Nations Unies

CAT/OP/PRY/1

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

7 juin 2010

Français

Original: espagnol

Sous-Comité pour la prévention de la torture

Rapport sur la visite au Paraguay du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants*,**

Table des matières

Paragraphes Page

Observations préliminaires.1−83

Introduction9-164

I.Facilitation de la visite et coopération17−205

II.Garanties nécessaires à la prévention de la torture et des mauvais traitements21−556

A.Cadre juridique22−296

B.Cadre institutionnel30−557

III.Mécanisme national de prévention56−5813

IV.Situation des personnes privées de liberté59−23713

A.Locaux de la Police nationale59−14413

B.Établissements pénitentiaires145−21829

C.Hôpital neuropsychiatrique219−22442

D.Répercussions de la visite225−22643

E.Informations additionnelles fournies par l’État partie227−23743

V.Récapitulatif des recommandations et demandes d’information238−31345

A.Recommandations238−31145

B.Demandes d’information312−31355

Annexes

I.Liste des hauts fonctionnaires et des autres personnes que la délégationa rencontrés56

II.Lieux de privation de liberté visités par le Sous-Comité pour la préventionde la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants58

Observations préliminaires

1.Le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (le «SPT») a été institué à la suite de l’entrée en vigueur, en juin 2006, du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (le «Protocole facultatif»). Il a commencé ses travaux en février 2007.

2.Le Protocole facultatif a pour objectif l’établissement d’un système de visites régulières, effectuées par des organismes internationaux et nationaux indépendants, sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté, afin de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Dans le présent rapport, l’expression «mauvais traitements» est utilisée au sens générique et vise toutes les formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Elle doit être interprétée au sens le plus large, en incluant notamment les mauvaises conditions matérielles de détention. Le travail du SPT s’organise selon deux axes: la visite des lieux de privation de liberté et l’aide à la création et au fonctionnement des organes chargés par les États parties de faire des visites régulières, appelés «mécanismes nationaux de prévention». La démarche du SPT est empirique. Ainsi, son premier travail est de constater in situ les situations et les facteurs qui entraînent un risque de torture ou de mauvais traitement et de déterminer les mesures concrètes nécessaires pour les prévenir.

3.Le Protocole facultatif dispose en son article 11 c) que le SPT coopère, en vue de prévenir la torture en général, avec les organes et mécanismes compétents de l’Organisation des Nations Unies ainsi qu’avec les organisations ou organismes internationaux, régionaux et nationaux qui œuvrent en faveur du renforcement de la protection de toutes les personnes contre les mauvais traitements. Pour sa visite au Paraguay, le SPT a pris en considération tous les renseignements disponibles provenant des organes de l’Organisation des Nations Unies − en particulier le rapport du Rapporteur spécial sur la question de la torture − comme d’autres organes nationaux et régionaux de surveillance.

4.En ratifiant le Protocole facultatif, les États parties s’engagent à autoriser le SPT à effectuer des visites dans tout lieu placé sous leur juridiction et sous leur contrôle où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté sur l’ordre d’une autorité publique ou à son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite («lieu de détention»). Les États parties s’engagent également à accorder au SPT l’accès sans restriction à tous les renseignements concernant le nombre de personnes privées de liberté, le nombre de lieux de détention et leur emplacement, ainsi que concernant le traitement de ces personnes et leurs conditions de détention. Ils sont en outre tenus de lui accorder la possibilité de s’entretenir en privé avec les personnes privées de liberté, sans témoins. Le SPT a toute liberté de choisir les lieux qu’il souhaite visiter et les personnes qu’il souhaite rencontrer.

5.Le présent rapport, qui rend compte de la première visite du SPT au Paraguay, contient les constatations et observations concernant la situation des personnes privées de liberté ainsi que les recommandations devant permettre d’améliorer la situation afin de protéger les personnes privées de liberté contre toute forme de mauvais traitements. Les travaux du SPT reposent sur les principes de confidentialité, d’impartialité, de non-sélectivité, d’universalité et d’objectivité, comme le veut le paragraphe 3 de l’article 2 du Protocole facultatif. Le rapport fait partie du dialogue instauré entre le SPT et les autorités paraguayennes, en vue de prévenir la torture et autres mauvais traitements. Il est confidentiel et la décision de le rendre ou non public appartient aux autorités paraguayennes.

6.Le travail de prévention de l’État est toujours nécessaire, que la torture et les mauvais traitements soient ou non pratiqués dans la réalité. Le champ de la prévention est vaste et complet et englobe toute forme d’atteintes à des personnes privées de liberté. La prévention est nécessaire du fait de la situation de vulnérabilité particulière des personnes qui sont sous la garde de l’État, ce qui comporte en soi un risque d’excès et d’abus d’autorité portant atteinte à l’intégrité et à la dignité des détenus. Les dispositifs de vigilance et spécialement la formation et la sensibilisation des agents de l’État qui sont en contact direct avec les personnes privées de liberté sont parmi les principaux outils de prévention de la torture et des mauvais traitements.

7.Les visites du SPT visent ainsi à étudier le fonctionnement du système pénitentiaire et des autres services de l’État ayant autorité pour garder des individus afin de déterminer s’il y a des carences dans la protection et si certaines garanties sont nécessaires pour renforcer le système. Le SPT suit un mode d’approche de la prévention général et complet. Il étudie des exemples de bonnes et de mauvaises pratiques et cherche ainsi à contribuer à préserver la vie et l’intégrité physique et psychique des détenus, à leur assurer un traitement humain et digne et à éliminer ou à réduire au minimum les risques de brutalités.

8.La prévention de la torture et des mauvais traitements participe du respect d’autres droits fondamentaux des personnes privées de liberté, quel que soit le type de la détention. Pendant ses visites dans les États parties au Protocole facultatif, le SPT s’attache surtout à mettre en évidence les facteurs qui peuvent favoriser les situations à l’origine de mauvais traitements ou au contraire les empêcher. En ce sens, plutôt que de se limiter à simplement constater si des actes de torture et des mauvais traitements se produisent, le SPT a pour objectif ultime d’anticiper et de prévenir la perpétration de tels actes, en amenant les États à améliorer leur système de prévention de la torture et des mauvais traitements.

Introduction

9.En application de l’article 1er et de l’article 11 du Protocole facultatif, le SPT a effectué la première visite périodique au Paraguay, du mardi 10 mars au lundi 16 mars 2009.

10.Pendant cette visite, le SPT a axé son attention sur l’état d’avancement de la mise en place du mécanisme national de prévention et sur la situation des personnes privées de liberté dans les locaux de la police, dans les établissements pénitentiaires et dans l’hôpital neuropsychiatrique d’Asunción.

11.La délégation était composée des membres ci-après du SPT: M. Mario Luis Coriolano, M. Hans Draminsky Petersen, M. Miguel Sarre Iguíniz et M. Wilder Tayler Souto (chef de la délégation).

12.Les membres du SPT étaient assistés de M. Patrice Gillibert (Secrétaire du SPT), Mme Anna Batalla, M. Hernán Vales et M. Jean-Louis Domínguez, membres du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, ainsi que de deux interprètes.

13.Pendant sa visite, le SPT a examiné le traitement réservé aux personnes privées de liberté dans la prison nationale de Tacumbú (Asunción) et dans la prison régionale de Pedro Juan Caballero. Il s’est également rendu dans 10 postes de police à Asunción, San Lorenzo (département Central), Limpio (département Central), San Estanislao (département de San Pedro) et Pedro Juan Caballero (département d’Amambay), ainsi que dans l’unité spéciale de la Police nationale d’Asunción et dans l’hôpital neuropsychiatrique d’Asunción.

14.Outre ses visites dans les lieux de détention, le SPT s’est entretenu avec différentes autorités, dont le Président de la République, le Ministre de l’intérieur et des représentants de divers ministères, du Parlement et de l’appareil judiciaire, ainsi qu’avec des membres de la société civile.

15.À la fin de sa visite, la délégation a présenté ses observations préliminaires confidentielles aux autorités paraguayennes.

16.Par le présent rapport, établi conformément à l’article 16 du Protocole facultatif, le SPT transmet au Paraguay les observations et recommandations résultant de sa visite et qui concernent le traitement des personnes privées de liberté, en vue d’améliorer la protection de celles-ci contre la torture et les mauvais traitements. Le rapport de visite constitue un élément important du dialogue entre le SPT et les autorités paraguayennes pour ce qui est de la prévention de la torture et des mauvais traitements. Il s’agit d’un document confidentiel qui le demeurera à moins que les autorités n’en demandent la publication ou ne décident de le rendre public, conformément au paragraphe 2 de l’article 16 du Protocole facultatif.

I.Facilitation de la visite et coopération

17.Le SPT tient à remercier les autorités paraguayennes de la coopération dont elles ont constamment fait preuve, tant pour ce qui est de transmettre les informations et les documents nécessaires à la préparation de la visite que pour faciliter le déroulement de celle-ci. Il a toujours pu se rendre rapidement et sans obstacles dans les lieux de détention et les autorités responsables se sont montrées coopératives. Le SPT tient également à souligner qu’il a eu accès sans restriction aux personnes privées de liberté avec lesquelles il souhaitait s’entretenir en privé, ainsi qu’aux rapports et aux registres qu’il a demandé à consulter.

18.Le SPT salue la franchise et l’ouverture dont ont fait preuve l’agent de coordination du Gouvernement et toutes les autorités qu’il a rencontrées, avec lesquelles le dialogue a été aisé et fructueux. Le SPT est particulièrement reconnaissant au Président de la République d’avoir accordé un entretien à deux de ses membres au début de la visite, preuve de l’importance attachée à la prévention de la torture et des mauvais traitements au plus haut niveau de l’État.

19.Le SPT remercie les représentants des organisations non gouvernementales qu’il a rencontrés pour l’abondante et importante information qu’ils lui ont apportée et qui a dans une large mesure permis que les objectifs de la visite soient atteints. Le SPT remercie également les personnes qui ont accepté de témoigner et ont demandé à garder l’anonymat.

20.Le SPT est profondément reconnaissant au bureau au Paraguay du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) qui lui a apporté un appui logistique essentiel au bon déroulement de la visite.

II.Garanties nécessaires à la prévention de la tortureet des mauvais traitements

21.Le SPT a examiné le cadre juridique et institutionnel du traitement des personnes privées de liberté au Paraguay et les conditions matérielles de la détention afin d’identifier les éléments et les situations qui peuvent constituer des garanties pour les personnes privées de liberté ainsi que ceux qui sont susceptibles de favoriser ou d’aggraver le risque de torture et de mauvais traitements.

A.Cadre juridique

1.Constitution du Paraguay: interdiction de la torture et garanties constitutionnelles

22.La Constitution de 1992 est la loi suprême de la République. En vertu de l’article 137, les traités, conventions et accords internationaux approuvés et ratifiés suivent immédiatement la Constitution dans la hiérarchie des normes internes; ils font partie intégrante du droit positif, au même titre que les lois et les autres textes de rang inférieur.

23.La Constitution énonce un large éventail de droits fondamentaux. L’article 5 interdit la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et établit l’imprescriptibilité de l’infraction de torture, de même que du crime de génocide, de la disparition forcée, de l’enlèvement et de l’homicide pour raisons politiques.

24.La Constitution comporte également plusieurs articles qui visent à empêcher la torture et les mauvais traitements pendant de l’arrestation et la détention: l’article 12 («de la détention et de l’arrestation»), l’article 17 («des garanties procédurales»), l’article 18 («du droit de garder le silence»), l’article 19 («de la détention provisoire»), l’article 20 («de l’objet des peines») et l’article 21 («de l’incarcération»). En outre, l’article 133 («du droit d’habeas corpus») garantit l’examen par un tribunal de première instance de la mesure de restriction de la liberté, notamment lorsque des violences physiques, psychologiques ou morales ont été infligées à un détenu. La procédure d’habeas corpus doit être rapide, brève et gratuite et peut être ouverte d’office ou à la demande d’un tiers. L’article 134 prévoit le droit de toute personne de former un recours en amparo auprès du juge compétent si elle s’estime victime d’une atteinte grave aux garanties ou aux droits consacrés par la Constitution du fait d’un acte ou d’une omission manifestement illégitime de la part d’une autorité ou d’un particulier, ou si elle estime qu’elle court un risque imminent d’être victime d’une telle atteinte, ou si l’urgence fait qu’on ne peut pas remédier à la situation par la voie ordinaire.

25.Malgré l’arsenal important de textes et d’instruments garantissant les droits, le SPT note que les violations graves et répétées dont il est fait état dans le présent rapport ne résultent pas simplement de circonstances particulières ou de la négligence de certains agents de l’État mais de lacunes évidentes dans la législation et dans la protection assurée par les autorités judiciaires et d’autres institutions, notamment le Défenseur du peuple. Il existe bien des droits, mais ils ne sont pas assortis de garanties suffisantes.

2.Incrimination de la torture dans la législation nationale

26.Qualification de la torture dans le Code pénal. L’article 309 du Code pénal dispose: «Quiconque, agissant en qualité de fonctionnaire ou avec l’assentiment d’un fonctionnaire, porte atteinte (…) à l’intégrité physique d’une personne (…) ou lui inflige des souffrances psychologiques aiguës dans le but de détruire ou de causer un préjudice grave à la personnalité de la victime ou à celle d’un tiers encourt une peine d’emprisonnement d’au moins cinq ans.». Selon cette définition, ne sont constitutifs de torture que les actes commis dans le but de détruire ou de porter gravement préjudice à la personnalité de la victime, ce qui est très difficile à prouver. Comme l’ont déjà relevé le Comité contre la torture, le Rapporteur spécial sur la question de la torture et la Cour interaméricaine des droits de l’homme, cette définition de la torture est extrêmement restrictive et n’est pas conforme aux normes internationales en la matière.

27.Le SPT a pu constater les difficultés que crée dans la pratique cette lacune normative en interrogeant des avocats et des défenseurs des droits de l’homme, qui ont affirmé que «déposer une plainte pour torture revient à assurer l’impunité au responsable». Les défenseurs des victimes d’actes qui constitueraient des tortures au sens de la définition internationale de la torture se voient donc contraints de dénoncer ces actes sous une autre qualification pénale, par exemple «lésions corporelles infligées dans l’exercice de fonctions officielles» (art. 307 du Code pénal) ou d’engager une action administrative faute de pouvoir invoquer un acte de torture au sens de l’article 309. Les peines prononcées sont par conséquent plus légères (elles vont d’une amende à cinq ans d’emprisonnement pour des lésions corporelles infligées dans l’exercice de fonctions officielles) et, en tous les cas, les victimes ne peuvent pas bénéficier des dispositions du Code pénal établissant l’imprescriptibilité des faits de torture.

28.Le SPT note que la différence entre la définition de la torture énoncée dans le Code pénal du Paraguay et celle de l ’ article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après «Convention contre la torture») ouvre la voie à l ’ impuni té. Le SPT regrette que la révision récente du Code pénal ne se soit pas accompagnée d ’ une modification de la définition de l ’ infraction de torture et recommande à l ’ État partie de prendre dans les meilleurs délais les mesures législatives nécessaires pour mettre sa législation en conformité avec les dispositions des instruments internationaux relati ves à la torture, en particulier avec l ’ article premier de la Convention contre la torture.

29.Absence d ’ incrimination de la torture dans le Code pénal militaire. Le SPT a noté que, malgré les recommandations du Rapporteur spécial sur la question de la torture, le Code pénal militaire (loi no 843 de 1980) ne prévoit toujours pas la qualification de torture. Le SPT recommande l ’ in troduction dans le Code pénal militaire d ’ une définition de la torture conforme à celle de l ’ article premier de la Convention contre la torture, assortie de peines à la mesure de la gravité de l’infraction .

B.Cadre institutionnel

30.Il existe au Paraguay un grand nombre d’organismes publics et d’organisations de la société civile qui s’occupent des droits de l’homme. Toutefois, le SPT a constaté que leur action conjuguée n’avait pas l’effet voulu pour la prévention de la torture et des mauvais traitements. Cet état de choses, ajouté aux graves lacunes systémiques constatées par le SPT dans la pratique courante, crée de sérieux problèmes pour assurer la prévention.

31.Commissions interinstitutions. Il existe au Paraguay trois commissions interinstitutions chargées d’effectuer des visites dans les lieux où se trouvent ou peuvent se trouver des personnes privées de liberté: la première effectue des visites dans les établissements pénitentiaires, la deuxième dans les centres de détention pour mineurs et la troisième dans les casernes militaires. Ces commissions sont dites «interinstitutions» parce qu’elles se composent de représentants d’organismes publics, d’organismes internationaux et de la société civile. Ce sont des commissions officieuses, ad hoc, qui n’ont pas de fondement juridique concret ni de fonds propres, ce qui limite leur capacité d’action. En outre, elles ne rendent pas visite aux personnes détenues par la police ou placées dans les hôpitaux psychiatriques.

32. Sans préjudice des réserves mentionnées , le SPT estime que ces commissions accomplissent un travail louable en exerçant ponctuellement les fonctions de surveillance qui incombent aux pouvoirs publics, et recommande pour cette raison à l ’ État partie de leur apporter l ’ appui financier et logistique nécessaire pour leur permettre de se rendre régulièrement dans les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté. Le SPT recommande également que les fonctions exercées par ces commissions ainsi que l ’ expérience et les connaissances acquises par celles-ci soient prises en considération par le mécanisme national de prévention lorsque celui-ci aura été créé.

33.Défenseur du peuple. Le SPT est préoccupé par les nombreuses critiques qu’il a reçues au sujet de la manière dont le Défenseur du peuple exerce ses fonctions en ce qui concerne les centres de détention. Il est également préoccupé par les allégations répétées selon lesquelles le Défenseur du peuple ne donnerait pas suite aux plaintes qui lui sont adressées. En tant qu’organisme indépendant et autonome, le Défenseur du peuple est appelé à jouer un rôle très actif dans la prévention de la torture et des mauvais traitements, en particulier en ce qui concerne les personnes privées de liberté. Par conséquent, le SPT recommande que le Défenseur du peuple:

a) E ffectue des visites régulières et élabore des techniques permettant de réaliser des inspections approfondies, en s’attachant à rencontrer personnellement les détenus et à inspecter directement les lieux de détention pour vérifier les conditions dans lesquelles les personnes privées de liberté vivent et la manière dont elles sont traitées;

b) T raite avec diligence et efficacité les plaintes pour violations des droits de l ’ homme qui lui sont adressées;

c) T ienne à jour une base de données où sont systématiquement consignés l ’ objet des plaintes reçues, les résultats des enquêtes menées et les recommandations formulées;

d) Signale au ministère public, comme son mandat l’y oblige, les violations des droits de l ’ homme qu’ il constat e .

34.Police nationale. Selon les informations données par les autorités, il n’existe pas de mécanisme établi de contrôle de la Police nationale ni de règles concernant les conditions de détention et le traitement des personnes privées de liberté dans les postes de police du pays − plus de 1 300. Le personnel de police rencontré à l’occasion des visites dans les postes de police a confirmé n’avoir à ce jour jamais reçu une seule visite de contrôle. D’après des informations reçues par le SPT, la Direction générale de l’ordre public et de la sécurité de la Police nationale aurait des attributions dans ce domaine. Pourtant, ni la Direction ni aucun de ses services ne surveille les conditions de détention et le traitement des personnes privées de liberté dans les postes de police.

35. Le SPT recommande que la Direction générale de l ’ ordre public et de la sécurité ou tout autre service compétent , existant ou à créer, examine régulièrement les conditions de détention des personnes privées de liberté dans les postes de police et présente à l ’ issue de ces inspections des rapports assortis de recommandations afin d ’ améliorer constamment les conditions de détention. Elle devrait également vérifier que ses recommandations sont dûment mises en œuvre.

36. Le SPT souhaiterait également que l ’ État partie lui fasse connaître le nombre de plaintes pour torture ou mauvais traitements imputés à des membres des forces de l ’ ordre que la Police nationale a reçues au cours des cinq dernières années et la suite qui y a été donnée, notamment sur les mesures disciplinaires éventuellement prises.

37.Pouvoir judiciaire. L’appareil judiciaire peut contrôler la légalité de la détention des personnes privées de liberté et leur situation par ses activités d’interprétation des textes et à travers les décisions des juges dans les recours en cassation, en habeas corpus et en amparo, ainsi que dans le cadre des visites d’inspection effectuées par les juges de l’exécution des peines. D’après les informations reçues par le SPT, les visites annuelles effectuées par les juges de la Cour suprême dans les prisons de leur ressort sont essentiellement protocolaires et sont annoncées à l’avance. Dans les deux établissements pénitentiaires où il s’est rendu, le SPT a recueilli de nombreuses déclarations concordantes indiquant que les fonctionnaires de justice ne rencontraient pas directement les détenus et ne vérifiaient pas les conditions de détention. Le SPT rappelle que le paragraphe 8 de l’article 259 de la Constitution dispose que la surveillance des centres de détention et des établissements pénitentiaires fait partie des attributions de la Cour suprême. Il rappelle également qu’en application de l’ordonnance no 30 de 1996 de la Cour suprême, l’Unité d’inspection pénitentiaire a été créée pour exécuter ce mandat de surveillance au nom de la Cour suprême. Pourtant, en raison de ressources humaines et financières insuffisantes, elle ne semble pas en mesure de s’acquitter correctement de ses fonctions.

38. Le SPT recommande que soient allouées à l ’ Unité d ’ inspection pénitentiaire les ressources humaines et financières nécessaires pour lui permettre d ’ exercer les fonctions qui lui sont conférées par l ’ ordonnance  n o 30, en particulier en ce qui concerne l ’ inspection des centres de détention et des établissements pénitentiaires et la collecte de données statistiques. Au sujet des inspections, le SPT recommande , pour a ccroître leur efficacité , qu ’ elles ne soient pas annoncées à l ’ avance et que l ’ accent soit mis sur le contact direct avec les personnes privées de liberté, qui ne devront pas avoir été sélectionnées préalablement par le personnel pénitentiaire, et que des recommandations soient formulées à l ’ issue des visites.

39. Le SPT souhaiterait recevoir copie des trois derniers rapports trimestriels que l ’ Unité d ’ inspection pénitentiaire est tenue de soumettre à la Cour suprême en application de l ’ article 2 de l ’ ordonnance  n o 30.

40.Le SPT estime que l’ordonnance no 30 de 1996 constitue un progrès vers une meilleure exécution des responsabilités des autorités judiciaires en matière pénitentiaire. Toutefois, l’exécution des peines peut être mieux encadrée par la loi. Un pas dans ce sens a été fait avec la création en 2004 de la Commission nationale pour l’étude de la réforme du système pénal et pénitentiaire.

41.La Commission nationale a rédigé un avant-projet de code de l’exécution des peines qui contribue à améliorer sensiblement les conditions de vie carcérales, grâce notamment au renforcement du rôle du juge de l’exécution des peines, à la possibilité de faire appel des sanctions disciplinaires prononcées par l’administration pénitentiaire et à l’obligation de mettre un bureau à la disposition des juges dans les établissements pour peines. L’adoption de ce projet de code permettrait certes des progrès, mais le texte ne confère pas aux juges de l’exécution des peines les pouvoirs nécessaires pour agir sur la base de leurs constatations dans les cas d’atteintes aux droits des personnes privées de liberté protégés par la Constitution.

42.La Cour suprême est la juridiction de dernier ressort pour l’interprétation de la Constitution en matière de droits fondamentaux. Aussi bien les juges de l’exécution des peines que les avocats que le SPT a rencontrés se sont dits préoccupés par l’absence de directives de la Cour suprême sur des points essentiels du droit à une procédure régulière, notamment les fondements juridiques de la garde à vue, les circonstances dans lesquelles des aveux peuvent être obtenus en dehors du cadre judiciaire, la durée de la garde à vue et l’accès à un avocat dès le début de la garde à vue.

43. Le SPT souhaiterait une copie des directives de la Cour suprême concernant le respect du droit des personnes privées de liberté à une procédure régulière.

44.Le recours en habeas corpus s’applique «en cas de violences physiques, psychologiques ou morales à l’égard de personnes légalement privées de liberté». Plusieurs avocats ont indiqué que le recours en habeas corpus n’était pas efficace étant donné l’absence d’enquête indépendante de la part des autorités judiciaires et le retard excessif avec lequel les demandes d’habeas corpus étaient examinées. Par exemple le SPT a été informé du cas de deux détenus qui avaient déposé une demande d’habeas corpus auprès de la Chambre pénale de la Cour suprême. Ils faisaient valoir que leur vie et leur intégrité physique avaient été menacées pendant leur incarcération. Ces prisonniers avaient déjà été victimes d’agressions violentes, y compris de tortures physiques et psychologiques de la part d’autres détenus.

45.Le juge rapporteur avait ordonné «un rapport sur les conditions de détention et l’état de santé des détenus d’après les rapports médicaux correspondants». La Chambre pénale avait rendu sa décision en se fondant uniquement sur le rapport établi par les autorités et avait rejeté la demande d’habeas corpus, arguant que d’après le rapport remis par le médecin de l’établissement pénitentiaire, les détenus ne présentaient pas de marques de violences physiques et que les conditions de détention étaient satisfaisantes. La Chambre pénale avait certes engagé les autorités à prendre des mesures pour assurer la sécurité des intéressés, mais sa décision avait été notifiée plus de trois mois après son prononcé, ce qui va à l’encontre de l’objectif de protection de l’habeas corpus.

46.Le SPT a reçu des autorités paraguayennes des informations indiquant que 5 % des personnes en détention avaient déjà exécuté leur peine. Lors de sa visite à la prison nationale de Tacumbú, le SPT a entendu le témoignage de détenus qui étaient dans cette situation. Il a appris qu’il existait auparavant un système informatique qui permettait d’accéder à des informations sur le stade d’avancement des affaires. Apparemment, il avait cessé de fonctionner en raison de problèmes techniques.

47. Le SPT recommande:

a) Q ue les mesures nécessaires soient prises pour revoir la législation concernant les recours en habeas corpus et en amparo et que les problèmes que leur application pose dans la pratique soient examinés, afin qu ’ils répondent efficacement aux besoins des personnes privées de liberté ;

b) Q ue soit vérifié sans délai le stade d ’ avancement des causes pour tous les détenus qui affirment avoir exécuté leur peine afin que ceux dont c’e st bien le cas soient immédiatement libérés ;

c) Q ue le système informatique sur l ’ état d ’ avancement des affaires redevienne opérationnel dans tous les établissements pénitentiaires du pays et que les détenus puissent le consulter régulièrement ;

d) Q ue soient étudiés les moyens de simplifier la législation et la procédure judiciaire de façon que les modalités de l ’ exécution de la peine soient décidées exclusivement en fonction du comportement du détenu, ce qui contribuerait non seulement à faire baisser la surpopulation carcérale mais aussi à assurer la sécurité juridique et à réduire les risques d ’ arbitraire et de corruption.

48.Les autorités avec lesquelles le SPT s’est entretenu ont mentionné à de nombreuses reprises l’extrême lenteur avec laquelle les procédures judiciaires en souffrance avançaient. Le SPT a pu s’en rendre compte dans la pratique en constatant le pourcentage élevé (environ 80 %) de détenus inculpés mais non condamnés, dans certains cas depuis plusieurs années, et qui ne sont pas séparés des condamnés. À ce sujet, le SPT tient à souligner que les personnes détenues du chef d’une infraction pénale doivent être jugées dans un délai raisonnable ou mises en liberté en attendant l’ouverture du procès. Le SPT relève en particulier que l’article 136 du Code de procédure pénale fixe à trois ans la durée maximale des procédures judiciaires. Le SPT est conscient des difficultés que le manque de ressources et la charge excessive de travail font peser sur le système judiciaire. Toutefois, lorsque les retards sont dus à un manque de ressources, des ressources budgétaires supplémentaires devraient dans la mesure du possible être allouées à l’administration de la justice. Le SPT recommande l’allocation au pouvoir judiciaire de ressources supplémentaires, devant être affectées aux juridictions pénales pour que celles-ci puissent rendre efficacement la justice.

49. Le SPT recommande également qu’il soit procédé à un recensement de la population carcérale nationale pour déterminer combien de détenus sont en attente de jugement depuis plus de trois ans, en violation de la durée maximale prévue par la loi.

50.Défense publique . Le SPT estime qu’une défense publique gratuite et professionnelle contribue à prévenir la torture et les mauvais traitements puisqu’elle permet l’exercice du droit à une procédure régulière et des droits de la défense. Dans un système pénal accusatoire, il est essentiel de garantir l’égalité des armes entre la défense publique et le ministère public. Le SPT a été informé des contraintes de budget et de personnel qui touchaient directement la défense publique. D’après les renseignements fournis par les services de la défense publique, certains défenseurs publics ont en moyenne 300 causes à traiter. Le défenseur public de la ville de Ciudad del Este détient le record, avec 1 500 causes. Le SPT estime que cette charge de travail excessive n’est pas compatible avec une défense efficace des intérêts des personnes privées de liberté. Cette appréciation a été confirmée par un grand nombre de personnes privées de liberté que le SPT a interrogées ainsi que par les autorités policières et pénitentiaires et les représentants de la société civile avec lesquels il s’est entretenu.

51.Dans les établissements pénitentiaires, la plupart des détenus interrogés par le SPT ont dit ignorer où en était leur dossier et n’avoir eu aucun entretien avec leur défenseur depuis des mois, voire des années. Tous les détenus que le SPT a rencontrés ont déclaré que leur défenseur n’entrait jamais dans les quartiers pénitentiaires pour vérifier les conditions de détention.

52. Le SPT considère que le droit d ’ être assisté par un avocat dès le début de la détention est une garantie fondamentale pour la prévention de la torture et des mauvais traitements. Le bu reau de la défense publique devrait fonctionner en toute indépendance et disposer d ’ un budget propre. Vu la situation actuelle du b ureau de la défense publique, le SPT demande à l ’É tat partie de lui donner des informations sur les mesures qu ’ il compte prendre pour assurer l ’ indépendance fonctionnelle et l ’ autonomie budgétaire du b ureau de la défense publique et augmenter ses ressources humaines et financières afin de lui permettre de garantir à toutes les personnes qui en ont besoin l ’ assistance gratuite, effective et complète d ’ un avocat , dès le début de la détention . Il souhaiterait une copie du projet de loi sur la défense publique et savoir où en est l ’ examen de ce texte.

53.Ministère public. Conformément aux dispositions du Code de procédure pénale, le ministère public est chargé de diriger les enquêtes sur les faits punis par la loi et de mettre en mouvement l’action pénale en cas d’infractions telles que la torture. Le SPT a reçu des informations de la Direction des droits de l’homme du ministère public sur les affaires de violations des droits de l’homme qui ont donné lieu à des enquêtes entre 2000 et 2008. D’après ces informations, 230 − soit 16 % − des 1 464 affaires enregistrées portent sur le délit de torture. Le ministère public n’a donné aucune information sur l’état d’avancement des procédures en cours ni sur l’issue de la plupart (60 %) des affaires relatives à des faits de torture. La majorité des affaires pour lesquelles des informations ont été données étaient classées ou rejetées. Sur les 230 actions ouvertes, une seule a abouti à une condamnation.

54.Le SPT note avec satisfaction que la Direction des droits de l’homme recueille des données statistiques sur les affaires de violations des droits de l’homme. Il est néanmoins préoccupé par le grand nombre de procédures dont on ignore l’état d’avancement, ainsi que par le fait qu’une seule action concernant des actes de torture sur les 230 ouvertes ait abouti à une condamnation.

55.Le ministère public a également un rôle important à jouer dans la prévention de la torture et des mauvais traitements. Des fonctions de surveillance lui sont conférées par la loi no 1562/2000 portant organisation du ministère public (art. 24), qui dispose que le procureur qui se rend dans les locaux de la police doit contrôler l’état physique du suspect et les conditions matérielles dans lesquelles il est détenu. Enfin, l’article 15 de la loi établit que le ministère public assiste le juge de l’exécution dans ses fonctions de contrôle de l’application du régime pénitentiaire et du respect des objectifs constitutionnels de la peine et des droits du détenu. Le SPT souhaiterait des informations sur la manière dont le ministère public s ’ acquitte dans la pratique de ses fonctions de surveillance dans les postes de police et dans les établissements pénitentiaires. Il voudrait en particulier savoir quelle est la fréquence des visites, s ’ il existe des instructions officielles concernant la manière dont elles doivent se dérouler , si elles donnent lieu à des rapports et, dans l ’ affirmative, à quelle autorité ces rapports sont remis et combien d ’ actions ont été engagées par le ministère public à la suite de ces visites.

III.Mécanisme national de prévention

56.Le SPT salue l’adoption du projet de loi portant création du mécanisme national de prévention, à l’issue d’un processus exemplaire auquel ont participé en toute transparence et sans exclusive divers acteurs. Le SPT note également avec satisfaction que le contenu du projet est conforme aux conditions minimales énoncées dans le Protocole facultatif, notamment en ce qui concerne l’indépendance du mécanisme dans l’exercice de ses fonctions.

57.Le SPT est toutefois préoccupé par le fait que le projet de loi est devant la Commission des lois de la Chambre des sénateurs depuis janvier 2009. Lorsqu’il a rencontré des membres du SPT, le Président de la Commission des lois s’est engagé à relancer la procédure législative dans les meilleurs délais; des mesures devaient être prises dans ce sens dès la première quinzaine d’avril. Aucune nouvelle information sur ce sujet n’a cependant été reçue à ce jour.

58. La création d ’ un mécanisme national de prévention est une obligation internationale qui incombe au Paraguay au titre de l ’ article 17 du Protocole facultatif. Le SPT recommande à l ’É tat partie de veiller à ce que le pouvoir législatif accorde une attention prioritaire à l ’ avancement de ce projet afin que le texte actuel, ou un projet similaire satisfaisant aux critères énoncés dans le Protocole facultatif, puisse être adopté le plus rapidement possible. Le SPT, comme le Rapporteur spécial sur la question de la torture avant lui, recommande également à l ’É tat partie de désigner sans attendre un mécanisme national indépendant doté des ressources nécessaires pour exercer une surveillance efficace et continue des conditions de détention.

IV.Situation des personnes privées de liberté

A.Locaux de la Police nationale

59.Le SPT a consulté les registres des personnes placées en détention dans les 10 postes de police qu’il a visités et s’est entretenu avec les policiers, de rang supérieur et autre, ainsi qu’avec les personnes qui s’y trouvaient détenues.

1.Période initiale de détention

60.Conformément à la Constitution (art. 12, par. 5) et au Code de procédure pénale (art. 240), toute personne arrêtée doit être déférée devant le juge compétent dans les vingt-quatre heures suivant son arrestation afin que le juge puisse décider, dans un délai de vingt-quatre heures également, s’il y a lieu d’ordonner la mise en détention provisoire ou d’autres mesures ou si l’intéressé doit être remis en liberté en l’absence d’éléments contre lui. Le Code de procédure pénale (art. 239) oblige également la Police nationale à notifier le placement en détention au ministère public et au juge dans un délai de six heures. Ces délais légaux constituent des garanties importantes contre la torture et les mauvais traitements.

61.La Constitution dispose que nul ne peut être arrêté ni détenu sans un mandat écrit de l’autorité compétente, sauf en cas de flagrant délit. De même, l’article 239 du Code de procédure pénale habilite la Police nationale à appréhender sans mandat judiciaire toute personne quand il existe des éléments suffisants de penser qu’elle a participé à une infraction et quand il s’agit de cas pour lesquels la détention provisoire est prévue. Cette disposition semble aller plus loin que ce que prévoit la Constitution pour les cas autres que le flagrant délit.

62.L’article 242 du même Code définit les conditions dans lesquelles la détention provisoire peut être ordonnée. Une lecture conjointe des deux dispositions montre que lorsqu’il existe des éléments permettant de penser qu’un individu a participé à une infraction, la police peut justifier la détention en invoquant «l’existence d’un risque de fuite ou obstruction à l’enquête». Il convient de noter que même s’il ne s’agit pas d’un cas de flagrant délit, il n’existe pas de contrôle judiciaire ex ante de cette détention de sorte que la police peut décider de sa propre initiative si quelqu’un doit être privé de liberté.

63.Une fois la personne placée en garde à vue, la police dispose d’un délai de six heures pour notifier l’arrestation au ministère public et au juge des garanties. Durant cette période, la personne est détenue sans contrôle judiciaire effectif ce qui, conjugué à l’absence de mécanismes internes permettant de vérifier la légalité des comportements de la police, place l’intéressée dans une position de vulnérabilité face aux mauvais traitements.

64.De même, la détention provisoire réduit les possibilités de défense du suspect, en particulier lorsque la personne n’a pas de moyens financiers et ne dispose ni d’un conseil ni d’un appui pour obtenir des éléments de preuve en sa faveur. Elle expose non seulement les personnes détenues à des risques de mauvais traitements, ce que le SPT a souvent constaté, mais contribue aussi à accroître le nombre de personnes emprisonnées sans avoir été condamnées.

65.L’article 282 du Code de procédure pénale dispose que «les enquêtes du ministère public, de la Police nationale et de la police judiciaire font toujours l’objet d’un contrôle juridictionnel» mais il s’agit d’un contrôle a posteriori qui n’empêche généralement pas la détention provisoire.

66.En dépit de ces dispositions expresses du droit paraguayen et à en juger par les témoignages recueillis par le SPT, la Police nationale s’acquitte rarement de son obligation de notifier au juge et au ministère public le placement en détention dans un délai de six heures à compter de l’arrestation. C’est ce qu’a confirmé à plusieurs reprises le personnel de police lui-même, qui n’a pu fournir aucune justification plausible pour le non-respect des dispositions légales. En outre, le SPT a pu vérifier, par ses entretiens et en consultant les registres, que les personnes détenues dans des locaux de police y restaient en général beaucoup plus longtemps que le délai maximal de six heures prévu par la loi.

67.Le non-respect des garanties procédurales place à l’évidence les détenus dans une situation de vulnérabilité car le risque de torture et de mauvais traitements est plus élevé pendant la période qui suit immédiatement la privation de liberté. En effet, le SPT a entendu des allégations nombreuses et répétées de détenus qui affirmaient avoir été soumis à la torture ou à des mauvais traitements durant leur arrestation, leur transfèrement au poste de police ou pendant les premières heures de la détention. Le SPT rappelle que la notification rapide de la détention au ministère public et au juge ainsi que le placement du détenu sous la responsabilité d’une autorité juridictionnelle dans les vingt-quatre heures suivant l’arrestation représentent des garanties importantes contre la torture et les mauvais traitements. Le SPT recommande donc que la Police nationale respecte scrupuleusement les délais légaux impartis pour la notification de la détention au ministère public et au juge compétent et le placement de l ’ intéressé sous autorité judiciaire, décisions qui doivent être consignées par écrit.

68. Le SPT recommande aussi que les mesures voulues soient prises pour réviser la loi de procédure pénale afin de supprimer les situations de vulnérabilité extrême durant les premières heures de la détention.

2.Le registre de détention comme protection contre la torture et les mauvais traitements

69.D’après les informations qu’il a recueillies en consultant les registres correspondants et en s’entretenant avec le personnel de police, le SPT constate que le système de registres de détention sous sa forme actuelle n’est pas satisfaisant et ne permet pas de bien suivre les arrivées et les départs des personnes placées en détention ni de contrôler le respect des garanties de procédure.

70.Tous les postes de police visités disposaient d’une «main courante», à savoir un cahier numéroté dans lequel le policier de garde note à la main les gardes, la position des patrouilles, les arrivées et les départs du personnel et des personnes en garde à vue, sans faire de distinction entre les différents types d’informations ni séparer les rubriques. La teneur et la précision des annotations relatives aux arrivées et aux départs des personnes placées en détention sont variables selon les postes de police, voire selon le policier de garde. La plupart du temps, ne sont consignés que les données personnelles de l’individu placé en garde à vue, l’heure et le motif. Dans quelques cas il est aussi fait mention d’un mandat d’arrêt. Les mêmes carnets sont utilisés dans tous les postes de police mais le SPT a constaté à deux reprises que des pages manquaient, que des rubriques n’étaient pas remplies ou que des annotations étaient barrées.

71.Aucun des postes de police visités ne disposait d’un registre de plaintes ni d’un registre de visites de la famille, des avocats ou des organes de supervision. Aucun, à l’exception du commissariat pour femmes d’Asunción, ne disposait d’un registre des effets personnels ni d’un registre d’infirmerie. D’après les informations obtenues auprès du personnel de police et des détenus interrogés, les personnes placées en détention ne sont pas examinées par un médecin à leur arrivée dans un poste de police.

72.Dans 5 postes de police sur les 10 visités, le SPT a rencontré des personnes dont le placement en détention n’avait pas été enregistré, ce qui est très préoccupant.

73.Le SPT considère que la tenue correcte des registres de détention constitue l’une des garanties fondamentales contre la torture et les mauvais traitements et est une des conditions préalables du respect effectif des garanties procédurales, tel que le droit de contester la légalité de la privation de liberté (habeas corpus) et le droit de comparaître rapidement devant un juge.

74. Vu ce qui précède, le SPT recommande:

a) D ’ établir un système obligatoire de registres de détention, distinct du registre des gardes, dans lequel sont notés dans un cahier relié et numéroté les motifs de la privation de liberté, l ’ heure exacte du placement en détention et sa durée, l ’ autorité qui a ordonné la détention et l ’ identité des fonctionnaires chargés de faire appliquer la décision, ainsi que des renseignements précis sur le lieu de détention et l ’ heure de la première comparution devant le juge ou toute autre autorité;

b) D ’ indiquer dans les registres si la personne placée en détention a fait l ’ objet d ’ un examen médical et, le cas échéant, l ’ identité du médecin et les résultats de l’ examen ;

c) De consigner dans les registres les plaintes déposées, les visites des proches , des avocats ou des organes de supervision, et les effets personnels des personnes détenues;

d) De former le personne l de police à la tenue correcte et cohérente des registres ;

e) De faire vérifier scrupuleusement le système de registres par des supérieurs hiérarchiques afin de garantir que toutes les informations utiles concernant la privation de liberté so ie nt systématiquement transcrites.

3.Information sur les droits des personnes détenues

75.Les personnes privées de liberté doivent connaître et comprendre leurs droits afin de pouvoir effectivement les exercer. Celles qui ignorent leurs droits auront de grandes difficultés à les exercer vraiment. Informer les personnes privées de liberté de leurs droits constitue un élément fondamental dans la prévention de la torture et des mauvais traitements. D’après l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, toute personne se verra fournir, au moment de l’arrestation ou au début de la détention ou de l’emprisonnement ou peu après, par les autorités responsables de l’arrestation, de la détention ou de l’emprisonnement, selon le cas, des renseignements et des explications au sujet de ses droits ainsi que de la manière dont elle peut les faire valoir.

76.Le SPT s’est entretenu avec des détenus qui n’avaient pas été informés de leurs droits. Il a toutefois noté avec satisfaction que dans les postes de police qu’il a visités à Asunción, il y avait des affiches en langue guarani donnant des renseignements sur les droits des personnes détenues. Cela étant, de telles affiches n’existaient pas en espagnol ni dans les postes de police en dehors d’Asunción.

77.Le SPT reconnaît que cette initiative est positive et recommande à l’État partie de produire des affiches, des brochures et d’autres matériels d’information dans les deux langues officielles du pays, afin de fournir clairement et simplement des renseignements sur les droits des personnes privées de liberté. Les affiches devraient être placées d’une façon bien visible dans tous les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté. Le SPT recommande aussi d’enseigner au personnel de police à informer systématiquement de leurs droits les personnes privées de liberté dans une langue qu ’ elles comprennent et à les aider à exercer leurs droits dès le début de la détention. Les informations en question devraient être recueillies dans un formulaire qui devrait être remis à tout détenu et signé par lui. Le détenu devrait en conserver un exemplaire.

4.Risque de condamnation sur la base d’aveux

78.Le Code de procédure pénale interdit à la police de recueillir le témoignage de la personne arrêtée aux fins de son inculpation (art. 90) et l’oblige à notifier, dans un délai de six heures, l’arrestation de la personne au ministère public et au juge (art. 296).

79.Le SPT a reçu des allégations répétées et concordantes de personnes privées de liberté, selon lesquelles le personnel de police continuerait de pratiquer différentes formes de torture et de mauvais traitements, en particulier durant les premières heures de la détention dans les locaux de police afin d’obtenir des aveux ou d’autres renseignements sur l’infraction présumée. D’après plusieurs témoignages, les aveux obtenus par la torture et autres mauvais traitements seraient utilisés comme preuves pour justifier la détention provisoire ce qui, comme on l’a déjà dit, réduit les possibilités de défense de l’accusé au procès et aboutit à des condamnations injustes.

80.Un des mineurs interrogés a affirmé avoir été soumis au «sous-marin sec» (la tête dans un sac en plastique jusqu’à l’asphyxie) par plusieurs policiers, à trois reprises la même nuit, le jour même de son placement en détention, et un seau d’eau glacée avait été jeté sur le visage les trois fois où il s’était évanoui. Le mineur a indiqué aussi qu’on lui avait tiré les cheveux, qu’on lui avait donné des coups de genou dans l’estomac et la poitrine, qu’on l’avait frappé au niveau de la trachée, qu’on lui avait asséné des coups de poing et de pied sur tout le corps, qu’on l’avait frappé sur les oreilles et la nuque, tout cela pour l’obliger à avouer un homicide qu’il disait n’avoir pas commis, après avoir déjà avoué un vol de motocyclette. Le mineur a ajouté que la déclaration qu’il avait signée était en espagnol, langue qu’il ne connaissait pas bien car il était de nationalité brésilienne. Il a affirmé que sur la base de cette déclaration, il faisait l’objet de poursuites pour homicide.

81.Un autre mineur a déclaré que les policiers l’avaient soumis au «sous-marin sec», lui avaient donné des coups de poing sur la tête et l’avaient roué de coups sur tout le corps afin de l’obliger à révéler le lieu où se trouvait le produit de son larcin et à avouer d’autres délits qu’il disait n’avoir pas commis.

82. Le SPT exhorte l ’ État partie à faire en sorte que les garanties procédurales soient respectées afin que les personnes gardées à vue par la police ne fassent l ’ objet d ’ aucune sorte de coercition pour les obliger à avouer un délit ou pour obtenir illégalement des preuves. L ’ État partie doit veiller en particulier à ce qu e personne ne soit soumis, pendant son interrogatoire, à des actes de violence, des menaces ou des méthodes d ’ interrogatoire de nature à compromettre sa capacité de décision ou son discernement .

83.Toute déclaration signée par une personne en détention doit être rédigée dans une langue qu’elle connaît et comprend.

84. Le SPT considère que la possibilité d ’ une condamnation fondée exclusivement sur les aveux de l’inculpé ouvre la voie à d ’ éventuels abus, y compris à l’utilisation de torture s et de mauvais traitement s pour obtenir des aveux. Afin de prévenir de tels abus, le SPT recommande à l ’ État partie de garantir l ’ application effective de l ’article  90 du Code de procédure pénale de façon que les premières dé clarations prises par la police − en violation de l ’article susmentionné − pendant la garde à vue ne soient pas prises en considération par les juges pour ordonner des mesures de sûreté ou même inculper ou condamner un suspect. Conformément à l ’ article 15 de la Convention contre la torture, l ’ État doit veiller à ce que toute déclaration dont il est établi qu ’ elle a été obtenue par la torture ne puisse être invoquée comme un élément de preuve dans une procédure, si ce n ’ est contre la personne accusée de torture.

5.Droit d’informer un tiers de la détention

85.Le droit des personnes privées de liberté d’informer de leur détention une personne de leur choix (proche, ami ou autre) représente une garantie fondamentale contre la torture et les mauvais traitements. Au Paraguay, ce droit a rang constitutionnel (art. 12, par. 2, de la Constitution) et semble en général être respecté dans la pratique.

86.Les policiers interrogés par le SPT ont tous indiqué qu’ils mettaient à la disposition des personnes privées de liberté un téléphone pour qu’elles puissent effectuer un appel local à leur arrivée au poste de police. Dans quelques cas, des policiers ont dit avoir autorisé des personnes privées de liberté à se servir de leur propre téléphone portable pour informer leur famille de leur arrestation. Ces affirmations n’ont pas été contestées par les détenus interrogés qui, en général, ont reconnu que leur famille avait été informée. Certaines des personnes interrogées avaient été arrêtées chez elles ou en présence de quelqu’un qui avait par la suite informé leur famille.

87.Étant donné que, comme l’a appris le SPT, les postes de police ne disposent pas de budget pour l’alimentation des personnes privées de liberté, qui dépendent donc de leur famille pour obtenir de la nourriture ou de l’argent pour en acheter, le droit d’informer un tiers de la détention revêt une importance toute particulière, non seulement du point de vue du respect des garanties procédurales mais aussi pour ce qui est de satisfaire les besoins essentiels. À ce sujet, le SPT a noté avec satisfaction que les heures de visite dans les postes de police étaient généralement flexibles, ce qui permettait aux détenus de recevoir de la nourriture de leur famille.

6.Le droit à l’assistance d’un avocat comme protection contre la torture et les mauvais traitements

88.L’accès des personnes placées en garde à vue à un avocat représente une garantie fondamentale contre la torture et les mauvais traitements. La présence d’un avocat peut être dissuasive pour les policiers qui, en d’autres circonstances, pourraient être tentés d’obtenir des renseignements par la coercition ou la menace. Les personnes détenues ont droit à l’assistance d’un avocat et l’autorité compétente doit les informer de ce droit dès leur arrestation et leur fournir les moyens d’exercer ce droit. La personne détenue doit pouvoir consulter un avocat en privé dès le début de sa détention et si elle a été victime de torture ou de mauvais traitements, cet accès à la défense lui permettra d’avoir accès aux mécanismes de plainte et de prévention.

89.D’après des témoignages concordants recueillis auprès de personnes interrogées par le SPT, les défenseurs publics ne rendent pas visite aux personnes en détention dans des locaux de police. De même, la plupart des détenus ont affirmé n’avoir pas pu s’entretenir avec leur défenseur, même pendant les auditions devant le procureur ou le juge. Le SPT a pu constater que la situation était différente lorsque la personne était défendue par un avocat privé. Il rappelle que pour prévenir les situations qui pourraient donner lieu à des actes de torture et à des mauvais traitements il est essentiel que l’État partie garantisse la présence d’un avocat ou d’un défenseur public dès le début de la détention.

90.Le SPT recommande à nouveau à l ’ État partie d ’ accroître les ressources humaines et financières du bureau de la défense publique, dans le cadre de l ’ indépendance et de l ’ autonomie de fonctionnement . Il recommande aussi qu ’ une fois son indépendance et son autonomie garanties, le bureau de la défense publique conclu e des accords avec des universités, l ’ ordre des avocats et d ’ autres organisations de la société civile, dans tout le pays, afin de renforcer sa capacité d ’ action.

7.Le droit de voir un médecin comme protection contre la torture et les mauvais traitements

91.La réalisation d’un examen médical et l’établissement d’un rapport constatant les blessures subies par les personnes privées de liberté sont des garanties importantes pour prévenir la torture et les mauvais traitements, ainsi que pour lutter contre l’impunité. On peut comprendre qu’une personne qui a subi des brutalités de la part de la police aura peur d’informer qui que ce soit de ce qui s’est passé alors qu’elle se trouvait en garde à vue. Si elle décide de porter plainte pour torture ou mauvais traitements, il est utile qu’elle puisse consulter un médecin car, en général, les consultations médicales sont privées et, si la personne a été maltraitée, le médecin est le mieux placé pour examiner ses blessures et en faire rapport. Aux fins de la prévention, l’examen périodique des détenus par un médecin dans les locaux de la police peut dissuader les policiers de pratiquer la torture et les mauvais traitements. Les examens médicaux doivent être réalisés en privé et de façon confidentielle, hors de la présence de la police, à moins que cela ne soit absolument nécessaire.

92.Dans tous les postes de police visités, le SPT a constaté que les détenus n’avaient pas été examinés par un médecin. Dans l’un d’eux, un détenu, qui présentait des marques de coups et des blessures récentes, a dit avoir été brutalement frappé par la police durant son arrestation et les premières heures de sa détention. Il a aussi expliqué que lorsqu’il avait été transféré à l’hôpital pour se faire soigner, quelques heures plus tard, la police, qui avait assisté à l’examen médical, l’avait obligé à dire qu’il s’était blessé en tombant. Les policiers interrogés parallèlement ont indiqué que ses blessures étaient le résultat d’une bagarre familiale. Cette affaire montre clairement la nécessité de réaliser un examen médical, confidentiel et privé, au début de la détention ce qui, en l’espèce, aurait permis d’établir la cause des blessures et de déterminer les responsabilités.

93. Le SPT rappelle qu ’ il faut respecter le droit des personnes privées de liberté d ’ être examinées par un médecin et recommande à l ’ État partie de consacrer ce droit par une loi .

94. Le SPT recommande aux autorités de faire en sorte que toute personne détenue par la police fasse systématiquement l ’ objet d ’ un examen médical, le plus tôt possible après son arrivée dans les locaux de la police, et qu ’ un médecin atteste son état de santé dans le registre prévu à cet effet. Cet examen médical doit être gratuit.

95. Le SPT recommande aussi que les examens médicaux se déroulent dans le respect du principe de la confidentialité médicale: personne ne doit être présent lors de l ’ examen, à l ’ exception du personnel médical. Dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque le médecin considère qu ’ une personne détenue pour des raisons médicales ou psychiatriques constitue un danger pour le personnel médical, des mesures spéciales de sécurité peuvent être envisagées, telles que la présence d ’ un fonctionnaire de police dans un périmètre proche. En pareil cas, le médecin doit justifier par écrit sa décision et indiquer l ’ identité du fonctionnaire de police présent. Excepté ces cas, les policiers doivent se tenir hors de portée de vue et d ’ ouïe de la personne examinée.

96. Le SPT recommande aussi que l ’ examen médical porte sur les éléments ci-après et qu ’ il en soit fait état par écrit: a) les antécédents médicaux du détenu; b) l ’ existence de douleurs et de symptômes, la description par l ’ intéressé de la façon dont il a été éventuellement blessé, et l ’ identité de la personne présumée responsable; c) le résultat de l ’ examen médical, en particulier la description des éventuelles blessures et une note indiquant si tout le corps a été examiné; d) les conclusions du médecin s ’ agissant de la cohérence des trois éléments d ’ information susmentionnés. Lorsque le médecin a des raisons de penser que des actes de torture et des mauvais traitements ont été pratiqués, il doit l ’ indiquer dans le registre selon les modalités exposées dans le paragraphe suivant.

97.Le SPT recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour établir un registre national des allégations de torture et de mauvais traitements, dans lequel devraient figurer au minimum les renseignements suivants: a) l ’ identité de la victime présumée (prénom et nom ou numéro de la pièce d ’ identité ou les deux ); b) l ’ âge et le sexe de la victime présumée; c)  l’endroit o ù les faits dénoncés ont eu lieu; d) l ’ identité des responsables présumés, y compris l ’ organe d ’ État dont ils relèvent; e) les méthodes de torture ou de mauvais traitements utilisées; f) les circonstances entourant les actes de torture et les mauvais traitements; g) les conclusions du médecin qui a examiné la victime présumée; h) le résultat de l ’ examen médical réalisé conformément au Protocole d ’ Istanbul; i) des informations relatives aux enquêtes réalisées avec leurs résultats, les condamnations prononcées et les mesures de réparation en faveur des victimes. D ’ autres entités telles que le ministère public et les commissions chargées d ’ effectuer des visites devraient aussi consigner dans le registre les cas possibles de torture et de mauvais traitements dont e l le s ont connaissance. La victime présumée devrait donner son accord pour les renseignements mentionnés aux alinéas a et b.

98. Le SPT recommande à l ’ État partie d ’ établir un système d ’ examens indépendants, sous la responsabilité de médecins légistes et de psychologues qualifiés, afin de procéder à des examens complets lorsque le médecin qui a réalisé la première consultation a des raisons de penser que la personne détenue a été soumise à la torture et à des mauvais traitements.

8.Le dépôt de requêtes ou de plaintes comme protection contre la torture et les mauvais traitements

99.D’après les renseignements recueillis par le SPT auprès des personnes détenues dans les postes de police visités, aucune d’elles n’avait porté plainte pour des actes de tortures ou des mauvais traitements subis pendant leur garde à vue, soit parce qu’elles ignoraient qu’elles pouvaient exercer ce droit, soit par crainte d’éventuelles représailles. De même, aucun des postes de police visités ne disposait d’un registre de plaintes et, d’après le personnel de police interrogé, les personnes en détention ne sont pas informées de leur droit de porter plainte pour dénoncer la façon dont elles sont traitées.

100.Le SPT fait observer que le droit de tout détenu de déposer une requête ou une plainte au sujet de la façon dont il est traité, en particulier dans le cas de torture ou de mauvais traitements, auprès des autorités chargées de l’administration du lieu de détention, des autorités supérieures et, si nécessaire, des autorités de contrôle ou de recours compétentes, constitue une garantie fondamentale contre la torture.

101.Le SPT recommande que le personnel affecté aux locaux de la police informe systématiquement toute personne privée de liberté de son droit de présenter une requête ou une plainte au sujet de la façon dont elle est traitée. Toute requête ou plainte doit être examinée sans délai et il doit y être donné suite sans retard injustifié. La personne détenue ne doit pas subir de préjudice pour avoir présenté une telle requête ou plainte.

102. Le SPT recommande aussi aux autorités paraguayennes de veiller à ce que le droit de dénoncer les actes de torture et de mauvais traitements et de présenter une plainte puisse être effectivement exercé et que le principe de confidentialité soit dûment respecté. Le personnel de police ne doit pas intervenir dans la procédure de plainte ni filtrer les plaintes adressées aux autorités compétentes ou en connaître la teneur. Le SPT recommande d ’ élaborer un règlement pour le traitement des plaintes par la police, qui contienne des dispositions relatives à la transmission des plaintes aux autorités compétentes et à l ’ obligation de fournir le matériel nécessaire pour rédiger une plainte.

9.Conditions de travail et formation du personnel de police

103.À plusieurs reprises, les policiers avec lesquels le SPT s’est entretenu ont fait savoir qu’ils rencontraient des difficultés économiques du fait de la modicité de leur salaire ainsi que de l’incapacité de l’État partie de leur fournir l’équipement nécessaire pour exercer leurs fonctions, les policiers étant obligés de financer eux-mêmes leurs uniformes, bottes, armes, carnets et même essence pour effectuer des patrouilles.

104.Le SPT considère que l’insuffisance des revenus du personnel de police favorise la corruption et recommande en conséquence qu ’ il soit procédé à une revalorisation des salaires afin que les policiers perçoivent un salaire approprié . Les autorités devraient fournir aux policiers l ’ équipement dont ils ont besoin pour exercer leurs fonctions.

105.Les autorités gouvernementales avec lesquelles le SPT s’est entretenu ont indiqué que le personnel de police n’était pas suffisamment formé et que certains policiers n’avaient même pas suivi un enseignement de base. Comme l’a déjà signalé le Rapporteur spécial sur la question de la torture, le manque de formation des policiers sur les techniques d’obtention de preuves dans les enquêtes criminelles fait que ceux-ci se fondent essentiellement sur des aveux, ce qui favorise le recours à la torture et à des mauvais traitements. Les policiers interrogés ont reconnu eux-mêmes qu’ils n’avaient reçu aucune formation au sujet de la garde de détenus.

106. Le SPT recommande que le personnel de police et les fonctionnaires affectés aux postes de police et autres lieux de détention de la police reçoivent une formation appropriée concernant la garde des personnes privées de liberté, y compris les droits de l ’ homme, et l ’ utilisation correcte des registres (voir par . 74 , c ) et d )) .

10.La surveillance de la police comme protection contre la torture et les mauvais traitements

107.D’après des renseignements recueillis auprès des autorités de police, il n’existe pas au Paraguay de système de surveillance et de contrôle interne et externe des conditions de détention et de la façon dont les personnes privées de liberté sont traitées.

108.Le SPT considère qu’un système adéquat de surveillance et de contrôle de la police constitue une protection essentielle contre les mauvais traitements. L’absence de contrôle efficace par des supérieurs hiérarchiques de la façon dont les détenus sont traités par les policiers peut favoriser les mauvais traitements de la part de certains. En conséquence, le SPT recommande aux autorités paraguayennes de mettre en place un système de contrôle et de surveillance efficace des activités de la police par des supérieurs hiérarchiques.

109.Même si les mauvais traitements ne sont pas dus à un ordre direct de leur part, les supérieurs hiérarchiques ne peuvent pas se soustraire à leur responsabilité pénale pour des actes de torture ou des mauvais traitements commis par des subordonnés lorsqu’ils savaient ou auraient dû savoir que ceux-ci commettaient, ou étaient susceptibles de commettre, de tels actes, et qu’ils n’ont pas pris les mesures de prévention raisonnables qui s’imposaient. Les mécanismes de contrôle interne de la police ainsi que les autorités judiciaires et les autorités de poursuites compétentes doivent procéder à des enquêtes approfondies pour déterminer la responsabilité des policiers qui commet tent des actes de torture ou infligent des mauvais traitements à des détenus, ainsi que d es supérieurs hiérarchiques qui sont les instigateurs de tels actes, les encouragent ou y consentent expressément ou tacitement.

11.Conditions matérielles

110.Le SPT a constaté que dans tous les lieux de détention presque sans exception les conditions matérielles sont très précaires. Les cellules sont généralement dans un état d’entretien et d’hygiène déplorable. Très souvent, les installations sanitaires ne fonctionnent pas. Dans la plupart des locaux, les eaux usées ne sont pas évacuées et il y règne une forte odeur. Dans certains lieux de détention, le SPT a été informé que les détenus partageaient les mêmes toilettes que le personnel mais les détenus interrogés ont tous démenti.

111.Les cellules manquent sérieusement de lumière naturelle et d’aération. Le nombre de matelas est très insuffisant et beaucoup de détenus doivent dormir à même le sol. Le SPT a constaté que les matelas fournis à certains étaient en très mauvais état. Dans la moitié environ des lieux de détention, l’approvisionnement en eau semblait être irrégulier dans le meilleur des cas. Le SPT rappelle que les cellules doivent satisfaire à des exigences minimales de l’hygiène, compte tenu du climat, notamment en ce qui concerne le cubage d’air, la superficie minimale, l’éclairage et la ventilation.

a)Cellules

112.L’unique cellule du commissariat de police no 3 d’Asunción mesurait approximativement 2 mètres sur 8. Les latrines, séparées par un mur au fond de la cellule, ne semblaient pas fonctionner. Des déchets jonchaient le sol et il y régnait une odeur prononcée d’urine et d’humidité. Des câbles électriques pendaient du plafond mais il n’y avait pas de lumière. La ventilation était insuffisante avec six minuscules ouvertures qui laissaient passer trop peu d’air et de lumière naturelle. Il y avait une gouttière sous laquelle se trouvait l’unique matelas de la cellule, qui était donc trempé. Lors de la visite, la cellule était vide mais le SPT a été informé par le personnel qu’elle pouvait être occupée jusque par cinq personnes.

113.Dans le commissariat de police no5 d’Asunción, la cellule mesurait environ 2 mètres sur 6 et disposait de latrines, séparées par un mur et jonchées de détritus. La cellule était très sale, avec une forte odeur d’urine. La ventilation était insuffisante et il n’y avait pas de lumière naturelle ou électrique. Les murs étaient couverts d’inscriptions. Lors de la visite, un détenu occupait la cellule depuis deux heures.

114.Le commissariat de police no12 d’Asunción disposait d’une cellule de 4 mètres sur 6,5, occupée par trois détenus au moment de la visite. Les détenus ont dit qu’ils avaient nettoyé la cellule sur ordre d’un policier peu après l’arrivée du SPT sur les lieux. La cellule sentait très fort l’urine et ne disposait pas de toilettes. Elle manquait de lumière.

115.Le commissariat pour femmes d’Asunción était doté des installations les mieux entretenues de toutes celles visitées par le SPT. La cellule était grande (environ 9 mètres sur 5), propre et aérée, avec suffisamment de lumière naturelle. Il y avait une petite pièce annexe avec trois toilettes, douches et lavabos, qui étaient en bon état et propres. La cellule comptait neuf lits (tous n’avaient pas de matelas), une table et des chaises. Lors de la visite, deux détenues se trouvaient dans la cellule mais le personnel a indiqué que la cellule accueillait normalement jusqu’à 15 femmes. Une des détenues interrogées a dit qu’elles étaient très bien traitées et que le personnel de police leur donnait de la nourriture, de l’eau, des couvertures, des oreillers et du savon.

116.Dans le commissariat de police no 20 d’Asunción, la cellule mesurait 2 mètres sur 4, avec une fenêtre d’environ 40 centimètres sur 50. La cellule était humide et il régnait une certaine odeur d’urine. Les murs étaient recouverts d’inscriptions et on pouvait voir des toiles d’araignée et des insectes. Au moment de la visite, la cellule était vide mais, d’après le personnel de police, elle accueillait en général trois ou quatre détenus. Il n’y avait pas de toilettes. Le personnel a indiqué qu’il y avait trois toilettes (deux avec douche) que les détenus pouvaient utiliser.

117.Le commissariat de police no 9 d’Asunción avait une cellule de 3,5 mètres sur 4,5. Il régnait une certaine odeur d’urine, il y avait des traces d’excréments sur les murs et la cellule n’avait pas de toilettes. Lors de la visite, aucun détenu ne l’occupait. D’après les policiers, les détenus pouvaient utiliser les toilettes du personnel s’ils le demandaient.

118.Dans le commissariat de police no 1 de San Lorenzo, le SPT s’est entretenu avec sept détenus qui partageaient une cellule d’environ 4 mètres sur 5. La cellule était très sale, recouverte d’inscriptions sur les murs et peu aérée. Lors de la visite, la température était très élevée. Il y avait des toilettes, séparées par un mur, qui, selon les détenus, fonctionnaient. Un détenu interrogé a indiqué que jusqu’à 20 personnes avaient occupé la cellule quelques jours auparavant. Quatre matelas étaient à même le sol, tous en très mauvais état, et les autres détenus devaient dormir assis par terre. Pourtant, quatre matelas inutilisés se trouvaient dans une pièce contiguë. Le SPT s’est entretenu avec le chef du poste et il lui a demandé de mettre ces matelas à la disposition des détenus, pour des raisons humanitaires. Le chef du poste, qui a fait attendre les membres du SPT pendant plus d’une demi-heure avant de les recevoir, a rejeté leur demande sans donner d’explication plausible.

119.Le commissariat de police no 3 de Pedro Juan Caballero disposait d’une cellule de 1 mètre sur 2, où régnait une forte odeur d’urine. Lors de la visite, qui s’est déroulée vers 10 heures du matin, un seul détenu occupait la cellule où il avait passé la nuit. Il a indiqué qu’il avait dormi à même le sol puisqu’il n’y avait pas de matelas. La cellule n’avait pas de toilettes et le détenu avait uriné contre les murs. Le sol était mouillé quasiment partout et il était donc encore plus difficile pour le détenu de trouver un endroit sec où s’allonger. Du verre brisé jonchait le sol.

120.La cellule du commissariat de police no 8 de San Estanislao mesurait environ 5 mètres sur 7 et, au moment de la visite, était occupée par 11 détenus. D’après les témoignages il était arrivé que jusqu’à 25 détenus s’y trouvent. Elle comptait trois petits réduits destinés à servir de toilettes mais seulement un d’entre eux fonctionnait, quoique dans un état d’hygiène déplorable. Il faisait très chaud malgré deux ventilateurs au plafond, et l’odeur provenant des toilettes était nauséabonde. Les matelas et le linge de lit étaient extrêmement sales et en quantité insuffisante pour le nombre de détenus. Les membres du SPT ont vu des cafards et de nombreux détritus dans la cellule. Le seul meuble était une longue planche posée sur des tréteaux qui servait de table, avec des morceaux de tronc d’arbre en guise de tabourets. Malgré le manque d’espace pour les détenus, la cellule était utilisée pour empiler du bois dans un coin, lequel occupait une place énorme.

121.Dans le commissariat de police no 9 de Limpio, les conditions matérielles dans l’unique cellule étaient légèrement meilleures qu’ailleurs pour ce qui est de la ventilation et de l’hygiène. La cellule était exiguë (1,7 mètre x 3), mais les deux détenus interrogés ont indiqué que les latrines et la douche fonctionnaient. Les détenus devaient partager un matelas à même le sol. Il n’y avait pas de chaise ni d’autre meuble.

122.En règle générale, le SPT a constaté une grande différence entre les conditions matérielles dans les locaux de police et les conditions de vie dans les zones réservées aux détenus. Les bâtiments de la plupart des postes de police visités sont en bon état. Les locaux sont vastes et relativement propres. L’espace réservé au personnel est généralement modeste mais décent. Les parties réservées aux détenus, en revanche, sont invariablement les plus exiguës, sales, humides, inondées et dans un état de détérioration évident. En même temps, parfois (comme par exemple dans le commissariat de police no 9 d’Asunción ou le commissariat de police no 8 de San Estanislao), le SPT a constaté qu’il y avait des locaux spacieux, bien ventilés et sans humidité, qui n’étaient pas ou peu utilisés.

123.Le personnel des postes de police visités a indiqué au SPT que les détenus mineurs ne partageaient pas la cellule des adultes mais devaient attendre dans les bureaux ou dans la cour. Lors de ses visites, le SPT n’a pas rencontré de mineurs mais des détenus ont dit qu’ils avaient partagé leur cellule avec des mineurs.

b)Alimentation

124.À l’exception du commissariat pour femmes d’Asunción et du commissariat de police no 9 de Limpio, dans la plupart des locaux visités, les détenus devaient se procurer eux-mêmes leur nourriture, soit en se faisant apporter à manger par leurs proches − ce qu’a pu observer le SPT durant sa visite dans certains postes de police − soit en demandant au personnel d’aller leur acheter à manger. Le SPT a reçu des allégations selon lesquelles le personnel de police demandait souvent jusqu’à 5 000 guaraníes pour ce service.

125.Dans le commissariat de police no 8 de San Estanislao, où des personnes sont privées de liberté pendant plusieurs mois, aussi bien les détenus que les autorités de l’établissement ont confirmé que les détenus devaient se procurer eux-mêmes à manger. D’après le fonctionnaire responsable, le poste de police n’a pas de budget pour nourrir ceux qui sont placés en détention pendant des mois sur ordre de la justice.

c)Accès à l’eau potable

126.Pour ce qui est de l’accès à l’eau potable, le SPT a constaté qu’à l’exception du commissariat pour femmes d’Asunción, dans aucune des cellules visitées il n’y avait de robinet fournissant directement de l’eau potable aux détenus. L’accès à l’eau potable dépend donc du bon vouloir des gardiens. Le SPT a constaté parfois qu’une bouteille d’eau avait été apportée dans la cellule. Dans d’autres cas, les détenus interrogés se sont plaints de ne pas avoir suffisamment à boire.

d)Exercice physique

127.À l’exception des postes de police où ils étaient autorisés à sortir brièvement pour aller aux toilettes, les détenus devaient généralement rester enfermés dans leur cellule. Le SPT n’a reçu aucune information de la police concernant les possibilités d’exercice physique et de distraction. Le SPT estime que, dans la mesure du possible, les personnes privées de liberté plus de vingt-quatre heures doivent pouvoir faire de l’exercice. Il a constaté que dans la plupart des postes de police visités il y avait des endroits qui se prêtaient à l’exercice physique tels que des jardins ou de grandes cours.

128.Le SPT considère que, bien souvent, ce qui différencie un traitement inhumain d’un traitement respectueux des détenus ne tient qu’à un peu de bonne volonté et à des ressources financières modiques. Vu ce qui précède, le SPT recommande:

a) De procéder sans délai à un audit des postes de police dans lesquels des personnes sont privées de liberté afin de déterminer les éventuelles améliorations à apporter aux lieux de détention dans les établissements existants, avec de s ressources financières modestes ;

b) De confier l ’ audit susmentionné à une équipe pluridisciplinaire composée de représentants des différentes institutions qui ont déjà participé à des visites de prison;

c) D ’ améliorer immédiatement les conditions matérielles dans les cellules, en particulier en ce qui concerne la superficie minimale par détenu, le cubage d ’ air, l ’ éclairage et la ventilation;

d) D ’ allouer aux postes de police un budget suffisant pour l ’ alimentation des détenus afin que ceux-ci puissent avoir , au moins deux fois par jour, de s repas d ’ une valeur nutritive suffisante pour se maintenir en bonne santé et avoir de l’énergie ;

e) De fournir aux personnes privées de liberté au moins deux litres d ’ eau potable par jour, gratuitement et systématiquement;

f) De garantir que les personnes privées de liberté p uiss ent régulièrement se rendre aux toilettes et se laver, et que les personnes qui doivent passer la nuit en détention p uiss ent dormir sur un lit doté d’un matelas. Les cellules doivent être régulièrement nettoyées par le personnel du poste . Les installations sanitaires doivent être propres et fonctionner correctement afin que les détenus puissent satisfaire leurs besoins naturels au moment voulu, d ’ une manière propre et décente ;

g) De faire en sorte que, dans la mesure du possible, les personnes détenues dans un poste de police plus de vingt-quatre heures aient la possibilité de faire de l ’ exercice en dehors d e la cellule au moins une heure par jour .

12.Santé

129.Aucun des postes de police visités par le SPT ne comptait de médecin parmi son personnel. Le SPT a été informé que les détenus étaient transférés vers un hôpital proche en cas de problème de santé (voir par. 92). Les détenus interrogés ont indiqué que l’accès à un médecin était exceptionnel et n’était autorisé que dans des cas graves. Le SPT est préoccupé par le fait que ce soit le personnel de police, sans formation médicale, qui décide de permettre aux personnes privées de liberté d’obtenir des soins médicaux. Il rappelle qu’en vertu du droit international des droits de l’homme, tout détenu doit pouvoir bénéficier de soins et de traitements médicaux chaque fois que le besoin s’en fait sentir. Le SPT recommande que le personnel de police, à moins d ’ avoir reçu la formation requise pour effectuer des diagnostics médicaux, autorise immédiatement les personnes privées de liberté qui le demandent à être examinées par un médecin.

13.Détention prolongée dans des locaux de la police

130.Le SPT a visité le poste de police no 8 de San Estanislao, où il a constaté que des personnes étaient couramment privées de liberté pendant plusieurs mois, certaines étant placées en détention provisoire sur ordre judiciaire. Pourtant, le poste ne disposait pas de budget pour entretenir les détenus qui, pour manger, dépendaient de leurs proches ou du bon vouloir du personnel de police. Le SPT est préoccupé par le manque de personnel qualifié pour s’occuper de la garde de personnes pendant de longues périodes, situation qui oblige la police à exercer des fonctions pénitentiaires pour lesquelles elle n’est pas formée. Le SPT a été informé par des membres de la société civile que la situation était la même dans d’autres postes de police du pays.

131.D’après les registres consultés et les policiers interrogés, le SPT a constaté que le commissariat no 8 de San Estanislao accueillait régulièrement des femmes détenues, parfois pendant plusieurs mois, alors qu’il ne disposait pas de l’infrastructure adaptée ni de personnel féminin. Il a appris que les détenues occupaient une pièce de moins de 4 mètres carrés conçue pour les visites, sans fenêtre et meublée seulement d’une table et d’une chaise. Lors de la visite, une femme se trouvait dans le poste de police sans que sa détention ait été enregistrée. Le SPT recommande à l ’ État partie de transférer les femmes détenues dans des postes de police dotés de personnel féminin pour s ’ occuper d ’ elles et d ’ infrastructures adaptées à cet effet, de sorte qu ’ elles soient séparées des hommes . Le SPT recommande aussi à l ’ État partie d ’ adopter les mesures nécessaires pour augmenter le personnel féminin dans les postes de police .

132.Le SPT a visité l’Unité spécialisée de la Police nationale, initialement conçue comme centre de formation de la police antiémeute, de l’infanterie et de la brigade des chiens, mais qui, dans la pratique, est utilisée pour la détention de personnes, notamment d’anciens policiers. Le personnel de police interrogé par le SPT a évoqué le manque de ressources et de formation de la police pour exercer des fonctions pénitentiaires, ainsi que l’inadéquation du bâtiment pour garder des prisonniers, qui doivent occuper des dortoirs du personnel. Le SPT a appris que le Ministère de la justice et du travail, responsable du système pénitentiaire, n’allouait à l’Unité spécialisée aucun budget pour l’alimentation ou l’entretien des détenus, qui devaient donc se faire approvisionner par des proches ou compter sur le bon vouloir et la charité des policiers pour partager leurs repas. Des détenus interrogés qui ne recevaient aucune visite ont affirmé que les policiers leur donnaient seulement deux biscuits pour le déjeuner et deux biscuits pour le dîner et, parfois, du thé maté et deux biscuits pour le petit-déjeuner. Les prisonniers ont aussi indiqué qu’à la suite d’une évasion récente de détenus, il avait été mis fin à la promenade quotidienne en plein air et ils étaient seulement autorisés à sortir dans le couloir une heure par jour, le reste du temps étant passé dans les dortoirs.

133. Le SPT recommande à l ’État partie de mettre un terme, à titre de mesure d ’ urgence , à la pratique de la détention prolongée dans les locaux de la Police nationale. Il recommande que les personnes placées en détention provisoire soient immédiatement transférées, dans l ’ attente d ’ être jugées, dans des centres pénitentiaires où elles doivent être séparées des condamnés. À cet effet, l ’ État partie devrait prendre les mesures provisoires nécessaires pour héberger les détenus dans des conditions compatibles avec la dignité humaine.

14.Allégations de torture et de mauvais traitements

134.Le SPT a recueilli divers témoignages de personnes qui disaient avoir été torturées ou maltraitées par le personnel de la Police nationale. Ces actes s’étaient en général produits lors de l’arrestation, du transfèrement au poste de police ou dans le poste lui-même, ainsi que pendant les premières heures de la détention. Dans un certain nombre de cas, les policiers ne portaient pas l’uniforme mais étaient habillés en civil. D’après les personnes interrogées, les actes de torture ou les mauvais traitements avaient pour but d’obtenir des aveux, de les faire dénoncer d’autres personnes ou indiquer où se trouvaient des biens supposés volés.

135.Le SPT a pu constater qu’il existait une certaine concordance dans les récits des détenus décrivant les méthodes de torture et les mauvais traitements. Selon plusieurs témoignages concordants, les méthodes couramment utilisées étaient l’asphyxie à l’aide de sacs en plastique (le «sous-marin sec»), accompagnée dans certains cas de mise à nu, de coups sur la trachée, de coups donnés du plat de la main sur les oreilles et la nuque, et de compression des testicules. Un des détenus interrogés a raconté que deux policiers l’avaient conduit dans une salle du poste de police, qu’il a décrite en détail, où on l’avait obligé à s’agenouiller et on lui avait placé sur la tête un sac en plastique blanc afin de l’étouffer. D’après le détenu, l’asphyxie avait duré une minute ou une minute et demie, pendant laquelle il «s’était vu mourir». On l’avait également menacé de lui comprimer les testicules. Les auteurs des faits avaient été identifiés par le détenu mais n’étaient pas sur place lors de l’entretien.

136.Un autre détenu a dit avoir subi des actes de torture similaires dans un autre poste de police, où le personnel avait tenté de l’étouffer avec des sacs en plastique. Comme le détenu avait réussi à déchirer les quatre sacs utilisés, ils avaient fini par lui mettre la tête dans un sac plus épais. Ils lui avaient aussi violemment comprimé les testicules, ce qui avait déclenché une forte douleur dans le ventre.

137.Tous les mineurs interrogés ont dit qu’ils avaient fait l’objet de torture et de mauvais traitements lors de leur arrestation et de leur détention dans plusieurs postes de police de la région. Tous ont indiqué avoir été roués de coups par la police dans la rue. Selon plusieurs témoignages, les agents de police patrouillaient la plupart du temps dans des véhicules banalisés et habillés en civil. Plusieurs mineurs interrogés avaient été déshabillés et soumis à la pratique du «sous-marin sec» durant les premières heures de leur détention.

138.Une des femmes interrogées a dit qu’elle avait été maltraitée par un policier durant sa détention. Il lui avait demandé de lui faire une fellation si elle voulait être mieux traitée puis l’avait rouée de coups dans le ventre et lui avait tiré les cheveux très fort.

139.Plusieurs détenus ont dit qu’ils avaient reçu des coups sur la plante des pieds («falaqa»); chez une personne, les policiers avaient utilisé des cannes de billard. Un autre détenu a raconté que la police avait mouillé le sol de sa cellule et avait ensuite menacé de l’électrocuter avec un fil électrique. Le SPT a constaté qu’effectivement un fil électrique pendait dans la cellule sans aucune raison particulière.

140.Une personne placée en détention depuis longtemps a indiqué que celui qui l’avait torturée gardait aussi sa cellule, ce qui faisait revivre en permanence le souvenir de la torture subie. Outre les conditions de détention déplorables décrites plus haut, le SPT a pu constater d’autres exemples de mauvais traitements de la part de la police. Dans un des postes de police visités, un policier a obligé un détenu qui venait d’arriver à ramasser à mains nues les détritus qui se trouvaient dans la cour avant de pouvoir intégrer sa cellule. De l’avis du SPT, rien ne saurait justifier un tel comportement avec un détenu, ce qui constitue un traitement abusif. Le chef d’un autre poste de police a jugé acceptable et naturel de frapper les détenus pour leur «donner une correction». À ce propos, le SPT note l’écart qui existe entre de telles pratiques et les affirmations des autorités de la Police nationale, selon lesquelles la torture et les mauvais traitements n’étaient pas tolérés et les responsables ne restaient pas impunis, mais faisaient l’objet d’enquêtes et étaient suspendus de leurs fonctions pendant la durée de l’enquête.

141.Aucun des détenus interrogés n’a porté plainte pour les actes de torture ou les mauvais traitements signalés, alors que certains auraient pu le faire lors d’une audition devant le ministère public, parce qu’ils disaient craindre des représailles ou faisaient valoir l’inefficacité des recours disponibles. À ce sujet, le SPT rappelle que des mesures doivent être prises pour assurer la protection des personnes qui portent plainte pour torture ou mauvais traitements contre d’éventuelles représailles.

142.Le SPT considère que certaines des pratiques rapportées par les détenus interrogés, telles que le «sous-marin sec» ou la compression des testicules, ne sont pas de simples incidents isolés mais constituent une pratique courante et établie de la Police nationale durant les premières heures ou les premiers jours de la détention. Le SPT est extrêmement préoccupé par l’existence d’une pratique systématique dans ce sens puisque les mêmes méthodes ont été décrites par des personnes interrogées au hasard et dans différentes régions du pays.

143.Aux fins de la prévention, il est important de reconnaître qu’il existe un risque de torture ou de mauvais traitements pendant l’arrestation, l’enquête et la détention par la police. De même, il est essentiel d’affirmer clairement que de tels actes ne seront tolérés en aucune circonstance et que leurs auteurs seront punis, toute possibilité d’impunité étant exclue.

144. Vu ce qui précède, le SPT recommande:

a) Que le personnel de police reçoive périodiquement des instructions claires et catégoriques rappelant l ’ interdiction absolue et impérative de toute forme de torture et de mauvais traitements et que cette interdiction figure dans les règles ou instructions générales édictées en ce qui concerne les obligations et les fonctions du personnel de police ;

b) Que, conformément aux obligations qui s ’ imposent à l ’ État partie en vertu des articles 12 et 16 de la Convention contre la torture, il soit procédé sans délai à une enquête impartiale chaque fois qu ’ il existe des motifs raisonnables de croire que des torture s ou des mauvais traitements ont été commis. L ’ enquête doit être ouverte même en l ’ absence d ’ une plainte en bonne et due forme;

c) Que dans tous les commissariats et postes de police du pays une information sur l ’ interdiction de la torture et des mauvais traitements, indiquant la marche à suivre et la personne à qui s ’ adresser pour dénoncer de tels actes, soit disponible et bien visible pour le public;

d) Que, afin de réduire l ’ impunité, les fonctionnaires de police, qui pour une raison justifiée ne portent pas l ’ uniforme quand ils réalisent des missions de police, soient tenus de s ’ identifier en déclinant leurs nom, prénom et qualité pendant l ’ arrestation et le transfèrement des personnes privées de liberté. En règle générale, les fonctionnaires de police chargés d ’ exécuter la mesure de privation de liberté ou qui ont sous leur garde des personnes privées de liberté doivent être nommément identifiés sur les registres appropriés.

B.Établissements pénitentiaires

145.Le SPT a visité la prison nationale de Tacumbú à Asunción et la prison régionale de Pedro Juan Caballero dans le département d’Amambay.

146.Le SPT a pu procéder à une inspection approfondie de la prison régionale de Pedro Juan Caballero, qu’il a visitée intégralement, y compris les quartiers des mineurs, des femmes et des hommes. Dans la prison nationale de Tacumbú, le SPT a visité la grande majorité des quartiers pénitentiaires mais n’a pas pu faire un tour complet en raison de la dimension de l’établissement. Dans les deux cas, le SPT a rencontré un grand nombre de détenus et de membres du personnel pénitentiaire, y compris les directeurs d’établissement et le personnel médical. Les autorités se sont montrées ouvertes et coopératives tout au long de la visite. Le SPT conclut de sa visite que les conditions qui règnent dans la prison nationale de Tacumbú (Asunción) et dans la prison régionale de Pedro Juan Caballero font que le Paraguay contrevient à ses obligations internationales. Cette affirmation se fonde, entre autres choses, sur les éléments exposés ci-après.

1.Surpopulation carcérale

147.Le SPT a noté avec préoccupation le taux élevé de surpopulation, qui constitue un problème chronique dans les deux prisons visitées.

148.Au moment de la visite du SPT, 3 008 personnes étaient détenues à la prison nationale de Tacumbú alors que sa capacité initiale est de 1 200 places. En conséquence, la majorité des détenus n’ont pas de lit et dorment à même le sol. La situation est telle que 268 détenus sont obligés de dormir dans la cour ou dans les couloirs («pasillos») de la prison, d’où leur désignation et leur inscription au registre de la prison sous le nom de «pasilleros». Le SPT a interrogé un grand nombre de ces détenus et a pu constater combien leurs conditions de vie sont pénibles du fait qu’ils sont les plus pauvres et, par conséquent, les plus vulnérables.

149.À l’occasion d’une réunion constructive que les membres du SPT ont eue avec le directeur de la prison nationale de Tacumbú à la fin de la visite, celui-ci a indiqué qu’il était prévu de construire un nouveau quartier dans le bâtiment appelé «ex sótano», d’installer des lits supplémentaires dans l’actuel quartier D et de fournir des matelas. Le directeur a également évoqué le transfert à venir d’une partie des détenus de Tacumbú à la prison d’Emboscada qui ouvrira bientôt ses portes et pourra accueillir jusqu’à 135 détenus. Le SPT demande aux autorités paraguayennes de le tenir informé de l ’ état d ’ avancement de ce s projets et recommande qu ’ ils soient mis en œuvre à bref délai, afin de garantir le droit de chaque détenu de disposer d ’ un lit individuel et d ’ une literie individuelle suffisante. Dans l ’ immédiat, l ’ État partie d oit chercher une solution à la situation des «pasilleros».

150. Le SPT recommande la fourniture de lits et de matelas convenables pour tous les détenus, y compris les détenus mis à l ’ isolement.

151.Le SPT a noté que dans la prison régionale de Pedro Juan Caballero, les quartiers des mineurs et des femmes étaient séparés du quartier des hommes par un grillage. D’après les témoignages recueillis, ni les détenus adultes ni le personnel pénitentiaire n’entrent dans cette zone. Pourtant, l’un des détenus interrogés a indiqué que bien qu’étant mineur, il avait été détenu dans le quartier des adultes pendant un mois parce qu’il n’avait pas de papiers d’identité. Le SPT a constaté dans les deux prisons visitées que les condamnés n’étaient pas séparés des prévenus, qui représentaient environ 80 % de la population carcérale.

152. Le SPT fait observer que l ’ absence de séparation entre condamnés et prévenus et entre adultes et mineurs est contraire à l ’ article 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; il recommande aux autorités paraguayennes de faire en sorte que les différentes catégories de détenus soient placées dans des établissements distincts ou dans des quartiers distincts à l ’ intérieur d ’ un même établissement .

2.Registres

153.Le SPT a examiné les registres des deux prisons qu’il a visitées et a interrogé les membres du personnel pénitentiaire chargés de les tenir à jour.

154.La prison régionale de Pedro Juan Caballero tient une main courante, cahier numéroté dans lequel sont consignés les tours de garde et tout incident concernant les agents pénitentiaires et les détenus, avec la signature du fonctionnaire de garde. Le SPT a constaté que ce registre comportait des blancs. Il a également consulté le registre des sanctions disciplinaires, où sont indiqués les noms des détenus mis à l’isolement, le type de faute et la signature du responsable hiérarchique. Toutefois, la durée de la mesure n’était pas toujours précisée.

155.La prison nationale de Tacumbú tient un registre des visites où sont consignées les visites des membres de la famille des détenus et des défenseurs publics, mais pas celles des avocats engagés à titre privé. Le SPT a également consulté le registre des infractions au règlement, coté et signé, où sont indiqués les sanctions prononcées (isolement dans tous les cas) et le nombre de détenus à l’isolement.

156.Le SPT recommande la création d ’ un système uniforme de registre d ’ écrou, relié et coté, indiquant clairement l ’ identité du détenu, les motifs de sa détention et l ’ autorité compétente qui l ’ a décidée, ainsi que le jour et l ’ heure de l ’ admission et de la sortie. Les agents pénitentiaires devront être formés à l ’ utilisation de ces registres afin de ne pas laisser de mentions en blanc. Le SPT recommande également la création d ’ un système uniforme de registre des mesures disciplinaires indiquant l ’ identité de l ’ auteur de l ’ infraction, la sanction et sa durée, et le nom de l ’ agent qui l ’ a décidée.

3.Gestion des prisons, corruption et système de privilèges

157.Le SPT a constaté à travers les nombreux témoignages qu’il a recueillis dans les prisons visitées que les détenus devaient payer pour le moindre service.

158.Dans la prison nationale de Tacumbú, la corruption et le système de privilèges semblent avoir atteint un degré alarmant d’institutionnalisation et d’organisation. D’après les témoignages des détenus de cet établissement, dès qu’un nouveau détenu arrive à Tacumbú, il est soumis à un processus de «sélection» qui détermine le quartier auquel il sera affecté. Dès l’admission, le personnel pénitentiaire demande au nouveau venu s’il souhaite être placé dans un «bon quartier». Si le détenu est prêt à payer plus d’un million de guaraníes, il est directement installé dans l’un des quartiers les mieux lotis. Dans le cas contraire, le détenu est conduit dans la cellule du «Poste no 6» où les agents pénitentiaires discutent la somme que le détenu est disposé à payer pour avoir une place dans un quartier de la prison. Le détenu est envoyé dans le quartier qui correspond au montant qu’il a accepté de payer, qui peut varier entre 50 000 et 500 000 guaraníes. À son arrivée dans le quartier en question, l’agent pénitentiaire le remet au «capataz», qui est le détenu responsable du quartier. Le nouveau venu s’engage à payer le droit d’entrée dans le quartier, que se répartiront à parts égales le «capataz» et l’agent pénitentiaire. À partir de ce moment, le détenu doit au plus vite se procurer l’argent nécessaire pour régler sa dette.

159.Le SPT a visité le quartier appelé «VIP» de la prison nationale de Tacumbú. Les conditions matérielles y sont nettement meilleures que celles qui règnent dans le reste de l’établissement: il y a davantage d’espace, les installations sanitaires fonctionnent, différents appareils électroniques sont à la disposition des détenus, de nombreuses personnes extérieures à la prison y sont admises et la nourriture est abondante. Tout cela ne pourrait pas exister sans l’approbation ou la participation active des autorités pénitentiaires. Cette situation montre que parallèlement aux conditions inhumaines dans lesquelles vivent la majorité des prisonniers, il existe tout un monde de privilèges. Les conditions de détention sont utilisées à la fois comme un moyen de pression et une mesure d’incitation pour faire monter le prix des places dans les dortoirs où les conditions sont moins mauvaises ou dans les secteurs privilégiés.

160.L’inégalité des conditions matérielles dans la prison nationale de Tacumbú est considérée comme normale par les autorités pénitentiaires elles-mêmes, comme il ressort d’un rapport du chef de la sécurité remis par le directeur de la prison à la Cour suprême, dans lequel on peut lire que les quartiers appelés «Libertad» et «Liga» sont considérés comme de «bons quartiers», ce qui laisse entendre que les autorités reconnaissent qu’il existe différents types de quartiers.

161.Selon de nombreuses déclarations concordantes de détenus de la prison nationale de Tacumbú, une somme forfaitaire doit également être versée chaque semaine au «capataz» pour le nettoyage et le maintien de l’ordre dans le quartier pénitentiaire. S’il ne paie pas le droit d’entrée ou les diverses contributions hebdomadaires, le détenu est exclu du quartier, et rejoint les rangs des «pasilleros».

162.Le système de corruption et de privilèges s’étend à tous les aspects de la vie quotidienne en prison: les lits, les matelas, la nourriture, les médicaments, l’accès à un médecin et même le droit de travailler se monnayent. D’après le témoignage de plusieurs détenus, les quelque 100 postes de travail disponibles sont attribués à ceux qui sont disposés à payer pour un poste et pour le matériel nécessaire.

163.Le SPT considère que la corruption est à la fois une cause et une conséquence de la torture et des mauvais traitements. On entre dans le système de corruption sous la contrainte et on se laisse corrompre pour ne pas subir des sévices. Celui qui ne se soumet pas au système s’expose à des mauvais traitements, voire à des tortures. La corruption est aussi un moyen d’imposer la loi du silence, d’empêcher les plaintes et de garantir l’impunité. Le système de corruption que le SPT a observé est tellement verrouillé et élaboré qu’il semble impossible d’y échapper ou d’en sortir. Le SPT pense également que le faible niveau des salaires des agents pénitentiaires contribue à exacerber le phénomène.

164.Le SPT tient néanmoins à souligner un point positif: les nouvelles autorités pénitentiaires sont conscientes du problème de la corruption, en parlent ouvertement et sont résolues à y mettre fin, ce qui constitue un premier pas essentiel. Toutefois, compte tenu de l’ampleur de la corruption et de son ancrage dans le système, il faudra un engagement politique très ferme et beaucoup de détermination pour opérer une réforme substantielle et modifier en profondeur les comportements du personnel pénitentiaire.

165. Vu ce qui précède, le SPT recommande ce qui suit:

a) F aire adopter par les plus hautes autorités une politique pénitentiaire ferme et transparente de lutte contre la corruption;

b) D ispenser une formation aux agents pénitentiaires, au personnel d ’ encadrement et aux dirigeants des établissements pénitentiaires et assurer un niveau suffisant de rémunération au personnel pénitentiaire;

c) A dopter des mesures de nature à favoriser l ’ accès de la société civile et des représentants des médias, pour exercer une forme de contrôle public;

d) P rendre immédiatement les mesures suivantes:

i) C ontrôler l ’ attribution des cellules et des lits afin de garantir que chaque détenu dispose d ’ un endroit convenable pour dormir sans avoir à payer;

ii) Interdire au personnel d ’ introduire de l ’ argent dans l ’ établissement et veiller au respect de cette interdiction;

iii) Inscrire dans le dossier de chaque détenu le quartier dans lequel il a été affecté et les raisons de la décision.

166.D’après de nombreuses déclarations concordantes, les stupéfiants, en particulier le cannabis et la cocaïne et ses dérivés (comme le crack), sont partout dans la prison nationale de Tacumbú. Le personnel médical estime qu’environ 30 % des détenus en consomment régulièrement. La facilité d’accès à la drogue combinée à la présence de nombreuses armes blanches dans la prison rend particulièrement nécessaire de renforcer la sécurité.

167. Le SPT recommande que les autorités pénitentiaires, en plus de renforcer la sécurité et de lutter contre la corruption, mènent une action concertée pour empêcher l ’ introduction de drogues dans la prison, identifier les canaux d ’ approvisionnement et organiser des campagnes pour dissuader les détenus d ’ en consommer. Parallèlement d es programmes de désintoxication personnels et des traitements axés sur la ré insertion familiale devraient également être mis en place.

168.D’après les registres médicaux que le SPT a pu consulter, en 2008, 20 détenus sont décédés à la prison nationale de Tacumbú. 9 d’entre eux, dont 2 se trouvaient dans le quartier d’isolement, avaient été poignardés. D’après les estimations du personnel médical, en moyenne 1 détenu sur 4 succombe à ses blessures, infligées dans la plupart des cas lors de rixes entre bandes rivales. D’après les renseignements donnés par le directeur de la prison, 2 000 armes blanches ont été confisquées lors d’une inspection effectuée en août 2008.

169. Le SPT recommande d ’ augmenter le nombre de surveillants à la prison nationale de Tacumbú afin que les effectifs soient suffisants pour garantir la sécurité dans l’établissement et le respect de l ’ intégrité de tous les détenus.

4.Santé

170.Le SPT a constaté que dans les établissements pénitentiaires visités le droit des détenus de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible n’était pas garanti.

171.L’examen médical effectué au moment de l’admission est de la plus haute importance. Il a tout d’abord un but préventif contre les actes de torture et les mauvais traitements qui pourraient être pratiqués dans les locaux de la police car il permet de détecter d’éventuelles séquelles de mauvais traitements antérieurs et de déterminer la date à laquelle ils ont pu être commis. Cet examen est également l’occasion d’évaluer l’état de santé des détenus et leurs besoins en termes de soins, d’effectuer des examens complémentaires et de donner aux détenus des conseils concernant les maladies sexuellement transmissibles et des informations sur les programmes de prévention de ces maladies et d’autres affections contagieuses, ainsi que de la toxicomanie.

172.D’après des sources officielles, les nouveaux arrivants sont systématiquement examinés par un médecin à leur arrivée pour autant qu’il y en ait un dans l’établissement à ce moment-là. Dans le cas contraire, l’examen médical est effectué dès qu’un médecin est de nouveau disponible. Le personnel de l’infirmerie de la prison nationale de Tacumbú a expliqué au SPT qu’au moment de l’admission trois détenus affectés au service médical inscrivent dans un registre le nom du nouvel arrivant et d’autres données personnelles et notent aussi tout problème de santé déclaré par l’intéressé. Si le détenu a un quelconque problème de santé, il est reçu par le médecin de l’établissement dès le lendemain. Les détenus interrogés ont affirmé au contraire qu’il n’y avait pas d’examen médical systématique au moment de l’admission. Le SPT est préoccupé par le fait que l’accès à un médecin soit laissé à la discrétion des détenus employés au service médical. Il considère que tous les détenus doivent être examinés par un médecin à leur arrivée ou le plus rapidement possible après leur admission.

173. Le SPT recommande que tous les détenus soient examinés par un médecin au moment de leur admission. L ’ examen devra se faire sur la base d ’ un questionnaire portant sur l ’ état de santé général du détenu, accompagné d ’ une description des actes de violence qui peuvent avoir été subis dans un passé récent. Le médecin devra également procéder à un examen médical complet, y compris de tout le corps du patient. Si celui-ci déclare avoir subi des violences, le médecin devra vérifier si l ’ examen confirme sa relation des faits. Si le médecin a des raisons de soupçonner que le détenu a été victime d ’ actes de torture et de mauvais traitements, il devra en faire mention dans le registre dont l’établissement est recommandé au paragraphe 97.

174.Comme il a été indiqué précédemment, l’infirmerie de la prison nationale de Tacumbú emploie, en plus du personnel médical, trois détenus qui aident à distribuer les médicaments prescrits par le médecin et à classer les dossiers des patients. Le SPT reconnaît que le fait de confier ce type de tâches à des détenus peut être utile pour leur réinsertion future mais il craint que le secret médical ne s’en trouve compromis. La confidentialité est extrêmement importante pour gagner la confiance du patient et elle est intimement liée au droit au respect de sa vie privée. Le fait que ce soit un détenu, qui n’est pas médecin, qui procède à l’entretien initial, peut susciter une certaine méfiance des patients à l’égard de l’infirmerie et les pousser à ne pas donner des informations exactes. En outre des occasions de savoir de quelles maladies le détenu souffre (par exemple la tuberculose) et s’il a subi des violences avant son admission dans l’établissement pénitentiaire peuvent être perdues. Ce système peut également placer les détenus employés au service médical dans une position difficile s’ils sont obligés de refuser des médicaments à leurs codétenus parce qu’il n’y en a pas. Le SPT recommande que la confidentialité des dossiers médicaux des détenus soit strictement respectée et que l ’ accès aux dossiers soit réservé exclusivement au personnel médical.

175.En comparant les demandes de matériel médical et les factures, le SPT a constaté que le matériel reçu ne satisfaisait pas à la demande. Les médicaments de base étaient néanmoins suffisants. Le SPT recommande d ’ augmenter les stocks de médicaments afin de pouvoir exécuter les ordonnances médicales . Si des médicaments viennent à manquer, ce sont les médecins qui devront déterminer à quels patients donner la priorité.

176.À la prison régionale de Pedro Juan Caballero, le SPT a constaté que la pharmacie était bien pourvue. Les agents pénitentiaires avec lesquels il s’est entretenu ont signalé toutefois que ce n’était habituellement pas le cas et que les médicaments avaient été livrés trois jours avant sa visite.

177.Dans les deux prisons visitées, le personnel a indiqué que l’accès au médecin n’était soumis à aucune restriction et qu’il était gratuit, ce qu’ont toutefois démenti les détenus interrogés. À la prison nationale de Tacumbú, les détenus ont dit qu’il fallait payer jusqu’à 5 000 guaraníes pour pouvoir aller à l’infirmerie. À la prison régionale de Pedro Juan Caballero, certains détenus ont dit qu’ils avaient été punis − battus ou mis à l’isolement − simplement pour avoir demandé à voir le médecin. Le SPT considère cette situation très préoccupante, surtout compte tenu du grand nombre de détenus qui ont des problèmes de santé, tels que perte de poids, toux et affections cutanées. Le SPT rappelle que le droit des détenus d ’ être examinés par un médecin à tout moment et gratuitement doit être respecté et recommande l ’ adoption de mesures pour donner effet à ce droit. Les détenus devraient pouvoir s ’ adresser aux médecins en toute confidentialité, sans que les surveillants ou d ’ autres détenus les en empêchent ou filtrent leurs demandes.

178.En discutant avec les autorités et le personnel médical, le SPT a constaté qu’il n’existait pas de données sur le nombre de détenus séropositifs dans les prisons du Paraguay ou que les données existantes étaient manifestement erronées. À la prison nationale de Tacumbú, les cas de VIH/sida et de tuberculose sont diagnostiqués à l’infirmerie et les malades sont traités conformément aux directives nationales et sous la supervision de spécialistes. Sur les neuf détenus séropositifs, cinq étaient sous traitement. La tuberculose est un problème aigu à la prison de Tacumbú, où l’incidence de la maladie est nettement plus élevée que dans le reste de la population paraguayenne. On ne pratique pas systématiquement de tests de dépistage de la tuberculose. À la prison régionale de Pedro Juan Caballero, les autorités n’ont pas été en mesure de dire s’il y avait des séropositifs parmi les quelque 200 détenus de l’établissement. Deux détenus étaient atteints de tuberculose et étaient soignés. D’après le directeur de la prison, les détenus tuberculeux étaient isolés pendant une période de quinze jours, puis regagnaient leur quartier pénitentiaire.

179. Le SPT recommande de faire appel à une unité mobile de radiologie pour que tous les détenus aient la possibilité de faire une radiographie du poumon, et d ’ assurer un traitement à ceux qui ont la tuberculose. Les détenus qui partagent une cellule avec une personne atteinte de tuberculose devront avoir la possibilité de passer une deuxième radiographie et de faire le test de Mantoux (s ’ ils ne sont pas vaccinés) trois mois plus tard. L ’ opération devra être renouvelée périodiquement pour éviter l ’ apparition de nouveaux cas. En ce qui concerne le VIH/sida, le SPT recommande de donner à tous les prisonniers la possibilité d ’ effectuer le test de dépistage du VIH/sida gratuitement et volontairement. Les tests doivent être confidentiels, s ’ accompagner de conseils et être pratiqués uniquement avec le consentement éclairé des détenus .

180.Le SPT a reçu des informations indiquant qu’un système de promotion de la santé géré par des détenus formés à cette fin allait être mis en place à la prison nationale de Tacumbú. Le SPT souhaiterait des informations sur les progrès accomplis dans la réalisation de ce projet, en particulier dans la lutte contre l es maladies transmissibles comme le VIH/sida et la tuberculose.

181.Le SPT a visité le quartier des handicapés mentaux de la prison nationale de Tacumbú, qu’il a trouvé dans un état de propreté acceptable. Il a néanmoins constaté que certains lits ainsi que le toit du bâtiment étaient en mauvais état et qu’aucune activité n’était proposée aux détenus. Le directeur de la prison a expliqué que le manque de clarté des dispositions de la loi concernant le traitement des handicapés mentaux en conflit avec la loi était un problème et qu’il était arrivé, à cause de ce flou juridique, que des détenus soient transférés à l’hôpital neuropsychiatrique pour ensuite être renvoyés à la prison de Tacumbú. Le directeur a également indiqué qu’il n’y avait pas suffisamment de spécialistes qualifiés et de médicaments appropriés pour répondre aux besoins de cette catégorie de détenus.

182. Le SPT recommande l’adoption d’ une loi pour garantir les droits des handicapés mentaux privés de liberté ou soumis à un traitement c ontre leur volonté. Il recommande également que les handicapés mentaux privés de liberté soient transférés aussitôt que possible dans des institutions spécialisées dirigées par des médecins . Il recommande en outre que le mobilier et le toit du bâtiment de la prison nationale de Tacumbú qui abrite le quartier des handicapés soient remis en état et que des programmes d ’ activité soient mis en place à l ’ intention des détenus qui sont aptes à y participer et qui le souhaitent .

5.Conditions matérielles

183.L’espace de vie, l’alimentation et l’hygiène sont des facteurs qui contribuent à la dignité et au bien-être général des personnes privées de liberté et du personnel pénitentiaire. De mauvaises conditions matérielles associées à un taux élevé de surpopulation ont un effet préjudiciable sur les conditions de vie et de travail dans la prison et contribuent à créer des tensions parmi les détenus ainsi qu’entre les détenus et le personnel. Le SPT a visité les cellules, les dortoirs, les salles communes, les cuisines et les sanitaires des prisons où il s’est rendu et il a constaté que les installations étaient généralement dans un état d’entretien et d’hygiène déplorable. Les quartiers pénitentiaires étaient pour la plupart dépourvus de source de lumière naturelle et de ventilation et fortement surpeuplés. La conclusion du SPT est que les conditions matérielles des prisons qu’il a visitées sont contraires à la législation nationale (en particulier à la loi pénitentiaire no 210/1970) et aux normes internationales en la matière.

184.Les cellules d’isolement de la prison nationale de Tacumbú étaient particulièrement en mauvais état. Au nombre de trois, elles mesuraient environ 2,5 mètres carrés, et cinq détenus étaient entassés dans l’une d’elles. Toutes les toilettes étaient détériorées et deux fuyaient en permanence. Les détenus ont dit qu’il y avait des rats. La puanteur, ajoutée à l’absence d’aération et à la chaleur qui régnait à l’intérieur des cellules, rendait l’air irrespirable. Le SPT a interrogé les 11 détenus qui avaient été mis à l’isolement pour différents motifs − bagarres avec d’autres détenus, refus d’obtempérer, tentative d’évasion, possession d’armes blanches ou de drogue. L’un d’eux était en isolement depuis près de trois mois alors que le règlement de la prison et la loi no 210/1970 fixent à trente jours la durée maximale de l’isolement. Tous les détenus interrogés ont affirmé que les surveillants exigeaient de l’argent pour les laisser quitter le quartier d’isolement. Le médecin de la prison d oit se rendre tous les jours auprès des détenus mis à l’isolement , étant entendu que les visites sont dans l’intérêt de leur santé. En outre, les détenus en isolement depuis plus de douze heures d oivent prendre l ’ air au moins une heure par jour.

185. Le SPT rappelle que l ’ emprisonnement cellulaire prolongé peut être assimilé à un acte de torture ou à une forme de peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant et recommande à l ’ État partie de limiter selon des règles strictes le recours au régime cellulaire en tant que sanction disciplinaire à l ’ égard des personnes privées de liberté . Le régime cellulaire ne devra pas être utilisé à l ’ égard de mineurs ou de handicapés mentaux.

186.Après s’être entretenu avec le SPT, le directeur de la prison nationale de Tacumbú a mis fin sur le champ à l’isolement de 8 des 11 détenus qui avaient été sanctionnés pour des infractions mineures et a fait transférer les 3 autres dans des cellules en meilleur état. Le directeur a également remis au SPT une copie des plans des nouvelles cellules d’isolement, dont la construction devait commencer prochainement. Le SPT a appris de sources publiques que les cellules d’isolement du quartier «Alcatraz» avaient été définitivement fermées une semaine après sa visite. Le SPT se félicite de la fermeture d e ce quartier et souhaiterait avoir confirmation du caractère définitif de la fermeture et obtenir des informations concernant l ’ avancement des travaux et la date estimée de la mise en service des nouvelles cellules d ’ isolement.

187.À la prison régionale de Pedro Juan Caballero, le quartier B1 était le pire du point de vue des conditions matérielles. Outre qu’il était surpeuplé, le bâtiment avait des fuites et était infesté d’insectes. De plus, la cuisine où étaient préparés les repas des détenus était extrêmement sale et très mal équipée. Le SPT a pu visiter le chantier de la nouvelle prison de Pedro Juan Caballero, qui était presque terminé; elle satisfaisait amplement aux conditions matérielles requises pour accueillir décemment les détenus, conformément aux normes internationales minimales. Le SPT recommande d ’ accélérer l ’ achèvement de la nouvelle prison et de fermer la prison actuelle à titre de priorité absolue .

188. D ’ une manière générale, le SPT recommande d ’ élaborer et de diffuser un plan d ’ action pénitentiaire afin de faire en sorte que les besoins essentiels de toutes les personnes privées de liberté soient satisfaits. Il faudra en premier lieu faire un bilan des conditions matérielles des établissements pénitentiaires de tout le pays en vue de concevoir et d ’ exécuter des programmes de nettoyage, de rénovation et de réaménagement. Il faudra en particulier:

a) F aire en sorte que chaque détenu dispose d ’ un lit et d ’ un matelas, d ’ une literie suffisante, bien entretenue et changée régulièrement pour être maintenue en bon état de propreté;

b) V eiller à ce que les cellules et les dortoirs répondent aux conditions minimales concernant la ventilation, le cubage d ’ air, la surface minimale, l ’ éclairage et l ’ accès à la lumière naturelle;

c) D oter les prisons d ’ installations sanitaires en nombre suffisant et en bon état, de façon à permettre à chacun de faire sa toilette et de laver son linge, et d ’ un système d ’ élimination des déchets.

a)Installations sanitaires

189.La plupart des sanitaires des prisons visitées étaient hors service. Les excréments et l’urine s’accumulaient dans les toilettes, diffusant une puanteur qui dans certains cas se répandait dans tout le quartier pénitentiaire. Compte tenu du nombre de détenus qu’accueillent les prisons qu’il a visitées, le SPT estime que le nombre d’installations sanitaires est insuffisant.

190.Les sanitaires des quartiers «D», «mixta baja», «ex comedor» et «cuadrilátero» de la prison nationale de Tacumbú sont ce que le SPT a vu de pire: latrines bouchées et qui débordaient, absence totale de ventilation et alimentation en eau irrégulière ou intermittente. Le SPT a visité ces lieux le soir; ils étaient plongés dans l’obscurité car il n’y avait pas d’électricité. Les toilettes n’avaient pas de portes, de sorte que les détenus n’avaient aucune intimité. En raison du manque d’eau, ils ne pouvaient pas non plus s’occuper de leur hygiène personnelle.

191.À la fin de la visite, le directeur a assuré le SPT que les installations sanitaires des quartiers mentionnés allaient être réparées dans le courant de la semaine. Le SPT souhaite que l’État partie confirme que les installations sanitaires ont été réparées comme promis. Le SPT engage l ’ État partie à augmenter le nombre de sanitaires disponibles , à réparer d ’ urgence tous les sanitaires qui ne fonctionnent pas et à les réviser régulièrement et à faire un nettoy age général d es installations sanitaires de tous les quartiers pénitentiaires.

b)Alimentation

192.Dans les deux établissements pénitentiaires qu’il a visités, le SPT a reçu des plaintes de détenus à propos de la qualité de la nourriture, qu’ils comparaient à de l’«eau d’égout». Le SPT a visité les cuisines des deux établissements et a assisté à la distribution du repas du soir. Il a conclu que la qualité de la nourriture et les conditions dans lesquelles elle était servie n’étaient pas satisfaisantes, et pouvaient même parfois être dégradantes. Dans le quartier «mixta» de la prison nationale de Tacumbú, le SPT a vu des repas être servis dans les toilettes, dans des récipients sales, à l’aide de bouteilles en plastique usagées. Plusieurs détenus ont indiqué que la nourriture était meilleure ce jour-là en raison de la visite du SPT. Presque tous ont dit avoir perdu du poids depuis leur arrivée en raison de la faible qualité nutritionnelle de la nourriture. Un détenu a raconté qu’il avait été obligé de manger des ordures. À la prison régionale de Pedro Juan Caballero, le SPT a constaté que les repas étaient préparés par un détenu, dans des conditions d’hygiène déplorables et sans les ustensiles nécessaires. Les deux établissements possèdent une coopérative gérée par des détenus et où ceux qui ont les moyens peuvent se procurer des produits de meilleure qualité.

193. Le SPT recommande à l ’ État partie d e prévoir un budg et suffisant pour l’ alimentation des détenus et de veiller à mettre en place les mécanismes de contrôle nécessaires afin que les produits aliment aire s achetés s oient nutritifs, effectivement distribués à tous les détenus et préparés et servis d e manière correcte et digne . Le SPT souhaite recevoir pour chaque établissement pénitentiaire des données sur le montant annuel affecté à l’ alimentation dans le budget de la Direction générale des établissements pénitentiaires. Il souhaite également des précisions sur les mesures prises pour assurer une gestion transparen t e et efficace du budget .

6.Personnel pénitentiaire

194.Le SPT a constaté que le personnel pénitentiaire était en nombre insuffisant dans les deux prisons qu’il a visitées. À la prison régionale de Pedro Juan Caballero, des équipes de 8 agents se relaient pour assurer la garde des 190 détenus adultes de l’établissement. À la prison nationale de Tacumbú, les agents tournent par équipe de 30 alors que les détenus sont plus de 3 000. Au moment de la visite, 24 étaient en poste, les 6 autres étant en congé maladie ou en vacances. Ces chiffres ne correspondent pas aux chiffres officiels, selon lesquels à la prison de Tacumbú chaque équipe de garde compterait 50 agents. D’après les autorités compétentes, cet écart s’expliquerait par le fait que dans la pratique une partie du personnel pénitentiaire est affectée à d’autres fonctions au sein de l’appareil de l’État.

195.D’après les informations que le SPT a recueillies auprès des autorités et du personnel pénitentiaire interrogé, la formation théorique et pratique des agents pénitentiaires est généralement insuffisante. Le SPT a été informé de l ’ existence d ’ un projet de formation de 50 agents pénitentiaires dans le domaine des droits de l ’ homme en partenariat avec le Comité international de la Croix-Rouge, et encourage l ’ État partie à étendre ce type de projets à tous les agents en activité.

196. Le SPT recommande d ’ augmenter le nombre d ’ agents pénitentiaires afin de garantir la sécurité des établissements pénitentiaires en général ainsi que la sécurité des agents eux-mêmes et celle des détenus face à d ’ éventuels actes de violence d ’ autres détenus. Il recommande également que, conformément aux normes minimales adoptées à l ’ échelon international, le personnel pénitentiaire reçoive une rémunération suffisante et suive une formation générale et spéciale et qu ’ il satisfasse à des épreuves d ’ ordre théorique et pratique permettant de déterminer s ’ il est apte à fournir ce genre de service .

197. Le SPT recommande à l ’ État d ’ envisager la possibilité d ’ instituer un programme de formation avancé, qui permettrait de disposer d ’ un personnel pénitentiaire mieux préparé et professionnel.

7.Discipline et sanctions

198.Outre les sanctions prévues pour les actes constitutifs d’infractions qualifiées dans le Code pénal, les personnes privées de liberté peuvent faire l’objet des sanctions définies par la loi pénitentiaire no 210/1970, qui peuvent être: a) l’admonestation; b) la privation totale ou partielle d’avantages; c) la détention en cellule ordinaire avec réduction de certains avantages supplémentaires; d) la détention en cellule d’isolement pour une durée pouvant aller jusqu’à trente jours; e) le placement dans des groupes soumis à un régime plus rigoureux; f) le transfert vers un établissement d’une autre catégorie. Le SPT note que si la loi pénitentiaire définit les sanctions à appliquer, elle ne précise pas les actes qui constituent une infraction disciplinaire, ce qui peut conduire à une application arbitraire des sanctions.

199.Lors d’un entretien avec le directeur de la prison nationale de Tacumbú, le SPT a appris qu’il existait un règlement sur les sanctions, qu’il n’a cependant pas pu consulter car le responsable administratif était absent. D’après le directeur de la prison, la sanction la plus fréquemment appliquée est la mise à l’isolement, mesure qui peut être exécutée dans la cellule du «Poste no 6» − en cas de fautes mineures − ou dans le quartier d’isolement − en cas de fautes graves. La durée maximale fixée par le règlement est de vingt-huit jours pour les infractions les plus graves telles qu’homicide, lésions corporelles ou affrontements avec le personnel pénitentiaire. Comme l’exige la loi pénitentiaire un registre des détenus placés à l’isolement, coté et signé, avec mention de l’infraction commise, est tenu à jour.

200.Le SPT souhaite une copie du règlement sur les sanctions ainsi que des précisions concernant la procédure qui régit l ’ application des sanctions et l ’ autorité compétente pour les prononcer. Sans préjudice de ce qui précède, le SPT recommande que tous les établissements pénitentiaires soient dotés d ’ un règlement disciplinaire qui fixe: a) les conduites qui constituent une infraction disciplinaire; b) le typ e et la durée des sanctions disciplinaires qui peuvent être appliquées; c) l ’ autorité compétente pour prononcer ces sanctions. Les mesures disciplinaires appliquées, quelles qu ’ elles soient, devront être conformes à ce règlement, dont tous les détenus devront posséder une copie. Le SPT recommande de reconnaître aux personnes privées de liberté le droit d ’ être entendues avant que des mesures disciplinaires soient prises à leur égard et d ’ intenter un recours contre ces mesures devant l ’ autorité supérieure.

8.Travail et activités culturelles et éducatives

201.Le SPT a constaté que d’une manière générale les possibilités de travail et les activités culturelles et éducatives étaient rares ou inexistantes dans les deux établissements pénitentiaires qu’il a visités.

202.À la prison régionale de Pedro Juan Caballero, le SPT a noté que les six prisonnières partageaient un espace très restreint composé d’un coin pour dormir, d’une salle d’eau et d’une cuisine. Il y avait également une pièce contiguë semi-ouverte, séparée de l’espace principal par une cloison grillagée, ouverte aux détenues qui pouvaient y accéder entre 6 heures et 18 heures. La pièce était fermée le reste du temps par mesure de sécurité depuis qu’une détenue s’était échappée. Les détenues ne pouvaient prendre l’air dans la cour que deux heures par semaine et étaient le reste du temps enfermées dans l’espace décrit ci-dessus. D’après les témoignages recueillis, cet espace avait auparavant été occupé par 22 détenues.

203.En ce qui concerne les mineurs détenus dans ce même établissement, le SPT a constaté qu’ils avaient deux heures et demie de cours par jour, qu’ils prenaient l’air tous les jours et qu’ils pouvaient faire du sport une fois par semaine.

204.À la prison nationale de Tacumbú, les postes de travail disponibles − une centaine pour plus de 3 000 détenus − sont attribués aux détenus qui sont prêts à payer, comme il est indiqué au paragraphe 162. Pour ce qui est des activités éducatives, le directeur de la prison de Tacumbú a informé le SPT que 500 détenus avaient commencé à suivre des cours à l’école de la prison huit jours auparavant et qu’il était prévu d’étendre la participation à 1 500 détenus.

205. Le SPT recommande aux autorités paraguayennes de veiller à ce que tous les détenus, hommes et femmes, disposent d ’ au moins une heure par jour d ’ exercice physique approprié en plein air, conformément aux normes minimales internationales . Il recommande également d ’ offrir à tous les détenus, hommes et femmes, qui le souhaitent la possibilité de travailler et l ’ accès à des activités éducatives et culturelles, et de mettre à leur disposition une bibliothèque suffisamment pourvue de livres instructifs et récréatifs .

9.Contact avec le monde extérieur

206.Les personnes privées de liberté ont le droit de recevoir des visites et de correspondre avec leur famille et leurs amis, ainsi que de communiquer avec le monde extérieur. Le contact avec le monde extérieur facilitera leur réadaptation une fois la liberté retrouvée. En outre, la communication avec des personnes extérieures à la prison peut être une garantie contre les actes de torture ou les mauvais traitements.

207.D’une manière générale, le SPT a reçu de la part des personnes interrogées peu de plaintes concernant le régime de visites. L’un des griefs les plus fréquents avait trait au manque d’intimité pour les visites des membres de la famille. Un autre sujet de plainte était l’absence de visites dont souffraient les détenus dont la famille vivait loin ou à l’étranger.

208.À la prison régionale de Pedro Juan Caballero, il n’y avait qu’un téléphone public et il était hors service. Certains détenus ont indiqué qu’il n’avait pas été réparé en dépit de leurs nombreuses réclamations. Le SPT recommande aux autorités pénitentiaires de faire en sorte que chaque établissement dispose d ’ au moins deux téléphones en état de marche utilisables par les détenus.

209.Dans les deux prisons qu’il a visitées, le SPT a constaté que certains détenus avaient un poste de télévision ou de radio pour leur usage personnel. Ces appareils n’étaient cependant pas fournis par l’administration et tous les détenus n’y avaient donc pas accès.

210.À la prison nationale de Tacumbú, le SPT a appris que les détenus s’entretenaient avec leur avocat en privé, dans des bureaux réservés à cet effet.

10.Allégations de torture et de mauvais traitements

211.Le SPT a entendu de la part des détenus interrogés dans les deux établissements pénitentiaires visités de nombreuses allégations concordantes faisant état de mauvais traitements et d’actes de torture commis par des agents pénitentiaires. Il ressort de toutes les informations recueillies que des mauvais traitements sont couramment infligés aux détenus par le personnel pénitentiaire, y compris pendant leur sommeil, pour les intimider, les punir ou parfois sans raison apparente. Seuls les femmes et les mineurs détenus à la prison régionale de Pedro Juan Caballero que le SPT a interrogés ont dit être généralement bien traités par le personnel pénitentiaire, à l’exception d’un surveillant du quartier des mineurs, qui frappait de temps en temps les mineurs, à mains nues ou à coups de matraque, pour les punir, et d’une surveillante du quartier des femmes qui insultait les détenues et les menaçait constamment avec sa matraque pour les intimider, sans toutefois avoir à ce jour mis ses menaces à exécution.

212.À la prison nationale de Tacumbú, le SPT a recueilli de nombreux témoignages concordants indiquant que le personnel pénitentiaire frappait les détenus, à coups de matraque ou à coups de poing. Le «teju ruguai», sorte de fouet en cuir, serait couramment utilisé pour faire régner la discipline. D’après un témoignage, lorsqu’un homicide ou un autre acte grave a été commis par un détenu, l’une des techniques utilisées pour découvrir le coupable consiste à ordonner aux détenus de s’allonger, nus, face contre terre, après quoi les surveillants leur passent dessus en courant, bottes au pied, jusqu’à ce que le coupable se dénonce ou soit dénoncé. Un détenu interrogé dans le quartier d’isolement de la prison de Tacumbú a raconté qu’un gardien lui avait entaillé la bouche en y enfonçant le canon d’un fusil parce qu’il avait tenté de s’évader. Un autre a rapporté qu’en guise de punition pour avoir uriné contre un mur, il avait été obligé de faire le poirier et avait reçu des coups de matraque sur la plante des pieds et les mollets.

213.À la prison régionale de Pedro Juan Caballero, le SPT a reçu de nombreuses plaintes concordantes faisant état de passages à tabac infligés couramment par les surveillants. Les détenus ont désigné en particulier un surveillant, qui avait été transféré d’un autre établissement pénitentiaire en raison de son implication passée dans des actes de torture, comme étant le plus porté à infliger des mauvais traitements.

214.Le SPT a également reçu des témoignages indiquant qu’il y avait des viols entre les détenus à la prison nationale de Tacumbú, parfois au vu et au su des surveillants ou avec leur consentement. L’un des détenus interrogés a dit qu’il avait été violé à trois reprises, une fois par un groupe de détenus après avoir été forcé de déambuler vêtu d’une jupe courte. Le SPT a recueilli plusieurs témoignages concordants indiquant que les travestis détenus à Tacumbú étaient souvent obligés de jouer des scènes sexuelles dans la cour, devant les autres détenus et les surveillants, qui payaient pour regarder. Un travesti serait mort en 2008 après qu’un surveillant lui avait enfoncé une matraque dans l’anus. Le SPT rappelle à l’État partie qu’il est tenu de garantir la sécurité des personnes privées de liberté qui sont sous sa garde. Le SPT condamne énergiquement les faits de violence sexuelle décrits , qui constituent une forme de torture.

215. Le SPT encourage l ’ État partie à poursuivre et à renforcer les mesures de prévention de la torture et autres mauvais traitements dans le cadre d ’ une politique publique plus large. Ce processus devrait s ’ accompagner de vastes campagnes de sensibilisation à la prévention de la torture et des mauvais traitements et de la diffusion d ’ une information sur la marche à suivre et l ’ autorité à laquelle s ’ adresser pour dénoncer de tels actes. Le SPT recommande également que l ’ État partie s ’ engage à donner au personnel pénitentiaire une formation dans le domaine des droits de l ’ homme.

216. Le SPT demande à l ’ État partie d ’ ouvrir immédiatement une enquête impartiale sur toute allégation de torture et de mauvais traitements, y compris de violence sexuelle, conformément aux articles 12 et 13 de la Convention contre la torture. Lorsque les faits allégués mettent en cause des agents pénitentiaires, ceux-ci devront être suspendus pendant toute la durée de la procédure et être démis de leurs fonctions s ’ ils sont reconnus coupables.

11.Le dépôt de plaintes ou l’introduction de recours en tant que mesure de protection contre la torture et les mauvais traitements

217.Les entretiens ont montré que dans l’ensemble les détenus ignoraient totalement qu’il était possible d’introduire un recours ou de déposer plainte en cas de torture ou de mauvais traitements. Ils étaient généralement résignés et craignaient de faire l’objet de représailles s’ils dénonçaient les mauvais traitements car pour arriver jusqu’au directeur de l’établissement, il fallait en général passer par les surveillants, qui étaient précisément les personnes contre qui des plaintes pouvaient être déposées. Étant donné que les contacts entre les détenus et leur défenseur n’étaient ni réguliers ni aisés et qu’il n’y avait pas de mécanismes de surveillance extérieurs, il était difficile de dénoncer les mauvais traitements.

218.Le SPT considère que le droit des personnes privées de liberté et de leur avocat de présenter des requêtes ou d’introduire des recours auprès des autorités chargées de l’administration du lieu de détention et des autorités supérieures et, le cas échéant, auprès des autorités compétentes exerçant des fonctions de contrôle ou de répression face au traitement dont les détenus font l’objet, est une mesure de protection élémentaire contre la torture et les mauvais traitements. Le SPT recommande à l’État partie de mettre en place un système de dépôt de plaintes efficace, confidentiel et indépendant, dans toutes les prisons du pays. Chaque établissement pénitentiaire devra tenir un registre des plaintes contenant des informations sur l’identité du plaignant, la nature de la plainte, la manière dont elle a été traitée et son résultat.

C.Hôpital neuropsychiatrique

219.L’objectif de la visite du SPT à l’hôpital neuropsychiatrique d’Asunción était d’évaluer les conditions matérielles de l’établissement. Le SPT a rencontré le directeur de l’hôpital, qui s’est montré tout à fait coopératif et prompt à répondre à ses demandes de renseignements. L’hôpital est divisé en deux sections (l’une réservée aux hommes, l’autre aux femmes), délimitées par une clôture. L’accès à la section des femmes est interdit aux patients de sexe masculin, une règle que le personnel de l’hôpital se charge de faire respecter. Dans les deux sections, les patients ont accès à des jardins qui sont assez bien entretenus. En 2008, les abords de l’hôpital n’étaient pas surveillés et des personnes extérieures à l’établissement ont réussi à entrer et ont abusé de patientes. Des policiers surveillent désormais le périmètre pour empêcher l’entrée de personnes non autorisées. La possibilité de faire appel à des sociétés de gardiennage privées pour sécuriser le périmètre et d’installer des alarmes est à l’étude.

220.En 2007 et en 2008, plusieurs cas de violence sexuelle entre patients se sont produits, ainsi que des incidents liés à l’usage excessif de la force par des membres du personnel. D’après les renseignements donnés au SPT, ces affaires ont été soumises au bureau du Défenseur du peuple et à une organisation non gouvernementale. Depuis 2008, aucun autre cas de violence sexuelle à l’égard de patients n’a été enregistré.

221.Le SPT a visité tous les services de l’hôpital, qui accueillaient entre 10 et 12 patients; les dortoirs étaient simples mais raisonnablement propres, aérés et éclairés par la lumière du jour. Chaque patient avait un lit et un matelas. La répartition des patients entre les différents services obéissait à des critères médicaux objectifs. Les sanitaires étaient propres et fonctionnaient. Seuls les patients présentant des troubles particulièrement graves étaient séparés des autres et placés dans des sections spéciales. Les patients violents pouvaient être placés en cellule d’isolement pour des périodes allant de quelques heures à plusieurs jours, et continuaient de recevoir des soins. Les cellules d’isolement comportaient un matelas pour tout mobilier, ainsi qu’une douche et des toilettes. Elles étaient suffisamment aérées mais la lumière naturelle était faible. Une infirmière était à disposition vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

222.L’atmosphère dans les différents services était détendue. Au moment de la visite, des moyens de contention n’étaient appliqués à aucun patient. Les soins étaient gratuits et des programmes permettaient de suivre les patients après leur sortie. Certains patients, hospitalisés depuis longtemps et sans famille, vivaient en groupes de 10 individus. Ils suivaient des cours de cuisine et apprenaient à assumer certaines tâches élémentaires de la vie courante. Au bout d’un certain temps, on leur proposait de vivre en communauté, tout en restant sous surveillance médicale.

223.Le SPT a noté que certains services proposaient des ateliers de peinture et de dessin mais le principal problème dans l’établissement semblait être le manque d’activités. Entre 10 et 15 % seulement des patients participaient à des thérapies récréatives. Le SPT a constaté que la grande majorité des patients n’avaient guère d’intimité et qu’ils n’avaient aucun endroit où ranger leurs effets personnels. Le SPT avait reçu des informations préoccupantes concernant la situation dans cet établissement. Sa visite lui a permis de constater que les conditions s’étaient notablement améliorées ces derniers temps.

224. Le SPT recommande que davantage de possibilités de participer à des activités de réadaptation soient proposées aux patients. Il recommande également que tous les patients aient des casiers pour pouvoir ranger leurs effets personnels.

D.Répercussions de la visite

225.Le SPT s’inquiète du risque de représailles auquel sont exposés les détenus qu’il a interrogés. Certains détenus lui ont fait part de leur peur de parler en raison des conséquences potentielles.

226.Le SPT rappelle que toute forme d’intimidation ou de représailles contre les personnes privées de liberté constitue une violation de l’obligation de coopération qui incombe à l’État partie en vertu du Protocole facultatif. Conformément à l’article 15 du Protocole facultatif, le SPT demande aux autorités paraguayennes de faire en sorte qu’aucunes représailles ne soient exercées à la suite de sa visite. Il demande à l’État partie de lui donner des informations détaillées sur les mesures prises pour empêcher que les détenus qui ont donné des renseignements à la délégation soient victimes de représailles.

E.Informations additionnelles fournies par l’État partie

227.Dans une note datée du 19 juin 2009, la Mission permanente du Paraguay auprès de l’Office des Nations Unies à Genève a transmis au SPT des informations du Ministère de la justice et du travail décrivant les mesures prises par celui-ci entre la visite du SPT et l’adoption du présent rapport.

228.En application de sa décision no 218/09 du 23 mars 2009, le Ministre de la justice et du travail a créé une commission spéciale chargée de donner suite aux observations préliminaires du SPT, composée de six hauts fonctionnaires du Ministère; elle a pour mission de vérifier sur place les observations formulées par le SPT et de soumettre au Ministre de la justice et du travail un rapport sur ses conclusions, assorties de propositions de mesures.

229.La Commission spéciale s’est rendue dans les deux prisons visitées par le SPT. Elle a axé ses visites sur trois thèmes principaux: la corruption, les conditions matérielles et les droits de l’homme.

230.En ce qui concerne la prison nationale de Tacumbú, le rapport de la Commission spéciale confirme les observations préliminaires du SPT au sujet de la corruption. La Commission spéciale recommande en conséquence l’élaboration d’une politique de réorganisation de l’ensemble du système de l’administration pénitentiaire, qui définisse les fonctions et le profil des agents pénitentiaires, établisse une procédure de sélection et de promotion du personnel pénitentiaire, et interdise l’introduction d’argent dans l’enceinte de l’établissement. La Commission spéciale recommande également d’améliorer l’accès aux soins de santé et aux médicaments, les conditions matérielles minimales et l’alimentation.

231.En ce qui concerne les conditions matérielles dans la prison nationale de Tacumbú, la Commission spéciale a relevé notamment le grave problème de surpopulation ainsi que les défaillances des installations sanitaires, du système électrique et des dispositifs d’urgence en cas d’incendie. La Commission spéciale a recommandé un ensemble de mesures pour améliorer les conditions matérielles et la protection contre l’incendie.

232.En ce qui concerne les droits fondamentaux des détenus de la prison nationale de Tacumbú, la Commission spéciale a formulé des recommandations concernant la santé, l’alimentation, les normes minimales pour la détention, la pratique de la torture et des mauvais traitements et la discrimination. Elle a notamment recommandé les mesures suivantes:

a)Visites obligatoires des médecins de l’établissement dans les quartiers pénitentiaires et augmentation de leur temps de travail, qui passerait à trente-deux heures par mois;

b)Externalisation du service de restauration et achat de couverts, de tables et de chaises;

c)Achat d’urgence de 500 matelas pour les quartiers D, «cuadrilátero» et «mixta»;

d)Mise en place de mécanismes internes d’enregistrement des plaintes pour torture et mauvais traitements.

233.Au sujet de la prison régionale de Pedro Juan Caballero, la Commission spéciale a d’une manière générale recommandé les mêmes mesures que pour la prison nationale de Tacumbú. En ce qui concerne les femmes et les mineurs détenus à la prison de Pedro Juan Caballero, la Commission spéciale a recommandé la mise en œuvre de programmes éducatifs et récréatifs et la séparation des différentes catégories de détenus, ainsi que la modification du régime de détention de façon à permettre aux femmes et aux mineurs de prendre l’air sans limitation de durée, en attendant leur transfert dans la nouvelle prison.

234.Enfin, à l’occasion d’une réunion tenue le 16 juin 2009 entre le Ministre de la justice et du travail et le chef de la délégation du SPT qui s’est rendue au Paraguay, l’État a fait savoir que l’inauguration de la nouvelle prison de Pedro Juan Caballero et la fermeture de l’établissement actuel auraient lieu dans les soixante jours. Le Ministre a également confirmé la fermeture définitive du quartier d’isolement appelé «Alcatraz» de la prison nationale de Tacumbú et a évoqué différentes possibilités concernant la manière de donner suite aux recommandations du SPT. L’État partie a réaffirmé sa volonté de coopérer avec le SPT.

235. Le SPT accueille avec une profonde satisfaction l’annonce par l’État partie de l’inauguration prochaine de la nouvelle prison de Pedro Juan Caballero et de la fermeture de la prison actuelle.

236. Le SPT salue également la création par le Ministère de la justice et du travail de la Commission spéciale chargée de vérifier sur place les observations préliminaires formulées par le SPT dans les domaines relevant de sa compétence et de formuler à son tour des recommandations en vue d’assurer leur mise en œuvre. Le SPT invite l’État partie à élargir le mandat de la Commission spéciale afin qu’elle prenne également en considération les recommandations formulées dans le présent rapport.

237.Dans une note du 14 août 2009, la Mission permanente du Paraguay auprès de l’Office des Nations Unies à Genève a informé le SPT que le Ministère de la justice et du travail avait adopté le 9 juillet 2009 une décision qui portait le temps de travail du personnel médical affecté aux établissements pénitentiaires à une durée maximale de quarante heures par semaine et instaurait l’obligation d’établir des rapports mensuels sur les soins dispensés. L’État partie a également donné des renseignements sur la formation aux premiers soins et aux notions de base de psychologie qui a été dispensée à plusieurs détenus de la prison nationale de Tacumbú. Enfin, il a indiqué qu’un recensement général des détenus, assorti d’un calendrier d’activités, allait être lancé le 17 août 2009.

V.Récapitulatif des recommandations et demandes d’information

A.Recommandations

Cadre juridique

238. Eu égard à l’actuelle qualification de la torture énoncée dans le Code pénal du Paraguay , le SPT recommande à l’État partie de prendre dans les meilleurs délais les mesures législatives nécessaires pour mettre sa législation en conformité avec les dispositions des instruments internationaux relati ve s à la torture, en particulier avec l’article premier de la Convention contre la torture.

239. Le SPT recommande de remédier à l’absence d’incrimination de la torture dans le Code pénal militaire en introduisant une définition de la torture conforme à celle de l’article premier de la Convention contre la torture, assortie de peines à la mesure de la gravité de l’infraction.

Cadre institutionnel

240. Le SPT recommande à l’État partie d’apporter aux commissions interinstitutions de visite des lieux de privation de liberté l’appui financier et logistique nécessaire pour leur permettre de se rendre régulièrement dans les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté. Le SPT recommande également que les fonctions exercées par ces commissions ainsi que l’expérience et les connaissances acquises par celles-ci soient prises en considération par le mécanisme national de prévention lorsque celui-ci aura été créé.

241. En ce qui concerne le Défenseur du peuple, le SPT recommande que celui-ci:

a) E ffectue des visites régulières et élabore des techniques permettant de réaliser des inspections approfondies, en s’attachant à rencontrer personnellement les détenus et à inspecter directement les lieux de détention pour vérifier les conditions dans lesquelles les personnes privées de liberté vivent et la manière dont elles sont traitées;

b) T raite avec diligence et efficacité les plaintes pour violations des droits de l’homme qui lui sont adressées;

c) T ienne à jour une base de données où sont systématiquement consignés l’objet des plaintes reçues, les résultats des enquêtes menées et les recommandations formulées;

d) Signale au ministère public , comme son mandat l’y oblige, les violations des droits de l’homme qu’il constate .

242. En ce qui concerne la Police nationale, le SPT recommande que la Direction générale de l’ordre public et de la sécurité ou tout autre service compétent , existant ou à créer, examine régulièrement les conditions de détention des personnes privées de liberté dans les postes de police et présente à l’issue de ces inspections des rapports assortis de recommandations afin d’améliorer con stamment les conditions de détention. Elle devrait également vérifier que ses recommandations sont dûment mises en œuvre.

243. Pour ce qui est du pouvoir judiciaire, le SPT recommande que soient allouées à l’Unité d’inspection pénitentiaire les ressources humaines et financières nécessaires pour lui permettre d’exercer les fonctions qui lui sont conférées par l’ordonnance n o 30, en particulier en ce qui concerne l’inspection des centres de détention et des établissements pénitentiaires et la collecte de données statistiques. Au sujet des inspections, le SPT recommande, pour accroître leur efficacité , qu’elles ne soient pas annoncées à l’avance et que l’accent soit mis sur le contact direct avec les personnes privées de liberté, qui ne devront pas avoir été sélectionnées préalablement par le personnel pénitentiaire, et que des recommandations soient formulées à l’issue des visites.

244. Le SPT recommande:

a) Q ue les mesures nécessaires soient prises pour revoir la législation concernant les recours en habeas corpus et en amparo et que les problèmes que leur application pose dans la pratique soient examinés, afin qu’ ils répondent efficacement aux besoins d es personnes privées de liberté;

b) Q ue soit vérifié sans délai le stade d’avancement des causes pour tous les détenus qui affirment avoir exécuté leur peine afin que ceux dont c’est bien le cas soient immédiatement libérés;

c) Q ue le système informatique sur l’état d’avancement des affaires redevienne opérationnel dans tous les établissements pénitentiaires du pays et que les détenus puissent le consulter régulièrement;

d) Q ue soient étudiés les moyens de simplifier la législation et la procédure judiciaire de façon que les modalités de l’exécution de la peine soient décidées exclusivement en fonction du comportement du détenu, ce qui contribuerait non seulement à faire baisser la surpopulation carcérale mais aussi à assurer la sécurité juridique et à réduire les risques d’arbitraire et de corruption.

245. Le SPT recommande l’allocation au pouvoir judiciaire de ressources supplémentaires , devant être affectées aux juridictions pénales pour que celles-ci puissent rendre efficacement la justice .

246. Le SPT recommande également qu’il soit procédé à un recensement de la population carcérale nationale pour déterminer combien de détenus sont en attente de jugement depuis plus de trois ans, en violation de la durée maximale prévue par la loi.

Mécanisme national de prévention

247. Le SPT recommande à l’ É tat partie de veiller à ce que le pouvoir législatif accorde une attention prioritaire à l’avancement du projet de création du mécanisme national de prévention afin que le texte actuel, ou un projet similaire satisfaisant aux critères énoncés dans le Protocole facultatif, puisse être adopté le plus rapidement possible.

248. Le SPT, comme le Rapporteur spécial sur la question de la torture avant lui, recommande également à l’ É tat partie de désigner sans attendre un mécanisme national indépendant doté des ressources nécessaires pour exercer une surveillance efficace et continue d es conditions de détention.

Situation des personnes privées de liberté

249. Le SPT recommande que la Police nationale respecte scrupuleusement les délais légaux impartis pour la notification de la détention au ministère public et au juge compétent et le placement de l’intéressé sous autorité judiciaire, décisions qui doivent être consignées par écrit.

250. Le SPT recommande que les mesures voulues soient prises pour réviser la loi de procédure pénale afin de supprimer les situations de vulnérabilité extrême durant les premières heures de la détention.

251. En ce qui concerne la tenue des registres dans les postes de police, le SPT recommande:

a) D’établir un système obligatoire de registres de détention, distinct du registre des gardes, dans lequel sont notés dans un cahier relié et numéroté les motifs de la privation de liberté, l’heure exacte du placement en détention et sa durée, l’autorité qui a ordonné la détention et l’identité des fonctionnaires chargés de faire appliquer la décision, ainsi que des renseignements précis sur le lieu de détention et l’heure de la première comparution devant le juge ou toute autre autorité;

b) D’indiquer dans les registres si la personne placée en détention a fait l’objet d’un examen médical et, le cas échéant, l’identité du médecin et les résultats de l’ examen;

c) De consigner dans les registres les plaintes déposées, les visites des proches , des avocats ou des organes de supervision, et les effets personnels des personnes détenues;

d) De former le personne l de police à la tenue corre cte et cohérente des registres;

e) De faire vérifier scrupuleusement le système de registres par des supérieurs hiérarchiques afin de garantir que toutes les informations utiles concernant la privation de liberté s oient systématiquement transcrites.

252. Le SPT recommande à l’État partie de produire des affiches, des brochures et d’autres matériels d’information dans les deux langues officielles du pays, afin de fournir clairement et simplement des renseignements sur les droits des personnes privées de liberté. Les affiches devraient être placées d’une façon bien visible dans tous les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté. Le SPT recommande aussi d’enseigner au personnel de police à informer systématiquement de leurs droits les personnes privées de liberté dans une langue qu’elles comprennent et à les aider à exercer leurs droits dès le début de l a détention. Les informations en question devraient être recueillies dans un formulaire qui devrait être remis à tout détenu et signé par lui. Le détenu devrait en conserver un exemplaire.

253. Le SPT exhorte l’État partie à faire en sorte que les garanties procédurales soient respectées afin que les personnes gardées à vue par la police ne fassent l’objet d’aucune sorte de coercition pour les obliger à avouer un délit ou pour obtenir illégalement des preuves. L’État partie doit veiller en particulier à ce qu e personne ne soit soumis, pendant son interrogatoire, à des actes de violence, des menaces ou des méthodes d’interrogatoire de nature à compromettre sa capacité de décision ou son discernement.

254. Le SPT rappelle que t oute déclaration signée par une personne en détention doit être rédigée dans une langue qu’elle connaît et comprend.

255. Afin de prévenir les abus, le SPT recommande à l’État partie de garantir l’application effective de l’article 90 du Code de procédure pénale de façon que les premières déclarations prises par la police − en violation de l’article susmentionné  − pendant la garde à vue ne soient pas prises en co nsidération par les juges pour ordonner des mesures de sûreté ou même inculper ou condamner un suspect. Conformément à l’article 15 de la Convention contre la torture, l’État doit veiller à ce que toute déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture ne puisse être invoquée comme un élément de preuve dans une procédure, si ce n’est contre la personne accusée de torture.

256. En ce qui concerne la défense publique, le SPT recommande à l’État partie d’accroître les ressources humaines et financières du bureau de la défense publique, dans le cadre de l’indépendance et de l’autonomie de fonctionnement . Il recommande aussi qu’une fois son indépendance et son autonomie garanties, le bureau de la défense publique conclu e des accords avec des universités, l’ordre des avocats et d’autres organisations de la société civile, dans tout le pays, afin de renforcer sa capacité d’action.

257. Le SPT rappelle qu ’ il faut respecter le droit des personnes privées de liberté d ’ être examinées par un médecin et recommande à l ’ État partie de consacrer ce droit par une loi .

258. Le SPT recommande aux autorités de faire en sorte que toute personne détenue par la police fasse systématiquement l ’ objet d ’ un examen médical, le plus tôt possible après son arrivée dans les locaux de la police, et qu ’ un médecin atteste son état de santé dans le registre prévu à cet effet. Cet examen médical doit être gratuit.

259. Le SPT recommande aussi que les examens médicaux se déroulent dans le respect du principe de la confidentialité médicale: personne ne doit être présent lors de l ’ examen, à l ’ exception du personnel médical. Dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque le médecin considère qu ’ une personne détenue pour des raisons médicales ou psychiatriques constitue un danger pour le personnel médical, des mesures spéciales de sécurité peuvent être envisagées, telles que la présence d ’ un fonctionnaire de police dans un périmètre proche. En pareil cas, le médecin doit justifier par écrit sa décision et indiquer l ’ identité du fonctionnaire de police présent. Excepté ces cas, les policiers doivent se tenir hors de portée de vue et d ’ ouïe de la personne examinée.

260. Le SPT recommande aussi que l ’ examen médical porte sur les éléments ci-après et qu ’ il en soit fait état par écrit: a) les antécédents médicaux du détenu; b) l ’ existence de douleurs et de symptômes, la description par l ’ intéressé de la façon dont il a été éventuellement blessé, et l ’ identité de la personne présumée responsable; c) le résultat de l ’ examen médical, en particulier la description des éventuelles blessures et une note indiquant si tout le corps a été examiné; d) les conclusions du médecin s ’ agissant de la cohérence des trois éléments d ’ information susmentionnés. Lorsque le médecin a des raisons de penser que des actes de torture et des mauvais traitements ont été pratiqués, il doit l ’ indiquer dans le registre selon les modalités exposées dans le paragraphe suivant.

261.Le SPT recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour établir un registre national des allégations de torture et de mauvais traitements, dans lequel devraient figurer au minimum les renseignements suivants: a) l ’ identité de la victime présumée (prénom et nom ou numéro de la pièce d ’ identité ou les deux ); b) l ’ âge et le sexe de la victime présumée; c) l ’endroit où les faits dénoncés ont eu lieu; d) l ’ identité des responsables présumés, y compris l ’ organe d ’ État dont ils relèvent; e) les méthodes de torture ou de mauvais traitements utilisées; f) les circonstances entourant les actes de torture et les mauvais traitements; g) les conclusions du médecin qui a examiné la victime présumée; h) le résultat de l ’ examen médical réalisé conformément au Protocole d ’ Istanbul; i) des informations relatives aux enquêtes réalisées, avec leurs résultats , les condamnations prononcées et les mesures d e réparation en faveur des victimes. D ’ autres entités telles que le ministère public et les commissions chargées d ’ effectuer des visites devraient aussi consigner dans le registre les cas p ossibles de torture et de mauvais traitements dont ils ont connaissance. La victime présumée devrait donner son accord pour les renseignements mentionnés aux alinéas a et b.

262. Le SPT recommande à l ’ État partie d ’ établir un système d ’ examens indépendants, sous la responsabilité de médecins légistes et de psychologues qualifiés, afin de procéder à des examens complets lorsque le médecin qui a réalisé la première consultation a des raisons de penser que la personne détenue a été soumise à la torture et à des mauvais traitements.

263. Le SPT recommande que le personnel affecté aux locaux de la police informe systématiquement toute personne privée de liberté de son droit de présenter une requête ou une plainte au sujet de la façon dont elle est traitée. Toute requête ou plainte doit être examinée sans délai et il doit y être donné suite sans retard injustifié. La personne détenue ne doit pas subir de préjudice pour avoir présenté une telle requête ou plainte.

264. Le SPT recommande aussi aux autorités paraguayennes de veiller à ce que le droit de dénoncer les actes de torture et de mauvais traitements et de présenter une plainte puisse être effectivement exercé et que le principe de confidentialité soit dûment respecté. Le personnel de police ne doit pas intervenir dans la procédure de plainte ni filtrer les plaintes adressées aux autorités compétentes ou en connaître la teneur. Le SPT recommande d ’ élaborer un règlement pour le traitement des plaintes par la police, qui contienne des dispositions relatives à la transmission des plaintes aux autorités compétentes et à l ’ obligation de fournir le matériel nécessaire pour rédiger une plainte.

265. Le SPT recommande en conséquence qu ’ il soit procédé à une revalorisation des salaires afin que les policiers perçoivent un salaire approprié . Les autorités devraient fournir aux policiers l ’ équipement dont ils ont besoin pour exercer leurs fonctions.

266. Le SPT recommande que le personnel de police et les fonctionnaires affectés aux postes de police et autres lieux de détention de la police reçoivent une formation appropriée concernant la garde des personnes privées de liberté, y compris les droits de l ’ homme, et l ’ utilisation correcte des registres.

267. L e SPT recommande aux autorités paraguayennes de mettre en place un système de contrôle et de surveillance efficace des activités de la police par des supérieurs hiérarchiques.

268. Les mécanismes de contrôle interne de la police ainsi que les autorités judiciaires et les autorités de poursuites compétentes doivent procéder à des enquêtes approfondies pour déterminer la responsabilité des policiers qui comme t tent des actes de torture ou infligent des mauvais traitements à des détenus, ainsi que d es supérieurs hiérarchiques qui sont les instigateurs de tels actes, les encouragent ou y consentent expressément ou tacitement.

269. Le SPT recommande d e procéder sans délai à un audit des postes de police dans lesquels des personnes sont privées de liberté afin de déterminer les éventuelles améliorations à apporter aux lieux de détention dans les établissements existants, avec des ressources financières modestes:

a ) L’ audit susmentionné doit être confié à une équipe pluridisciplinaire composée de représentants des différentes institutions qui ont déjà participé à des visites de prison;

b ) L es conditions matérielles dans les cellules doivent être améliorées immédiatement, en particulier en ce qui concerne la superficie minimale par détenu, le cubage d ’ air, l ’ éclairage et la ventilation;

c ) Les postes de police doivent se voir allouer un budget suffisant pour l ’ alimentation des détenus afin que ceux-ci puissent avoir , au moins deux fois par jour, de s repas d ’ une valeur nutritive suffisante pour se maintenir en bonne santé et avoir de l’énergie ;

d ) Les personnes privées de liberté doivent recevoir au moins deux litres d ’ eau potable par jour, gratuitement et systématiquement;

e ) Il faut garantir que les personnes privées de liberté puissent régulièrement se rendre aux toilettes et se laver, et que les personnes qui doivent passer la nuit en détention pu iss ent dormir sur un lit doté d ’un matelas. Les cellules doivent être régulièrement nettoyées par le personnel d u poste . Les installations sanitaires doivent être propres et fonctionner correctement afin que les détenus puissent satisfaire leurs besoins naturels au moment voulu, d ’ une manière propre et décente.

270. Le SPT recommande de faire en sorte que, dans la mesure du possible, les personnes détenues dans un poste de police plus de vingt-quatre heures aie nt la possibilité de faire de l ’ exercice en dehors de la cellule au moins une heure par jour.

271. Le SPT recommande que le personnel de police, à moins d ’ avoir reçu la formation requise pour effectuer des diagnostics médicaux, autorise immédiatement les personnes privées de liberté qui le demandent à être examinées par un médecin.

272. Le SPT recommande à l ’ État partie de transférer les femmes détenues dans des postes de police dotés de personnel féminin pour s ’ occuper d ’ elles et d ’ infrastructures adaptées à cet effet, de sorte qu ’ elles soient séparées des hommes.

273. Le SPT recommande aussi à l ’ État partie d ’ adopter les mesures nécessaires pour augmenter le personnel féminin dans les postes de police .

274. Le SPT recommande à l ’ État partie de mettre un terme , à titre de mesure d ’ urgence , à la pratique de la détention prolongée dans les locaux de la Police nationale. Il recommande que les personnes placées en détention provisoire soient immédiatement transférées, dans l ’ attente d ’ être jugées, dans des centres pénitentiaires où elles doivent être séparées des condamnés. À cet effet, l ’ État partie devrait prendre les mesures provisoires nécessaires pour héberger les détenus dans des conditions compatibles avec la dignité humaine.

275. L e SPT recommande q ue le personnel de police reçoive périodiquement des instructions claires et catégoriques rappelant l ’ interdiction absolue et impérative de toute forme de torture et de mauvais traitements et que cette interdiction figure dans les règles ou instructions générales édictées en ce qui concerne les obligations et les fonctions du personnel de police .

276. Le SPT recommande que, conform ément aux obligations qui s ’ imposent à l ’ État partie en vertu des articles 12 et 16 de la Convention contre la torture, il soit procédé sans délai à une enquête impartiale chaque fois qu ’ il existe des motifs raisonnables de croire qu e des torture s ou des mauvais traitements ont été commis. L ’ enquête doit être ouverte même en l ’ absence d ’ une plainte en bonne et due forme .

277. D ans tous les commissariats et postes de police du pays une information sur l ’ interdiction de la torture et des mauvais traitements, indiquant la marche à suivre et la personne à qui s ’ adresser pour dénoncer de tels actes, doit être disponible et bien visible pour le public .

278. A fin de réduire l ’ impunité, les fonctionnaires de police, qui pour une raison justifiée ne portent pas l ’ uniforme quand ils réalisent des missions de police, doivent être tenus de s ’ identifier en déclinant leurs nom, prénom et qualité pendant l ’ arrestation et le transfèrement des personnes privées de liberté. En règle générale, les fonctionnaires de police chargés d ’ exécuter la mesure de privation de liberté ou qui ont sous leur garde des personnes privées de liberté doivent être nommément identifiés sur les registres appropriés.

Établissements pénitentiaires

279. Le SPT recommande que les travaux mentionnés au paragraphe 149 soient exécutés à bref délai.

280. Le SPT recommande la fourniture de lits et de matelas convenables pour tous les détenus, y compris les détenus mis à l ’ isolement.

281. Le SPT recommande aux autorités paraguayennes de faire en sorte que les différentes catégories de détenus (mineurs et adultes, prévenus et condamnés, femmes et hommes) soient placées dans des établissements distincts ou dans des quartiers distincts à l ’ intérieur d ’ un même établissement.

282. Le SPT recommande la création d ’ un système uniforme de registre d ’ écrou, relié et coté, indiquant clairement l ’ identité du détenu, les motifs de sa détention et l ’ autorité compétente qui l ’ a décidée, ainsi que le jour et l ’ heure de l ’ admission et de la sortie. Les agents pénitentiaires devront être formés à l ’ utilisation de ces registres afin de ne pas laisser de mentions en blanc.

283. Le SPT recommande la création d ’ un système uniforme de registre des mesures disciplinaires indiquant l ’ identité de l ’ auteur de l ’ infraction, la sanction et sa durée, et le nom de l ’ agent qui l ’ a décidée.

284. En ce qui concerne le problème de la corruption , le SPT recommande ce qui suit:

a) F aire adopter par les plus hautes autorités une politique pénitentiaire ferme et transparente de lutte contre la corruption;

b) D ispenser une formation aux agents pénitentiaires, au personnel d ’ encadrement et aux dirigeants des établissements pénitentiaires et assurer un niveau suffisant de rémunération au personnel pénitentiaire;

c) A dopter des mesures de nature à favoriser l ’ accès de la société civile et des représentants des médias, pour exercer une forme de contrôle public;

d) P rendre immédiatement les mesures suivantes:

i) C ontrôler l ’ attribution des cellules et des lits afin de garantir que chaque détenu dispose d ’ un endroit convenable pour dormir sans avoir à payer;

ii) Interdire au personnel d ’ introduire de l ’ argent dans l ’ établissement et veiller au respect de cette interdiction;

iii) Inscrire dans le dossier de chaque détenu le quartier dans lequel il a été affecté et les raisons de la décision.

285. Le SPT recommande que les autorités pénitentiaires, en plus de renforcer la sécurité et de lutter contre la corruption, mènent une action concertée pour empêcher l ’ introduction de drogues dans la prison, identifier les canaux d ’ approvisionnement et organiser des campagnes pour dissuader les détenus d ’ en consommer. Parallèlement d es programmes de désintoxication personnels et des traitements axés sur la ré insertion familiale devraient également être mis en place.

286. Le SPT recommande d ’ augmenter le nombre de surveillants à la prison nationale de Tacumbú afin que les effectifs soient suffisants pour garantir la sécurité dans l’établissement et le respect de l ’ intégrité de tous les détenus.

287. Le SPT recommande que tous les détenus soient examinés par un médecin au moment de leur admission. L ’ examen devra se faire sur la base d ’ un questionnaire portant sur l ’ état de santé général du détenu, accompagné d ’ une description des actes de violence qui peuvent avoir été subis dans un passé récent. Le médecin devra également procéder à un examen médical complet, y compris de tout le corps du patient. Si celui-ci déclare avoir subi des violences, le médecin devra vérifier si l ’ examen confirme sa relation des faits. Si le médecin a des raisons de soupçonner que le détenu a été victime d ’ actes de torture et de mauvais traitements, il devra en faire mention dans le registre dont l’établissement est recommandé au paragraphe 97.

288. Le SPT recommande que la confidentialité des dossiers médicaux des détenus soit strictement respectée et que l ’ accès aux dossiers soit réservé exclusivement au personnel médical.

289. Le SPT recommande d ’ augmenter les stocks de médicaments afin de pouvoir exécuter les ordonnances médicales . Si des médicaments viennent à manquer, ce sont les médecins qui devront déterminer à quels patients donner la priorité.

290. Le SPT rappelle que le droit des détenus d ’ être examinés par un médecin à tout moment et gratuitement doit être respecté et recommande l ’ adoption de mesures pour donner effet à ce droit. Les détenus devraient pouvoir s ’ adresser aux médecins en toute confidentialité, sans que les surveillants ou d ’ autres détenus les en empêchent ou filtrent leurs demandes.

291. Le SPT recommande de faire appel à une unité mobile de radiologie pour que tous les détenus aient la possibilité de faire une radiographie du poumon, et d ’ assurer un traitement à ceux qui ont la tuberculose. Les détenus qui partagent une cellule avec une personne atteinte de tuberculose devront avoir la possibilité de passer une deuxième radiographie et de faire le test de Mantoux (s ’ ils ne sont pas vaccinés) trois mois plus tard. L ’ opération devra être renouvelée périodiquement pour éviter l ’ apparition de nouveaux cas. En ce qui concerne le VIH/sida, le SPT recommande de donner à tous les prisonniers la possibilité d ’ effectuer le test de dépistage du VIH/sida gratuitement et volontairement. Les tests doivent être confidentiels, s ’ accompagner de conseils et être pratiqués uniquement avec le consentement éclairé des détenus.

292. Le SPT recommande l’ adopt ion d’ une loi pour garantir les droits des handicapés mentaux privés de liberté ou soumis à un traitement contre leur volonté. Il recommande également que les handicapés mentaux privés de liberté soient transférés aussitôt que possible dans des institutions spécialisées dirigées par des médecins.

293. Le SPT recommande que le mobilier et le toit du bâtiment de la prison nationale de Tacumbú qui abrite le quartier des handicapés soient remis en état et que des programmes d ’ activité soient mis en place à l ’ intention des détenus qui sont aptes à y participer et qui le souhaitent .

294. Le SPT souligne que la peine d’isolement ne doit être appliquée que si un médecin certifie, après avoir dûment examiné le détenu, que celui-ci est en état de supporter ce traitement. De plus, le médecin de la prison doit se rendre tous les jours auprès des détenus mis à l ’ isolement, étant entendu que les visites sont dans l’intérêt de leur santé. En outre, les détenus en isolement depuis plus de douze heures doivent prendre l ’ air au moins une heure par jour.

295. Le SPT rappelle que l ’ emprisonnement cellulaire prolongé peut être assimilé à un acte de torture et recommande à l ’ État partie de limiter selon des règles strictes le recours au régime cellulaire en tant que sanction disciplinaire à l ’ égard des personnes privées de liberté. Le régime cellulaire ne devra pas être utilisé à l ’ égard de mineurs ou de handicapés mentaux.

296. Le SPT recommande d ’ accélérer l ’ achèvement de la nouvelle prison et de fermer la prison actuelle à titre de priorité absolue .

297. D ’ une manière générale, le SPT recommande d ’ élaborer et de diffuser un plan d ’ action pénitentiaire afin de faire en sorte que les besoins essentiels de toutes les personnes privées de liberté soient satisfaits. Il faudra en premier lieu faire un bilan des conditions matérielles des établissements pénitentiaires de tout le pays en vue de concevoir et d ’ exécuter des programmes de nettoyage, de rénovation et de réaménagement. Il faudra en particulier:

a) F aire en sorte que chaque détenu dispose d ’ un lit et d ’ un matelas, d ’ une literie suffisante, bien entretenue et changée régulièrement pour être maintenue en bon état de propreté ;

b) V eiller à ce que les cellules et les dortoirs répondent aux conditions minimales concernant la ventilation, le cubage d ’ air, la surface minimale, l ’ éclairage et l ’ accès à la lumière naturelle;

c) Do ter les prisons d ’ installations sanitaires en nombre suffisant et en bon état, de façon à permettre à chacun de faire sa toilette et de laver son linge, et d ’ un système d ’ élimination des déchets.

298. Le SPT engage l ’ État partie à augmenter le nombre de sanitaires disponibles, à réparer d ’ urgence tous les sanitaires qui ne fonctionnent pas et à les réviser régulièrement et à faire un nettoy age général des installations sanitaires de tous les quartiers pénitentiaires.

299. Le SPT recommande à l ’ État partie de prévoir un budget suffisant pour l ’ alimentation des détenus et de veiller à mettre en place les mécanismes de contrôle nécessaires afin que les produits alimentaires achetés soient nutritifs, effectivement distribués à tous les détenus et préparés et servis de manière correcte et digne.

300. Le SPT note l ’ existence d ’ un projet de formation dans le domaine des droits de l ’ homme en partenariat avec le Comité international de la Croix-Rouge, et encourage l ’ État partie à étendre ce type de projets à tous les agents en activité.

301. Le SPT recommande d ’ augmenter le nombre d ’ agents pénitentiaires afin de garantir la sécurité des établissements pénitentiaires en général ainsi que la sécurité des agents eux-mêmes et celle des détenus face à d ’ éventuels actes de violence d ’ autres détenus. Il recommande également que, conformément aux normes minimales adoptées à l ’ échelon international, le personnel pénitentiaire reçoive une rémunération suffisante et suive une formation générale et spéciale et qu ’ il satisfasse à des épreuves d ’ ordre théorique et pratique permettant de déterminer s ’ il est apte à fournir ce genre de service.

302. Le SPT recommande à l ’ État d ’ envisager la possibilité d ’ instituer un programme de formation avancé, qui permettrait de disposer d ’ un personnel pénitentiaire mieux préparé et professionnel.

303. L e SPT recommande que tous les établissements pénitentiaires soient dotés d ’ un règlement disciplinaire qui fixe: a) les conduites qui constituent une infraction disciplinaire; b) le type et la durée des sanctions disciplinaires qui peuvent être appliquées; c) l ’ autorité compétente pour prononcer ces sanctions. Les mesures disciplinaires appliquées, quelles qu ’ elles soient, devront être conformes à ce règlement, dont tous les détenus devront posséder une copie. Le SPT recommande de reconnaître aux personnes privées de liberté le droit d ’ être entendues avant que des mesures disciplinaires soient prises à leur égard et d ’ intenter un recours contre ces mesures devant l ’ autorité supérieure .

304. L e SPT recommande aux autorités paraguayennes de veiller à ce que tous les détenus, hommes et femmes, disposent d ’ au moins une heure par jour d ’ exercice physique approprié en plein air, conformément aux normes minimales internationales.

305. Le SPT recommande également d ’ offrir à tous les détenus, hommes et femmes, qui le souhaitent la possibilité de travailler et l ’ accès à des activités éducatives et culturelles, et de mettre à leur disposition une bibliothèque suffisamment pourvue de livres instructifs et récréatifs .

306. Le SPT recommande aux autorités pénitentiaires de faire en sorte que chaque établissement dispose d ’ au moins deux téléphones en état de marche utilisables par les détenus.

307. Le SPT encourage l ’ État partie à poursuivre et à renforcer les mesures de prévention de la torture et autres mauvais traitements dans le cadre d ’ une politique publique plus large. Ce processus devrait s ’ accompagner de vastes campagnes de sensibilisation à la prévention de la torture et des mauvais traitements et de la diffusion d ’ une information sur la marche à suivre et l ’ autorité à laquelle s ’ adresser pour dénoncer de tels actes. Le SPT recommande également que l ’ État partie s ’ engage à donner au personnel pénitentiaire une formation dans le domaine des droits de l ’ homme.

308. Le SPT demande à l ’ État partie d ’ ouvrir immédiatement une enquête impartiale sur toute allégation de torture et de mauvais traitements, y compris de violence sexuelle, conformément aux articles 12 et 13 de la Convention contre la torture. Lorsque les faits allégués mettent en cause des agents pénitentiaires, ceux-ci devront être suspendus pendant toute la durée de la procédure et être démis de leurs fonctions s ’ ils sont reconnus coupables.

309. Le SPT recommande à l ’ État partie de mettre en place un système de dépôt de plaintes efficace, confidentiel et indépendant, dans toutes les prisons du pays. Chaque établissement pénitentiaire devra tenir un registre des plaintes contenant des informations sur l ’ identité du plaignant, la nature de la plainte, la manière dont elle a été traitée et son résultat.

Hôpital neuropsychiatrique

310. Le SPT recommande que davantage de possibilités de participer à des activités de réadaptation soient proposées aux patients.

311. Le SPT recommande également que tous les patients aient des casiers pour pouvoir y ra nger leurs effets personnels.

B.Demandes d’information

312. Le SPT souhaite que l’État partie lui donne des renseignements sur ce qui suit:

a) Le nombre de plaintes pour torture ou mauvais traitements imputés à des membres des forces de l’ordre que la Police nationale a reçues au cours des cinq dernières années et la suite qui y a été donnée, notamment sur les mesures disciplinaires éventuellement prises ;

b) Les mesures qu’il compte prendre pour assurer l’indépendance fonctionnelle et l’autonomie budgétaire du bureau de la défense publique et augmenter ses ressources humaines et financières afin de lui permettre de garantir à toutes les personnes qui en ont besoin l’assistance gratuite, effective et complète d’un avocat, dès le début de la détention ;

c) La manière dont le ministère public s’acquitte dans la pratique de ses fonctions de surveillance dans les postes de police et dans les établissements pénitentiaires. Le SPT voudrait en particulier savoir quelle est la fréquence des visites, s’il existe des instructions officielles concernant la manière dont elles doivent se dérouler, si elles donnent lieu à des rapports et, dans l’affirmative, à quelle autorité ces rapports sont remis et combien d’actions ont été engagées par le ministère public à la suite de ces visites ;

d) L’état d’avancement des travaux mentionnées au paragraphe 149 ;

e) Les progrès réalisés dans la mise en place du système de promotion de la santé géré par des détenus (voir par. 180), et en particulier dans la lutte contre les maladies transmissibles comme le VIH/sida et la tuberculose ;

f) La fermeture définitive du quartier d’isolement de la p rison nationale de Tacumbú , ainsi que des informations concernant l’avancement des travaux et la date estimée de la mise en service des nouvelles cellules d’isolement ;

g) Si les installations mentionnées au paragraphe 190 ont été effectivement réparées comme promis ;

h) Pour chaque établissement pénitentiaire des données sur le montant annuel affecté à l’alimentation dans le budget de la Direction générale des établissements pénitentiaires. Le SPT souhaite également des précisions sur les mesures prises pour assurer une gestion transparente et efficace du budget ;

i) Les mesures prises pour empêcher que les détenus qui ont donné des renseignements à la délégation soient victimes de représailles.

313. Le SPT souhaite recevoir:

a) Copie des trois derniers rapports trimestriels que l’Unité d’inspection pénitentiaire est tenue de soumettre à la Cour suprême en application de l’article 2 de l’ordonnance n o  30 ;

b) Copie des directives de la Cour suprême concernant le respect du droit des personnes privées de liberté à une procédure régulière ;

c) Copie du projet de loi sur la défense publique; il voudrait savoir où en est l’examen du texte.

d) Copie du règlement sur les sanctions ainsi que des précisions concernant la procédure qui régit l’application des sanctions et l’autorité compétente pour les prononcer.

Annexe I

Liste des hauts fonctionnaires et des autres personnesque la délégation a rencontrés

A.Autorités nationales

S. E. M. Fernando Armindo Lugo Méndez, Président de la République

Ministère de l’intérieur

M. Rafael Filizzola, Ministre

M. Elvio Segovia Chaparro, Vice-Ministre des affaires politiques

M. Edgar Servín

Ministère des relations extérieures

M. Jorge Lara Castro, Vice-Ministre

Mme Terumi Matsuo de Claverol, Direction des droits de l’homme

M. Hugo Chaparro González, Direction des droits de l’homme

Mme María Inés Benítez

Ministère de la justice et du travail

M. Humberto Blasco Gavilán, Vice-Ministre

Mme Olga María Blanco, Direction générale des affaires pénales

Mme Iris Haydee Rojas Recalde, Directrice des droits de l’homme

Ministère de la santé

Dr Néstor Girala, Directeur de l’hôpital neuropsychiatrique d’Asunción

Mme Gladys González Rodas, Conseillère juridique

Police nationale

Commissaire général Celestino R. Sánchez

Pouvoir judiciaire

Mme Nury Montiel, Directrice des droits de l’homme, Cour suprême de justice

Mme Nelly Obregón, Unité d’inspection pénitentiaire, Cour suprême de justice

Mme Selva Morel de Acevedo, Défenseur adjointe au pénal, Ministère de la défense publique

Mme Ana María Llanes, Juge de l’exécution

Ministère public

M. Marco Antonio Alcaraz, Procureur adjoint

Mme Silvana Otazú

Pouvoir législatif

Sénateur Marcelo A. D. Duarte Manzoni, Commission des lois et de la codification, Justice et travail, de la Chambre des sénateurs

Sénatrice Ana María Mendoza de Acha, Commission des droits de l’homme de la Chambre des sénateurs

Députée Faviola Oviedo, Commission des droits de l’homme de la Chambre des députés

Mme María Liz García de Arnold, Chambre des députés

Bureau du Défenseur du peuple

M. Manuel María Páez Monges, Défenseur du peuple

Mme Helen Almada Alcaraz

Mme Judith Rolón

B.Organismes des Nations Unies

M. Lorenzo Jiménez de Luis, Coordonnateur résident des Nations Unies

Mme Libertad Gutiérrez, Programme des Nations Unies pour le développement

Mme Andrea Cid, UNICEF

C.Société civile

Mme Soledad Villagra, ancien membre du Groupe de travail sur la détention arbitraire (Nations Unies)

Asociación de Familiares de Víctimas del Servicio Militar Obligatorio (AFAVISEM)

Centro de Estudios Judiciales

Coordinadora de Derechos Humanos del Paraguay (CODEHUPY)

Instituto de Estudios Comparados en Ciencias Penales y Sociales (INECIP)

ONG Rondas

ONG Raíces

Annexe II

Lieux de privation de liberté visités par le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Locaux de la Police nationale

District métropolitain (Asunción):

Commissariat de police no 3

Commissariat de police no 5

Commissariat de police no 9

Commissariat de police no 12

Commissariat de police no 20

Commissariat pour femmes

Département Central:

Commissariat de police no 1, San Lorenzo

Commissariat de police no 9, Limpio

Département d’Amambay:

Commissariat de police no 3, Barrio Obrero, Pedro Juan Caballero

Département de San Pedro:

Commissariat de police no 8, San Estanislao

Unité spécialisée de la Police nationale

Établissements pénitentiaires

Prison nationale de Tacumbú, Asunción

Prison régionale de Pedro Juan Caballero

Hôpital neuropsychiatrique d’Asunción