Trente-deuxième session

Compte rendu analytique de la 675e séance

Tenue au Siège, à New York, le mercredi 19 janvier 2005, à 10 heures

Président :Mme Manalo

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États Parties, conformément à l’ article 18 de la Convention (suite)

Examen du document contenant le rapport initial, les deuxième, troisième, quatrième, cinquième rapports présenté par la République démocratique populaire lao

La réunion est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports présentés par les États Parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième, troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques combinés de la République démocratique populaire lao (CEDAW/C/LAO/1-5, CEDAW/PSWG/ 2005/I/CRP.1/Add.5 et CRP.2/Add.4)

À l’invitation de la Présidente, la délégation de la République démocratique populaire lao prend place à la table du Comité.

M. Lengsavad (République démocratique populaire lao), présentant les rapports combinés de la République démocratique populaire lao (CEDAW/C/LAO/1-5) précise que c’est la première fois que son pays soumet ses rapports sur la mise en œuvre de la Convention. Cette présentation tardive est principalement due au fait que le Laos est actuellement engagé dans une vaste réforme politique, économique et institutionnelle de modernisation et que le Gouvernement manque de personnel qualifié pour établir ses rapports.

Le Laos compte 5,6 millions d’habitants. Les femmes représentent plus de la moitié de la population totale. Il y a 49 groupes ethniques dans le pays. Environ 80 % de la population vit à la campagne dans des zones parfois extrêmement reculées. Traditionnellement les femmes avaient un statut social inférieur à celui de l’homme et vivaient dans la pauvreté. Elles n’avaient aucune liberté d’expression ni ne pouvaient intervenir sur la scène politique. Mais des femmes se sont distinguées parmi les héros nationaux qui ont combattu pour l’indépendance du pays. Cette lutte a duré 200 ans et s’est terminée par l’instauration, en 1975, de la République démocratique populaire lao. Pour la population tout entière, et en particulier pour les femmes, s’est ouverte une nouvelle ère d’indépendance, de liberté et d’égalité entre les sexes. La première Constitution de la République a été promulguée en 1991. Elle garantit l’égalité en droit des hommes et des femmes aux niveaux politique, économique, culturel, social et familial.

C’est l’Union des femmes lao qui est chargée de veiller au respect de ces droits. L’Union est une organisation nationale de masse qui vise à développer une solidarité entre les femmes de toutes conditions. L’Union promeut la participation des femmes à la défense nationale et au développement socioéconomique du pays en facilitant leur accès à l’instruction, aux soins de santé, à la formation professionnelle et à l’emploi.

Grâce à la détermination politique du Gouvernement et aux mécanismes institutionnels mis en place au niveau constitutionnel et juridique, l’égalité entre les sexes a fait des progrès. Les femmes jouent désormais un rôle important dans le développement socioéconomique de la nation et occupent des postes de responsabilité à tous les niveaux. Cette participation accrue se reflète dans la composition de l’Assemblée nationale : la proportion de femmes députés est passée de 8 à 9,4 % au cours de la législature 1992/1997 et de 25 à 22,9 % au cours de la législature 2002/2007. À l’heure actuelle, le poste de Vice-président de l’Assemblée nationale est occupé par une femme de l’ethnie Hmong, un fait sans précédent dans l’histoire du pays.

La République démocratique populaire lao est devenue Partie à la Convention en 1981. Depuis cette date, le Laos fait tout son possible pour appliquer la Convention, tout en tenant compte de la réalité et des spécificités nationales. Le Gouvernement a également pris des dispositions pour que le régime juridique national s’aligne progressivement sur la législation internationale. Un train de lois a été promulgué et est appliqué pour assurer l’égalité entre les sexes. La Constitution a été modifiée en 2003. Elle dispose désormais que la société et la famille doivent concentrer leurs efforts sur la promotion de la femme et le respect des droits et intérêts des femmes et des enfants. L’Assemblée nationale a voté, fin 2004, une loi sur l’amélioration de la condition de la femme et sa protection qui vient renforcer les dispositions de la Constitution. Cette loi a été promulguée par décret présidentiel. Elle vise à assurer la promotion de la femme dans les domaines économique, social et politique, à mettre un terme à la traite des femmes et des enfants et à la violence dont ils sont parfois victimes au niveau familial.

Le Gouvernement considère l’instruction comme l’une des clefs de la modernisation du pays. Il en a fait, par conséquent un de ses domaines d’action prioritaires et compte universaliser l’enseignement primaire d’ici 2010. Il s’est également fixé comme objectifs un taux d’alphabétisation des femmes de 75 % en 2010 et de 85 % en 2020. Le taux de scolarisation primaire des filles est passé de 68 % en 1995 à 75 % en 2000 et l’objectif est de 89 % en 2010 et de 95 % en 2020. Dans le secteur de la santé, toute la population féminine du pays, y compris les femmes vivant dans les zones les plus reculées, a accès aux soins de santé grâce à la mise en place d’un réseau médical extrêmement ramifié. Le Gouvernement considère le développement des services de santé primaire comme prioritaire et a lancé différents projets, notamment concernant la nutrition et la maternité sans risque, l’hygiène maternelle dans les zones rurales et l’espacement des naissances. Grâce à ces efforts, le taux de fécondité global est tombé de 5,6 % en 1995 à 4,9 % en 2000. D’autres indicateurs comme le taux de mortalité des femmes en âge de procréer, le taux de mortalité infantile et le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans marquent également une baisse.

La stratégie lancée par le Gouvernement pour assurer la croissance nationale et supprimer la pauvreté prévoit notamment l’application de programmes de développement rural axés sur les Objectifs de développement pour le Millénaire. L’Union des femmes lao participe activement aux efforts de la nation par différents sous-projets pour les femmes – microfinancement et microcrédit, développement des capacités, développement des productions agricole et artisanale, création de petites et moyennes entreprises notamment. Un Fonds pour le développement rural a été constitué. Le projet a d’abord été lancé sur trois sites pilotes choisis dans trois différentes provinces et couvrant 35 districts et 562 villages. Il y a déjà 6 947 familles qui y participent. Le Fonds qui est alimenté à la fois par les villageois, l’État et différentes organisations à vocation sociale consent des prêts aux villageois qui souhaitent monter leur propre petite affaire.

Pour favoriser la promotion de la femme et assurer la concrétisation, au niveau national, du Plan d’action et de la Déclaration de Beijing de 1995, le Gouvernement a mis en place une commission nationale pour la promotion de la femme. Cet organe a notamment pour mandat d’aider le Gouvernement à élaborer une stratégie nationale pour la promotion de la femme dans tous les domaines. La Commission fait également la liaison avec les organismes nationaux et étrangers et veille à l’application de la politique d’égalité entre les sexes et d’élimination de toute discrimination à l’égard des femmes lancée par le Gouvernement. Suite à un décret du Premier Ministre, chaque ministère et service administratif, de l’échelon national à l’échelon local, a créé un groupe spécialement chargé d’assurer la promotion de la femme et l’application des dispositions susmentionnées au niveau interne.

La Commission nationale pour la promotion de la femme a été chargée d’élaborer la stratégie nationale pour la promotion de la femme pour la période 2005-2010. Celle-ci s’articule sur cinq principaux objectifs : le renforcement de la participation des femmes à la Stratégie pour la croissance nationale et la suppression de la pauvreté; la systématisation de l’instruction des femmes; l’amélioration des soins de santé pour les femmes; l’augmentation de la représentation féminine aux postes de responsabilité; le renforcement des organisations travaillant pour la promotion de la femme.

Cependant l’application des dispositions de la Convention, malgré les efforts déployés par le Gouvernement, et certains résultats positifs, est rendue difficile par plusieurs facteurs : le fait que le Laos est un pays sans littoral et qui appartient au groupe des pays les moins avancés, le faible niveau d’instruction de la population, tout particulièrement des femmes, l’absence de statistiques détaillées ventilées par sexe, les coutumes et les traditions rétrogrades, les stéréotypes profondément enracinés concernant les rôles respectifs des hommes et des femmes. Aucun de ces obstacles ne peut être surmonté rapidement.

Articles 1, 2 et 3

M. Flinterman aimerait savoir si les tribunaux peuvent trancher dans le cas où une loi nationale s’avère incompatible avec les dispositions de la Convention et si, par ailleurs, les tribunaux peuvent se référer à la Convention et appliquer ses dispositions lorsque nécessaire. Les rapports n’indiquent pas clairement si la loi pour l’amélioration de la condition de la femme et sa protection, qui a été adoptée en 2004, contient une définition de la discrimination à l’égard des femmes. Il s’enquiert de l’existence de cette définition et de sa conformité, le cas échéant, à l’article premier de la Convention. Le Comité souhaiterait savoir si un mécanisme est prévu dans la loi de 2004 pour contrôler son application. L’intervenant demande si la République démocratique populaire lao est également Partie aux principaux traités relatifs aux droits de l’homme et s’informe sur les relations entre l’Union des femmes lao, qui est un organe d’État jouant un rôle important, et les organisations non gouvernementales, notamment celles qui s’occupent des droits de la personne en général et des droits de la femme en particulier.

M me Šimonović souhaiterait un complément d’information sur la préparation des rapports combinés. Elle aimerait savoir qui a préparé les rapports et quel a été le rôle respectif de l’Union des femmes lao et de la Commission nationale pour la promotion de la femme dans l’établissement des rapports. Elle demande aussi si le Gouvernement a adopté les rapports avant leur présentation au Comité et s’ils ont été soumis au Parlement. Le Comité souhaiterait également savoir si la Convention a été traduite dans toutes les langues parlées dans le pays, si elle a été publiée au journal officiel, si les lois internationales sont directement applicables au niveau national et si le Gouvernement prévoit d’incorporer une définition de la discrimination à l’égard des femmes dans la Constitution ou de promulguer une législation nationale en conformité avec la Convention.

M me Manalo demande si le Gouvernement de la République démocratique populaire lao envisage de promulguer des lois spécifiques pour les femmes tout comme il l’a fait pour les groupes ethniques. Étant donné que l’Union des femmes lao a pour mandat d’améliorer le rôle et le statut de la femme et qu’elle est activement impliquée dans le développement de la nation, elle estime qu’une définition de sa relation avec le Gouvernement est nécessaire et qu’il conviendrait de préciser si elle a le pouvoir d’amender les lois.

M me Shin souhaiterait être informée sur les structures nationales, les procédures opérationnelles et le plan d’action adoptés par le Gouvernement. Celui-ci devrait également expliquer comme la Stratégie nationale pour la promotion de la femme (2005-2010) sera prise en compte dans les différents ministères et appliquée jusqu’au niveau des villages. Comme le Plan d’action national a, entre autres objectifs, le renforcement des organisations de femmes, l’intervenante souhaiterait connaître le nombre de ces organisations. Elle demande également pourquoi l’adoption de mesures pour lutter contre la traite des femmes et la violence à leur égard ne figure pas parmi les priorités du Plan d’action national alors qu’il s’agit là de deux problèmes extrêmement graves.

M me Gabr souhaiterait que le Gouvernement de la République démocratique populaire lao fournisse une ventilation par secteur des allocations budgétaires reçues par la Commission nationale pour la promotion de la femme. Elle voudrait également connaître la stratégie de la Commission et ses priorités. Le Comité se demande comment le Gouvernement compte lancer un débat national sur la promotion de la femme, compte tenu du taux d’analphabétisme très élevé de la population féminine rurale et de la multiplicité des langues et des groupes ethniques. Elle demande également si la Commission nationale s’occupe de la culture illicite du pavot et de ses impacts sur la vie des femmes, en particulier dans les zones rurales, et envisage de demander l’assistance de l’Organisation des Nations Unies, ou de tout autre organe international ou régional, pour mener à bien ses activités.

M me Arocha Dominguez s’interroge sur la possibilité pour l’Union des femmes lao, qui est un mouvement populaire sans aucune autorité exécutive, de collaborer réellement avec les ministères pertinents et de représenter les intérêts de tous les groupes et minorités ethniques de toutes les régions, y compris les plus reculées. Elle s’interroge aussi sur les moyens à employer pour faire prendre conscience aux femmes de leurs droits lorsque la société compte une très forte proportion d’analphabètes, comme c’est le cas au Laos.

M me Saiga voudrait savoir qui, de l’Union des femmes lao ou de la Commission nationale, est responsable de l’application des dispositions de la Convention et du Plan d’action de Beijing. Elle souhaiterait également des informations sur les modalités de financement de ces deux organes et demande si elles ont un budget commun.

M me Pholsena (République démocratique populaire lao) répondant aux questions des membres du Comité, dit que l’Union des femmes lao est une organisation de masse représentant les intérêts légitimes de toutes les femmes lao, indépendamment de leur ethnie. L’Union lutte pour que les femmes aient les mêmes droits que les hommes et qu’elles puissent participer pleinement au développement national. Sa stratégie est principalement axée sur le développement des capacités des femmes. Elle travaille en étroite collaboration avec les autres groupes luttant pour l’amélioration de la condition féminine, dont l’Union des jeunesses révolutionnaires lao, la Fédération nationale des syndicats et le Front pour la construction nationale.

M. Kiettisak (République démocratique populaire lao) répondant aux questions concernant l’application de la Convention dans le contexte du régime juridique national précise que son pays est déjà partie à de nombreux traités et qu’il compte adhérer à plusieurs autres instruments dans les prochaines années. Le Gouvernement, avec l’assistance de différents pays et organisations internationales, cherche actuellement à aligner la législation nationale sur la législation internationale. Bien que le Laos n’ait pas de législation nationale sur les droits de l’enfant, il respecte intégralement les dispositions de la Convention sur les droits de l’enfant à laquelle il est Partie.

Les tribunaux ne sont pas habilités à trancher dans les conflits entre législation nationale et législation internationale. La Constitution dispose que ces cas doivent être réglés en alignant plus étroitement la législation nationale sur la législation internationale. S’il n’existe, dans la législation nationale, aucune définition de la discrimination à l’égard des femmes, deux articles de la Constitution disposent sans ambiguïté que les femmes et les hommes sont égaux devant la loi. En outre, la notion de discrimination est clairement définie dans le contexte de la loi sur l’amélioration de la condition de la femme et sa protection, adoptée fin 2004, même si ce n’est pas au mot près. Un décret du Premier Ministre devrait prochainement clarifier cette question.

M. Kittikhoun (République démocratique populaire lao) rappelle, à propos de la soumission tardive des rapports nationaux au Comité, que le Laos est un pays en développement sans littoral disposant de ressources financières et humaines limitées et qu’il consacre principalement celles-ci à la lutte contre la pauvreté. La République s’efforce, dans toute la mesure du possible, de présenter comme elle y est tenue ses rapports au Comité, ainsi qu’à d’autres organes internationaux, dont le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale. Si la législation nationale actuelle ne donne aucune définition précise de la discrimination elle respecte néanmoins l’esprit de la Convention.

M me Bouphanouvong (République démocratique populaire lao) précise que l’Union des femmes lao est la plus grande organisation féminine du pays. Elle est chargée de l’application des décisions du Gouvernement. La Commission nationale pour la promotion de la femme, créée dans la foulée du Programme d’action de Beijing, a pour mission d’aider le Gouvernement à élaborer sa politique de promotion de la femme et d’en contrôler la mise en oeuvre. La Stratégie nationale pour la promotion de la femme vise principalement à abattre les plus grands obstacles à l’amélioration de la condition de la femme, dont le faible taux de scolarisation et la pauvreté, en particulier dans les zones rurales reculées.

La Commission nationale pour la promotion de la femme, organe non permanent financé par le Gouvernement, est dirigée par le Vice-premier Ministre qui supervise une équipe de 15 bénévoles. La Commission encourage la promotion de la femme dans les différents ministères, et au niveau provincial avec la collaboration des autorités locales. Fonctionnant avec un budget minimum, elle ne peut employer que des bénévoles. Oeuvrer à améliorer la condition féminine est un honneur qui ne suppose pas de rémunération. Le secrétariat de la Commission compte actuellement six membres. Ses effectifs devraient être multipliés par trois dans les cinq prochaines années.

M. Kiettisak (République démocratique populaire lao) dit que le Gouvernement est responsable du contrôle et du suivi de l’application de la loi sur l’amélioration de la condition de la femme et sa protection et qu’il délègue les tâches aux ministères de la santé, de l’éducation, de l’information et de la sécurité publique, aux administrations locales, à l’Union des femmes lao, ainsi qu’aux autres associations de femmes mentionnées précédemment et à la Cour suprême. C’est l’Union des femmes lao qui assure la liaison entre tous les organismes d’exécution et qui coordonne leurs travaux. Si cela s’avère nécessaire, le Gouvernement mettra en place un groupe pour assurer la supervision.

Articles 4 et 5

M me Schöpp-Schilling dit comprendre les difficultés rencontrées par la République démocratique populaire lao dans l’élaboration des rapports combinés. L’examen, par le Comité, dans le cadre du suivi de l’application des dispositions de la Convention, des rapports combinés, et ses observations subséquentes, aideront le Gouvernement à définir une politique appropriée pour accélérer l’instauration de l’égalité entre les hommes et les femmes. Elle encourage le Gouvernement et l’Union des femmes lao à faire appel à l’assistance internationale pour mettre en application les suggestions du Comité et pour établir le prochain rapport périodique national. Concernant le paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, qui est un instrument important pour accélérer l’instauration de l’égalité entre les hommes et les femmes, elle souhaiterait savoir si la recommandation générale no 25 a été traduite et discutée par l’Union des femmes lao.

Elle se félicite du décret présidentiel disposant que l’Assemblée nationale doit comprendre une proportion appropriée de membres provenant des différentes classes sociales, des minorités ethniques et des deux sexes (p. 14 des rapports combinés). Elle demande combien de femmes, parmi les 25 qui siègent à l’Assemblée nationale, appartiennent aux minorités ethniques. Elle voudrait également connaître les pourcentages de participation fixés comme objectifs dans la Stratégie nationale pour la promotion de la femme (2005-2010), savoir si d’autres dispositions ont été prises en plus des quotas et quels sont les objectifs fixés dans les autres domaines.

M me Dairiam, se référant à la réponse fournie par la délégation à la question 7 (CEDAW/PSWG/2005/I/CRP.2/Add.4, p. 3), dit qu’elle souhaiterait des informations complémentaires sur les activités menées par le Gouvernement, en particulier ses programmes de formation, pour lutter contre les rôles stéréotypés que la culture attribue aux hommes et aux femmes. Elle est en particulier préoccupée par l’expression « rôle de chaque sexe » dans la mesure où l’idéologie justifiant l’infériorité de la femme ne sous-tend pas seulement la définition des rôles respectifs de la femme et de l’homme dans la société, la division du travail entre les sexes, etc. mais aussi la définition des responsabilités, des droits, des privilèges, etc. À tous les niveaux, la culture lao privilégie la domination et l’autorité de l’homme. L’intervenante se déclare gênée par la réponse fournie à la question 16, à savoir que les chefs de village sont élus démocratiquement par les chefs de famille ou leurs représentants. D’après elle, de telles élections ne sont absolument pas « démocratiques » dans la mesure où la grande majorité des chefs de famille sont des hommes. Il semble que l’assimilation chef de famille/homme soit entérinée à la fois par les hommes et par les femmes. Elle souhaiterait par conséquent savoir si la campagne pour détruire ces attitudes stéréotypées prévoit de sensibiliser les populations aux relations de pouvoir entre les femmes et les hommes et à leurs impacts sur tous les aspects de la vie, et surtout aux conséquences négatives de l’assimilation homme/chef de famille.

M me Morvai souligne que le stéréotype le plus choquant est que la femme a le devoir de satisfaire les besoins sexuels incontrôlables de l’homme. Elle dénonce énergiquement le fait que le viol dans le mariage n’est pas considéré comme un délit et engage instamment le Gouvernement à revoir cette question car cette discrimination à l’égard des femmes mariées est inacceptable. Le Gouvernement semble impuissant face à la prostitution et à la traite des femmes qui sont deux fléaux faisant un grand nombre de victimes dans le pays. Ces femmes et ces jeunes filles sont exploitées, non seulement comme femmes mais aussi comme citoyennes de la République démocratique populaire lao, par les touristes et les hommes d’affaires des pays développés riches – principalement la Suède et les autres pays nordiques ainsi que les États-Unis- qui viennent dans le pays pour satisfaire leurs appétits sexuels.

Les pays développés ont le devoir d’aider le Gouvernement de la République démocratique populaire lao à régler ce problème. L’intervenante engage instamment le Gouvernement à rechercher activement leur assistance. Certains pays développés luttent contre la traite des femmes mais acceptent la prostitution. Elle espère que le Gouvernement lao, pour sa part, considère qu’il est absolument inacceptable que des être humains soient vendus comme des marchandises, et reconnaît que la traite des femmes et la prostitution vont main dans la main et sont également intolérables. Il est aussi indispensable de punir les clients et les personnes impliquées dans l’industrie du sexe.

M me Zou Xiaoqiao déclare que la supériorité de l’homme sur la femme est un préjugé profondément ancré dans la société lao et qu’il a une influence extrêmement néfaste sur les mentalités et les attitudes, ainsi que sur les décisions prises par le législateur. En ce qui concerne les attitudes face à la violence familiale et au viol dont il est traité à la page 16 des rapports combinés, elle est choquée que les jeunes perçoivent la violence entre époux comme « plutôt normale » et que 54 % des jeunes – 63 % des filles mais seulement 45 % des garçons – estiment qu’il est acceptable qu’un homme batte sa femme si elle a fait quelque chose de mal. Elle aimerait savoir quelle est l’approche adoptée par le Gouvernement dans ce domaine et si des mesures ont été prises, y compris pour éduquer les populations sur l’égalité entre les sexes. Supprimer les stéréotypes n’est pas une tâche aisée mais l’intervenante espère que le prochain rapport fera état des activités menées pour y parvenir.

M. Kiettisak (République démocratique populaire lao) rappelle que la rédaction des rapports combinés s’est étalée entre 1998 et 2000. La supériorité de l’homme sur la femme était peut-être une conception dominante dans le pays il y a 30 ans mais à laquelle plus personne ne souscrit aujourd’hui. L’égalité de l’homme et de la femme est clairement posée dans la législation et dans la Constitution nationales. Tous les citoyens, indépendamment de leur sexe, ont pu s’exprimer au cours du processus d’élaboration de la Constitution et de la politique nationale pour la promotion de la femme. Il est convaincu que l’ensemble de la population considère que l’homme et la femme ont les mêmes droits. La Stratégie pour l’amélioration de la condition de la femme et sa protection vise, notamment, à assurer l’accès de toutes les femmes et de tous les enfants à l’instruction, même dans les zones les plus reculées. Des mesures ont été également prises dans le secteur de la santé.

S’il est vrai qu’il y a encore 40 ans la loi disposait que l’homme était le chef de famille, d’après la législation actuelle relative à la famille les époux décident ensemble auquel d’entre eux revient la charge de chef de famille. Il n’y a donc par conséquent plus de problèmes ce niveau. Le viol de l’épouse est un concept totalement nouveau pour le pays et c’est pourquoi la législation actuelle ne prévoit pas de sanction dans ce cas de figure. Le Gouvernement étudie à l’heure actuelle cette question. En outre, en 2002, des améliorations ont été apportées au Droit pénal dans ce domaine. Ces modifications sont à l’examen à l’Assemblée nationale. L’intervenant s’étonne que d’après les rapports combinés la violence entre époux est considérée comme « plutôt normale » par la population. Il estime, avec tous les autres membres de la délégation, que cela est inconcevable. Il se demande s’il ne s’agit pas en fait tout simplement de l’opinion personnelle de l’auteur du rapport. Tout en reconnaissant qu’il y a de rares cas de violence familiale, il déclare que dans la société lao il est normalement inacceptable qu’un homme use de violence à l’égard de son épouse.

Le tourisme sexuel dont les femmes et les enfants sont les principales victimes est un problème pour le pays. Le Gouvernement a pris plusieurs dispositions pour mettre un terme à ce fléau qui a également été examiné récemment lors d’une réunion de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE). Des mesures ont été prises, notamment le renforcement de la coopération entre pays voisins et la signature par six pays de la région du Mékong d’une déclaration relative à la lutte contre la traite des femmes et des enfants en 2004. Le Gouvernement attache une grande importance à la lutte contre la traite des personnes et la prostitution – qui sont deux problèmes graves pour les pays du bassin du Mékong, surtout dans les villes – mais il a besoin d’une assistance, en particulier des pays qui disposent des compétences et des ressources financières requises, pour pouvoir s’attaquer efficacement à ces maux.

M me Bouphanouvong (République démocratique populaire lao), à propos de la participation des femmes des minorités ethniques à l’Assemblée nationale, dit qu’elle s’efforcera de fournir ultérieurement les informations demandées. Pour le moment, elle rappelle que la Vice-présidente de l’Assemblée nationale, une personne influente et respectée pour son efficacité, appartient à l’ethnie Hmong. La Stratégie nationale pour la promotion de la femme (2005-2010) pose cinq principaux objectifs qui couvrent différents secteurs, dont l’éducation et la santé. La Commission nationale pour la promotion de la femme fournit des conseils et des informations mais c’est à chaque secteur de définir sa propre stratégie de mise en œuvre. Par exemple, le Ministère de l’éducation doit incorporer les objectifs de la Stratégie nationale relatifs à l’instruction des femmes dans ses activités et le Ministère de la santé est chargé d’assurer l’accès des femmes aux services de soin. En bref, la mise en œuvre de la Stratégie nationale relève à la fois du Gouvernement et des institutions sectorielles compétentes.

Tout en reconnaissait qu’il y a des cas de violence domestique, elle précise qu’ils sont rares. L’Union des femmes lao et les organisations de femmes font tout leur possible pour protéger les intérêts des femmes et des enfants, et notamment luttent contre la prostitution et la traite. Les disparités de développement socioéconomique entre les pays de la région encouragent les migrations transnationales de main d’œuvre. L’émigration économique clandestine vers les pays voisins est très développée au Laos et est étroitement liée à la prostitution et à la traite des femmes et des enfants. Le Gouvernement a pris plusieurs mesures pour lutter contre ce fléau, dont la création d’une commission chargée de la lutte contre la traite des personnes que dirige le Vice-premier Ministre et la mise en place d’une structure d’assistance et de protection pour les victimes de la prostitution et de la traite des personnes.

Article 6

M me Coker-Appiah dit avoir noté le développement de la traite des femmes et des enfants dans la République démocratique populaire lao, en particulier dans les zones rurales bordant la Thaïlande. D’après l’étude réalisée en 1998 et différentes autres informations reçues par le Comité, les populations appartenant aux minorités ethniques des hauts plateaux qui ont été déplacées ne disposent pas de moyens de subsistance durables et sont, par conséquent, des proies faciles pour les trafiquants. Elle souhaiterait savoir si le Gouvernement a pris des mesures pour remédier à la pauvreté de ces populations et ainsi éviter qu’elles ne soient victimes des trafiquants, ou décident de leur plein gré d’émigrer en Thaïlande dans l’espoir d’un avenir meilleur, tout en sachant pertinemment qu’elles risquent d’être obligées de se prostituer ou de subir des violences sexuelles. Concernant la participation du Gouvernement au projet sous-régional de lutte contre la traite des femmes et des enfants dans la région du Mékong, elle souhaiterait obtenir des informations sur les réalisations du projet, sur le nombre de femmes et d’enfants victimes des trafiquants et savoir si des activités de suivi ont été lancées ou, dans le cas contraire, sont prévues.

M me Gaspard espère que le dialogue engagé avec le Comité aidera la République démocratique populaire lao, qui est un État relativement jeune, à lutter contre la discrimination à l’égard des femmes. Assurer l’égalité des femmes et des hommes n’est pas seulement une question de respect des droits de la personne mais également une condition sine qua non au développement. La violence contre les femmes est souvent dissimulée pour la simple raison qu’elle a lieu principalement dans le cadre du foyer. D’après les rapports combinés, l’article 22 du Droit pénal dispose que les actes de violence physique entre parents proches peuvent ne pas être considérés comme des délits. La réponse à la question 9 indique cependant qu’une législation a été adoptée, qui prévoit une clause sur la violence à l’égard des femmes. Elle se demande par conséquent si l’article 22 qui, à l’évidence, est en faux par rapport à la Convention a été annulé. Enfin, elle souhaiterait savoir si des campagnes de sensibilisation ont été menées pour encourager les femmes à dénoncer les actes de violence familiale dont elles sont victimes et, à ce propos, appelle l’attention de la délégation lao sur la recommandation générale no 19.

D’après M me Tavares da Silva les rapports combinés (CEDAW/C/LAO/1-5) montrent bien que la prostitution est un problème national grave. Elle engage instamment le Gouvernement à redoubler d’efforts pour analyser en profondeur la question et la résoudre. Elle souligne que la traite des femmes est une violation des droits de la personne et que l’État Partie doit d’urgence prendre des mesures pour y mettre un terme. L’intervenante est frappée par les nombreuses références faites dans les rapports aux difficultés rencontrées par le Gouvernement. Bien qu’elle comprenne ces difficultés, elle a l’impression qu’elles sont avancées pour justifier l’absence de progrès.

M. Kiettisak (République démocratique populaire lao) souligne que son Gouvernement fait de gros efforts pour réduire la pauvreté et qu’il s’est fixé comme objectif de la supprimer complètement d’ici 2020. La République démocratique populaire lao participe au projet consacré à la lutte contre la traite des femmes dans la région du Mékong. Le Gouvernement a également signé un accord avec la Thaïlande concernant la prévention de la traite des personnes, mais il faudra du temps pour venir complètement à bout de ces problèmes. Cependant, il faut reconnaître que les premiers résultats sont encourageants. L’article 22 du Code pénal dispose bien que les actes de violence familiale sont des délits mais le coupable ne peut pas être puni tant que la partie lésée ne demande pas réparation devant les tribunaux. Différents acteurs dont la Ligue des femmes lao, la Fédération nationale des syndicats, l’Union de la jeunesse révolutionnaire lao ainsi que d’autres organismes, travaillent en étroite collaboration avec le Gouvernement pour trouver la solution radicale qui s’impose à la violence familiale. Bien que les clients des prostituées ne soient pas considérés comme des délinquants au titre de la loi, les organisations de femmes luttent actuellement pour avoir le droit de les poursuivre en justice.

M. Kittikhoun (République démocratique populaire lao) insiste que la prostitution et la traite des femmes sont illégales dans son pays. Mais arrêter complètement la traite transfrontière des personnes prendra du temps en dépit des efforts déployés par le Gouvernement, compte tenu de l’attrait qu’exerce la Thaïlande, économiquement plus développée, sur les populations. Fournir aux groupes ethniques vivant dans les zones rurales et montagneuses l’éducation et l’assistance dont ils ont besoin est également une entreprise difficile que le Gouvernement ne pourra mener à bien qu’avec une assistance financière plus conséquente de la communauté internationale.

Articles 7, 8 et 9

D’après M me Zerdani, en ratifiant la Convention dès 1981, la République démocratique populaire lao a prouvé qu’en dépit de son lourd passif colonial, elle avait la volonté d’améliorer la condition de la femme lao. La part active jouée par les femmes dans la lutte nationale pour l’indépendance et la Constitution de 1991 prouvent la volonté nationale de mettre un terme à la discrimination à l’égard des femmes. Des mesures doivent être prises pour que de plus en plus de femmes occupent des postes publics, dans tous les secteurs, du Parlement au Gouvernement et aux autorités locales, et soient des sources d’inspiration pour l’ensemble de la population féminine du pays. D’après le Programme d’action de Beijing, l’État est en droit de demander l’aide des organisations internationales et il est de son devoir d’user de ce droit.

M me Popescu se réjouit que l’un des objectifs de la Stratégie nationale pour la promotion de la femme (2005-2010) soit d’augmenter le nombre de femmes occupant des postes de responsabilité. Elle engage le Gouvernement à poursuivre ses efforts dans ce sens. Cependant, il est clair que de nombreux obstacles se dressent encore sur le chemin, dont l’analphabétisme extrêmement élevé de la population féminine et le poids de la tradition. En outre, les rapports combinés indiquent qu’il faut aussi compter avec une très forte résistance psychologique des femmes, due principalement à leur manque de confiance en elles-mêmes. Le Gouvernement et l’Union des femmes lao doivent prendre ce grave problème à bras le corps. L’intervenante souhaiterait également plus d’informations sur les mesures concrètes prises pour renforcer la participation des femmes à la vie publique, au niveau tant national que local, les dispositions prévues dans la Stratégie nationale pour la promotion de la femme et les efforts déployés par l’Union des femmes lao pour informer ses membres sur leurs droits civiques.

M me Gaspard, notant qu’il est indiqué à la page 21 des rapports combinés que la participation des femmes à l’Assemblée nationale est passée de 9,4 % à 21,1 % en 1997, voudrait savoir si cette progression s’est poursuivie depuis et s’il est probable que l’Assemblée comptera de plus en plus de femmes sur ses bancs à l’avenir. Elle remarque qu’au niveau local la participation des femmes est cependant extrêmement faible et que les mesures prises pour remédier à cette situation restent apparemment bien timorées. La tendance à une participation féminine croissante, remarquée à l’Assemblée nationale, ne se reflète pas dans le secteur administratif où les femmes restent peu nombreuses. Elle souhaiterait savoir si le Gouvernement prévoit de remédier cette situation.

M me Tavares da Silva constate que d’après les informations fournies à la page 21 des rapports combinés (CEDAW/C/LAO/1-5), la participation des femmes à la vie publique et politique n’est pas seulement faible mais également stagnante. Il est également indiqué à la page 22 que sur les 8 505 chefs de village que compte le pays, seulement 88 sont des femmes. Cette proportion n’est pas seulement extrêmement faible, elle est également injuste, inéquitable et antidémocratique. En outre, les rapports insistent beaucoup sur les problèmes liés à la promotion de la femme mais ne proposent que rarement des solutions. L’Union des femmes lao mobilise les femmes et mène différents programmes, de formation et autre, mais uniquement en tant qu’organisme d’exécution. L’État a la responsabilité de mettre en place une approche plus active pour garantir la participation effective des femmes à la vie politique. Elle espère que la Commission nationale pour la promotion de la femme récemment mise en place va aider à régler cette question.

M me Pholsena (République démocratique populaire lao) précise qu’il y a des femmes à tous les niveaux de l’administration publique, y compris dans les villages, et qu’elles défendent activement la cause féminine. Cependant les nombreuses années d’occupation étrangère ont laissé le pays dans un état de sous-développement dont il n’est pas encore sorti. C’est là l’une des raisons pour lesquelles les femmes sont encore confrontées à de nombreux obstacles, ainsi qu’à des conceptions stéréotypées bien enracinées de leur rôle dans la société. La population féminine, globalement, manque de confiance en soi et a un niveau d’instruction faible. Le Gouvernement a promulgué des lois et des réglementations pour assurer le respect des droits de la femme, augmenter le niveau d’instruction des femmes et les rendre ainsi économiquement auto-suffisantes. Bien que l’Union des femmes lao bénéficie de l’aide de ses partenaires internationaux, celle-ci n’est pas suffisante pour qu’elle puisse prendre toutes les mesures requises pour améliorer la condition de la femme.

M me Bouphanouvong (République démocratique populaire lao) dit que le Gouvernement cherche à renforcer la participation des femmes à la vie politique, à tous les niveaux, et par tous les moyens, y compris en prenant des mesures de discrimination positives. C’est parce que le Gouvernement estime que la situation reste insatisfaisante qu’il a lancé une stratégie nationale pour la promotion de la femme.

La séance est levée à 13 heures.