Trente-neuvième session

Compte rendu analytique de la 796e séance (salle B)

Tenue au Siège, à New York, le vendredi 3 août 2007, à 10 heures

Présidente :Mme Šimonović

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18de la Convention (suite)

Rapport initial des Îles Cook

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial des Îles Cook (CEDAW/C/COK/1; CEDAW/C/COK/Q/1 et Add.1)

À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation des Îles Cook prennent place à la table du Comité.

M. Rasmussen (Îles Cook), présentant le rapport initial des Îles Cook (CEDAW/C/COK/1), déclare que, dans le cadre des efforts que son pays a déployés pour bien comprendre les implications de la Convention et relever les défis auxquels sont confrontées les femmes des Îles Cook, celles-ci ont bénéficié du soutien très appréciable du Gouvernement néo-zélandais, du Secrétariat général de la Communauté du Pacifique, du Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM), du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), du Secrétariat du Forum des Îles du Pacifique et, enfin, de la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP).

M. Rasmussen ajoute qu’il y a de nombreux motifs d’optimisme en ce qui concerne la situation des femmes des Îles Cook. Depuis l’autonomie des Îles, en 1965, et durant deux décennies, c’est une femme qui a occupé le poste de Président du Parlement. À l’heure actuelle, c’est également une femme qui remplit les fonctions de Présidente adjointe du Parlement; de plus, le gouvernement compte une ministre, et le Parlement compte trois députées. Il y a davantage de femmes que d’hommes qui possèdent le titre de « chef suprême » - lequel représente le niveau le plus élevé dans la hiérarchie des titres coutumiers. De la même manière, on compte un nombre croissant de femmes dans le secteur professionnel et notamment chefs d’entreprise. Des femmes ont été également nommées à la tête de missions étrangères des Îles Cook, ainsi qu’à la tête de certains ministères. Enfin, les femmes sont considérées comme la colonne vertébrale de la famille et du tissu communautaire, très important dans ces îles.

Dès l’origine, les Îles Cook ont adopté les valeurs traditionnelles, qui sont le fondement des rôles respectifs des hommes et des femmes. Puis, par la suite, un certain nombre de facteurs nouveaux – tels que l’avènement de la Chrétienté dans les Îles et l’adoption d’institutions politiques et juridiques d’inspiration occidentale – ont également influé sur la définition des activités et des rôles respectifs des deux sexes. Les Îles Cook ont adhéré à la Convention lors de la ratification de ce texte par la Nouvelle-Zélande, en 1985, avant d’en être partie de manière autonome, en 2006. Dès lors, l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes a été reconnue comme l’objectif suprême en matière d’amélioration de la condition féminine dans les Îles.

L’un des problèmes auxquels les femmes des Îles Cook – et notamment celles qui vivent dans les îles périphériques – ont été confrontées est celui de l’éducation. De plus, des éléments tels que les grossesses précoces et la relégation des femmes dans le secteur domestique ont encore accentué ce problème. D’autre part, il était pratiquement impossible, pour une femme, d’être membre du clergé. En matière de respect des dispositions de la Convention, les défis majeurs ont été la dispersion des îles sur un vaste espace géographique, les problèmes de communication que cela entraînait, ou encore la difficulté à convaincre les hommes en particulier des effets négatifs que les inégalités entre les hommes et les femmes pouvaient avoir sur le développement national.

En 1985, les Îles Cook ont également adhéré aux Stratégies d’avant-garde de Nairobi, qui visent au progrès de la condition féminine. La même année, les Îles Cook ont accueilli une conférence régionale du Pacifique sur le thème de la femme. Mais, dans la décennie qui a suivi, les Îles Cook n’ont guère progressé en matière de promotion de l’égalité entre les sexes. Puis, en 1995, les Îles Cook ont participé à la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes et adhéré à la Déclaration et au Programme d’action de Beijing. À la suite de cet événement, les Îles Cook ont adopté une « Politique nationale de la femme », ainsi qu’un Plan d’action permettant sa mise en œuvre; les autorités ont fait en sorte que le texte de ces deux instruments soit traduit en langue maori – langue officielle des Îles – et diffusé dans l’ensemble du pays. Puis la récession économique de 1995 a quelque peu détourné l’attention vis-à-vis de l’enjeu majeur que constitue l’application de la Convention; néanmoins, les organisations féminines du pays, très dynamiques, ont déployé des efforts considérables pour maintenir l’engagement national de progrès de la femme. La coopération entre le Conseil national des femmes et le gouvernement a été renforcée : le Conseil et les autorités du pays ont notamment co-organisé les conférences nationales biennales sur la femme.

Les Îles Cook viennent de retirer les trois réserves qu’elles avaient émises au sujet de la Convention, et concernant respectivement le recrutement de femmes dans les forces armées, les pratiques traditionnelles et culturelles [art. 2 f) et 5 a)], et les congés de maternité [art. 11, par. 2 b)]. À l’heure actuelle, des femmes représentant les Îles Cook servent le pays au sein d’une mission de paix aux Îles Salomon, ainsi que dans les forces armées néo-zélandaises, australiennes et américaines. La proposition du gouvernement des Îles Cook de retirer la réserve formulée au sujet des pratiques traditionnelles a été récemment approuvée par le « Koutu Nui » – ensemble de chefs ayant conseillé le gouvernement sur les questions de coutumes et de propriété terrienne. D’autre part, le gouvernement vient d’approuver un ensemble de réformes législatives concernant notamment les congés de maternité.

L’égalité de droit de propriété (aussi bien mobilière qu’immobilière) pour les femmes et les hommes a été reconnue de longue date par le Tribunal des questions foncières (« Land Court »), qui, aujourd’hui, reconnaît également le droit des femmes à détenir le titre de « Chef ». Par ailleurs, les femmes jouissent du droit de vote et d’éligibilité au Parlement depuis l’accession des Îles Cook à l’autonomie, en 1965. La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes a été traduite en langue maorie en 2001, puis diffusée dans l’ensemble du pays. Des exemplaires de ce texte ont été également distribués à tous les ministères et organes gouvernementaux, ainsi qu’à l’ensemble des ONG opérant essentiellement dans le domaine de l’égalité entre les sexes. Des femmes représentant toutes les parties du pays et tous les secteurs de la société ont participé à l’élaboration du rapport initial, par le biais d’une consultation nationale. De plus, le projet de rapport avait déjà été largement diffusé dans le pays, en vue de recueillir les commentaires de la population.

L’une des priorités budgétaires du gouvernement a consisté à prévoir un accès équitable des hommes et des femmes à la santé et à l’éducation. Aujourd’hui, on a atteint l’objectif d’éducation pour tous les enfants jusqu’à l’âge de 15 ans, ainsi qu’un niveau élevé d’alphabétisation; de plus, les taux de mortalité infantile et maternelle sont faibles. D’autre part, pour la toute première fois, on a nommé récemment une femme – de nationalité néo-zélandaise –, en tant que magistrate membre de la Cour Suprême, et un certain nombre de femmes occupent un poste de Juge de paix.

La dernière en date des conférences biennales sur la femme était essentiellement consacrée aux droits des femmes tels qu’ils sont définis dans la Convention, et cette conférence a conduit à l’adoption d’un plan de deux ans visant à faire progresser l’application des dispositions de la Convention. Avec le concours de diverses parties intéressées, un exercice de formation a été mené récemment en vue de la préparation au dialogue avec le Comité. En outre, une commission de réforme législative a été créée récemment : elle sera notamment chargée de faciliter l’application des nouvelles lois liées aux dispositions de la Convention. Les Îles Cook envisagent également d’adhérer, dans les prochaines semaines, au Protocole facultatif.

L’action visant à l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes va être encore intensifiée à l’avenir. Parmi les priorités fixées, l’élaboration d’une politique nationale de parité, l’accélération du processus d’égalité entre les hommes et les femmes au sein des grands ministères et des principales institutions gouvernementales, une formation aux questions d’égalité entre les deux sexes, et, enfin, une sensibilisation à l’ensemble de ces problèmes. La définition que la Convention donne de la « discrimination » sera intégrée à la législation nationale, et des mesures spéciales visant à l’augmentation du nombre de femmes à des postes de responsabilité seront également définies. Enfin, un programme exhaustif de réformes législatives va être mis en œuvre afin de veiller à la conformité de toutes les lois nationales avec les dispositions de la Convention. Dans ce contexte, nous traiterons prioritairement les lois concernant les délits sexuels, la protection de l’emploi, l’égalité dans le cadre du mariage et de la vie familiale, la protection contre toute discrimination, ou encore la protection des catégories les plus fragiles – telles que les femmes handicapées, les migrantes et les femmes vivant en zone rurale ou dans les parties les plus reculées du pays. M. Rasmussen déclare enfin que sa délégation accueillera avec satisfaction tout soutien et tout conseil du Comité dans le sens des efforts déjà déployés par les Îles Cook.

Articles 1er et 2

M me Patten, se félicitant de la volonté de l’État partie de ratifier le Protocole facultatif et d’éliminer toute discrimination, demande à quel niveau, dans l’échelle des priorités, se situe le processus de réforme législative et quel en serait le calendrier. L’oratrice ajoute qu’il est capital d’intégrer à la législation nationale une définition de la « discrimination » – conforme, de préférence, à celle qui est donnée à l’article 1er de la Convention –, et ce, afin que le concept en question puisse être invoqué au niveau judiciaire. Notant par ailleurs qu’à l’heure actuelle, une aide juridictionnelle n’est accordée qu’aux accusés faisant l’objet de poursuites pénales, et que le coût de l’accès à la justice reste élevé aux Îles Cook, Mme Patten demande également quelles mesures sont prises, éventuellement, pour améliorer l’accès des femmes à la justice. Enfin, elle demande des précisions au sujet des crédits prévus dans le cadre du budget, cette année et dans les années à venir, pour la promotion de l’égalité entre les sexes.

M me Shin, faisant observer qu’elle avait beaucoup appris en participant à l’exercice de formation en vue du dialogue des Îles Cook et du Comité, reconnaît la nécessité urgente de réformes législatives et le fait qu’un mécanisme devrait être mis en place pour garantir un budget tenant compte des questions d’égalité entre les sexes – et ce, non seulement pour l’exercice budgétaire en cours, mais aussi à plus long terme. Mme Shin ajoute qu’il faudrait également considérer comme une priorité la collecte de données différenciées par sexe dans l’ensemble des îles, afin de garantir une base solide pour toute politique de parité à venir.

M me Saiga, se félicitant du retrait, par l’État partie, des réserves qu’il avait formulées vis-à-vis de la Convention, et de son intention de ratifier le Protocole facultatif, demande des précisions sur le contenu du Projet de loi sur le travail, et notamment ses dispositions concernant les congés de maternité et le harcèlement sexuel, étant donné que le rapport fait état de difficultés pour faire accepter ces dispositions. Mme Saiga ajoute que, vu que les sessions parlementaires sont relativement brèves chaque année, l’État partie devrait indiquer l’ordre prioritaire des projets de loi à examiner. Enfin, elle demande des précisions sur la nature des relations entre le Parlement et les organes consultatifs traditionnels que sont la Chambre des Ariki et le Koutu Nui.

La Présidente, s’exprimant en tant que membre du Comité, fait l’éloge du processus participatif auquel l’État partie a eu recours pour l’élaboration de son rapport. Toutefois, il semble que le Parlement n’ait pas pris part à ce processus; par conséquent, les futurs rapports devraient être présentés aux parlementaires aux fins d’examen.

D’autre part, se félicitant du retrait des réserves formulées vis-à-vis de la Convention, la Présidente ajoute qu’il est essentiel d’incorporer toutes les dispositions de la Convention dans la législation nationale, et que priorité devrait être donnée à la révision des lois jugées incompatibles avec les dispositions de la Convention. De plus, toujours dans le cadre de la législation nationale, la définition du concept de « discrimination » doit être conforme au texte de la Convention. Enfin, la Présidente demande si le principe d’égalité entre les sexes a été intégré à la Constitution ou à d’autres textes de loi nationaux, et quelles mesures législatives sont éventuellement prévues pour concrétiser ce principe d’égalité dans les faits – conformément à l’article 2 de la Convention.

M. Rasmussen (Îles Cook) précise que le consultant chargé par le gouvernement de réexaminer les politiques nationales a recommandé des modifications importantes des lois y afférentes. En réponse à ces recommandations, le gouvernement a créé un comité de réforme de la loi et l’a notamment chargé d’examiner les questions relatives aux pouvoirs de la police. Le comité en question a établi la nécessité de créer une commission spécifiquement chargée des questions législatives; un projet de loi concernant la création d’une telle commission est actuellement à l’étude.

L’examen du rapport des Îles Cook par le gouvernement a été très difficile, en raison des positions figées des membres les plus âgés, les plus conservateurs et des membres masculins du Cabinet. Cependant, on progresse – ajoute M. Rasmussen, qui précise également avoir étroitement collaboré avec le Bureau des Affaires juridiques (« Crown Law Office ») afin de déterminer les aspects de la loi à réformer pour prendre en compte les questions concernant les femmes. M. Rasmussen déclare encore avoir la conviction que la commission des lois recommandera notamment l’incorporation des dispositions de la Convention dans la législation nationale.

Le groupe de travail chargé des réformes a proposé que le personnel gouvernemental soit guidé par les objectifs fixés dans ce domaine. Parmi les initiatives qui seront prises à moyen terme, on peut citer un ensemble de réformes législatives, visant notamment à améliorer la Constitution des Îles Cook. Puis, entre le moyen et le long terme, on envisage des réformes encore plus importantes. M. Rasmussen reconnaît cependant que, dans ce processus, on risque d’être confronté à un certain nombre de défis.

Une certaine évolution structurelle a déjà eu lieu aux Îles Cook. Après de nombreuses années marquées par des gouvernements de coalition, les toutes dernières élections ont vu la victoire d’un parti dominant. C’est une situation assez inédite que d’avoir un seul parti au pouvoir et un ensemble de politiques qui s’appliqueront pendant toute la durée du mandat gouvernemental.

À l’heure actuelle, toutes les femmes des Îles Cook ont accès à une aide juridictionnelle et à une représentation au niveau juridique. À cet égard, les liens de parenté jouent également un rôle important. Ainsi, M. Rasmussen indique qu’en tant qu’avocat, il a l’obligation sociale de représenter gratuitement sa famille au sens le plus large du terme. Par conséquent, on peut dire que, pour les femmes en général, il n’est pas très difficile de se faire représenter par un avocat. Aujourd’hui, en ce qui concerne les femmes, le principal motif de saisine de la justice est la défense de leurs droits de succession à égalité avec les hommes, en cas de différend sur la transmission du patrimoine foncier. Mais des problèmes subsistent. Ainsi, on a dû créer un « Service de Conseil des femmes des Îles Cook (ou « Punanga Tauturu Inc. ») afin de venir en aide aux femmes victimes de violences domestiques.

Abordant ensuite les questions budgétaires, le délégué des Îles Cook déclare que les îles centrales et les îles périphériques, moins développées, ont toujours eu des conflits d’intérêts. Le budget annuel – équivalant à 100 millions de dollars en 2007 – couvre tous les secteurs, y compris la fonction publique. À la suite de la crise économique du milieu des années 1990, il y a eu des restrictions budgétaires et une restructuration des services publics, qui avaient généralement un personnel trop nombreux. Aujourd’hui, ces services publics ont une taille beaucoup plus réduite – ce qui garantit une répartition plus équitable des ressources.

La Division de la Parité et du Développement (« Gender and Development Division ») a été dotée d’un budget de base, permettant de couvrir les dépenses de personnel. Et, s’il faut financer des activités bien précises, cette division peut bénéficier d’un budget spécifique d’urgence. En fait, cet organe n’emploie qu’un ou deux agents permanents; mais, en cas de nécessité, ces derniers peuvent être assistés par des employés venus d’autres ministères. À cet égard, il faut toujours se rappeler que les Îles Cook ont une superficie très restreinte.

Dans ces îles, la collecte de données est un processus complexe. En effet, en raison de la tradition orale, il y a très peu d’archives sous forme écrite. Il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine, certes; mais le gouvernement s’est emparé de ce problème, notamment en procédant à une collecte de données concernant le tourisme, et en chargeant un consultant de fournir des données sur la maternité – entre autres domaines. M. Rasmussen ajoute que, par conséquent, il a la conviction que cette situation s’améliorera avec le temps.

Par ailleurs, le Projet de loi sur le travail s’est heurté à une opposition assez importante du secteur privé. Il n’en reste pas moins qu’étant donné l’absence de protection dans ce domaine, la nécessité de modifier la loi est évidente. Le gouvernement a subi des pressions importantes à cet égard; mais, quoi qu’il arrive, le pouvoir est résolu à faire adopter le projet de loi en question lors de la prochaine session parlementaire.

L’institution dite « House of Ariki » (Chambre des Ariki) a été créée du fait de la reconnaissance de l’importance des chefs traditionnels. En fait, cette institution a un rôle essentiellement symbolique; le gouvernement est libre d’adopter ou non le point de vue de cette chambre sur tel ou tel sujet. Toutefois, si un responsable de l’État manque à son devoir de consultation du chef local, il s’expose à ne pas être réélu. Dans ce contexte, il faut noter que l’institution dite « Koutu Nui » est plus active et plus militante.

Par le passé, il était difficile d’établir des priorités en matière d’adoption de projets de loi, dans la mesure où la préoccupation essentielle de tous les partis politiques était de se maintenir au pouvoir. Aujourd’hui, la situation a évolué du fait qu’un parti majoritaire dirige le pays.

La Constitution des Îles Cook n’établit aucune distinction entre les hommes et les femmes; elle dit simplement que tous les citoyens sont soumis aux dispositions constitutionnelles. La Constitution, qui contient des dispositions très diverses, est fréquemment invoquée au Parlement et lors des changements de gouvernement. Le délégué des Îles Cook ajoute qu’il peut parfaitement concevoir l’incorporation des dispositions de la Convention dans la législation nationale; toutefois, il faudra au préalable l’approbation du Parlement. Aux termes de la procédure traditionnelle, tout projet de loi doit être soumis à trois lectures, et c’est après la troisième lecture qu’il est finalement approuvé par le Gouverneur général.

M. Rasmussen précise enfin que, pour être adopté, tout projet de loi doit être approuvé à la majorité absolue au Parlement – lequel est l’entité juridique suprême des Îles Cook, et se réunit souvent à huis clos. Le rôle de l’opposition est de susciter le débat et de constituer un système d’équilibre et de contre-pouvoir.

La Présidente, s’exprimant en tant que membre du Comité, déclare qu’il est très important, en l’occurrence, que le Parlement prenne part à l’ensemble de ce processus, dans la mesure où, une fois adoptées, les dispositions de la Convention sont juridiquement contraignantes.

Article 3

M me Tavares da Silva souhaiterait savoir pour quelles raisons la Division chargée des questions féminines a été rebaptisée « Division de la Parité et du Développement », et, également, pour quelles raisons le mandat de cette institution ne consiste plus à traiter exclusivement des questions féminines et concerne aujourd’hui l’ensemble de la population, indépendamment des questions spécifiques de sexe ou de tranche d’âge (cf. le rapport, par. 2.11). Cette modification a-t-elle apporté une valeur ajoutée?

Tout en se félicitant des Programmes gouvernementaux sur l’égalité entre les sexes et le développement, et du Plan national de développement durable – qui fixe des objectifs spécifiques en ce qui concerne les femmes –, Mme Tavares da Silva souhaite savoir de quelle manière sont garanties la coordination et l’intégration des questions d’égalité, et qui est responsable du suivi de la mise en œuvre des programmes en question.

L’oratrice déclare enfin qu’elle aimerait savoir pour quelles raisons le rapport insiste tant sur les femmes handicapées, les jeunes filles et les jeunes femmes, alors que d’autres catégories de femmes méritent également l’attention.

M me Neubauer déclare que les ressources attribuées à l’entité aujourd’hui intitulée « Division de la Parité et du Développement » ont, semble-t-il, diminué ces dernières années. Par conséquent, elle met en doute la volonté du gouvernement de doter cette division des moyens nécessaires à l’accomplissement de son mandat. D’autre part, Mme Neubauer souhaite des précisions sur les liens entre la Division en question et le Conseil national des femmes.

M me Dairiam demande à l’État partie d’expliquer le lien entre son action visant à l’égalité entre les sexes et les activités du Conseil national des femmes. L’oratrice souhaite également savoir si les membres des services gouvernementaux ont bénéficié ou non d’une formation concernant leur obligation d’intégrer les droits de la femme, ou reçu l’ordre de rendre compte du respect de cette obligation.

Par ailleurs, le Plan national de développement durable a fixé des objectifs concernant le progrès de la condition féminine; mais il vise également à promouvoir le secteur privé en tant que moteur de la croissance économique. Cependant, faisant observer que, dans d’autres pays, les privatisations n’ont pas toujours été favorables aux droits des femmes, Mme Dairiam souhaite savoir de quelle manière l’État partie compte concilier ces objectifs apparemment conflictuels.

Article 4

M me Tavares da Silva déclare que les observations formulées par l’État partie au sujet de mesures temporaires spéciales (cf. le rapport, paragraphe 4.2) indiquent un déficit de compréhension de l’article 4 de la Convention. Il faut préciser que ce type de mesures n’a pas pour objet de négliger le principe du mérite individuel ou d’apporter une aide particulière aux femmes; ces mesures temporaires spéciales visent plutôt à compenser la discrimination dont les femmes ont fait l’objet pendant de nombreuses années, et à accélérer le changement. Par conséquent, ces mesures constituent des mécanismes tout à fait légitimes d’instauration de l’égalité et d’un certain équilibre. Dans ce contexte, la Recommandation générale no 25 fournit des explications détaillées sur les mesures temporaires spéciales et leurs modalités pratiques.

M. Rasmussen (Îles Cook) déclare que sa délégation aura besoin d’un peu plus de temps pour pouvoir répondre correctement à certaines de ces questions.

La réduction apparente du budget de la Division de la Parité et du Développement doit être vue dans un certain contexte. Le Ministère de l’Intérieur et des services sociaux dispose de quelque trois employés permanents, chargés de dépenses de protection sociale pouvant s’élever jusqu’à l’équivalent de 6 millions de dollars, alors que la Division de la parité et du développement n’emploie qu’un ou deux agents permanents opérant dans un domaine en pleine expansion; par conséquent, les employés de cette division procèdent actuellement à l’identification des besoins dans ce domaine. Ils recueillent des informations, et vont formuler des recommandations qui permettront une décision du ministre de tutelle, ou plutôt – car c’est plus souvent le cas – une décision collective du Cabinet gouvernemental. Par ailleurs, se posent spécifiquement la question des ressources financières à proprement parler, et celle de la pertinence du Plan national de développement durable. Certains organismes donateurs conditionnent l’aide qu’ils sont prêts à fournir aux Îles Cook.

Le gouvernement collabore fréquemment avec des organisations de la société civile, et la Division de la Parité et du Développement (qui fait partie du ministère de l’Intérieur et des Services sociaux) donne la priorité à sa coopération avec le Conseil national des femmes, même s’il s’agit d’une collaboration « ad hoc », dans le but de synchroniser l’action du gouvernement et celle des organisations non gouvernementales. Cela dit, une relation plus officielle entre ces différentes entités est à l’étude.

Le délégué des Îles Cook prend acte des observations de Mme Tavares da Silva au sujet des mesures temporaires spéciales et du fait que celles-ci visent principalement à remédier à la discrimination dont les femmes ont fait l’objet par le passé. Cependant, comme il est souligné dans le rapport, on préfère – aux Îles Cook - des femmes parfaitement autonomes à des femmes assistées. La délégation des Îles Cook comprend tout à fait l’esprit de l’article 4 de la Convention; d’ailleurs, le gouvernement des Îles Cook a déjà, dans certains cas, mis en œuvre des programmes de discrimination positive – notamment en vue de promouvoir la protection sociale et l’éducation des femmes, et plus particulièrement au bénéfice des femmes des îles périphériques, car ces femmes ont moins de possibilités de recevoir une éducation ou d’autres bénéfices. Par conséquent, des mesures temporaires spéciales sont prévues dans ces cas-là.

La sphère politique est considérée comme le principal domaine d’évaluation de la participation des femmes. Il n’y a pas d’aide spéciale pour les femmes souhaitant entrer en politique : de la même manière que les hommes, ces femmes doivent obtenir des soutiens, trouver elles-mêmes leur financement et faire de la publicité autour de leur nom. Toutefois, il est vrai que les partis politiques restent dominés par des hommes, qui privilégient eux-mêmes des collègues masculins. À l’heure actuelle, le Parlement compte trois femmes députées, et il en a déjà compté d’autres par le passé.

Le Ministère de l’éducation a pris une initiative, couronnée de succès, et consistant à financer le voyage et le séjour à Raratonga de lycéennes et collégiennes, afin de leur permettre de participer à une « semaine de l’emploi » sur cette île. Dans le cadre de cette initiative, la « Conférence annuelle des femmes travaillant dans le secteur des sciences et des technologies » a permis à ces lycéennes de rencontrer des femmes occupant des postes traditionnellement réservés aux hommes – notamment des emplois de contrôleur aérien, de météorologue, de policier, de médecin, de dentiste, de biologiste maritime, ou encore de spécialiste scientifique de l’environnement. D’autre part, des lycéens de sexe masculin ont pu également manifester leur intérêt pour des emplois traditionnellement féminins, tels que ceux d’infirmière ou de coiffeuse.

Par ailleurs, la « Division de la Parité et du Développement » établit actuellement une liste de candidates à des postes au sein de conseils et commissions publics. C’est là un domaine où la participation des femmes est d’ores et déjà très importante.

Le délégué des Îles Cook note également qu’une question a été posée au sujet de catégories de femmes différentes – c’est-à-dire autres que les femmes handicapées, ou encore les jeunes femmes et les jeunes filles. M. Rasmussen souligne que le rapport a également évoqué les femmes vivant dans les îles périphériques et les femmes migrantes. Des politiques sont menées dans le sens de la protection des migrantes vis-à-vis des abus ou de l’exploitation dont elles peuvent faire l’objet dans le domaine professionnel. Ce dernier aspect est tout à fait pris en compte par le gouvernement – même s’il n’est pas évoqué par le rapport.

Article 5

M me Gaspard demande si le rapport sur l’application de la Convention a contribué au progrès de la condition féminine, ou à une prise de conscience de la discrimination dont les femmes peuvent faire l’objet.

En ce qui concerne les stéréotypes, la notion de respect de la culture et des traditions locales est souvent invoquée pour justifier la discrimination – et notamment la discrimination à l’égard des femmes. Mme Gaspard déclare à ce sujet que la culture et les traditions locales peuvent parfaitement évoluer; d’ailleurs, le rapport évoque le changement du statut des femmes, dû à l’arrivée de missionnaires.

L’oratrice demande des informations supplémentaires au sujet de l’action gouvernementale à l’égard du problème des stéréotypes. Mme Gaspard considère que les stéréotypes négatifs véhiculés au sujet des femmes ont des conséquences non seulement en ce qui concerne leur position minoritaire vis-à-vis des postes de responsabilité, mais aussi en termes de violence. L’oratrice demande, par conséquent, quel type d’action entreprend le gouvernement des Îles Cook en vue de garantir le traitement égalitaire des hommes et des femmes.

M me Begum se félicite de l’initiative du gouvernement des Îles Cook ayant consisté à donner aux programmes de sciences et de sciences sociales un contenu plus neutre en ce qui concerne le traitement des hommes et des femmes; mais elle fait néanmoins observer que les stéréotypes et les comportements qui y sont liés sont toujours vivaces dans ces îles. La place des femmes dans le monde du travail reste liée aux stéréotypes; par exemple, les femmes sont socialement conditionnées à accepter le harcèlement sexuel, et il n’existe aucun recours juridique pour y remédier. De même, il n’existe pas de loi qui protège les personnes de tout acte de violence domestique – alors qu’il s’agit du type de délit le plus courant aux Îles Cook.

L’insuffisance de l’aide, au niveau juridique, constitue un autre aspect du déficit de protection des victimes potentielles. Le « viol conjugal » n’est pas reconnu comme un délit, et l’augmentation des violences sexuelles à l’égard des femmes est un facteur majeur de stress et de dépression, chez les femmes. Mme Begum demande par conséquent si le gouvernement envisage une législation contre le harcèlement et les violences sexuels – texte de loi qui permettrait de protéger les femmes des préjugés, des comportements liés aux stéréotypes et de la violence en général. L’oratrice demande des précisions sur tout mécanisme de protection des victimes et tout service d’aide pouvant exister. Elle ajoute qu’il serait également intéressant d’avoir des précisions sur le rôle du Médiateur en matière de réduction de la violence, et de connaître plus précisément, aussi, le nombre de plaintes déposées cette année, dans ce domaine. Enfin, Mme Begum souhaite savoir s’il existe des programmes de formation des magistrats, des policiers et des responsables de la loi et de l’ordre en vue de les sensibiliser à la question de l’égalité entre les sexes, aux droits de l’homme en général, et aux stéréotypes.

M me Simms déclare que les stéréotypes subsistent même lorsqu’il existe un cadre législatif très progressiste. Certains stéréotypes sont préservés au nom de la culture et des traditions – par exemple en ce qui concerne l’accès des femmes à la propriété de certaines terres. Dans l’île de Pukapuka, les femmes ont de graves problèmes de santé étant donné qu’elles travaillent traditionnellement dans les zones marécageuses de « taro » - si bien qu’aujourd’hui, les femmes demandent aux hommes de les assister dans ce type d’emploi. Toutefois – ajoute Mme Simms –, l’éventualité de partager avec les hommes ce type de problème de santé n’est probablement pas la meilleure solution, en l’occurrence; par conséquent, le gouvernement des Îles Cook devrait prendre en compte son obligation d’éduquer la population au sujet des questions environnementales et de celles liées au principe d’égalité entre les sexes.

En ce qui concerne les mesures temporaires spéciales et les stéréotypes, Mme Simms considère comme surprenant le fait que tous les magistrats des Îles Cook – y compris la première magistrate qui ait été nommée – soient des ressortissants néo-zélandais. L’oratrice se demande s’il s’agit là d’une obligation fixée par la loi des Îles Cook – législation conforme au modèle du Parlement de Westminster. Mme Simms se déclare convaincue que l’on doit pouvoir trouver des magistrats parmi les nombreux ressortissants des Îles Cook vivant en Nouvelle-Zélande et ayant bénéficié de l’excellent système éducatif néo-zélandais.

Par ailleurs, l’oratrice note que le tourisme se développe aux Îles Cook, et demande quelles mesures sont prises, éventuellement, pour lutter contre les stéréotypes sexuels liés aux « filles des îles » du Pacifique et des Caraïbes. Le cas apparemment unique – dont fait état le rapport - de poursuites judiciaires à l’encontre d’un touriste n’est peut-être que la partie visible de l’iceberg.

La Présidente, s’exprimant en tant que membre du Comité, déclare que l’État partie a l’obligation de prévenir la violence à l’égard des femmes, de protéger les femmes de tout acte de violence, de poursuivre en justice les auteurs de telles violences et d’indemniser les victimes. La Présidente ajoute que la nouvelle législation des Îles Cook devrait se conformer à la recommandation générale no 19 du Comité, concernant la violence à l’égard des femmes, et, peut-être aussi, se fonder sur les recommandations spécifiques du rapport récent du Secrétaire général des Nations Unies sur la violence à l’égard des femmes (A/61/122/Add.1).

La Présidente demande également des informations supplémentaires au sujet de la recommandation formulée par le Centre de conseil des femmes des Îles Cook, et disant que la notion de viol devrait être élargie, afin d’englober celle de « viol conjugal ». La Présidente souhaite savoir quels types d’ordonnances de protection existent éventuellement aux Îles Cook, dans ce domaine, et, dans l’affirmative, avec quelle fréquence les autorités y ont recours. Elle demande également s’il est facile, pour les femmes, d’obtenir ce type de mesures. La Présidente déclare encore qu’il serait également intéressant de connaître toute autre mesure envisagée par les autorités des Îles Cook en vue de protéger les femmes des actes de violence. Elle demande s’il est procédé à la collecte de données statistiques dans ce domaine – dans la mesure où ce type de données est très important pour fournir une idée précise des conséquences de la violence pour les femmes et des mesures préventives qui s’imposent dans ce domaine. La Présidente souligne, à cet égard, que très rares sont les pays qui réunissent des chiffres précis en ce qui concerne, par exemple, le nombre annuel d’assassinats de femmes par leur époux ou leur ex-mari.

M. Rasmussen (Îles Cook), évoquant l’idée selon laquelle la culture et les traditions servent d’alibis pour justifier la discrimination à l’égard des femmes, précise que ces questions, posées par des membres du Comité, concernent en fait des aspects auxquels la population des Îles Cook est très sensible. Le délégué des Îles Cook ajoute que la culture a toujours été le fondement de l’identité locale, et que les traditions culturelles de ces îles ont toujours fait partie intégrante, très profondément, de l’éducation et de la personnalité intime des populations qui y sont nées. Ainsi, le lien à la terre natale est, très profondément, d’ordre spirituel – et cela est valable pour l’ensemble de la Polynésie. On peut dire, par conséquent, que l’identité des habitants des Îles Cook se forge à travers un processus assez complexe – la mentalité de ces personnes étant tout à fait spécifique, voire unique. À cet égard, M. Rasmussen cite l’exemple de la femme traditionnelle des Îles Cook, qui a un pouvoir de décision très important – phénomène constatable dans toute la Polynésie, et notamment aux Îles Samoa, Tonga et Tokélaou; M. Rasmussen ajoute que l’esprit de ces femmes est profondément lié aux valeurs transmises et bien implantées dans toutes ces îles. Cependant, les faits et l’identité culturels peuvent évoluer. Ainsi, l’arrivée de missionnaires chrétiens aux Îles Cook a contribué à modifier la culture ambiante, dans une certaine mesure. L’un des changements dus à cette situation nouvelle a été, par exemple, la fréquentation des églises, qui, désormais, fait partie intégrante de la vie des habitants – et ce, non seulement sur le plan strictement religieux, mais aussi – et peut-être surtout – dans le cadre des relations et de la cohésion sociales.

Il n’en reste pas moins que le gouvernement des Îles Cook est tout à fait conscient des dangers que constituent les stéréotypes négatifs. Il s’agit notamment d’identifier les concepts qui contribuent à perpétuer ces stéréotypes hostiles à la femme. C’est certainement une tâche considérable que de tenter d’éliminer ces idées toutes faites; néanmoins, le gouvernement des Îles Cook s’y efforce. Il explore différentes voies possibles dans ce domaine – à commencer par la réforme législative et les recours en justice.

En réponse à la question sur les stéréotypes négatifs dans des secteurs tels que l’éducation, le délégué des Îles Cook fait observer que, dans son pays, les programmes scolaires sont alignés sur ceux de la Nouvelle-Zélande. Les enseignants et les élèves utilisent les mêmes manuels scolaires qu’en Nouvelle-Zélande, et l’on peut dire que ces livres scolaires ne véhiculent pas de clichés. Dans le cadre de leur formation, les futurs enseignants des Îles Cook suivent un ensemble de cours sur le développement de la personne humaine – l’une des composantes de cet ensemble portant précisément sur l’éducation relative à l’égalité entre les sexes. Dans ce contexte, on étudie les obstacles susceptibles d’empêcher un accès égal à l’éducation, et les structures sociales pouvant favoriser les pratiques discriminatoires; on explore également les moyens de remédier à ce type de situation. Cependant – ajoute M. Rasmussen -, il faut reconnaître qu’en termes de formation, il y a encore du chemin à parcourir pour éliminer les stéréotypes en question.

Il faut dire également que, culturellement parlant, les Îles Cook ne sont pas uniformes, et que l’on y trouve, au contraire, toute une gamme d’expressions et de valeurs culturelles. Sur l’une des îles, le système traditionnel en vigueur veut que ce soit les femmes qui cultivent la terre – et cela explique, d’ailleurs, que les femmes travaillent dans les zones marécageuses de « taro ». On ne peut pas simplement ordonner aux habitants des îles de modifier leur point de vue sur ces valeurs et traditions; mais, par sa politique d’éveil de la conscience féminine et d’élimination des discriminations à l’égard des femmes, le pouvoir peut certainement exercer une influence. Quant à la question spécifique de l’action du gouvernement en vue de répondre aux préoccupations de santé des femmes, M. Rasmussen souligne qu’aujourd’hui, la population des îles périphériques est relativement restreinte - et de plus en plus réduite, d’ailleurs. Attirés par les possibilités plus importantes qui s’offrent ailleurs – et notamment en Nouvelle-Zélande – en matière d’éducation, de santé et de protection sociale, les habitants de ces îles s’exilent en grand nombre. Le gouvernement s’efforce d’inciter la population de ces îles à rester sur place – par exemple en créant des postes de médecin dans ces territoires, ou encore en y améliorant les infrastructures; mais la tendance au dépeuplement se poursuit bel et bien.

En ce qui concerne l’absence de tout arsenal juridique qui permettrait de lutter contre le viol, le viol conjugal ou les violences domestiques, ainsi que l’insuffisance de l’aide juridictionnelle, le délégué des Îles Cook précise que, dans le cadre de la réforme législative initiée par le gouvernement, on peut noter l’action d’une commission chargée d’harmoniser la législation nationale et les dispositions de la Convention. Étant donné que, dans ce domaine, on part pratiquement du néant, il sera relativement facile d’intégrer les obligations fixées par la Convention.

Par ailleurs, jusqu’à une date récente, la population avait le sentiment que l’action de la police était insuffisante en ce qui concernait les cambriolages ou les actes de violence – y compris la violence domestique. À cet égard, la police a affirmé être sous-équipée; mais, au moins en ce qui concerne Rarotonga, on peut dire que cette île dispose de forces de police relativement importantes, et que le gouvernement des Îles Cook a jugé ces contingents passablement inactifs. Aussi les autorités ont-elles ordonné une étude objective du fonctionnement des forces de police. Cela a abouti à un ensemble de recommandations très diverses : ainsi, on a pu nommer un Chef de la Police venant de l’extérieur et faisant preuve de neutralité. Quant à la question de savoir pour quelles raisons les juges et les magistrats viennent de Nouvelle-Zélande, M. Rasmussen précise qu’étant donné l’importance des liens familiaux et parentaux aux Îles Cook, le gouvernement a craint que des juges ou un Directeur de la police qui émaneraient directement de la population des îles ne puissent pas être impartiaux.

D’autre part, des programmes de formation ont été mis en place à l’intention des personnels judiciaires et policiers. En ce qui concerne les juges de paix – postes qui, récemment, ont souvent été confiés à des femmes -, des ateliers ont été organisés aux Îles Fidji, en Nouvelle-Zélande et en Australie, afin d’étudier les questions de juridiction, de violence domestique, ou encore d’application de la Loi sur la criminalité. De plus, une unité chargée des questions de violence domestique a été créée au sein de la police : elle forme régulièrement les officiers de police qui sont en première ligne dans ce domaine.

Les chiffres concernant la violence domestique indiquent un léger recul ces trois dernières années : dans ce domaine, le nombre de cas répertoriés a été respectivement de 151, 145 et 116. Dans le cadre du système juridique des Îles Cook, il existe des ordonnances visant à protéger les femmes de toute violence de ce type. On peut ainsi décider de soustraire une femme aux rapports violents que peut lui infliger son compagnon et la placer sous la protection de sa famille ou d’une autorité donnée; ce type d’instrument juridique peut aussi permettre, par exemple, de fixer une distance géographique entre la femme et son compagnon – distance que ce dernier doit respecter. Malheureusement, sur un territoire aussi restreint que peut l’être chacune des îles Cook, il risque d’être impossible, concrètement, de respecter la distance en question. Chacun reconnaît que ce système a de graves lacunes ou dysfonctionnements, dans la mesure où les ordonnances de protection ne sont pas respectées dans de nombreux cas, et où les institutions publiques chargées de faire appliquer les décisions en question n’interviennent pas aussi rapidement qu’elles le devraient. De plus, il est impossible d’établir ce type d’ordonnance pendant le week-end – même si l’on peut légalement délivrer une ordonnance de « non-harcèlement », valable jusqu’au lundi matin, c’est-à-dire jusqu’à la réouverture du service du ministère de la Justice concerné. Le délégué des Îles Cook déclare enfin qu’il espère que, grâce à l’évolution des réglementations et au nouvel accent placé sur le respect de l’ordre et l’efficacité de la justice, les choses pourront s’améliorer.

La Présidente rappelle que le gouvernement néo-zélandais a récemment nommé un groupe de mission sur les violences faites aux femmes, et que ce groupe doit étudier tous les cas de meurtre d’une femme par son ex-mari, et examiner l’ensemble de la législation des Îles Cook concernant les violences domestiques. La Présidente ajoute que cela pourra faire l’objet d’un accord bilatéral entre les Îles Cook et la Nouvelle-Zélande.

Article 6

M. Flinterman, notant que la Loi sur la criminalité de 1969 contient une disposition visant à pénaliser l’esclavage et le commerce d’esclaves, demande si ce texte pourrait servir de base en ce qui concerne la poursuite en justice des auteurs d’actes d’esclavage modernes, tels que la traite des femmes. À cet égard, M. Flinterman note également que cette loi sur la criminalité pénalise non seulement le proxénétisme – en accord total avec les dispositions de la Convention -, mais aussi les prostituées elles-mêmes. L’orateur demande si cette dernière disposition est effectivement appliquée, et, dans l’affirmative, quelle action est menée en vue d’aider les anciennes prostituées – par exemple, des mesures qui les aideraient à trouver un autre type de métier. Toujours dans ce domaine, M. Flinterman se demande pour quelle raison le gouvernement des Îles Cook a choisi de ne pas pénaliser l’achat d’une prestation sexuelle. Par ailleurs, le rapport précisait qu’un ensemble de réformes législatives avait été adopté en matière de sécurité et de traite d’êtres humains; mais les réponses apportées à la liste de questions du Comité (document CEDAW/C/COK/Q/1/Add.1) ont indiqué que les nouvelles lois n’étaient pas encore appliquées. M. Flinterman demande enfin si les nouveaux textes de loi prévoient une aide aux victimes des traites.

M. Flinterman précise enfin que le rapport a également indiqué que les autorités des Îles Cook ne disposaient pas de données fiables au sujet de la prostitution organisée – du fait qu’aucune recherche n’avait été effectuée dans ce domaine -, et que la police ne considérait pas la prostitution organisée comme un véritable problème. L’orateur ajoute que cela est surprenant, étant donné l’importance de l’activité touristique aux Îles Cook.

M. Rasmussen (Îles Cook) déclare que, dans son pays, la prostitution n’a pas été légalisée. C’est un phénomène quasiment imperceptible – même si l’on ne peut pas en nier l’existence. Il est vrai que le tourisme favorise la pratique de la prostitution; d’ailleurs, le gouvernement a pris des mesures – non pas tant pour éliminer la prostitution que pour prévenir la diffusion du sida; ces deux dernières années ont été marquées par des avancées majeures en matière d’éducation et de sensibilisation de la population à cette maladie.

Aux Îles Cook, les lois relatives à l’immigration permettent à tout visiteur étranger d’entrer sur le territoire sans visa. Il n’y a aucun « filtrage » - excepté en ce qui concerne les condamnations criminelles; en d’autres termes, toute personne titulaire d’un passeport valable a le droit de visiter les îles et d’y séjourner pendant 30 jours. Cependant, préoccupé par le fait que cette liberté d’accès peut encourager des personnes à faire du « tourisme sexuel » aux Îles Cook, le gouvernement s’efforce de mettre en place une nouvelle politique de l’immigration et de nouvelles lois dans ce domaine. Les prétendues « performances » des femmes, liées à la culture locale et au stéréotype des jeunes filles « houla » peu vêtues, constituent une forme de provocation. Le pays tente de s’éloigner de cette image toute faite et de promouvoir une nouvelle facette des îles, davantage fondée sur l’authenticité. Bon nombre de touristes sont déjà venus une ou deux fois aux Îles Cook; ils aiment y revenir pour l’atmosphère décontractée qui y règne. Mais le gouvernement souhaite leur faire comprendre que les habitants des îles sont avant tout des êtres humains et non pas des objets à exploiter. Certes, il est regrettable de ne pas disposer de statistiques sur la prostitution; cependant, les autorités savent que cette réalité est connue des équipages des navires de croisière. Le gouvernement est très vigilant vis-à-vis du phénomène de la prostitution, et a déjà progressé sur la voie d’une réglementation. Les anciennes autorités ont été malheureusement inefficaces dans ce domaine, pendant plusieurs années; par conséquent, le gouvernement veut avoir une vision nouvelle du problème.

La séance est levée à 13 heures.