NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SUR/CO/1216 mars 2009

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALESoixante-quatorzième session16 février-6 mars 2009

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L ’ ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

SURINAME

1.Le Comité a examiné les onzième et douzième rapports périodiques du Suriname, soumis en un seul document (CERD/C/SUR/12), à ses 1916e et 1917e séances (CERD/C/SR.1916 et 1917), tenues les 24 et 25 février 2009. À sa 1928e séance, tenue le 4 mars 2009, il a adopté les observations finales ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction les onzième et douzième rapports périodiques de l’État partie. Il salue également la reprise du dialogue avec l’État partie et se félicite des réponses de la délégation à certaines questions qu’il lui avait posées.

3.Le Comité regrette que le rapport ne contienne pas d’informations suffisantes sur l’application concrète de la Convention et qu’il ne fasse pas état des mesures prises pour donner suite aux observations finales précédentes. Il regrette également que la présentation et le contenu du rapport ne soient pas conformes aux directives du Comité.

B. Aspects positifs

4.Le Comité se félicite que l’État partie se soit prononcé, en septembre 2007, en faveur de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

5.Malgré les difficultés et des ressources financières et humaines limitées, l’État partie a déployé des efforts afin de présenter son rapport au Comité, ce qui atteste de son attachement à la lettre et à l’esprit de la Convention.

6.Le Comité note avec intérêt l’évolution, sur le plan juridique, de la réglementation du mariage, en particulier l’entrée en vigueur de la loi portant révision de la loi de 1973 sur le mariage, promulguée par le décret du 25 juin 2003, qui a supprimé l’inégalité qui prévalait en matière de mariages religieux.

7.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises depuis peu par l’État partie pour renforcer l’administration de la justice, notamment l’augmentation de sept à 17 du nombre de juges siégeant à la Cour de justice; la formation dispensée depuis peu aux nouveaux juges, ainsi que la formation continue des procureurs.

8.Le Comité accueille avec satisfaction et encourage le dialogue et la collaboration continus avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones, notamment en ce qui concerne l’appui technique demandé pour élaborer un projet de loi‑cadre sur les droits des peuples autochtones.

9.Le Comité accueille avec satisfaction les informations faisant état de la création de la Commission présidentielle sur les droits fonciers et de l’achèvement de son rapport final.

C. Préoccupations et recommandations

10.Le Comité note avec préoccupation que les renseignements communiqués par l’État partie concernant la suite donnée à ses observations finales précédentes, publiées en 2004, et les mesures adoptées pour donner effet aux décisions qu’il avait prises en 2003, 2005 et 2006 en vertu des procédures d’alerte rapide et d’action urgente, sont insuffisants.

L ’ État partie est invité à respecter toutes les recommandations et les décisions que lui a adressées le Comité et à prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que l ’ application de la législation nationale garantisse dans l ’ État partie la jouissance effective de tous les droits prévus par la Convention. Le Comité souhaite rait que l’État partie lui communique des informations sur la question dans son prochain rapport périodique .

11.Le Comité est préoccupé par le fait que la mise en place de la Cour constitutionnelle, organe qui revêt une importance particulière pour la protection de divers groupes, est toujours à l’étude (art. 2 et 6).

Le Comité réitère l ’ invitation qu ’ il avait adressée à l ’ État partie en 2004 dans ses précédentes observations finales de créer au plus vite la Cour constitutionnelle .

12.Reconnaissant que l’économie nationale de l’État partie est fortement tributaire du secteur de l’exploitation des ressources naturelles − à savoir l’extraction minière et l’exploitation forestière, y compris sur les terres ancestrales et les établissements traditionnels des peuples autochtones et tribaux −, le Comité demeure préoccupé par la question de la protection des droits à la terre, aux territoires et aux ressources communautaires des peuples autochtones et tribaux vivant à l’intérieur du pays. Il est également préoccupé par l’absence de cadre législatif spécifique visant à garantir l’exercice des droits collectifs des peuples autochtones et tribaux (art. 2 et 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie de reconnaître juridiquement les droits collectifs des peuples autochtones et tribaux − dénommés localement Marrons ou Nègres de brousse − de posséder, de mettre en valeur, de contrôler et d’ utiliser leurs terres, ressources et territoires commun autaire s, conformément aux lois coutumières et au régime foncier traditionnel, et de participer à l ’ exploitation, à la gestion et à la préservation des ressources naturelles qui y sont associées.

13.Le Comité prend note avec intérêt du rapport final établi par la Commission présidentielle sur les droits fonciers et présenté pour analyse au Président du Suriname, mais il est préoccupé par l’absence de régime de gestion des ressources naturelles efficaces (art. 2).

Le Comité encourage l ’ État partie à examiner plus avant le rapport final afin d ’ établir les principes d ’ un régime foncier national exhaustif et la législation appropriée avec la pleine participation des représentants des peuples autochtones et tribaux librement choisis , conformément au mandat de la Commission. De l ’ avis du Comité, l ’ examen du rapport de la Commission présidentielle par l ’ État partie ne devrait pas se faire au détriment du plein respect des ordonnances de la Cour interaméricaine des droits de l ’ homme dans l’affaire Saramaka People v. Suriname .

14.Le Comité est préoccupé par le fait que le projet de loi sur l’exploitation minière de 2004 est toujours devant le Parlement, conformément aux information dont est saisi le Comité, et que des licences d’exploitation minière continuent d’être accordées par le Ministère des ressources naturelles aux entreprises, sans que les peuples autochtones et tribaux ne soient préalablement consultés ou que des informations ne leur soient communiquées (art. 2 et 5).

Le Comité invite l ’ État partie à mettre à jour et à adopter le projet de loi sur l ’ exploitation minière conformément à ses recom mandations antérieures (2004 et  2005). Tout en notant que les commissaires de district ont des contacts et s ’ entretiennent avec les communautés autochtones concernées avant d ’ accorder des  concessions, le Comité recommande à l ’ État partie, lorsqu ’ il prend des décisions législatives ou administratives susceptibles d ’ avoir une incidence sur les droits et les intérêts des peuples autochtones et tribaux, de s ’ efforcer de les consulter et d’ obt enir leur consentement éclairé.

15.Le Comité se dit de nouveau préoccupé par des informations répétées selon lesquelles les enfants de groupes autochtones ou tribaux sont toujours victimes de discrimination, notamment en ce qui concerne l’accès à l’éducation, aux soins de santé et aux services publics. Il note que cette discrimination vise les communautés autochtones et tribales qui vivent dans l’intérieur du pays et dans des établissements suburbains intégrés. Il regrette toutefois qu’en l’absence de statistiques ventilées, il soit difficile d’évaluer dans quelle mesure les droits garantis dans la Convention sont également exercés (art. 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie de communiquer, dans ses prochains rapports, des données statistiques pertinentes, notamment sur les crédits budgétaires, et souligne que ces données sont nécessaires pour garantir l ’ application d ’ une législation adéquate visant à assurer l’égale jouissance des droits économiques, sociaux et culture ls par les citoyens surinamais.

16.Le Comité se dit préoccupé de ce qu’aucune mesure particulière n’est prise pour préserver les langues maternelles des peuples autochtones et tribaux du pays, et que cela transparaît dans le domaine de l’éducation. Le taux d’analphabétisme des peuples autochtones et tribaux, qui s’établit à près du double de la moyenne nationale, est particulièrement préoccupant (art. 5).

Le Comité, reconnaissant la valeur de l ’ éducation multilingue, réitère sa recommandation selon laquelle l ’ État partie doit prendre des mesures pour reconnaître dûment les langues autochtones et encourage l ’ État partie à chercher des  stratégies afin de mettre en place l ’ éducation bilingue.

17.Tout en accueillant avec intérêt les informations communiquées par l’État partie sur ses politiques en vigueur visant à stimuler les possibilités d’emploi et la formation pour les personnes qui vivent dans l’intérieur du pays, et tout en notant avec intérêt que l’État partie envisage de ratifier la Convention no 169 de l’OIT concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants, le Comité reste préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas encore adopté de mesures particulières en vue d’assurer la protection efficace des travailleurs autochtones sur le plan du recrutement et des conditions d’emploi (art. 5).

Le Comité prie l ’ État partie:

a) D ’ inclure dans son prochain rapport des renseignements concernant les recherches, les consultations et les discussions menées par les différents ministères et les mesures spéciales adoptées à cet égard; et

b) De médiatiser davantage la teneur de la Dé claration des Nations Unies sur  les droits des peuples autochtones et d’ accroître les e fforts de sensibilisation à cet  égard.

18.Reconnaissant que l’État partie a déclaré publiquement avoir appliqué les arrêts de la Cour interaméricaine des droits de l’homme rendus dans les affaires Saramaka People v. Suriname et Moiwana Village v. Suriname, et se félicitant des informations communiquées par la délégation sur les mesures prises à ce jour, le Comité est toutefois préoccupé par les retards persistants en ce qui concerne le respect des volets les plus importants de ces arrêts, en particulier la reconnaissance des droits communautaires et à l’autodétermination du peuple Saramaka, ainsi que l’enquête sur les auteurs du massacre du village Moiwana en 1986 et les sanctions prises à l’encontre des coupables. Le Comité note également avec préoccupation qu’en dépit des efforts déployés pour consulter les peuples autochtones afin de leur permettre de participer aux décisions qui les concernent et d’obtenir leur accord, on constate toujours l’absence de consultations et de participation dans certaines situations (art. 6).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ engager des consultations avec les communautés autochtones, notamment marrons, concernées. Il l ’ invite également à rechercher des moyens propres à faciliter la p articipation des communautés en  question , et souhaite recevoir des informations plus détaillées sur l ’ issue de ces consultations. Le  Comité recommande à nouveau , avec un sentiment d’urgence, à  l ’ État partie de prendre des mesures vis ant à la  pleine application des arrêts de la Cour dans les délais fixés. Le Comité apprécierait que le prochain rapport sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre des accords de paix de 1992 contienne de  plus amples informations.

19.Le Comité note avec préoccupation l’augmentation récente du nombre de plaintes concernant des affaires internes qui ont été portées devant des juridictions et organes internationaux. Cette tendance souligne la nécessité de donner davantage de moyens tribunaux nationaux et de mettre au point un cadre législatif permettant de régler comme il convient les affaires internes. Tout en notant que l’État partie estime que les recours prévus par le droit surinamais sont suffisants pour assurer l’exercice et la protection des droits, le Comité insiste sur l’analyse de la Commission interaméricaine des droits de l’homme et les arrêts de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, selon lesquels le système juridique interne ne prévoit pas de recours utiles adéquats pour assurer l’exercice des droits collectifs (art. 6).

Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir sa position et de mettre au point des méthodes concrètes afin de renforcer les procédures judiciaires, notamment en recourant au droit coutumier le cas échéant, en vue d ’ assurer une protection efficace contre les actes de discrimination dont sont victimes les peuples autochtones et de leur offrir des voies de recours adéquates.

20.Notant que l’État partie a présenté son document de base en 1998, le Comité l’encourage à présenter une version actualisée conformément aux directives harmonisées concernant l’établissement des rapports (HRI/GEN/2/Rev.4).

21.Le Comité recommande à l’État partie, lorsqu’il applique dans son ordre juridique interne les dispositions de la Convention, en particulier celles des articles 2 à 7, de tenir compte des passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, et d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les plans d’action et autres mesures supplémentaires adoptées pour appliquer cette déclaration et ce programme d’action au niveau national. Il encourage par ailleurs l’État partie à prendre une part active à la Conférence d’examen de Durban en 2009.

22.Le Comité recommande à l’État partie de ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties à la Convention et approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111, du 16 décembre 1992. À cet égard, le Comité renvoie aux résolutions 61/148, du 19 décembre 2006, et 62/243, du 24 décembre 2008, dans lesquelles l’Assemblée générale a demandé instamment aux États parties d’accélérer leurs procédures de ratification internes en ce qui concerne l’amendement et de notifier au Secrétaire général sans délai et par écrit leur acceptation de l’amendement.

23.Le Comité recommande à l’État partie de mettre ses rapports à la disposition du public lors de leur soumission, et de diffuser également les observations du Comité s’y rapportant, notamment dans les langues autochtones.

24.Le Comité encourage l’État partie à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

25.Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur révisé, le Comité demande à l’État partie de lui communiquer, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes conclusions finales, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations contenues aux paragraphes 11, 17 b) et 18 ci‑dessus.

26.Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses treizième, quatorzième et quinzième rapports périodiques exceptionnellement en un seul document d’ici au 14 avril 2013, en tenant compte des directives relatives aux documents propres au CERD, adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1), et en veillant à fournir des renseignements actualisés et à traiter tous les points soulevés dans les observations finales.

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