Vingt-sixième session

Compte rendu analytique de la 557e séance

Tenue au Siège, à New York, le vendredi 7 juin 2002, à 10 h 30

Présidente:Mme Abaka

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties au titre de l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième rapport périodiques combinés du Suriname

La séance est ouverte à 10 h 55.

Examen des rapports présentés par les États partiesau titre de l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième rapport périodiques combinés du Suriname (CEDAW/C/SUR/1 et 2)

À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation du Suriname prennent place à la table du Comité.

M me  Joella-Sewnundun (Suriname), en sa qualité de Ministre de l’intérieur chargée de la politique en matière d’égalité des sexes, se félicite de l’occasion qui lui est offerte d’engager un dialogue avec le Comité sur la mise en œuvre de la Convention dans son pays. La Convention est entrée en vigueur au Suriname le 31 mars 1993. Le rapport dont le Comité est saisi, couvrant la période qui s’étend de 1993 à 1998, a été rédigé grâce à un large appui du Gouvernement et d’organisations non gouvernementales. Il convient cependant de noter l’accessibilité limitée à des statistiques fiables.

Le Gouvernement attache une grande importance à l’intégration des femmes au développement et à la politique en matière d’égalité des sexes. Il a par ailleurs adopté un plan d’action complet sur l’égalité des sexes pour la période 2000-2005. Il a également participé au Plan d’action de suivi à Beijing adopté par la Communauté des Caraïbes (CARICOM). Un système de gestion sexospécifique a été mis sur pied afin d’implanter la perspective sexospécifique dans les divers ministères et une commission sur la législation relative aux femmes a été créée en août 2001. Le Suriname a également ratifié la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme.

Après avoir tracé les grandes lignes des conditions socioéconomiques et de l’histoire politique du Suriname pour expliquer le cadre général dans lequel la politique sur l’égalité des sexes a été mise en œuvre, Mme Joella-Sewnundun ajoute que la grave crise économique que connaît le Suriname a eu un impact sur toutes les couches de la population et, notamment, sur la politique en matière d’égalité des sexes et la vie quotidienne des femmes. La Constitution contient une disposition définissant la discrimination, mais sans mention spécifique au sexe. Le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes a également été intégré à la Constitution. Cependant, la loi ne prévoit pas d’institution particulière vers laquelle les femmes peuvent se tourner en cas de discrimination fondée sur le sexe. En janvier 1998, le Bureau national des affaires féminines a été annexé au Ministère de l’intérieur. Il a été chargé de l’élaboration et de l’application d’une politique en matière d’égalité des sexes et de promotion des droits de la femme. Ainsi, les femmes qui sont victimes d’actes de discrimination fondée sur le sexe pourront en saisir les tribunaux ordinaires, conformément à la Constitution.

On s’est de plus en plus intéressé à la situation des femmes depuis la quatrième Conférence mondiale sur les femmes en 1995, notamment les recommandations du Programme d’action de Beijing sur la réduction de la pauvreté, les femmes et l’économie, les femmes et la santé, les femmes et les médias et la violence à l’égard des femmes. Les initiatives mises de l’avant depuis la Conférence de Beijing comprennent une formation à l’intention des organisations féminines nationales et des médias, une formation professionnelle à l’intention des femmes intéressées à la vie politique, le lancement d’un programme du Fonds des Nations Unies pour les femmes (FNUAP) en 1998 et une révision de la législation nationale à la lumière des conventions internationales.

Il n’y a aucun obstacle légal à la participation des femmes à la vie politique et à la prise de décisions, mais seule une faible proportion, environ 10 %, y participent. Le Gouvernement a lancé un certain nombre de programmes d’information et de formation afin de promouvoir leur participation. La situation à cet égard s’est légèrement améliorée à la suite des dernières élections. Trois postes d’ambassadeur et celui de ministre des affaires étrangères sont maintenant occupés par des femmes.

L’éducation à tous les niveaux est financée par l’État et est gratuite pour tous, mais la situation risque de changer par suite de la récente crise économique. Il sera nécessaire de mener des études pour déterminer les causes du taux d’abandon élevé qui est d’environ 50 %. Par ailleurs, les filles qui quittent l’école à cause d’une grossesse ont la possibilité de participer à des programmes qui visent à les encourager à terminer leurs études.

Le Suriname dispose d’un système de santé publique raisonnablement bien développé. Cependant, on constate, depuis le début des années 90, que l’accès aux établissements médicaux a été réduit en raison de la pauvreté croissante. En vertu du Code pénal, l’avortement est un acte répréhensible, bien que les avortements illégaux soient tolérés. Aucune donnée n’est disponible sur les avortements ayant donné lieu à des complications. Les contraceptifs et les prophylactiques sont disponibles dans tout le pays auprès des services de santé régionaux. Les contraceptifs oraux constituent la méthode de planification de la famille la plus courante, mais l’utilisation du préservatif est encouragée vu la progression du VIH/sida. À ce jour, on compte près de 6 000 personnes séropositives, la majorité étant des jeunes âgés de 15 à 29 ans. Les femmes sont davantage contaminées que les hommes. Les filles sont contaminées à un âge plus précoce, probablement à cause de la différence d’âge traditionnelle entre garçons et filles qui ont des rapports sexuels. Les jeunes femmes et les travailleuses de l’industrie du sexe constituent un groupe à haut risque, et c’est pourquoi on leur accorde un rang de priorité élevé dans l’action gouvernementale. Certaines activités préventives à l’intention des femmes sont financées à même le budget ordinaire et par des donateurs étrangers.

En ce qui concerne la violence à l’égard des femmes, elle fait remarquer que la Constitution garantit le droit à l’intégrité physique, mentale et morale et interdit la torture ou les traitements ou châtiments dégradants ou inhumains. Des études ont démontré qu’en 1993, 94 % des rapports de police portaient sur des mauvais traitements, infligés notamment à des femmes par leur mari ou leur partenaire. Un certain nombre d’organisations non gouvernementales, notamment la section surinamaise de l’Association antillaise pour la recherche et l’action féministes (CAFRA), la fondation Refuge pour les femmes en situation de crise (STICRIS) et le Bureau d’assistance juridique pour les femmes Henar-Hewit, sont vouées à l’élimination de la violence.

La politique actuelle du Gouvernement sur la violence à l’égard des femmes met l’accent sur la protection des femmes et des enfants contre la violence physique et psychologique, la restauration de la dignité des femmes victimes de violence et la prévention de la violence. Divers ministères ont joué un rôle dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes et des enfants. Le Ministère de la justice et de la police a pris part à toutes les commissions chargées de la révision législative. Le Bureau national des affaires féminines du Ministère de l’intérieur est chargé des activités visant à offrir des soins, des conseils et des programmes de formation, et il parraine le réseau national sur la violence à l’égard des femmes. Le Ministère des affaires sociales et du logement fournit une aide matérielle aux victimes dans le besoin.

En 2000, des parlementaires ont participé à des sessions de formation dont l’objectif était de les aider à légiférer sur la promotion des droits des femmes et la lutte contre la violence à l’égard des femmes. En 2001, le Ministère de l’intérieur a mis en place la Commission sur la législation relative aux femmes qui a été chargée de rédiger une nouvelle législation. En outre, le Suriname a mené une évaluation de sa législation conformément aux dispositions de la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence à l’égard des femmes (la Convention de Belem do Pará) à laquelle il est partie.

Comme le rapport l’a démontré, la politique nationale en matière d’égalité des sexes couvre tous les domaines de la Convention. De plus, la société civile joue un rôle structurel majeur dans la formulation et l’application de la politique en matière d’égalité des sexes. Enfin, Mme Joella-Sewnundun ajoute que le Gouvernement a fait appel à une organisation féminine pour mener de larges consultations auprès d’organismes gouvernementaux et non gouvernementaux et d’autres institutions et acteurs concernés par la préparation du rapport.

La Présidente se félicite que le Gouvernement du Suriname ait ratifié la Convention sans réserve. Elle ajoute que le rapport avait été préparé en collaboration avec la société civile et des organisations non gouvernementales. Le rapport est franc et détaillé, mais sa présentation a été très tardive, et la plupart des données qu’il contient sont soit dépassées, soit insuffisantes. Elle salue, toutefois, la présence au sein de la délégation de hauts responsables du Gouvernement.

M me  González se dit heureuse d’apprendre que le troisième rapport périodique du Suriname sera présenté en 2003, et elle attend avec impatience les nouvelles informations et données qu’il contiendra. Certes, les observations préliminaires de la délégation ont apporté quelques nouvelles précisions, mais le rapport ne décrit pas suffisamment la situation au Suriname, compte tenu du fait que la plupart des données qui y figurent sont dépassées. Elle accueille avec satisfaction les programmes qui ont été lancés pour faire suite à la Déclaration et au Programme d’action de Beijing et à la Convention de Belem do Pará. De plus, elle se félicite de la création du Bureau national des affaires féminines du Ministère de l’intérieur. À cet égard, elle aimerait savoir comment fonctionnent les organes nationaux responsables des questions relatives aux femmes et comment s’y intègre la Commission sur la législation relative aux femmes. À son avis, il serait utile de savoir comment les conditions d’adhésion à la Commission sont déterminées, comment les membres sont sélectionnés ou nommés et si ces derniers ne font que rédiger de nouvelles lois ou s’ils révisent aussi des lois existantes.

La délégation ayant fait remarquer que l’accès des femmes aux moyens de production et à la vie politique était entravé par des facteurs sociologiques et culturels, elle souhaiterait plus de précisions sur le concept traditionnel de la féminité dans le pays. Quels sont les rôles respectifs des femmes et des hommes?

M. Melander rend hommage au Suriname pour sa ratification de nombreux instruments importants relatifs aux droits de l’homme. Il se demande si le Suriname a aussi l’intention de devenir partie à la Convention No 100 de l’Organisation internationale du Travail concernant l’égalité de rémunération entre la main-d’œuvre masculine et la main-d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale, la Convention No 111 concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession et la Convention No 156 concernant l’égalité de chances et de traitement pour les travailleurs des deux sexes : travailleurs ayant des responsabilités familiales.

Il serait utile de savoir si la Convention est directement applicable par les tribunaux ou si elle doit être incorporée dans la législation nationale avant d’être appliquée.

Notant que le Gouvernement avait adopté le Plan d’action complet sur l’égalité des sexes, il désire savoir si ce dernier a aussi élaboré un plan d’action plus large sur les droits de l’homme. Des précisions d’ordre plus général seraient souhaitables pour ce qui est des mesures et des programmes relatifs aux droits de l’homme.

La délégation a fait mention de séances de formation destinées aux parlementaires. À cet égard, l’orateur aimerait savoir si une formation semblable est offerte aux procureurs, aux juges et aux policiers. Enfin, il désire savoir combien de femmes occupent des postes de procureur et de juge au Suriname.

M me  Achmad considère que le rapport aborde la question des droits des femmes d’une manière protectrice et axée sur la victime. D’après les observations préliminaires de la délégation, tout porte à croire que le Gouvernement a maintenant adopté une stratégie plus globale, corrective et structurelle de la question sexospécifique, en mettant l’accent sur la modification des lois et des comportements. Elle espère que le prochain rapport reflétera ce changement fondamental.

Article 2

M me  Schöpp-Schilling fait observer qu’il existe au Suriname de nombreuses lois dont le contenu est directement et manifestement discriminatoire à l’égard des femmes. Le Suriname a ratifié la Convention en 1992. En dépit du fait que l’article 2 de cet instrument demandait aux État parties de modifier leur législation sans délai, le Gouvernement n’a entrepris que tout récemment la réforme de sa législation. Il serait utile de savoir si, de l’avis de la délégation, il y a une volonté politique d’agir dans ce sens. En outre, elle souhaiterait savoir si la Commission sur la législation en matière d’égalité des sexes permet de réviser et de modifier la législation existante, une tâche importante et nécessaire, et si le calendrier de ses travaux a été établi. À cet égard, elle se demande si le Gouvernement s’est fixé un délai pour conformer sa législation à la Convention. De plus, il serait intéressant de savoir si l’amendement de 1993 apporté au Code pénal, qui incorpore le terme « sexes » dans les articles existants, a été adopté.

Elle se demande également si le Gouvernement envisage l’adoption d’une législation de base sur la non-discrimination et l’égalité des chances, en utilisant la Convention comme modèle, et s’il prévoit la mise en place de campagnes d’éducation et d’information pour renseigner le public sur la Convention. Si certains secteurs de la société du Suriname ne sont pas prêts au changement, il n’en demeure pas moins que le Gouvernement doit mettre en œuvre des mesures propres à sensibiliser la population et à dépasser les idées traditionnelles.

M me  Kwaku souscrit aux préoccupations de Mme Schöpp-Schilling sur la révision de certaines lois discriminatoires à l’égard des femmes en vertu de l’alinéa f) de l’article 2 de la Convention.

M me  Livingstone Raday, ajoutant sa voix à celles de Mme Kwaku et de Mme Schöpp-Schilling, souhaite poser deux questions à la délégation du Suriname en matière de législation. Premièrement, elle conclut que l’abrogation des lois discriminatoires à l’égard des femmes serait une affaire simple et sans équivoque pour le Parlement de ce pays, d’autant plus que, dans la pratique, plusieurs de ces lois sont devenues obsolètes. Cependant, l’absence de mesures concrètes semble démontrer un manque de volonté politique et le caractère antiéducatif de la politique gouvernementale, ce qui laisse entendre qu’on n’a pas d’objection à ce qu’une législation de ce genre subsiste. Deuxièmement, elle se demande si les femmes qui font l’objet de discrimination ont accès à des recours juridiques. Les femmes jouissent bien de droits en vertu de la Constitution, mais il ne semble pas y avoir de moyen pour faire appliquer ces droits. Elle demande pourquoi l’Institut national pour la promotion et la protection des obligations et des droits de l’homme fondamentaux qui avait été créé en 1985 et avait l’autorité d’enquêter sur des plaintes alléguant des violations des droits de l’homme n’avait pas vraiment fonctionné depuis 1995. Il est mentionné dans le rapport que les femmes pouvaient exercer un recours devant les tribunaux ordinaires en dernier ressort. Elle souhaiterait savoir ce que cela signifie en pratique. Elle se demande si l’arriéré des affaires, comme le décrit le rapport, gênait le travail de ces tribunaux.

M me  Hazelle souhaite savoir premièrement, tout comme Mme Schöpp-Schilling, pourquoi le nouveau projet de code pénal dont a été saisi le Conseil d’État pour examen en 1993 était encore au point mort et si cette situation signifiait qu’on ne le considérait pas comme prioritaire. Deuxièmement, compte tenu du fait que l’Institut national pour la promotion et la protection des obligations et des droits de l’homme fondamentaux n’était pas fonctionnel, elle se demande quels sont les recours juridiques pour les femmes victimes de discrimination et si la reprise des activités de l’Institut était prévue. Troisièmement, comme Mme Raday, elle constate que l’inaction dans le domaine législatif est symptomatique de l’absence de volonté politique.

M me  González partage les préoccupations exprimées au sujet de la législation secondaire du Suriname et de sa compatibilité avec la Constitution et la Convention. Sa question porte précisément sur l’assertion du rapport selon laquelle les contradictions pourraient s’expliquer par chronologie, à savoir que la Constitution du pays et la Convention sont plus récentes que la législation secondaire en question. À son avis, il est urgent de mettre en place une réforme pour éliminer ce problème. Elle cite le principe général selon lequel une nouvelle législation pourrait remplacer l’ancienne.

Article 3

M me  Schöpp-Schilling salue les initiatives du Suriname, en collaboration avec d’autres pays des Caraïbes, en vue de mettre en œuvre le Programme d’action de Beijing. Elle souhaite savoir quels objectifs, calendriers et crédits budgétaires précis ont été affectés à ces initiatives. À son avis, il est arrivé très souvent que des unités mises en place pour traduire les engagements de la Conférence de Beijing en action ne soient jamais parvenues à fonctionner de manière adéquate.

M me  Kwaku abonde dans le sens de Mme Schöpp-Schilling et constate une contradiction dans la référence du rapport. D’une part, il y est question d’un accès égal, en vertu de la législation, au développement politique et économique, à l’aide sociale, aux soins de santé et à l’éducation et, d’autre part (et dans la phrase suivante), de structures sociales sexistes profondément enracinées qui restreignent l’égalité d’accès. Elle demande quelles contre-mesures ont été mises en place. Elle note que le rapport dresse la liste des nombreux accords internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels le Suriname est partie et qu’il y est affirmé que, par conséquent, aucune violation de ces accords ne sera tolérée. Elle comprend bien qu’il s’agit là du cas de jure, mais elle doute que ce puisse être le cas de facto, et demande si des informations sont disponibles sur la situation précise sur le terrain.

M me  Shin accueille avec satisfaction les précisions supplémentaires apportées dans la présentation orale de la délégation. Elle souligne que l’article 3 de la Convention oblige les États parties à prendre toutes les mesures appropriées, dans tous les domaines, y compris la législation, pour promouvoir l’amélioration de la condition des femmes et la jouissance de leurs droits humains et de leurs libertés fondamentales. Cette obligation commande un engagement politique ferme et de haut niveau, un plan d’action national doté d’un financement approprié et la collecte de données ventilées par sexe. La présentation orale de la délégation faisait référence à l’établissement d’un système de gestion sexospécifique pour coordonner les activités fondées sur le sexe des divers ministères gouvernementaux et poursuivre l’intégration d’une perspective sexospécifique. Elle se demande comment fonctionne ce système, quelles sont les modalités de coordination entre le Ministère de l’intérieur et son Bureau national des affaires féminines et d’autres ministères, si tous les ministères ou seuls les ministères sélectionnés sont impliqués dans le processus et à quel niveau se situe le pouvoir décisionnel. Elle se félicite de la mise en place d’un Plan d’action complet sur l’égalité des sexes pour la période 2000-2005 et elle souhaiterait en obtenir une copie. Elle demande des précisions sur l’importance que le Gouvernement accorde à ce plan par rapport à d’autres plans et sur les ressources qui lui sont allouées dans le budget, par exemple, par comparaison aux ressources qui étaient allouées aux questions concernant les femmes avant l’entrée en vigueur du Plan.

M me  Tavares da Silva fait observer que d’autres se sont déjà attardés sur l’écart entre la législation et la réalité concernant l’article 3 de la Convention. Elle indique que la délégation a associé la situation principalement aux structures sociales pour expliquer pourquoi, par exemple, les mères adolescentes avaient de la difficulté à retourner à l’école et que les femmes n’avaient pas de chances égales sur le marché du travail et dans la vie politique. Quelques réponses ont été apportées à cette situation dans le cadre du Plan d’action complet sur l’égalité des sexes et les initiatives d’intégration d’une perspective sexospécifique, mais elle se demande pourquoi, puisque les stéréotypes sexistes sont si profondément enracinés, des mesures plus radicales n’avaient pas été prises. Les articles 3 et 4 de la Convention sont logiquement liés, à savoir que des mesures temporaires spéciales visant à accélérer de facto l’égalité entre les hommes et les femmes sont une façon d’apporter des changements rapides. Elle s’étonne donc de la réticence apparente du Suriname à utiliser ces méthodes et demande quelles en sont les raisons.

M me  Gaspard se réjouit de voir que le rapport du Suriname a été présenté par une délégation de haut niveau dont une femme ministre et une représentante permanente. Malgré les difficultés du pays à réaliser l’égalité des sexes, il est évident que les femmes occupant des postes de responsabilité politique peuvent servir de modèles. Elle est préoccupée de voir que le rapport ne fait référence à aucun mécanisme pour faire appliquer l’égalité des sexes, alors que la délégation, dans sa présentation orale, faisait mention du Bureau national des affaires féminines. Elle cherche à savoir quelles ressources financières et humaines ont été allouées à ce bureau. La participation de la société civile à la compilation des rapports périodiques était aussi mentionnée dans la présentation orale. Elle demande si le troisième rapport périodique du pays, qui sera présenté en février 2003, sera débattu au Parlement. En fait, les parlements sont responsables de l’adoption des lois, mais, très souvent, ils ne sont pas au courant des accords internationaux, notamment la Convention. Elle se demande si le Parlement du Suriname dispose d’un organisme qui s’occupe de la question de l’égalité des sexes.

M me  Hazelle signale que certaines de ses préoccupations concernant les structures, les capacités et les buts ont été soulevées par d’autres experts, et elle se dit convaincue que la délégation y apportera une réponse. Elle se félicite de l’introduction d’un système de gestion sexospécifique pour promouvoir des initiatives sur l’intégration d’une perspective sexospécifique. Elle demande s’il existe un quelconque comité interministériel, quels ministères y sont impliqués et quel est le niveau des fonctionnaires qui y sont représentés. Elle désire savoir s’il y a des agents de coordination dans la fonction publique et si le système de gestion sexospécifique est un programme gouvernemental général auquel participent tous les ministères, ou s’il n’est qu’un programme partiel, ne concernant que quelques ministères pilotes.

Article 4

M me  Shin souscrit aux remarques de Mme Tavares da Silva sur la réticence apparente du Gouvernement du Suriname à utiliser des mesures temporaires spéciales comme une méthode valable de promotion de l’égalité des sexes, notamment à la lumière de la description du rapport sur la formation spéciale concernant les accords internationaux, y compris la Convention. À son avis, les mesures temporaires spéciales sont utiles non seulement pour accélérer une plus grande représentation des femmes en politique, mais aussi pour accroître le nombre de femmes entrepreneurs et la présence des femmes dans le domaine de l’éducation et autres domaines.

Article 5

M me  Myakayaka-Manzini insiste sur les obligations imposées par l’article 5 et indique qu’en les utilisant comme critères, le Gouvernement serait mieux à même de prendre des décisions stratégiques éclairées. Elle se demande pourquoi, comme l’indique clairement le rapport, il manquait autant de données. Elle estime que sans ces informations, il est impossible d’avoir une vue d’ensemble de la situation de l’égalité des sexes. Elle demande sur quoi le Gouvernement peut se baser pour prendre ses décisions.

M me  Livingstone Raday note que, selon le rapport, au Suriname, comme dans d’autres pays d’ailleurs, on part du principe que la place de la femme est au foyer et que, par conséquent, les femmes sont sous-représentées au Gouvernement pour des raisons de culture et de société. Ces déclarations indiquent bien que ce phénomène est tout simplement accepté comme une réalité de la vie. Cette situation ne correspond pas à l’engagement du pays en vertu de la Convention de contrer la marginalisation des femmes de sorte qu’elles bénéficient d’une plus grande visibilité dans la vie publique et d’une reconnaissance accrue de leur rôle au sein de la famille.

Elle demande si la délégation reconnaît que les problèmes auxquels les femmes sont confrontées au Suriname ne sont pas causés uniquement par des obstacles psychologiques, mais aussi par l’absence de possibilités. Elle souligne les coûts sociaux et économiques élevés qu’entraîne la marginalisation des femmes tout en précisant que les femmes représentent la moitié du capital humain du pays. Il importe donc de prendre des mesures incitatives de toute urgence pour remédier à la situation actuelle. La façon dont le rapport a été rédigé et présenté semble malheureusement ne tenir aucun compte du fait que le Gouvernement avait le pouvoir de changer les traditions. Le rapport oral de la délégation faisait état d’une Commission sur la législation en matière d’égalité des sexes, mais comme il ne contenait aucun détail sur ses fonctions, elle se demande ce qu’il en est.

M me  Shin souligne l’importance de modifier les stéréotypes pour réaliser l’égalité des sexes. Le Gouvernement tente de formuler une réforme juridique et de procéder à des changements structurels, mais il a besoin d’un plan global pour influencer les valeurs profondément enracinées. Elle se demande si le Plan d’action complet sur l’égalité des sexes contient des mesures pour s’attaquer aux stéréotypes sexistes. À son avis, pour être efficaces, ces mesures doivent cibler les fonctionnaires, les écoliers et les médias. Dans sa présentation orale, la délégation a mentionné l’importance de plus en plus grande accordée à la formation sur les droits des femmes et des enfants suite à la Conférence mondiale sur les femmes de Beijing, mais elle se demande s’il y a eu une évaluation de l’efficacité de ces initiatives de formation.

M me  Tavares da Silva fait remarquer que la réponse de l’État partie à la question sur l’alinéa a) de l’article 5 de la Convention est décevante et non satisfaisante. À cet égard, la délégation devrait indiquer précisément quelles traditions culturelles étaient en contravention avec les droits de l’homme et les libertés fondamentales des femmes. Elle souhaiterait savoir si le Gouvernement prévoit prendre des mesures pour tenter de résoudre ce conflit entre les traditions et les droits fondamentaux, par exemple, par des campagnes de sensibilisation, la tenue d’un débat national sur la question ou des recherches. L’article 5 constitue l’un des articles les plus importants de la Convention. Il ne suffit pas d’adopter des lois, il faut aussi créer des conditions et un environnement favorables à la mise en œuvre de leurs dispositions.

Article 6

M me  Kapalata, notant que l’article 6 n’avait pas reçu l’attention qu’il méritait, déplore l’absence de clarté dans la législation régissant la prostitution et la traite des femmes. Il lui semble, en effet, que les expressions « professionnelles du sexe » et « prostituées » soient interchangeables et qu’on ne sache pas très bien si les termes « proxénétisme » et « prostitution » veulent dire la même chose. De plus, la peine imposée pour proxénétisme est très clémente. Par conséquent, la délégation devrait indiquer quel type de législation est en place pour traiter de la prostitution et de la traite des femmes et tirer au clair l’ambiguïté et les contradictions reprises dans le rapport.

La Présidente, parlant en son nom personnel, souscrit aux remarques de Mme Kapalata et se demande si, à l’instar des professionnelles du sexe étrangères, les professionnelles du sexe surinamaises n’étaient pas tenues de subir des examens bimensuels pour le dépistage de maladies sexuellement transmissibles au Service de dermatologie du Ministère de la santé.

M me  Hazelle, souscrivant aux commentaires des deux orateurs précédents, demande si les services de l’organisation non gouvernementale Maxi Linder étaient disponibles de la même façon pour les travailleuses du sexe d’origine surinamaise que pour les étrangères. Elle souhaite obtenir des éclaircissements sur ce qu’on entend par « le Gouvernement … subventionne cette ONG en mettant du personnel à disposition ». Elle se demande si le Gouvernement avait prévu des projets générateurs de revenus alternatifs pour les femmes impliquées dans la prostitution. Notant la peine légère imposée pour proxénétisme, elle se demande si le Gouvernement avait l’intention d’apporter une modification à la sous-section 3 de l’article 503 du Code pénal pour permettre une peine plus sévère, compte tenu du fait que la peine actuelle n’a pas d’effet dissuasif sur ce type de délit.

M me  Saiga signale qu’en dépit du fait que la prostitution en tant que travail semble être légalisée au Suriname, l’absence de définition de la prostitution et du proxénétisme engendre une confusion et une ambiguïté, ce qui, elle l’espère, seront éclaircies lorsque le nouveau code pénal dont la rédaction remonte à 1993 sera adopté.

M me  Tavares da Silva souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement prend contre les clients des prostituées. Elle ajoute que l’argument selon lequel aucune donnée n’existait sur la traite des femmes n’était pas une excuse pour ignorer le problème. À son avis, on ne disposera probablement jamais d’un tableau clair du commerce du sexe, par nature enveloppé dans une atmosphère de secret. Ce qui est clair, cependant, c’est qu’un tel trafic constitue une violation grave des droits de l’homme, et non pas un crime contre la décence publique, comme l’indique le rapport. Le Gouvernement devrait donc faire connaître les mesures qu’il prend pour s’attaquer au problème de la traite des femmes.

M me  Shin réitère le fait que la peine pour proxénétisme était trop clémente. Elle espère que le Gouvernement révisera sa législation et sa politique concernant l’article 6 afin d’imposer des peines plus sévères à tous les intermédiaires impliqués dans l’exploitation des prostituées, notamment les proxénètes, et d’éliminer complètement leurs activités. Elle se demande si les prostituées, en plus de payer des amendes, sont emprisonnées et si leurs clients sont également punis.

M me  Gaspard fait remarquer que l’article 6 n’est pas appliqué. En fait, bien que la prostitution et la traite des femmes soient interdites, la première semble tolérée, à défaut d’être reconnue, et l’expression « professionnelle du sexe » est on ne peut plus troublante à cet égard. Elle est particulièrement préoccupée par le sort des prostituées qui sont avant tout des victimes. Aucune politique gouvernementale ne semble exister pour les aider à émerger de ce statut. De plus, la préoccupation du Gouvernement exprimée dans le rapport oral en ce qui concerne la propagation du VIH/sida serait attribuable à l’absence de toute politique à l’égard de la prostitution et de son élimination.

Article 7

M me  Regazzoli se demande quelles mesures positives sont envisagées pour accroître efficacement la participation des femmes dans les organes politiques et décisionnels. Elle constate avec plaisir la participation d’un nombre élevé de femmes dans le système judiciaire. Elle se réjouit également que des femmes occupent des postes de haut niveau, entre autres, comme ministre des affaires étrangères et représentant permanent auprès des Nations Unies. Elle déplore, toutefois, une absence fondamentale de volonté politique tendant à mobiliser toutes les femmes, même au sein des groupes ethniques, de sorte qu’elles soient réellement représentées au niveau décisionnel du Gouvernement du Suriname.

M me  Myakayaka-Manzini, notant que les femmes étaient encore très peu représentées dans les organes politiques décisionnels, notamment au Parlement et dans d’autres structures inférieures du Gouvernement, malgré le système de représentation proportionnelle, elle se demande si ce système électoral était combiné à certaines règles. Si tel est le cas, elle souhaite savoir si les partis politiques avaient adopté une politique faisant une place aux femmes. Elle se demande si les partis politiques avaient mis en place un système de quotas en vue d’introduire, finalement, ce système au Parlement pour augmenter la participation des femmes au niveau décisionnel. Des mesures adéquates avaient-elles été prises pour sensibiliser les hommes à la condition de la femme dans les partis politiques, le système judiciaire et la société civile?

M me  Saiga demande des éclaircissements concernant l’éligibilité des femmes mariées et l’enregistrement des femmes célibataires sur la liste des partis politiques éligibles.

M me  Tavares da Silva se demande pourquoi, compte tenu de la faible participation des femmes dans les organes gouvernementaux et législatifs, et en dépit du fait qu’elles soient extrêmement bien représentées aux niveaux judiciaire et diplomatique, le Gouvernement ne prend pas de mesures temporaires positives pour accroître la participation générale des femmes à la vie politique et publique. En fait, elle souhaiterait savoir pourquoi il y avait de si grandes différences dans la participation dans les divers secteurs du Gouvernement et la fonction publique. Par exemple, il serait intéressant de connaître les raisons de la forte participation (90 %) des femmes dans les programmes de formation des fonctionnaires en 1997-1998. Ces femmes étaient-elles déjà des fonctionnaires souhaitant améliorer leurs compétences et leurs qualifications ou s’agissait-il de nouvelles recrues? Elle serait aussi curieuse de savoir si le nombre impressionnant de femmes dans le système judiciaire était le résultat d’initiatives spéciales du Gouvernement pour accroître leur nombre.

La séance est levée à 13 heures.