promotion de la femme et quelles sont les attentes de l’Érythrée pour l’avenir, par exemple, en termes de soutien financier.

M me  Gebreab (Érythrée), répondant à la question relative à la mise en œuvre de la Convention, déclare que le Gouvernement et le peuple érythréen sont engagés envers l’égalité des sexes, un préalable pour la sécurité et le développement national. Toute législation contraire à cette politique est considérée comme anticonstitutionnelle. Cependant, toutes les dispositions de la Convention ne peuvent pas être appliquées du jour au lendemain. Bien que l’Érythrée n’ait pas ratifié le Protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique, son pays ne rencontre aucun problème par rapport à cet instrument.

En ce qui concerne la formation sur l’égalité entre les sexes dans le système juridique, elle relève que l’Érythrée est comme tout autre pays qui veut assurer les droits humains de ses populations et, bien qu’il n’existe pas de lois spécifiquement dédiées à la question, l’égalité entre les sexes dans tous les domaines constitue un principe de base de la politique officielle de son pays.

Tout en marquant son accord avec le fait que les mutilations génitales féminines constituent une violation des droits humains de la jeune fille, elle déclare que la pénalisation d’une pratique aussi profondément enracinée aurait pour effet de la faire rentrer dans la clandestinité, avec des conséquences graves pour les filles qui souffriraient de complications médicales. L’accent doit être mis sur l’éducation et le plaidoyer pour accroître le niveau de sensibilisation sur le tort causé par ces actes afin qu’un accord soit trouvé sur la nécessité de légiférer; elle estime qu’il faudrait environ deux ans pour qu’une loi soit adoptée sur la question.

Sur la question relative au lien entre le droit coutumier, le Code civil et l’égalité entre les sexes, elle attire l’attention sur l’exemple du mariage qui peut être régi par n’importe lequel de ces systèmes. Le contexte social crée parfois une situation où le droit coutumier peut l’emporter sur le Code civil; par exemple, une femme musulmane peut se marier selon la charia ou le droit coutumier, mais elle peut inscrire son mariage au registre d’état civil conformément au droit civil.

Quant au mariage des mineures, elle relève que, bien que la Constitution fixe l’âge minimum de mariage à 18 ans, dans les villages où les naissances ne sont pas inscrites au registre d’état civil, et où les gens témoignent les uns pour le compte des autres, la situation est différente. Une fois de plus; l’éducation peut changer les attitudes, et le taux d’alphabétisation croissant grâce au programme d’alphabétisation de l’Érythrée pourrait certainement avoir un effet positif.

M. Giorgio (Érythrée) déclare que, suite à l’accès de l’Érythrée à l’indépendance officielle en 1993, les textes de loi coloniaux, et toutes les législations discriminatoires ont été abrogées, et un droit civil et un droit pénal nouveaux ont été élaborés, en tenant compte de la coutume. La réforme du système juridique érythréen va certainement se poursuivre jusqu’en 2007.

M me  Gebreab (Érythrée) déclare que l’UNFE a été créée en 1979 en tant qu’ONG. Du fait du grand nombre de femmes érythréennes déplacées ou de la diaspora, cette association a pris part, à plusieurs conférences organisées à l’étranger sur les droits des femmes. Par ailleurs, elle s’est engagée dans la lutte pour l’indépendance et l’égalité sociale. Après l’indépendance, elle a choisi de rester une ONG, mais le Gouvernement a par la suite sollicité qu’elle se transforme en un mécanisme national pour la promotion des femmes.

Le budget de l’État contribue à son financement à hauteur de 10 %. Les 90 % restants proviennent des bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux ainsi que des contributions d’autres pays et des ONG. Cependant, l’UNFE est une entité autonome dotée de son propre programme, y compris le lobbying en faveur des questions féminines. Par exemple, elle s’assure que la problématique des sexes est incorporée dans les stratégies internationales en matière d’alimentation et de réduction de la pauvreté et elle joue un rôle important de défense des intérêts des femmes dans le domaine de la propriété foncière puisqu’en dépit de l’égalité entre les sexes dans l’accès à la terre, les parcelles sont généralement allouées à des familles et non à des individus.

L’UNFE est impliquée dans tous les aspects de la politique sur les questions féminines, de la base jusqu’au niveau du Gouvernement, et elle est présente à l’intérieur de l’Érythrée et dans la diaspora; lorsque les femmes de la diaspora sont confrontées à des difficultés, elle prépare un rapport qu’elle soumet au Gouvernement.

Elle relève que les problèmes de l’enfance ont été incorporés aux questions féminines. L’UNFE participe à l’action du Ministère des affaires sociales et élabore des programmes d’appui aux femmes actives, par exemple, à travers l’ouverture des crèches. Elle met également l’accent sur l’appui aux femmes les plus vulnérables et prépare actuellement un projet destiné aux femmes âgées. Bien que l’UNFE soit le concepteur de ces projets, ils sont mis en œuvre par les communautés concernées.

Bien que la législation érythréenne ait été harmonisée avec la Convention seulement en théorie, chacun de ses articles représente un engagement de la part du Gouvernement. Le Ministère de la justice a mis sur pied un comité pour élaborer la législation nécessaire, par exemple en matière commerciale, qui sera transmise au Gouvernement pour débat et adoption. Le Comité peut également émettre des directives sur la procédure de promulgation des lois en vue de résoudre un conflit entre le droit érythréen et la Convention.

En réaction à la question relative aux femmes et le maintien de la paix, elle explique qu’au cours des années de guerre de 1960 à 1991, seules les organisations non gouvernementales et les Érythréens de la diaspora ont travaillé à la construction de la paix. Le peuple érythréen a payé un lourd tribut à la guerre, avec des milliers de martyrs, et voudrait à présent se tourner vers l’avenir et travailler paisiblement. Bien que les femmes érythréennes et éthiopiennes aient organisé conjointement des débats du temps de la guerre, aucune résolution n’en a découlé.

Article 3

M me  Zou veut savoir quel est l’organisme public qui est chargé de la mise en œuvre du Plan d’action de Beijing dans le pays.

M me  Tavares da Silva, tout en relevant que la délégation ne comprend pas des représentants des ministères, espère que tous les ministères sont impliqués dans les questions féminines. Elle demande si, en plus de son rôle dans la défense des intérêts des femmes, l’UNFE assure la supervision de l’intégration des problèmes des femmes dans les politiques. Elle soulève également le problème de l’implication des hommes dans la promotion et le développement des questions féminines. Elle relève dans les réponses à la liste des points et questions (CEDAW/CERI/1 à 3/Add.1, p. 4) que les mécanismes institutionnels de résolution des problèmes des femmes sont en train d’être renforcés et demande qu’ils soient identifiés. Elle demande également des clarifications sur le lien qui existe entre le Plan d’action national 2004-2008 et le document de politique de la femme du Gouvernement.

M me  Schöpp-Schilling met l’accent sur l’importance de la responsabilité du Gouvernement. Le rapport témoigne d’une certaine confusion conceptuelle entre la prise en compte des problèmes des femmes et la discrimination positive. La prise en compte des questions féminines est un processus qui requiert de l’analyse. Les statistiques sont cependant nécessaires à cette fin. Elle veut connaître les mesures qui ont été prises en vue de rassembler les données et si, dans ce cadre, l’Érythrée a sollicité l’aide internationale. Enfin, elle aimerait savoir pourquoi aucun système de quotas n’a été appliqué lors de l’élection des conseils de village et quels ont été les résultats de ce scrutin.

M me  Gaspard veut savoir si, en dehors de l’UNFE, d’autres ONG sont impliquées dans les questions féminines en Érythrée.

M me  Saiga aimerait savoir quelle est la principale préoccupation de l’UNFE, à la fois en tant que mécanisme national et en tant qu’ONG, en matière de politique d’égalité entre les sexes. Elle sollicite des informations sur la structure de l’UNFE, surtout ses démembrements, son personnel local et les différents secteurs dans lesquels elle est impliquée.

M me  Shin relève que le rapport ne contient pas d’informations sur les violences faites aux femmes et veut savoir s’il existe un mécanisme de collecte de ces données. À cet égard, elle met l’accent sur le bien-fondé de la recommandation générale No 19 du Comité. Elle demande s’il existe des stratégies susceptibles de permettre que les futures collectes de données couvrent toutes les formes de violence faite aux femmes, y compris, le viol, la violence exercée par les militaires et la violence domestique; l’UNFE doit se servir de son réseau étendu pour rassembler ce type de données. Elle veut savoir comment l’UNFE compte remplir sa fonction de recherche.

La Présidente, s’exprimant en sa qualité de membre du Comité, veut connaître le lien qui existe entre l’UNFE et le Parlement. Elle se demande quelles sont les dispositions prises dans ce cadre et comment elles permettent de responsabiliser le Gouvernement. Elle veut savoir s’il est possible d’avoir un budget conséquent pour les questions féminines et qui permette à l’UNFE de fonctionner.

M me Gebreab (Érythrée) déclare que l’UNFE sert de catalyseur en examinant les politiques publiques sous le prisme des sexospécificités, en faisant du lobbying au besoin, en signalant tous les manquements constatés au Gouvernement, et en apportant ses conseils. Elle sous-traite, en cas de nécessité, certaines questions auprès des consultants. Elle a été consultée sur plusieurs aspects de la politique gouvernementale, y compris, la réduction de la pauvreté, la stratégie en matière d’alimentation, les objectifs du Millénaire pour le développement, et les incidences de la problématique des sexes sur l’action dans le domaine de l’éducation. Il est vrai que la délégation aurait dû inclure les représentants du Ministère de l’éducation et du Ministère de la santé, mais cela n’a pas été possible pour des raisons techniques; toutefois, une rencontre a été organisée avec ces deux départements ministériels avec un accent sur les problèmes des femmes dans tous les domaines de la politique gouvernementale. Les points de vue de l’UNFE sont pris en compte dans plusieurs domaines, par exemple dans la politique gouvernementale en matière de santé génésique. La création d’un centre national de ressources sur les problèmes des femmes a été proposée et des mesures sont envisagées pour la formation en analyse des sexospécificités. L’UNFE a des représentants dans les ministères ainsi que dans certaines organisations et s’implique activement dans la constitution des réseaux de femmes dans diverses corporations et associations professionnelles. Le Plan d’action national pour l’égalité entre les sexes s’étendait initialement jusqu’en 2003 mais il a été prolongé jusqu’en 2008. Le projet de politique nationale de la femme a été débattu dans le cadre de l’UNFE et présenté ensuite aux ministres concernés qui l’ont adopté. Évidemment, les statistiques sont nécessaires et le Bureau national de la statistique y travaille, surtout à travers la collecte des données ventilées selon le sexe. Une étude de base sur la violence domestique est prévue au cours l’année 2007.

Le Parlement national dont elle est membre se réunit à une période précise de l’année. Il n’existe aucun conflit d’intérêts avec sa fonction de Présidente de l’UNFE, un poste auquel elle a été élue en 2003. Le Gouvernement a accepté d’accroître son budget.

M me  Habtemariam (Érythrée) dit que la lutte pour l’indépendance n’avait pas pour objectif de libérer seulement le pays mais également son peuple, y compris des affres de la discrimination à l’égard des femmes. Sa génération est entièrement dévouée à cette tâche à laquelle elle s’attaque sous tous les angles possibles.

Article 5

M me  Simms déclare qu’il ne peut y avoir de compromis sur les problèmes des femmes. La question est celle de savoir si la société érythréenne est déterminée à affronter et à défier les hommes. Ce sont eux qui profitent des mutilations génitales féminines et du mariage précoce. Il convient de sensibiliser non seulement les femmes mais également les hommes et lutter contre les mentalités patriarcales. Il faut également accorder une attention au rôle joué par les institutions religieuses. Elle se demande si le plus grand défi auquel l’UNFE est confrontée ne réside pas dans la tension dynamique qui existe toujours entre gouvernement et ONG.

M me  Dairiam, tout en relevant que les filles peuvent être exemptées – en raison du mariage – du service national, qui est une obligation pour tous les citoyens érythréens, précise que ces dernières cesseraient d’être éligibles pour certains avantages, et demande si une enquête a été réalisée sur les conséquences de cette exemption sur le statut économique et social des femmes. Elle aimerait savoir combien de femmes ont bénéficié de cette mesure et quels en sont les effets sur ces dernières. Elle déclare avoir appris que les femmes subissent des violences lors du service national et veut savoir si des actions sont envisagées dans le but de résoudre ce problème. Enfin, elle se demande si l’adoption récente de la loi nationale sur les statistiques va réellement faciliter la collecte des données.

M me  Coker-Appiah félicite le Gouvernement et l’UNFE pour leur engagement en faveur de l’amélioration du statut de la femme, mais s’inquiète de la persistance des pratiques discriminatoires. Exprimant son accord avec les commentaires précédents sur la nécessité de défier les stéréotypes profondément enracinés, elle se dit profondément préoccupée par les précédentes déclarations de la délégation selon lesquelles certaines pratiques telles que les mutilations génitales féminines et certains régimes matrimoniaux sont si profondément ancrés qu’il serait difficile pour le Gouvernement de les interdire. Tout en comprenant que le pays mette l’accent sur le changement des attitudes plutôt que l’interdiction effective des pratiques, elle déclare que parfois les lois sont nécessaires à l’élimination de la discrimination. Bien qu’il soit difficile de condamner les auteurs des mutilations génitales féminines à des peines d’emprisonnement, c’est parfois l’adoption des lois qui pousse les gens à s’amender.

Ensuite, elle veut connaître l’efficacité des programmes dans l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et si des évaluations de leur impact sont réalisées.

M me  Šimonović déclare que le Comité aimerait savoir si le rapport de l’Érythrée a été présenté au Gouvernement et au Parlement.

Dans le cadre de l’article 5, le rapport signale qu’il est extrêmement difficile de changer les stéréotypes. Elle a été particulièrement frappée par le proverbe érythréen selon lequel « Les femmes ont autant de cœur que l’âne a des cornes » (p. 10 du rapport). Elle voudrait connaître les mesures concrètes qui ont été prises pour changer ces stéréotypes négatifs.

M me  Tavares da Silva déclare que les opinions sexistes semblent être assez ancrées en Érythrée, en dépit de l’engagement et du courage dont les femmes ont fait preuve pendant la guerre de libération du pays. Le rapport contient très peu d’informations sur les mesures qui sont prises en vue de faire évoluer ces opinions. Selon le rapport (p. 10), la guerre de libération a donné l’occasion aux femmes de s’affirmer et de remettre en cause le statu quo. Elles y sont parfois arrivées; toutefois, une fois la paix retrouvée, leur statut a tendance à se détériorer à nouveau. Elle est curieuse de savoir s’il en a été ainsi en Érythrée. Elle voudrait aussi savoir si des campagnes de sensibilisation ou des stratégies sont menées en vue de lutter contre les pratiques et avis préjudiciables.

Selon les réponses de l’Érythrée à la liste des points et questions (CEDAW/C/ERI/Q/1 à 3/Add.1, p. 6), l’un des objectifs stratégiques du Plan d’action national pour l’égalité entre les sexes est d’élaborer un programme en vue d’attaquer et d’éradiquer les problèmes culturels et traditionnels qui touchent au bien-être des femmes et à la parité entre les sexes. Toutefois, mention est faite principalement à l’éducation; les réponses sont muettes sur la lutte contre des pratiques préjudiciables. Par ailleurs, l’accent mis sur « la campagne patiente» (ibid., p. 13) en tant que moyen de lutte contre l’excision est assez préoccupant. La patience n’a pas de place dans une situation où il y a de graves violations des droits de l’homme. L’interprétation de l’article 5 ne doit-elle par conséquent pas être plus proactive en matière de préjugés sexistes et de pratiques préjudiciables qui violent les droits fondamentaux de l’homme?

M me  Gebreab (Érythrée) déclare qu’en dépit de la faiblesse relative des chiffres, les femmes occupent maintenant des postes dans la fonction publique et, même dans les villages reculés, elles commencent à parler ouvertement; les stéréotypes, par conséquent, disparaissent peu à peu. En matière d’éducation, 90 % des participants au programme gouvernemental d’alphabétisation sont des femmes. Des mesures sont également en train d’être prises pour rassembler les femmes afin qu’elles puissent accéder à la propriété foncière, les rendant ainsi plus indépendantes et confiantes. Le Gouvernement est à présent convaincu que la pénalisation de l’excision est nécessaire et il va bientôt légiférer sur le sujet. Il a également invité les dignitaires religieux, les personnes âgées et les femmes à débattre du sujet.

Elle reconnaît que les femmes mariées ne profiteraient pas de certains avantages, tel que l’accès à la propriété foncière, si elles ne font pas le service national. Les femmes musulmanes vivant dans les villages reculés ne sont pas non plus encouragées à faire leur service national. Ce service national est obligatoire pour tous les citoyens, puisque les femmes doivent également participer aux efforts de développement pour que le pays progresse. Pour ce qui est des mesures entreprises dans le but de lutter contre les violences faites aux femmes lors du service national, elle dit que la loi est très claire; toute femme victime de harcèlement peut se plaindre auprès de son employeur, de l’UNFE ou de tout autre organisme public en vue de la prise des mesures appropriées.

Enfin, elle déclare que le rapport a été présenté au Gouvernement; il a été également débattu avec les femmes parlementaires. L’UNFE devrait penser à l’inscrire à son agenda.

Article 6

M me  Morvai déclare que l’Érythrée a beaucoup à apprendre aux pays en développement en matière d’exploitation sexuelle des femmes. Elle se félicite de l’approche de l’Érythrée qui ne considère pas la prostitution comme une profession, mais plutôt comme une activité à laquelle les femmes sont contraintes du fait de pressions énormes, et qui doit, par conséquent, être combattue et l’appelle à partager son expérience avec d’autres pays, et tout particulièrement ceux qui veulent l’enseigner. Elle sollicite auprès de la délégation des informations sur les résultats de ses programmes et veut savoir si un de ces programmes est destiné aux hommes. Enfin, elle aimerait savoir si le trafic des femmes existe en Érythrée.

M me  Michel (Érythrée) dit que la preuve de l’existence du trafic n’a jamais été rapportée devant un tribunal. Toutefois, plusieurs femmes érythréennes s’expatrient à la recherche du travail et sont confrontées aux problèmes des travailleurs migrants.

M me  Gebreab (Érythrée) déclare qu’actuellement la prostitution n’est pas généralisée et que le Ministère du tourisme veut la garder dans ces proportions en privilégiant un tourisme bénéfique à la fois pour l’économie et la société. Le Gouvernement s’efforce à aider les femmes à sortir définitivement de la prostitution et, l’UNFE, convaincue que prévenir vaut mieux que guérir, appelle les autres secteurs à contribuer, par exemple, en encourageant les femmes à entreprendre des activités commerciales à petite échelle grâce à des crédits, la formation et des conseils dans le domaine de la commercialisation, afin que les 40 % de femmes chefs de famille d’Érythrée soient moins susceptibles de se tourner vers la prostitution pour joindre les deux bouts. Bien que le trafic des femmes ne soit pas un problème en Érythrée, beaucoup de femmes érythréennes travaillent comme femmes de ménage à l’étranger. Son organisation s’efforce à empêcher ces femmes d’entrer dans la prostitution en créant des représentations à travers le monde où elle organise des rencontres et apporte des conseils.

Articles 7 et 8

M me  Zou, tout en félicitant le Gouvernement pour les mesures prises en vue de promouvoir la participation des femmes à la vie publique, relève avec inquiétude que la proportion des femmes membres du Gouvernement, fonctionnaires internationales et hauts fonctionnaires reste très faible. Elle aimerait savoir si le Gouvernement a pris des mesures spécifiques en vue d’améliorer la situation, telles que des mesures temporaires spéciales, les quotas, le renforcement des capacités, la formation ou la sensibilisation.

Enfin, en ce qui concerne l’affirmation dans le rapport (p. 15) selon laquelle les élections aux conseils de village ont eu lieu sans sièges réservés aux femmes ou application du système de quotas, elle voudrait savoir pourquoi le Gouvernement a décidé de ne pas appliquer le système de quotas.

La séance est levée à 13 heures.