NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SMR/CO/231 juillet 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑treizième sessionGenève, 7‑25 juillet 2008

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l’homme

RÉPUBLIQUE DE SAINT-MARIN

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le deuxième rapport périodique de Saint‑Marin (CCPR/C/SMR/2) à ses 2548e et 2549e séances, le 11 juillet 2008 (CCPR/C/SR.2548 et 2549). Il a adopté les observations finales ci‑après à sa 2562e séance (CCPR/C/SR.2562), le 22 juillet 2008.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la présentation du deuxième rapport périodique de Saint‑Marin et se félicite de l’occasion qui lui est ainsi offerte de renouer le dialogue avec l’État partie après dix‑huit ans. Il remercie l’État partie de ses réponses écrites à la liste des points à traiter (CCPR/C/SMR/Q/2/Add.1 et Add.2) et des renseignements complémentaires donnés pendant l’examen du rapport. Il regrette toutefois que les documents écrits n’aient pas contenu davantage de renseignements sur la mise en œuvre du Pacte dans la pratique.

B. Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de différents textes législatifs et mesures de politique générale concernant le handicap, qui ont permis à l’État partie de ratifier, le 29 janvier 2008, la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif.

4.Le Comité constate que l’État partie a renoué le dialogue avec un certain nombre d’organes conventionnels et note les efforts qu’il a déployés pour soumettre les rapports attendus.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

5.Si, en vertu de la loi no 36 du 26 février 2002, «les accords internationaux dûment signés et appliqués concernant la sauvegarde des droits de l’homme et des libertés l’emportent sur la législation interne en cas de conflit avec cette dernière» (paragraphe 1 de l’article premier, Déclaration des droits des citoyens), la place exacte du Pacte et du Protocole facultatif dans l’ordre juridique interne n’est cependant pas claire, en particulier contrairement à la place de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. En outre, les liens entre le Pacte, la Déclaration des droits des citoyens et les autres éléments de l’ordre constitutionnel sont également difficiles à cerner (art. 2).

L’État partie devrait préciser la place exacte du Pacte et du Protocole facultatif dans l’ordre juridique interne, ainsi que les liens entre le Pacte, la Déclaration des droits des citoyens et les autres éléments de l’ordre constitutionnel afin de garantir la pleine réalisation de tous les droits consacrés par le Pacte en toutes circonstances. L’État partie devrait en particulier préciser si une partie à une procédure judiciaire en cours peut saisir le Collège des garants pour lui demander de se prononcer sur la constitutionnalité des normes et faire valoir qu’une loi interne est en conflit avec le Pacte.

6.Le Comité est préoccupé par l’absence de mécanisme indépendant pour la surveillance de la mise en œuvre des droits à Saint-Marin, en dépit de l’engagement formulé par l’État partie dans le programme du Gouvernement pour la XXVIe Assemblée législative approuvé le 17 juillet 2006, de créer un poste de médiateur. Le Comité reconnaît que certaines des fonctions de médiateur ont été traditionnellement confiées aux Capitaines-Régents (chef de l’État) mais il note qu’un tel mécanisme n’est pas conforme aux principes concernant le statut des institutions nationales (Principes de Paris) adoptés par l’Assemblée générale dans sa résolution 48/134 (art. 2).

L’État partie devrait établir un véritable mécanisme indépendant pour assurer la surveillance de la mise en œuvre des droits consacrés par le Pacte, qui soit entièr ement conforme aux Principes de Paris.

7.Le Comité est préoccupé par le fait que les motifs de discrimination tels que l’orientation sexuelle, la race, la couleur, la langue, la nationalité et l’origine nationale ou ethnique, sont considérés comme couverts par la notion de «situation personnelle» à l’article 4 de la Déclaration des droits des citoyens. Il fait observer que le recours à une notion générique pour viser tous ces motifs rend difficile la prise en compte pleine et identique de chacun dans la lutte contre la discrimination (art. 2 et 26).

L’État partie devrait mettre sur pied un cadre juridique complet en ce qui concerne la lutte contre la discrimination, qui énumère expressément chacun d es motifs actuellement couverts par la notion de «situation personnelle».

8.Le Comité note que la loi no 97 du 20 juin 2008 intitulée «Prévention et répression de la violence à l’égard des femmes et des violences à motivation sexiste» définit les actes interdits et établit un cadre pour la protection apportée par l’État et l’assistance aux victimes et à leur famille dans toutes les procédures civiles, pénales ou administratives, y compris l’aide juridictionnelle gratuite. Le Comité estime que ces mesures juridiques devraient être accompagnées par des programmes de sensibilisation et de formation (art. 2 et 26).

L’État partie devrait adopter des programmes et des mesures concrètes visant à lutter contre toutes les formes de violence à motivation sexiste, notamment en formant la police à recevoir des plaintes pour violence dans la famille, à apporter une assistance matérielle et psychologique aux victimes et à faire connaître leurs droits aux femmes.

9.Le Comité prend note de l’adoption de la loi no 84 du 17 juin 2004, en vertu de laquelle tous les enfants, garçons ou filles, nés de parents saint-marinais acquièrent la nationalité saint‑marinaise à la naissance, mais demeure préoccupé par les différences qui continuent d’exister entre les enfants dont les deux parents sont naturalisés, qui peuvent acquérir la nationalité immédiatement, et ceux dont un seul parent est naturalisé, qui ne peuvent acquérir la nationalité qu’à l’âge de 18 ans (art. 2 et 24).

L’État partie devrait modifier la loi de façon à empêcher toute discrimination à l’égard des enfants au motif de la nationalité de l’un de leurs parents et à garantir l’égalité des droits en matière d’acquisition de la nationalité, que les deux parents soient naturalisés ou bien un seul d’entre eux.

10.Le Comité note certes que la règle en vertu de laquelle tout étranger est tenu de présenter un garant pour pouvoir engager une action au civil est devenue obsolète dans la pratique, mais demeure préoccupé par le fait que cette condition de nature discriminatoire soit toujours inscrite dans la législation saint‑marinaise (art. 2 et 26).

L ’ État partie devrait formellement abolir cette règle.

11.Le Comité prend note de l’adoption de la loi no 93 du 17 juin 2008 sur les garanties de procès équitable mais s’inquiète de ce que l’État partie n’ait toujours pas adopté un nouveau Code de procédure pénale complet (art. 9 et 14).

L ’ État partie devrait faire de l’élaboration et de l’adoption d’ un nouveau Code de procédure pénale complet , qui soit conforme aux dispositions du Pacte , une priorité .

12.Le Comité note avec préoccupation que les personnes arrêtées qui n’ont pas les moyens de payer les services d’un avocat peuvent avoir des difficultés à avoir immédiatement accès à un avocat en raison de la manière dont l’aide juridictionnelle gratuite est actuellement organisée à Saint‑Marin (art. 14, par. 3 d)).

L ’É tat partie devrait revoir son système d’aide juridictionnelle afin de garantir le droit à l’aide judiciaire gratuite dans tous les cas où l’intérêt de la justice l’exige.

13.Le Comité relève avec préoccupation que la portée des restrictions au droit au respect de la vie privée prévues dans la loi no 28 du 26 février 2004 sur les dispositions visant à combattre le terrorisme, le blanchiment de fonds provenant d’activités illicites et les délits d’initiés n’est pas clairement établie (art. 17).

L ’ État partie devrait appliquer la loi n o  28 du 26 février 2004 selon des modalités compatibles avec l’article 17 du Pacte et veiller à ce que toute disposition législative qui sera adoptée à l’avenir concernant la mise sur écoute téléphonique à des fins d’enquête soit compatible avec le Pacte. En outre, il devrait veiller à ce que les mesures antiterroristes qu’il met en œuvre, que ce soit en application de la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité ou autrement , soient pleinement conformes au Pacte, et plus particulièrement à ce que les dispositions législatives adoptées dans ce contexte soient limitées aux crimes qu’il est justifié de qualifier de terroristes.

14.Le Comité est préoccupé par le champ d’application potentiellement étendu des articles 183, 184 et 185 du Code pénal (droit à la protection de la réputation), qui prévoient notamment des sanctions à l’encontre de toute personne qui attribue à autrui un fait portant atteinte à son honneur, et s’inquiète de leur compatibilité avec les dispositions du Pacte (art. 19).

L ’ État partie devrait révise r son Code pénal afin de rendre conformes à l’article  1 9 du Pacte les dispositions qui criminalisent les diverses formes d’expression et de communication portant atteinte à l’honneur, à la dignité et à l’estime.

15.Le Comité note que la possibilité de mobilisation militaire générale prévue à l’article 4 de la loi no 15 du 26 janvier 1990 concerne des circonstances exceptionnelles et a pris connaissance avec satisfaction des renseignements donnés par l’État partie sur l’action entreprise en vue de l’adoption d’un règlement militaire général, mais il demeure préoccupé par l’article 3 de la loi, qui prévoit que tout citoyen âgé de 16 à 60 ans peut être appelé à servir dans l’armée (art. 24).

L ’ État partie devrait modifier la loi de façon à garantir que le droit à l’objection de conscience est expressément reconnu et à relever l’âge minimum légal pour entrer dans l’armée.

16.Le Comité prend note de la déclaration de l’État partie qui affirme qu’il n’existe aucune minorité ethnique, linguistique et/ou religieuse nationale à Saint‑Marin et souligne que la constatation de la présence de minorités sur le territoire de tout État est avant tout factuelle et n’obéit pas à des considérations politiques ou juridiques (voir Observation générale no 23) (art. 27).

L ’ État partie devrait , compte tenu en particulier des mouvements migratoires de ces dernières années, déterminer s’il existe des minorités ethniques sur son territoire, même en très petit nombre, et prendre les mesures voulues pour protéger leurs droits en vertu de l’article 27.

17.Notant que 16 % des habitants de Saint‑Marin sont d’origine étrangère, le Comité est préoccupé par les conditions d’acquisition de la nationalité dans l’État partie, qui de fait excluent même les personnes qui résident depuis longtemps, en exigeant cinq ans de présence sur le territoire avec un permis de séjour puis trente ans de présence continue au titre d’un permis de résidence et, enfin, une décision du Parlement qui n’est rendue que tous les dix ans (art. 26).

L ’ État partie devrait reconsidérer les délais extrêmement longs et les difficultés pratiques du processus d’acquisition de la nationalité pour les résidents à long terme.

18.Le Comité demande à l’État partie de rendre publics son deuxième rapport périodique et ses réponses écrites à la liste des points à traiter ainsi que les présentes observations finales et de les diffuser largement dans tous les secteurs de la société et plus particulièrement auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, et lui demande de l’informer dans son prochain rapport périodique des mesures qu’il aura prises pour y donner suite. En outre, il encourage l’État partie à faire participer les organisations non gouvernementales présentes dans le pays et les autres membres de la société civile aux débats préalables à la présentation de son troisième rapport périodique.

19.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait adresser, dans un délai d’un an, des renseignements sur l’évaluation de la situation et sur la mise en œuvre des recommandations figurant aux paragraphes 6 et 7 du présent document.

20.Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique, qui doit être soumis au plus tard le 31 juillet 2013, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble.

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