Nations Unies

CCPR/C/MAR/CO/6

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

1er décembre 2016

Original : français

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le sixième rapport périodique du Maroc *

1.Le Comité a examiné le sixième rapport périodique du Maroc (CCPR/C/MAR/6) à ses 3319e et 3320e séances (CCPR/C/SR.3319 et 3320), les 24 et 25 octobre 2016. À sa 3333e séance, le 2 novembre 2016, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le sixième rapport périodique du Maroc, bien qu’il ait été soumis avec sept ans de retard, et les informations qu’il contient. Le Comité apprécie l’occasion qui lui a été donnée d’engager un dialogue constructif avec la délégation de haut niveau de l’État partie sur les mesures prises par celui-ci pour donner effet aux dispositions du Pacte. Le Comité remercie l’État partie de ses réponses écrites (CCPR/C/MAR/Q/6/Add.1) à la liste de points (CCPR/C/MAR/Q/6), qui ont été complétées par les réponses données oralement par la délégation lors du dialogue ainsi que par des informations supplémentaires fournies par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité salue les mesures législatives et institutionnelles prises par l’État partie, notamment :

a)L’adoption d’une nouvelle Constitution en 2011, qui renforce les institutions démocratiques et le statut des droits de l’homme dans l’ordre juridique interne ;

b)Le processus de réforme du système judiciaire entamé en 2011 ;

c)L’adoption de la loi no 108-13 en 2014 limitant la compétence des tribunaux militaires aux infractions militaires et à celles commises en temps de guerre ;

d)L’adoption en juin 2016 de la loi relative aux employés domestiques, qui interdit le travail domestique en dessous de 16 ans ;

e)L’adoption de la loi-cadre no 97.13 relative à la protection et à la promotion des droits des personnes en situation de handicap en mai 2016 ;

f)La révision du Code de la nationalité, en 2007, qui permet désormais aux femmes marocaines de transmettre, dans la plupart des cas, leur nationalité à leurs enfants, quelle que soit la nationalité du père ;

g)La nouvelle politique migratoire, adoptée en septembre 2013, et l’opération exceptionnelle de régularisation des étrangers en situation irrégulière qui s’en est suivie ainsi que les efforts consentis pour améliorer leurs conditions de vie et faciliter leur intégration.

4.Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie des instruments internationaux ci-après ou l’adhésion à ceux-ci :

a)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2013 ;

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif, en 2009 ;

c)Le Protocole facultatif à la Convention contre la torture, en 2014.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Cadre constitutionnel et législatif

5.Le Comité salue l’engagement du Maroc à harmoniser sa législation nationale avec les traités internationaux ratifiés et à adhérer au premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Il prend note du fait que les dispositions du Pacte peuvent être directement invoquées devant les tribunaux et regrette qu’elles n’aient été que rarement invoquées ou appliquées par les tribunaux (art. 2).

6. L’État partie devrait poursuivre ses efforts pour sensibiliser les juges, les avocats, les procureurs et autres personnes participant à l’administration de la justice aux dispositions du Pacte , de sorte que celles-ci soient prises en compte devant et par les tribunaux nationaux. L’État partie devrait également accélérer la réforme législative visant à garantir la pleine conformité du droit interne avec les traités internationaux dûment ratifiés et mener à terme , dans les meilleurs délais , le processus d’adhésion au premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte , qui prévoit l ’ examen de communications individuelles.

État d’exception

7.Le Comité salue l’inscription à l’article 59 de la Constitution du principe de non-dérogation aux libertés et aux droits fondamentaux en cas d’état d’exception. Néanmoins, il note avec préoccupation que cette disposition n’établit pas les garanties particulières de fond et de procédure énoncées aux paragraphes 1 et 3 de l’article 4 du Pacte et ne garantit pas clairement l’interdiction de la suspension, pendant cette période, de tous les droits énoncés au paragraphe 2 (art. 4).

8. Le Comité rappelle son o bservation générale n o  29 (2001) sur les dérogations au Pacte en période d’état d’urgence et demande à l’État partie d’élaborer une législation comportant des dispositions claires sur l’état d’exception, de façon à ce que les droits protégés par le paragraphe 2 de l’article 4 du Pacte ne puissent être suspendus en aucune circonstance, et de veiller à ce que les conditions requises pour une dérogation soient conformes au Pacte.

Droit à l’autodétermination

9.Le Comité prend note de l’initiative marocaine pour la négociation d’un statut d’autonomie de la région du Sahara occidental et des informations additionnelles soumises par l’État partie, mais il demeure préoccupé par : a) les progrès limités réalisés sur la question relative à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental ; b) les informations selon lesquelles l’État partie ne prendrait pas toutes les mesures nécessaires pour consulter le peuple du Sahara occidental sur l’exploitation des ressources naturelles au Sahara occidental ; et c) la présence du mur de sable, qui limite la liberté de circulation du peuple du Sahara occidental en raison du nombre réduit de points d’accès ouverts aux civils, et la présence de mines terrestres et autres restes explosifs de guerre le long du mur de sable, qui mettent en danger la vie et la sécurité des populations vivant à proximité (art. 1, 6 et 12).

10. L’ État partie devrait : a)  poursuivre et renforcer les efforts engagés dans le cadre du processus de négociation relatif au statut du Sahara occidental mené sous les auspices du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies de façon à permettre la réalisation du droit à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental ; b)  renforcer le processus de consultation avec le peuple du Sahara occidental en vue de l’obtention de son consentement préalable, libre et éclairé pour la réalisation de projets de développement et d’opérations extractives ; et c)  prendre les mesures nécessaires pour permettre au peuple du Sahara occidental de circuler librement et en sécurité de part et d’autre du mur , et poursuivre le programme de d éminage le long du mur de sable et indemniser les victimes .

Discrimination et violence fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité du genre

11.Le Comité exprime ses préoccupations concernant la criminalisation de l’homosexualité sanctionnée d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans et les arrestations opérées sur cette base. Il est également préoccupé par des allégations d’incitation à la haine, de discrimination et de violence à l’encontre de personnes en raison de leur orientation sexuelle ou identité de genre (art. 2, 9 et 26).

12. L’ État partie devrait prendre des mesures pour  : a )  abroger l’article 489 du Code pénal afin de décriminaliser l’homosexualité et les relations sexu elles entre adultes consentants du même sexe ; b)  remettre en liberté quiconque se trouve en détention uniquement au motif de relations sexuelles librement et mutuellement consenties ; et c)  mettre fin à la stigmatisation sociale de l’homosexualité, à l’incitation à la haine, à la discrimination et aux violences perpétrées à l’encontre de personnes en raison de leur orientation sexuelle ou identité de genre réelle ou supposée.

Égalité entre hommes et femmes et pratiques préjudiciables à l’égard des femmes

13.Le Comité salue la consécration du principe d’égalité dans la Constitution de 2011 mais reste néanmoins préoccupé par : a) la subsistance de dispositions législatives discriminatoires à l’égard des femmes, notamment en matière de régime matrimonial, puisque la polygamie reste autorisée par la loi, de divorce, de garde des enfants et de tutelle légale, d’héritage et de transmission de la nationalité à l’époux étranger; b) le nombre élevé de mariages polygames ; et c) l’augmentation des mariages précoces (art. 2, 3, 23, 24 et 26).

14. L’État partie devrait : a)  abroger ou modifier toutes les dispositions discriminatoires envers les femmes afin de donner plein effet au principe d’égalité consacré par la Constitution ; b)  prendre des mesures appropriées pour faire reculer la polygamie, en vue de la faire disparaître ; et c)  réviser les dispositions légales permettant de déroger à l’âge minimum du mariage.

Violence à l’égard des femmes

15.Le Comité salue l’abrogation en 2014 de l’article 475(2) du Code pénal, qui permettait la levée des charges contre un auteur de viol sur mineur si l’auteur épousait la victime. Il demeure néanmoins préoccupé par : a) la prévalence de la violence à l’égard des femmes ; b) le faible taux de signalement et de poursuite des auteurs de violence en raison notamment de l’absence de mesures de protection et de structures d’accueil, et du fait que les victimes qui signalent un viol risquent d’être poursuivies en raison de la criminalisation des relations sexuelles hors mariage entre adultes consentants ; c) la portée limitée de la disposition pénale criminalisant le harcèlement sexuel ; et d) le fait que les réformes législatives en cours maintiennent certaines dispositions discriminatoires, en prévoyant par exemple des circonstances atténuantes en cas de « crime d’honneur » (art. 3, 6, 7 et 17).

16. L’État partie devrait : a)  amender rapidement sa législation nationale en vue de garantir la protection adéquate des femmes contre la violence et le harcèlement sexuel; b)  faciliter le dépôt de plaintes pour violences en veillant à ce que les cas de violence à l’égard des femmes fassent l’objet d’enquêtes approfondies, que les auteurs so ie nt poursuivis et condamnés , et que les victimes aient accès à des recours utiles et ne soient pas poursuivies pour relations sexuelles hors mariage  ; et c)  garantir une prise en charge légale, médicale et psychologique des victimes de violences domestiques et sexuelles, améliorer les services des structures d’accueil et les dispositifs de prise en charge des victimes.

Lutte contre le terrorisme

17.Le Comité demeure préoccupé par le caractère large et peu précis des actes constitutifs de terrorisme contenus dans le Code pénal et par l’introduction, en 2015, de nouvelles infractions pêchant par imprécision. Il est préoccupé par les informations indiquant que ces chefs d’inculpation auraient été indûment utilisés à l’encontre de journalistes qui remplissaient leur devoir d’information et que l’imprécision de ces infractions a un effet dissuasif sur l’exercice d’autres droits du Pacte, y compris la liberté d’expression. Le Comité s’inquiète également de la période excessivement longue de garde à vue pour les infractions liées au terrorisme, à savoir douze jours avec la possibilité de consulter un avocat après six jours seulement (art. 9, 14 et 19).

18. L’ État partie devrait réviser les dispositions du Code pénal relatives au terrorisme et définir l es infractions liées au terrorisme en fonction de leur objet mais aussi défini r la nature de ces actes avec suffisamment de précision et veiller à ce que cette législation n’impose pas de restriction injustifiée à l’exercice des droits consacrés par le Pacte. L’ État partie devrait également réduire la durée initiale de la garde à vue à quarante-huit heures au maximum , y compris pour les affaires liées au terrorisme, et permettre l’accès à un avocat dès le début de la détention.

Peine de mort

19.Le Comité salue le moratoire de fait sur les exécutions depuis 1993, la réduction en 2014 du nombre d’infractions passibles de la peine de mort dans le Code de justice militaire, ainsi que la réduction envisagée dans le projet de Code pénal. Il regrette néanmoins que trois nouvelles catégories de crimes passibles de cette sentence figurent dans le projet de Code pénal (art. 6).

20. L’État partie devrait poursuivre le débat national en cours relati f à l’ abolition de la peine de mort et envisager d’officialiser le moratoire de fait observé actuellement. Il devrait par ailleurs envisager d’adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort.

Interruptions volontaires de grossesse

21.Le Comité constate le nombre inquiétant d’avortements clandestins dans l’État partie, qui mettent en danger la vie et la santé des femmes, et reste préoccupé par les conditions extrêmement restrictives dans lesquelles une femme peut obtenir légalement une interruption volontaire de grossesse dans l’État partie et les lourdes sanctions pénales infligées en cas d’avortement clandestin. Le Comité note que le projet de révision du Code pénal prévoit d’élargir les exceptions à l’interdiction générale de l’avortement mais il demeure préoccupé par l’introduction de conditions excessives, telles que la présentation d’une attestation d’ouverture de procédure judiciaire en cas de viol ou d’inceste (art. 3, 6, 7 et 17).

22. L ’État partie devrait accélérer la révision de sa législation afin d’introduire d’autres exceptions à l’interdiction de l’avortement , notamment lorsque la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste ou lorsque le fœtus présente des malformations mortelles , et veiller à ce que les femmes ne soient pas conduites, du fait de restrictions dans la législation , à recourir à des avortements clandestins qui mettent en danger leur vie et leur santé. L’État partie devrait également veiller à garantir un accès effectif à l’avortement légal, notamment en éliminant les conditions contraignantes envisagées dans le projet de loi. L’ État partie devrait également promouvoir et garantir l’accès à la contraception , à l’éducation et aux services de santé sexuelle et reproductive.

Interdiction de la torture et des mauvais traitements

23.Le Comité salue les efforts consentis par les autorités pour lutter contre la torture et les mauvais traitements et prend note d’une régression sensible de ces pratiques depuis les dernières observations finales (CCPR/CO/82/MAR). Il demeure néanmoins préoccupé par la persistance d’allégations de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants perpétrés par des agents de l’État au Maroc et au Sahara occidental, en particulier sur des personnes soupçonnées de terrorisme, de menace à la sûreté de l’État ou à l’intégrité territoriale. Le Comité note en particulier avec préoccupation que : a) les aveux obtenus sous la contrainte seraient, dans la pratique, utilisés parfois comme preuve devant les tribunaux alors même que la loi l’interdit ; b) les juges et procureurs n’ordonneraient pas toujours des examens médicaux ou des enquêtes en cas d’allégations de torture ou d’aveux forcés; c) les personnes qui dénoncent des tortures feraient parfois l’objet d’intimidations, de menaces et de poursuites judiciaires ; et d) le nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées semble limité au vue du nombre de plaintes déposées et de l’ampleur de la pratique de la torture et des mauvais traitements par le passé (art. 2, 7 et 14).

24. L’État partie devrait  : a)  prendre des mesures fortes pour éradiquer la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants et pour enquêter efficacement , poursuivre et punir ces actes  ; b)  procéder sans délai à des expertises médicales po ur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements  ; c)  veiller à l’application effective, dans la pratique, de l’interdiction des aveux forcés et de l’irrecevabilité des éléments de preuve entachés de torture  ; d)  offrir des recours utiles et garantir réparation aux victimes  ; et e)  accélérer le processus d’adoption de la loi établissant le mécanisme national de prévention de la torture .

Garde à vue et accès à un avocat

25.Le Comité est préoccupé par les durées excessivement longues de garde à vue et par le fait que l’accès à un avocat n’est autorisé qu’en cas de prolongation de la durée de garde à vue et pour une durée maximale de trente minutes (art. 9 et 14).

26.L’État partie devrait veiller à ce que la réforme législative en cours fixe la durée normale de la garde à vue à quarante-huit heures et garantisse à toute personne arrêtée l’accès immédiat à un avocat dès le début de la détention.

Disparitions forcées

27.Tout en reconnaissant le travail relatif à la question des disparus accompli par l’Instance équité et réconciliation et par le Conseil national des droits de l’homme dans la collecte d’information et les réparations, le Comité demeure préoccupé par les cas de disparitions forcées qui restent non élucidés à ce jour au Maroc et au Sahara occidental. Le Comité est également préoccupé par le fait que les responsables de telles disparitions n’ont toujours pas été identifiés, jugés et punis (art. 2, 6, 9, 7 et 16).

28. L’ État partie devrait poursuivre et accélérer ses efforts pour élucider tous les cas de disparition forcée, y compris ceux liés au Sahara occidental, et procéder sans délai à des enquêtes en vue d’identifier, juger et punir les responsables de disparitions forcées.

Conditions carcérales

29.Le Comité est préoccupé par les conditions de détention inadéquates dans les établissements pénitentiaires du Maroc et du Sahara occidental en raison notamment de la surpopulation. Le Comité est également préoccupé par le fait que près de la moitié des personnes incarcérées sont des prévenus (art. 9 et 10).

30. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour remédier au problème de la surpopulation carcérale, notamment en mettant en place une politique de recours aux peines de substitution à la privation de liberté.

Emprisonnement pour non-exécution d’une obligation contractuelle

31.Le Comité est préoccupé par l’adoption de la circulaire du Ministre de la justice et des libertés du 21 octobre 2015 prévoyant la contrainte par corps envers les débiteurs qui n’honoreraient pas leurs dettes contractuelles et qui n’auraient pas fourni un certificat d’indigence ou une attestation de non-soumission à l’impôt (art. 11).

32. L’ État partie devrait réviser sa législation pour faire en sorte que l’emprisonnement ne soit en aucun cas utilisé comme moyen d’assurer l’exécution d’obligations contractuelles.

Droit à un procès équitable et indépendance de la justice

33.Le Comité demeure préoccupé par des cas indiquant des irrégularités lors de procédures judiciaires, par exemple l’utilisation d’aveux obtenus sous la contrainte, le refus d’entendre des témoignages ou de prendre en compte des éléments de preuve et des cas de menace, intimidation ou interférence dans le travail des avocats et des juges, et de l’imposition de mesure disciplinaires arbitraires ou disproportionnées.

34. L’ État partie devrait dans tous les cas  : a) garantir et protéger la pleine indépendance et impartialité des juges et s’assurer qu’ils peuvent exercer les fonctions judiciaires sans aucune pression ou interférence ; et b)  veiller à ce que toutes les procédures judiciaires soient conduites dans le plein respect des garanties d’un procès équitable inscrites à l’article 14 du Pacte.

Demandeurs d’asile et réfugiés

35.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour développer un cadre juridique régissant la migration, l’asile et la traite. Il regrette que l’opération de régularisation opérée en 2014 n’ait pas permis la régularisation de nombreux réfugiés, en particulier syriens. Le Comité note avec préoccupation la persistance de cas d’arrestations arbitraires de migrants et les allégations faisant état de l’utilisation excessive de la force à l’encontre de migrants ainsi que de la participation des forces de sécurité marocaines dans des opérations d’expulsions collectives, en particulier à proximité des villes autonomes espagnoles de Ceuta et Melilla. Il note également les préoccupations relatives à la détention et au traitement d’enfants migrants et les barrières légales à l’enregistrement des nouveau-nés, à la reconnaissance des mariages des demandeurs d’asile et des réfugiés, et à la transmission de la nationalité pouvant avoir pour conséquence de rendre apatrides des enfants nés sur le territoire marocain (art. 6, 7, 12, 23 et 24).

36. L’ État partie devrait : a)  accélérer le processus de révision du cadre juridique régissant la migration et l’asile pour le rendre conforme aux dispositions du Pacte, y compris l’adoption du projet de loi n o 26-14 ; b)  poursuivre et renforcer ses efforts pour régulariser la situation de personnes ayant besoin d’une protection internationale, notamment les réfugiés syriens, en leur octroyant un statut légal et de s cartes nationales de réfugié s , afin de garantir leur droit à la non-discrimination, y compris l’accès au marché formel de l’emploi ; c)  établir des procédures de détermination du statut de réfugié aux points d’entrée dans le pays, y compris dans les aéroports ; d)  mettre un terme aux arrestations collectives et cesser de participer aux opérations d’expulsions collectives de migrants opérées notamment à proximité des villes autonomes espagnoles de Ceuta et Melilla ; e)  prévenir et éliminer le recours excessif à la force par les agents des forces de l’ordre en renforçant notamment les formations à cet égard et les mécanismes de contrôle et de responsabilisation ; et f ) lever les barrières juridiques à l’enregistrement des nouveau-nés et à la reconnaissance des mariages entre réfugiés et demandeurs d’asile, réviser le Code de la nationalité de 2007 pour garantir la transmission de la nationalité à tous les enfants nés au Maroc, envisager la ratification des Conventions de 1954 et 1961 relatives à l’apatridie, et adopter un cadre juridique pour prévenir l’apatridie.

Droit à la vie privée et interception de communications privées

37.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’atteintes illégales au droit à la vie privée lors d’activités de surveillance menées par les forces de l’ordre et les services de renseignement à l’encontre en particulier de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme et de personnes perçues comme opposées au gouvernement, notamment au Sahara occidental. Le Comité est par ailleurs préoccupé par le manque de clarté quant aux dispositions légales en vigueur qui autorisent et régulent les activités de surveillance et au manque de contrôle de ces activités par une autorité indépendante (art. 17).

38. L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que ses activités de surveillance soient conformes aux obligations découlant du Pacte, notamment de l’article 17, et pour garantir que toute immixtion dans la vie privée soit conforme aux principes de légalité, de proportionnalité et de nécessité. L’État partie devrait également établir des mécanismes de contrôle indépendants pour prévenir les abus .

Liberté de pensée, de conscience et de religion

39.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de restrictions, en pratique, à l’égard d’autres religions que celle reconnue officiellement. Il est également préoccupé par les dispositions du Code pénal qui criminalisent des actions contraires à la religion musulmane et par l’introduction de nouvelles infractions dans le projet de Code pénal qui étendent encore les limites imposées à la liberté de religion ou de conviction (art. 18 et 19).

40. L’ État partie devrait éliminer toute disposition législative ou pratique discriminatoire qui viole la liberté de pensée, de conscience et de religion et s’assurer que le projet de Code pénal , actuellement en discussion , est pleinement conforme à l’article 18 du Pacte.

Liberté d’association et activités des défenseurs des droits de l’homme

41.Le Comité salue l’assouplissement des procédures de dépôt de dossiers de déclaration d’association mais demeure préoccupé par le fait que de nombreuses associations se voient en pratique refuser le droit d’être enregistrées. Le Comité est par ailleurs préoccupé par les allégations de restrictions disproportionnées et injustifiées auxquelles sont soumises les activités des défenseurs des droits de l’homme et par les entraves à leur liberté de circulation, notamment au Sahara occidental (art. 12, 21 et 22).

42. L’ État partie devrait d’urgence prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme aux violations de la liberté d’association et aux pratiques ayant pour effet de restreindre ce droit au-delà des restrictions strictes permises par le paragraphe 2 de l’article 22 du Pacte. L’Éta t partie devrait veiller à ce que les défenseurs des droits de l’homme puissent opérer libre s de toute influence indue de l’ État partie et sans craindre de représailles ou de restrictions injustifiées de leurs activités.

Liberté d’opinion et d’expression

43.Le Comité salue l’adoption d’un nouveau Code de la presse en 2016, qui élimine les peines privatives de liberté pour délits de presse. Le Comité est néanmoins préoccupé par l’introduction, en parallèle, de nouvelles dispositions dans le Code pénal prévoyant des peines d’emprisonnement pour des actes perçus comme offensant envers l’Islam, la monarchie, ou comme remettant en cause l’intégrité territoriale. Le Comité est vivement préoccupé par les informations indiquant que des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme ont été poursuivis sous ces chefs d’accusation ou auraient été menacés de poursuite (art. 9, 14 et 19).

44. L’ État partie devrait réviser toute les dispositions pertinentes du Code pénal pour les rendre conformes à l’article 19 du Pacte et veiller à ce que les restrictions à l’exercice de la liberté d’expression et d’association soient conformes aux prescriptions strictes du paragraphe 3 de l’article 19.

Droit à la liberté de réunion pacifique

45.Le Comité relève avec préoccupation que les rassemblements dans les lieux publics sont soumis par le droit interne à l’obtention d’une notification préalable, dont l’octroi est parfois soumis à des obstacles injustifiés. Il est également préoccupé par l’usage excessif et disproportionné de la force pour disperser les réunions pacifiques non autorisées en dépit de la diffusion en octobre 2015 d’une circulaire du Ministre de la justice et des libertés précisant que l’intervention policière n’est justifiée qu’en cas d’attroupement armé et/ou susceptible de troubler l’ordre public (art. 7, 9, 19 et 21).

46. L’État partie devrait s’assurer que la loi relative aux manifestations pacifiques est appliquée conformément au x dispositions du Pacte et que l’exercice de ce droit ne fait pas l’objet de restrictions autres que celles autorisées en vertu du Pacte. Dans cette perspective, l’ État partie devrait prendre en considération les propositions formulées en novembre 2015 par l e Conseil national des droits de l’homme au sujet des rassemblements publics.

Travail des enfants

47.Le Comité demeure préoccupé par la persistance de l’exploitation économique des enfants, en particulier comme travailleurs domestiques et dans l’agriculture (art. 8 et 24).

48. L’ État partie devrait appliquer rigoureusement les dispositions légales relatives au travail et à l’exploitation des enfants en vue d’éliminer ces pratiques, poursuivre ses efforts de sensibilisation de la population et renforcer les mécanismes de surveillance.

Amazigh

49.Le Comité salue la reconnaissance officielle de la langue amazighe dans la Constitution, mais regrette que le projet de loi organique relative à la mise en œuvre de cette reconnaissance n’ait pas encore été adopté. Il demeure par ailleurs préoccupé par les difficultés rencontrées par les Amazighs pour recevoir un enseignement dans leur langue, utiliser leur langue dans le cadre de procédures judiciaires et administratives, et pour enregistrer des prénoms amazighs (art. 2, 26 et 27).

50. L’État partie devrait accélérer ses efforts en vue de l’adoption prochaine d’une loi organique sur la langue amazighe, pour promouvoir l’accès des Amazighs à un enseignement dans leur langue, et permettre l’utilisation de la langue amazighe lors de procédures judiciaires et administratives ainsi que l’enregistrement des prénoms amazighs .

D.Diffusion et suivi

51. L’État partie devrait assurer une large diffusion du Pacte, du sixième rapport périodique , des réponses écrites à la liste de points établie par le Comité et des présentes observations finales afin de sensibiliser les autorités judiciaires, législatives et administratives, la société civile, les organisations non gouvernementales œuvrant dans le pays et le grand public aux droits consacrés par le Pacte. L’État partie devrait veiller à ce que le rapport et les présentes observations finales soient traduits dans ses langues officielles.

52. Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir , dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales , des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations faites par le Comité aux paragraphes 18 (lutte contre le terrorisme) , 24 (interdiction de la torture et des mauvais traitements) et 42 ( liberté d’association et activités des défenseurs des droits de l’homme ) ci-dessus.

53. Le Comité prie l’État partie de lui soumettre son prochain rapport périodique le 4 novembre 2020 au plus tard et d’y faire figurer des renseignements précis et à jour sur la mise en œuvre des recommandations faites dans les présentes observations finales et sur l’application du Pacte dans son ensemble. Le Comité prie également l’État partie de consulter largement la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays aux fins de l’élaboration de son rapport. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, ce rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots . L e Comité invite également l’État partie à accepter, d’ici le 4 novembre 2017 , la procédure simplifiée d’établissement de s rapport s , qui consiste pour le Comité à transmet tre une liste de points à l’État partie avant qu e celui-ci ne soumette le rapport périodique. Les réponses de l’État partie à cette liste constitueront dès lors le prochain rapport périodique devant être soumis conformément à l’article 40 du Pacte .