Trente-troisième session

Compte rendu analytique de la 692e séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 12 juillet 2005, à 15 heures

Présidente :Mme Manalo

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties, conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Examen du document contenant le rapport initial et le deuxième rapport périodiques du Liban (suite)

La séance est ouverte à 15 h 10.

Examen des rapports présentés par les États Parties, conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième rapport périodiques du Liban (suite) (CEDAW/C/LBN/1, CEDAW/C/LBN/2, CEDAW/PSWG/2005/II/ CRP.1/Add.8 et CRP.2/Add.8)

À l’invitation de la Présidente, la délégation libanaise prend place à la table du Comité.

Articles 5 et 6 (suite)

Mme Morvai constate avec préoccupation que d’après les rapports, les prostituées, même mineures, sont traitées comme des criminelles alors que leurs clients ne sont, apparemment, passibles d’aucune sanction. Bien que le Liban ait signé le Protocole de Palerme relatif au proxénétisme, la politique nationale de répression de la prostitution est axée uniquement sur le côté féminin de l’offre et ignore le côté masculin de la demande.

Mme Azouri (Liban) précise que la prostitution reste proscrite par la loi mais qu’une nouvelle législation propre aux mineurs a été introduite. Les délinquants mineurs ne relèvent plus du Code pénal mais sont traités séparément en insistant sur leur protection et leur prise en charge.

Mme Beydoun (Liban) dit que la Commission nationale de la femme a ouvert, avec la collaboration du Gouvernement et de plusieurs ONG, des refuges pour recevoir les femmes et les enfants victimes de violences familiales. Pour mieux assurer leur protection, la location de ces centres est gardée secrète. Elle explique que la lutte contre les stéréotypes sexistes véhiculés par les médias, et contre les images et les discours dégradants pour la femme est un problème délicat car le Gouvernement doit respecter la liberté d’expression tout en supprimant toutes les discriminations et pratiques offensantes à l’égard des femmes. Cependant, les médias se féminisent, les femmes journalistes ou présentatrices sont de plus en plus nombreuses, et l’intégration sexospécifique se fait progressivement avec l’intervention minime du Gouvernement.

Mme Azouri (Liban) abordant la question de la situation du personnel de maison, reconnaît que la législation du travail est dépassée et n’offre aucune réelle protection aux employés de certains secteurs qui étaient encore très peu développés au temps de sa promulgation. C’est notamment le cas du secteur des gens de maison. Le droit civil leur offre cependant une certaine protection dans le cadre du Droit des obligations. Cette question est à l’étude et suivie étroitement par le Ministère et les organes responsables de l’application des lois.

Articles 7 à 9

Mme Zou Xiaoqiao constate que peu de femmes siègent au Gouvernement, bien qu’aucune barrière formelle ne s’y oppose. D’après certaines informations, les partis politiques ne s’intéressent pas assez aux questions concernant les femmes et à leur participation aux prises de décisions. Les pouvoirs publics n’encouragent pas non plus suffisamment l’implication des femmes dans la vie politique. Elle aimerait savoir si le Gouvernement envisage de remédier à cette situation en adoptant des mesures spéciales, notamment en recourant au système de quotas.

Mme Popescu, constatant que les femmes semblent sous-représentées aux échelons national et local, demande quelles mesures sont envisagées par la Commission nationale de la femme pour renforcer la participation des femmes à la vie politique et pour lutter contre le sexisme. Elle encourage le Gouvernement à adopter des mesures temporaires spéciales, notamment à fixer des quotas, pour améliorer la situation. Elle constate que les femmes semblent moins s’engager dans les partis politiques, peut-être parce que lassées par des années de frustration et de discrimination. Elle s’informe des mesures prévues pour que les partis s’ouvrent aux femmes, s’intéressent à leurs problèmes, leur permettre de se porter candidates, d’être élues et de participer aux prises de décisions.

Mme Belmihoub-Zerdani attire l’attention sur le rôle crucial qu’ont joué les femmes dans la longue lutte nationale contre les évasions étrangères, la guerre civile et la destruction et le chaos qui ont suivi. Il reste beaucoup à faire, cependant, pour édifier une société sans discrimination. Bien que les femmes aient un niveau d’éducation élevé, très peu sont élues. Le Gouvernement peut trouver une aide précieuse dans la Convention pour lutter contre la discrimination, en particulier en adoptant des mesures spéciales temporaires dont des quotas. Il doit aussi faire appel à l’aide des différents organismes du système pour mettre en œuvre la Convention, y compris mobiliser l’assistance promise à la Conférence de Beijing. Il doit également enrôler les universitaires, les juges, les professionnels des médias et les particuliers, y compris les hommes, dans la lutte nationale contre la discrimination.

Mme Arocha Domínguez souhaiterait plus de statistiques, ventilées par sexe, sur la participation des femmes aux instances nationales et locales de décision. Elle voudrait également connaître les stratégies adoptées par le Gouvernement pour renforcer la participation des femmes. Elle constate que la volonté politique de supprimer les obstacles à cette participation, dont les stéréotypes sexistes, existe et que les ONG sont encouragées à participer. Elle déplore néanmoins que le Gouvernement ne consacre pas suffisamment de ressources à cette entreprise.

Mme Gaspard se félicite que les étrangères épousant des Libanais et les Libanaises épousant des étrangers puissent garder leur nationalité. Elle demande si le Gouvernement compte revoir la disposition relative à la transmission de la nationalité libanaise uniquement par le père car elle est contraire à la Convention et à la législation internationale.

M. Flinterman, bien que comprenant les raisons historiques de la réserve apportée par l’État partie à l’article 9, demande si celle-ci est compatible avec l’objet et le but de la Convention. S’il n’existe pas de définition faisant autorité de l’objet et du but de la Convention, il en demeure pas moins que celle-ci a trois principaux objectifs : 1) éliminer toute discrimination à l’égard des femmes au niveau du droit; 2) instaurer une égalité de fait entre les sexes; 3) éliminer toute conception stéréotypée des rôles impartis à chaque sexe. La principale obligation, pour les États parties, est de supprimer de la législation nationale toute disposition discriminatoire à l’égard des femmes. C’est également la condition préalable à la réalisation des deux autres objectifs. C’est la raison pour laquelle le Comité a toujours maintenu que les réserves apportées aux articles 2 et 16 sont incompatibles avec l’objet et le but de la Convention. Il pourrait également être avancé que l’article 9 étant étroitement lié à ces deux articles, toute réserve le concernant est également incompatible avec l’objet et le but de la Convention.

Mme Coker-Appiah se range aux avis exprimés par les deux intervenants l’ayant précédée et encourage le Gouvernement à revoir sa réserve au paragraphe 2 de l’article 9.

Mme Azouri (Liban), abordant la participation des femmes à la vie politique, rappelle qu’il n’y a eu globalement, durant les 20 dernières années, à cause de la guerre et des conflits internes, aucune vie politique réelle dans le pays. L’Assemblée nationale a virtuellement cessé de fonctionner à partir de 1972 et les syndicats ont été pratiquement paralysés. Les efforts pour encourager la participation des femmes à la vie politique ont réellement commencé dans les années 90 et le fait que trois femmes siègent maintenant à l’Assemblée nationale est un progrès, même s’il reste limité. La nouvelle Assemblée est consciente de l’urgence d’une nouvelle législation électorale. La Commission nationale de la femme espère que cette nouvelle loi électorale posera des bases solides pour asseoir la participation des femmes à la vie politique. La délégation reconnaît qu’il est indispensable que les femmes participent plus activement aux partis politiques pour induire le changement.

Mme Hamdan (Liban) rappelle que la législation n’empêche pas les femmes de se présenter aux élections mais que la situation sociale fait obstacle à leur participation à la vie politique. Cependant les statistiques prouvent les progrès réalisés entre 2000 et 2005. De plus en plus de femmes sont élues ou nommées à des postes politiques importants comme l’indique le deuxième rapport périodique. Par exemple, pour la première fois, le Cabinet comprend deux femmes ministres. Lorsque la loi électorale aura été modifiée, le Gouvernement compte proposer l’introduction d’un système de quota pour assurer l’inscription de femmes sur les listes de candidature. Même si cette proposition n’est pas adoptée, des efforts seront faits pour encourager les partis politiques à inclure plus de femmes dans leurs rangs.

Mme Azouri (Liban) précise que la question de la nationalité est régie par le décret No 15 du 19 janvier 1925 amendé par la loi sur la nationalité du 11 janvier 1960. Le principal objectif des législateurs à l’époque a été d’assurer que tout enfant avait une nationalité et d’éviter que certains ne soient apatrides. L’acquisition de la nationalité libanaise était basée sur l’ascendance du côté du père. Cependant pour éviter tout cas d’apatridie, une exception était faite pour les enfants nés sur le territoire libanais de parents inconnus ou nés hors des liens du mariage de père inconnu. En 1995, le Ministère de la justice a présenté un projet de loi sur la transmission de la nationalité par la mère dans certaines circonstances. Ce projet a été rejeté par les organisations de femmes parce que trop restrictif. Cette tentative, malgré son échec, a ouvert une porte et il n’est pas exclu qu’il y ait d’autres propositions d’amendement.

Articles 10 et 11

Mme Pimentel se félicite que le Gouvernement ait adopté un plan pour éliminer des programmes et des manuels scolaires tous les stéréotypes sexistes. Elle espère qu’il prend également en compte les orientations sexuelles non conformes. Elle note que le Plan d’action national pour une éducation universelle dont la mise en œuvre devrait être achevée en 2015 s’appuie sur les Objectifs du Millénaire pour le développement. Ceux-ci n’ayant pas d’orientation sexospécifique, elle demande si le Gouvernement compte structurer le plan de façon à y inclure les objectifs de la Convention et du Programme d’action de Beijing.

Mme Arocha Domínguez note qu’il y a plus de femmes analphabètes que d’hommes et demande s’il existe des données ventilées par sexe permettant de faire une comparaison entre les taux d’analphabétisme des zones rurales et urbaines. Elle s’informe des mesures prises par le Gouvernement en faveur des femmes analphabètes des zones rurales. Elle demande en particulier si des enseignants sont envoyés sur place puisque le transport des femmes vers des centres d’apprentissage plus centralisés coûte trop cher. Elle voudrait savoir si des mesures sont prises pour permettre aux femmes adultes de poursuivre leur éducation après avoir appris à lire et à écrire. Les rapports indiquent que peu de filles optent pour des matières techniques ou pour une formation professionnelle technique. Elle constate le peu d’efforts faits pour les encourager dans cette direction et les carences de l’orientation professionnelle. Elle souhaite des précisions sur les mesures envisagées par le Gouvernement pour améliorer la situation dans ce domaine. Enfin elle note que les filles fréquentent en majorité les établissements scolaires publics, pour la plupart, mixtes. D’après une étude la coéducation aurait un impact négatif sur leurs résultats scolaires, leurs rapports avec les garçons et leur confiance en elles-mêmes. Elle souhaiterait des précisions sur ces points.

Mme Patten loue les initiatives prises par l’État partie pour éliminer toute discrimination dans l’enseignement. Elle se dit néanmoins préoccupée par les disparités relevées entre régions et entre établissements publics et privés ainsi que par l’absence d’enseignement préscolaire et le manque de ressources financières et humaines. Elle souhaiterait des précisions sur le mandat du Comité national pour l’alphabétisation. Elle s’inquiète également du nombre limité de matières choisies par les filles et de l’absence d’une orientation professionnelle efficace. Elle demande si le Gouvernement envisage des mesures plus énergiques comme l’adoption d’un programme spécifique de bourses scolaires pour les filles. Elle souhaiterait également des informations sur les possibilités d’éducation extrascolaire offertes aux femmes ayant dépassées l’âge d’aller à l’école. Elle s’enquiert des mesures prises, ou envisagées, pour résoudre les problèmes rencontrés par les femmes dans l’enseignement supérieur dont parle le rapport et pour encourager les études sur les femmes au niveau postuniversitaire. Elle demande s’il existe des programmes de formation aux fonctions d’encadrement spécialement destinés aux femmes.

D’après Mme Khan, en dépit des nombreuses anomalies qui existent encore dans le secteur de l’enseignement, il semble que dans les zones urbaines les femmes ont un niveau de formation et d’éducation comparable à celui des hommes, ce que tend à prouver l’augmentation de leur nombre dans la population active. Il est intéressant de noter qu’elles sont beaucoup plus nombreuses dans le secteur privé que dans le secteur public, ce qui est inhabituel. Néanmoins, elles semblent être cantonnées dans des emplois stéréotypés et occupent rarement des postes de responsabilité. Elle souhaiterait savoir quels sont les obstacles à leur promotion à des postes plus élevés. Les salaires des femmes semblant être encore inférieurs à ceux des hommes, elle demande s’il existe une législation pour lutter contre cette discrimination, et dans l’affirmative, si elle est correctement appliquée. La main d’œuvre immigrée étant importante et victime d’actes de violence et d’exploitation elle aimerait connaître la législation concernant les travailleurs migrants et demande si un service gouvernemental spécifique traite de cette question.

Mme Patten estime que le rapport expose de façon franche et réaliste les différences existant au niveau de l’emploi entre les hommes et les femmes. Les dispositions prévues dans la législation du travail pour lutter contre la discrimination sont insuffisantes ou mal appliquées. En dépit du niveau d’éducation généralement élevé de la population féminine, celle-ci est beaucoup moins bien payée que les hommes. Les femmes n’occupent que rarement des postes de responsabilité et de décision, tant dans le secteur privé que public, et n’ont pas la sécurité d’emploi dont bénéficient les hommes. Elle aimerait connaître les mesures envisagées par le Gouvernement pour lutter contre la ségrégation dans le travail, promouvoir la diversification professionnelle et augmenter les possibilités de promotion des femmes. Il est également nécessaire de prendre des mesures pour que les femmes qui ont des enfants puissent travailler et encourager le partage des tâches familiales. Elle constate également que les femmes qui travaillent dans le secteur informel ou agricole sont particulièrement désavantagées. Les causes historiques de la situation actuelle de l’emploi sont claires. Mais le Gouvernement doit maintenant adopter des politiques plus efficaces pour lutter contre la discrimination à l’égard des femmes et leur permettre de contribuer efficacement au développement de la nation.

Mme Beydoun (Liban) dit que des efforts sont faits pour assurer l’instruction de tous sans discrimination. Le Plan d’action national pour une éducation universelle au Liban (2003-2015) vise à mettre les zones rurales au même niveau que les zones urbaines. Le Gouvernement doit encore définir un mécanisme pour sa mise en œuvre. À propos du fait que les filles fréquentent en majorité l’école publique, elle souligne que c’est là un signe positif. L’enseignement public étant pratiquement gratuit, chaque établissement public qui s’ouvre, en particulier dans les zones rurales, augmente les chances d’éducation des filles. Le Liban étant, dans une large mesure, une société patriarcale, les familles dépensent plus volontiers pour éduquer les garçons que pour éduquer les filles. De nouvelles écoles ont récemment été construites dans les banlieues créées par les déplacements internes de population et l’exode rural. Des mesures d’incitation sont indispensables pour encourager les enseignants à accepter de travailler à la campagne. Le Ministère de l’éducation impose à tout enseignant de travailler au moins cinq ans dans une zone rurale avant de pouvoir être muté dans une ville.

Aucun enfant ne redouble au cours des trois premières années d’école. Comme il y a une tendance dans les zones rurales, à retirer les enfants, en particulier les garçons, de l’école lorsqu’il y a besoin d’aide dans les champs, les écoles rurales ont introduit des programmes d’étude souples qui permettent aux écoliers, durant la saison des récoltes, de participer aux travaux agricoles. Des efforts suivis sont faits pour supprimer des programmes scolaires toute représentation stéréotypée des fonctions des hommes et des femmes et y intégrer une démarche soucieuse d’équité entre les sexes. Il y a eu un certain nombre d’échecs mais des mesures correctives sont prises pour y remédier. L’université a intégré une démarche sexospécifique dans ses différentes facultés – droit, communications, sciences humaines. De nombreuses universités privées appliquent également des projets pilotes de ce type.

On constate un recul notable de l’analphabétisme et une fréquentation massive des cours d’alphabétisation qui sont offerts aux hommes et aux femmes sans discrimination. Le taux d’analphabétisme est inférieur à 10 % pour les femmes. Il est de 5 % environ pour les hommes. Bien qu’il soit encore relativement élevé dans les zones rurales les plus reculées, à Beyrouth il est pratiquement nul. Plus de 30 000 personnes, dont des femmes pour les deux tiers, ont appris à lire et à écrire dans le cadre des programmes organisés par le Ministère des affaires sociales avec la collaboration de différentes ONG. Un département du Ministère du travail propose également aux femmes, en particulier des zones rurales, des programmes d’éducation permanente. Différentes ONG organisent des ateliers pour informer les hommes et les femmes de la situation sur le marché du travail et fournir des services gratuits. Les femmes commencent à investir dans des secteurs professionnels qui jusqu’ici étaient la chasse gardée des hommes.

Mme Azouri (Liban) précise qu’aucune distinction n’est faite entre les Libanais et les étrangers en ce qui concerne les conditions de travail, les avantages sociaux et les droits en matière d’emploi, à l’exception du fait que les travailleurs étrangers doivent être en possession d’un permis de travail. La situation est toutefois différente pour les travailleurs agricoles et les gens de maison qui ne sont pas couverts par la législation du travail. Cependant le droit civil s’applique à tous les travailleurs. Leurs droits sont protégés si leur contrat est rompu par l’employeur et dans certains cas le travailleur licencié, libanais ou non, reçoit une indemnité compensatoire. Un département spécifique du Ministère du travail s’occupe de la main d’œuvre étrangère.

La situation des femmes sur le marché du travail s’est améliorée, bien qu’elles n’aient toujours pas accès à des emplois ou des postes de décision correspondant à leur niveau d’éducation. Dans le secteur public, il y a une seule échelle des salaires s’appliquant indifféremment aux hommes et aux femmes qui reçoivent donc la même rémunération pour le même travail. Dans le secteur privé, les différences de salaire existent surtout dans les petites entreprises qui échappent à la législation du travail et aux négociations collectives. La législation du travail condamne toute discrimination basée sur le sexe et dispose qu’une femme lésée peut porter l’affaire en justice. La situation économique actuelle est très difficile et de nombreux employeurs sont contraints de fermer leur entreprise ou de licencier une grande partie de leurs employés. Dans ces conditions de nombreuses femmes préfèrent travailler pour un salaire inférieur à leur qualification plutôt que d’être au chômage.

Articles 12 à 14

Mme Pimentel demande si la diminution du taux de fertilité tient à une utilisation largement répandue des contraceptifs. Elle souhaiterait savoir si des études officielles ont été faites sur les répercussions négatives, sur la santé des femmes, des grossesses non souhaitées et des avortements clandestins. Elle demande si une femme enceinte des suites d’un viol est autorisée à avorter.

Pour Mme Dairiam si les rapports indiquent clairement que la couverture sociale varie en fonction de la classe, de l’âge, du sexe et de la région ils ne précisent pas s’il existe une disparité entre les sexes en ce qui concerne l’accès aux services de soins de santé. Le rapport initial donne la moitié de la population comme n’ayant pas d’assurance sociale. D’après le deuxième rapport périodique un tiers des familles n’a pas de couverture médicale et le Gouvernement, avec la collaboration de plusieurs ONG, fournit, sans aucune discrimination, des soins médicaux gratuits aux personnes sans assurance médicale. Elle demande quelles dispositions permettent de contrôler que les services gratuits sont bien fournis sans discrimination. Elle souhaiterait pouvoir comparer les pourcentages respectifs d’hommes et de femmes sans assurance qui bénéficient de ces services de soins gratuits. Le rapport initial rapporte que les femmes ont une espérance de vie supérieure à celle des hommes et qu’elles peuvent être victimes d’une discrimination complexe au niveau de la santé à cause de leur âge et de leur sexe. Elle demande s’il existe des programmes de santé spécifiques aux femmes plus âgées. Elle s’enquiert du taux de mortalité maternelle chez les femmes des régions rurales accouchant sans assistance qualifiée et souhaiterait pouvoir le comparer avec le taux national moyen. Elle demande quelles sont les mesures prévues pour remédier à cette situation et s’il existe des services gratuits pour traiter les conséquences sanitaires des avortements non médicalisés. Elle voudrait savoir s’il est prévu de modifier la législation pour qu’une femme enceinte à la suite d’une relation adultère ou incestueuse n’ait plus à invoquer des circonstances atténuantes pour pouvoir avorter. Elle demande quelles sont les maladies chroniques, autres que liées à la santé génésique, qui affectent plus fréquemment les femmes que les hommes. Elle note que le concept de santé féminine devrait être élargi pour couvrir tous les aspects de la santé des femmes comme cela est stipulé dans la recommandation générale No 24 du Comité.

Mme Tan demande ce que le nouveau Gouvernement compte faire pour améliorer la situation des femmes des zones rurales, y compris pour leur garantir des avantages sociaux et l’égalité de salaire avec les hommes. Le deuxième rapport périodique parlant d’une augmentation des femmes chefs de famille entre 1970 et 1987, elle aimerait savoir quelle est la situation maintenant. Le rapport initial signalait que l’approvisionnement en eau potable était insuffisant et qu’il n’y avait pas de systèmes d’assainissement. Bien qu’il ait été signalé que l’approvisionnement en eau potable de la plupart des zones rurales s’est amélioré. Il n’est pas indiqué combien de personnes vivent encore sans eau potable et sans système d’assainissement. Le prochain rapport périodique devrait fournir des données ventilées par sexe sur cette question ainsi que des informations sur les mesures prises pour améliorer la situation des femmes dans les zones rurales.

Mme Schöpp-Schilling se dit découragée par le niveau de pauvreté et le taux élevé d’analphabétisme de la population féminine des zones rurales et par le fait que ces femmes ne sont pas couvertes par un régime de sécurité sociale et n’ont difficilement accès aux soins de santé. Notant que les petits garçons sont plus nombreux que les petites filles, elle demande si cela est dû à une mortalité naturellement élevée ou à la pratique de l’infanticide. Elle voudrait également savoir s’il existe des statistiques à ce niveau. Elle demande si le nouveau Gouvernement prévoit une action holistique intégrée pour améliorer la condition des femmes rurales. Dans l’affirmative, quel est le ministère responsable, quelle est la part prise par la Commission nationale de la femme et quel est le calendrier de mise en œuvre?

Mme Simms, rappelant que les femmes des zones rurales ont été déplacées à cause des activités militaires, demande si cet exode se poursuit toujours ou si la situation s’est maintenant stabilisée. Le fait que la législation du travail ne couvre ni les gens de maison ni les travailleurs du secteur agricole, qui pour la plupart sont des femmes, prouve qu’il existe une discrimination grave à l’égard des femmes des zones rurales. Le Gouvernement devrait se pencher plus sérieusement sur cette question.

Mme Beydoun (Liban) dit qu’il n’existe aucune étude sur l’avortement et que des recherches officielles dans ce domaine sont nécessaires, en particulier concernant les avortements clandestins.

Mme Azouri (Liban) précise que tous les employés occupant des postes permanents dans le secteur public et le secteur privé bénéficient d’une couverture médicale et d’une sécurité sociale et qu’il n’est fait à ce niveau aucune différence entre les hommes et les femmes. Les soins de santé leur sont fournis gratuitement. Les autres travailleurs bénéficient de soins de santé plus ou moins gratuits en fonction des ressources disponibles.

Mme Moufarrej (Liban) dit que les chiffres prouvent que la situation des femmes des zones rurales s’est améliorée, tant au niveau du nombre d’enfants que du recours à la planification de la famille, de la participation à la vie politique et de l’éducation qui est maintenant fournie même dans les zones rurales les plus reculées. Tous les ministères font des efforts considérables pour atteindre toutes les zones rurales du pays. Au Liban, il n’existe aucune zone rurale vraiment reculée et il n’y a pas de grande différence entre la vie à la campagne et dans les zones urbaines. En fait, les zones les plus pauvres ne sont pas des zones rurales mais plutôt les zones situées à la périphérie des grandes villes.

Articles 15 et 16

Mme Šimonović, rappelant que le Gouvernement avait déjà reconnu dans son rapport initial (CEDAW/C/LBN/1, Part II, chap. I.B) que les lois concernant l’adultère et les crimes d’honneur violaient le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes posé par la Constitution nationale et les différents instruments internationaux relatifs aux droits de la personne et devaient en conséquence être modifiées, demande à la délégation d’expliquer pourquoi ces lois n’ont pas été modifiées.

Mme Tan souligne que maintenant que le nouveau Gouvernement a introduit une législation condamnant la violence familiale et apporté les amendements requis aux lois régissant les crimes d’honneur, l’inceste, l’adultère et autres thèmes connexes, la chose la plus importante qui reste à faire est de transformer la mentalité patriarcale du pays.

Mme Bokpe-Gnacadja voudrait savoir si la réserve apportée par le Liban à l’article 16 qui est examinée dans la réponse à la question 28 de la liste des points à traiter (CEDAW/PSWG/2005/II/CRP.2/Add. 8) affecte la mise en œuvre des autres parties de l’article 16 auxquelles elle ne s’applique pas. Elle demande également si le Gouvernement prévoit de supprimer les crimes d’honneur dans la version révisée du Code pénal, si les mesures juridiques présentées dans le rapport initial (Partie II, chap. I.C) sont appliquées, et dans l’affirmative, comment les 18 communautés religieuses distinctes qui existent dans le pays avec leurs propres tribunaux religieux ont assimilé ces modifications et en tiennent compte dans des domaines comme les droits de propriété et les voies de recours juridiques. D’après le rapport initial (Partie I, chap. IV.D) certaines dispositions juridiques s’appliquent à tous les Libanais, d’autres seulement aux musulmans, d’autres aux adeptes des autres religions et d’autres encore aux étrangers. Elle demande par conséquent s’il existe un droit national commun relatif au statut personnel. Quel droit religieux régit le mariage de deux personnes de religion différente, et quel est le tribunal compétent pour régler les différends entre les conjoints dans ce cas. Rappelant les paragraphes 1 b) et 2 de l’article 16 relatifs au droit de ne contracter mariage que de son libre et plein consentement et à l’âge minimal pour le mariage, elle voudrait connaître la position adoptée par le Gouvernement concernant le mariage des petites filles âgées parfois de 9 ans au plus permis par certaines communautés religieuses dans les zones rurales alors que le mariage précoce bafoue le droit de l’enfant à être un enfant et compromet sa santé. Plus généralement elle demande quelle est sa position sur les mariages précoces et les mariages incestueux. Elle estime que le Gouvernement devrait faire plus que simplement produire des directives informatives et reconnaître que ces pratiques sont anticonstitutionnelles.

D’après Mme Belmihoub-Zerdani les 18 communautés religieuses, musulmanes et autres, reconnues au Liban ayant chacune leur propre droit relatif au statut personnel – ce qui explique la réserve formulée par le Liban à l’article 16 – il est difficile de savoir quelle est la loi qui s’applique pour les questions d’état civil et quels sont les juges compétents. Si les époux appartiennent à des confessions différentes, quelle est la législation, celle de la communauté du mari ou de la femme, qui régit le mariage ou le divorce? Est-ce que les mariages mixtes musulmans/chrétiens sont même possibles étant donné les restrictions imposées par la charia? D’après le rapport initial, le Gouvernement, fréquemment, doit recourir à la législation matrimoniale des pays étrangers dans lesquels ses ressortissants se sont mariés pour échapper aux complications juridiques nationales (Partie I, chap. IV.D.1). Elle demande si cela ne risque pas de limiter la souveraineté nationale. Elle rappelle qu’un président précédent avait tenté, sans succès, de séculariser la législation matrimoniale. Depuis les mentalités ont évolué et il est peut-être maintenant possible d’harmoniser les différents codes de la famille en vue de l’adoption d’un code civil unique et universel rendant le mariage civil obligatoire et faisant du mariage religieux une affaire personnelle contractée à titre strictement privé.

Mme Azouri (Liban) assure le Comité qu’à l’exception des domaines sur lesquels porte la réserve formulée à l’article 16, le Liban œuvre résolument pour assurer progressivement l’égalité de la femme avec l’homme devant la loi. Le deuxième rapport souligne l’évolution survenue dans ce domaine entre 2000 et 2004, recense les secteurs dans lesquels les femmes sont encore victimes de discrimination et les mesures prises par le Gouvernement pour redresser la situation. La violence familiale n’est plus considérée, comme cela a été longtemps le cas, comme une affaire strictement privée. Les femmes, aidées par les organisations de la société civile, cherchent à en faire une question publique et encouragent les victimes à rapporter tous les cas de violence pour qu’ils puissent être punis. Le Code pénal est en cours de révision et un comité parlementaire a été constitué avec l’appui du Gouvernement pour mettre au point la nouvelle législation. Les crimes d’honneur relèvent désormais du Code pénal et le Gouvernement vise à éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes dans ce domaine.

L’intervenante souligne que sur les 18 confessions religieuses existant au Liban chacune avec ses propres code civil et code de la famille, seulement cinq sont d’obédience islamique. Les autres sont des confessions chrétiennes. Au Liban, tous les mariages et divorces sont régis par les règles de la communauté religieuse à laquelle appartiennent les intéressés. Dans le cas des mariages mixtes, c’est le droit religieux du mari qui prévaut. Si un sunnite épouse une chrétienne ou une chiite, c’est le droit sunnite qui s’applique. Une musulmane ne peut pas épouser un chrétien maronite sans se convertir. La solution pour ces couples mixtes est de se marier à l’étranger. Dans ce cas, le Code civil libanais et le Code civil du pays dans lequel le mariage a eu lieu servent de références juridiques, conformément aux principes du droit privé international. Cette solution ne remet pas la souveraineté nationale en cause dans la mesure où la législation étrangère ne remplace pas le Code civil libanais mais seulement les codes civils des confessions religieuses des intéressés.

La Présidente, s’exprimant à titre personnel, estime que le Gouvernement fait clairement des efforts importants pour améliorer la condition de la femme mais que le Comité devrait l’engager à ratifier le Protocole facultatif et l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 et à lever toutes ses réserves à la Convention, particulièrement celles concernant les articles9 et 16. Le Gouvernement devrait également envisager de prendre des dispositions juridiques claires pour assurer l’égalité entre les sexes, y compris définir clairement la discrimination, conformément à l’article premier de la Convention.

Il est important de doter la Commission nationale de la femme, ainsi que les autres organes chargés de la condition de la femme, de fonds suffisants. Le Gouvernement devrait, en outre, définir les grandes orientations de sa politique d’égalité entre les sexes et fixer des calendriers précis de réalisation. Il est particulièrement important que les femmes soient à égalité avec les hommes dans le domaine politique et aient accès, comme eux, aux postes décisionnels. Tous les stéréotypes sexistes à ce niveau doivent être éliminés. Il semble aussi que la violence familiale soit acceptée dans la société libanaise comme une façon de vivre. Cela ne doit pas être. Le Gouvernement doit légiférer sur cette question et former les juges, les avocats et les responsables de l’application des lois. Les dispositions discriminatoires à l’égard des femmes dans la législation concernant les crimes d’honneur, l’adultère, les voies de fait pour les questions d’honneur et la violence contre les travailleurs migrants devraient être condamnées et des mesures spéciales temporaires prises pour assurer la promotion de la femme, conformément à la Convention.

Un code civil national laïc et unique régissant le statut personnel est indispensable pour renforcer l’égalité dans la société et pour aider le Gouvernement à appliquer la Convention. De nombreuses institutions ont été mises en place mais il faut maintenant qu’elles obtiennent des résultats.

Mme Azouri (Liban) remercie le Comité pour son examen approfondi de la situation au Liban et pour les propositions faites par ses membres. La délégation engagera son gouvernement à aller de l’avant pour assurer l’égalité entre les sexes. Elle se félicite également de l’aide fournie par la Division pour la promotion de la femme. Elle espère que l’exposé de sa délégation a permis au Comité de se faire une idée claire de la situation de la femme libanaise. Elle assure que le Gouvernement libanais, avec l’aide du Comité, poursuivra, en dépit de toutes les difficultés, ses efforts pour parvenir à l’objectif commun.

La séance est levée à 17 h 50.