Nations Unies

CMW/C/IDN/CO/1

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

19 octobre 2017

Français

Original : anglais

Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Observations finales concernant le rapport initial de l’Indonésie *

1.Le Comité a examiné le rapport initial de l’Indonésie (CMW/C/IDN/1) à ses 363e et 364e séances (voir CMW/C/SR.363 et 364), les 5 et 6 septembre 2017. À sa 374e séance, le 13 septembre 2017, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie, qui a été élaboré en réponse à la liste de points établie avant la soumission du rapport (CMW/C/IDN/QPR/1). Il accueille également avec satisfaction les renseignements complémentaires qu’a fournis la délégation multisectorielle de l’État partie, qui était conduite par l’Ambassadeur et Représentant permanent adjoint de l’Indonésie auprès de l’Office des Nations Unies à Genève et des autres organisations internationales à Genève, Michael Tene, et le Secrétaire général de l’Autorité nationale pour le placement et la protection des travailleurs migrants indonésiens, Alip Singgih Hermono, et composée de représentants du Ministère de la main-d’œuvre et de la transmigration, du Ministère de la justice et des droits de l’homme, du Ministère des affaires étrangères, du Ministère des affaires sociales, du Cabinet de la Présidence de la République d’Indonésie, de l’Autorité nationale pour le placement et la protection des travailleurs migrants indonésiens, de la régence de Wonosobo et de la Mission permanente de la République d’Indonésie auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

3.Le Comité se félicite du dialogue ouvert et constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie mais note avec regret que les informations fournies avaient souvent un caractère général ou étaient incomplètes, en particulier s’agissant de l’application pratique de la Convention dans l’État partie.

4.Le Comité estime que si l’Indonésie, qui est principalement un pays d’origine, a certes progressé dans le domaine de la protection des droits des travailleurs migrants indonésiens à l’étranger, de nombreux problèmes subsistent. Il note que l’État partie est de plus en plus un pays de transit et de destination, ce qui signifie que des mesures doivent être prises pour garantir la protection des droits des travailleurs migrants sur le territoire de l’État partie.

5.Le Comité note aussi que nombre des pays dans lesquels les travailleurs migrants indonésiens sont employés ne sont pas parties à la Convention, ce qui pourrait représenter un obstacle à l’exercice par ces travailleurs migrants de leurs droits en vertu de la Convention.

B.Aspects positifs

6.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adhéré aux instruments internationaux ci-après ou les a ratifiés :

a)La Convention de 2006 du travail maritime de l’Organisation internationale du Travail (OIT) (en juin 2017) ;

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (en septembre 2012) ;

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (en septembre 2012) ;

d)La Convention relative aux droits des personnes handicapées (en novembre 2011) ;

e)Le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, et le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, tous deux additionnels à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (en septembre 2009).

7.Le Comité salue en outre les mesures législatives ci-après prises par l’État partie :

a)Le règlement no 35/2015 du Ministère de la main-d’œuvre et de la transmigration portant modification du règlement no 16/2015 du Ministère sur les procédures à suivre pour employer des travailleurs étrangers (en octobre 2015) ;

b)Le règlement no 42/2015 du Ministère de la main-d’œuvre et de la transmigration sur les procédures de délivrance, de prolongation et de retrait des permis de placement de travailleurs migrants indonésiens (en 2015) ;

c)Le règlement no PER.23/MEN/IX/2009 du Ministère de la main-d’œuvre et de la transmigration sur l’éducation et la formation professionnelle des travailleurs migrants indonésiens candidats au départ (en septembre 2009) ;

d)La loi no 21/2007 sur la traite des travailleurs migrants (en avril 2007) ;

e)Le règlement no 102/HUK/2007 du Ministère des affaires sociales sur le centre de prise en charge des victimes de traumatisme (en 2007) ;

f)La loi no 39/2004 sur le placement et la protection des travailleurs migrants indonésiens à l’étranger (en octobre 2004) et ses règlements d’application.

8.Le Comité salue aussi l’adoption des mesures institutionnelles et gouvernementales suivantes :

a)L’adoption du Plan d’action national pour les droits de l’homme (2015‑2019) ;

b)L’adoption des neuf priorités ou Nawa Cita du programme gouvernemental du Président Joko Widodo pour la période 2015-2019, qui vise notamment à renforcer la qualité de la protection des ressortissants indonésiens et des personnes morales indonésiennes à l’étranger et à protéger les droits et la sécurité des travailleurs migrants vivant dans l’État partie ;

c)L’adoption de la feuille de route vers l’élimination du travail des enfants en Indonésie à l’horizon 2022 (en décembre 2014) ;

d)La création de l’équipe spéciale sur les travailleurs migrants (en juillet 2011) ;

e)La création de l’équipe spéciale de lutte contre la traite des personnes (en novembre 2008).

9.Le Comité se félicite du rôle de chef de file assumé par l’État partie dans des processus consultatifs régionaux tels que le Processus de Colombo, le Dialogue d’Abou Dhabi et le Processus de Bali sur le trafic de migrants, la traite des personnes et la criminalité transnationale qui y est associée, ainsi que le Forum mondial sur la migration et le développement.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Mesures d’application générale (art. 73 et 84)

Législation et application

10.Le Comité note avec satisfaction que la situation des travailleurs migrants indonésiens à l’étranger est prise en compte dans l’État partie à travers une multitude de lois, règlements, programmes et structures de soutien et que toutes les étapes du processus de migration sont envisagées. Toutefois, il est préoccupé par l’absence de législation globale sur la migration destinée à protéger les droits de tous les travailleurs migrants, y compris ceux en situation irrégulière, ainsi que par l’insuffisance des mesures prises par l’État partie pour mettre sa législation en conformité avec la Convention, en particulier la loi no 6/2011 sur l’immigration, et par le retard pris dans l’adoption du projet de modification de la loi no 39/2004 sur le placement et la protection des travailleurs migrants indonésiens à l’étranger.

11. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une législation globale sur la migration et de prendre les mesures nécessaires pour mettre les lois nationales, notamment la loi n o  6/2011 sur l ’ immigration et le projet de loi portant modification de la loi n o 39/2004 sur le placement et la protection des travailleurs migrants indonésiens à l ’ étranger, en conformité avec la Convention.

Articles 76 et 77

12. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de déclarer, conformément aux articles 76 et 77 de la Convention, qu ’ il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant d’ États parties ou de particuliers faisant état de violations d es droits consacrés par la Convention.

Ratification des instruments pertinents

13. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ou d ’ y adhérer dans les meilleurs délais.

Politique et stratégie globales

14.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore adopté de politique ou de stratégie globale sur la migration.

15. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer une stratégie globale sur la migration , tenant compte de s besoins particuliers de chaque sexe et respectueuse des droits de l ’ homme , qui soit appuyée par des ressources humaines, techniques et financières suffisantes, et un mécanisme de suivi pour en assurer la mise en œuvre.

Coordination

16.Le Comité prend note avec satisfaction de la création, en 2006, de l’Autorité nationale pour le placement et la protection des travailleurs migrants indonésiens et de l’engagement pris par sept institutions et organismes publics de renforcer la synergie entre leurs activités afin de protéger les travailleurs migrants indonésiens à l’étranger. Toutefois, il constate avec préoccupation qu’à tous les échelons des pouvoirs publics, la coordination entre les différents ministères et institutions dans la mise en œuvre des droits protégés par la Convention est insuffisante.

17. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour améliorer la coordination à tous les niveaux entre les différents ministères et institutions afin que les droits qui sont protégés au titre de la Convention soient mis en œuvre avec efficacité. À cette fin, l ’ État partie devrait notamment doter de ressources humaines, techniques et financières appropriées l es institutions compétentes , en particulier l ’ Autorité nationale pour le placement et la protection des travailleurs migrants indonésiens, la Direction générale de l ’ immigration et la Direction générale de la protection des citoyens indonésiens et des personnes morales indonésiennes à l ’ étranger. Il devrait aussi confier à ces institutions un mandat qui leur permette d ’ assurer à tous les niveaux une coordination efficace des politiques migratoires globales, et évaluer les effets de ces politiques et programmes sur les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, aussi bien sur le territoire de l ’ État partie qu ’ à l ’ étranger.

Collecte de données

18.Tout en prenant note des efforts déployés par l’État partie pour fournir des données sur les travailleurs migrants indonésiens à l’étranger, le Comité note avec préoccupation que les statistiques sur les migrations de main-d’œuvre sont produites de manière fragmentée et ne concernent ni les travailleurs migrants en situation irrégulière, ni les enfants de travailleurs migrants qui sont restés dans l’État partie, ni les travailleurs migrants employés dans l’État partie.

19. Le Comité recommande à l ’ État partie de créer une base de données complète et centralisée englobant tous les aspects visés dans la Convention et de veiller à recueillir des données sur la situation des travailleurs migrants dans l ’ État partie. Il l ’ encourage à recueillir des informations et des données statistiques ventilées par sexe, âge, nationalité , situation matrimoniale et familiale, motif d ’ entrée dans le pays ou de sortie du pays et type de travail effectué , qui soient conformes à la cible 17.18 des objectifs de développement durable, afin d’orienter efficacement les politiques pertinentes et l ’ application de la Convention. Le Comité recommande également à l ’ État partie de renforcer les capacités des agents de l ’ État à recueillir et analyser des données exactes sur la migration, notamment la situation des travailleurs migrants en situation irrégulière et des victimes de la traite, et d ’ obtenir la coopération de ses représentations consulaires et diplomatiques à l ’ étranger dans ce cadre. Dans les cas où il n ’ est pas possible d ’ obtenir des informations précises, par exemple dans le cas des travailleurs migrants en situation irrégulière, le Comité demande à l ’ État partie de lui communiquer des données provenant d ’ études ou d ’ estimations.

Suivi indépendant

20.Le Comité note que la Commission nationale des droits de l’homme, à laquelle l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme a de nouveau conféré le statut « A » en 2017, examine des allégations de violations des droits de travailleurs migrants indonésiens et de travailleurs étrangers en Indonésie. Il note également que la Commission et ses partenaires ont la responsabilité de surveiller les conditions dans les centres de détention qui se trouvent sur l’ensemble du territoire. Toutefois, le Comité est préoccupé par :

a)La faible représentation des femmes et des minorités ethniques au sein de la Commission ;

b)L’absence de processus clair, transparent et participatif de sélection et de nomination ;

c)L’insuffisance du niveau de financement et de l’autonomie financière de la Commission, qui ne lui permettent pas de donner la suite qu’il conviendrait aux plaintes des travailleurs migrants.

21. Le Comité recommande à l’État partie de faire tout le nécessaire pour :

a) Améliorer la représentation des femmes et des minorités ethniques au sein de la Commission nationale des droits de l ’ homme ;

b) Faire en sorte que le processus de sélection et de nomination soit clair, transparent et participatif ;

c) Affecter des ressources humaines, techniques et financières suffisantes à la Commission afin de lui permettre de s ’ acquitter efficacement de son mandat, notamment en donnant suite aux plaintes des travailleurs migrants.

Formation et diffusion de l’information sur la Convention

22.Le Comité prend note des différentes mesures prises par l’État partie pour diffuser des informations sur la Convention et ses dispositions auprès d’un large éventail d’acteurs et pour dispenser aux agents consulaires et aux attachés du travail une formation à la protection des droits des travailleurs migrants. Toutefois, le Comité note avec préoccupation que les mesures prises pour dispenser une formation sur la Convention et diffuser des informations sur les droits qui y sont énoncés à toutes les parties prenantes concernées n’ont pas été suffisantes.

23. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures suivantes :

a) Élaborer des programmes d’enseignement et de formation sur les droits garantis par la Convention aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille, en tenant compte des questions de genre, et veiller à ce qu’une telle formation soit offerte à tous les fonctionnaires et à tout le personnel s’occupant des questions relatives aux migrations, en particulier au personnel chargé de l’application des lois et de la surveillance des frontières, aux juges, aux procureurs, aux agents consulaires concernés ainsi qu’aux fonctionnaires des organes nationaux, provinciaux et locaux, aux travailleurs sociaux et aux organisations de la société civile ;

b) Prendre de nouvelles mesures pour garantir l’accès des travailleurs migrants à des informations et à des conseils sur les droits dont ils jouissent en vertu de la Convention, en particulier dans le cadre des programmes d’orientation préalables à l’emploi et au départ ;

c) Intensifier sa collaboration avec les organisations de la société civile et avec les médias afin de diffuser des informations sur la Convention dans l’ensemble du pays.

Participation de la société civile

24.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles la société civile dans l’État partie n’est pas suffisamment incluse dans la mise en œuvre de la Convention ou consultée à ce sujet.

25. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager des mesures plus volontaristes pour faire participer systématiquement la société civile et les organisations non gouvernementales à la mise en œuvre de la Convention, y compris dans les pays où sont employés des travailleurs migrants indonésiens, ainsi qu’à la négociation et au suivi des accords bilatéraux , conformément aux dispositions de la législation .

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Non-discrimination

26.Tout en prenant note des dispositions générales de la Constitution et de la législation interdisant la discrimination, le Comité note avec préoccupation que la législation nationale ne couvre pas tous les motifs sur lesquels il est interdit de fonder une discrimination qui sont énoncés au paragraphe 1 de l’article premier et à l’article 7 de la Convention et ne précise pas que sont interdites aussi bien les formes directes qu’indirectes de discrimination. Il est aussi préoccupé par les informations faisant état de traitements discriminatoires à l’égard de travailleurs migrants et de membres de leur famille, en particulier ceux qui se trouvent en situation irrégulière, de la part des agents de l’État chargés des questions relatives au travail.

27. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures suivantes  :

a) Modifier sa constitution et/ou sa législation nationale pour y inclure l’interdiction de la discrimination directe et indirecte fondée sur l’ensemble des motifs énumérés dans la Con vention (art.  1 er 1), et art. 7), s’agissant de tous les aspects de l’emploi et de la profession et couvrant tous les travailleurs, y compris les travailleurs domestiques et les travailleurs du secteur informel ;

b) Prendre les mesures nécessaires pour que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille, pourvus ou non de documents, qui se trouvent sur son territoire ou sous sa juridiction jouissent sans discrimination des droits défendus par la Convention, conformément à son article 7.

Accès à un recours effectif

28.Le Comité prend note de l’adoption de la loi no 16/2011 sur l’assistance judiciaire, de l’existence de différents mécanismes de dépôt de plaintes que peuvent utiliser les travailleurs migrants indonésiens à l’étranger, et de l’action menée par l’Autorité nationale pour le placement et la protection des travailleurs migrants indonésiens en matière de conciliation et de règlement des différends. Toutefois, il constate avec préoccupation :

a)L’absence d’information et de mécanisme permettant d’informer les travailleurs migrants de leurs droits et des possibilités de recours prévues par le système juridique de l’État partie ;

b)L’inefficacité du traitement des plaintes, qui découle notamment du niveau insuffisant des ressources allouées et de la formation du personnel, surtout la formation en matière de gestion des plaintes et de prise en compte des particularités liées au genre ;

c)Le fait que les plaintes des travailleurs migrants pauvres ou peu qualifiés, en particulier de migrants sans papiers et de travailleurs domestiques migrants, ne soient pas véritablement examinées ou que l’on refuse de leur fournir une assistance ;

d)Le fait que les travailleurs migrants sans papiers dont les droits ont été violés ne puissent parfois pas demander que justice soit faite parce qu’ils craignent d’être placés en détention pour entrée illégale sur le territoire en vertu de la loi no 6/2011 sur l’immigration.

29. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures suivantes :

a) Veiller à ce que, en droit et dans la pratique, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, aient la même possibilité que les nationaux de porter plainte et d’obtenir réparation devant les tribunaux lorsque les droits qui leur sont reconnus par la Convention ont été violés, notamment en supprimant les obstacles à l’accès à la justice des migrants sans papiers, dont le risque d’être placé en détention en vertu de la loi n o  6/2011 sur l’immigration ;

b) Redoubler d’efforts pour informer les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, des recours judiciaires et autres qui leur sont ouverts en cas de violation de leurs droits au titre de la Convention ;

c) Allouer suffisamment de ressources supplémentaires aux mécanismes de plainte pour favoriser un traitement plus efficace des plaintes, assurer régulièrement le renforcement des capacités et des compétences du personnel de ces mécanismes, notamment sur la non-discrimination, et accroître l’assistance juridique afin d’aider les travailleurs migrants à porter plainte ;

d) Veiller à ce que les travailleurs migrants qui rentrent au pays et dont les droits ont été violés obtiennent des réparations appropriées, y compris le versement d’une indemnisation financière, et à ce qu’il existe des arrangements spécifiques pour recevoir les plaintes pour violence sexuelle ou sexiste.

3.Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

Gestion des frontières et migrants en transit

30.Le Comité note avec préoccupation qu’au titre de l’article 113 de la loi no 6/2011 sur l’immigration, l’entrée irrégulière dans l’État partie et la sortie irrégulière de son territoire sont des infractions pénales passibles d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an.

31. Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir le droit des migrants en situation régulière comme des migrants sans papier s d ’ identité de quitter tout pays, y compris le leur, et de dépénaliser l ’ entrée et la sortie irréguli ère s. Il recommande aussi à l ’ État partie de respecter, conformément aux principes et directives recommandés sur les droits de l ’ homme aux frontières internationales, ses obligations en matière de droits de l ’ homme à tous les points de passage de s frontière s , y compris le droit à une procédure régulière pour tous les migrants, indépendamment de leur statut, et de veiller à ce que les mesures de gestion des frontières traitent et combattent toutes les formes de discrimination par des agents de l ’ État aux frontières internationales et qu ’ elles respectent le principe de non-refoulement et l ’ interdiction des expulsions arbitraires et collectives.

Exploitation par le travail et autres formes de mauvais traitements, dont le travail des enfants

32.Le Comité est préoccupé par :

a)Les informations selon lesquelles les migrants sans papiers qui travaillent dans l’État partie seraient souvent soumis à l’exploitation par le travail et à l’exploitation sexuelle, notamment au travail forcé, en particulier dans les secteurs de la pêche, du bâtiment et de l’agriculture, dans l’industrie minière, dans les industries de transformation, dans le secteur touristique et dans celui du travail domestique ;

b)L’utilisation persistante de châtiments corporels, dont les coups de fouet et de canne, dans les établissements pénitentiaires de la province d’Aceh, à laquelle les travailleurs migrants et les membres de leur famille sont eux aussi exposés ;

c)Le grand nombre d’enfants migrants exposés à des conditions de travail dangereuses et aux pires formes de travail des enfants, employés dans les mines, la pêche hauturière, le bâtiment, les carrières, comme domestiques ou dans l’industrie du sexe, et le fait que ces enfants abandonnent l’école précocement, qu’ils sont exposés au risque de violence et d’exploitation, y compris la violence physique, psychologique et sexuelle, au risque de traite et au travail forcé.

33. Le Comité recommande à l’État partie d e prendre les mesures suivantes  :

a) Fournir une assistance, une protection et des services de réadaptation adéquats, y compris de réadaptation psychosociale, à tous les travailleurs migrants victimes d’exploitation sexuelle et par le travail, en particulier les femmes et les enfants ;

b) Modifier la législation afin d’ériger en infraction le travail forcé, accroître le nombre d’inspections du travail et poursuivre, punir et sanctionner les personnes ou les groupes qui exploitent les travailleurs migrants, pourvus ou non de documents, ou les soumettent au travail forcé et à d’autres abus, en particulier dans le secteur de l’économie informelle, conformément aux cibles 8.7 et 16.2 des objectifs de développement durable ;

c) Vérifier si la législation pénale nationale et locale, en particulier le Code pénal de la province d’Aceh adopté en 2005, prévoit les châtiments corporels comme sanction pénale et abroger immédiatement de telles di spositions en veillant à ce qu’ un mécanisme d’aide juridictionnelle soit mis en place afin d’assurer à tous, y compris aux migrants qui travaillent dans l’État partie, un droit opposable à l’assistance d’un avocat et d’autres garanties d’une procédure équitable, de façon que tous les suspects aient la possibilité de se défendre et de porter plainte en cas de traitements attentatoires aux dispositions de la législation nationale et à la Convention ;

d) Prévoir des mesures qui concernent spécifiquement les enfants migrants dans le plan national d’action pour l’élimination des pires formes de travail des enfants (2013-2022).

Régularité de la procédure, détention et égalité devant les tribunaux

34.Le Comité constate avec préoccupation que :

a)Au titre de l’article 85 de la loi no 6/2011 sur l’immigration, les migrants sans papiers d’identité et les demandeurs d’asile peuvent être arrêtés et placés dans des centres de détention pour migrants pour une période pouvant aller jusqu’à dix ans en attendant de comparaître en vue de leur expulsion, sans avoir la possibilité d’introduire un recours ;

b)Les enfants migrants sans papiers d’identité, y compris les enfants migrants non accompagnés, sont détenus dans des structures de détention pour migrants pendant des mois voire des années, dans un environnement sordide et violent, souvent avec des adultes avec lesquels ils n’ont pas de lien de parenté ;

c)Selon les informations dont il dispose, des fonctionnaires et des gardiens des services de l’immigration infligeraient des violences physiques aux détenus, y compris aux enfants migrants non accompagnés ;

d)Les conditions sont extrêmement mauvaises dans les structures de détention pour migrants, notamment en raison de la surpopulation, d’équipements d’assainissement insuffisants et du fait que la nourriture est insuffisante et de mauvaise qualité ;

e)Les informations concernant les garanties d’une procédure régulière pour les travailleurs migrants et les membres de leur famille dans les affaires pénales et administratives, notamment en matière de détention et d’expulsion, sont insuffisantes.

35. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures suivantes :

a) Modifier la loi n o 6/2011 sur l’immigration pour faire en sorte que la détention administrative ne soit utilisée qu’en dernier recours et pour la durée la plus brève possible et que soient promues d’autres solutions que la détention, conformément à l’observation générale n o 2 (2013) du Comité sur les droits des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille ;

b) Faire cesser totalement et sans délai la détention d’enfants au motif de leur statut migratoire ou de celui de leurs parents, et trouver des solutions de substitution à la détention qui permettent aux enfants d’être logés avec les membres de leur famille et/ou leur tuteur dans des lieux non fermés au sein de la communauté, le temps que leur statut migratoire soit déterminé, dans le respect de leur intérêt supérieur et des droits de l’enfant à la liberté et à une vie de famille  ;

c) Édicter des règles de comportement strictes à l’intention des gardiens et des fonctionnaires des centres de détention et veiller à ce que ces centres fassent l’objet d’évaluations régulières par un organe de contrôle indépendant ;

d) Veiller à ce que de la nourriture et de l’eau potable en quantité suffisante, des installations sanitaires adéquates et des soins de santé appropriés soient fournis dans les centres de détention pour migrants  ;

e) Prendre les mesures nécessaires pour que, dans les procédures administratives et judiciaires, notamment celles relatives à la détention et à l’expulsion, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, en particulier ceux qui sont en situation irrégulière, bénéficient devant les tribunaux d’une procédure régulière, sur un pied d’égalité avec les nationaux de l’État partie.

Assistance consulaire

36.Le Comité prend note des diverses mesures prises par l’État partie pour renforcer son assistance consulaire afin d’assurer une meilleure protection aux Indonésiens travaillant à l’étranger, en particulier la création d’unités de services aux citoyens dans 24 missions diplomatiques indonésiennes. Toutefois, il constate avec préoccupation que :

a)Les travailleurs migrants indonésiens continuent de subir de nombreuses violations de leurs droits dans les États d’emploi, y compris des violences sexuelles et sexistes ;

b)Des travailleurs migrants indonésiens sont emprisonnés dans les États du Golfe pour des motifs tels que le fait d’avoir quitté la famille qui les employait et le non‑respect des obligations contractuelles, et que des travailleurs migrants auraient été détenus pendant plusieurs mois, y compris dans le quartier des condamnés à mort, sans recevoir de visite de leurs autorités consulaires ou même, dans certains cas, sans que leurs autorités consulaires soient informées de leur situation ;

c)Selon les informations reçues par le Comité, l’assistance consulaire que reçoivent les travailleurs migrants est insuffisante, les conditions dans les refuges des missions indonésiennes sont inadéquates, ces missions sont surpeuplées, ne fournissent pas suffisamment de nourriture et la liberté de circulation y est restreinte, et la formation des agents qui y sont affectés est inadaptée ;

d)L’information sur les services aux citoyens que les missions indonésiennes fournissent aux travailleurs migrants à l’étranger est insuffisante et que l’accès à ces missions est principalement réservé aux travailleurs migrants pourvus de documents ;

e)Il existe un manque d’informations sur tout mécanisme mis en place pour surveiller la fréquence des visites effectuées par le personnel consulaire dans les lieux de détention dans les pays de destination et sur les mesures de suivi prises à l’égard des travailleurs migrants détenus.

37. Le Comité recommande à l’État partie d e prendre les mesures suivantes  :

a) Faire de la protection active des travailleurs migrants, y compris de ceux qui sont en situation irrégulière et de ceux qui travaillent en situation d’isolement, une priorité pour ses missions diplomatiques dans les États de destination ;

b) Renforcer les services sociaux et l’assistance consulaire fournis aux travailleurs migrants de l’État partie dans les États de destination, y compris les services de soutien psychologique, les conseils juridiques et les services adéquats de refuge à l’intention des migrants en détresse, et faire en sorte que ces services et cette assistance tiennent compte des questions de genre et soient accessibles à tous les travailleurs migrants, y compris ceux qui sont en situation irrégulière ;

c) Veiller à ce que les missions consulaires et diplomatiques disposent d’un personnel suffisant et convenablement formé, qui soit à même d’adopter une approche fondée sur les droits de l’homme pour traiter toutes les situations auxquelles sont confrontés les travailleurs migrants, notamment la traite et d’autres formes d’exploitation, les violences et abus physiques, psychologiques et sexuels, la détention arbitraire, les mauvais traitements et la condamnation à la peine de mort ;

d) F aire en sorte que le personnel des missions consulaires et diplomatiques dans les États d ’ emploi respecte les dispositions de la Convention de Vienne sur les relations consulaires (1963) et élaborer des consignes précises en matière de prévention des détentions arbitraires et des violences sexuelles et sexistes, ainsi que des consignes pour répondre à ces situations, notamment en faisant en sorte que ces missions disposent, parmi leur personnel, d ’ agents de sexe féminin chargés de traiter les affaires de violence sexuelle, d ’ une ligne d ’ assistance téléphonique gratuite ouverte 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, d ’ une liste d ’ avocats locaux compétents à même d ’ apporter une aide juridique aux travailleurs migrants de l ’ État partie, et de veiller à ce que le personnel des missions effectue des visites fréquentes dans les centres de détention pour migrants.

Sécurité sociale

38.Le Comité note que l’État partie offre un système de sécurité sociale par le biais de l’Institution de la sécurité sociale de la main-d’œuvre. Il est cependant préoccupé par le manque d’informations sur la manière dont les accords bilatéraux et multilatéraux conclus dans le domaine de la migration, y compris les programmes temporaires de travail, garantissent la sécurité sociale aux travailleurs migrants indonésiens à l’étranger.

39. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille disposent d ’ une protection sociale adéquate dans les pays de destination, en concluant des accords bilatéraux et multilatéraux de sécurité sociale. Il invite l ’ État partie à lui communiquer, dans son prochain rapport périodique, de nouveaux renseignements sur la nature de la couverture complémentaire du régime de sécurité sociale fourni dans le cadre de l ’ Institution de la sécurité sociale de la main-d ’ œuvre.

Enregistrement des naissances et nationalité

40.Le Comité constate avec préoccupation que de nombreuses naissances ne sont pas enregistrées dans l’État partie et que le manque d’informations, les obstacles bureaucratiques et les difficultés financières empêchent les travailleurs migrants indonésiens employés à l’étranger de faire enregistrer les naissances et d’obtenir des documents d’identité personnels pour leurs enfants, en particulier ceux nés hors mariage car ils sont considérés comme illégitimes, ce qui expose ces enfants au risque de devenir apatrides et d’être privés de leurs droits.

41. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures suivantes :

a) Faire en sorte que tous les enfants des travailleurs migrants nés dans l’État partie et tous les enfants des travailleurs migrants indonésiens nés à l’étranger soient enregistrés à la naissance et pourvus de documents d’identité personnels et que l’enregistrement des naissances soit facilité et gratuit partout et en toutes circonstances, conformément à la cible 16.9 des objectifs de développement durable ;

b) Sensibiliser les travailleurs migrants et les membres de leur famille, en particulier ceux en situation irrégulière, à l’importance de l’enregistrement des naissances ;

c) Adhérer à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)

Informations avant le départ et droit d’être informé

42.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a pris des mesures pour renforcer les activités de formation et d’information avant le départ proposées aux futurs travailleurs migrants, notamment par le biais de la ligne d’assistance téléphonique ouverte 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, des centres de services intégrés à guichet unique et des programmes d’accueil des missions indonésiennes. Toutefois, il est préoccupé par :

a)Le fait que, selon certaines sources, des travailleurs migrants potentiels n’ont pas connaissance d’une telle formation ou la considèrent insuffisante ;

b)L’absence de données statistiques sur les programmes de préparation au départ et le manque d’informations sur la manière dont l’État partie garantit, dans la pratique, que les agences privées fournissent des informations adéquates aux travailleurs migrants avant leur départ ;

c)Le fait que, pendant la formation préalable au départ et dans les pays de destination, les travailleurs migrants ne reçoivent pas suffisamment d’informations sur les droits dont ils jouissent en vertu de la Convention et dans les pays de destination ou sur l’accès à la justice et aux mécanismes de plaintes.

43. Le Comité recommande à l’État partie d e prendre les mesures suivantes  :

a) I ntensifier et améliorer la formation et l ’ information fournies avant le départ conformément à la Convention et en tenant compte de s questions de genre, afin de promouvoir une prise de décisions en connaissance de cause et renforcer les aptitudes des migrants potentiels, y compris leurs compétences linguistiques et leur niveau général d ’ éducation ;

b) Donner aux travailleurs migrants les moyens de connaître leurs droits et la manière de les faire valoir, notamment en leur fournissant des informations sur le recrutement équitable, les normes de travail décent, la protection sociale existante, les questions financières, la culture et le mode de vie ainsi que les lois pertinentes dans le pays de destination, en précisant bien en quoi les normes sont différentes pour les femmes lorsque c’est le cas , ainsi que les coordonnées des attachés du travail et des agents d ’ action sociale dans l ’ État d ’ emploi ;

c) V eiller à ce que les travailleurs migrants soient correctement informés du processus de migration et, en particulier, veiller à ce que les contrats de travail signés par les travailleurs migrants soient toujours rédigés dans une langue qu ’ ils peuvent lire et comprendre.

Droit de transférer ses gains et ses économies

44.Le Comité prend note des diverses mesures prises par l’État partie pour faciliter les envois de fonds. Toutefois, il est préoccupé par le coût élevé de ces envois et l’accès limité aux réseaux financiers officiels.

45. Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer de prendre des mesures pour réduire le coût de l ’ envoi et de la réception de fonds, en tenant compte du principe de l ’ égalité des sexes conformément à la cible 10 . c des objectifs de développement durable, et de faciliter l ’ accès à des systèmes de transferts de fonds sûrs et abordables, l ’ utilisation productive des envois de fonds et leur transfert à bas coût vers les régions rurales.

5.Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 64 à 71)

Enfants en situation de migration internationale

46.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour assurer le bien-être des enfants des travailleurs migrants employés dans l’État partie et des enfants des travailleurs migrants indonésiens dont les parents sont partis à l’étranger en les laissant en Indonésie, notamment la création de foyers sociaux pour enfants et d’autres initiatives. Toutefois, il note avec préoccupation que les enfants indonésiens dont les parents sont partis travailler à l’étranger sont vulnérables étant donné que leur éducation risque d’être perturbée et qu’ils sont exposés à la négligence, à l’abandon, aux violences et à l’exploitation, notamment aux violences sexuelles, en particulier les filles, à l’alcoolisme, au travail des enfants − à la maison et à l’extérieur, au mariage précoce et à la traite.

47. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures suivantes :

a) Mener des travaux de recherche au niveau national sur les enfants des travailleurs migrants employés dans l’État partie et sur les enfants de travailleurs migrants indonésiens dont les parents sont partis à l’étranger en les laissant en Indonésie, pour établir le profil démographique de cette population en vue d’orienter ses politiq ues et programmes en la matière  ;

b) A dopter une stratégie globale visant à promouvoir et à protéger les droits des enfants et des familles des travailleurs indonésiens, en particulier par le biais de programmes d ’ éducation, d ’ entreprenariat, de formation et d ’ action sociale communautaire, et amplifier sa coopération à cette fin avec les acteurs de la société civile dans l ’ État partie et dans les pays d ’ origine.

Coopération internationale avec les pays de destination

48.Tout en notant que l’État partie a signé plusieurs mémorandums d’accord et conclu plusieurs accords bilatéraux, le Comité constate avec préoccupation que :

a)Les travailleurs migrants indonésiens continuent de subir de nombreuses violations de leurs droits dans les États d’emploi, y compris le déni de leur droit de quitter leur lieu de travail, le non‑paiement de leur salaire, la confiscation de leur passeport, le harcèlement, la violence, les menaces, de mauvaises conditions de vie, la difficulté d’accès aux soins de santé et même, dans certains cas, la torture ;

b)La plupart des mémorandums d’accord et des accords bilatéraux ne couvrent pas de façon adéquate les dispositions de la Convention.

49. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures suivantes :

a) Promouvoir activement la ratification de la Convention par les États de destination et renforcer sa coopération avec ces États afin de prévenir les violations, telles que la substitution de contrats, la confiscation du passeport, le non ‑ paiement du salaire, les sévices et l’exploitation ;

b) Continuer, dans le cadre du Processus de Colombo et du Dialogue d’Abou Dhabi, de renforcer la coopération entre les pays d’origine, en prônant l’adoption de normes de recrutement équitables et d’un contrat de travail contraignant harmonisé, fondé sur les normes internationales des droits de l’homme et du travail, qui précise les fonctions, le salaire convenu et les conditions de travail et de vie et prévoie des recours utiles et des mesures de réparation ;

c) Remédier à la situation des travailleurs migrants victimes du système de kafala, en particulier dans les États du Golfe, et envisager de soulever cette question, individuellement et collectivement, en vue d’encourager les gouvernements des pays concernés à abolir ce système ;

d) Promouvoir une coopération bilatérale, régionale et internationale en matière migratoire avec les États de destination, en y intégrant les questions de genre ;

e) Négocier avec tous les États de destination des accords bilatéraux contraignants qui tiennent compte des questions de genre et ne soient pas discriminatoires et qui garantissent la protection des droits des travailleurs migrants, y compris le droit à la sécurité sociale ;

f) Surveiller l’application des accords bilatéraux, et veiller à ce que tous ces accords et les mémorandums d’accord signés avec les États de destination soient rendus publics, en assurant leur transparence et le suivi effectif de leur mise en œuvre.

Travailleurs domestiques migrants

50.Tout en prenant note de l’adoption du règlement no 2/2015 du Ministère de la main‑d’œuvre et de la transmigration relatif à la protection des travailleurs domestiques, le Comité est préoccupé par :

a)Le fait que les travailleurs domestiques migrants indonésiens soient fréquemment victimes d’abus, de harcèlement et d’exploitation sur leur lieu de travail, y compris de servitude domestique, de harcèlement sexuel, de mauvais traitements physiques et de rétention des salaires ;

b)Le fait que les travailleurs domestiques ne bénéficient pas des protections accordées à d’autres travailleurs par la loi no 13/2003 sur la main-d’œuvre, et le fait que l’État partie n’a toujours pas adopté le projet de loi relatif aux travailleurs domestiques ni ratifié la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (no 189) de l’OIT ;

c)Le règlement no 260/2015 du Ministère de la main-d’œuvre et de la transmigration interdisant le placement de travailleurs migrants indonésiens auprès d’employeurs privés dans les pays du Moyen-Orient, en vertu duquel il est interdit aux travailleurs domestiques migrants d’aller chercher du travail dans des pays du Moyen‑Orient, qui constitue une discrimination à l’encontre des Indonésiennes et leur fait courir un risque accru d’être victimes de traite et d’autres formes d’exploitation.

51. Se référant à son observation générale n o  1 (2011) sur les travailleurs domestiques migrants, le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures suivantes :

a) R esserrer sa coopération avec les États d ’ emploi en ce qui concerne les cadres et accords relatifs à la protection des droits des travailleurs domestiques migrants, et notamment veiller à ce que les accords bilatéraux et régionaux relatifs aux migrations de main ‑ d ’ œuvre soient conformes au droit international des droits de l ’ homme, y fassent référence, et soient contraignants en vertu du droit international, et à ce que tous ces accords comportent expressément des dispositions relatives aux soins de santé et à la protection sociale dont bénéficient les travailleurs migrants ainsi que des dispositions spécifiques pour les travailleurs en situation vulnérable et à ce qu’ils tiennent compte des questions de genre et prévoient des mécanismes de suivi intégrant ces questions ;

b) Faire figurer dans tous les accords bilatéraux et régionaux des contrats de travail types unifiés pour les travailleurs domestiques qui définissent des conditions de travail équitables, complètes et claires ainsi que des normes qui soient applicables dans l’État partie comme dans l’État d’emploi ;

c) Établir une grille de salaire tenant compte des compétences et de l’expérience des travailleurs domestiques qui leur soit systématiquement applicable dans tous les États de destination, et inclure cette grille dans les accords bilatéraux et régionaux ;

d) Veiller à ce que les travailleurs migrants domestiques victimes de violences qui demandent l’aide des missions diplomatiques de l’Indonésie à l’étranger reçoivent un hébergement, une assistance juridique, des soins médicaux et psychosociaux ainsi que des services d’interprétation ;

e) Adopter, dans un délai précis, le projet de loi relatif aux travailleurs domestiques et veiller à ce que celui-ci comporte des dispositions relatives à la protection des droits des travailleurs domestiques migrants à l’étranger ;

f) O rganiser des campagnes de sensibilisation dans les médias ainsi que des programmes d ’ éducation au sujet de la situation des travailleurs domestiques migrants et de leurs droits, fournir un appui aux syndicats travaillant avec les travailleurs domestiques migrants et renforcer les mécanismes d ’ inspection du travail ;

g) Mettre en place un mécanisme permettant aux travailleurs domestiques migrants de déposer plainte en cas de pratiques abusives en matière d’emploi dans l’environnement domestique et développer les services de soutien ainsi qu’accroître le nombre de centres d’accueil pour les victimes de violences dans ce cadre ;

h) Ratifier la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques ( n o 189) de l’OIT ;

i) Lever l ’ interdiction faite aux travailleurs domestiques migrants qui le souhaitent de se rendre dans des pays du Moyen-Orient afin d ’ y trouver un emploi, et envisager d ’ adopter et de mettre en œuvre d ’ autres mesures non discriminatoires afin de protéger véritablement les droits des travailleurs domestiques migrants, conformément aux recommandations sur la prise en compte des droits fondamentaux des femmes dans le pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, publiées par l ’ Entité des Nations Unies pour l ’ égalité des sexes et l ’ autonomisation des femmes (ONU-Femmes).

Agences de recrutement

52.Le Comité prend note de l’adoption par l’État partie de diverses mesures législatives et autres visant à renforcer la réglementation et la surveillance des agences de recrutement. Toutefois, il constate avec préoccupation que :

a)Les agences de recrutement dans l’État partie jouissent de très larges pouvoirs en matière de signature de contrats, de formation préalable au départ, de traitement des plaintes, de conciliation et de rapatriement mais ne sont pas suffisamment surveillées et contrôlées ;

b)Selon certaines informations, il existe dans le dispositif de recrutement de l’État partie des pratiques anormales qui consistent notamment à falsifier des documents, facturer illégalement des frais exorbitants pour des services, substituer des contrats, obtenir des signatures sur des formulaires de contrats vierges ou incomplets, imposer une servitude pour dettes, recruter sans agrément valable, envoyer des travailleurs non enregistrés par des moyens frauduleux, traiter des dossiers sans justificatifs appropriés et recruter des enfants ;

c)Le faible nombre de mesures prises pour punir les agents recruteurs ou les agences de recrutement qui se livrent à des pratiques illégales ou frauduleuses et notamment, selon certaines informations, fournissent de faux certificats de formation ;

d)Les contrats signés dans les bureaux des agences de recrutement ne sont pas toujours traduits dans une langue que les travailleurs migrants comprennent, et les travailleurs migrants ne reçoivent généralement pas un exemplaire du contrat ni des informations sur la procédure à suivre pour porter plainte dans le cas où le contrat n’est pas respecté ;

e)Les travailleurs migrants candidats jugent, semble-t-il, les procédures de recrutement contraignantes et prenantes. De ce fait, la majorité des migrants potentiels de l’État partie s’appuient sur des réseaux informels pour l’information et le placement, ce qui conduit nombre d’entre eux à être victimes d’agences de recrutement sans scrupules et d’usuriers qui leur prêtent de l’argent à des taux d’intérêt élevés.

53. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures suivantes :

a) Mettre en place un système de recrutement qui relève de l’administration publique en vue de limiter les irrégularités dues aux agences de recrutement privées ;

b) Renforcer la réglementation et la surveillance des agences de recrutement : i) en mettant en place une politique de recrutement globale, tenant compte des questions de genre, équitable et répondant à des normes exigeantes ; ii) en veillant à ce que les agences de recrutement améliorent les services qu’ elles proposent ; iii) en les tenant responsables lorsqu’elles ne respec tent pas leurs obligations ; iv)  en menant des enquêtes sur les pratiques illégales des recruteurs et en punissant de telles pratiques, l’objectif étant de punir ceux qui se livrent à des pratiques d’exploitation  ; v)  en prenant des dispositions contre les sous-traitants et les intermédiaires en situation irrégulière et en sanctionnant les agences non agréées  ; et vi) en mettant périodiquement à jour la liste noire des agences de recrutement et en la rendant publique ;

c) Imposer aux agences de recrutement d’affecter, sur demande, du personnel féminin à la gestion du recrutement des femmes employées comme domestiques et faciliter l’accès aux agences agréées de façon à réduire le recours aux réseaux informels et aux intermédiaires, y compris dans les districts ruraux ;

d) Coopérer avec les États de destination pour s’assurer que des frais de recrutement illégaux ne soient pas facturés et que les contrats de travail signés dans l’État partie ne soient pas remplacés par des contrats moins avantageux dans le pays de destination ;

e) Mettre fin au paiement d’une commission incitative avant le départ, laquelle peut placer le travailleur migrant en situation de servitude qui fait qu’il sera difficile , voire impossible, de quitter un employeur abusif, et adopter une politique de gratuité du placement pour les personnes qui se proposent d’aller travailler à l’étranger ;

f) R atifier la Convention de 1997 sur les agences d ’ emploi privées (n o  181) de l ’ OIT.

Retour au pays et réinsertion

54.Tout en prenant note de l’adoption d’un certain nombre de programmes de réinstallation et de réinsertion, en particulier du programme de renforcement des compétences professionnelles des anciens travailleurs migrants indonésiens, le Comité est préoccupé par le fait que :

a)Certains travailleurs migrants rentrés au pays ne connaîtraient pas l’existence de ces programmes ou les considéreraient comme insuffisants, en particulier ceux qui auraient été victimes de pratiques abusives à l’étranger et ceux qui ont besoin de soins médicaux ;

b)Les travailleuses migrantes sont fréquemment confrontées à des problèmes familiaux et sociaux à leur retour, notamment à une stigmatisation pour ce qui est perçu comme une absence de moralité.

55. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures suivantes :

a) Faciliter le rapatriement de tous les travailleurs migrants démunis, notamment ceux qui ont fui un employeur abusif ou qui se trouvent en situation irrégulière, en détention ou dans d’ autres types de difficultés  ;

b) Développer les services tenant compte des questions de genre fournis pour faciliter la réinsertion des travailleurs migrants de retour, notamment les services d’aide psychosociale et à la subsistance, en particulier à l’intention des personnes qui ont été victimes de violences sexuelles et sexistes et de celles qui ont subi des sévices pendant leur migration  ;

c) Mener des programmes de sensibilisation visant à mettre en valeur l ’ apport des travailleuses migrantes et à combattre la stigmatisation dont elles sont victimes lorsqu ’ elles rentrent dans le pays.

Traite des personnes

56.Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption du plan national d’action visant à lutter contre la traite des personnes (2015-2019) et de l’augmentation du nombre de poursuites engagées pour des infractions liées à la traite. Toutefois, il constate avec préoccupation que :

a)La loi no 21/2007 sur la traite des travailleurs migrants n’est pas appliquée de manière effective et que l’équipe spéciale nationale de lutte contre la traite est encore absente de nombreux districts ;

b)Il n’existe pas de mesures efficaces pour protéger les victimes de la traite et leur offrir des recours utiles, notamment une indemnisation et des services de réadaptation ;

c)Bien que le nombre de poursuites pour des infractions liées à la traite soit depuis peu en augmentation, il reste peu élevé et les peines prononcées contre les responsables sont insuffisantes ;

d)Les victimes de la traite ne sont pas suffisamment protégées contre le risque d’être poursuivies, arrêtées ou punies parce qu’elles sont entrées ou ont résidé illégalement dans l’État partie, ou en raison des activités dans lesquelles elles sont engagées du fait direct de leur situation de victime de la traite ;

e)La corruption liée à la traite et la complicité avec cette pratique à tous les niveaux de l’administration demeurent omniprésentes.

57. Le Comité recommande à l’État partie d e prendre les mesures suivantes  :

a) Veiller à la mise en œuvre effective de la loi n o  21/2007 sur la traite des travailleurs migrants, notamment en renforçant l’équipe spéciale nationale de lutte contre la traite des personnes et en étendant son champ d’activité à l’ensemble du territoire de l’État partie ;

b) Procéder de façon systématique et transparente à des enquêtes impartiales et énergiques sur tous les cas de traite dénoncés, engager des poursuites contre les éventuels responsables et, s’ils sont reconnus coupables, les condamner et assurer une indemnisation aux victimes ;

c) Poursuivre les efforts menés pour prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, y compris à l’échelon régional et en coopération avec les pays voisins, par un renforcement de la coopération interinstitutions à cette fin, conformément à la cible 5.2 des objectifs de développement durable ;

d) Redoubler d’efforts pour repérer toutes les victimes de la traite des êtres humains et leur apporter protection et assistance, en particulier en leur fournissant un hébergement, des soins médicaux et un soutien psychosocial et en prenant d’autres mesures pour faciliter la réinsertion sociale, en tenant compte des besoins propres à chaque sexe ;

e) Prendre des mesures pour faire en sorte que les victimes de la traite ne soient pas poursuivies, placées en détention ou punies en raison des activités auxquelles elles ont participé du fait direct de leur situation de victimes de la traite ;

f) S’employer résolument à mener des enquêtes et à poursuivre les fonctionnaires soupçonnés de corruption et de complicité dans les affaires de traite ;

g) Renforcer la formation des responsables de l’application des lois, des juges , des procureurs, des inspecteurs du travail, des fonctionnaires locaux et des administrateurs de village, des enseignants, des travailleurs de santé et du personnel des ambassades et des consulats de l ’ Indonésie de façon à ce qu ’ ils prennent mieux en compte les questions de genre, et diffuser largement les informations relatives à la traite des êtres humains et à l ’ assistance aux victimes.

6.Diffusion et suivi

Diffusion

58. Le Comité demande à l’État partie de garantir la diffusion rapide des présentes observations finales, dans la langue officielle de l’État partie, aux institutions d’État pertinentes à tous les échelons, notamment auprès des ministères, du Parlement, de l’appareil judiciaire et des autorités locales, ainsi qu’aux organisations non gouvernementales et autres membres de la société civile.

Assistance technique

59. Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer de faire appel à l ’ assistance internationale pour la mise en œuvre des recommandations contenues dans les présentes observations finales conformément au programme de développement durable à l ’ horizon 2030.

Suivi des observations finales

60. Le Comité invite l’État partie à lui fournir, dans les deux ans, (c’est-à-dire le 1 er octobre 2019 au plus tard), des informations écrites sur la mise en œuvre des recommandations figurant aux paragraphes 11, 35 a), 41  a) et 53  a) ci-dessus.

Prochain rapport périodique

61. Le Comité prie l ’ État partie de soumettre son deuxième rapport périodique d ’ ici au 1 er octobre 20 22 . Pour ce faire, l ’ État partie peut souhaiter suivre la procédure simplifiée. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur ses directives harmonisées (HRI/GEN.2/Rev.6).