Trente-cinquième session

Compte rendu analytique de la 723e séance

Tenue au Siège, à New York, le mercredi 17 mai 2006, à 10 heures

Président e:Mme Manalo

puis :Mme Schöpp-Schilling (Vice-Présidente)

puis :Mme Manalo (Présidente)

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième rapport périodique combinés du Turkménistan

La séance est ouverte à 10 h 10.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième rapport périodique combinés du Turkménistan : (CEDAW/C/TKM/1-2, CEDAW/C/TKM/Q/5/Add.1)

Sur l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation turkmène prennent place à la table du Comité.

M me Ataeva (Turkménistan), présentant les rapports périodiques combinés de son pays (CEDAW/C/TKM/1-2), dit que, aux termes de la Constitution turkmène, les femmes jouissent des mêmes droits et libertés que les hommes; la violation des droits d’une personne au motif du sexe constitue une infraction pénale. La discrimination à l’égard des femmes est également interdite par la déclaration sur les obligations internationales (1995) et la loi relative à la presse et aux autres médias (1991). Il n’existe aucune restriction, que ce soit dans la législation ou dans la pratique, concernant l’exercice par les femmes de leurs droits politiques. Les femmes ont les mêmes droits et les mêmes possibilités que les hommes s’agissant de l’accès à la fonction publique, de la participation aux élections, de l’éligibilité à des fonctions électives et de constitution d’associations publiques. Elles représentent juste un peu plus de 50 % de l’électorat et 26 % des députés élus au Parlement. Les femmes jouent un rôle actif dans les commissions parlementaires, en tant que membres des organes représentatifs locaux, elles s’emploient à fixer les lignes directrices du développement économique, social et culturel de leur région et influencent directement les politiques locales. Elles détiennent des responsabilités élevées dans tous les domaines de la vie nationale.

Aux termes de la loi, il n’est pas possible de refuser un emploi aux femmes turkmènes, de diminuer leurs salaires ou de les renvoyer pour des raisons concernant la grossesse ou les soins aux enfants. Si elles ont des motifs de plainte, les femmes peuvent demander aux tribunaux réparation pour dommages moraux et matériels. La loi de 1999 sur les recours et les règles gouvernant leur examen a été un important instrument pour garantir et protéger les droits des femmes. En outre, le Procureur général, les syndicats et l’Union des femmes turkmènes protègent les femmes contre toute discrimination du fait des pouvoirs publics.

Il n’existe pas d’exemple de trafic de femmes dans le pays. Mme Ataeva souligne l’absence au Turkménistan de facteurs socioéconomiques contribuant au trafic, qui est contraire aux attitudes et au mode de vie de la population et aux fondements même de la société turkmène. La prostitution est punie par la loi.

Alors que les femmes sont présentes dans tous les domaines d’activité, elles sont particulièrement bien représentées dans les domaines de la santé publique, de la sécurité sociale, de l’éducation, de la culture et des arts et même dans des activités traditionnellement dominées par les hommes, telles que le bâtiment, les transports, les communications et les industries extractives. Le niveau d’activité économique parmi les femmes en âge de travailler est élevé, soit qu’elles soient employées soit qu’elles créent leur propre entreprise; les femmes représentent 30 % des employeurs et 62 % des chefs d’entreprise. Mme Ataeva souligne que, dans le secteur public, l’État a fixé des salaires pour les hommes et les femmes sur le principe de la règle à travail égal salaire égal alors que dans le secteur privé, les salaires sont déterminés dans le cadre de négociations collectives. Des prestations sociales sont fournies en cas de grossesse, de maternité et pour les soins aux enfants.

Dans le domaine de l’enseignement, les jeunes bénéficient de conditions égales en matière d’accès et de promotion; la mixité est pratiquée dans tout le système éducatif. Toute occasion est offerte aux jeunes filles de bénéficier de l’enseignement, y compris au niveau supérieur, pour leur permettre de s’épanouir pleinement. Il n’existe pas de différence fondamentale dans le niveau d’enseignement des deux sexes et aucune différentiation des professions en catégorie masculine et féminine; il n’existe que des différences minimes entre hommes et femmes dans le domaine de la mise en valeur des ressources humaines. Un système d’incitations fiscales est utilisé pour encourager les femmes à travailler ; des services d’appui bon marché et des mesures de protection sociale des femmes contribuent au bien-être des familles; au Turkménistan, la famille moyenne compte 5,3 personnes. Mme Ataeva appelle l’attention à ce propos sur le système généralisé de protection des femmes et des mères et sur le service de santé de la procréation qui s’étend à tout le pays. L’efficacité de ce service est illustrée par le fait que plus de 92 % des grossesses aboutissent à des naissances vivantes. Il est également important de noter que les femmes enceintes au travail et les femmes ayant de jeunes enfants bénéficient d’un traitement spécial. L’État facilite l’accès des ressortissants à la propriété et fournit un appui aux familles nombreuses et à faible revenu ainsi qu’aux personnes désavantagées, dont les orphelins, les handicapés et les personnes âgées. Il offre aux femmes des conditions égales d’accès à celles des hommes en matière de prêts et de crédits agricoles, sans exception ou restriction fondée sur le sexe. Les femmes jouissent des mêmes droits que les hommes en matière de mariage et ne peuvent être soumises à des mariages forcés; leurs droits et obligations en qualité de parents sont également égaux. En cas de mariage avec des ressortissants d’un autre pays, les femmes turkmènes conservent leurs droits en matière de nationalité.

Les efforts déployés par le Turkménistan pour fournir des services d’éducation, de santé et des services sociaux à ses citoyens ont été bénéfiques pour les hommes et les femmes sur une base d’égalité. Le Turkménistan continuera à s’acquitter de ses obligations en vertu de la Convention afin de créer des conditions propices à la promotion de la femme.

Articles premier et 2

M. Flinterman se félicite d’entamer un dialogue constructif avec le Turkménistan, pour la première fois depuis qu’il a ratifié la Convention. Il regrette l’absence de données statistiques précises dans le rapport de l’État partie et le fait que le rapport n’est pas centré sur les questions ayant trait à la Convention. M. Flinterman constate que la Constitution ne contient pas de référence aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et se demande quel est le statut de la Convention dans le droit national. Il demande si la Convention peut être invoquée devant les tribunaux et si cela a été le cas dans la pratique. Il aimerait également si les pouvoirs publics envisagent de ratifier le Protocole facultatif. S’agissant de l’éducation et de la sensibilisation concernant la convention, il serait utile de savoir quelles mesures ont été prises et quels membres de la magistrature et de la force publique ont reçu une formation appropriée. Il demande, en outre, combien d’ONG féminines sont immatriculées au Turkménistan, en particulier à l’intention de femmes appartenant à des groupes minoritaires et quel rôle elles jouent dans la défense des droits de la personne.

M me  Šimonović demande si la Convention a force exécutoire au Turkménistan, et si elle est en particulier automatiquement applicable. Il serait également intéressant de savoir si la Constitution contient des dispositions spécifiques concernant l’égalité des droits des femmes non seulement dans le mariage mais dans tous les secteurs de la vie. L’intervenante demande si une loi turkmène contient une définition de la discrimination à l’égard des femmes.

M me  Dairiam rappelle à la délégation turkmène que l’obligation de présenter des rapports en temps opportun est une obligation que les États parties ont assumée en vertu du droit des traités relatifs aux droits de l’homme, en particulier parce qu’elle facilite le suivi des progrès dans la mise en œuvre des dispositions des traités et parce qu’elle permet de formuler rapidement des initiatives pour résoudre les problèmes. Elle demande si le Gouvernement turkmène a évalué les motifs du retard apporté à la présentation du rapport au Comité et s’interroge sur le fait de savoir si le problème réside dans la compréhension, par l’État partie, de la portée des droits des femmes et des obligations de l’État en vertu de la Convention.

D’après des renseignements présentés dans la première partie du rapport, les femmes turkmènes peuvent associer avec succès la famille et les responsabilités professionnelles et sont largement représentées dans tous les domaines de l’économie ainsi que dans la vie politique et sociale du pays. L’intervenante souligne toutefois que les femmes ne peuvent pas bénéficier de droits et de libertés dans des conditions d’égalité complète s’il n’existe pas de disposition concernant le partage des responsabilités dans les familles.

L’intervenante ne peut souscrire à la position du Gouvernement énoncée dans les réponses à la liste des questions (CEDAW/C/TKM/Q/5/Add.1), selon laquelle il ne peut exister de modèle universel d’égalité entre les sexes. À son avis, un tel modèle doit exister, même si les stratégies et méthodes utilisées pour parvenir à l’égalité diffèrent. Elle est donc curieuse de savoir comment le Turkménistan considère la notion d’égalité et comment aborder les différences entre hommes et femmes compte tenu de ce principe.

M me  Ataeva (Turkménistan) dit que les traités internationaux, y compris la Convention une fois qu’elle a été ratifiée en 1996, ont force de loi au Turkménistan. En l’absence de législation nationale dans certains domaines, il est fait référence aux traités internationaux pour compléter la législation nationale. Mme Ataeva regrette de ne pas disposer de renseignements sur la fréquence à laquelle il est fait référence à la Convention dans les tribunaux turkmènes.

Des informations sur la Convention et sa ratification ont été largement diffusées dans la langue nationale dans les médias et à l’occasion des divers séminaires et programmes de travail organisés par des ministères, souvent avec la coopération d’organisations internationales.

Mme Ataeva fait savoir au Comité que de nombreuses ONG s’emploient à promouvoir les intérêts et les droits des femmes au Turkménistan. De nombreux syndicats représentent les femmes et protègent leurs droits professionnels et leurs conditions de travail dans l’industrie et d’autres branches d’activité. L’intervenante attire particulièrement l’attention sur l’Union des femmes turkmènes, dont plus d’un million de femmes sont membres et sur le Parti démocrate turkmène, dont 35 des membres sont des femmes, et décrit les efforts déployés pour sensibiliser le public à la teneur et aux objectifs de la Convention.

La Constitution protège l’égalité des droits des hommes et des femmes dans tous les domaines, y compris leur droit d’être protégés contre toutes les formes de discrimination. En outre, s’agissant du respect des obligations internationales, Mme Ataeva réaffirme l’attachement de son Gouvernement à l’application intégrale de la Convention et souligne qu’il n’existe pas d’ambiguïté dans l’interprétation de la protection constitutionnelle des droits de l’homme, applicable aux organismes publics, aux entreprises privées ou aux particuliers. Le système juridique du Turkménistan, complété par l’article 18 de la Constitution, contrôle l’application de la législation contre la discrimination et impose des sanctions pénales et administratives en cas de violation des droits de tous les ressortissants.

Mme Ataeva reconnaît l’importance qu’il y a à soumettre les rapports en temps voulu au Comité, afin de suivre l’application de la Convention et remercie, au nom de sa délégation, le Comité pour avoir compris les problèmes techniques qui ont engendré des retards imprévus. Le Gouvernement turkmène s’emploiera à présenter les rapports en temps voulu à l’avenir.

Les hommes turkmènes s’acquittent de leurs responsabilités sociales et de leurs devoirs en tant que parents. La société civile joue un rôle essentiel dans la lutte contre les stéréotypes et ses efforts, conjugués avec ceux de l’État sous forme d’assistance sociale et de prestations, favorisent la réalisation d’une égalité véritable, permettent aux femmes de s’épanouir pleinement et allègent le fardeau des familles.

Les stratégies suivies pour parvenir à un modèle universel d’égalité varient selon les cultures nationales et les niveaux de développement et Mme Ataeva considère qu’il devrait y avoir un modèle unique qui servirait de guide au Turkménistan.

M me  Patten demande dans quelle mesure la magistrature turkmène est sensibilisée aux dispositions de la Convention et, dans l’éventualité où des programmes de formation sont organisés à l’intention des magistrats et de la police, quel département les organise. Elle note que la délégation turkmène n’est pas en mesure de fournir des données spécifiques sur la fréquence à laquelle la Convention a été évoquée devant les tribunaux turkmènes mais souhaiterait néanmoins qu’on lui fasse connaître les cas dans lesquels de telles références ont été faites devant les tribunaux.

La délégation turkmène a décrit un ensemble impressionnant de législations, dont des dispositions constitutionnelles, visant à promouvoir la protection des droits des femmes. Toutefois, Mme Patten se demande combien de femmes détiennent des postes dans la magistrature, quels indicateurs peuvent montrer le nombre de femmes ayant formée des recours devant les tribunaux et si une assistance judiciaire est offerte aux femmes qui souhaitent obtenir réparation en justice. Notant que, d’après le rapport périodique combiné, il n’existe pas de statistique sur les manifestations de discrimination à l’égard des femmes, Mme Patten souhaite savoir quels mécanismes de collecte de données sur la discrimination à l’égard des femmes, ventilées par sexe, ont été établis et s’il existe un office central de collecte des données.

M me  Shin, reprenant la question évoquée par Mme Patten, se déclare déçue par l’absence de données ventilées par sexe et demande pourquoi les pouvoirs publics n’ont pas utilisé les recettes tirées des riches ressources naturelles du pays pour renforcer la capacité nationale de collecte des données. Elle appelle également l’attention sur la déclaration selon laquelle le recensement de 2000 au Turkménistan a été aléatoire, signalant qu’un recensement de la population ne peut être effectué de manière aléatoire et demande à quelle fréquence il est procédé au recensement.

Mme Shin demande, en outre, pourquoi le Turkménistan n’a pas ratifié le Protocole facultatif à la Convention et à quel facteur est imputable le recul du pays dans l’indicateur du développement humain établi par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) dans lequel le Turkménistan est passé de la 86e place en 2004 à la 97e l’année suivante. En outre, le Turkménistan n’a pas fourni de données sur l’indicateur du développement humain ajusté en fonction du sexe pour 2005. Elle se demande si les richesses naturelles et la production accrue du pays ont eu des avantages pour la population dans son ensemble et pour les femmes en particulier.

M me  Schöpp-Schilling, Vice-Présidente, prend la présidence.

M me  Ataeva (Turkménistan) garantit au Comité que les magistrats, les parlementaires et les forces de l’ordre reçoivent une formation approfondie concernant les dispositions de la Convention et la sensibilisation à l’équité entre les sexes, qui leur est dispensée par diverses sources, dans des ministères et des services publics ainsi que dans des milieux universitaires.

L’intervenante ne dispose pas de données spécifiques sur le nombre des femmes dans la magistrature ni de statistiques sur la fréquence des références faites à la Convention lors de procès, mais peut confirmer que les dispositions de la Convention sont en fait citées dans les tribunaux. Étant donné que le Turkménistan est un État en transition, certains mécanismes n’ont pas été pleinement développés mais il a commencé à établir des données ventilées par sexe, grâce à une assistance internationale et un certain nombre d’ateliers de formation ont été organisés pour renforcer les compétences en la matière. En outre, un programme relatif à l’équité entre les sexes a été réalisé et, à cet effet, l’office de la statistique est devenu un ministère et établit tout un ensemble de données, ventilées en fonction des branches d’activité économique. Mme Ataeva espère que ces documents seront présentés au Comité dans le prochain rapport périodique du Turkménistan.

L’intervenante saisit l’occasion qui lui est offerte de fournir des renseignements sur l’enseignement gratuit et l’accès universel à l’enseignement primaire et secondaire, les améliorations prévues des normes d’éducation et les taux de mortalité infantile.

Le Turkménistan demeure attaché à ses obligations au titre de la Convention et ratifiera le Protocole facultatif et d’autres instruments internationaux lorsqu’il sera prêt. Passant à d’autres conditions à remplir sur le plan international, l’intervenante dit que les statistiques relatives au développement humain présentées par la délégation turkmène fournissent des preuves convaincantes des progrès en matière de promotion de la femme au Turkménistan. Les pouvoirs publics ont investi des ressources substantielles aux fins de l’établissement de statistiques nationales, dans l’objectif de respecter les normes internationales de classification.

M me  Manalo, Présidente, reprend la présidence.

La Présidente, parlant en qualité de membre du Comité, évoque le problème des références à la Convention faites dans les tribunaux turkmènes et demande si les femmes ont entamé des recours auprès du système judiciaire pour protéger leurs droits. Elle espère également qu’en plus des représentants de la Mission permanente du Turkménistan auprès de l’Organisation des Nations Unies basée à New York, les délégations qui se présenteront devant le Comité comporteront à l’avenir des responsables directement chargés des problèmes des femmes.

La Présidente demande des éclaircissements sur l’indépendance de l’Union des femmes et sur l’influence des pouvoirs publics sur son fonctionnement. Elle demande aussi à la délégation de fournir davantage de précisions sur les activités des ONG.

M me  Ataeva (Turkménistan) confirme que la Convention a été invoquée dans les tribunaux selon que de besoin et réaffirme que la Convention est citée comme ayant plein effet juridique dans les cas où la législation nationale comporte des lacunes.

Mme Ataeva tentera de faire en sorte que les délégations présentant des rapports périodiques au Comité comprennent à l’avenir des représentants venus de la Capitale. Répondant aux questions concernant les activités des ONG, elle s’excuse de ne pas être en mesure de fournir des données statistiques concernant les travaux des ONG en matière de protection des droits des femmes. Les membres de la société civile au Turkménistan, y compris l’Union des femmes, sont indépendants et peuvent saisir les pouvoirs publics de questions et de propositions. En mai 2006, les ONG ont organisé une Conférence internationale concernant les questions intéressant les femmes et les conclusions de cette conférence ont été soumises au Gouvernement.

Les femmes turkmènes, en vertu de la Constitution, ont le droit de saisir les tribunaux pour obtenir réparation. Mme Ataeva souligne que les femmes sont largement représentées dans tous les domaines de la vie politique, sociale, économique nationale.

Article 3

M me  Arocha Dominguez dit que les renseignements présentés dans le rapport périodique et les réponses aux questions du Comité ne font pas apparaître clairement quel mécanisme de coordination interinstitutions existe pour garantir la promotion de la femme. Notant que des mesures sectorielles réalisées par des ministères nécessitent un mécanisme de coordination, elle cherche à obtenir des éclaircissements sur l’existence d’un tel mécanisme.

Il n’est pas suffisant d’interdire la discrimination fondée sur le sexe ou de déclarer généralement le libre accès à tous les secteurs de l’existence; il est également nécessaire de promouvoir des possibilités de faciliter cet accès et d’empêcher la discrimination. Quels plans envisage-t-on pour que les déclarations politiques et constitutionnelles relatives à l’égalité deviennent une réalité dans la pratique? L’importance accordée à la protection de la famille et au rôle maternel des femmes est éminemment louable mais Mme Arocha Dominguez appelle à la délégation turkmène qu’il faut garantir les droits de toutes les femmes, qu’elles soient mères ou non.

Des statistiques fiables et détaillées sur des questions concernant chaque article de la Convention aident le Comité et les États parties à évaluer les progrès effectués et sont nécessaires en outre aux fins d’un suivi interne dans les États pour analyser l’application des dispositions conventionnelles.

M me  Popescu souhaite savoir quels départements, organismes nationaux ou internationaux ont participé à l’établissement du rapport. Elle rappelle à la délégation turkmène que la Division de la promotion de la femme est une source utile d’assistance et de compétences en la matière.

Mme Popescu se réfère au Plan d’action national décrit à la page 13 des réponses à la liste des questions posées par le Comité, qui porte sur les 12 domaines de préoccupations critiques énoncées dans le Programme d’action de Beijing. La création d’un mécanisme de coordination aux niveaux local, national et international est la priorité absolue du plan d’action. Mme Popescu souhaite savoir si ce mécanisme a été créé, et, dans l’affirmative, quelle est sa forme et quelles sont ses relations avec l’Union des femmes.

En outre, notant que ces domaines de préoccupations ne contiennent pas de références spécifiques à la violence à l’égard des femmes, Mme Popescu demande si le plan d’action traite de diverses formes de violence à l’égard des femmes et, en général, quel a été le mode de rédaction du Plan et le calendrier fixé pour suivre et évaluer son application.

M me  Saiga, souscrivant aux observations faites par Mme Arocha Dominguez et Mme Popescu, demande à la délégation turkmène de fournir des précisions au sujet de la question 6 posée par le Comité au sujet de l’article 3 (CEDAW/C/TKM/Q/2) concernant la création d’un mécanisme national de promotion de la femme qui serait chargé d’appuyer la mise en oeuvre de la Convention. Elle souhaite également savoir quelle sera la durée vraisemblable du plan d’action.

M me  Ataeva (Turkménistan) dit que le plan d’action national pour la promotion de la femme a été établi en 1999 sur la base de consultations de grande envergure impliquant tous les ministères et l’Union des femmes et a été approuvé par le Parlement. Le Gouvernement a constitué un conseil de coordination interdépartemental, composé de représentants des ministères, de la force publique et des organismes de la société civile, pour suivre l’application du plan d’action et assurer la coordination entre tous les organismes compétents. Le plan est examiné afin d’évaluer les progrès réalisés.

Les femmes turkmènes peuvent associer leurs responsabilités familiales et sociales. De fait, le pourcentage de femmes occupant des postes de direction (42 %) est supérieur à celui constaté dans celui d’autres États. Des renseignements complémentaires seront fournis, selon que de besoin, sur le cadre législatif concernant la participation des femmes à la vie économique du pays. Si la vie de famille prime au Turkménistan, toutes les femmes, qu’elles aient ou non des enfants, jouissent de droits égaux.

S’agissant des statistiques, l’intervenante dit que l’Institut national de la statistique et de l’information ne dispose pas de données détaillées illustrant les progrès dans des domaines spécifiques. Des efforts sont en cours pour corriger cette situation. Il n’existe pas de statistiques sur la violence familiale parce que les femmes victimes de cette violence tendent à ne pas entamer des poursuites, même si elles ont le droit de le faire. Toutefois, la violence familiale n’est pas particulièrement généralisée au Turkménistan.

M me  Schöpp-Schilling rappelle que les procédures de communications et d’enquêtes énoncées dans le Protocole facultatif sont des mécanismes importants qui peuvent faciliter la compréhension, par les États parties, de leurs obligations en vertu de la Convention et demande quels obstacles empêchent le Gouvernement turkmène de ratifier le Protocole facultatif. L’État partie devrait également indiquer pourquoi il n’a pas ratifié l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention, concernant la durée des réunions du Comité.

L’intervenante se félicite de la création d’un Conseil de coordination interdépartemental chargé de suivre l’application du plan d’action national et demande si les membres du Conseil qui représentent des ministères occupent des postes de décision élevés dans leur propre ministère et s’ils sont également responsables de la coordination pour l’égalité entre les sexes. Enfin, elle aimerait disposer de davantage de renseignements sur la fonction du Conseil et sur le fait de savoir s’il joue simplement un rôle consultatif ou si ses décisions sont contraignantes.

M me  Shin demande si le Conseil de coordination interministériel dispose d’un secrétariat en propre. Elle demande également si les femmes turkmènes désireuses d’améliorer leur vie peuvent, à titre individuel, accéder à des informations concernant leurs droits. Les réponses à la liste de questions évoquent un site web créé par l’Union des femmes et l’intervenante se demande si le Gouvernement turkmène dispose de son propre site web consacré aux questions féminines et, dans l’affirmative, si l’existence de ce site a été diffusée. L’État partie devrait également indiquer combien de femmes ont accès à Internet.

M me Ataeva (Turkménistan), répondant aux questions posées par Mme Schöpp-Schilling dit qu’elle n’est pas au courant d’une quelconque objection de fond de son gouvernement à la ratification du Protocole facultatif ou de l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention. Elle suppose donc que les procédures de ratification nécessaires sont en cours.

S’agissant du conseil de coordination interministériel, les représentants des ministères tendent à être des fonctionnaires d’assez haut niveau, ayant pouvoir de décision et leurs recommandations constituent souvent la base des décisions administratives. La principale fonction du conseil est de coordonner et de suivre l’application du plan national d’action. Le Conseil, s’il est essentiellement un organe consultatif, peut contacter les divers ministères pour débattre de problèmes relatifs à la promotion des femmes et à l’égalité entre les sexes.

Toutes les femmes du Turkménistan peuvent chercher à obtenir des renseignements au sujet de leurs droits. À cet effet, elles peuvent contacter des organismes de la société civile, dont quelques-uns ont créé des offices de conseils aux citoyennes ou s’adresser directement aux pouvoirs publics en personne ou par écrit. L’Union des femmes, qui est une ONG indépendante, peut également transmettre les plaintes individuelles aux ministères compétents. L’intervenante reconnaît que l’accès Internet dans les zones rurales laisse à désirer mais informe le Comité que les renseignements disponibles sur le site web du Gouvernement sont également diffusés chaque jour sur la télévision nationale. Un certain nombre de centres d’éducation offrent une formation dans le domaine de la technique de l’information.

M. Flinterman se félicite de ce que les dispositions de la Convention soient bien incorporées dans l’appareil juridique national du Turkménistan mais regrette que l’État partie n’ait pas été en mesure de fournir des exemples précis de cas dans lesquels les tribunaux ont fait référence à la Convention.

M. Flinterman craint que le Gouvernement turkmène ne comprenne pas pleinement la portée de la Convention. L’article 4 de la Convention concerne l’adoption de mesures temporaires spéciales visant à accélérer l’instauration d’une égalité de fait entre les hommes et les femmes mais les mesures décrites dans le rapport semblent être de caractère plus général. À cet égard, M. Flinterman serait reconnaissant qu’une réponse détaillée soit fournie à la question 10 de la liste des questions.

M me  Ataeva (Turkménistan) comprend bien pourquoi le Comité accorde une si grande importance à l’invocation directe de la Convention par les tribunaux. Elle fera en sorte que des renseignements sur des affaires spécifiques soient transmis aux membres. Le Gouvernement turkmène a pris des mesures temporaires spéciales dans un certain nombre de domaines afin d’instaurer une égalité de fait entre les hommes et les femmes. Ainsi, le système de quotas a été appliqué avec succès aux procédures d’entrée à l’université; en conséquence, le pourcentage des femmes dans l’enseignement supérieur est passé à 51 %.

Article 5

M me  Coker-Appiah a été frappée par le fait que le rapport mette l’accent sur les fonctions de procréation des femmes et, en outre, par la remarque selon laquelle la femme doit obéir à son mari. Elle se demande ce qui se passerait si une femme décide de ne plus se soumettre aux ordres de son mari ou de ne plus avoir d'enfants. Les stéréotypes sexuels renforcent la subordination des femmes et le prix de la possibilité de se livrer à des activités non traditionnelles. L’État partie doit fournir des renseignements sur toutes mesures prises pour éliminer ces stéréotypes. Mme Coker-Appiah aimerait également que des réponses détaillées soient fournies aux questions 12 et 13 de la liste des questions.

M me Tavares da Silva reconnaît la portée extrêmement large de l’article 5 de la Convention mais se déclare préoccupée par le fait que le rapport de l’État partie soit uniquement axé sur le rôle des femmes dans la famille. La Constitution du Turkménistan et le Code du mariage et de la famille prévoient l’égalité des droits des deux conjoints dans la relation maritale et familiale mais le rapport n’évoque pas le rôle joué par les hommes. En tant que mère, elle peut comprendre les raisons pour lesquelles les mères pourraient être considérées comme sacrées au Turkménistan, mais elle souligne que les pères ont un rôle tout aussi important à jouer dans le processus d’éducation des enfants. Se référant en particulier au paragraphe 148 du rapport, elle se demande si les pères sont associés aux décisions concernant la taille de la famille.

Le fait d’accorder une importance excessive au rôle des femmes en tant que mères peut revenir à amoindrir leur valeur intrinsèque en tant que femmes. Plus généralement, un déséquilibre des rôles entre hommes et femmes dans la famille a des incidences négatives sur les deux sexes et rend difficile la réalisation d’une égalité de fait entre les sexes.

M me  Gaspard se fait l’écho de la déception exprimée par les intervenantes qui l’ont précédée devant le fait que l’État partie n’a pas fourni des renseignements statistiques et devant l’absence de représentants du Gouvernement directement responsables de la mise en œuvre des politiques de promotion de la femme. Le rapport donne l’impression que le Turkménistan est un paradis pour les femmes et le Comité est bien conscient de l’écart entre l’égalité en droit et dans les faits.

Au cours des dernières années, les organisations féminines du Turkménistan ont contribué à éliminer certains stéréotypes sexuels. Il serait utile d’avoir davantage de renseignements au sujet du rôle des médias à cet égard. Mme Gaspard souhaiterait particulièrement savoir s’il existe une presse féminine et si les programmes de lutte contre les stéréotypes sont diffusés à la télévision et à la radio. Enfin, elle demande si toutes les femmes turkmènes peuvent accéder au site web de l’Organisation des Nations Unies pour y trouver des informations au sujet de la Convention.

M me  Ataeva (Turkménistan) regrette l’apparent parti pris du rapport en faveur des mères et souligne que le rôle des femmes dans la société ne se limite nullement à leur maternité. Les conjoints ont des droits et des responsabilités égaux dans la famille et les décisions sont prises par consentement mutuel. Une femme a le droit de décider, en consultation avec son mari, de ne pas avoir d’enfant pour poursuivre ses études ou pour des motifs d’ordre professionnel.

Les pouvoirs publics accordent une importance considérable aux soins de santé de la procréation et les droits des femmes ont la priorité dans ce domaine. En conséquence de la création de centres de planification de la famille, actuellement, 90 % des grossesses se terminent par des naissances saines. Traditionnellement, les femmes turkmènes tendent à avoir plusieurs enfants, mais elles tendent à espacer les naissances de trois ans, ce qui leur permet de reprendre leurs activités normales entre les naissances.

Revenant à la question de la violence familiale, Mme Ataeva réaffirme que les femmes victimes de la violence ne tendent pas à saisir les tribunaux, bien qu’elles aient le droit de le faire. Toutefois, des services psychologiques et médicaux ont été mis en place pour aider les victimes. Les pouvoirs publics font tout leur possible pour éliminer les stéréotypes sexuels, y compris ceux qui concernent les hommes, au moyen de campagnes de publicité, dans la presse féminine, dans les programmes de télévision et les journaux.

La Présidente demande pourquoi les femmes victimes de violence familiale ne saisissent pas les tribunaux. Il se peut que ces mesures soient entachées de discrédit ou que les femmes turkmènes ne soient pas conscientes de leurs droits.

M me  Ataeva (Turkménistan) répond que les femmes connaissent leurs droits et cherchent parfois de l’aide. Toutefois, la violence familiale est rare au Turkménistan. Les personnes préfèrent résoudre ces problèmes par elles-mêmes, sans recourir à des mesures coercitives de l’extérieur. Les anciens de la famille jouent un rôle important dans le règlement de ces problèmes.

M me  Simms souligne que la violence à l’égard des femmes est un problème grave. Elle inclut le viol, l’inceste et les violences à l’égard des petites filles. Le chef de la délégation turkmène devrait insister pour que son Gouvernement accorde une priorité élevée à cette question. Il est dangereux d’attendre que les femmes se présentent à la police car elles pourraient, dans certains cas, être tuées ou gravement blessées avant cela.

M me  Ataeva (Turkménistan) dit qu’elle ne manquera pas de souligner à nouveau l’importance de la question à son Gouvernement, puisqu’il s’agit de la santé de la famille. On a fait beaucoup pour expliquer aux citoyens leurs droits de la personne mais il reste encore à prendre d’autres mesures dans ce domaine.

Article 6

M me  Šimonović demande si le viol conjugal est une infraction pénale au Turkménistan et si les femmes battues peuvent disposer de services tels que des abris financés par les pouvoirs publics et des lignes d’assistance fonctionnant 24 heures sur 24. Il serait utile de savoir si le trafic des femmes a été érigé en infraction pénale et, dans l’éventualité où la prostitution est interdite, quelles sont les sanctions applicables aux hommes et aux femmes qui y participent et quelle assistance est offerte aux femmes qui souhaitent abandonner la prostitution.

M me  Ataeva (Turkménistan) note que la violence familiale est érigée en infraction pénale, que les victimes peuvent demander de l’assistance au Ministère de l’intérieur et qu’il existe une ligne d’assistance téléphonique fonctionnant 24 heures sur 24. La violence familiale étant rare, il n’existe pas d’abris, mais la situation en la matière sera réexaminée, si nécessaire.

Il n’existe pas de statistiques sur le trafic de femmes dans le pays. Les facteurs économiques et sociaux favorisant ce trafic sont absents et ce trafic est contraire à la culture nationale. Toutefois, la Constitution comporte des articles interdisant la prostitution et le proxénétisme. Des activités sont réalisées à la base avec les jeunes pour les empêcher de se livrer à la prostitution et les sensibiliser aux risques sanitaires qu’elle comporte.

Articles 7 et 8

M me Popescu s’interroge sur le rôle et la représentation des femmes dans la politique et dans la vie publique. Les femmes ne représentent que 14 % des membres des organes administratifs locaux et il est difficile de comprendre pourquoi leur nombre est si faible. Des renseignements sur le nombre de femmes dans la diplomatie et le nombre de femmes ayant rang d’ambassadeur seraient également appréciés.

M me  Zou se déclare déçue par la pénurie de données ventilées par sexe sur le rôle des femmes dans la vie politique et publique. Étant donné qu’il existe quelques 40 groupes ethniques au Turkménistan, il serait intéressant de savoir quel pourcentage des femmes parlementaires et des femmes membres du Conseil populaire appartiennent à des groupes ethniques minoritaires et s’il existe des quotas. D’après les chiffres de 1999, le pourcentage des femmes parlementaires, qui était de 26 %, est tombé à 16 % seulement. Quel est le motif de cette diminution?

La Présidente cherche à savoir le nombre de femmes turkmènes qui sont employées dans des organisations internationales.

M me  Ataeva (Turkménistan), se référant à la diminution du nombre des femmes parlementaires, explique que le Parlement lui-même compte moins de membres qu’auparavant. En outre, 42 % des ministres et des personnes occupant des postes de responsabilités sont des femmes. Trois ministres siégeant au Cabinet, le Ministre de l’agriculture, le Ministre de l’éducation et le Ministre de la protection sociale sont des femmes. Les femmes sont formées à la diplomatie en nombre croissant, mais l’intervenante est la seule femme ambassadeur du Turkménistan. Les femmes turkmènes ne sont pas seulement mères et ménagères. Elles deviennent plus puissantes dans la famille et à l’extérieur. On fait beaucoup pour inciter les hommes à assumer davantage de tâches ménagères. Ces efforts sont manifestement efficaces car sinon, les femmes n’auraient pas pu réaliser autant dans le domaine public.

Au Turkménistan, 94 % de la population se composent de Turkmènes ethniques. Étant donné que les minorités ethniques comptent si peu de personnes, il n’existe pas de quotas mais les membres de ces minorités jouissent des mêmes possibilités que les citoyens et certains occupent des positions de premier plan.

Article 9

La Présidente dit qu’il semble que la Constitution du Turkménistan n’autorise pas les femmes à changer de nationalité. Il est difficile de voir comment ceci peut être concilié ave la Convention.

M me Ataeva (Turkménistan) répond que tous les citoyens ont le droit de choisir librement leur nationalité, sans restriction. De nombreux Turkmènes ont opté pour la nationalité russe.

Article 10

M. Flinterman dit qu’il aurait préféré qu’on fournisse des statistiques plus précises. Ainsi, il est dit au paragraphe 84 du rapport que 1 000 étudiants turkmènes, dont de nombreuses filles, étudient dans des universités turques; on ignore leur nombre exact. Il est important d’insérer des données ventilées par sexe dans le rapport. Il est tout à fait louable que l’enseignement secondaire soit libre et obligatoire mais il y a lieu de s’inquiéter de la réduction de 11 à 9 ans du nombre des années d’enseignement et du fait que les élèves ne bénéficient d’un enseignement secondaire que de 7 ans à 15 ans. Il existe un écart de deux ans entre la fin de l’enseignement secondaire et le début de l’enseignement supérieur. Compte tenu de la détérioration de la situation économique et des pressions en faveur d’un accroissement de la population ainsi que de la loi aux termes de laquelle les filles peuvent se marier à 16 ans, on ne voit pas bien quelles seront les incidences de ces modifications en matière d’éducation pour les filles. Les pouvoirs publics prévoient-ils des mesures temporaires spéciales pour donner à davantage de filles et de femmes un enseignement supérieur et pour encourager les filles à étudier des spécialités et à embrasser des professions traditionnellement masculines? Enfin, il serait utile de savoir quel type d’enseignement en matière de la santé et de la procréation est obligatoire dans les écoles secondaires et primaires.

La séance est levée à 13 heures.