Nations Unies

CCPR/C/125/D/2439/2014

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

10 mai 2019

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2439/2014 * , **

Communication présentée par :

M. B. S. (représenté par un conseil, le Conseil danois pour les réfugiés et, par la suite, par Niels-Erik Hansen)

Victime(s) présumée(s) :

L’auteur

État partie :

Danemark

Date de la communication :

4 juillet 2014 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 97 du Règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 4 juillet 2014 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

29 mars 2019

Objet :

Expulsion vers la République islamique d’Iran

Question(s) de procédure :

Fondement des griefs

Question(s) de fond :

Risque de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; non-refoulement

Article(s) du Pacte :

6, 7, 13 et 14

Article(s) du Protocole facultatif :

2

1.1L’auteur de la communication est M. B. S., de nationalité iranienne, né le 20 mai 1983. Il a demandé l’asile au Danemark et est en attente d’expulsion vers la République islamique d’Iran en raison du rejet par les autorités danoises de sa demande de statut de réfugié. Il affirme que son expulsion vers la République islamique d’Iran constituerait une violation par le Danemark des droits qu’il tient de l’article 7 du Pacte. Il affirme également que les droits qui lui sont garantis par l’article 13 du Pacte ont été violés dans le cadre de l’examen de sa demande d’asile par les autorités danoises. L’auteur a d’abord été représenté par le Conseil danois pour les réfugiés, puis par Niels-Erik Hansen. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Danemark le 23 mars 1976.

1.2Le 4 juillet 2014, en application de l’article 92 de son règlement intérieur, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a demandé à l’État partie de ne pas expulser l’auteur vers la République islamique d’Iran tant que la communication serait à l’examen. Toutefois, le 11 février 2015, le Comité a décidé d’accéder à la demande de levée des mesures provisoires formulée par l’État partie.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur, originaire de Téhéran, appartient à la minorité azérie et est de confession musulmane chiite. En 2010, avec un ami, il s’est lancé dans la vente d’antennes paraboliques. À une date non précisée de l’automne 2010, des policiers ont procédé à une perquisition dans leur dépôt. Y ayant découvert des antennes paraboliques, ils ont arrêté l’auteur et son ami et les ont retenus pendant quatre jours dans un poste de police. Pendant leur garde à vue, l’auteur et son ami ont été menacés de torture et soumis à des « pressions psychologiques ». Après avoir été remis en liberté, l’auteur a été cité à comparaître devant un tribunal et condamné à une amende. En outre, il a été sommé de signer une déclaration par laquelle il s’engageait à ne plus jamais vendre d’antennes paraboliques. S’il ne respectait pas cet engagement, il serait condamné à une peine d’emprisonnement.

2.2L’auteur a néanmoins continué de vendre des antennes paraboliques. En mars 2011, alors qu’il en installait une chez un client, on l’a averti que des policiers se trouvaient à la porte d’entrée du logement de son client. L’auteur a sauté du toit de l’immeuble et s’est enfui à moto. Après cet incident, l’auteur a vécu sept mois chez le père de son ami, puis il a quitté la République islamique d’Iran le 24 novembre 2011.

2.3L’auteur est arrivé au Danemark le 17 janvier 2012 sans documents de voyage valables et il a déposé une demande d’asile le 23 janvier 2012. Il a déclaré qu’il craignait d’être persécuté par les autorités iraniennes s’il revenait dans son pays car il y avait été arrêté pour avoir vendu des antennes paraboliques. Cependant, le 31 août 2012, le Service danois de l’immigration a rejeté sa demande.

2.4Le 16 décembre 2012, l’auteur s’est converti au christianisme. Il a ensuite formé un recours contre la décision du Service danois de l’immigration, invoquant le fait que sa conversion était une raison supplémentaire de craindre d’être persécuté en République islamique d’Iran.

2.5Le 16 janvier 2013, la Commission danoise de recours des réfugiés a rejeté son recours au motif que sa conversion n’était pas sincère. Elle a considéré que l’auteur n’avait pas montré qu’il risquait personnellement et concrètement d’être persécuté s’il était renvoyé dans son pays. Elle a donc estimé qu’il n’y avait aucune raison de prolonger la procédure d’asile à des fins de vérification de l’authenticité des documents que l’auteur avait reçus de sa famille.

2.6À une date inconnue, la famille de l’auteur lui a fait savoir qu’il avait reçu deux citations à comparaître en République islamique d’Iran ainsi qu’un jugement rendu par contumace le 27 juillet 2013 le condamnant à six ans d’emprisonnement, à 74 coups de fouet et à une amende.

2.7Le 1er mars 2014, le ministère public a adressé à l’auteur une citation à comparaître le 12 mars 2014 dans laquelle il était précisé que, s’il ne se présentait pas au tribunal, il serait jugé par contumace. Selon l’auteur, cette convocation était manifestement liée à sa conversion au christianisme et à sa coopération avec des chrétiens. Dans ce document, il était apparemment spécifié que l’auteur ne pourrait pas faire recours contre le jugement qui serait rendu à cette occasion.

2.8Le 3 mai 2014, le père de l’auteur a été cité à comparaître pour des raisons liées à la conversion de l’auteur.

2.9Le 26 juin 2014, un pasteur danois a confirmé que l’auteur avait compté parmi ses paroissiens de mai à novembre 2013.

2.10Le 15 octobre 2014, l’auteur a sollicité la réouverture de son dossier de demande d’asile, invoquant l’existence de faits nouveaux et produisant de nouveaux documents relatifs au motif initial de sa demande d’asile et à sa conversion. Le 25 novembre 2014, la Commission de recours des réfugiés a rejeté sa requête.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que, s’il est renvoyé en République islamique d’Iran, il risque d’être persécuté en raison de sa conversion au christianisme et de sa pratique active de cette religion et qu’en conséquence, son renvoi constituerait une violation de l’article 7 du Pacte. En outre, les autorités iraniennes ne le protégeront pas contre d’éventuelles menaces émanant de civils.

3.2L’auteur indique qu’il a publié sur Facebook des photos de sa cérémonie de baptême sans penser que cela pourrait avoir des conséquences. Or, ces publications lui ont valu des messages haineux et des menaces de la part de personnes qui l’ont accusé d’être un infidèle. Sa sœur a été licenciée de son emploi et son frère s’est vu refuser l’entrée à l’université. Ses parents lui ont dit de ne pas revenir en République islamique d’Iran car il serait exécuté par les autorités, qui étaient à sa recherche. Son père avait dû répondre deux fois à des questions des autorités sur l’auteur et sur le lieu où il se trouvait et il avait été soumis à des « violences physiques ». La police de sécurité iranienne avait déclaré au père de l’auteur que son fils serait exécuté si on le retrouvait car il avait abjuré l’islam.

3.3L’auteur soutient que le moment auquel il s’est converti et sa méconnaissance du christianisme, en particulier des fêtes chrétiennes, ne devraient pas être utilisés en sa défaveur. Lorsqu’il a été entendu par la Commission de recours des réfugiés, cela ne faisait que quelques mois qu’il était devenu chrétien et, d’après les informations disponibles sur son pays d’origine, les personnes converties au christianisme ont souvent des connaissances lacunaires sur certains aspects de cette religion. Étant donné que, de manière générale, il vit activement sa nouvelle foi en allant régulièrement à des services religieux et en suivant des études bibliques, et qu’en outre il a fait part de son intention de faire du prosélytisme, on peut raisonnablement penser qu’il continuera de mener des activités religieuses à son retour en République islamique d’Iran, ce qui, au vu des informations disponibles sur son pays d’origine, l’exposera à un risque réel de traitements contraires aux dispositions de l’article 7 du Pacte.

3.4L’auteur souligne qu’il sera renvoyé en République islamique d’Iran alors même qu’il n’est pas titulaire d’un passeport iranien en cours de validité et que, de ce fait, il risque d’être interrogé par les autorités à son arrivée à l’aéroport. Même si les autorités iraniennes ne savent pas encore que l’auteur s’est converti au christianisme, elles risquent fort de l’apprendre s’il arrive dans le pays sans passeport valable et qu’il est arrêté et interrogé.

3.5L’auteur craint en outre de subir des répercussions des mesures prises par les autorités iraniennes car il aura à exécuter une peine prononcée contre lui par contumace.

3.6Enfin, l’auteur a participé à deux ou trois manifestations organisées devant l’Ambassade de la République islamique d’Iran à Copenhague pour protester contre le régime de la République islamique d’Iran et la façon dont celui-ci traite la population.

3.7L’auteur se dit victime de violations des articles 6 et 14 du Pacte sans préciser sur quels motifs ces griefs sont fondés.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une lettre datée du 5 janvier 2015, l’État partie a soumis ses observations sur la recevabilité et sur le fond. Il commence par décrire les faits de la cause, en particulier les déclarations de l’auteur concernant sa situation en République islamique d’Iran avant son départ, et les documents produits devant les autorités danoises et devant le Comité. Il souligne que, le 18 janvier 2012, l’auteur a indiqué à la Police nationale danoise qu’il en avait assez de vivre à Téhéran et qu’il avait acheté un faux passeport en vue de se rendre au Danemark. Le 23 janvier 2012, il a déclaré à la Police danoise qu’il ne voyait aucune perspective d’avenir pour lui en République islamique d’Iran, qu’il avait subi des pressions liées à son travail et qu’il n’était pas libre de vivre pleinement sa vie dans son pays. Il souhaitait s’établir au Danemark pour avoir une vie meilleure, en bénéficiant de possibilités d’étudier et de travailler, et pour jouir du droit à la vie privée et à la liberté. Le 23 janvier 2012, l’auteur a soumis une demande d’asile dans laquelle il décrit pour la première fois les circonstances de son départ de la République islamique d’Iran et les motifs pour lesquels il souhaite obtenir l’asile, d’une façon détaillée et cohérente, dans sa langue maternelle et avec ses propres mots.

4.2L’État partie signale l’existence d’incohérences dans les déclarations que l’auteur a faites devant les autorités danoises en ce qui concerne la date de son arrestation en République islamique d’Iran, la question de savoir s’il a eu des problèmes avec les autorités iraniennes après avoir été détenu au poste de police, et la validité de son passeport quand il a quitté le pays. En outre, l’auteur n’a pas soumis les mêmes documents aux autorités danoises et au Comité. Alors que certains documents ont été soumis aussi bien aux autorités de l’État partie qu’au Comité, d’autres ont été produits uniquement devant la Commission de recours des réfugiés ou seulement devant le Comité.

4.3Le 25 novembre 2014, la Commission de recours des réfugiés a refusé de rouvrir la procédure d’asile. N’ayant aucun motif de considérer comme un fait établi que l’auteur avait eu des problèmes avec les autorités iraniennes pendant la période qui avait précédé son départ de la République islamique d’Iran, la Commission n’avait pas non plus de motif de considérer comme un fait établi que l’auteur avait été poursuivi pour des motifs liés à ces problèmes. La Commission a souligné en outre qu’à l’audience du 16 janvier 2013, l’auteur avait produit trois documents, qui étaient apparemment deux citations à comparaître et un jugement par contumace le condamnant notamment à huit ans d’emprisonnement pour vente d’antennes paraboliques. L’auteur avait expliqué que ses parents avaient reçu ces documents avant son départ en novembre 2011, mais qu’il l’ignorait. La Commission a estimé que le document le plus récent produit par l’auteur, à savoir un nouveau jugement concernant la même affaire qui aurait été rendu plus d’un an et demi après le jugement produit en janvier 2013, contredisait la déclaration de l’auteur selon laquelle il avait déjà été jugé par contumace pour les mêmes faits avant son départ. En outre, d’après le dernier jugement produit par l’auteur, le tribunal l’avait condamné à cinq ans d’emprisonnement et à une amende pour ces mêmes faits, alors que, s’agissant des autres faits − la découverte, notamment, de matériel pornographique, dont il n’avait pas fait mention auparavant − il l’aurait condamné à un an d’emprisonnement, à 74 coups de fouet et à une amende. Enfin, il ressort de ce document que la décision a été prononcée le 27 juillet 2013 ; or, l’auteur n’a produit ce jugement que lorsqu’il a saisi le Comité de sa communication, le 4 juillet 2014, soit près d’une année plus tard. L’auteur ne donne aucune explication à ce sujet.

4.4En conséquence, la Commission a considéré que le jugement joint à la demande de réouverture de la procédure d’asile avait manifestement été fabriqué de toutes pièces pour les besoins de la cause. D’après les informations de base disponibles, les faux documents, y compris les faux jugements et autres documents judiciaires, sont largement répandus et faciles à obtenir en République islamique d’Iran. Compte tenu de ce qui précède, la Commission a estimé qu’il n’y avait aucune raison de demander une évaluation de l’authenticité du document produit par l’auteur.

4.5Pour ce qui est de la conversion religieuse de l’auteur, la Commission signale qu’il existe des divergences entre les déclarations de l’auteur telles qu’elles figurent dans sa communication au Comité et dans sa demande de réouverture de la procédure d’asile, d’une part, et ses déclarations telles qu’elles ont été consignées dans le rapport d’enregistrement de la demande d’asile établi par la Police nationale danoise, le formulaire de demande d’asile, le procès-verbal de son entretien avec le Service danois de l’immigration et le mémoire soumis par son conseil commis d’office. Ces divergences concernent la période pendant laquelle il a participé à des activités religieuses. En outre, la déclaration du pasteur danois du 26 juin 2014 ne permet pas de corroborer l’affirmation de l’auteur selon laquelle il a commencé à participer régulièrement au culte et aux cours de catéchisme cinq mois après son arrivée au Danemark, soit une année plus tôt, et selon laquelle il a suivi des cours consacrés à l’étude de la Bible pendant les quatre mois qui ont précédé son baptême.

4.6La Commission a ensuite examiné la question de savoir si, à la suite de ces activités, les autorités iraniennes s’étaient intéressées à l’auteur de suffisamment près pour qu’il coure un risque de mauvais traitements au cas où il serait renvoyé en République islamique d’Iran. Elle a tenu compte des publications de l’auteur sur Facebook et des courriels haineux qu’il avait reçus ainsi que du fait que sa famille avait été harcelée et menacée par les autorités iraniennes, qui avaient déclaré qu’il serait exécuté à son retour en République islamique d’Iran. Toutefois, l’auteur n’a pas montré qu’il avait probablement été dénoncé aux autorités iraniennes et que, de ce fait, il courrait personnellement un risque concret de persécution s’il était renvoyé dans son pays d’origine.

4.7Premièrement, les tirages sur papier de la page Facebook de l’auteur ne comportaient pas de publications sur son baptême mais uniquement des messages chrétiens à caractère général. Néanmoins, ces documents ont permis de voir que toutes les mises à jour de son profil Facebook avaient été effectuées pendant la demi-heure qui avait précédé l’impression de la page en question. Compte tenu du manque de crédibilité général de l’auteur, la Commission a estimé que la page Facebook de l’auteur avait été intentionnellement complétée en vue de l’impression de pages qui pourraient être utilisées dans le cadre de la procédure d’asile le concernant.

4.8Deuxièmement, les informations communiquées par l’auteur au sujet des réactions que des personnes auraient eues à son égard et vis-à-vis de sa famille étaient totalement dénuées de fondement. Troisièmement, l’auteur avait été baptisé le 16 décembre 2012 mais, au cours de l’audience devant la Commission, qui avait eu lieu un mois plus tard, le 16 janvier 2013, il n’avait pas été dit qu’il avait publié des photos de son baptême sur Facebook. Or, il a affirmé dans sa demande de réouverture de la procédure d’asile que ces publications avaient été effectuées immédiatement après son baptême. Il a déclaré qu’il était heureux d’avoir été baptisé et qu’il souhaitait partager sa joie avec ses amis ; il avait donc publié des photos de la cérémonie sans songer aux conséquences que cela pourrait avoir.

4.9La Commission renvoie à des renseignements dont il ressort que Facebook n’est pas soumis à un contrôle systématique et que nombre de personnes utilisent ce réseau social sans se soucier de savoir si elles pourraient être surveillées. Les autorités ne peuvent surveiller les activités d’un individu sur Facebook que si un agent de l’État fait partie de sa liste d’amis. En conséquence, les convocations citant l’auteur à comparaître devant un tribunal iranien au motif qu’il aurait abjuré l’islam ne sauraient donner lieu à une modification de la décision rendue sur sa demande d’asile. Compte tenu de leur nature, de la date à laquelle elles ont été rédigées et de l’ensemble des éléments de l’affaire, ces convocations semblent avoir été fabriquées de toutes pièces pour la circonstance. Les faux documents, y compris les fausses citations à comparaître, sont très répandus et faciles à obtenir en République islamique d’Iran. La Commission de recours des réfugiés a donc considéré qu’il n’y avait pas lieu de demander une évaluation de l’authenticité des documents.

4.10La Commission a estimé en outre que l’auteur n’était pas parvenu à démontrer la probabilité qu’il soit devenu une personne présentant un intérêt pour les autorités iraniennes en raison de sa participation à trois manifestations devant l’Ambassade de la République islamique d’Iran à Copenhague. Les photos produites à l’appui de cette allégation ne permettent pas de connaître le nom de l’auteur et ne le montrent pas en train de participer à une manifestation devant l’Ambassade de la République islamique d’Iran : il s’agit d’une mise en scène dans laquelle l’auteur pose pour le photographe avec, à la main, les pancartes utilisées pendant la manifestation. Ces photos semblent donc avoir été prises pour que l’on voie bien l’auteur brandissant ces diverses pancartes. En outre, les clichés n’ont pas été pris devant l’Ambassade de la République islamique d’Iran à Copenhague, mais devant un jardin qui fait partie d’un terrain situé à une centaine de mètres de l’Ambassade, dans une rue perpendiculaire, ce qui fait qu’on ne peut le voir depuis l’Ambassade. L’auteur n’a pas précisé quand la manifestation a eu lieu et l’on ne dispose pas de renseignements ou de documents sur les autres manifestations auxquelles il dit avoir participé.

4.11Après un exposé des conclusions formulées par la Commission de recours des réfugiés dans sa décision du 25 novembre 2014, l’État partie décrit la structure, la composition et le fonctionnement de cet organe ainsi que la législation régissant la procédure d’asile. Ensuite, il affirme que l’auteur n’a pas fourni un commencement de preuve de la recevabilité de sa communication au regard des articles 6, 7 et 14 du Pacte car il n’a pas montré qu’il existe des motifs sérieux de croire qu’il serait en danger de mort ou qu’il risquerait d’être soumis à des traitements inhumains ou dégradants s’il était renvoyé en République islamique d’Iran, ou que les dispositions susmentionnées ont été violées dans le cadre de l’examen de sa demande d’asile par les autorités danoises. Ces parties de la communication sont donc manifestement dénuées de fondement et devraient être déclarées irrecevables.

4.12Selon la jurisprudence du Comité relative à l’article 14 du Pacte, les procédures d’expulsion d’étrangers n’impliquent pas de décision sur des « droits et obligations de caractère civil » au sens du paragraphe 1 de l’article 14, mais relèvent de l’article 13 du Pacte. En conséquence, cette partie de la communication devrait être déclarée irrecevable ratione materiae au regard de l’article 3 du Protocole facultatif.

4.13Pour ce qui est du fond de la communication, l’auteur n’a pas suffisamment établi que son renvoi en République islamique d’Iran constituerait une violation des articles 6 et 7 du Pacte. Dans son observation générale no 6 (1982) sur le droit à la vie, le Comité traite aussi bien des éléments négatifs de ce droit que de ses éléments positifs, à savoir le droit d’une personne de ne pas être arbitrairement ou illégalement privée de sa vie par un État ou ses agents, et l’obligation des États parties d’adopter des mesures propres à protéger la vie. Selon la jurisprudence du Comité, les États parties sont soumis à l’obligation de ne pas extrader, déplacer, expulser quelqu’un ou le transférer par d’autres moyens de leur territoire lorsque cette personne courrait du fait de son expulsion un risque inévitable et prévisible de préjudice irréparable dans le pays vers lequel doit être effectué le renvoi ou dans tout pays vers lequel la personne concernée peut être renvoyée par la suite, tel le préjudice envisagé à l’article 7 du Pacte. Le Comité a précisé en outre que le risque en question devait être personnel et qu’il fallait des motifs sérieux de conclure à l’existence d’un risque réel de préjudice irréparable. Les obligations mises à la charge de l’État partie par les articles 6 et 7 du Pacte sont consacrées par lesparagraphes 1 et 2 de l’article 7 de la loi danoise sur les étrangers, qui disposent qu’un permis de séjour est accordé à un étranger s’il risque d’être condamné à mort ou soumis à la torture ou à des mauvais traitements en cas de renvoi dans son pays d’origine.

4.14Au cours de la procédure devant les autorités danoises de l’immigration, les déclarations de l’auteur sur les motifs de sa demande d’asile, à savoir la vente d’antennes paraboliques et sa conversion au christianisme, n’ont cessé d’être complétées et considérablement modifiées sur le fond. La Commission de recours des réfugiés a rejeté les nouvelles déclarations de l’auteur, estimant qu’elles étaient dépourvues de crédibilité et qu’elles avaient été fabriquées de toutes pièces pour donner à l’intéressé un motif (fictif) d’asile. En conséquence, dans sa décision du 16 janvier 2013, elle s’est vue dans l’impossibilité de considérer comme fondée l’allégation de l’auteur selon laquelle il avait été persécuté avant son départ de la République islamique d’Iran. Ce n’est que juste avant, puis pendant son audience devant la Commission du 16 janvier 2013, que l’auteur a indiqué à son conseil commis d’office qu’il avait de nouveau eu maille à partir avec les autorités après sa garde à vue au poste de police. Or, aussi bien dans sa demande d’asile que dans sa déclaration au Service danois de l’immigration, il a soutenu qu’il n’avait eu de démêlés avec les autorités ni après sa détention ni pendant la période qui avait précédé son départ. En outre, l’auteur a fait des déclarations contradictoires au sujet de son passeport et de son départ de la République islamique d’Iran. En conséquence, l’État partie estime comme la Commission de recours des réfugiés que l’auteur a fait des déclarations fabriquées et incohérentes sur cette partie des motifs de sa demande d’asile, raison pour laquelle sa déclaration ne saurait être considérée comme crédible. Dans le cadre de la procédure devant le Comité, l’auteur n’a fait état d’aucun fait nouveau essentiel en rapport avec sa situation avant son départ de la République islamique d’Iran.

4.15Dans sa décision du 16 janvier 2013, la Commission de recours des réfugiés a considéré en outre que la conversion de l’auteur n’était pas sincère. Selon l’auteur lui‑même, seuls son ami et deux ou trois autres personnes au Danemark étaient au courant de sa conversion. Pour déterminer si les activités de l’auteur au cours de son séjour au Danemark sont motivées par des convictions chrétiennes sincères, il convient notamment de se fonder sur l’évaluation des déclarations qu’il a faites au sujet de ses convictions religieuses, au regard des autres circonstances invoquées à l’appui de sa demande. Cette approche est conforme au paragraphe 95 du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le Statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ainsi qu’au paragraphe 34 d’un autre document du HCR, les Principes directeurs en matière de protection internationale : Demandes d ’ asile fondées sur la religion au sens de l ’article 1 A 2) de la Convention de 1951 et/ou du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, où l’on peut notamment lire que « [l]orsque des personnes se convertissent après leur départ de leur pays d’origine, cela peut avoir l’effet de créer une demande “sur place”. Dans de telles situations, des préoccupations particulières en termes de crédibilité ont tendance à émerger et un examen rigoureux et approfondi des circonstances et de la sincérité de la conversion sera nécessaire. ».

4.16Après avoir énuméré les éléments que la Commission danoise de recours des réfugiés prend en considération lorsqu’elle a à se prononcer sur la sincérité d’une conversion, l’État partie met en évidence des incohérences dans les déclarations de l’auteur. Au cours de la procédure qui a abouti à la décision du Service danois de l’immigration, l’auteur a indiqué qu’il était de confession musulmane chiite et n’a pas évoqué de problème lié à cette religion ou à son appartenance religieuse. Dans le formulaire de demande d’asile, il a répondu par la négative à la question de savoir si des motifs d’ordre religieux l’avaient poussé à quitter son pays d’origine. Le document d’information établi par le conseil commis d’office le 14 janvier 2013, soit deux jours avant l’audience devant la Commission de recours des réfugiés, qui était fondé sur un entretien avec l’auteur, ne contient pas de mention d’un intérêt que l’auteur aurait manifesté pour le christianisme ni de sa conversion à cette religion. Au contraire, lors de son exposé de la requête, le conseil a déclaré que l’auteur était de confession musulmane chiite. Ce n’est qu’à l’audience devant la Commission que l’auteur a fait valoir qu’il avait abjuré l’islam après avoir quitté la République islamique d’Iran.

4.17Dans sa demande de réouverture de la procédure d’asile et dans sa communication au Comité, l’auteur a étoffé ses déclarations concernant sa conversion et soumis de nouveaux éléments de preuve. Lorsqu’elle a rejeté cette demande, la Commission a tenu compte de toutes les nouvelles allégations de l’auteur, à savoir qu’il s’intéressait déjà au christianisme quand il vivait en République islamique d’Iran, mais qu’il avait eu peur de chercher à en savoir plus sur cette religion car cela aurait pu lui coûter la vie ; que pendant les cinq premiers mois qui avaient suivi son arrivée au Danemark, il n’avait pas assisté à des services religieux parce qu’il ne maîtrisait pas le danois et ne connaissait pas l’adresse de l’église ; et qu’il avait suivi des cours de catéchisme pendant quatre mois avant son baptême le 16 décembre 2012.

4.18L’État partie appelle aussi l’attention du Comité sur le fait qu’au Danemark, la question de l’importance d’une conversion, notamment de l’islam au christianisme, pour l’issue d’une procédure d’asile a donné lieu à un débat au sein du grand public et plus particulièrement parmi les demandeurs d’asile. Il est donc de notoriété publique chez les demandeurs d’asile, et les autres parties intéressées œuvrant dans ce domaine, que des renseignements faisant état d’une conversion représentent un motif de demande d’asile. On peut notamment lire au paragraphe 36 du document susmentionné du HCR intitulé Principes directeurs en matière de protection internationale que « [d]es activités “intéressées” ne créent pas de crainte fondée de persécution pour un motif prévu par la Convention dans le pays d’origine du demandeur, si la nature opportuniste de ces activités est évidente pour tous, y compris pour les autorités du pays, et que le renvoi de l’intéressé n’aurait pas de graves conséquences pour celui-ci. ».

4.19Pour ce qui est de l’allégation de l’auteur selon laquelle il existe un risque non négligeable que les autorités iraniennes apprennent qu’il s’est converti s’il n’a pas de passeport à son arrivée en République islamique d’Iran et qu’on l’interroge à ce propos, l’État partie estime que, puisque la sincérité de la conversion de l’auteur au christianisme ne peut être considérée comme établie, il n’y a aucun risque que les autorités iraniennes découvrent que l’auteur a changé de religion à son retour en République islamique d’Iran.

4.20En ce qui concerne les documents soumis à la Commission de recours des réfugiés et au Comité, dans ses décisions du 16 janvier 2013 et du 25 novembre 2014, la Commission a examiné trois des quatre documents que l’auteur a fait parvenir au Comité et trois autres documents qui n’ont pas été soumis à celui-ci. Les deux documents que l’auteur a envoyés au Comité le 16 octobre 2014 à titre de complément d’information ont donc été pris en considération lorsque la Commission de recours des réfugiés a refusé de rouvrir la procédure.

4.21En ce qui concerne les documents relatifs aux activités de l’auteur dans le domaine de la vente d’antennes paraboliques, étant donné que la déclaration de l’intéressé concernant les démêlés qu’il aurait eus avec les autorités avant son départ de la République islamique d’Iran n’est pas crédible et doit de ce fait être écartée, on ne saurait considérer comme établi que les autorités iraniennes ont tenté de poursuivre l’auteur pour ces activités. Ces documents doivent donc être considérés comme ayant été forgés de toutes pièces pour les besoins de la cause. En outre, l’État partie appelle l’attention du Comité sur le fait que l’auteur a soumis deux jugements contradictoires concernant la même affaire, à savoir la vente d’antennes paraboliques. De plus, il est étrange que l’auteur n’ait produit le jugement de juillet 2013 qu’après avoir saisi le Comité le 4 juillet 2014. Pendant une année entière, l’auteur n’a pas jugé utile de demander à la Commission de recours des réfugiés de rouvrir la procédure d’asile le concernant sur la base du jugement et de la peine prononcés en juillet 2013. L’auteur ne donne aucune explication crédible à ce sujet.

4.22En conclusion, l’État partie affirme que, lorsqu’elle a rendu sa décision, la Commission danoise de recours des réfugiés a pris en considération toutes les informations pertinentes. La communication que l’auteur a soumise au Comité ne contient pas de nouveaux arguments à l’appui de son allégation selon laquelle il risque d’être persécuté ou de subir des mauvais traitements justifiant l’octroi de l’asile s’il est renvoyé en République islamique d’Iran. Dans le cadre de la procédure interne, l’auteur a eu la possibilité de présenter ses observations aussi bien par écrit qu’oralement, avec l’assistance d’un conseil, et la Commission a procédé à un examen exhaustif et approfondi de tous les éléments de preuve produits en l’espèce. Dans sa décision de rejet de la demande de réouverture de la procédure d’asile, la Commission de recours des réfugiés a pris en considération les informations complémentaires que l’auteur a soumises au Comité. L’auteur n’a pas mis en évidence une quelconque irrégularité dans le processus décisionnel ni démontré l’existence de facteurs de risque dont la Commission n’aurait pas dûment tenu compte. Il essaie d’utiliser le Comité comme une juridiction d’appel pour obtenir un réexamen des éléments de fait invoqués à l’appui de sa demande d’asile. Or, le Comité doit accorder un poids considérable aux conclusions de la Commission, qui est mieux à même d’apprécier les faits de l’espèce. Il n’y a pas de raison de mettre en doute, et encore moins d’écarter, l’appréciation de la Commission de recours des réfugiés selon laquelle l’auteur n’a pas démontré qu’il y a des motifs sérieux de croire qu’il risquerait d’être persécuté ou de subir des mauvais traitements justifiant l’octroi de l’asile au cas où il serait renvoyé en République islamique d’Iran. Au vu de ce qui précède, l’État partie conclut que le renvoi de l’auteur vers la République islamique d’Iran ne constituerait pas une violation de l’article 6 ou de l’article 7 du Pacte.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Dans ses commentaires en date du 4 février 2016, l’auteur soulève un grief de violation des articles 7 et 13 du Pacte. En République islamique d’Iran, selon la charia, abjurer l’islam est un crime, raison pour laquelle l’auteur craint d’être persécuté au cas où il serait renvoyé dans son pays.

5.2L’article 13 du Pacte dispose que, dans le cadre d’un procès équitable, chacun devrait avoir le droit de former un recours lorsque son affaire porte sur une question de vie ou de mort. Or, la conversion de l’auteur n’a jamais été examinée par le Service danois de l’immigration ;donc, la décision prononcée le 16 janvier 2013 par la Commission de recours des réfugiés au sujet de sa conversion ne constitue pas une décision rendue en deuxième instance. En fait, la Commission a été la première − et la dernière − autorité administrative danoise à avoir examiné la question de l’authenticité de la conversion de l’auteur.

5.3Selon l’auteur, la décision de la Commission en date du 16 janvier 2013 est manifestement déraisonnable et arbitraire. Elle est arbitraire en ce qu’il y a eu différence de traitement. L’auteur a été baptisé après la décision du Service danois de l’immigration, mais avant celle de la Commission. Il a donc été traité différemment des personnes baptisées avant la décision du Service de l’immigration les concernant, lesquelles pourraient de ce fait exercer un droit de recours. Il a aussi été traité différemment des Iraniens baptisés après la décision de la Commission, qui ont donc pu demander la réouverture de la procédure d’asile les concernant en invoquant l’existence d’un nouveau motif « sur place ». Cette différence de traitement n’est ni justifiée, ni raisonnable car ce n’est qu’après la décision du Service de l’immigration que l’auteur a rencontré des chrétiens et a décidé de se convertir.

5.4Enfin, alors que la décision du 16 janvier 2013 a été rendue par les cinq membres de la Commission de recours des réfugiés, celle du 25 novembre 2014 n’a pas été prononcée par ces cinq personnes, mais elle a été signée par un membre de l’équipe juridique de la Commission − sans doute avec l’approbation du Président de la Commission. Ce n’est donc pas la Commission en tant que telle qui a décidé de rejeter la demande de l’auteur relative à la réouverture de la procédure d’asile. L’auteur aurait dû avoir la possibilité d’être entendu encore une fois par le Service danois de l’immigration, ce qui lui aurait permis d’invoquer son nouveau motif « sur place », puis de saisir la Commission de recours des réfugiés qui, en tant qu’organe de deuxième instance, aurait rendu une décision sur la question.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Dans une lettre datée du 14 juillet 2016, l’État partie a fait parvenir au Comité des observations complémentaires concernant ses observations du 5 janvier 2015. Pour ce qui est de l’examen par les autorités danoises de la demande d’asile de l’auteur, l’État partie fait tout d’abord remarquer que l’article 13 du Pacte garantit une partie de la protection prévue par l’article 14, mais pas le droit de recours. Toutefois, cet article ne consacre pas le droit d’être entendu par un tribunal. En effet, dans l’affaire Maroufidou c. Suède , le Comité n’a pas contesté le bien-fondé de l’idée selon laquelle un simple « réexamen » administratif d’une décision d’expulsion était compatible avec l’article 13 du Pacte.

6.2C’est au Président du groupe d’experts qui s’est prononcé sur le recours qu’il incombe de décider s’il y a lieu de rouvrir la procédure d’asile lorsque, d’après la teneur de la demande pertinente, il n’y a aucune raison de penser que la Commission de recours des réfugiés changerait d’avis sur la question. Le président est un juge. Le secrétariat de la Commission de recours des réfugiés aide le comité exécutif à rédiger les décisions, qui deviennent définitives une fois qu’elles ont été approuvées par le Président de la Commission. Ensuite, la décision est signée par un fonctionnaire du secrétariat et envoyée au demandeur d’asile. Ainsi, en théorie et dans la pratique, les décisions relatives aux demandes de réouverture de la procédure d’asile sont prises par le Président du groupe d’experts compétent. Le fait que la décision est signée par un fonctionnaire du secrétariat n’a aucune incidence. La législation relative à l’examen des demandes de réouverture des dossiers d’asile est donc claire et ne laisse subsister aucun doute quant à la compétence de la Commission de recours des réfugiés. Rien ne permet d’affirmer que les décisions négatives sur les demandes de réouverture de la procédure d’asile sont prises par le secrétariat de cet organe. En conséquence, le requérant n’a pas établi que sa communication était à première vue recevable au regard de l’article 13 de la Convention étant donné qu’il n’a pas suffisamment montré qu’il y avait des motifs sérieux de croire que les droits qui lui sont garantis par cet article ont été violés. Cette partie de la communication devrait donc être déclarée irrecevable pour défaut manifeste de fondement.

6.3Pour ce qui est de la prétendue conversion de l’auteur au christianisme, dans ses décisions du 16 janvier 2013 et du 25 novembre 2014, la Commission de recours des réfugiés n’a pas pu considérer comme établi que la conversion de l’auteur était sincère. Elle a estimé que cette conversion reposait sur des motifs d’asile forgés de toutes pièces pour la circonstance. Le fait qu’un demandeur d’asile a été baptisé et qu’il a pris part à différentes activités religieuses ne suffit pas à lui seul à établir la probabilité que sa conversion soit réelle. La Commission de recours des réfugiés procède à une appréciation générale de tous les éléments de l’espèce lorsque le demandeur d’asile dit s’être converti. Les déclarations figurant dans les lettres de soutien émanant de membres de la communauté religieuse concernée n’ont pas d’incidence sur cette appréciation. Il n’existe toujours pas d’élément de preuve corroborant la déclaration faite par l’auteur dans sa communication selon laquelle il a commencé à aller régulièrement au culte et à suivre des cours de catéchisme cinq mois après son arrivée au Danemark, ni de preuve qu’avant son baptême, il a suivi quatre mois de cours consacrés à l’étude de la Bible.

6.4La Commission danoise de recours des réfugiés a accordé l’asile dans nombre d’affaires dans lesquelles elle a estimé que la conversion était sincère et que l’intéressé continuerait de pratiquer sa nouvelle religion à son retour dans son pays d’origine et courrait donc un risque de persécution suffisamment important pour qu’il soit justifié de lui accorder l’asile. Elle a aussi rouvert des procédures dans des cas où de nouveaux éléments avaient été produits après la première audience.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité prend note de l’affirmation de l’auteur selon laquelle il a épuisé tous les recours internes utiles qui lui étaient ouverts. En l’absence de toute objection de la part de l’État partie sur ce point, le Comité estime que les dispositions du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne l’empêchent pas d’examiner la communication.

7.4Le Comité relève que l’auteur se dit victime de violation de l’article 6 du Pacte mais qu’il ne formule aucun argument à l’appui de cette affirmation. Le Comité considère donc que cette partie de la communication n’a pas été suffisamment étayée aux fins de la recevabilité et la déclare irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.5Le Comité prend acte des griefs que l’auteur tire de l’article 14 du Pacte. À ce propos, il renvoie à sa jurisprudence et rappelle que les procédures d’expulsion d’étrangers n’impliquent pas de décision sur des « droits et obligations de caractère civil » au sens de l’article 14 du Pacte, mais relèvent de l’article 13 de cet instrument. L’article 13 offre une partie de la protection prévue par l’article 14 du Pacte, mais il ne consacre pas expressément le droit de saisir les tribunaux d’un recours. Le Comité considère donc que le grief tiré de l’article 14 est insuffisamment étayé aux fins de la recevabilité et le déclare irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.6Le Comité prend note en outre de l’allégation de l’auteur selon laquelle la décision de la Commission danoise de recours des réfugiés de ne pas rouvrir la procédure d’asile constitue une violation des droits qui lui sont garantis par les articles 7 et 13 du Pacte, au motif que cette décision a été adoptée par le Président du groupe d’experts chargé d’examiner le recours, qui est membre du secrétariat, sans que l’auteur se voie offrir la possibilité d’être réentendu ou de contester ladite décision. Le Comité considère toutefois que l’auteur n’a pas montré en quoi cela a porté atteinte aux droits qu’il tient des dispositions en question. Le Comité estime donc que ce grief n’a pas été suffisamment étayé aux fins de la recevabilité et le déclare irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.7Enfin, le Comité relève que l’État partie conteste la recevabilité de la communication au motif que le grief que l’auteur tire de l’article 7 du Pacte et qui est fondé sur l’existence supposée d’une menace pour son intégrité est insuffisamment étayé. Le Comité considère néanmoins qu’aux fins de la recevabilité, l’auteur a expliqué de manière convaincante pourquoi il craint que son expulsion vers la République islamique d’Iran ne lui fasse courir un risque de traitement contraire à l’article 7 du Pacte en raison de sa conversion au christianisme. En conséquence, le Comité déclare la communication recevable en ce qu’elle soulève des questions au regard de l’article 7, et procède à son examen au fond.

Examen au fond

8.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

8.2Le Comité prend note de l’affirmation de l’auteur selon laquelle son renvoi en République islamique d’Iran l’exposerait à un risque de préjudice irréparable et constituerait de ce fait une violation de l’article 7 du Pacte. L’auteur a affirmé qu’il risquait d’être persécuté par les autorités iraniennes parce qu’il avait abjuré l’islam en se convertissant au christianisme.

8.3Le Comité rappelle son observation générale no 31 (2004) sur la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, dans laquelle il mentionne l’obligation faite aux États parties de ne pas extrader, déplacer, expulser quelqu’un ou le transférer par d’autres moyens de leur territoire s’il existe des motifs sérieux de croire qu’il y a un risque réel de préjudice irréparable tel que celui envisagé aux articles 6 et 7 du Pacte (par. 12). Le Comité a précisé en outre qu’un tel risque devait être personnel et qu’il fallait des motifs sérieux de conclure à l’existence d’un risque réel de préjudice irréparable. C’est pourquoi tous les faits et circonstances pertinents doivent être pris en considération, notamment la situation générale des droits de l’homme dans le pays d’origine de l’auteur. Le Comité rappelle qu’il appartient généralement aux organes des États parties d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée afin de déterminer l’existence d’un tel risque, à moins qu’il ne soit établi que cette appréciation a été clairement arbitraire ou manifestement erronée, ou qu’elle a constitué un déni de justice.

8.4Le Comité prend note de la conclusion de la Commission danoise de recours des réfugiés selon laquelle l’auteur n’a pas montré qu’il risquerait d’être persécuté ou maltraité par les autorités iraniennes en raison de sa conversion, des jugements qui auraient été rendus par contumace par les tribunaux iraniens, de sa participation à des manifestations au Danemark et du fait qu’il n’est pas titulaire d’un passeport iranien en cours de validité. Le Comité relève en outre que la Commission a considéré que, même s’il a produit un certificat de baptême et des lettres de soutien, l’auteur n’a pas suffisamment montré que sa conversion était sincère. À ce propos, le Comité prend note des incohérences dans les déclarations de l’auteur, mises en évidence par la Commission.

8.5Le Comité considère à cet égard que lorsqu’un demandeur d’asile affirme s’être converti à une autre religion après le rejet de sa demande d’asile initiale dans le pays d’asile, il est raisonnable que les États parties procèdent à un examen approfondi des circonstances de la conversion. Le critère pour le Comité reste cependant celui de savoir si, indépendamment de la sincérité de la conversion, il y a des motifs sérieux de croire qu’une telle conversion peut avoir des conséquences négatives graves dans le pays d’origine, de nature à créer un risque réel de préjudice irréparable tel que celui envisagé par les articles 6 et 7 du Pacte. En conséquence, même lorsqu’elles concluent que la conversion dont il est fait état n’est pas sincère, les autorités devraient évaluer si, dans les circonstances de l’affaire, le comportement du demandeur d’asile et les activités auxquelles il s’est livré en lien avec sa conversion ou pour la justifier, notamment en fréquentant une église, en étant baptisé ou en faisant du prosélytisme, pourraient avoir des conséquences négatives graves dans le pays d’origine, de nature à l’exposer à un risque de préjudice irréparable.

8.6En l’espèce, le Comité relève que les autorités de l’État partie ne contestent pas que l’auteur a été baptisé le 16 décembre 2012 et qu’il participe à des activités religieuses. Cependant, la Commission de recours des réfugiés a souligné que l’auteur n’avait pratiquement pas de connaissances sur la foi chrétienne. Elle a estimé en outre que, compte tenu de sa crédibilité globale et des incohérences dans ses déclarations concernant le moment où il a décidé de se convertir au christianisme et concernant sa participation à des activités religieuses, l’auteur n’avait pas établi que sa conversion était sincère. Elle a aussi relevé la déclaration de l’auteur selon laquelle seuls son ami et deux ou trois autres personnes au Danemark étaient au courant de sa conversion. L’État partie considère, donc, qu’il n’y a aucun risque que les autorités iraniennes apprennent que l’auteur s’est converti s’il arrive en République islamique d’Iran sans passeport valable car sa conversion n’est pas sincère.

8.7Pour ce qui est des autres allégations de l’auteur, le Comité relève qu’après avoir examiné les convocations et les jugements qui auraient été adressés à l’auteur par les tribunaux iraniens, les autorités danoises ont exprimé des réserves sur l’authenticité de ces documents, considérant que les condamnations dont l’auteur a dit avoir fait l’objet avaient été forgées de toutes pièces. Les autorités danoises ont aussi examiné les photos publiées par l’auteur sur sa page Facebook ainsi que les photos de lui qui ont été prises pendant des manifestations devant l’Ambassade de la République islamique d’Iran à Copenhague, mais elles ont considéré qu’il n’avait pas montré qu’en raison de ces activités et de sa participation à ces manifestations, il présentait un intérêt pour les autorités iraniennes.

8.8Le Comité relève en outre que, bien que l’auteur conteste l’appréciation et les conclusions des autorités danoises concernant le risque de préjudice qu’il courrait s’il était renvoyé en République islamique d’Iran, il n’a produit aucun élément de preuve à l’appui de ses allégations au titre de l’article 7 du Pacte. Le Comité relève également que les informations dont il est saisi montrent que l’État partie a pris en considération tous les éléments dont il disposait pour évaluer le risque couru par l’auteur et que l’auteur n’a mis en évidence aucune irrégularité dans le processus de prise de décisions. Le Comité souligne en outre que, bien qu’il conteste les conclusions de fait des autorités de l’État partie et leur décision de ne pas rouvrir son dossier, l’auteur n’a pas montré que la décision du 25 novembre 2014 était arbitraire ou manifestement erronée, ni qu’elle constituait un déni de justice. Le Comité estime dès lors que les preuves et les circonstances invoquées par l’auteur ne constituent pas des motifs suffisants de croire qu’il courrait personnellement un risque réel de traitement contraire à l’article 7 du Pacte. Compte tenu de ce qui précède, le Comité est dans l’impossibilité de conclure que les informations dont il est saisi montrent que les droits garantis à l’auteur par l’article 7 du Pacte seraient violés si l’intéressé était renvoyé en République islamique d’Iran.

9.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate que les faits dont il est saisi ne lui permettent pas de conclure que l’expulsion de l’auteur vers la République islamique d’Iran, s’il y était procédé, violerait les droits garantis à l’intéressé par l’article 7 du Pacte.