Vingt-septième session

Compte rendu analytique de la 558e séance

Tenue au Siège, à New York, le vendredi 7 juin 2002, à 15 heures

Présidente:Mme Abaka

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 18 de la Convention (suite)

Premier et deuxième rapports périodiques combinés du Suriname (suite)

La séance est ouverte à 15 h 10.

Examen des rapports présentés par les États partiesen vertu de l’article 18 de la Convention (suite) (CEDAW/C/SUR/1 et 2)

Premier et deuxième rapports périodiquescombinés du Suriname (suite) (CEDAW/C/SUR/1 et 2)

À l’invitation de la Présidente, la délégation du Suriname prend place à la place du Comité.

La Présidente invite les membres du Comité à continuer à poser des questions à la délégation du Suriname.

Article 9

M me  Hazelle demande si les enfants légitimes peuvent être inscrits sur le passeport de la mère et non sur le passeport du père et si l’autorisation de la mère, conjointement à celle du père est nécessaire pour que les enfants puissent voyager. Il serait intéressant de connaître les mécanismes mis en place afin de garantir la sécurité des enfants lorsque la garde de ces derniers fait l’objet d’un désaccord entre les parents incitant l’un d’entre eux à quitter le territoire national.

La Présidente souscrit aux observations de Mme Hazelle et estime que la pratique en vigueur au Suriname dans ce domaine est discriminatoire. Elle aimerait obtenir des précisions à ce sujet.

Article 10

M me  Hazelle relève à la page 35 du rapport que les mères adolescentes ne sont pas toujours réintégrées dans les écoles secondaires du premier cycle, ce qui en revanche n’est pas interdit aux pères adolescents; elle demande quelles mesures ont été prises pour remédier à ce cas manifeste de discrimination. L’État partie semble craindre que la présence de mères adolescentes ait une « influence négative sur les autres filles »; toutefois, comment considère-t-il l’influence des pères adolescents ou le fait que les autres filles puissent pâtir de la présence de ces derniers? Elle souhaite que l’État partie réfléchisse aux conséquences à long terme du fait d’interdire aux mères adolescentes l’accès à l’école, notamment en termes de pauvreté, d’exploitation et de vulnérabilité.

M me  González demande des informations au nom de Mme Regazzoli, qui est souffrante, quant à la poursuite des programmes d’éducation permanente pour les femmes et en ce qui concerne le niveau de participation des femmes et des groupes ethniques auxdits programmes. Elle partage l’inquiétude de Mme Hazelle au sujet de l’interdiction faite aux mères adolescentes de réintégrer l’école.

Article 11

M me  Tavares da Silva demande quelles sont les mesures éventuellement adoptées pour remédier aux omissions des conventions collectives (par exemple, l’absence de protection de la maternité ou l’interdiction des tâches pénibles et dangereuses pour les femmes enceintes et pour les mères qui nourrissent leur enfant), qui ne sont pas conformes aux dispositions de la Constitution exigeant une protection particulière pour les femmes pendant et après la grossesse. Il faut par ailleurs remédier à l’absence de législation concernant les garderies, les horaires de travail à la carte ou l’autorisation de quitter le lieu de travail pour s’occuper des enfants et enfin le manque de services de garde après l’école. Quelles sont les sanctions infligées aux auteurs de violations de l’article 35 de la Constitution qui reconnaît l’importance particulière de la maternité et le droit au congé de maternité rémunéré?

M me  Livingstone Raday fait observer le grand nombre d’interventions de femmes au Suriname qui se plaignaient de harcèlement sexuel; elle demande si le Gouvernement envisage d’adopter une législation propre à encourager les femmes à intervenir, notamment par la voie juridique, à affirmer leurs droits et à combattre les différentes formes de discrimination sur le lieu de travail, notamment le harcèlement sexuel.

Article 12

M me  Shin demande des renseignements au sujet des dispositions du Code pénal applicables aux types d’activités de planning familial et d’éducation sexuelle menées à bien par la fondation Lobi. Il est encourageant de constater que des femmes ne craignent pas de signaler des violences à la police, comme en témoigne le fait qu’en 1993, 94 % des rapports de police ont concerné des violences infligées aux femmes par leur mari ou leur partenaire. Elle se félicite de l’élaboration d’un plan d’action et d’une législation visant à réduire les violences contre les femmes, qu’elle espère voir bientôt mis en application. La coordination des activités de tous les ministères devrait contribuer dans une large mesure à soutenir les victimes de la violence. Elle souhaite que l’État partie crée également un service de téléassistance et organise des équipes associant la police, les hôpitaux, les refuges, les centres de conseil et les travailleurs sociaux pour lutter contre le problème dans chaque district. Les effets à long terme des violences contre les femmes devraient être pris en charge en menant à bien des campagnes d’information publiques visant à convaincre la société du Suriname que les violences contre les femmes constituent une infraction pénale.

La Présidente s’interroge sur la raison du maintien de la loi pénalisant l’avortement si l’on ferme les yeux dessus (CEDAW/C/SUR/1 et 2, p. 65). La santé génésique va au-delà de la procréation et de la planification familiale; or, le rapport ne fait aucunement mention de problèmes tels que le cancer du sein, de l’utérus ou du col de l’utérus ou encore, la ménopause et les coupes annoncées dans les services sociaux. Tout en soulignant l’importance de la notion d’accessibilité, elle demande des renseignements complémentaires concernant les infrastructures, notamment de transport dans les zones rurales, en particulier là où il y a eu des tensions entre groupes ethniques, notamment les Marrones dont l’état sanitaire est consternant. Le rapport n’examine pas non plus le problème de l’usage de la drogue ou de la toxicomanie, notamment du tabac, ou encore l’état de santé mentale et psychologique des femmes, qui peuvent figurer parmi les facteurs expliquant la consommation de drogues.

Se référant à l’indication selon laquelle les fonctionnaires bénéficient de la gratuité des soins médicaux, notamment des soins obstétriques, la Présidente demande des précisions concernant les conditions dans lesquelles les membres de la famille sont également assurés (CEDAW/C/SUR/1 et 2, p. 64). La délégation devrait également fournir des informations concernant les régimes d’assurance des salariés dans le secteur privé. Notant que, d’après le rapport, les contraceptifs sont utilisés essentiellement par les femmes, elle demande si des mesures sont prises pour faire connaître et développer l’utilisation du préservatif chez les hommes. Il serait en outre intéressant de savoir si les femmes se sentent affranchies grâce à l’utilisation de préservatifs féminins.

M me  Hazelle demande si l’État partie prévoit d’encourager la loi pénalisant les personnes qui font connaître l’utilisation des contraceptifs en vue de prévenir la grossesse (CEDAW/C/SUR/1 et 2, p. 65). Faisant observer que le groupe d’âge de 15 à 29 ans représente la majorité des victimes du VIH/sida (CEDAW/C/SUR/1 et 2 p. 67), elle demande des précisions quant aux efforts déployés pour renforcer les activités éducatives consacrées à la planification familiale et aux pratiques sexuelles sans risques chez les jeunes.

Au sujet de la violence à l’égard des femmes, elle s’interroge quant au bilan de la Commission gouvernementale sur la législation en matière de bonnes mœurs. A-t-elle présenté un rapport et, si tel est le cas, quelles recommandations contenait-il? Elle s’interroge sur les recoupements éventuels entre ladite Commission et le Comité récemment créé afin de passer en revue la législation relative à l’égalité des sexes mentionnée dans la présentation orale de la délégation lors de la précédente réunion. En quoi les deux entités se distinguent-elles? Un examen de la compatibilité de la législation nationale avec les dispositions constitutionnelles fournirait une excellente occasion d’y intégrer différentes dispositions, notamment de la Convention sur toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, de la Convention sur les droits de l’enfant et du Programme d’action de Beijing dans la législation du Suriname. Il fournirait en outre une occasion pour adopter des dispositions réglementaires attribuant des tâches spécifiques, par exemple à la police et aux services de santé et d’éducation ainsi qu’aux structures nationales s’occupant des questions relatives aux femmes, dans le but de combattre les violences à l’égard des femmes.

Elle se demande si des dispositions légales particulières ont été prises pour résoudre le problème du harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Parmi les mesures susceptibles d’être envisagées figurent une action coordonnée du Bureau gouvernemental officiel des femmes, du Ministère du travail et des syndicats, afin d’élaborer un manuel consacré à ce sujet ou de consulter dans ce domaine l’Organisation internationale du Travail. Enfin, elle fait l’éloge du travail remarquable accompli par les organisations non gouvernementales du Suriname pour lutter contre les violences à l’égard des femmes.

M me  González fait observer que le Suriname a enregistré le plus fort taux de contamination par le VIH/sida d’Amérique latine et des Caraïbes et que le problème revêt une gravité particulière chez les jeunes et dans les groupes ethniques ruraux, par exemple les Marrones. Elle s’interroge sur le point de savoir si des mesures ont été prises pour enseigner aux jeunes gens l’importance de l’utilisation des préservatifs, et si l’État partie peut envisager de demander l’aide du programme commun coparrainé de l’Organisation des Nations Unies sur le VIH et le sida en matière de sensibilisation, de prévention et de traitement.

Article 13

M me  Schöpp-Schilling demande quelle est la répartition par âge des 60 % de femmes qui ont bénéficié de l’aide médicale du Ministère des affaires sociales et du logement et s’interroge sur le point de savoir si les enquêtes sur la pauvreté ont intégré la dimension sexospécifique. Elle souhaite savoir si les hommes et les femmes accèdent concrètement sur un pied d’égalité aux soins médicaux et à l’aide financière, tels qu’ils sont présentés dans le rapport et si des critères d’admission identiques leurs sont appliqués. Elle demande si la détermination du montant de cette aide tient compte de la situation matrimoniale des femmes et de leur revenu, notamment dans le secteur informel.

Article 14

La Présidente note les immenses difficultés rencontrées par les femmes autochtones au Suriname dans pratiquement tous les aspects de leur existence, comme en témoigne le rapport, et demande si le Gouvernement prévoit d’adopter pour les aider des mesures provisoires spéciales.

M me  Feng Cui estime que le rapport, bien qu’il soit très détaillé au sujet de l’article 14 de la Convention, omet d’établir clairement les principales orientations de l’action du Gouvernement vis-à-vis de la situation des femmes rurales. La délégation devrait indiquer au Comité quelles mesures sont prises pour éliminer la pauvreté et améliorer les infrastructures, en particulier dans les zones rurales. Étant donné que le travail des femmes dans le secteur agricole n’est pas défini en tant que travail productif (CEDAW/C/SUR/1 et 2, p. 75) elle s’interroge sur le mode d’évaluation du travail des femmes dans les zones rurales, étant donné qu’elles constituent la principale force productive.

Elle souhaite que les nombreuses constatations négatives figurant dans le rapport – comme l’absence de politique spécifique du Gouvernement en matière de planification familiale dans les zones rurales comme en matière d’agriculture – puissent disparaître au profit de constatations positives; et que l’État déclarant présente à l’avenir ses rapports suffisamment tôt pour que les différentes versions linguistiques puissent être établies à temps pour être examinées par le Comité.

M me  González note que le rapport distingue deux catégories de femmes rurales. Elle demande des renseignements complémentaires quant à leurs différences, en particulier quant à leurs différences culturelles et collectives et en ce qui concerne les conditions dans lesquelles ces facteurs ont empêché les femmes d’atteindre un niveau de vie adéquat. Il est inquiétant de constater la rapide détérioration des soins de santé à l’intérieur du pays, tel qu’indiqué à la page 77 du rapport; elle se déclare particulièrement préoccupée par la situation dans le domaine du planning familial et par l’absence de mesures pour enrayer la propagation des maladies sexuellement transmissibles, notamment du VIH/sida. Elle suggère au Gouvernement d’envisager l’adoption de politiques visant à promouvoir l’évolution des mentalités et des habitudes dans ces domaines.

Article 15

M me  González signale que le rapport mentionne des mesures concernant la capacité juridique des femmes mariées, tout en omettant de mentionner celle des femmes célibataires, veuves ou divorcées et elle demande si les tribunaux ont été saisis d’affaires dans lesquelles des épouses étaient en désaccord quant au choix du foyer matrimonial et quelles ont été leurs conclusions.

Article 16

M me  Kwaku demande quel est le pourcentage de jeunes filles au Suriname mariées avant l’âge de 18 ans, et quelles en sont les conséquences pour leur santé et leur éducation. L’État déclarant devrait indiquer comment il concilie sa politique à cet égard avec ses obligations en vertu de la Convention sur les droits de l’enfant.

M me  González demande à la délégation du Suriname de fournir des précisions concernant les « systèmes matrimoniaux spécifiques » des populations autochtones et des groupes tribaux de Marrones et se demande si l’application de ces systèmes ne risque pas d’être préjudiciable pour la situation des femmes concernées et pour la jouissance de leurs droits. Elle demande en outre des éclaircissements au sujet du paragraphe du rapport qui semble indiquer que le mariage de toute personne de moins de 30 ans exige le consentement des parents.

Le rapport présente un certain nombre de dispositions légales et de situations apparemment contraires à la Convention, telles que la persistance des unions polygames dans la population marrone. Tout en admettant qu’il est rarement facile d’introduire les changements souhaités lorsqu’il s’agit de population autochtone, elle se demande si le Gouvernement s’attend à la possibilité de faire avancer les choses à court terme. Il ressort semble-t-il du rapport que, en matière de droit familial, les femmes soient réellement défavorisées et, comme dans beaucoup d’autres pays, qu’elles soient victimes d’une grave discrimination générale. Le Gouvernement devrait sérieusement envisager de pénaliser le viol conjugal; de plus, il est extrêmement décourageant que les enfants nés en dehors du mariage soient toujours considérés comme illégitimes.

M me  Schöpp-Schilling se déclare préoccupée par la coexistence persistante de différents codes du mariage. Il est en particulier inacceptable qu’en vertu du code du mariage asiatique, l’âge minimal requis des jeunes filles pour se marier soit seulement de 13 ans. Elle demande si le Gouvernement estime qu’il est possible d’engager des pourparlers avec la communauté asiatique dans le but de supprimer en définitive ces dispositions qui constituent une infraction des droits humains de la femme. Elle demande s’il existe dans la Constitution un élément garantissant l’existence à long terme du code du mariage asiatique et désire obtenir des précisions supplémentaires sur des questions telles que l’héritage et la dissolution des mariages dans le cadre du code en question.

La Présidente note qu’une mesure législative de 1973 qui visait à abolir les codes du mariage asiatique, n’est jamais entrée en vigueur « pour des raisons administratives » (CEDAW/C/SUR/1 et 2, p. 86); elle demande quelles ont été ces raisons administratives.

M me  Livingstone Raday déclare que l’âge de consentement minimum pour avoir des rapports sexuels au Suriname est de 12 ans, ce qui est inacceptable. Elle souscrit par ailleurs aux observations de Mmes Gonzales et Schöpp-Schilling quant aux dispositions discriminatoires du code de mariage asiatique. Le Gouvernement est tenu par ses obligations aux termes de la Convention de faire tout son possible pour mettre fin à cette discrimination; il devrait par ailleurs prendre des mesures pour veiller à ce que les « pères des enfants naturels » ne puissent refuser de les reconnaître ou de subvenir à leurs besoins.

M me  Tavares da Silva déclare que le Gouvernement devrait résoudre la question des mariages arrangés et des mariages d’enfants qui sont préjudiciables à la santé et au statut des femmes concernées ainsi qu’à leurs perspectives sur le plan éducatif et professionnel.

Il conviendrait de préciser l’assertion figurant à la page 85 du rapport selon laquelle « l’article 79 du Code civil stipule que l’épouse partage la situation de son mari pendant le mariage »; un certain nombre de dispositions juridiques devraient être abrogées, soit parce qu’elles sont discriminatoires, soit parce qu’elles ne sont pas appliquées.

La séance est levée à 16 h 25.