Trente-deuxième session

Compte rendu analytique de la 676e séance

Tenue au Siège, à New York, le mercredi 19 janvier 2005 , à 15 heures

Président :Mme Manalo

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial, deuxième, troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques combinés de la République démocratique populaire lao (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial, deuxième, troisième, quatrièmeet cinquième rapports combinés de la République démocratique populaire lao (suite) (CEDAW/C/LAO/1-5, CEDAW/PSWG/2005/I/CRP.1/Add. 5 et CEDAW/PSWG/2005/I/CRP.2/Add.4)

À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation de la République démocratique populaire lao prennent place à la table du Comité.

Article 10.

M me Saiga se félicite du fort attachement de la Présidente de l’Union des femmes lao à l’éducation des femmes étant donné le rapport qu’il y a entre l’instruction et le rôle des femmes dans la société. Elle se plait aussi à voir que l’éducation des femmes est l’une des cinq priorités de la stratégie nationale de la promotion de la femme pour la période 2005-2010. Notant que le taux d’analphabétisme du pays est encore très élevé, elle se demande pourquoi il a été décidé de repousser jusqu’à 2010 l’entrée en vigueur de l’instruction primaire obligatoire. Se référant à la réponse de la délégation à la question 8, elle demande si les programmes scolaires sont différents selon qu’il s’agit des garçons ou des filles.

M. Flinterman, faisant état d’une même préoccupation concernant le report de la pleine entrée en vigueur du caractère obligatoire de l’instruction, note que le Comite des droits de l’enfant a recommandé en 1997 que la République démocratique populaire lao continue à demander l’aide de la communauté internationale afin de pouvoir donner réalité à ce droit on ne peut plus fondamental. Se référant au projet relatif à l’éducation des femmes, il se demande si ses objectifs ont été atteints et s’il sera poursuivi ou élargi.

M me Šimonović note qu’il y a d’appréciables disparités entre les filles et les garçons en matière d’éducation, ce qui est tout à fait contraire à la Constitution, qui garantit l’égalité de droit à l’éducation. C’est pourquoi il est important de protéger les droits constitutionnels en interdisant formellement toute espèce de discrimination. Étant donné que certaines minorités comptent un très grand nombre de filles sans instruction, on aimerait savoir quelles mesures sont prises en vue d’accroître le nombre de filles de minorités qui reçoivent une éducation et de mettre fin aux stéréotypes appliqués aux garçons et aux filles dans les manuels scolaires.

M me  Bouphanouvong (République démocratique populaire lao) dit, à propos du report à 2010 de l’entrée en vigueur du caractère obligatoire de l’instruction, que les difficultés économiques que connaît son pays ne lui ont pas permis de répondre aux besoins dans le domaine de l’éducation. Le Gouvernement revoit ses échéances et ses objectifs et a engagé des travaux sur les liens qu’il y a entre éducation et développement. Sans nier que les taux d’alphabétisme soient faibles parmi les femmes des campagnes, il se trouve que le Gouvernement lao n’a pas les ressources nécessaires pour construire des écoles dans tous les villages reculés du pays. Pour le moment, la stratégie du Gouvernement à cet égard est de procéder à la réinstallation des ruraux comme étant le meilleur moyen de leur offrir de nouvelles possibilités d’éducation et d’autres options en matière de travail. La mise en place d’un réseau éducatif pour toutes les zones rurales exige du temps et des ressources.

M. Kiettisak (République démocratique populaire lao) dit, en réponse à la question concernant la définition de la discrimination dans la législation nationale, que le Gouvernement abordera bientôt cette question, notamment dans le contexte de l’application de la loi sur le développement et la protection de la femme.

M. Kittikhoun (République démocratique populaire lao) dit que l’instruction est essentielle à la promotion du progrès de la femme. La capacité de traduire en réalité les droits des femmes est liée à la situation économique du pays. La République démocratique populaire lao est un pays sans littoral, pauvre, multiethnique, un des pays les moins avancés, d’une population dispersée à 80 % sur des zones rurales reculées. Les stéréotypes seront progressivement éliminés grâce à l’éducation. Il faut des ressources pour cela et c’est pourquoi le Gouvernement sera heureux de recevoir une aide de la communauté internationale.

M me Pholsena (République démocratique populaire lao) dit, en réponse à la question posée par Mme Saiga, que les programmes scolaires sont les mêmes pour les filles et les garçons. On a, par la réponse à la question 8, voulu simplement souligner qu’il faut que les femmes se trouvent sur un pied d’égalité avec les hommes en matière d’éducation étant donné que, dans le passé, les femmes étaient considérées comme les gardiennes de la famille, confinées au foyer familial. Le Laos est un pays très pauvre et il ne se construit pas d’écoles partout. Nombreux sont les parents qui ne peuvent pas se permettre d’envoyer leurs enfants à l’école. La construction d’écoles dans autant de villages que possible est un des problèmes dont il va falloir s’occuper et l’Union des femmes lao s’y emploiera. L’éducation contribue pour beaucoup au développement national et l’Union des femmes lao a lancé une campagne de plaidoyer pour une plus grande présence des femmes dans les établissements d’éducation.

Article 11

M me Dairiam, notant que les nouvelles réformes économiques ont conduit, notamment, à la promotion des petites et moyennes entreprises et à la diversification de l’économie dans son ensemble, veut savoir quelles mesures ont été prises pour faire en sorte que les femmes soient également gagnantes à ces réformes macroéconomiques. Elle veut savoir aussi si les centres d’information sur les ressources à la dispositions des femmes ont mis en route des études pour voir ce qu’est l’impact de la libéralisation des échanges, surtout en ce qui concerne la diversification des cultures, sur les femmes et le développement de leur esprit d’entreprise. Il serait particulièrement intéressant de savoir quels efforts sont faits pour renforcer les aptitudes des femmes afin de les rendre mieux à même d’avoir accès à la technologie et d’améliorer progressivement leurs moyens d’action en tant que chefs d’entreprises à une échelle équivalente à celle des hommes. La délégation devrait dire quelles négociations ont été engagées avec les institutions financières internationales, les banques privées et les investisseurs étrangers pour veiller à ce qu’ils mettent effectivement en place des actions de discrimination positive ou des mesures temporaire spéciales dans le but d’accélérer l’entrée productive des femmes dans l’économie de marché dans des conditions d’égalité avec les hommes. Mme Dairiam se demande si les lois qui ont été adoptées pour promouvoir la libéralisation des échanges ainsi que pour encourager les investissements privés et étrangers ont été étudiées dans l’optique de leur impact sur les femmes et si les réformes appropriées ont été envisagées. Enfin, elle aimerait savoir comment se règlent les conflits du travail.

M me Khan dit qu’elle retire de la lecture du rapport l’impression qu’en l’absence de possibilités alternatives d’emploi, les femmes sont exploitées comme main-d’œuvre à bon marché. Elle estime qu’il faudrait, à cet égard, en savoir davantage sur la répartition par âges des femmes qui exercent une activité économique, sur la structure des salaires, sur la discrimination éventuelle dans les salaires et sur la structure des emplois. Elle aimerait en particulier être informée sur le pourcentage de femmes exerçant une activité rémunérée qui perçoivent un salaire minimum, tant dans le secteur agricole que dans les secteurs non structurés aussi bien que structurés. Se référant à la fonction publique, elle voudrait savoir pourquoi des femmes y ont perdu leur emploi au cours de la restructuration de ce service et si des mesures temporaires spéciales ont été prises en faveur des femmes dans le secteur public. Il serait intéressant de recevoir des informations concernant la manière dont les femmes arrivent à concilier leurs tâches domestiques avec leurs responsabilités professionnelles.

M me Patten souligne l’importance de l’esprit d’initiative et du savoir-faire des femmes pour une économie et une société en développement et dit qu’il faut les aider en leur faisant acquérir la maîtrise du capital, du crédit et de la technologie. Elle aimerait savoir quelle aide internationale va aux petites et microentreprises qui ont à leur tête des femmes et dans quelle mesure les conditions imposées par des institutions comme le Fonds monétaire international et la Banque mondiale font obstacle à l’adoption de politiques soucieuses d’égalité des chances entre les sexes. Elle note que la Banque centrale rédige les textes réglementaires pour un système de microfinancements et elle se demande si cela se fera dans l’esprit de la Grameen Bank. Elle préconise d’adopter des mesures temporaires spéciales, surtout en raison du déséquilibre entre les sexes causé par les réductions d’effectifs dans la fonction publique, et l’application, dans tous les programmes relatifs à l’emploi, d’une politique ostensiblement tournée vers la démarginalisation du sexe féminin. Elle dit qu’il faudrait des programmes de vulgarisation, surtout pour les femmes pauvres des zones rurales, pour leur faire prendre davantage conscience de ce que l’évolution des technologies met à leur disposition. Elle demande quelles conventions de l’OIT le pays a ratifié et quelles mesures seront prises pour empêcher les employeurs de faire preuve de discrimination à l’égard des femmes pour des raisons d’ordre génésique.

M me Bouphanouvong (République démocratique populaire lao) dit que, sans l’active participation des femmes, son Gouvernement serait incapable de mettre en application sa stratégie nationale de réduction de la pauvreté, stratégie qui œuvre, par l’intermédiaire des chambres du commerce et de l’industrie, en faveur des petites et moyennes entreprises de femmes (PME) dans le cadre d’un programme créé par décret du Premier Ministre. Les travaux réalisés avec la coopération de l’OIT ont montré que 60 % des PME appartiennent à des femmes, et leur promotion est une tâche hautement prioritaire pour le Gouvernement, tâche assurée par exemple, dans les villes, par des organismes commerciaux qui coordonnent le travail des femmes chefs d’entreprises et qui les aident à développer leur affaire. On vient en aide aussi aux femmes en leur assurant une formation aux affaires et au marketing et concernant l’application des techniques modernes à l’agriculture et à l’artisanat. Tel qu’il a été réformé, le système bancaire est devenu plus accessible aux femmes et l’Union des femmes lao s’associe aux efforts du Gouvernement pour permettre aux femmes d’utiliser leurs titres de propriété foncière pour gager des emprunts dans le cadre d’un programme qui est déjà en place dans neuf provinces et qui ne va pas tarder à être étendu au reste du pays. Le Laos coopère avec de nombreuses organisations internationales, comme l’OIT, à l’interdiction d’utiliser le travail des enfants ou d’une main-d’œuvre migrante par nécessité ainsi qu’à la réalisation de programmes générateurs de revenus.

M. Kiettisak (République démocratique populaire lao) fait savoir au Comité que des tribunaux du travail se mettent en place à tous les niveaux pour régler les différends qui n’ont pas pu l’être sur le lieu de travail avec l’aide des syndicats locaux. Il n’y a pas à proprement parler de loi sur la libéralisation du commerce, mais la Constitution du pays reconnaît l’économie de marché ainsi que l’importance de l’investissement national et étranger.

M me Pholsena (République démocratique populaire lao) souligne l’importance du rôle que joue le centre d’information sur les ressources à la disposition des femmes dans la recherche et la promotion de leurs activités commerciales dans le cadre de l’effort que mène le pays pour réaliser la réforme du marché. Le Laos coopère avec des pays amis à des programmes en faveur des femmes, comme l’éradication de la pauvreté dans les campagnes, la création de revenus pour l’ensemble de la famille et le microcrédit. Les conclusions des études de la Grameen Bank faites sur le terrain seront appliquées d’une manière appropriée à la situation des femmes lao. Il est important de se mettre à l’école de pays riches en expérience et en savoir-faire pour apprendre d’eux la manière de réaliser ce type de programmes et d’aborder des problèmes comme celui qui est d’amener les femmes à faire de plus en plus appel aux nouvelles techniques.

M. Kiettisak (République démocratique populaire lao) dit que le pays est partie aux conventions de l’OIT et qu’il prend régulièrement part aux travaux de cette organisation.

Article 12

M me Coker-Appiah dit qu’en dépit des efforts du Gouvernement, les équipements de santé sont toujours inefficaces et inaccessibles à la majorité de la population, surtout en milieu rural. Elle émet l’idée d’assurer une certaine formation médicale de base aux guérisseurs traditionnels. Elle demande quelles mesures sont prises pour inverser la tendance aux mariages et aux grossesses précoces pour les filles et elle met en garde contre un comportement d’insouciance à l’égard du VIH/sida étant donné que le pays compte un grand nombre des facteurs qui fragilisent sa population, comme la traite des filles, le tourisme et le peu de moyens qu’ont les femmes pour faire accepter un rapport sexuel sans danger.

M me Khan fait remarquer que, d’après ONUSIDA, les femmes sont le nouveau visage du VIH/sida en Asie du Sud-Est et que les programmes de lutte contre la propagation du sida devraient comprendre, en plus de l’effort clinique, un élément de sensibilisation des femmes. Elle aimerait savoir combien de femmes il y a au niveau de la prise des décisions dans la Fondation VIH/sida et le comite du sida du Ministère de la santé. Les taux élevés de mortalité maternelle et un taux de fécondité de 4,9 enfants par femme sont aussi préoccupants. Il faudrait prendre des mesures d’extension de la planification familiale, en particulier pour les minorités ethniques de zones rurales situées dans les régions montagneuses les plus inaccessibles, minorités dont les besoins d’éducation appellent un effort spécial de la part des pouvoirs publics.

M me Patten engage le Gouvernement à rechercher autant d’aide internationale que possible afin d’assurer la sécurité alimentaire des ménages dans l’ensemble du pays, portant ainsi remède aux graves pénuries alimentaires que connaissent les zones rurales et garantissant aux filles et aux femmes la nutrition qui leur est nécessaire. Elle dit que le peu d’accès des femmes des campagnes aux soins de santé s’aggrave du poids de la tradition et de l’ignorance des femmes elles-mêmes, et elle voudrait savoir ce que font les pouvoirs publics pour remédier à cette situation, savoir, par exemple, si les femmes reçoivent une éducation et une formation en matière de santé à tous les niveaux du cycle éducatif, si la formation du personnel de santé s’améliore, si on s’emploie à éliminer les risques d’ordre environnemental que courent les femmes, si on a mis en place des stratégies communautaires de lutte contre le VIH/sida afin de protéger les femmes, si on s’occupe des besoins spéciaux des femmes âgées et des handicapés en matière de santé et si le budget de la santé a augmenté au cours des dernières années.

M me Pholsena (République démocratique populaire lao) dit que le Ministère de la santé et d’autres organismes ont, grâce à une aide étrangère, lancé un certain nombre de projets pour sauvegarder la santé des mères par l’éducation et par voie de conseils ainsi que pour faire connaître aux femmes comme aux hommes le danger que représente le VIH/sida. Le Comité national pour la prévention du VIH/sida a été créé et des programmes spéciaux ont été mis en place pour informer les adolescentes sur cette maladie et sur une procréation sans danger.

Si élevés que soient encore les taux de mortalité maternelle et infantile et le taux de fécondité, ils sont faibles par rapport au passé. L’existence de taux de mortalité élevés est due au fait que les femmes mettent au monde trop d’enfants, en particulier dans les régions reculées où il n’y a pas de services d’accouchement. Il n’est pas facile, cependant, de faire admettre le principe selon lequel l’accouchement en hôpital est le plus sûr et cela demandera une évolution de la situation sociale et économique. La politique de la population – l’une de ses plus hautes priorités – est d’arriver à persuader les deux sexes que l’espacement des naissances est indispensable et qu’il s’agit là d’une question d’ordre familial. L’Union des femmes lao a lancé, sur la question, une campagne à l’intention des hommes comme des femmes et la toute récente loi sur la famille et le développement prescrit aux époux de se consulter concernant l’espacement des naissances et la participation des femmes aux activités de développement national.

Les nombreux défis auxquels est confronté le Gouvernement proviennent du fait que le pays est pauvre, qu’il fait partie des pays les moins développés et qu’il ne dispose pas des moyens nécessaires pour mener à bien des programmes. Il reconnaît, par exemple, l’importance de la nutrition pour les adolescentes et s’emploie à les y sensibiliser, mais il n’a pas les moyens, faute de fonds, de leur assurer ce qu’il leur faut de nutrition. Une aide internationale accrue s’impose d’urgence.

Article 14 de la Convention

M me Cnacadja dit que, du fait qu’il reconnaît l’importance du rôle des femmes pour le développement rural, le Gouvernement devrait s’employer à faire appliquer comme il convient les lois relatives à la propriété de la terre dans un pays qui est rural à 83 % et à éliminer la discrimination à l’égard des femmes au regard du droit de propriété, lequel est incorrectement enregistré au nom du mari dans la plupart des cas.

M me Tan félicite l’Union des femmes lao de la qualité de son travail et le Gouvernement de sa volonté politique et elle demande comment celui-ci envisage d’arriver à faire sortir le pays du groupe des pays les moins avancés pour 2020 et de quelles ressources financières il disposera. Notant qu’il est dit dans la réponse écrite (CEDAW/C/PSWG/2005/I/CRP.2/Add.4) à la question 38 de la liste des problèmes et questions, que, dans neuf provinces, les terres de la femme ne sont plus enregistrées au nom du mari, elle voudrait connaître le pourcentage de femmes qui détiennent maintenant le titre de propriété sur leurs terres et si le Gouvernement peut donner l’assurance que la norme sera dorénavant de tenir compte de l’intérêt de la femme dans l’attribution du titre de propriété.

M me Zou Xiaoqiao demande ce que sont les objectifs de l’aide du Gouvernement aux femmes des campagnes, dont le progrès est étroitement lié au développement de l’économie d’un pays à population largement rurale, et quel pourcentage de femmes les projets de l’Union des femmes lao ont fait sortir de la pauvreté.

M me Shin dit que le prochain rapport devra parler des résultats de la réforme de l’enregistrement du droit de propriété, réforme qui devrait s’étendre à toutes les provinces. Elle aimerait aussi que des informations soient données sur les mesures prises pour corriger l’inéquitable division des travaux de la ferme dans les zones rurales et pour persuader les hommes de prendre leur part de la lourde charge de travail, charge qui pourrait également être allégée si on apprenait aux femmes à utiliser les instruments appropriés.

À propos de la part que prennent les femmes à la prise des décisions au niveau des villages, il est dit dans la réponse écrite à la question 35 que les comites de maîtrise de l’eau comptent moins de 14 % de femmes et les associations de cultivateurs encore moins. Il faudrait qu’il y ait au moins 50 % de femmes dans ces organismes de village et on devrait y affecter davantage de représentantes de l’Union des femmes lao.

M me Morvai n’a pas été surprise de lire que les femmes entrent pour 70 % dans la production d’opium du pays et elle voudrait savoir quelle quantité d’opium est produite, si elle est exportée et à qui et qui en perçoit le bénéfice. Il est évident que le crime organisé et les trafiquants représentent un risque pour ces femmes. Le Gouvernement paraît disposé à mettre fin à la production d’opium, mais Mme Morvai doute que cela puisse se faire du jour au lendemain et elle n’est pas sûre que la communauté internationale y prenne véritablement part. Les femmes entrent aussi pour 50 % dans la pratique de la culture marchande et on aimerait savoir s’il se dessine une tendance quelconque vers l’adoption de méthodes de culture plus organiques afin de réduire les dangers que fait courir à la santé des femmes l’utilisation de produits chimiques dont la toxicité contamine le sol.

M me Schöpp-Schilling demande s’il y a eu effectivement réenregistrement de terres en faveur des femmes dans les neuf provinces auxquelles s’applique le projet correspondant, si, dans ces provinces, les filles hériteront des terres de la famille et s’il y a eu opposition de la part des maris. Elle voudrait savoir si le nombre des filles des campagnes qui travaillent dans les fabriques de vêtements des villes a dépassé les 15 000, si ces filles sont informées de leurs droits de travailleuses et quels résultats a obtenus le comité interministériel mis sur pied pour répondre à leurs besoins. Par ailleurs, dans l’action qu’il mène pour la prévention du VIH/sida, le Gouvernement devrait porter le plus gros de son effort sur les zones à danger, comme celles où travaillent des ouvriers du bâtiment occupés à construire des routes d’accès à des pays voisins, dont il ne fait pas de doute que le style de vie les en rend porteurs.

M me Simms dit que le rapport et la délégation ont donné des informations très révélatrices. Le transfert des populations rurales des montagnes vers les plaines se justifie par les rigueurs économiques et l’insuffisance des équipements éducatifs que connaissent les collectivités de montagnards qui vivent loin de tout. Mais, de par leur attachement à la tradition, les femmes, et en particulier celles de ces campagnes, entretiennent des liens spirituels très forts avec la terre dont elles sont issues et dont elles tirent le sens de leur identité, réalité qu’il ne faudrait pas sous-estimer ou feindre d’en ignorer l’existence. Les pays amis pourraient peut-être établir des programmes de téléenseignement qui contribueraient à relever le niveau des savoir-faire en milieu rural sans qu’il faille en déplacer la population, à laquelle il faudrait en même temps faire prendre conscience de la richesse des ressources naturelles de leurs terres, qui attendent d’être mises en valeur.

M. Kiettisak (République démocratique populaire lao) dit que le problème du titre de propriété foncière pour les couples mariés a été résolu : ce titre de propriété peut être enregistré au nom de la femme et, dans l’ensemble du pays, on s’emploie à mettre les femmes au courant de leurs droits fonciers. Pour les couples mariés, les biens communs du ménage doivent être enregistrés au nom des deux époux et le mari ne peut utiliser aucune partie des biens communs sans l’approbation de sa femme.

M.Kittikhoun (République démocratique populaire lao) dit que ce qui est dit dans le rapport concernant le fait que 70 % de l’opium produit dans les villages de minorités ethniques ne vaut en réalité que pour un seul groupe ethnique, les Hmong, qui sont des montagnards. Chez eux, les femmes sont, par tradition, chargées de l’agriculture. Le Gouvernement s’efforce bien de rendre la population plus sensible au problème de l’opium et d’agir sur les mentalités, mais c’est une situation à laquelle il ne pourra pas être remédié du jour au lendemain, surtout étant donné la situation économique de pays.

Les avis sont partagés quant à la pertinence de la politique de relocalisation des tribus des montagnes dans les plaines; le Gouvernement lao serait très heureux de recevoir des recommandations du Comité ou d’être informé de l’expérience d’autres pays en la matière et d’adopter à cet égard une politique de sensibilité aux liens étroits que ces tribus entretiennent avec leurs terres ancestrales. Le problème fondamental est de savoir comment développer des zones rurales éloignées de tout; le Gouvernement lao estime que le mieux est d’aider ces populations à s’aider elles-mêmes tout en étant pleinement conscient de leur attachement à la terre. La réinstallation ne leur est pas imposée; c’est plutôt qu’on les y encourage afin qu’elles puissent bénéficier de projets de développement dans des régions moins montagneuses. Le Gouvernement n’ignore pas les défis auxquels il est confronté dans ce domaine, mais il est résolu à trouver des solutions appropriées.

M me Pholsena (République démocratique populaire lao) dit que son Gouvernement est fermement résolu à quitter les rangs des pays les moins avancés pour 2020 et qu’il exécute de nombreux programmes dans ce but. De son coté, l’Union des femmes lao travaille, en association avec des partenaires tels que les employeurs et les organismes de coopération, à réduire les taux d’analphabétisme des femmes, à ouvrir plus grandes les portes de l’instruction aux femmes des campagnes, à les aider à accroître leurs revenus et à leur assurer l’accès aux soins de santé. Les femmes sont particulièrement désavantagées en raison de leur lourde charge de travail, qui leur laisse peu de temps pour s’instruire; c’est pour cette raison que les actions de lutte contre l’analphabétisme ont trouvé place dans les programmes de développement. Des mesures sont prises aussi pour réduire la charge de travail des femmes; par exemple, étant donné que même les filles encore toute jeunes peuvent se voir chargées d’aller chercher de l’eau, on prévoit d’installer des pompes dans les villages afin d’alléger d’autant la charge des femmes; des actions sont mises en place aussi en vue d’éliminer les stéréotypes relatifs aux rôles que la tradition attribue aux hommes et aux femmes et pour encourager les hommes à participer davantage à l’éducation des enfants et aux tâches du ménage.

La situation en ce qui concerne la production d’opium s’est améliorée; dans certaines provinces, elle a été éradiquée, mais il ne sera pas possible de la faire disparaître complètement avant 2010. Des efforts sont faits pour éduquer les femmes au sujet des risques que représente cette culture aussi bien pour l’environnement que pour leur santé; dans certaines régions montagneuses, on a encouragé les tribus à aller s’installer dans des régions de plaines pour y pratiquer d’autres types de cultures. On s’efforce aussi de protéger les ouvrières d’usines avec le concours de la Chambre nationale du commerce et conformément à la loi relative au progrès et à la protection de la femme (futur CEDAW/PSWG/2005/I/CRP.2/Add.4, réponse 1).

Le Gouvernement n’ignore pas la facilité avec laquelle le VIH/sida peut se propager le long des nouveaux axes routiers d’accès aux pays limitrophes du nord et des actions ont été initiées en vue d’éduquer la population qui vit près de ces routes. On apprend aussi, par l’éducation et par voie de conseils, aux femmes lao à se protéger contre la transmission du VIH/sida.

L’Union des femmes lao s’efforce d’éduquer les femmes et les hommes mariés sur ce que sont leurs droits au regard des titres de propriété foncière. Une partie du problème a tenu dans le passé au fait que les femmes étaient trop préoccupées par d’autres problèmes pour prêter grande attention à leurs droits fonciers, mais elles en viennent à en prendre de plus en plus conscience. Les femmes lao ont peut-être tendance à être trop arrangeantes et à se contenter de laisser l’homme diriger leur ménage. Dans son souci de protéger les droits des femmes lao, l’Union des femmes a avancé l’idée que, dans les cas de divorce, lorsque le tort en revient à l’homme, ce qui est généralement le cas, la femme devrait se voit attribuer les deux tiers des biens communs du mariage.

Articles 15 et 16

M me Tan se dit préoccupée par le fait qu’alors que l’âge légal au mariage a été fixé à 18 ans, il y a des cas où il est possible de se marier à 15 ans, disposition qui pourrait être utilisée pour contourner la règle relative à l’âge minimum à avoir pour se marier et à justifier un mariage précoce. Elle l’est aussi d’avoir à se demander si la faiblesse des chiffres indiqués pour la violence domestique ne voudrait pas simplement dire que les cas de violence ne sont pas signalés et elle voudrait savoir si la véritable situation a fait l’objet d’une étude approfondie.

M me Gnacadja dit que ce n’est pas assez de mettre en place un plus grand nombre d’actions à but éducatif pour les filles des zones rurales et éloignées de tout en vue de réduire les taux de nuptialité précoce, comme il est dit dans les réponses écrite de la délégation (CEDAW/PSWG/2005/I/CRP.2/Add.4, réponse 39). Le fait demeure qu’il est légalement possible, dans certains cas, de se marier à 15 ans et on aimerait savoir quelles circonstances peuvent être invoquées pour justifier un mariage précoce. Par ailleurs, comme la scolarité obligatoire prend fin à l’age de 10 ans, on peut considérer qu’un grand nombre de jeunes filles sont prêtes pour le mariage à 15 ans, notamment en milieu rural. Il faut donc que la loi soit modifiée pour éliminer toute exception à la règle qui fixe à 18 ans l’âge minimum au mariage.

M me Cnacadja se dit également préoccupée par la pratique du versement d’une dot par le mari. Bien que la délégation ait indiqué dans ses réponses écrites (CEDAW/PSWG/2005/I/CRP.2/Add.4, réponse 42) qu’il ne s’agit là que d’une manière de récompenser les parents de la mariée de l’avoir élevée et que cela n’a pas d’incidence sur la condition future de la femme dans le mariage, le fait est que l’idée même de payer une dot pour la mariée implique une sorte d’achat et une affirmation de l’infériorité de la femme par rapport à l’homme. Il est dit dans le rapport de l’Etat partie (CEDAW/C/LAO/1-5, p.78) que, dans la minorité Theung lao, cette pratique est suivie dans 77 % des mariages et que le mari est presque seul détenteur de l’autorité familiale; il y est dit aussi qu’elle est suivie, chez les Hmong, dans 67 % des mariages et que la condition de la femme est d’être la subordonnée de l’homme. Il faut que l’État partie revoie sa position sur cette question de dot du mari, pratique qui contribue à la persistance du stéréotype qui fait de la femme l’inférieure de l’homme.

M. Kiettisak (République démocratique populaire lao) dit que, bien que le mariage soit autorisé dans certains cas à 15 ans, c’est quand même là un progrès par rapport au passé, où il est parfois arrivé en milieu rural que l’on se marie à 12 ou 13 ans. Le mariage peut être autorisé avant 18 ans dans le cas, par exemple, où un couple a eu des relations sexuelles du fait desquelles la femme s’est trouvée enceinte, les obligeant à se marier. Cela dit, on s’efforce quand même de faire comprendre aux parents et à la population qu’on ne doit pas se marier avant d’avoir 18 ans et la question va également trouver place dans les programmes scolaires. Quant à la violence domestique, la raison pour laquelle peu de cas sont signalés pourrait être que, dans la mentalité lao, des problèmes tels que la violence physique sont un sujet de honte et qu’il ne faut pas en parler. Il n’en demeure pas moins que la violence domestique n’est pas admise par la société lao et qu’elle est punissable en vertu de la loi relative au progrès et à la promotion de la femme.

La société lao ne considère pas que la dot payée par le mari représente la valeur ou le prix de la mariée; c’est un don que l’on fait à ses parents pour les récompenser de l’avoir élevée et pour les inciter à accepter le nouveau marié dans leur famille. Cela ne définit pas la condition de la nouvelle mariée et même le paiement d’une très forte somme ne signifie pas que la nouvelle mariée sera d’autant plus subordonnée à son mari. Le montant de la dot fait l’objet de discussions entre les parents, de même que le partage des coûts du mariage; on en vient de plus en plus à considérer qu’il ne s’agit pas nécessairement d’une somme importante et à lui attribuer une valeur essentiellement symbolique, une somme calculée sur la base du nombre 9, symbole de chance.

M. Kittikhoun (République démocratique populaire lao) redit que le problème relatif aux titres de propriété foncière peut se régler par l’éducation et la confiance entre époux; dans l’état actuel des choses, les biens du mariage tenus en commune propriété sont enregistrés au nom du mari et de la femme.

M me Pimentel dit que le problème de la prostitution est un problème délicat : s’il est difficile d’accepter la prostitution, qui fait de la femme un objet, il n’en demeure pas moins qu’il faut protéger les droits des prostituées. La meilleure manière de s’attaquer au problème de la prostitution est de procéder par l’éducation et la prévention. La criminalisation de la prostitution rend les prostituées doublement victimes en ce qu’elles sont déjà victimes de la pauvreté et qu’elles manquent de débouchés économiques, ce qui les expose à l’exploitation et à la traite. L’État partie devrait modifier sa législation dans le sens d’une décriminalisation de la prostitution.

M me Popescu reconnaît que l’État partie doit faire face à de nombreux problèmes, dont son passé colonial, mais rien ne saurait justifier que l’on tolère quelque forme de discrimination que ce soit à l’égard des femmes. Il incombe au Gouvernement d’agir, ce qui pourra se faire en coopération avec des partenaires internationaux, pour en finir avec toute forme, directe ou indirecte, de discrimination à l’égard des femmes. Il n’est sans doute pas possible de tout changer du jour au lendemain, mais, par l’examen des rapports périodiques, le Comité veut aider l’État partie à s’acquitter des obligations que lui fait la Convention en vue d’assurer la démarginalisation économique et politique des femmes, et cela pour le plus grand bien des familles et des sociétés en général.

M me Pholsena (République démocratique populaire lao) remercie le Comité du vif intérêt qu’il a montré pour la situation des femmes dans la République démocratique populaire lao. Elle dit sa satisfaction de pouvoir connaître la situation des droits des femmes dans les autres pays et souligne le vif désir qu’a son Gouvernement de promouvoir le progrès de la femme. Le soutien de la communauté internationale à la cause des droits de la femme – dont la présentation de rapports au Comité est une manifestation – est essentiel et Mme Pholsena attend avec intérêt de recevoir les conclusions et les recommandations du Comité.

La séance est levée à 17 h 25