Nations Unies

CERD/C/JPN/CO/3-6

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

6 avril 2010

Français

Original: anglais

Comité pour l’éliminati on de la discrimination raciale

Soixante-seizième session

15 février-12 mars 2010

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Japon

1.Le Comité a examiné les troisième à sixième rapports périodiques du Japon, présentés en un document unique (CERD/C/JPN/3-6), à ses 1988e et 1989e séances (CERD/C/SR.1988 et CERD/C/SR.1989), tenues les 24 et 25 février 2010. À sa 2004e séance (CERD/C/SR.2004), tenue le 9 mars 2010, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation des troisième à sixième rapports périodiques de l’État partie. Il se déclare satisfait du dialogue constructif instauré avec l’importante délégation, des réponses écrites fournies à la liste des points à traiter (CERD/C/JPN/Q/6) ainsi que des réponses orales aux questions posées par les membres du Comité, qui lui ont permis de se faire une meilleure idée de la réalisation des droits consacrés par la Convention. Notant que le rapport a été présenté avec beaucoup de retard, le Comité demande à l’État partie de tenir compte à l’avenir des délais convenus pour la présentation des rapports afin de respecter ses obligations au titre de la Convention.

B.Aspects positifs

3.Le Comité prend note avec intérêt du projet pilote de réinstallation des réfugiés du Myanmar (2010) mis en œuvre par l’État partie.

4.Le Comité se félicite que l’État partie ait souscrit à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (septembre 2007).

5.Le Comité félicite l’État partie d’avoir reconnu au peuple aïnou le statut de peuple autochtone (2008) et prend note avec intérêt de la création du Conseil chargé des politiques en faveur des Aïnous (2009).

6.Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption de textes relatifs aux informations illégales et nuisibles sur Internet, notamment des lignes directrices révisées sur la diffamation et le respect de la vie privée (2004), de la loi sur les limitations de la responsabilité (2002) et de la disposition type applicable aux contrats relatifs aux poursuites concernant les informations illégales et nuisibles (2006).

C.Sujets de préoccupation et recommandations

7.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas fourni suffisamment d’informations sur les mesures concrètes qu’il a prises pour donner suite aux précédentes observations finales (CERD/C/304/Add.114), et regrette que leur mise en œuvre, ainsi que celle de la Convention dans son ensemble, soit d’une manière générale limitée.

L’État partie est encouragé à se conformer à toutes les recommandations et décisions qui lui sont adressées par le Comité et à prendre toutes les mesures nécessaires pour que les dispositions juridiques nationales permettent une meilleure application de la Convention.

8.Le Comité prend note de l’existence de dispositions nationales et locales garantissant l’égalité devant la loi, notamment l’article 14 de la Constitution, mais souligne que les motifs de discrimination énoncés à l’article premier de la Convention ne sont pas pleinement couverts. Il regrette en outre l’interprétation que l’État partie fait de la discrimination raciale fondée sur l’ascendance, mais juge encourageantes les informations relatives aux mesures prises conformément à l’esprit de la Convention pour prévenir et éliminer la discrimination contre les Burakumin (art. 1er).

Le Comité réaffirme l’opinion qu’il a exprimée dans sa Recommandation générale n o 29 (2002), selon laquelle «la discrimination fondée sur “l’ascendance” a un sens et une application qui complètent les autres motifs pour lesquels toute discrimination est interdite, et comprend la discrimination contre les membres des communautés reposant sur des formes de stratification sociale et les systèmes analogues de statut héréditaire qui empêchent ou entravent leur jouissance égale des droits de l’homme». En outre, le Comité réaffirme que le terme «ascendance» figurant au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention ne se réfère pas uniquement à la «race» et que la discrimination fondée sur l’ascendance est pleinement couverte par l’article premier de la Convention. Le Comité prie donc l’État partie d’adopter une définition complète de la discrimination raciale qui soit conforme à la Convention.

9.Le Comité note que l’État partie ne juge pas nécessaire d’adopter une loi nationale contre la discrimination, et est préoccupé par le fait que, en conséquence, des particuliers ou des groupes de personnes ne peuvent prétendre à obtenir réparation en cas de discrimination (art. 2).

Le Comité réitère la recommandation qu’il a formulée dans ses précédentes observations finales ( par. 10 ) et demande instamment à l’État partie d’envisager d’adopter une législation spécifique portant interdiction de la discrimination raciale directe et indirecte, conformément à l’article premier de la Convention, et couvrant tous les droits protégés par celle-ci . Il encourage également l’État partie à faire en sorte que les responsables de l’application des lois qui reçoivent des plaintes pour discrimination raciale aient les compétences et les pouvoirs nécessaires pour se charger des auteurs et pour protéger les victimes de discrimination.

10.Le Comité note avec intérêt que l’État partie a consulté et entendu de manière informelle des organisations non gouvernementales et d’autres groupes dans le cadre de l’élaboration du rapport, mais regrette qu’il n’ait pas créé davantage d’occasions de recueillir ou d’échanger des informations avec ces organisations et groupes.

Le Comité prend note d es contributions positives faites dans le domaine des droits de l’homme ainsi que du rôle joué par les organisations non gouvernementales (ONG) au Japon, et encourage l’État partie à veiller à ce qu’elles participent concrètement à la préparation du prochain rapport périodique dans le cadre d’un processus consultatif.

11.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie sur la composition de la population mais regrette que les données disponibles ne permettent pas de comprendre ni d’évaluer précisément la situation des groupes vulnérables dans l’État partie.

Conformément aux paragraphes 10 et 12 de ses directives révisées pour l’établissement des rapports (CERD/C/2007/1) , à sa Recommandation générale n o 8 (1990) concernant l’interprétation de l’article premier de la Convention et à sa Recommandation générale n o 30 (2004) concernant la discrimination contre les non-ressortissants, le Comité recommande à l’État partie de mener des travaux de recherche sur les langues communément parlées, les langues maternelles et l es autres indicateurs de la diversité de la population destinés à compléter les informations découlant d’enquêtes sociales, en veillant à respecter les principes de l’auto-identification volontaire, du respect de la vie privée et de l’anonymat des intéressés, afin d’évaluer la composition et la situation des groupes visés à l’article premier de la Convention. Le Comité encourage en outre l’État partie à fournir, dans son prochain rapport périodique, des données ventilées mises à jour sur les non-ressortissants.

12.Le Comité note que l’État partie s’est engagé à examiner la possibilité d’instaurer une institution nationale de défense des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris (résolution 48/134 de l’Assemblée générale), mais regrette le retrait du projet de loi relatif à la protection des droits de la personne, qui prévoyait la création d’une commission des droits de l’homme, ainsi que les retards et l’absence générale de mesures concrètes et de calendrier pour la création d’une institution nationale indépendante des droits de l’homme. Le Comité est également préoccupé par l’absence de mécanisme de plaintes complet et efficace (art. 2).

Le Comité encourage l’État partie à élaborer et à adopter un projet de loi relatif à la protection des droits de l’homme et à instaurer rapidement un mécanisme juridique de réception des plaintes. Il appelle également à la création d’une institution indépendante de défense des droits de l’homme, dotée des ressources et des personnels adéquats, qui soit conforme aux Principes de Paris et dont le mandat consisterait à défendre les droits de l’homme en général et à combattre les formes contemporaines de discrimination en particulier.

13.Tout en prenant acte des explications fournies par l’État partie à ce sujet, le Comité est préoccupé par les réserves que celui-ci a formulées aux alinéas a et b de l’article 4 de la Convention. Il prend également note avec préoccupation de la persistance de déclarations explicites et grossières ainsi que d’actions dirigées contre certains groupes − dont les enfants fréquentant les écoles coréennes − ainsi que de la diffusion, sur Internet, d’attaques et de propos racistes et offensants, visant tout particulièrement les Burakumin (art. 4 a) et b)).

Le Comité réaffirme que l’interdiction de la diffusion d’idées fondées sur la supériorité raciale ou la haine est compatible avec la liberté d’opinion et d’expression, et encourage à cet égard l’État partie à réfléchir à la nécessité ou non de maintenir ses réserves aux alinéas a et b de l’article 4 de la Convention, dans l’optique d’en réduire le champ d’application et, de préférence, de les retirer. Le Comité rappelle que l’exercice du droit à la liberté d’expression est assorti d’obligations et de responsabilités spécifiques, notamment l’obligation de ne pas diffuser d’idées racistes, et engage de nouveau l’État partie à tenir compte de ses Recommandations générales n os 7 (1985) et 15 (1993), qui mettent l’accent sur le caractère obligatoire de l’article 4, compte tenu que ses dispositions ne sont pas directement applicables. Il recommande à l’État partie de:

a) Pallier l’absence de législation destinée à donner pleinement effet aux dispositions antidiscriminatoires de l’article 4;

b) Veiller à ce que les dispositions pertinentes du droit constitutionnel, civil et pénal soient effectivement appliquées , notamment en prenant des mesures supplémentaires pour combattre les manifestations de haine et de racisme et en redoublant d’efforts pour enquêter sur les actes de cette nature et en punir les auteurs; et

c) Multiplier les campagnes de sensibilisation pour prévenir la diffusion d’idées racistes ainsi que les infractions à motivation raciste, y compris la diffusion de propos haineux et de propagande raciste sur Internet.

14.Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour dispenser un enseignement dans le domaine des droits de l’homme aux agents de l’État, mais relève de nouveau avec préoccupation, comme dans ses précédentes observations finales (par. 13), que des agents de l’État continuent de tenir des propos discriminatoires et regrette que les autorités n’aient pas pris de mesures administratives ou légales à cet égard, en violation de l’alinéa c de l’article 4 de la Convention. Il est également préoccupé par le fait que les lois en vigueur sur la diffamation, l’insulte et l’intimidation, qui rendent de tels propos passibles de sanctions, ne visent pas spécifiquement la discrimination raciale et ne s’appliquent qu’aux cas où le tort est causé à une personne en particulier (art. 4 c) et 6).

Le Comité recommande à nouveau à l’État partie de condamner et de dénoncer vivement tout propos émanant d’un agent public , à l’échelon national ou local, qui tolère ou encourage la discrimination raciale, et de redoubler d’efforts pour sensibiliser les hommes politiques et les agents publics aux droits de l’homme. En outre, il recommande instamment à l’État partie de promulguer une loi qui interdise formellement les propos racistes et xénophobes, et garantisse l’accès à une protection et à des voies de recours efficaces par le biais de tribunaux nationaux compétents. Il recommande également à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour empêcher que de tels incidents se reproduisent et de dispenser une éducation aux droits de l’homme adapté e , portant entre autres spécifiquement sur la discrimination raciale, à tous les fonctionnaires de l’administ r ation, agents des forces de l’ordre et administrateurs ainsi qu’à la population en général.

15.Relevant que les médiateurs des tribunaux de la famille n’ont aucun pouvoir décisionnel, le Comité se déclare préoccupé par le fait que des non-nationaux qui auraient les compétences voulues ne peuvent participer, en tant que médiateurs, au règlement d’un différend. Il note également qu’aucune donnée n’a été fournie sur la participation des non-nationaux à la vie politique (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de revoir sa position afin de permettre à des non- nationaux compétents, dont la candidature au poste de médiateur a été appuyée, à travailler au sein des tribunaux de la famille. Il recommande également à l’État partie de fournir des informations, dans son prochain rapport périodique, sur le droit des non- nationaux de participer à la vie politique.

16.Tout en prenant note avec intérêt du nombre croissant de résidents non japonais sur le territoire de l’État partie, y compris de candidats à la naturalisation, le Comité réitère l’opinion exprimée dans ses précédentes conclusions (par. 18), selon laquelle le nom d’une personne est un aspect fondamental de l’identité culturelle et ethnique, qui doit être respecté. À cet égard, il est préoccupé par le fait que, à des fins de naturalisation, les requérants continuent de changer leur nom par crainte de la discrimination plutôt que par libre choix (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que l’identité des étrangers candidats à la naturalisation soit respectée et que les termes employés par les fonctionnaires et dans les formulaires de demande de naturalisation et les publications traitant de cette procédure ne soient pas de nature à persuader les requérants d’adopter une graphie et des noms japonais par crainte d’être pénalisés ou d’être victimes de discrimination.

17.Tout en notant que la loi révisée sur la prévention de la violence conjugale et la protection des victimes (2007) protège les victimes indépendamment de leur nationalité et renforce le rôle des autorités locales, le Comité constate avec préoccupation que les femmes victimes de violence familiale et sexuelle ont difficilement accès aux mécanismes de dépôt de plaintes et aux services de protection. Il note en particulier avec préoccupation que les modifications apportées à la loi sur le contrôle de l’immigration (2009) créent des difficultés pour les femmes étrangères victimes de violence familiale. Il regrette en outre le manque d’informations et de données sur l’incidence de la violence contre les femmes (art. 5).

Compte tenu de la Recommandation générale n o 25 (2000) concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale, le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre le phénomène de la double discrimination, notamment en ce qui concerne les femmes et les enfants appartenant à des groupes vulnérables. Il réitère en outre sa précédente recommandation (par. 22) visant à ce que l’État partie recueille des données et mène des recherches sur les mesures de prévention de la discrimination raciale fondée sur le sexe, y compris l’exposition à la violence.

18.Tout en prenant acte de la position de l’État partie au sujet du système de registre familial et des modifications législatives apportées pour protéger les renseignements personnels (2008), le Comité réaffirme sa préoccupation au sujet des difficultés inhérentes au système et de la poursuite des atteintes à la vie privée, en particulier des Burakumin (art. 2 et 5).

Le Comité recommande la promulgation d ’ une loi plus stricte, assortie de mesures punitives, pour interdire l ’ utilisation du système de registre familial à des fins discriminatoires, en particulier dans les domaines de l ’ emploi, du mariage et du logement, et protéger efficacement la vie privée des personnes.

19.Le Comité prend note avec intérêt de la reconnaissance, par l’État partie, du fait que la discrimination à l’encontre des Burakumin est un problème social, ainsi que des résultats de la loi sur les mesures spéciales en faveur des Dowa, mais il relève avec préoccupation que les conditions suivantes, convenues entre l’État partie et les organisations burakumin après la fin des mesures spéciales en faveur des Dowa en 2002, ne sont pas remplies à ce jour: pleine application de la Convention; promulgation d’une loi relative à la protection des droits de l’homme; et adoption d’une loi pour la promotion de l’éducation aux droits de l’homme. Il regrette qu’aucune administration n’ait été spécialement chargée d’examiner les cas de discrimination à l’encontre des Burakumin et note que l’État partie n’emploie pas de concept uniforme lorsqu’il traite des Burakumin et des politiques y relatives ou lorsqu’il s’y réfère. En outre, le Comité note avec préoccupation que bien qu’ils aient diminué pour certains Burakumin, notamment sur le plan du cadre de vie et de l’éducation, les écarts socioéconomiques entre les Burakumin et le reste de la population persistent dans des domaines de la vie publique tels que l’emploi, le mariage, le logement et la valeur des terres. Il regrette en outre le manque d’indicateurs de l’évolution de la situation des Burakumin (art. 2 et 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De charger un organisme d ’ État ou un comité spécial de s ’ occuper des questions relatives aux Buraku min ;

b) De tenir les engagements pris après l ’ expiration de la loi sur les mesures spéciales;

c) D ’ engager des consultations avec les personnes concernées afin d ’ adopter une définition claire et uniforme des B uraku min ;

d) De compléter les programmes d ’ amélioration des conditions de vie des Buraku min par des campagnes d ’ éducation et de sensibilisation aux droits de l ’ homme s ’ adressant au public en général, en particulier dans les régions abritant des communautés buraku;

e) De fournir des indicateurs statistiques rendant compte de la situation et des progrès en ce qui concerne l ’ application des mesures susmentionnées; et

f) De tenir compte de la Recommandation générale n o 32 (2009) concernant les mesures spéciales, y compris la recommandation selon laquelle ces mesures devront cesser d ’ être appliquées lorsque l ’ égalité entre les groupes bénéficiaires et les autres aura été réalisée de manière durable.

20.Tout en se félicitant de la reconnaissance des Aïnous en tant que peuple autochtone et en prenant note avec intérêt des mesures par lesquelles l’État partie montre l’importance qu’il attache à cette question, notamment de la création d’un groupe de travail chargé de créer un établissement public symbolique et d’un autre groupe chargé de mener une enquête sur le statut des Aïnous hors d’Hokkaïdo, le Comité se dit préoccupé par les points suivants:

a)La représentation insuffisante des Aïnous dans les instances de consultation et au sein du groupe consultatif de personnalités éminentes;

b)L’absence d’étude nationale sur l’extension des droits des Aïnous et l’amélioration de leur position sociale à Hokkaïdo;

c)Le peu de progrès réalisés jusqu’ici pour mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (art. 2 et 5).

Le Comité recommande de prendre des mesures supplémentaires, en concertation avec les représentants des Aïnous, pour faire en sorte que les consultations débouchent sur des politiques et des programmes comprenant des plans d ’ action clairs et ciblés traitant des droits des Aïnous, ainsi que d ’ accroître la participation des représentants des Aïnous aux consultations. Il recommande en outre à l ’ État partie d ’ envisager, en concertation avec les représentants des Aïnous, de créer un troisième groupe de travail qui serait chargé d ’ examiner et de faire respecter des engagements internationaux tels que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de réaliser une étude nationale sur les conditions de vie des Aïnous à Hokka ï do et recommande à l ’ État partie de tenir compte de sa Recommandation générale n o 23 (1997). Il recommande par ailleurs à l ’ État partie d ’ envis ager de ratifier la Convention n o 169 de l ’ OIT de 1989 concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants.

21.Tout en soulignant que l’UNESCO a reconnu un certain nombre de langues ryukyu (2009), ainsi que l’ethnicité, l’histoire, la culture et les traditions uniques des habitants d’Okinawa, le Comité regrette l’approche adoptée par l’État partie pour accorder à la spécificité d’Okinawa la reconnaissance qui s’impose et se dit préoccupé par la discrimination persistante dont est victime le peuple d’Okinawa. Il rappelle en outre l’analyse du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, selon laquelle la concentration disproportionnée de bases militaires sur Okinawa nuit à l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels des habitants (art. 2 et 5).

Le Comité encourage l ’ État partie à engager de larges consultations avec les représentants des Okinawais afin d ’ étudier la discrimination dont ces derniers sont victimes, de promouvoir leurs droits et de mettre en place les mesures et politiques de protection appropriées.

22.Le Comité prend note avec satisfaction des efforts faits par l’État partie pour faciliter l’instruction des groupes minoritaires, y compris la mise à disposition de conseillers d’orientation bilingues et de manuels de scolarisation en sept langues, mais regrette le manque d’informations sur la mise en œuvre de programmes concrets de lutte contre le racisme dans le système éducatif. En outre, il se dit préoccupé par les mesures qui ont des effets discriminatoires sur l’éducation des enfants, notamment:

a)Le manque de possibilités offertes aux enfants aïnous ou aux enfants d’autres groupes nationaux de recevoir une instruction dispensée dans leur langue ou portant sur leur langue;

b)Le fait que le principe de l’éducation obligatoire ne s’applique pas pleinement aux enfants des étrangers résidant sur le territoire de l’État partie conformément à l’article 5 e) v) de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, à l’article 28 de la Convention relative aux droits de l’enfant, et à l’article 13, paragraphe 2, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, instruments auxquels le Japon est partie;

c)Les obstacles portant sur l’agrément des écoles, l’équivalence des programmes et l’accès à l’enseignement supérieur;

d)Le traitement différent réservé aux écoles pour étrangers et descendants de Coréens et de Chinois résidant sur le territoire de l’État partie sur le plan des aides publiques des subventions et des exonérations fiscales; et

e)La position de certains responsables politiques qui proposent d’exclure les écoles nord-coréennes des projets actuels de modification de la législation de l’État partie visant à instaurer la gratuité des lycées, des collèges techniques et des autres institutions publiques et privées d’un niveau comparable (art. 2 et 5).

Compte tenu de sa Recommandation générale n o 30 (2004) concernant la discrimination contre les non-ressortissants, le Comité recommande à l ’État partie de veiller à ce qu ’ il n ’ y ait pas de discrimination dans l ’accès à l’édu cation et à ce qu ’ aucun enfant résidant sur le territoire de l ’ État partie n ’ait des difficultés pour s’inscrire à l’école et terminer le cycle d’ enseignement obligatoire. À cet égard, il recommande aussi à l ’ État partie de réaliser une étude sur la multiplicité des systèmes scolaires destinés aux étrangers et sur la préférence donnée aux systèmes pa rallèles extérieurs au système scolaire public national. Le Comité encourage l ’ État partie à envisager d ’ offrir aux groupes minoritaires des possibilités appropriées de recevoir une instruction dispensée dans leur langue ou portant sur leur langue et l ’ invite à envisager d ’ adhérer à la Convention de l ’ UNESCO concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l ’ enseignement.

23.Le Comité prend acte avec satisfaction des progrès réalisés en ce qui concerne le processus de détermination du statut de réfugié, mais se dit à nouveau préoccupé de ce que, selon certaines informations, des normes préférentielles s’appliquent aux demandeurs d’asile en provenance de certains pays et de ce que des demandeurs d’asile d’origines différentes, qui avaient besoin d’une protection internationale, ont été renvoyés de force dans des situations dangereuses. Le Comité exprime en outre sa préoccupation au sujet des problèmes reconnus par les réfugiés eux-mêmes, notamment les difficultés d’accès aux informations sur l’asile, les problèmes de compréhension des procédures, les problèmes de langue et de communication et les différences culturelles, notamment l’incompréhension du public face aux questions relatives aux réfugiés (art. 2 et 5).

Le Comité recommande à nouveau à l ’ État partie de pren dr e les mesures nécessaires pour unif or m iser les procédures d ’ asile et garantir que tous les réfugiés bénéficie nt des services publics sur un pied d ’ égalité. Dans ce contexte, il recommande aussi à l ’ État partie de faire en sorte que tous les demandeurs d ’ asile aient droit, entre autres, à un niveau de vie et à des soins médicaux suffisants. En outre , le Comité demande instamment à l ’ État partie de veiller à ce que , conformément à l ’ article 5 b), nul ne soit contraint de retourner dans un pays où il y a tout lieu de croire que sa vie ou sa santé peut être en danger. Il recommande à l ’ État partie de sollicit er la coopération du Haut-Commissariat pour les réfugiés à cet égard.

24.Le Comité est préoccupé par des cas de relations difficiles entre des Japonais et des non-Japonais et, en particulier, par des cas dans lesquels, pour des raisons de race ou de nationalité, des non-Japonais se sont vu refuser l’accès à des lieux ou à des services destinés au grand public, comme des restaurants, des bains publics familiaux, des magasins et des hôtels, en violation de l’article 5 f) de la Convention (art. 2 et 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie de lutter contre cette attitude générale en menant des activités de sensibilisation destinées à l’ensemble de la population et d’ adopt er une loi nationale interdisant de refuser l ’ accès à des lieux ouverts au public.

25.Le Comité note avec préoccupation que les mesures prises par l’État partie pour réviser les manuels de manière à donner une image juste de la contribution des groupes protégés par la Convention à la société japonaise sont insuffisantes (art. 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie de procéder à une révision des manuels existants, afin de mieux rendre compte de la culture et de l ’ histoire des minorités, et de favoriser la diffusion des livres et autres publications traitant de l ’ histoire et de la culture des minorités, y compris dans les langues parlées par celles-ci. Il encourage en particulier l ’ État partie à soutenir, dans le cadre du cycle d ’ études obligatoire, l ’ enseignement des langues aïnou et ryukyu ainsi que l’instruction dans ces langues.

26.Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour lutter contre les préjugés raciaux, comme la création de centres consultatifs des droits de l’homme et la mise en place d’activités d’éducation aux droits de l’homme et de promotion des droits de l’homme, mais il reste préoccupé par le manque d’informations concrètes au sujet des médias et de la place accordée aux droits de l’homme dans les émissions télévisées et radiophoniques (art. 7).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier les campagnes d ’ éducation et de sensibilisation du public, en y incorporant les objectifs éducatifs de la tolérance et du respect et en veillant, à des fins d ’ élimination de la discrimination raciale, à ce que les questions concernant les groupes vulnérables, que ceux-ci soient nationaux ou non nationaux, soient correctem ent présent ées dans les médias. Il recommande en outre à l ’ État partie d ’ accorder une attention particulière au rôle des médias dans l ’ amélioration de l ’ éducation aux droits de l ’ homme et de renforcer les mesures de lutte contre les préjugés raciaux qui conduisent à une discrimination raciale dans les médias et dans la presse. Par ailleurs, il recommande d ’ accroître la sensibilisation à la discrimination raciale par l ’ éducation et la formation des journalistes et des pro fessionnel s des médias.

27.Compte tenu de l’indivisibilité de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme qui ne l’ont pas encore été, en particulier ceux dont les dispositions se rapportent directement à la question de la discrimination raciale, tels que la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990), la Convention no 111 de l’OIT concernant la discrimination (emploi et profession) (1958), la Convention relative au statut des apatrides, la Convention sur la réduction des cas d’apatridie et la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

28.À la lumière de sa Recommandation générale no 33 (2009) concernant le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, lorsqu’il applique la Convention dans son ordre juridique interne. Il prie l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations spécifiques sur les plans d’action et les autres mesures prises pour appliquer la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

29.Le Comité encourage l’État partie à faire la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention, reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir et examiner les plaintes individuelles.

30.Tout en prenant acte de la position de l’État partie, le Comité recommande à celui-ci de ratifier les amendements au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention adoptés le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties et approuvés par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111. À cet égard, le Comité rappelle les résolutions 61/148 et 63/243 dans lesquelles l’Assemblée générale a demandé instamment aux États parties de hâter leur procédure interne de ratification de l’amendement et d’informer par écrit le Secrétaire général dans les meilleurs délais de leur acceptation de cet amendement.

31.Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que ses rapports soient facilement accessibles au public au moment de leur soumission, et à ce que les observations du Comité s’y rapportant soient également diffusées dans la langue officielle de l’État et les autres langues communément utilisées selon qu’il convient.

32.Notant que l’État partie a soumis son document de base en 2000 (HRI/CORE/1/Add.111), le Comité l’encourage à en présenter une version actualisée conformément aux directives harmonisées pour l’établissement des rapports sur l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles qui concernent le document de base commun, adoptées à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme en juin 2006 (HRI/MC/2006/3).

33.Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son Règlement intérieur révisé, le Comité recommande à l’État partie de lui communiquer, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 12, 20 et 21 ci-dessus.

34.Le Comité souhaite aussi appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations 19, 22 et 24 et l’invite à fournir des informations détaillées dans son prochain rapport périodique sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

35.Le Comité recommande à l’État partie de veiller à soumettre ses septième, huitième et neuvième rapports périodiques d’ici le 14 janvier 2013, en tenant compte des directives relatives aux documents propres au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale que le Comité a adoptées à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1), et d’y traiter tous les points soulevés dans les présentes observations finales.