Vingt-sixième session

Compte rendu analytique de la 533e séance

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 17 janvier 2002, à 15 heures

Présidente : Mme Abaka

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques de l’Islande (suite)

La séance est ouverte à 15 h 10

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques de l’Islande (suite) (CEDAW/C/ICE/3-4; CEDA/PSWG/2002/1/CRP.1/Add.1 et CEDAW/PSWG/2002/1/CRP.2/Add.1)

Sur l’invitation de la Présidente, Mme Bjarnadóttir et Mme Gunnsteindóttir (Islande) prennent place à la table du Comité.

Mme Bjarnadóttir (Islande), continuant à répondre aux questions des membres du Comité relatives à la violence familiale à l’égard des femmes dit, en réponse à Mme Shin, qu’elle présume que le problème a été traité dans les commentaires relatifs à l’article 12, en raison de ses incidences immenses sur la santé des femmes. Eu égard à l’évolution des débats relatifs à ce problème et de la manière de l’aborder, elle est certaine qu’il sera également étudié au titre de plusieurs autres articles dans les rapports futurs. L’intervenante ne dispose pas de données concernant les frais médicaux mais peut garantir au Comité que ces chiffres seront inclus dans le prochain rapport périodique.

Des thérapies de groupe à l’intention d’ hommes auteurs d’actes de violence à l’égard des femmes ont débuté en 1998 et continuent à donner de bons résultats. D’après une enquête réalisée à la fin de 2000, 90 % des femmes ayant une quelconque relation avec des hommes qui ont bénéficié d’une thérapie de groupe ou individuelle sont satisfaites du résultat. Dans la plupart des cas, la violence a diminué ou complètement cessé et la qualité d’ensemble de la vie des femmes s’est améliorée; les femmes ont indiqué qu’elles rient plus souvent et se sentent plus détendues. Les hommes interrogés sont également très satisfaits des résultats. Le Ministère de la santé et le Ministère des affaires sociales envisagent une proposition tendant à poursuivre le projet pendant une période de trois ans, à l’étendre à d’autres régions de l’Islande et à en faire une partie intégrante des peines de prison, pour atteindre des hommes qui ne chercheraient pas à suivre une thérapie de leur propre initiative. Les experts islandais forment également du personnel dans le Groenland, les îles Féroé et les pays baltes pour qu’ils offrent des services de thérapie aux hommes. Le projet relatif aux services de thérapie a consommé beaucoup d’énergie et nécessité extrêmement d’attention et l’intervenante estime qu’il est maintenant temps de revitaliser d’autres projets qui n’ont pas connu le même succès.

En conséquence de l’amélioration de la formation, la coopération de la police avec le Foyer d’accueil pour les femmes, le Centre des victimes de l’inceste, le Centre d’urgence à l’intention des victimes de viol de l’hôpital de la ville de Reykjavik et le Centre d’orientation des femmes a été plus positive et efficace. Des séminaires et des cours ont été organisés à l’intention du personnel de police sur la conduite à suivre avec les victimes de la violence familiale, de délits sexuels et de trafic.

Mme Gunnsteindóttir (Islande) dit que, sur la base d’un rapport établi par le Ministère de la justice en 1997, la loi relative à la procédure criminelle et le Code pénal ont été modifiés pour permettre à la victime de bénéficier d’une aide judiciaire en cas de violence familiale, pour protéger les témoins d’affaires de violence familiale, de coups et blessures et de délits sexuels et pour prononcer des ordonnances de protection, selon que de besoin. Le public est de plus en plus sensibilisé au problème de la violence à l’égard des femmes et des enfants et cette violence est discutée plus ouvertement dans la société et dans les médias.

Mme González félicite l’État partie de son rapport concis, clair et approfondi et de la richesse des renseignements supplémentaires fournis dans sa présentation liminaire. Elle souligne la nécessité d’une action vigoureuse pour lutter contre le trafic de femmes et la prostitution et exprime l’espoir que les autorités islandaises prêteront une attention particulière aux dangers du commerce sexuel, qui tendent à aggraver les abus à l’encontre des droits de la personne et le crime organisé. Elle salue les mesures énergiques déjà prises par l’État partie pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et des enfants, y compris des dispositions novatrices visant à faire état des actes de violence commis par des femmes à l’encontre d’ hommes. L’Islande pourrait peut-être dans son prochain rapport donner au Comité une idée de l’ampleur du problème de la violence à l’égard des enfants en fournissant des chiffres à ce propos. Il serait également utile d’avoir davantage de renseignements à propos des affaires de violence sexuelle à l’égard des enfants et des femmes âgées. L’intervenante aimerait que l’État partie réponde aux questions posées par le Groupe de travail présession à propos des sanctions en matière de violences entre conjoints.

Mme González remercie la délégation islandaise des renseignements supplémentaires qu’elle a fournis à propos de la participation des femmes au service diplomatique et espère que les femmes continueront à être encouragées à entrer dans ce secteur d’activités. Notant que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a évoqué précédemment la question de l’augmentation de la toxicomanie et de l’alcoolisme parmi les jeunes et les étudiants en Islande, elle se demande si les pouvoirs publics ont donné suite à la recommandation faite par le Comité tendant à analyser le problème et souhaite savoir quelles ont été ses conclusions. Des renseignements sur l’ampleur de la consommation de drogues et d’alcool par les femmes de tous âges seraient utiles.

Mme Corti, évoquant les amendements apportés au Code pénal pour donner suite à l’article 6 de la Convention et notant qu’il ressort d’un rapport intérimaire publié par le Ministère de la justice et d’entretiens avec les victimes que des femmes originaires d’Europe de l’Est sont importées pour travailler dans des clubs de strip-tease, félicite l’État partie des mesures qu’il a prises pour régler le phénomène croissant de la prostitution et du trafic de femmes. Dans le même temps, elle recommande des mesures encore plus énergiques et des sanctions plus rigoureuses et exprime l’espoir que le prochain rapport périodique contiendra davantage d’informations sur les manières dont on s’attaque au problème.

Mme Achmad, se référant aux réponses du Gouvernement islandais à la liste de questions suscitées pas ses rapports (CEDAW/PSWG/2001/1/CRP.2/Add.3), s’interroge sur les motifs pour lesquels l’objectif fixé pour la participation des femmes aux commissions publiques, à savoir 30 %, n’a pas été atteint (question 7). Est-ce parce que l’objectif n’est pas réaliste, que les femmes préfèrent le statu quo ou que des mesures de suivi adaptées n’ont pas été prises pour fournir l’incitation psychologique dont même des femmes très éduquées peuvent avoir besoin pour entrer dans la vie publique? Notant les effort déployés par le Ministère des affaires étrangères pour nommer des femmes à 50 % de tous les nouveaux postes dont le titulaire doit avoir un diplôme universitaire (question 9), elle demande si cet objectif a été atteint et, si tel est le cas, si cela a suscité des réactions de la part des candidats hommes. Il serait également intéressant de connaitre le pourcentage de candidats hommes et femmes et de savoir si le Ministère recrute des candidats provenant d’universités données ou de groupes de femmes donnés.

Mme Achmad aimerait avoir davantage de détails sur le type de mesures (par exemple séminaires, orientations, services de conseils) prises par les départements des universités pour inciter davantage de femmes à étudier l’ingénierie et la technologie (question 11). Il est de fait encourageant de constater que les pouvoirs publics ont pu obtenir l’appui du monde des affaires, dont les compagnies d’assurance et d’autres groupes stratégiques de la société à cet effet. Soulignant que la promotion des femmes dans le domaine de la science et de la technologie est essentielle pour résoudre les problèmes des femmes dans tous les domaines, l’intervenante demande si le cours intitulé « Les femmes et la science » concernant la philosophie et l’histoire de la science et si la Conférence spéciale sur la condition de la femme dans les sciences en Islande sont des initiatives prises par les pouvoirs publics ou par les universités. Il serait également intéressant de savoir si le Manuel sur l’égalité des sexes, publié par le Centre national du matériel pédagogique, est conçu pour des enseignants, des étudiants ou des administrateurs. Enfin, Mme Achmad aimerait avoir davantage de précisions quant au vif succès du projet relatif à l’équilibre de vie réalisé sous l’égide du parti national dans le contexte des horaires de travail souples (question 18).

Mme Goonesekere s’interroge sur la disparité qui existe entre la peine maximale de prison en cas de viol, à savoir 16 ans et les deux à quatre années de peine de prison prévues pour le trafic et l’exploitation d’établissements où l’on se livre à la prostitution, y compris à l’exploitation de mineures. Elle souhaite savoir si l’État partie envisagera sérieusement des sanctions plus rigoureuses lorsqu’il procédera à la réforme du Code pénal. Plusieurs pays, dont la Suède, considèrent l’exploitation d’établissements de prostitution comme une forme de violence à l’égard des femmes.

Mme Bjarnadóttir (Islande) dit qu’elle n’est pas en mesure de fournir des chiffres sur les abus sexuels à l’égard des enfants. Bien que de nombreux cas n’aient pas été signalés par le passé, on est de plus en plus conscient de l’ampleur du problème et davantage disposé à en parler. De même, on a davantage de conscience de la relation qui existe entre la violence à l’égard des enfants et les mauvais traitements infligés à leur mère. L’Islande, en coopération avec d’autres pays nordiques, effectue des recherches sur la violence familiale, qui démontrent d’ores et déjà que 50 % des enfants vivant dans des foyers violents subissent des violences physiques directes. Toutes les données disponibles seront incluses dans le prochain rapport.

L’Islande effectue également des recherches sur les violences physiques et psychologiques à l’encontre des femmes âgées, y compris les pressions financières dont certaines d’entre elles font l’objet. Si le viol conjugal constitue effectivement un délit en Islande, on tend à le considérer avec plus d’indulgence que les autres délits sexuels, bien qu’il ne soit pas possible de défendre cette attitude.

La toxicomanie augmente rapidement en Islande chez les jeunes filles et la relation entre toxicomanie, prostitution et infractions sexuelles est clairement démontrée. Le viol en groupe est un nouveau phénomène qui est également lié à la toxicomanie.

Mme Gunnsteindóttir (Islande) dit que les pouvoirs publics sont extrêmement conscients de l’augmentation de la toxicomanie et de l’alcoolisme des adolescents et ont consacré beaucoup de crédits et d’efforts aux tentatives de lutte contre les dépendances chez les jeunes. On a ouvert davantage de centres de traitement et les listes d’attente dans les huit centres sont courtes. Des campagnes d’information ont été organisées dans les écoles pour prévenir les jeunes des dangers de la toxicomanie. Les efforts menés pour découvrir les raisons de la toxicomanie révèlent qu’il existe de nombreuses causes, dont les abus sexuels, les difficultés d’apprentissage et l’isolement social.

Mme Bjarnadóttir dit qu’un important débat public s’est déroulé quelques mois auparavant au sujet des femmes et de l’alcoolisme. En conséquence, les autorités sanitaires s’attaquent à un problème qui était auparavant tabou. Les services des centres d’orientation familiale sont renforcés pour aider les femmes victimes de la violence sexuelle ou familiale.

L’Islande inclura une section relative aux clubs de strip-tease dans son prochain rapport. Les autorités locales interdisent ces clubs et leur activité diminue, non seulement en raison des mesures juridiques prises pour empêcher leur fonctionnement mais aussi parce que l’on se rend de plus en plus compte que les femmes n’ont pas choisi nécessairement de travailler dans ces endroits, mais sont contraintes à le faire par nécessité économique ou parce qu’elles ont été victimes d’un trafic. À Akureyri, deux des quatre clubs qui existaient auparavant sont déjà fermés.

Mme Gunnsteindóttir dit qu’il convient d’encourager les femmes à se présenter aux élections aux commissions publiques si l’on veut atteindre l’objectif de 30 % fixé en 1993. Une commission constituée en 1998 organise des cours pour préparer les femmes à participer à la prise de décisions et à la vie politique du pays.

Mme Bjarnadóttir dit qu’il conviendra de modifier les procédures de nomination pour atteindre l’objectif de 30 % dans les commmissions gouvernementales. On pourrait envisager qu’un candidat et une candidate se présentent aux élections à chaque poste. Au Ministère des affaires étrangères, 50 % des nouvelles recrues sont des femmes titulaires de diplômes universitaires et les autres ministères ont également recruté davantage de femmes. Bien que la plupart des fonctionnaires de grade supérieur et des juristes dans de nombreux ministères soient des femmes, les hommes détiennent encore les postes les plus élevés de la fonction publique.

En réponse à une question concernant le projet relatif aux qualités d’animatrices, l’intervenante explique que des séminaires, des cours et des services de conseils sont organisés. Treize projets sont en cours dans le cadre de cette rubrique. Deux visent à persuader les hommes de faire des études d’infirmier et d’assistant social alors que les autres sont destinés aux femmes. Dans le cadre du projet, des ingénieurs femmes et des informaticiennes se sont rendues dans touts les écoles du pays pour encourager les jeunes filles à embrasser ces professions. Il est prévu d’organiser des visites analogues d’infirmiers et d’assistants sociaux. La Conférence sur les femmes et la démocratie tenue en 1999 a ranimé l’intérêt du monde des affaires envers ce projet. L’Université d’Islande participe également à l’organisation de la conférence sur la condition de la femme dans le secteur scientifique.

Le manuel sur l’égalité est conçu essentiellement à l’intention des enseignants, bien qu’il soit utilisé par des spécialistes de la pédagogie au Ministère de l’éducation et ailleurs.

Mme Gunnsteindóttir dit qu’elle attribue le succès du projet « Atteindre l’équilibre » au fait qu’il répond aux demandes du marché du travail. Les hommes et les femmes veulent associer vie professionnelle et vie familiale. Les jeunes sont particulièrement intéressés par les horaires souples, qui offrent également un certain nombre d’avantages aux employeurs.

Mme Bjarnadóttir, se référant aux sanctions applicables au trafic de femmes et à la prostitution dit qu’on débat actuellement beaucoup en Islande de la nouvelle loi suédoise qui sanctionne les clients. Il existe une coopération étroite dans le domaine pénal entre les pays nordiques et les pays baltes et un groupe de travail conjoint vient d’être constitué pour sensibiliser le public à cette question. C’est un domaine où les pouvoirs publics doivent collaborer pour parvenir au succès. On attend de voir quels seront les résultats de l’expérience suédoise.

Pour terminer, l’intervenante dit que 55 % de la main-d’œuvre féminine travaille à plein temps en Islande.

La Présidente remercie la délégation islandaise d’avoir répondu en détail à toutes les questions et d’avoir mené un dialogue très intéressant. Le Comité félicite l’Islande de ses réalisations concernant la mise en œuvre de la Convention mais reste préoccupé par l’absence de participation des femmes à la vie publique et à la vie politique, par le fait que la Convention n’est pas partie intégrante du droit national islandais, par le trafic des femmes et des enfants pour alimenter l’industrie du sexe dans le pays et par la légéreté des peines infligées en cas de viol. La Présidente est certaine que les conclusions du Comité seront largement distribuées en Islande.

La séance est levée à 16 h 15.