* Adoptées par le Comité à sa soixante-neuvième session (19 février-9 mars 2018).

Observations finales concernant le cinquième rapport périodique des Fidji *

Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique des Fidji (CEDAW/C/FJI/5) lors de ses 1578e et 1579e réunions (voir CEDAW/C/SR.1578 et CEDAW/C/SR.1579), le 23 février 2018. La liste de points établie par le Comité figure dans CEDAW/C/FJI/Q/5 et les réponses des Fidji dans CEDAW/C/FJI/Q/5/Add.1.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le cinquième rapport périodique de l’État partie. Il le remercie de son rapport sur la suite donnée aux observations finales du Comité (CEDAW/C/FJI/CO/4/Add.1) et des réponses écrites apportées à la liste de points établie par le groupe de travail d’avant-session, complétées oralement par la délégation, et des éclaircissements complémentaires donnés en réponse aux questions orales posées par le Comité pendant le dialogue.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau, conduite par la Ministre chargée du droit des femmes, des enfants et de la lutte contre la pauvreté, Mereseini Vuniwaqa, et comprenant des représentants du Ministère du droit des femmes, des enfants et de la lutte contre la pauvreté, du Ministère de l’éducation, du patrimoine et des arts, du Bureau du Procureur général, du Ministère de la santé et des services médicaux, du Ministère des affaires étrangères et de la Mission permanente des Fidji auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité se félicite des progrès accomplis en matière de réformes législatives depuis qu’il a examiné le rapport valant deuxième à quatrième rapports périodiques (CEDAW/C/FJI/2-4) de l’État partie en 2010, en particulier de l’adoption des textes suivants :

a)Le décret portant modification de la loi sur la famille, en 2012 ;

b)Législation visant à dépénaliser les relations homosexuelles consenties, en 2010.

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et ses politiques visant à accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et à promouvoir l’égalité des sexes, notamment l’adoption des textes ci-après :

a)La politique nationale d’égalité des sexes, en février 2014 ;

b)Le plan d’action en faveur des femmes pour la période 2010-2019.

Le Comité se félicite qu’au cours de la période écoulée depuis l’examen du précédent rapport, l’État partie ait ratifié les instruments internationaux suivants, ou y ait adhéré :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2017 ;

b)La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2016 ;

c)Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en 2017.

Objectifs de développement durable

Le Comité salue l’attachement de l’État partie à la réalisation des objectifs de développement durable. Il rappelle l’importance de l’indicateur 5.1.1 et félicite l’État partie des mesures qu’il a prises pour exécuter des politiques de développement durable et de l’importance qu’il attache à l’objectif 13 et aux mesures de lutte contre les changements climatiques.

C.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s’agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir la déclaration faite par le Comité sur ses relations avec les parlementaires, adoptée à la quarante ‑ cinquième session, en 2010). Il invite le Parlement, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Ratification du Protocole facultatif

Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’a toujours pas ratifié le Protocole facultatif à la Convention, bien qu’il ait accepté les recommandations dans ce sens formulées dans le cadre de l’Examen périodique universel en 2010 et en 2014.

Le Comité recommande à l’État partie de ratifier d’urgence le Protocole facultatif à la Convention.

Visibilité de la Convention

Le Comité note avec satisfaction que la Haute Cour a appliqué la Convention dans quatre jugements (voir CEDAW/C/FJI/Q/5/Add.1, par. 6). Cependant, il trouve préoccupant que le public comme les juristes connaissent mal la Convention et les observations finales et les recommandations générales du Comité.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De mieux faire connaître la Convention, en collaboration avec les médias, en mettant l’accent sur la notion d’égalité effective  ;

b) De veiller à ce que la Convention soit abordée lors de la formation des membres de l’appareil judiciaire, des avocats, du personnel des forces de l’ordre, des enseignants, des travailleurs sociaux, du personnel médical et des membres d’autres catégories professionnelles concernées.

Définition de l’égalité et de la non-discrimination

Le Comité note que la discrimination fait l’objet d’une interdiction générale à l’alinéa 3 de l’article 26 de la Constitution, qui comprend la discrimination fondée sur le sexe, ainsi que d’une interdiction dans la loi sur les relations de travail. Il constate toutefois avec préoccupation que la législation de l’État partie ne comprend ni définition de la discrimination à l’égard des femmes, mentionnée aux articles 1 et 2 de la Convention, ni de loi complète sur l’égalité des femmes et des hommes.

Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur la cible 5.1 des objectifs de développement durable visant à mettre fin, partout dans le monde, à toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et des filles, et lui recommande d’adopter une législation complète pour la lutte contre la discrimination et pour l’égalité des sexes définissant la discrimination à l’égard des femmes, y compris la discrimination directe et indirecte dans les sphères publique et privée, conformément à l’article 1 de la Convention, ainsi que les formes croisées de discrimination. Cette législation devra aussi prévoir des sanctions et des indemnisations en cas de violation de l’interdiction de la discrimination et fournir une base juridique aux mesures temporaires spéciales.

Accès à la justice

Le Comité note avec préoccupation que l’accès des femmes à la justice est fortement entravé à certains égards par :

a)La possibilité prévue par la Constitution de limiter des droits garantis, qui est trop générale et entraîne une privation arbitraire des droits ;

b)L’octroi par la Constitution de l’immunité aux auteurs de violations des droits de l’homme commises sous le régime militaire provisoire, qui empêche les victimes d’accéder à la justice et de bénéficier de réparations, ce qui pourrait retarder une véritable réconciliation sociale ;

c)Le fait que les décisions du Gouvernement militaire provisoire ne peuvent être contestées devant les tribunaux.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’abroger les dispositions de l’alinéa 5 de l’article 6 de la Constitution sur la limitation de droits garantis  ;

b) De respecter le droit international des droits de l’homme interdisant d’accorder l’immunité aux responsables de violations graves des droits de l’homme, de traduire en justice les transgresseurs et d’abroger l’interdiction faite par la loi de contester les décisions du Gouvernement militaire provisoire  ;

c) De favoriser une culture de dialogue avec les organisations de la société civile en respectant pleinement la liberté d’expression, d’association et de réunion.

Mécanisme national de promotion de la femme

Le Comité, tout en notant avec satisfaction les progrès accomplis grâce au plan d’action en faveur des femmes pour la période 2010-2019 et à l’adoption en 2014 d’une politique nationale sur la problématique femmes-hommes pour l’application du plan d’action, est néanmoins préoccupé par ce qui suit :

a)La coordination au sein même du mécanisme national et avec les partenaires externes, en particulier les organisations non gouvernementales (ONG) œuvrant en faveur des droits des femmes, est extrêmement faible et inefficace, ce qui affaiblit les efforts déjà insuffisants de prise en compte systématique du souci de l’égalité des sexes ;

b)Les ressources allouées à la Fédération des femmes fidjiennes sont extrêmement limitées, le plan d’action n’est que peu appliqué, la compétence du mécanisme n’est pas claire et il n’existe pas de dispositif de suivi et d’évaluation de l’application de la politique nationale relative à l’égalité des sexes.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer et de clarifier le dispositif de coordination des différentes composantes du mécanisme national en définissant clairement leur mandat et leurs responsabilités concernant les droits des femmes, de suivre et d’évaluer régulièrement cette coordination et d’augmenter sensiblement les ressources humaines, techniques et financières allouées au mécanisme national  ;

b) De renforcer les dispositifs de responsabilisation devant permettre de réaliser l’égalité des sexes et de mener systématiquement des évaluations des incidences pour les femmes et les hommes, en consultation avec le mécanisme national  ;

c) De mobiliser toutes les ressources humaines et financières nécessaires et d’appliquer une stratégie de prise en compte systématique du souci de l’égalité des sexes dans tous les organismes publics.

Institution nationale de défense des droits de l’homme

Le Comité note avec satisfaction les importants travaux menés par la Commission des droits de l’homme et de la lutte contre la discrimination. Il constate toutefois avec préoccupation que cette Commission ne peut recevoir de plaintes concernant la licéité des lois adoptées entre 2006 et 2013. Il est également préoccupé par les conséquences de l’abrogation de la précédente Constitution et du coup d’État de 2006 sur les droits des femmes. Il note en outre avec préoccupation que la Commission n’est pas indépendante en raison des règles régissant la nomination et le renvoi de ses membres.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De mettre la Commission des droits de l’homme et de la lutte contre la discrimination en pleine conformité avec les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) et de modifier les règles régissant la nomination et le renvoi des membres de celle-ci pour lui permettre de s’acquitter de son mandat de manière indépendante  ;

b) De conférer à la Commission la compétence de recevoir et d’instruire les plaintes concernant des violations présumées des droits de la personne, en particulier des femmes, notamment en ce qui concerne les lois adoptées entre 2006 et 2013.

Organisations non gouvernementales, défenseuses des droits de l’homme et journalistes

Le Comité note que l’État partie coopère avec les ONG dans certains domaines, mais il demeure préoccupé par :

a)L’obligation pour les ONG travaillant sur les droits des femmes de se faire enregistrer auprès de la Fédération des femmes fidjiennes et de demander un permis à cette dernière ;

b)La possibilité d’imposer des restrictions à la liberté d’expression, de réunion et d’association en vertu de la Constitution, du décret portant modification de la loi sur l’ordre public de 2012 et du décret sur le développement des médias de 2010, qui s’ajoute au fait que le projet de loi de 2016 sur les pouvoirs et privilèges parlementaires pourrait renforcer ces restrictions, a des incidences négatives sur le travail des ONG, des défenseuses des droits de l’homme et des journalistes militant pour les droits des femmes et pourrait les réduire au silence.

Le Comité rappelle à l’État partie le rôle important de la société civile, y compris les organisations de défense des droits des femmes, les défenseuses des droits de l’homme et les médias, dans la promotion de la mise en œuvre de la Convention. Il recommande à l’État partie  :

a) De faciliter l’enregistrement des ONG  ;

b) De revoir le décret portant modification de la loi sur l’ordre public et d’abroger les restrictions injustifiées imposées à la société civile et à la presse, afin que les ONG, y compris les organisations de défense des droits des femmes, les défenseuses des droits de l’homme et les journalistes puissent véritablement agir.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité note que les ministères appliquent des programmes d’action positive pour parvenir à l’égalité effective. Cependant, il note également que l’État Partie n’a qu’une compréhension limitée de la nature et de l’importance des mesures temporaires spéciales visant à accélérer la réalisation de l’égalité effective entre femmes et hommes.

Le Comité recommande à l’État partie d’évaluer l’impact des programmes d’action positive, y compris ceux qui ont un caractère temporaire, et d’envisager de recourir à des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales. Il lui recommande d’adopter et d’appliquer des mesures de ce type, y compris des quotas, dans tous les domaines où les femmes sont sous-représentées ou défavorisées, notamment sur le marché du travail et dans la vie politique. Il lui recommande également de sensibiliser le public au caractère non discriminatoire et à l’importance des mesures temporaires spéciales pour la réalisation de l’égalité effective entre femmes et hommes.

Stéréotypes

Le Comité est préoccupé par la prévalence de stéréotypes discriminatoires profondément ancrés concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, qui, non seulement ont une incidence négative sur les femmes de tous les horizons et perpétuent leur position inférieure dans la familleet dans la société, mais constituent également un terrain propice à la violence sexiste à l’égard des femmes dans les sphères privée et publique.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une stratégie globale visant à éliminer les stéréotypes discriminatoires concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, en coopération avec les organisations de la société civile, en particulier les associations de femmes, les chefs communautaires, les enseignants et les médias, afin de faciliter et d’accélérer les changements sociaux nécessaires et de créer un environnement favorable à l’égalité des sexes.

Violence sexiste à l’égard des femmes

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour éliminer la violence sexiste à l’égard des femmes, notamment la création d’un service national gratuit d’assistance téléphonique en cas de violence familiale. Il est toutefois préoccupé par l’incidence de la violence sexiste dans l’État partie, qui continue d’être la plus élevée de la région. Il note également avec préoccupation :

a)Le sous-signalement des cas de violence sexiste à l’égard des femmes en raison de la réprobation sociale, des pressions de la société en faveur des procédures traditionnelles fondées sur les excuses et la réconciliation, telles que le bulubulu, et de la méfiance vis-à-vis du système judiciaire ;

b)La prévalence des discours haineux envers les femmes dans la société et les médias ;

c)Le coût de la violence sexiste sur le plan économique, qui a été estimé à 7 % du PIB ;

d)Le fait que les agents de la force publique continuent de percevoir la violence familiale comme une affaire privée, comme l’illustre la tendance à orienter les femmes victimes de violence sexiste vers le tribunal chargé des affaires familiales ; l’intimidation des victimes par la police ; la réticence à adhérer à la politique de non-renonciation, en vertu de laquelle les affaires qui sont portées devant les tribunaux sont jugées, même lorsque l’auteur des faits s’est vu accorder un pardon coutumier, ou à obtenir des ordonnances de protection dans les affaires de violence familiale ; le fait que, malgré la politique de tolérance zéro, les victimes sont encouragées à recourir aux procédures traditionnelles d’excuse et de réconciliation ;

e)Le fait que les auteurs d’actes de violence sexiste à l’égard des femmes restent souvent impunis ou sont condamnés à des peines légères du fait que les stéréotypes sexistes soient répandus au sein du système judiciaire, comme l’idée que l’homme est le seul soutien de famille, et de pratiques comme celle qui consiste à accorder une réduction de peine pour une première condamnation ;

f)Les attitudes discriminatoires du personnel médical, la fréquente incapacité à répondre aux besoins médicaux des victimes de violence sexiste et l’accès très limité des victimes de viol à la contraception d’urgence et à la prophylaxie post-exposition ;

g)L’offre limitée de services de soutien, y compris de lieux d’accueil adaptés, pour les femmes victimes de violence sexiste ;

h)L’augmentation de la violence sexiste dans les situations de catastrophe et après les catastrophes.

Compte tenu de la recommandation générale n o 35 (2017) sur la violence sexiste à l’égard des femmes, portant actualisation de la recommandation générale n o 19, et rappelant l’objectif de développement durable 5.2 tendant à éliminer de la vie publique et de la vie privée toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles, y compris la traite et l’exploitation sexuelle et d’autres types d’exploitation, le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour lutter contre la violence sexiste à l’égard des femmes et ses causes profondes, et  :

a) De mener à bien des programmes de sensibilisation en collaboration avec les enseignants et les médias, y compris les médias sociaux, pour faire comprendre que la violence sexiste constitue une violation des droits de l’homme, faire en sorte que les femmes et les filles connaissent leurs droits et encourager les victimes et les témoins à signaler les cas de violence  ;

b) D’encourager les médias à adopter des codes de déontologie qui intègrent le respect des principes de la non-discrimination et de l’égalité des sexes consacrés par la Convention  ;

c) D’adopter un plan d’action national pour la prévention de la violence sexiste  ;

d) De renforcer la formation des agents de la force publique afin que les victimes ne soient en aucun cas forcées à accepter les méthodes traditionnelles de règlement des différends en lieu et place de poursuites pénales contre le transgresseur ou pressées de le faire  ;

e) De renforcer encore la formation des agents de la force publique à la stricte application des dispositions pénales sur la violence sexiste à l’égard des femmes, de veiller au respect de la politique de non-renonciation aux poursuites et à l’adoption d’ordonnances de protection dans les cas de violence familiale, d’augmenter le nombre de femmes dans la police et de mettre en place un mécanisme permettant aux victimes qui signalent des violences de déposer une plainte en cas de harcèlement, de menaces ou de pressions de la part des agents des forces de l’ordre  ;

f) De veiller à ce que les peines prononcées contre les auteurs d’actes de violence sexiste soient à la mesure de la gravité de ces actes et à ce qu’aucune réduction de peine ne soit accordée en raison de perceptions patriarcales des rôles des hommes et des femmes ou de tout autre critère non pertinent, comme le fait qu’il s’agit d’une première condamnation  ;

g) De dispenser au personnel de santé une formation adéquate sur la Convention et sur les droits des femmes victimes de violence sexiste et de délivrer systématiquement aux victimes de viol une contraception d’urgence et une prophylaxie post-exposition  ;

h) De mettre en place des services appropriés pour les femmes et les filles victimes de violence sexiste, y compris des centres d’accueil suffisamment équipés, une assistance médicale, un soutien psychologique et des services de réadaptation, et de soutenir comme il convient les organisations de la société civile qui fournissent ce type de services  ;

i) De créer un fonds pour garantir que les femmes victimes de violence sexiste aient accès à des réparations, même si l’agresseur est indigent  ;

j) D’aider les femmes qui ne seraient pas en sécurité si elles retournaient chez elles à se construire une vie indépendante, au moyen d’un soutien psychosocial, de la formation professionnelle, d’activités génératrices de revenus et de mesures de protection, y compris, si nécessaire, le changement d’identité  ;

k) D’élaborer des politiques tenant compte de la problématique femmes ‑ hommes et de faire en sorte que les femmes participent à l’élaboration et à l’exécution des plans de préparation et d’intervention en cas de catastrophe.

Le Comité est vivement préoccupé par le nombre élevé de cas de violences sexuelles commises contre des filles, souvent en toute impunité, notamment en raison de la définition du consentement, qui n’écarte pas totalement l’obligation de prouver la résistance, et du vague moyen de défense concernant les relations sexuelles avec un enfant âgé de 13 à 16 ans, consistant à invoquer « des motifs raisonnables de croire » que la victime avait 16 ans ou plus. Il est aussi très préoccupé par les cas où les filles victimes de viol sont contraintes d’épouser l’agresseur et par l’idée très répandue que les filles sont des marchandises.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De criminaliser les atteintes sexuelles sur mineur en toutes circonstances  ;

b) De veiller à ce que l’agression sexuelle, y compris le viol, soit définie comme l’absence de libre consentement, en tenant compte de toute contrainte découlant des simples circonstances  ;

c) De veiller, en cas de violences sexuelles sur enfant, à ce que la charge de la preuve concernant les circonstances atténuantes relatives à l’âge de la victime incombe à l’auteur présumé des faits  ;

d) De faire respecter l’interdiction du mariage des enfants, d’interdire toutes les formes de pression exercées sur les victimes de viol pour qu’elles épousent l’auteur du viol et de redoubler d’efforts pour poursuivre et punir les transgresseurs et les complices en cas de mariages d’enfants  ;

e) De promouvoir une image positive des filles et leur potentiel en tant que participantes actives au développement plutôt que de le s présenter comme des marchandises.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité constate avec satisfaction que les Fidji ont ratifié en 2017 le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfantset qu’elles ont mis en place des visas de travail et des permis de travail temporaires et créé un refuge accueillant les victimes de la traite pendant les investigations. Cependant, il note avec préoccupation :

a)Que le système d’identification des victimes est inopérant, en particulier pour les femmes qui se prostituent, les étrangères travaillant dans des spas et les membres d’équipage de navires transitant par l’État partie ;

b)Que peu de poursuites sont engagées et peu de condamnations prononcées dans les affaires de traite, malgré le nombre élevé de victimes signalées.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De renforcer les dispositifs destinés à identifier, protéger et aider les victimes de la traite et de l’exploitation sexuelle et à leur fournir une aide juridique  ;

b) De réaliser une étude sur les parties qui tirent profit de la traite de travailleurs et qui utilisent des structures de l’État partie qui pourraient contribuer à ce trafic, sur le nombre de victimes et sur les facteurs qui les rendent vulnérables à la traite de manière à corriger la situation et à démanteler les structures en cause  ;

c) D’intensifier les programmes de formation et de sensibilisation de la police des frontières, des services de l’immigration et des autres services des forces de l’ordre quant au rôle qu’ils doivent jouer dans la prévention et la répression des femmes et des filles  ;

d) De renforcer les mesures de réinsertion durable des victimes de la traite.

Le Comité constate avec préoccupation :

a)Qu’un grand nombre de femmes sont contraintes de recourir à la prostitution faute de travail, parce que les pères ne versent pas de pension alimentaire et à cause de la pauvreté ;

b)Que les femmes qui se prostituent sont considérées avec mépris par la société et par le personnel de santé, et qu’elles sont en butte à la violence et aux mauvais traitements de la police ;

c)Que des filles ont été vendues à des fins de prostitution ou de travail forcé au lendemain du cyclone Winston en 2016 et que l’industrie de la prostitution enfantine est en expansion.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De revoir la législation et la réglementation en vigueur de manière à dépénaliser les activités des femmes qui se prostituent  ;

b) De lutter contre tous les facteurs pouvant pousser ou amener une femme à se prostituer, notamment en veillant à ce que les femmes sans ressources aient accès à la protection sociale et à ce que les pensions alimentaires soient dûment versées et en constituant un fonds qui permette aux femmes de recevoir une pension alimentaire lorsque le père du ou des enfants est lui-même sans ressources  ;

c) De fournir des services sociaux et des services de santé aux femmes qui se prostituent  ;

d) D’organiser des campagnes d’éducation et de sensibilisation du grand public, en particulier des hommes et des garçons, de manière à faire diminuer la demande à l’égard de la prostitution et de combattre tous les préjugés sur la subordination des femmes et toute réification de celles-ci  ;

e) D’affecter des ressources suffisantes aux programmes de reconversion des femmes voulant sortir de la prostitution, qui consistent notamment à donner accès à celles-ci de nouvelles activités génératrices de revenus et à leur offrir des formations professionnelles et un soutien financier pour la durée de ces formations, jusqu’à ce qu’elles choisissent un métier  ;

f) De prendre des mesures immédiates pour libérer toutes les filles liées par la prostitution ou le travail forcé et leur donner des réparations et des possibilités de réadaptation, et d’étudier tous les facteurs favorisant la prostitution enfantine et de s’y attaquer.

Participation à la vie publique et politique

Le Comité salue l’augmentation de la représentation des femmes dans la vie politique et constate avec satisfaction que le Parlement est présidé par une femme. Il constate cependant avec préoccupation que la participation des femmes à la vie politique demeure faible et que seules deux femmes travaillent actuellement dans les services diplomatiques de l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De sensibiliser le publi c au fait que les femmes doivent participer de façon pleine et entière, libre et démocratique à la vie publique et politique, sur un pied d’égalité avec les hommes, pour jouir pleinement de leurs droits fondamentaux  ;

b) De renforcer les capacités des candidates à des fonctions publiques de faire campagne et d’exercer des responsabilités politiques  ;

c) De mettre en place des mesures temporaires spéciales, notamment d’imposer aux partis politiques un quota d’au moins 30  % de femmes sur leurs listes électorales, et de recruter, de soutenir financièrement et de former des femmes afin qu’elles se présentent à des fonctions publiques, en particulier aux niveaux où se prennent les décisions.

Éducation

Le Comité prend note avec satisfaction du taux élevé de scolarisation des filles. Il relève toutefois avec préoccupation que :

a)La pauvreté limite l’accès à l’enseignement secondaire et supérieur de nombreuses filles vivant en zone rurale ;

b)Le programme scolaire ne prévoit pas d’éducation sexuelle complète adaptée à l’âge des élèves, ni de sensibilisation aux pratiques préjudiciables et à la violence sexiste dont sont victimes les femmes et les filles, ce qui accroît d’autant la forte proportion de violences sexuelles et de grossesses précoces ;

c)Les filles enceintes sont souvent forcées d’abandonner l’école ;

d)Les femmes et les filles sont concentrées dans des filières traditionnellement réservées aux femmes et sont sous-représentées dans les sciences et les technologies ;

e)Plusieurs écoles n’ont pas encore été remises en état après le passage du cyclone Winston et les cours sont provisoirement dispensés dans des tentes ;

f)Les élèves lesbiennes, bisexuels et transgenres sont victimes de harcèlement, notamment en ligne.

Rappelant sa recommandation générale n o 36 (2017) sur le droit des filles et des femmes à l’éducation, le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures législatives et stratégiques qui s’imposent et de déployer des ressources suffisantes pour  :

a) Réduire les frais indirects liés à l’éducation et fournir le matériel pédagogique voulu aux enfants défavorisés et des bourses d’études aux femmes vivant dans la pauvreté afin qu’elles puissent accéder à l’enseignement supérieur  ;

b) De veiller à incorporer dans les programmes scolaires une éducation portant sur la santé sexuelle et reproductive et sur les droits en la matière, ainsi que sur les comportements sexuels responsables, en mettant l’accent sur la prévention des grossesses précoces et des infections sexuellement transmissibles  ;

c) D’offrir aux filles un cadre éducatif sûr et exempt de discrimination et de violence sexuelle et inscrire l’éducation à la non-violence au programme scolaire  ;

d) De veiller à ce qu’aucune pression ne soit exercée sur les adolescentes enceintes pour les pousser à quitter l’école ou à changer de cursus et de mettre en place une politique de réintégration des mères adolescentes  ;

e) De combattre les stéréotypes traditionnels et les obstacles structurels qui peuvent dissuader les filles de s’inscrire dans des filières traditionnellement masculines, de fournir aux filles des services d’orientation professionnelle, des bourses et d’autres incitatifs pour qu’elles s’orientent vers des domaines scientifiques et techniques, notamment vers la météorologie, la réduction des risques de catastrophes et les changements climatiques et de veiller à ce que les programmes de formation des enseignants traitent des stéréotypes  ;

f) De veiller à ce que les écoles détruites ou endommagées lors de catastrophes soient rapidement rénovées ou reconstruites conformément aux normes de résilience face aux catastrophes et soient doté e s d’installations sanitaires et d’assainissement appropriées  ;

g) D’adopter une politique de lutte contre le harcèlement et de mettre en place des mesures de sensibilisation efficaces dans les écoles afin de prévenir toutes les formes de harcèlement et de violence visant les élèves, notamment les élèves lesbiennes, bisexuels et transgenres.

Emploi

Le Comité prend note que la proportion de femmes dans la population active augmente, mais souligne avec inquiétude que celle-ci reste démesurément faible, en particulier chez les Indo-Fidjiennes. Il constate également avec préoccupation ce qui suit :

a)L’écart de rémunération entre les sexes est le plus marqué de la région ;

b)Les femmes sont souvent en butte à une ségrégation professionnelle doublée d’une différence de rémunération, elles sont concentrées dans les emplois peu rémunérateurs, dans l’économie informelle ou dans le travail non rémunéré, et au sein d’un même secteur, des écarts de rémunération subsistent ;

c)Les femmes représentent 90 % des travailleurs du secteur du vêtement et perçoivent un salaire inférieur au salaire minimum national, et les vendeuses des marchés travaillent dans des conditions extrêmement difficiles ;

d)La progression enregistrée par les filles dans le domaine de l’éducation ne se traduit pas sur le marché de l’emploi parce que le secteur privé préfère largement engager des hommes ;

e)Les femmes ne bénéficient pas d’autant de possibilités de promotion que les hommes ;

f)Certains secteurs ne sont pas tenus d’accorder un congé maternité rémunéré, il a été signalé que des femmes travaillant dans le secteur privé ont été licenciées en raison de leur grossesse et il n’existe pas de congé paternité dans l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter et d’exécuter des politiques comprenant des cibles et des indicateurs assortis d’échéances, de développer les débouchés s’offrant aux femmes dans le secteur formel, de mettre fin à la ségrégation professionnelle et de parvenir à l’égalité réelle sur le marché de l’emploi. Il recommande également à l’État partie  :

a) D’adopter et de faire respecter le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale en adoptant une nouvelle loi sur les relations industrielles et d’examiner régulièrement les salaires dans les secteurs majoritairement féminins  ;

b) D’améliorer les conditions de travail des vendeuses sur les marchés  ;

c) De mettre en place des mesures temporaires spéciales pour remédier à la ségrégation verticale et de veiller à ce que les femmes et les hommes aient accès aux mêmes promotions, y compris les femmes qui ont pris des congés maternité ou qui ont quitté le marché du travail pour élever leurs enfants  ;

d) D’élaborer des politiques nationales visant à faire en sorte que la progression des femmes et des filles dans le domaine de l’éducation se traduise par une amélioration des perspectives d’emploi pour les femmes  ;

e) D’intensifier les efforts visant à faire respecter l’interdiction de licencier des femmes enceintes, de faire en sorte que les femmes travaillant dans tous les secteurs aient droit à un congé maternité rémunéré et de modifier la législation encadrant les prestations de congé maternité pour faire en sorte qu’elles soient versées au moyen d’une assurance sociale obligatoire ou d’un fonds prévu à cet effet et ainsi éviter qu’elles ne soient à la charge de l’employeur  ;

f) De modifier la loi pour permettre aux pères de prendre un congé paternité.

Harcèlement sexuel dans le cadre professionnel

Le Comité est préoccupé par le harcèlement sexuel et les autres formes d’agressions sexuelles qui ont cours dans le cadre professionnel, et par le fait que très peu de ces faits font l’objet d’un signalement. Il constate également avec préoccupation :

a)Qu’un nombre relativement élevé d’employeurs ne respectent pas l’obligation de se doter d’une politique de lutte contre le harcèlement sexuel ;

b)Que la loi sur les relations industrielles de 2007 ne s’applique pas aux membres des forces armées, de la police et de l’administration pénitentiaire.

Le Comité attire l’attention de l’État partie sur le fait que le harcèlement sexuel ne constitue pas seulement une atteinte à la dignité de la femme, mais qu’il a en outre des incidences discriminatoires dans la mesure où il a souvent des répercussions sur la victime en matière de salaire, de promotion ou de licenciement et où il crée un environnement de travail hostile, qui empêche ensuite la victime d’exploiter pleinement son potentiel professionnel. Il recommande à l’État partie  :

a) De s’intéresser à la culture des entreprises et des institutions afin d’éliminer les facteurs pouvant favoriser les agressions et le harcèlement sexuels  ;

b) De diffuser largement des informations sur les procédures de signalement en place, de veiller à ce que les plaintes donnent lieu à des enquêtes et à ce que les transgresseurs soient traduits en justice  ;

c) De procéder régulièrement à des inspections du travail afin de vérifier si des politiques contre le harcèlement sexuel sont en place  ;

d) De modifier la loi sur les relations industrielles de 2007 pour qu’il s’applique à tous les employeurs, y compris aux forces armées, à la police et à l’administration pénitentiaire.

Santé

Le Comité note avec préoccupation que les établissements de santé de l’État partie ne sont pas suffisamment équipés et que leurs services sont mal coordonnés. Il note également :

a)Qu’il est fréquent que la vie privée des patientes ne soit pas respectée, que le personnel médical demande souvent le consentement du conjoint avant de traiter une femme mariée et qu’un nombre considérable de femmes croient qu’elles doivent avoir la permission de leur partenaire avant de consulter ;

b)Que nombre d’adolescentes ont des réticences à s’adresser aux services de santé procréative par peur des jugements et que les jeunes filles de moins de 18 ans doivent avoir le consentement de leurs parents pour obtenir des contraceptifs, situation entretient les taux élevés de grossesses précoces et d’infections sexuellement transmissibles.

Le Comité recommande à l’État partie de dégager des ressources suffisantes pour multiplier les services de santé viables et de bonne qualité et de veiller à ce que  :

a) La vie privée des patients soit pleinement respectée, le public soit informé, avec l’aide des médias, du droit des femmes à accéder de façon totalement autonome aux services de santé et le personnel médical reçoive une formation adéquate à cet égard  ;

b) Les adolescents aient accès en toute confidentialité à la contraception et aux informations à ce sujet et les réactions discriminatoires et les stéréotypes négatifs liés à leur sexualité soient éliminés.

Avortement

Le Comité note avec préoccupation que, bien que l’avortement soit légal dans l’État partie si la vie de la femme ou sa santé physique ou mentale sont en danger, celui-ci est parfois refusé par les professionnels de la santé chargés d’évaluer la situation. En outre, il est préoccupé par le fait qu’en cas de viol, l’avortement ne puisse être pratiqué qu’à la discrétion du médecin, ce qui pousse les femmes et les filles à recourir à des avortements dangereux.

Le Comité rappelle la déclaration sur la santé sexuelle et procréative et les droits y relatifs qu’il a adoptée à sa cinquante-septième session et rappelle à l’État partie que les avortements dangereux sont la principale cause de morbidité et de mortalité maternelle. Il recommande à l’État partie de légaliser l’avortement en cas de viol, d’inceste ou de grave malformation fœtale, de le dépénaliser dans tous les autres cas et de garantir l’accès à l’avortement sans risques et aux soins en cas d’avortement.

Autonomisation économique et prestations économiques et sociales

Le Comité note avec préoccupation que souvent, les femmes n’ont pas accès aux actifs financiers ou aux comptes bancaires et que l’âge précoce du départ à la retraite peut accroître le risque pour les femmes de souffrir de pauvreté pendant leur vieillesse.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De veiller à ce que les femmes soient au courant de leurs droits d’accéder comme les hommes aux crédits et actifs financiers et aux comptes bancaires  ;

b) D’établir un fonds public permettant de payer les contributions à la retraite des femmes qui quittent leur emploi pour élever leurs enfants  ;

c) De revoir l’âge de départ à la retraite des femmes pour leur permettre de se constituer une pension suffisante.

Femmes rurales et pauvreté

Le Comité note avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour améliorer la condition des femmes rurales, notamment l’initiative BRIDGE de renforcement des capacités en matière de démocratie, de gouvernance et d’élections (Building Resources in Democracy, Governance and Elections) et l’organisation de formations encourageant ces femmes à s’affirmer comme meneuses. Le Comité constate toutefois avec préoccupation :

a)Que les femmes, en particulier celles qui vivent en milieu rural ou dans des habitations spontanées en milieu urbain, font face à des niveaux élevés de pauvreté, aux violences sexistes et au harcèlement et ont un accès limité à la nourriture, à l’eau, à l’assainissement et à l’électricité ;

b)Que les femmes rurales assument une part démesurée des responsabilités familiales et que des traditions les obligent à effectuer des tâches non payées et à nourrir leur famille, ce qui est plus difficile en raison de l’intensification des catastrophes naturelles et des changements climatiques, qui ont des répercussions sur le secteur agricole et qui endommagent les cultures ;

c)Que, traditionnellement, les hommes se nourrissent les premiers ;

d)Que les vendeuses de marché sont en butte à la violence, au harcèlement et aux vols ;

e)Qu’en raison des coutumes, les femmes dépendent des hommes tout leur vie, que ce soit de leur père, de leur mari ou, pour les veuves, des membres masculins de la famille de leur père ;

f)Que l’article 28 de la Constitution, en vertu duquel les Indo-Fidjiens sont seulement autorisés à louer des terres, est une violation de la garantie de l’égalité de traitement et met les femmes rurales indo-fidjiennes dans une situation particulièrement vulnérable ;

g)Que le fait que des investisseurs étrangers accaparent des terres tend à aggraver la pauvreté des femmes rurales qui, souvent, n’ont pas voix au chapitre dans ce domaine ;

h)Que les femmes vivant dans des habitations spontanées sont touchées de plein fouet par les mauvaises conditions de vie et de logement, le fait qu’elles n’aient pas de titre de propriété, l’absence d’infrastructure et les piètres systèmes d’assainissement, qui entraînent des problèmes de santé.

Rappelant sa recommandation générale n o 34 (2016) sur les droits des femmes rurales, le Comité recommande à l’État partie  :

a) De veiller à ce que les femmes rurales démunies jouissent pleinement des prestations sociales et de la protection sociale non contributive afin qu’elles puissent mener une vie digne et de renforcer l’accès de ces femmes à la microfinance et au microcrédit à faibles taux d’intérêts afin qu’elles puissent exercer des activités génératrices de revenu et créer des entreprises, en mettant l’accent sur l’émancipation des femmes rurales, afin qu’elles ne dépendent plus toute leur vie des membres masculins de leur famille  ;

b) De faire prendre conscience à tous de la moindre valeur accordée au travail des femmes rurales et de la façon dont ceci se traduit par une position inférieure dans la société, de favoriser le partage équitable des responsabilités de la famille et du ménage entre les femmes et les hommes ruraux ainsi que l’élimination du privilège masculin pour ce qui est de l’accès à la nourriture  ;

c) De tenir compte du fait que les catastrophes naturelles et les changements climatiques touchent particulièrement les femmes rurales dans l’élaboration des politiques pour la réduction des risques de catastrophe et sur les changements climatiques  ;

d) De modifier la législation de telle sorte que toutes les femmes rurales aient accès à la propriété foncière au même titre que les hommes  ;

e) De protéger les femmes rurales contre l’accaparement des terres et de veiller à ce que toute décision concernant la location ou la vente de terres se fasse avec leur consentement préalable, donné en connaissance de cause, et moyennant des arrangements de partage des coûts justes  ;

f) De répondre aux besoins des femmes vivant dans des habitations spontanées en mettant en place les infrastructures et les dispositifs d’assainissement voulus et en veillant à la reconnaissance de leur droit à la propriété ou à l’occupation au titre d’un bail de leur habitation.

Femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexuées

Le Comité note que les relations homosexuelles librement consenties ont été dépénalisées et que la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou sur l’identité de genre est interdite en vertu de l’alinéa a) de l’article 26.3 de la Constitution. Toutefois, il est préoccupé par l’hostilité de la société à l’égard des femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres, qui prend la forme de discrimination, de violence et de crimes et de discours haineux ; cette hostilité se retrouve aussi dans la famille, où elle prend la forme de l’exhérédation. Il est également préoccupé par le fait qu’il est impossible de modifier le sexe sur les certificats de naissance.

L e Comité recommande à l’État partie  :

a) D’apporter les modifications nécessaires à la législation et d’appliquer une politique visant à éliminer la discrimination, les discours haineux et la violence contre les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres, notamment en poursuivant et en punissant adéquatement les auteurs de ces actes, et de mener des activités de sensibilisation visant à mettre fin à la réprobation sociale  ;

b) D’autoriser le changement de sexe sur le certificat de naissance.

c) Prise en compte des préoccupations des femmes dans le cadre des changements climatiques et de la réduction des risques de catastrophe .

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a joué un rôle prépondérant dans les négociations internationales sur les changements climatiques et préside actuellement la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Cependant, il a observé qu’au niveau national, les femmes étaient globalement exclues de l’élaboration et de l’application des politiques et des plans d’action sur les changements climatiques et la réduction des risques de catastrophe, bien qu’elles soient à la fois les plus touchées par ces bouleversements et les meilleures agentes de changement de leurs communautés. Le Comité est donc préoccupé par ce qui suit :

a)L’augmentation de la part d’activités non rémunérées exercées par les femmes, qui portent une charge particulièrement lourde du fait qu’elles ont la responsabilité de subvenir aux besoins de leur famille ;

b)Le risque plus prononcé de violence sexiste auquel sont exposées les femmes pendant et après une catastrophe ;

c)Le fait que les mesures de secours d’urgence ne tiennent pas suffisamment compte des besoins des femmes, ce qui se traduit par une incapacité de les protéger des violences sexuelles, en nette hausse dans les situations de déplacement ;

d)La contribution des acteurs du secteur privé, notamment des sociétés exploitant les combustibles fossiles dans le pays, aux émissions de gaz à effet de serre.

Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que les femmes participent à l’élaboration des plans et des stratégies de préparation aux catastrophes et  :

a) D’établir des fonds publics visant à aider les familles après les catastrophes et un système visant à répondre immédiatement aux besoins élémentaires de la population en cas d’urgence, notamment pour ce qui est de l’eau et de l’assainissement, de la nourriture et des médicaments  ;

b) De veiller à ce que les plans de préparation aux catastrophes prévoient des refuges réservés aux femmes, où celles-ci puissent signaler des violences sexistes, recevoir réparation et trouver une aide au rétablissement  ;

c) De prendre les mesures nécessaires pour que les acteurs du secteur privé compensent les effets de leurs activités sur les groupes touchés, notamment les femmes  ;

d) De renforcer les analyses des disparités entre les sexes et de tenir compte systématiquement des préoccupations et des droits des femmes en leur faisant une place dans les discussions et les décisions sur les mesures complètes d’adaptation et d’atténuation menées dans leur milieu.

Femmes appartenant à des minorités ethniques et religieuses et femmes autochtones

Le Comité note avec préoccupation que, dans l’État partie, les femmes appartenant à des minorités ethniques et religieuses et les femmes autochtones font face à des niveaux non négligeables de discrimination croisée.

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour adopter la législation, les mesures temporaires spéciales et les mesures de sensibilisation nécessaires pour lutter contre le croisement de différentes formes de discrimination à l’égard des femmes.

Femmes handicapées

Le Comité est préoccupé par les taux élevés de discrimination à l’égard des femmes handicapées dans l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie de promouvoir une image positive des femmes et des filles handicapées et de veiller à ce qu’elles aient pleinement accès à la justice, à l’éducation, à l’emploi et au système de santé, y compris aux services de santé sexuelle et procréative, et qu’elles puissent participer pleinement à la vie politique.

Mariage et relations familiales

Le Comité est préoccupé par le fait qu’aucune évaluation officielle n’ait été faite des incidences de la loi sur le droit de la famille depuis sa promulgation et par le manque d’informations sur les mesures prises pour familiariser la population avec les modifications apportées en 2009 à la loi sur le mariage, en vertu de laquelle l’âge légal du mariage a été porté à 18 ans pour les femmes et pour les hommes. Il est également préoccupé que des lacunes dans le fonctionnement du tribunal chargé des affaires familiales, notamment des retards dans la promulgation des ordres imposant le paiement d’une pension alimentaire, contraignent souvent les femmes à se réconcilier avec leur partenaire, ce qui les prive d’un véritable accès à la justice. Il constate avec préoccupation que les femmes ayant des problèmes touchant au droit et aux relations familiales soient peu nombreuses à s’adresser au tribunal.

Le Comité recommande à l’État partie de procéder à une évaluation complète de l’application de la loi sur le droit de la famille et de la loi sur le mariage et d’examiner les causes profondes des dysfonctionnements du tribunal chargé des affaires familiales et de l’absence de recours devant celui-ci en vue d’en améliorer la structure, de mieux former le personnel judiciaire et de faire connaître ses fonctions à la population. Sur la base des constatations issues de cette évaluation, l’État partie devrait élaborer une stratégie visant à accroître l’efficacité et l’utilisation du tribunal et prévoir des ressources adéquates pour y parvenir.

Collecte et analyse de données

Le Comité est préoccupé par les lacunes observées dans la collecte, l’analyse et le traitement de données fiables sur la situation des femmes dans tous les domaines visés par la Convention.

Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place un système centralisé de collecte, d’analyse et de diffusion de données complètes, ventilées en fonction du sexe, de l’âge, du handicap, de l’appartenance ethnique, de l’emplacement et du statut socioéconomique et de recourir à des indicateurs mesurables pour suivre la situation des femmes et les progrès accomplis dans la réalisation de l’égalité effective dans tous les domaines visés par la Convention.

Modification du premier paragraphe de l’article 20 de la Convention

Le Comité demande à l’État partie d’accepter dans les meilleurs délais la modification apportée au premier paragraphe de l’article 20 de la Convention concernant le temps de réunion du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l’État partie à s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing dans l’action qu’il mène pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

Le Comité invite l’État partie à réaliser l’égalité effective des hommes et des femmes, conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du programme de dé veloppement durable à l’horizon 2030.

Diffusion

Le Comité prie l’État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans les langues officielles de l’État partie aux institutions publiques concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Parlement et au corps judiciaire, afin d’en permettre la pleine application.

Assistance technique

Le Comité recommande à l’État partie d’établir un lien entre l’application de la Convention et l’action qu’il mène en faveur du développement, et de faire appel à cette fin à l’assistance technique régionale ou internationale.

Ratification d’autres instruments

Le Comité souligne que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribuerait à promouvoir l’exercice effectif des droits individuels et libertés fondamentales par les femmes dans tous les aspects de la vie. Il l’invite donc à ratifier le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, auxquels il n’est pas encore partie.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l’État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu’il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 16 a) et 28 c) et d) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à présenter son sixième rapport périodique en mars 2022. Le rapport doit être soumis à temps et, en cas de retard, il devra couvrir toute la période écoulée, jusqu’à la date à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l’État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I).