Trente-neuvième session

Compte rendu analytique de la 795e séance (Chambre B)

Tenue au Siège, à New York, le mercredi 25 juillet 2007, à 10 heures

Président e:Mme Simonovic

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l'article 18 de la Convention (suite)

Sixième rapport périodique du Brésil

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Sixième rapport périodique du Brésil (CEDAW/C/BRA/6, CEDAW/C/BRA/Q/6 et Add.1)

Sur l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation brésilienne prennent place à la table du Comité.

M me  Freire (Brésil) dit que sa délégation souhaite dédier son sixième rapport périodique à toutes les femmes du monde qui continuent de lutter pour l’égalité, la liberté et les droits fondamentaux et qui contribuent ainsi à renforcer la paix et l’harmonie entre les nations et les peuples de la Terre. Dans sa déclaration liminaire elle attirera l’attention sur certaines réalisations importantes ces dernières années concernant les politiques de la femme et elle fournira également des informations actualisées qui ne figurent pas dans le rapport.

Le Brésil est une république fédérale comprenant 27 États, dotés chacun de leur parlement et de leur législation propres. En conséquence lorsque le gouvernement fédéral adopte une loi elle n’est pas automatiquement obligatoire pour les États qui dans certains cas doivent promulguer leurs propres lois et qui souvent adaptent les plans et programmes nationaux pour tenir compte des circonstances locales. Il est important de ne pas perdre de vue cet aspect de la question en raison des défis qu’il soulève pour l’adoption et la mise en œuvre de politiques publiques concernant les femmes et l’égalité des sexes.

Depuis la présentation du rapport précédent en 2003, le Brésil a réalisé des progrès importants dans son cadre juridique et ses politiques sociales publiques en faveur des femmes. Plus particulièrement la première Conférence nationale sur les politiques de la femme, tenue en juillet 2004, a contribué à l’élaboration de directives et principes concernant notamment l’égalité et le respect de la diversité, l’équité et l’autonomie des femmes, qui ont constitué la base du Plan national relatif aux politiques de la femme, lancé en décembre 2004.

Tous les quatre ans le gouvernement fédéral dans son ensemble et chaque ministère formulent un plan quadriennal qui guidera leur action pour cette période. Le plan fédéral pour 2008-2011 qui est actuellement finalisé souligne la nécessité de promouvoir l’égalité des sexes, des races et des ethnies. Le plan pluriannuel pour 2008-2011 du ministère que Mme Freire dirige, le Secrétariat spécial chargé des politiques de la femme, s’attachera entre autres à encourager l’incorporation d’une perspective sexospécifique dans la formulation des politiques, à promouvoir l’exercice intégral des droits sociaux, politiques et économiques par les femmes et à accroître leur participation dans la prise de décisions et à prévenir toutes les formes de violence à l’égard des femmes.

Dans le domaine législatif, une réalisation importante depuis la publication du sixième rapport du Brésil a été la promulgation de la loi dite « Maria da Penha » sur la violence familiale et conjugale, qui a mis en place des tribunaux spéciaux qui jugent les cas de violence familiale, alourdissent les peines infligées aux auteurs de violences et établissent des mesures de protection pour les victimes. Cette loi constitue une victoire importante dans la lutte contre la violence familiale qui auparavant était considérée comme un délit mineur au Brésil. Une autre initiative législative importante est la création d’une commission tripartite comprenant des représentants du gouvernement fédéral, des organisations de la société civile et du corps législatif, qui est chargée d’examiner d’éventuelles modifications à la législation brésilienne sur l’interruption volontaire de grossesse pour réduire le nombre des femmes brésiliennes qui souffrent et meurent des conséquences d’avortements clandestins.

Dans le domaine de l’enseignement, le programme « parité des sexes et diversité à l’école » dispense une formation aux enseignants sur la parité des sexes, la sexualité et les questions ethniques et raciales de l’égalité pour les préparer à aborder ces questions en classe. Ce programme a été introduit à titre pilote en 2000 et il est à présent appliqué à plus grande échelle. Dans le domaine du travail, le programme d’équité en faveur de l’égalité des sexes, introduit en 2006, vise à promouvoir l’égalité des chances pour les femmes et les hommes sur le lieu de travail, en décernant une distinction spéciale aux entreprises qui prennent des mesures concrètes pour renforcer l’équité et l’égalité des sexes. En vue de promouvoir l’égalité des chances pour les femmes dans les zones rurales, le Gouvernement brésilien a mis en place le programme national de documentation pour les femmes travailleuses rurales qui veille à ce que toutes les femmes rurales du Brésil disposent de documents d’identité de base. Jusqu’ici quelque 189 000 femmes rurales ont reçu de tels documents. L’accès des femmes rurales au crédit a également sensiblement augmenté au cours de la période considérée.

Dans le domaine de la santé, en 2007 le gouvernement a lancé une nouvelle initiative de planification de la famille reposant sur le principe selon lequel tous les hommes et femmes ont le droit de décider s’ils auront des enfants, à quel moment et combien. Cette initiative prévoit la disponibilité accrue de contraceptifs à un prix très faible, subventionné par le gouvernement. Par ailleurs le nombre d’établissements autorisés à pratiquer la ligature des trompes a augmenté, ce qui rend la contraception chirurgicale volontaire plus aisément accessible aux femmes. Le gouvernement s’attache également à mettre un terme à la féminisation du sida. Ses interventions dans ce domaine reconnaissent que la violence à l’égard des femmes et l’inégalité entre les sexes sont des facteurs associés à la prévalence croissante de cette maladie parmi les femmes; les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre le sida contribuent donc également à endiguer la violence à l’égard des femmes.

Bien que la loi Maria da Penha ne soit en vigueur que depuis moins d’un an, elle contribue déjà à modifier les attitudes sociétales envers le problème de la violence sexiste. Un nombre croissant de services spécialisés, notamment des centres d’aide et des refuges dans tous les États du pays, sont disponibles par l’intermédiaire du réseau d’assistance aux femmes pour les femmes en situation de violence familiale et sexuelle. Dans le cadre des efforts qu’il déploie pour lutter contre la violence à l’égard des femmes, une des priorités du gouvernement est de préserver la dignité et garantir les droits fondamentaux des femmes incarcérées. À cette fin il examine l’ensemble du système pénitentiaire pour les femmes, tant les établissements que le traitement des femmes détenues.

Le Brésil s’efforce également de trouver une solution au problème complexe de l’exploitation et de la traite des filles et des femmes. Le gouvernement porte son attention sur deux domaines principaux : la répression et la prévention de la traite des êtres humains. Un groupe de travail élabore actuellement un plan d’action pour mettre en œuvre la Politique nationale pour la lutte contre la traite des êtres humains, adoptée en 2006.

En conclusion le gouvernement brésilien est conscient qu’il lui reste encore beaucoup à faire pour parvenir à l’égalité totale entre les sexes mais il est déterminé à continuer à œuvrer pour atteindre cet objectif. À cette fin il a convoqué la deuxième Conférence nationale sur les politiques de la femme, prévue en août 2007. Cette conférence qui aura pour thème « les femmes et le pouvoir » évaluera l’impact du Plan national relatif aux politiques de la femme et examinera les moyens d’accroître la participation des femmes aux sphères du pouvoir.

Articles premier à 6

M. Flinterman rappelle que, dans ses observations finales sur le rapport unique valant premier, deuxième, troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques du Brésil (CEDAW/C/BRA/1-5), le Comité a recommandé l’établissement d’un mécanisme visant à suivre le respect des dispositions de la Convention à tous les niveaux et dans tous les domaines. Or aucun mécanisme de cette nature n’a encore été établi au niveau fédéral et d’après les réponses à la liste des questions, les conseils des États pour les droits de la femme ne disposent pas des ressources humaines et financières nécessaires pour entreprendre des activités de suivi. M. Flinterman demande donc si des mesures ont été prises pour mettre la recommandation du Comité en œuvre et il souhaite tout particulièrement savoir si le gouvernement fédéral peut prendre des mesures à l’encontre des conseils des États qui ne respectent pas les politiques nationales de promotion de la femme.

Le rapport reste muet sur le rôle du système judiciaire. Du fait que la Convention est directement applicable au Brésil, M. Flinterman se demande si les dispositions de la Convention ont été jamais mentionnées dans les sentences rendues par les tribunaux fédéraux ou des États. Le Comité souhaite également avoir des précisions sur la mention, à la page 17 du rapport de l’État partie, des concepts d’« équité » et d’« égalité »; des précisions sur l’interprétation de ces termes par l’État partie seraient les bienvenues. Finalement M. Flinterman souligne que de nombreuses femmes sont victimes d’une double discrimination. Se référant en particulier au nombre croissant de femmes en prison, il demande si des politiques ou programmes ciblés ont été adoptés pour répondre aux besoins spécifiques des femmes détenues.

M me  Tavares da Silva félicite l’État partie des progrès qu’il a réalisés depuis la présentation du rapport précédent. La volonté politique du gouvernement fédéral de mettre la Convention en œuvre est évidente à la lumière des réformes juridiques entreprises et des politiques et programmes introduits. Toutefois Mme Tavares da Silva souhaite davantage d’informations sur les conseils des États pour les droits de la femme : quelles sont les ressources dont ils disposent, si leur personnel reçoit une formation spéciale aux questions d’égalité des sexes et si des mesures sont en place pour veiller à ce qu’ils coopèrent avec les autres parties prenantes.

Mme Tavares da Silva a appris qu’un certain nombre de gouvernements des États ont refusé d’appliquer des mesures visant à réduire la mortalité maternelle et néonatale car ils estiment que ces mesures ne sont pas prioritaires. L’État partie doit faire savoir si les conseils des États pour les droits de la femme, en tant qu’organes décentralisés, sont autorisés à décider d’appliquer ou non les politiques et programmes fédéraux de promotion de la femme au niveau local. À cet égard Mme Tavares da Silva demande également si des mécanismes ont été mis en place pour veiller à ce que le grand nombre de politiques et programmes de promotion de la femme soient mis en œuvre de façon cohérente et si les organes d’exécution aux niveaux tant national que local coopèrent entre eux pour évaluer leur efficacité.

Mme Tavares da Silva estime que le Gouvernement brésilien n’a pas encore pleinement exploré le concept de mesures temporaires spéciales et elle serait heureuse d’avoir des informations supplémentaires sur les initiatives pertinentes. Plus particulièrement le Comité souhaite savoir pourquoi le gouvernement n’a pas introduit de quotas dans les domaines où les femmes continuent d’être sensiblement sous-représentées, tels que le corps diplomatique et le système judiciaire.

M me  Saiga souhaite davantage de précisions sur le rôle et la composition des conseils des États pour les droits de la femme : sont-ils directement responsables de la mise en œuvre de la Convention au niveau local et quelle est la nature des relations entre ces conseils et le Secrétariat spécial chargé des politiques de la femme?

La Présidente, prenant la parole en tant que membre du Comité, rappelle que, dans ses observations finales sur le rapport précédent de l’État partie, le Comité a recommandé l’introduction de mesures visant à faire mieux connaître la Convention aux membres du système judiciaire et aux autres autorités chargées de l’application des lois. Le Comité souhaite donc savoir si des mesures spécifiques ont été prises pour donner suite à cette recommandation. Mme Simonovic partage les préoccupations de M. Flinterman sur l’absence continue de mécanisme permettant de suivre la mise en œuvre de la Convention à tous les niveaux et dans tous les domaines, et elle demande si le Secrétariat spécial chargé des politiques de la femme a un rôle particulier à jouer à cet égard.

M me  Freire (Brésil) dit que le Secrétariat spécial chargé des politiques de la femme est un département du gouvernement fédéral ayant pour mission de définir les politiques stratégiques de promotion de la femme. Cependant ces politiques sont mises en œuvre au niveau des États et des municipalités. Dans le cadre du système fédéral, les pouvoirs administratifs sont décentralisés et chaque niveau de gouvernement possède une juridiction exclusive dans les domaines relevant de sa compétence. Ainsi donc le gouvernement fédéral ne peut obliger les gouvernements des États à mettre en œuvre des politiques et programmes spécifiques pour la promotion de la femme. Par contre il conclut des accords ou pactes d’exécution avec diverses autorités des États et municipales et accorde certaines subventions. À ce jour de tels pactes ont été conclus avec 24 gouvernements des États. Si ces gouvernements ne s’acquittent pas de leurs obligations, les organisations de la société civile peuvent intervenir.

Le gouvernement fédéral a élaboré un plan national relatif aux politiques de la femme qui définit 199 mesures à mettre en œuvre par 11 ministères et trois secrétariats spéciaux. Un comité national, comprenant des fonctionnaires des ministères et secrétariats compétents, a été mis en place pour suivre l’application de ce plan. Par ailleurs un mécanisme de coordination en ligne, accessible au grand public sur le site Internet du Secrétariat spécial, permet aux parties intéressées d’obtenir des informations sur les activités pertinentes. En organisant des conférences nationales sur les politiques de la femme, le gouvernement fédéral espère mieux faire connaître ce plan au niveau des États et des municipalités.

M me  Viola (Brésil), répondant aux questions posées par Mme Tavares da Silva, rappelle qu’en 2004 le Président Lula a signé un pacte national sur la réduction de la mortalité néonatale et maternelle. Les politiques pertinentes sont mises en œuvre sur la base d’un accord tripartite auquel participent le ministère de la santé, les autorités locales et la société civile.

M me  Freire (Brésil) dit que le Secrétariat spécial chargé des politiques de la femme coordonne les activités visant à suivre la mise en œuvre de la Convention au Brésil. À cette fin il a élaboré un certain nombre de mécanismes de suivi, notamment un système permettant d’évaluer l’impact des mesures prises pour lutter contre la violence à l’égard des femmes. Ce système sera opérationnel en août 2007 et sera financé pendant deux ans. Le Conseil national des droits de la femme est lié au Secrétariat spécial mais dispose de son propre budget.

Répondant aux questions posées par M. Flinterman, Mme Freire dit qu’il est difficile de mener des campagnes de sensibilisation à l’intention des membres du système judiciaire qui est encore une institution très fermée. Cependant il y a eu des développements positifs : une femme est actuellement présidente de la Cour suprême fédérale et par l’intermédiaire de la Commission sur la justice, une discussion sur le rôle et le statut de la Convention dans l’ordre juridique interne a été lancée. En ce qui concerne la différence entre les termes « équité » et « égalité », le premier a été employé à la première Conférence nationale sur les politiques de la femme pour décrire les situations où les femmes et les hommes ont des droits équivalents. Cependant Mme Freire estime que l’objectif ultime de tous les programmes et politiques de promotion de la femme doit être la réalisation de l’égalité de fait entre les sexes. Finalement abordant la question de la double discrimination, elle reconnaît que toutes les femmes brésiliennes ne sont pas égales. En conséquence le Plan national relatif aux politiques de la femme comprend une série de mesures visant spécifiquement à améliorer la situation de certaines couches de la population féminine, telles que les femmes d’origine africaine et les femmes détenues.

M me  Coker-Appiah félicite le Gouvernement brésilien d’avoir adopté la loi Maria da Penha qui réprime la violence familiale et qui assure la protection des victimes et la sanction des auteurs de violences. Il est important toutefois de faire connaître cette nouvelle loi aux bénéficiaires; des activités de sensibilisation sont indispensables de même que les ressources nécessaires à sa mise en œuvre. Mme Coker-Appiah demande s’il existe une allocation budgétaire spécifique affectée aux cabinets des défenseurs publics à cette fin et si les victimes, en particulier celles qui font partie des groupes vulnérables, bénéficient d’une aide judiciaire. Par ailleurs du fait que la loi en question est une loi fédérale il serait intéressant de savoir combien d’États brésiliens l’ont adoptée et si elle fait l’objet de suivi au niveau national. Finalement Mme Coker-Appiah demande des informations sur les mesures prises pour faire face aux questions de l’exclusion et de l’inégalité sociale, mentionnées dans le rapport de l’État partie (CEDAW/C/BRA/6, p. 31) comme étant les facteurs qui rendent les enfants et les jeunes particulièrement vulnérables à la traite des êtres humains et à l’exploitation sexuelle.

La Présidente, prenant la parole en tant que membre du Comité, dit que s’il est louable de demander aux universitaires et aux ONG de suivre la mise en œuvre de la loi Maria da Penha, la responsabilité principale à cet égard incombe au gouvernement fédéral. Le Comité souhaite savoir à cet égard s’il existe une campagne de sensibilisation dans tout le pays, si une formation est fournie aux professionnels et si des données sont recueillies sur par exemple le nombre de femmes tuées ou agressées par leur époux ou ancien époux. Mme Simonovic se félicite de la mise en place de refuges pour les femmes victimes de violence et elle demande si ces refuges bénéficient de l’appui des ONG et s’ils existent sur tout le territoire du Brésil.

M me  Freire (Brésil) dit qu’il convient d’établir une distinction entre d’une part ce que l’on appelle le « contrôle social » de l’application de la loi, qui signifie que la fonction de suivi est assumée par la société civile, et d’autre part le rôle de suivi effectivement joué par le gouvernement fédéral, en particulier par l’intermédiaire d’un comité d’experts sur la violence familiale créé à cette fin. Certains aspects de la loi, notamment ses dispositions générales, sont obligatoires sur l’ensemble du territoire de la République, tandis que d’autres, qui concernent en particulier l’établissement d’organes d’appui, doivent faire l’objet d’un vote par chaque État. Les défenseurs publics dans tout le pays veillent à ce que les femmes victimes de violence, qui bénéficient également de l’aide d’avocats privés travaillant à titre gracieux, aient droit à toute l’assistance juridique nécessaire.

Une importante campagne de sensibilisation, comprenant la distribution de dépliants exposant la nouvelle loi, a été entreprise. En outre un numéro vert accessible 24 heures sur 24 a été mis en place, et il est pourvu d’un personnel qualifié qui donne des conseils sur les droits de la femme et, en cas d’urgence, alerte la police. Il reçoit en moyenne 30 000 appels par mois et s’est révélé extrêmement utile. Quant à la lutte contre la pauvreté elle est l’une des priorités fixées par le président brésilien qui a lancé un appel pour que des efforts spéciaux soient déployés en vue de réduire le nombre de femmes vivant en dessous du seuil de pauvreté et de resserrer l’écart entre riches et pauvres. Des stratégies spécifiques ont donc été élaborées pour promouvoir l’émancipation des femmes, à la fois dans leur propre intérêt et pour contribuer au changement social.

M. Pontual (Brésil) dit que le président Lula da Silva a mis en place une équipe spéciale chargée de s’attaquer aux problèmes de la prostitution et de l’exploitation sexuelle des enfants. L’une des principales retombées a été l’introduction d’un programme de cartes alimentaires visant à réduire la vulnérabilité des femmes et des familles vivant dans la pauvreté. Un problème connexe, compliqué par la longueur des frontières du pays, est le taux élevé d’enlèvements de femmes aux fins d’exploitation sexuelle. Des efforts ont donc été déployés pour améliorer les réseaux de sécurité publique et minimiser la perméabilité des frontières, en coopération avec les pays voisins.

M me  Barroso (Brésil), se référant au système statistique national établi par le gouvernement en 2003, dit qu’il sert en particulier à identifier les victimes et les auteurs de violences familiales par âge et par groupe ethnique et qu’il permet de suivre l’incidence des viols et des homicides. En coopération avec le ministère de la santé, le ministère de la justice s’efforce d’améliorer le système de suivi de ces délits; il mène également actuellement des études sur les victimes de la violence familiale au Brésil en vue de se faire une idée claire de ce phénomène et d’établir un diagnostic. En 2006, plus de 6 000 fonctionnaires de la sécurité publique du pays ont été formés pour lutter contre la traite des êtres humains et des ressources financières ont été affectées aux centres spéciaux de police créés à cette fin.

M me  Taquette (Brésil) informe le Comité de l’existence d’un sous-secrétariat chargé de traiter les cas de violence familiale. Elle énumère les centres de santé, les refuges, les commissariats spéciaux de police et les tribunaux ainsi que les cabinets des défenseurs publics mis en place pour apporter une aide aux victimes, notamment les groupes les plus vulnérables tels que les jeunes et les Brésiliens d’ascendance africaine. Quant à la publicité accordée à la loi Maria da Penha, un partenariat récent avec une société pétrolière importante a apporté une contribution considérable à cet effort.

M me  Freire (Brésil) dit que le gouvernement accorde une attention particulière à la situation des femmes détenues. Le président a mis en place une équipe spéciale qui est tenue de présenter dans les trois mois des recommandations sur des mesures concrètes visant à améliorer la situation de ces femmes, notamment en ce qui concerne la santé et l’éducation, en consultation avec tous les ministères compétents.

Articles 7 à 9

M me  Zou Xiaoqiao dit que, malgré l’établissement d’un système de quotas par la loi en 1997, il semble qu’il y ait eu très peu d’améliorations dans la participation des femmes à la vie politique et publique. Elle demande si des mesures spécifiques ont été prises ou sont prévues dans ce domaine. Elle souhaite savoir ce que le gouvernement envisage de faire pour veiller à ce que les personnes de différentes origines ethniques jouissent de l’égalité des chances pour occuper des fonctions officielles. Il semblerait que le Congrès national envisage des amendements à la loi sur les quotas : des informations complémentaires seraient les bienvenues à cet égard. Mme Zou Xiaoqiao demande quand ces amendements seront adoptés, s’ils prévoient une aide financière et des sanctions en cas de non-respect et si des obstacles importants ont surgi. Le Comité souhaiterait également des informations sur les résultats de l’enquête sur la participation des femmes à la vie politique et publique, en particulier des chiffres sur le nombre et l’âge des femmes concernées.

M me  Arocha Dominguez dit que les problèmes dus à l’immensité et à la structure fédérale du Brésil ne doivent pas être des excuses justifiant la faible participation des femmes, ce qui est d’autant plus surprenant étant donné le dynamisme des mouvements féministes au Brésil. Des mesures supplémentaires doivent être adoptées pour faire de la loi une réalité; il faut imposer une obligation redditionnelle. Mme Arocha Dominguez demande s’il existe des projets concernant l’établissement de réseaux fournissant un appui aux familles. Les populations autochtones du Brésil ont eu la chance de ne pas avoir été annihilées par la colonisation mais elles souffrent de leur isolement. Mme Arocha Dominguez voudrait savoir quelles sont les mesures prises pour les faire participer à la vie politique et publique. Le Comité souhaiterait également des informations sur la composition par sexe des établissements universitaires et du corps diplomatique, où les femmes semblent particulièrement sous-représentées.

M me  Belmihoub-Zerdani dit qu’une volonté politique considérable est nécessaire pour accroître la participation des femmes à la vie politique et publique étant donné la taille du pays et la complexité du système politique. Le Comité demande au gouvernement de rallier tous les États pour prendre d’urgence des mesures visant à accroître la participation des femmes afin que le Brésil puisse servir de modèle au continent. Outre la mise en œuvre des articles 7, 8 et 9 de la Convention, il est particulièrement important que le gouvernement assure l’émancipation des Brésiliennes d’origine africaine.

M me  Freire (Brésil) dit que son gouvernement s’efforce de remédier aux années de désintérêt et d’abandon dont la population brésilienne d’origine africaine a souffert sous les gouvernements précédents. La délégation brésilienne espère que le prochain rapport présenté au Comité indiquera que la participation des Brésiliens d’origine africaine à la vie politique et publique sera plus importante. Bien que le gouvernement n’envisage pas d’amender le système de quotas pour la participation des femmes à la politique par des mesures de discrimination positive, la réforme générale du système électoral brésilien est à l’examen et les réformes proposées auront une influence sur la participation des femmes à la politique.

Le Secrétariat spécial sur les politiques de la femme a pris des mesures pour sensibiliser les membres du Congrès national à la nécessité de modifier le système électoral afin de parvenir à la parité des sexes. Il a mis en place un forum multipartite pour demander une participation plus grande des femmes au sein des partis politiques et l’égalité des chances dans les campagnes électorales et le financement. Le Secrétariat spécial est déçu que le Congrès national n’ait pas adopté ces réformes mais il a bon espoir que le système de quotas sera modifié pour éliminer les obstacles qui empêchent les femmes de participer à la politique et pour imposer des sanctions en cas de non-respect par les partis politiques.

Deux mille huit cent déléguées, y compris des femmes des municipalités les plus reculées du pays, participeront à la deuxième Conférence nationale sur les politiques de la femme qui se tiendra à Brasilia en août 2007. La participation des femmes à la vie politique sera l’un des principaux thèmes à l’examen et le grand nombre de participantes à cette conférence donnera plus de poids à l’argument selon lequel il est nécessaire d’amender la législation sur le système de quotas.

Il est également indispensable de modifier la législation du travail et d’encourager les employeurs à permettre aux femmes de prendre congé pour participer à la politique. Le gouvernement a alloué plusieurs fonds qui fourniront aux femmes des services de garderie améliorés et d’autres formes d’assistance qui leur permettront de participer à la politique. Le Secrétariat espère que ces mécanismes seront appuyés par les gouvernements locaux. Par ailleurs le gouvernement fédéral a pris des mesures pour accroître la participation des femmes dans le corps diplomatique et à la politique internationale. Il s’est efforcé d’inclure des membres de la société civile brésilienne dans les réunions du Comité et d’accroître la participation des Brésiliens d’origine africaine et des femmes autochtones aux réunions internationales. Le gouvernement a lancé une initiative visant à assurer la participation permanente de représentants de la société civile aux réunions du MERCOSUR.

M. Flinterman dit qu’il serait intéressant de savoir quelles mesures le gouvernement a prises pour veiller à ce que la Convention ait la prééminence par rapport aux lois nationales qui la contredisent et que les membres du système judiciaire aient une formation dans le domaine des droits de l’homme et des droits de la femme en particulier. Des renseignements supplémentaires doivent être fournis sur les mesures prises pour améliorer l’accès des femmes au système juridique lorsque leurs droits ont été violés.

M me  Saiga dit que des précisions doivent être apportées sur les mécanismes en place visant à suivre les politiques d’égalité des sexes aux divers niveaux administratifs.

M me  Tavares da Silva dit que des données supplémentaires doivent être fournies sur le système de quotas dans les universités et le corps diplomatique. Il serait également intéressant de connaître le pourcentage du budget national qui est alloué au Secrétariat spécial chargé des politiques de la femme et si cette allocation est suffisante pour permettre au Secrétariat de s’acquitter de son mandat.

M me  Freire (Brésil) dit que le système judiciaire est indépendant de l’exécutif et qu’il est chargé d’apporter des précisions à l’interprétation des lois en cas de différend. Cependant la délégation brésilienne n’a connaissance d’aucun conflit entre la Convention et la législation nationale. Le Secrétariat spécial chargé des politiques de la femme est responsable du suivi des politiques d’égalité des sexes aux niveaux fédéral, des États et des municipalités. En même temps la société civile joue un rôle important en demandant au gouvernement fédéral et aux gouvernements locaux d’adopter un plus grand nombre de politiques améliorées d’égalité des sexes.

Le rôle important joué par la société civile est reflété par le fait que les services spécialisés en faveur des femmes victimes de violence sont les plus nombreux dans le sud-est du Brésil où le mouvement féministe est le plus important et assure le suivi le plus détaillé des politiques d’égalité des sexes. Il est clair que le gouvernement fédéral ne peut modifier des structures patriarcales uniquement par des lois; il doit établir les instruments nécessaires pour permettre aux hommes comme aux femmes de s’attaquer aux problèmes causés par les attitudes patriarcales.

Le gouvernement brésilien a choisi d’adopter des mesures de discrimination positive pour promouvoir les possibilités ouvertes à certains groupes ethniques. Un système de quotas est en place pour permettre aux Brésiliens d’origine africaine d’avoir un accès plus grand aux universités. Le nombre de Brésiliennes d’origine africaine dans l’enseignement supérieur a augmenté sensiblement car ces femmes n’ont pas bénéficié des possibilités d’éducation plus grandes offertes aux autres femmes par les gouvernements précédents. Par ailleurs il est important d’éliminer les stéréotypes sexistes dans l’enseignement primaire et secondaire. En ce qui concerne les allocations budgétaires, le Secrétariat spécial chargé des politiques de la femme bénéficie de ressources accrues chaque année depuis sa création. Cependant il convient de noter que le Secrétariat n’a pas pour mandat de mettre en œuvre directement des politiques; son rôle consiste à coordonner les politiques d’égalité des sexes des divers ministères.

M me  Belmihoub-Zerdani dit qu’il n’est toujours pas clair si les dispositions de la Convention ont été effectivement incorporées dans la législation de tous les États et si les instruments internationaux ont la prééminence par rapport à la législation nationale.

M me  Freire (Brésil) dit que les conventions et traités internationaux sont incorporés dans la législation interne mais qu’ils ne remplacent ni ne modifient la Constitution.

La séance est levée à 13 heures