Vingt-cinquième session

Compte rendu analytique de la 516e séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 10 juillet 2001, à 10 h 30

Présidente:Mme Acar (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial d’Andorre

M me  Acar (Vice-Présidente) prend la présidence.

La séance est ouverte à 10 h 45.

Examen des rapports présentés par les États partiesconformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial d’Andorre (CEDAW/C/AND/1)

À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation d’Andorre prennent place à la table du Comité.

M. Vidal (Andorre), parlant au nom du Ministre des affaires étrangères d’Andorre, présente le rapport initial de l’État partie. L’orateur donne des informations sur l’histoire et le Gouvernement d’Andorre et dit que, depuis la publication du rapport, son gouvernement a ratifié l’amendement à l’article 43, paragraphe 2, de la Convention relative aux droits de l’enfant et les protocoles facultatifs se rapportant à cette convention, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants; les Protocoles Nos 1 et 2 à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants; la Charte sociale européenne; et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Andorre étant nouvellement apparue sur la scène internationale, sa participation à la quatrième Conférence mondiale sur les femmes a été symbolique, mais elle a malgré tout donné suite à l’événement en adoptant la Convention en octobre 1996 et en envoyant une délégation participer à l’examen quinquennal de sa mise en œuvre en 2000. Andorre appuie sans réserve le document final de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale intitulé « Nouvelles mesures et initiatives pour la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing », en particulier ses deux concepts sous-jacents : le renforcement du pouvoir d’action des femmes et l’intégration d’une démarche soucieuse de l’égalité des sexes.

Jusqu’en mai 2000, il n’existait pas d’organisme public spécialement chargé des questions féminines dont les différents aspects étaient gérés par les départements compétents sous la coordination du Ministère de la santé et du bien-être. Le Secrétaire d’État aux affaires familiales, dont le poste vient d’être établi, est chargé de formuler des directives de projet sur la base d’une analyse de l’incidence des pressions environnementales, politiques, culturelles et économiques sur le système familial et ses membres, et en particulier sur l’évolution de la condition des femmes. Le Secrétaire d’État aux affaires familiales s’emploie également à assurer que les hommes et les femmes jouent un rôle égal dans le processus de développement.

La situation des femmes en Andorre est directement liée à l’évolution du pays qui, après avoir été une société éminemment rurale, fermée sur elle-même, est devenu une société de services attirant un important flux de migrants de différentes origines. Ses principaux secteurs économiques – le commerce, le tourisme et les finances – ont profondément transformé la mentalité andorrane.

Aucune des dispositions des codes civil et pénal d’Andorre n’établit de distinction entre hommes et femmes. Récemment, les associations des droits des femmes ont protesté contre l’article 13 de la loi qualifiée du mariage obligeant les veuves ainsi que les femmes dont le mariage a été déclaré nul ou dissous à attendre 300 jours avant de se remarier. Bien que l’article ait pour objet de protéger les droits de filiation et de succession d’un éventuel descendant, le nouveau Gouvernement proposera un amendement à la loi qualifiée devant le Consul général.

Aucune loi ni disposition n’interdit ni limite la participation des femmes à la vie politique. La Constitution et la loi électorale garantissent le droit de vote des femmes, obtenu en 1970, lesquelles ont pu se présenter aux élections depuis 1973. Le nombre de femmes au Parlement a bondi d’une à quatre députées. Tous les partis sont conscients de la nécessité d’accroître la participation des femmes à la vie politique. Depuis les élections du mois de mars dernier, trois des neuf ministres du Gouvernement sont des femmes : la Ministre des finances, la Ministre de l’agriculture et de l’environnement, et la Ministre de la santé et du bien-être. Le Secrétaire général du Gouvernement est une femme ainsi que trois des six Secrétaires d’État responsables respectivement des Départements de la santé, du bien-être et de la famille. Aux élections municipales de décembre 1999, trois femmes ont été élues maires (sur un total de sept maires que compte le pays) et 12 sont conseillères de Comú.

Depuis longtemps, le rôle des femmes dans la vie économique du pays est important, mais les inégalités entre hommes et femmes n’ont pas totalement disparu. Malheureusement, il n’existe pas de statistiques disponibles à ce sujet, ce qui a constitué un problème majeur lors de la rédaction du rapport initial. D’un point de vue juridique, toute personne a le droit de travailler sans distinction de sexe en vertu de l’article 29 de la Constitution, ce qui était déjà le cas avant l’adoption de celle-ci. Aucune garantie constitutionnelle spécifique n’est accordée aux femmes étant donné que le principe de base a toujours été celui de l’égalité entre les hommes et les femmes. Comme tous les salariés, elles ont l’obligation de s’affilier à la Caisse andorrane de sécurité sociale. Le Règlement du travail, qui dispose que les femmes doivent recevoir la même rémunération que les hommes pour un travail égal, interdit expressément toute discrimination de même que le décret sur les contrats de travail. Le Règlement du travail garantit également aux femmes, comme à tout autre salarié, un salaire minimum ainsi que la rétribution des heures supplémentaires. Malheureusement, les données mensuelles sur la rémunération publiées par la Caisse andorrane de sécurité sociale ne sont pas des indicateurs fiables de l’existence ou non d’une discrimination salariale car des données sur les heures supplémentaires, les allocations pour frais professionnels et les primes, qui sont très variables, viennent fausser la comparaison et également parce que les statistiques ont été compilées par secteur. Se référant au tableau contenu dans le rapport sur le nombre de salariés et les salaires par secteur d’activité, l’orateur fait remarquer que l’éventail des activités professionnelles des femmes est plus restreint que celui des hommes, lesquels occupent une place prépondérante dans les secteurs d’activités qui demandent les plus gros efforts physiques, tels le secteur primaire, le secteur du bâtiment et les garages, tandis que les activités administratives sont assurées uniquement, ou presque, par des femmes. La nette infériorité du salaire moyen des femmes par rapport à celui des hommes est le trait commun à tous les secteurs.

On estime à 62 % le pourcentage de femmes andorranes employées contre 67,5 % chez les hommes. Même si, d’un point de vue juridique, elles peuvent occuper tous les postes, la majeure partie d’entre elles sont encore employées dans les secteurs traditionnellement féminins, comme la santé, l’éducation et l’administration. Les conditions de travail sont souvent définies selon le secteur : par exemple, les employés des secteurs du commerce et de l’hôtellerie ont des heures de travail plus longues pour une rémunération moindre. Selon une étude financée par l’Association des femmes d’Andorre, la Commission nationale andorrane pour l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), le Crèdit Andorrà et la maison d’édition Grafinter, des inégalités existent entre hommes et femmes en matière d’emploi; les femmes sont peu représentées dans certains secteurs et doivent s’acquitter généralement de tâches moins qualifiées; la prise de décisions importantes est l’apanage quasi exclusif des hommes; et la rémunération moyenne des femmes est 32 % inférieure à celle des hommes. Il ne sera pas aisé de surmonter ces disparités car les femmes doivent assumer seules les soins du ménage et l’éducation des enfants. Selon la même étude, le nombre de femmes ayant suivi un enseignement universitaire est équivalent à celui des hommes, mais elles sont moins nombreuses à occuper des postes de direction et de décision. Une autre étude du Ministère de la santé et du bien-être confirme ces conclusions. Selon l’orateur, il est encore trop tôt pour formuler des propositions concrètes mais le Secrétaire d’État aux affaires familiales a la volonté de réduire les inégalités en matière d’emploi.

Conformément aux dispositions non discriminatoires qui régissent la Caisse andorrane de sécurité sociale, tous les travailleurs-cotisants sans distinction de sexe ont droit à diverses allocations et aides, y compris les allocations de maternité (ou de paternité). L’adoption en décembre 1995 d’un texte de loi, conforme à la Convention, interdisant le licenciement d’une femme enceinte avec un terme de préavis a marqué un progrès. Le Règlement du travail interdit les heures supplémentaires pour les femmes enceintes et les mères allaitantes. Il prévoit également 16 semaines de congé de maternité et établit le droit de la mère qui allaite à interrompre son travail durant deux heures tous les jours pour ce faire et ce, durant une période de six mois en percevant l’intégralité de sa rémunération. Complétant le rapport initial (CEDAW/C/AND/1), M. Vidal dit qu’une nouvelle loi adoptée en juillet 2000 donne aux couples le droit de partager leurs congés de maternité quoique cette formule, contraire à la tradition, n’a jamais été choisie à ce jour. La nouvelle loi donne également droit à 12 semaines de congés payés aux salariés des deux sexes qui ont adopté un enfant.

L’enquête réalisée par l’Association des femmes d’Andorre montre que les attitudes sexistes sont encore très présentes dans la société andorrane notamment à l’égard du travail des femmes hors du foyer, en particulier de la part des hommes et des femmes de la tranche d’âge des 45-65 ans. La scolarité gratuite et non discriminatoire pour tous les enfants âgés de 3 à 16 ans joue un rôle essentiel dans l’évolution des mentalités. Les jeunes femmes représentent 56 % des étudiants d’université, mais elles tendent toujours à s’orienter vers les disciplines comme les sciences sociales, l’éducation et la santé, encore que leur nombre augmente constamment dans les filières techniques et scientifiques. Des mesures sont prises pour encourager le respect de la diversité grâce à la formation pédagogique continue, pour promouvoir le langage non sexiste et pour décourager les comportements discriminatoires dans les jeux d’enfants. Toutes les communes sont dotées de garderies pour les enfants âgés de 3 mois à 3 ans. Des activités sont organisées pour les enfants après l’école et durant les vacances. Les femmes pratiquent des activités culturelles et sportives adaptées à leur emploi du temps professionnel et familial. De même, les municipalités organisent des activités appropriées à l’intention des femmes plus âgées afin d’améliorer leur qualité de vie et offrent parfois un service d’aide à domicile pour les personnes du troisième âge dont 80 % des usagers sont des femmes.

Le Ministère de la santé et du bien-être mène une enquête nationale tous les cinq ou six ans pour faciliter la planification des mesures de santé publique. La dernière étude (1997) révèle que les femmes se considèrent à 80 % en bonne ou très bonne santé, qu’elles utilisent davantage les services de santé que les hommes et qu’elles se font davantage hospitaliser si l’on tient compte des entrées dans les maternités. Le Ministère s’attache à rationaliser le dépistage du cancer du sein, du col de l’utérus et des ovaires. Le nombre de tests de dépistage est toujours excessif mais il a légèrement diminué depuis 1991.

Les trois cinquièmes des personnes qui ont eu des rapports sexuels au cours de l’année écoulée ont utilisé des méthodes contraceptives, le pourcentage par tranche d’âge oscillant entre pas moins de 87 % pour les 15-29 ans et environ 36 % pour les 45-59 ans. La pilule et le préservatif sont loin devant les deux méthodes contraceptives les plus répandues. La stérilisation volontaire a été dépénalisée mais l’avortement est toujours passible d’une peine maximale de prison de 30 mois pour la femme qui y a recours et de six ans pour la personne l’ayant pratiqué.

Le VIH/sida, aspect important de la santé des femmes, n’est pas soumis à un régime de déclaration obligatoire nominale, mais il doit être déclaré en tant que maladie sexuellement transmissible auprès du Ministère de la santé et du bien-être. Les rares données disponibles, obtenues à l’issue d’une enquête réalisée en 1996, révèlent que des femmes et des enfants sont au nombre des personnes infectées par le VIH ou atteintes du sida qui ont consulté les médecins de la principauté. Depuis 1993, le Gouvernement a mis en place divers programmes d’information et de prévention, en particulier à l’intention des jeunes, ainsi qu’un service de conseils sur le VIH/sida.

La Constitution garantit la protection des femmes contre la violence, et le Code pénal punit les délits allant à l’encontre de l’intégrité des personnes de peines de prison pouvant aller jusqu’à 15 ans. Les chiffres disponibles couvrant la période 1997-2000 montrent clairement que les plaintes déposées par les femmes pour mauvais traitements et agressions augmentent tous les ans, même si l’on ne déplore heureusement aucun homicide ou tentative d’homicide pour l’année 2000. En réponse à la demande de création d’une maison de refuge pour les femmes qui en auraient besoin, le Gouvernement a estimé qu’il fallait d’abord mettre en place des politiques de prévention et de communication. En Andorre, ou presque tout le monde se connaît, il est difficile d’assurer la sécurité des femmes victimes de violences sans les marginaliser. En juin 2001, le Gouvernement a alors approuvé un protocole d’action rédigé par divers ministères et départements ministériels avec la collaboration d’associations professionnelles de médecins, de psychologues et d’avocats, d’associations féminines et de l’organisation non gouvernementale Caritas. L’objectif était de préciser et coordonner les rôles des différents acteurs dans la lutte contre la violence et de créer un réseau multidisciplinaire d’aide sanitaire, psychosociale, policière et judiciaire aux victimes. Un service d’appel d’urgence a également été mis en place. Ces mesures ont permis à Andorre de se conformer aux recommandations de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes. En outre, les délits de comportement sexuel ou liés à la pornographie et à la prostitution sont désormais passibles d’une peine d’emprisonnement maximale de 12 ans, ou plus lorsqu’ils sont commis sur des victimes de moins de 15 ans.

L’orateur conclut en rappelant que le Gouvernement aussi bien que la société civile contribuent à la promotion de l’égalité des sexes en Andorre où l’on enregistre des améliorations du point de vue des prescriptions et de leur application. Conscient de la persistance de fortes disparités, le Gouvernement a l’intention de poursuivre ses efforts sur la voie de l’équité et de l’égalité entre les hommes et les femmes.

M me  Livingstone Raday constate que l’article 6 de la Constitution andorrane interdit toute discrimination fondée sur le sexe, mais qu’elle n’institue pas le droit à l’égalité des sexes. L’oratrice demande des précisions sur la prise en compte par la Constitution des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Elle s’enquiert des recours juridiques garantis aux femmes par l’article 6 et demande si ces recours seraient différents si la Constitution avait simplement et précisément énoncé l’égalité des sexes. Elle souhaiterait savoir si les tribunaux ont été saisis d’affaires de discrimination sexuelle présumée – en matière d’imposition ou de représentation politique, par exemple – et connaître les décisions rendues.

M me  Shin félicite l’État qui présente le rapport pour avoir transposé les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme dans sa législation nationale. Elle estime toutefois que la garantie constitutionnelle de non-discrimination n’est pas suffisante et se demande si l’État qui présente le rapport envisagerait de promulguer des textes de lois plus concrets en vue de poursuivre une approche plus dynamique du problème. Par exemple, le rapport déclare que le travail familial apparaît comme incombant exclusivement aux femmes. Il conviendrait alors de prendre des mesures pour soulager les femmes de ce fardeau, en particulier celles qui travaillent hors du foyer.

M me  Gabr, signalant que l’État qui présente le rapport n’est doté d’aucune instance spécialisée dans les droits des femmes, demande des informations sur les programmes à venir de défense des droits des femmes. Le rapport, dit-elle, témoigne d’une volonté sincère de recenser les problèmes que rencontrent les femmes et d’une approche réaliste de ces mêmes problèmes. La transposition des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme dans la législation nationale marque également une étape très positive, de même que le nombre accru de femmes ministres au Gouvernement.

M me  Kwaku félicite le Gouvernement pour son action de défense des droits des femmes ainsi que pour sa signature du Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Elle s’enquiert des mesures concrètes formulées en vue de combler l’écart entre les sexes et de leur degré d’application passée et actuelle.

M me  Schöpp-Schilling s’enquiert des domaines retenus par le Programme d’action de Beijing que le Gouvernement traitera en priorité. Elle se félicite de l’existence aujourd’hui d’un coordonnateur pour les questions concernant l’égalité des sexes, mais elle se demande si le surcroît nécessaire de personnel et de financement sera assuré.

L’État qui présente le rapport a signalé qu’il lui est difficile de recueillir des statistiques sur les femmes et de les interpréter lorsqu’elles sont disponibles. L’oratrice se demande si Andorre est dotée d’un bureau de statistique national; dans le cas échéant, si ce bureau a pour mission de recueillir des statistiques ventilées par sexe; dans le cas contraire, si le Gouvernement prévoit de collecter des données en vue de suivre les progrès accomplis sur la voie de l’égalité des sexes.

Article 2

M me  Manalo demande si le Gouvernement prévoit de promulguer une loi de portée générale contre la discrimination ou s’il projette de promouvoir l’égalité des sexes en promulguant des lois spécifiques ou bien en améliorant la législation en vigueur. L’oratrice souhaiterait également obtenir des informations sur les conditions d’application de la Constitution de 1993 aux non-nationaux, ce d’autant plus que les Andorrans sont minoritaires en Andorre. Elle félicite les efforts du Gouvernement pour mettre en place un département chargé de veiller sur les droits des femmes, mais elle estime que devraient être précisés le mode de fonctionnement de ce dispositif et le rôle assigné aux organisations non gouvernementales.

M me  González félicite l’État qui présente le rapport pour sa récente ratification de plusieurs instruments majeurs relatifs aux droits de l’homme. Elle ne doute pas que le Gouvernement ratifiera également l’amendement à l’article 20 de la Convention qui offrira le cadre juridique permettant au Comité d’organiser des sessions plus longues et de gérer l’accumulation des rapports des États parties en attente. Elle demande si le principe de non-discrimination fondée sur le sexe s’applique à la sphère des droits économiques, sociaux et culturels ainsi qu’au domaine des droits civils et politiques.

Faisant remarquer en citant le rapport que « le Gouvernement de la principauté d’Andorre n’a dû adopter jusqu’à présent aucune mesure législative temporaire interdisant une quelconque forme de discrimination à l’égard des femmes » (p. 30), l’oratrice insiste sur le fait que toute mesure interdisant ce genre de discrimination ne doit pas être temporaire mais permanente, fixe et définitive.

M me  Schöpp-Schilling dit que le rapport et la présentation orale ont tous les deux mentionné le caractère contraignant de la Convention pour les pouvoirs publics. Toutefois, l’article 2 e) de la Convention précise bien que la Convention s’applique également aux actions des personnes, organisations et entreprises; et elle se demande si le Gouvernement et le peuple andorran ont bien saisi et analysé ce trait spécifique de la Convention, en particulier les employeurs et les syndicats, et si d’éventuelles affaires ont été portées devant les tribunaux. Il conviendrait, estime-t-elle, que le Gouvernement promulgue des textes de lois précis contre la discrimination dans les domaines comme l’éducation et l’emploi, la Convention apparaissant actuellement comme l’unique texte juridique invocable en la matière. Elle demande également à l’État qui présente le rapport de ratifier l’amendement à la Convention qui donnerait au Comité le temps suffisant pour procéder de manière appropriée à l’examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention.

M me  Goonesekere félicite le Gouvernement d’avoir donné force exécutoire et contraignante en Andorre au texte de la Déclaration universelle des droits de l’homme et d’avoir œuvré à la transposition directe de plusieurs traités dans la législation nationale. Toutefois, l’oratrice partage les préoccupations déjà soulevées par d’autres membres du Comité face à l’absence d’informations sur les modalités pratiques d’application. Elle s’inquiète également de ce que ni la non-discrimination ni la santé ne figurent sur la longue liste de droits énumérés à la page 19 du rapport. Elle souhaiterait obtenir des précisions à ce sujet ainsi que sur les modalités pratiques qui permettraient de faire respecter l’exercice de ces droits, en particulier dans le secteur privé.

L’État qui présente le rapport mentionne certaines voies de recours inhabituelles comme le recours de protection constitutionnelle en cas de violation des droits d’une personne lors d’une procédure judiciaire. Mme Goonesekere demande des précisions sur le mode de fonctionnement de ce mécanisme. Elle souhaiterait également savoir si le Gouvernement a mis en place d’éventuels programmes d’initiation ou de sensibilisation juridiques aux droits de l’homme, aussi bien pour le grand public que pour les responsables et les juges, afin de les faire mieux respecter.

Article 3

M me  Gabr dit que la profonde transformation en cours de la société andorrane rend d’autant plus urgente l’application de mesures de protection des droits de l’homme. Elle souligne la nécessité, face à la persistance d’attitudes discriminatoires, d’obtenir des statistiques détaillées sur la situation des femmes concernant par exemple le marché du travail, les modèles de comportements sociaux et les stéréotypes courants. Le nouveau Secrétaire d’État aux affaires familiales pourrait s’y employer. Il importe également de promulguer de nouvelles lois pour transformer tous les aspects de la société andorrane et garantir l’entière protection des droits de l’homme. L’oratrice propose de ramener le délai actuel obligatoire d’attente avant de se remarier de 300 à 90 jours, délai prescrit par le droit islamique. Signalant la présence d’un grand nombre d’immigrants, elle s’enquiert de la législation en vigueur qui protége les droits des immigrants, en particulier les employé(e)s de maison.

Article 4

M me  González dit que les mesures décrites dans le rapport correspondant à l’article 4 semblent se rapporter davantage à d’autres articles de la Convention et ne peuvent véritablement être tenues pour des mesures spéciales temporaires. Elle exhorte le Gouvernement à adopter de véritables mesures spéciales temporaires d’amélioration de la condition de la femme, par exemple, dans le domaine de l’emploi.

Article 5

M me  Manalo, relevant que les attitudes sexistes semblent très répandues dans la tranche d’âge des 45-60 ans, sans doute la plus productive et la plus influente de toutes, se demande si des programmes d’éducation, de formation ou d’information ont été mis en œuvre pour corriger ce type de comportements. Elle souhaite savoir si la société andorrane a assimilé le concept de généralisation d’une perspective antisexiste qui contribuerait à promouvoir l’égalité des sexes et à éliminer les stéréotypes sexuels.

Elle se dit préoccupée par le niveau de violence perpétrée contre les femmes et demande si d’éventuels programmes ont été mis en œuvre pour modifier l’attitude des hommes à leur égard et réduire cette violence. Certes les articles 8.2 et 39 de la Constitution garantissent également les femmes contre la violence, et le Code pénal punit les délits attentatoires à l’intégrité physique des personnes, mais ces dispositions sont de nature très générale. Mme Manalo se demande alors s’il est envisagé d’élaborer des lois spécifiques contre la violence à l’égard des femmes. Dans la mesure où les victimes hésitent souvent à se manifester, par peur ou par honte, l’oratrice souhaite savoir si d’éventuels programmes existent pour encourager les femmes à signaler ces cas de violence, protéger les victimes et faire mieux connaître ce fléau qu’est la violence à l’égard des femmes.

M me  Regazzoli dit que la situation des femmes a enregistré un bond qualitatif, en particulier ces dernières années, dans un pays où elles n’ont obtenu le droit de vote qu’en 1973. Beaucoup toutefois reste à faire. Il conviendrait de fournir des statistiques complètes sur la situation relative des hommes et des femmes. Dans le domaine de l’emploi, les stéréotypes persistent sur les catégories d’emplois qui semblent devoir échoir aux femmes. L’oratrice demande comment le Gouvernement projette de mettre fin à cette situation, ainsi qu’à d’autres formes de stéréotypes, et promouvoir une véritable égalité entre les hommes et les femmes. Elle demande également si le Gouvernement a l’intention d’inciter les hommes à assumer une part des responsabilités familiales et des tâches domestiques. La persistance de la violence dans la famille, difficile à détecter, est un sujet de préoccupation et l’oratrice, tout en saluant l’éventuelle création d’une maison de refuge mentionnée dans le rapport (p. 36), s’enquiert de la procédure à suivre pour déposer une plainte et des services d’aide psychologique, sociale et médicale à la disposition des victimes, de leurs enfants et des auteurs de violences, visant à prévenir toute récidive.

M me  Achmad encourage l’État partie à ratifier promptement le Protocole facultatif se rapportant à la Convention en vue de le transposer dans son cadre juridique national, comme il l’a fait pour les autres instruments internationaux. Elle fait remarquer que l’étude mentionnée dans le rapport (p. 33) souligne la persistance d’attitudes sexistes tout en révélant une position quasi unanime en faveur des droits des femmes sur laquelle l’oratrice sollicite un complément d’information. Elle se demande si des mesures ont été prises pour offrir des possibilités de formation continue aux femmes afin de les aider à maintenir leurs niveaux de compétences professionnelles ou à réintégrer le marché du travail, et si la reconnaissance des droits des femmes équivaut véritablement à la reconnaissance de leur droit à l’égalité avec les hommes. L’élimination des attitudes sexistes nécessite un suivi régulier de la situation de la part des dispositifs existants et parfois l’adoption de mesures spéciales temporaires. L’oratrice insiste sur la nécessité d’obtenir des statistiques ventilées par sexe conformément à la recommandation générale No 9 du Comité.

M me  Hazelle, faisant remarquer le grand nombre d’immigrants, demande s’il existe d’éventuels programmes ayant pour objet de faire évoluer leurs mentalités au même titre que celles des Andorrans et de sensibiliser l’opinion publique à la discrimination et à la violence à l’égard des femmes. Signalant que la création d’une maison de refuge pour femmes battues est encore à l’étude, elle reconnaît les problèmes d’anonymat que poserait cette approche eu égard à la faible population andorrane. Le Gouvernement pourrait alors chercher à adopter d’autres approches novatrices comme le recours à des maisons de refuge temporaires en coopération avec les Églises ou la promulgation d’une loi autorisant l’application de mesures conservatoires. Étant donnée l’attitude dominante à l’égard de la violence, en particulier dans la famille, Mme Hazelle demande si ce problème fait l’objet de débats publics ou s’il est considéré comme une affaire familiale privée, et si le Gouvernement prévoit de mettre en place une législation sur la violence dans la famille. En ce qui concerne le protocole de coordination entre le Ministère de la santé et du bien-être, les services de police, la Batllia et le ministère public, elle demande s’il est prévu de créer une cellule de gestion de crise représentant toutes les parties prenantes et de mettre en place des services de conseils ainsi qu’une formation à l’intention des policiers, des juges et des travailleurs sanitaires afin de mieux détecter les actes de violence dans la famille et de diriger les victimes vers les services appropriés. Elle souhaite également savoir si le service d’assistance téléphonique ouvert aux victimes 24 heures sur 24 sera géré par le Gouvernement ou par des organisations non gouvernementales; elle s’enquiert de la formation dispensée au personnel; et elle demande si le Gouvernement a l’intention de faire de l’élimination de la violence à l’égard des femmes une priorité dans le cadre de son suivi du Programme d’action de Beijing.

Article 6

M me  Shin, relevant que la prostitution est illégale et punie par la loi ainsi que le signale le rapport, se demande si les peines s’appliquent aux prostituées elles-mêmes et si le Gouvernement dispose de statistiques à ce sujet ainsi que sur l’étendue de la prostitution. Elle prend acte des efforts du Gouvernement de réduction de la violence à l’égard des femmes en général et demande si le projet d’une maison de refuge mis en avant par deux organisations de femmes, mentionné dans le rapport (p. 36), a été véritablement mis sur pied ou s’il est encore à l’étude. Il importe d’urgence, dit-elle, de mettre en place une maison de refuge et elle espère que le Gouvernement agira immédiatement dans ce sens s’il ne l’a pas déjà fait. Selon l’oratrice, il conviendrait de confier l’administration de cette maison de préférence à des organisations non gouvernementales en leur accordant l’appui financier du Gouvernement car elles inspireront davantage confiance et sont souvent plus efficaces. L’oratrice rappelle que la recommandation générale No 19 du Comité sur la violence à l’égard des femmes est une composante majeure de la Convention et qu’elle propose de nombreuses mesures juridiques, préventives et protectrices dans le domaine de la violence à l’égard des femmes. Le Gouvernement devrait agir avec détermination dans ce domaine.

M me  González demande plus de statistiques sur l’étendue de la prostitution et, étant donné son caractère illégal, souhaite connaître les mesures prises par le Gouvernement pour encourager les prostituées à changer leur mode de vie.

La séance est levée à 13 heures.