Observations finales concernant le rapport de la France valant septième et huitième rapports périodiques *

Le Comité a examiné le rapport unique de la France valant septième et huitième rapports périodiques (CEDAW/C/FRA/7-8) à ses 1409e et 1410e réunions, le 8 juillet 2016 (voir CEDAW/C/SR.1409 et 1410). La liste des questions suscitées par le rapport est disponible dans le document CEDAW/C/FRA/Q/7-8 et les réponses données par la France dans le document CEDAW/C/FRA/Q/7-8/Add.1.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction la présentation par l'État partie de son rapport unique valant septième et huitième rapports périodiques. Le Comité se félicite également des réponses écrites de l’État partie aux points et aux questions soulevées par le groupe de travail pré-session et l'exposé de la délégation ainsi que les précisions supplémentaires données en réponse aux questions qu’il a lui-même exposées oralement lors des débats et par écrit ultérieurement.

Le Comité se félicite que l’État partie ait dépêché une délégation de haut niveau, présidée par Laurence Rossignol, Ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes, et composée de représentants de ce ministère, du ministère des affaires sociales et de la santé, du ministère des affaires étrangères et du développement international, du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, du ministère de l'intérieur, du ministère des outre-mer, du ministère de la justice, de la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme et de la mission permanente de la France auprès de l'Office des Nations Unies et d'autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité se félicite que l’État partie ait retiré ses dernières réserves à la Convention en 2013.

* Observations finales adoptées par le Comité lors de sa soixante-quatrième session (4-22 juillet 2016).

Le Comité se félicite des progrès réalisés depuis l'examen, en 2008, du sixième rapport périodique de l'État partie (CEDAW/C/FRA/6) en matière de réformes législatives, notamment l'adoption des lois ci-après : http://undocs.org/CEDAW/C/FRA/6

a)La loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes ;

b)La loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle ;

c)La loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.

Le Comité prend note de la loi n°2013-404 du 17 mai 2013 qui reconnait aux femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres le droit de contracter mariage.

Le Comité accueille avec satisfaction les efforts déployés par l’État partie pour améliorer le cadre constitutionnel et politique afin d’accélérer l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes et la promotion de l'égalité des sexes, notamment par l'adoption ou l'établissement de ce qui suit :

a)Le quatrième Plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes couvrant la période 2014-2016 ;

b)Le Plan d'action pour l'égalité entre les filles et les garçons à l'école, en 2014, et la convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif, couvrant la période 2013-2018 ;

c)Le Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes en 2013 ;

d)Le plan de développement de l'entrepreneuriat féminin en 2013 ;

e)La Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violence et la lutte contre la traite des êtres humains, en 2013.

Le Comité se félicite du fait que, durant la période écoulée depuis l'examen du précédent rapport, l'État partie a procédé à la ratification ou à l'adhésion aux instruments internationaux et régionaux suivants :

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant établissant une procédure de présentation de communications, en 2016 ;

b)Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en 2015 ;

c)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif, en 2010 ;

d)La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, en 2014.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Parlement

Le Comité souligne le rôle crucial du pouvoir législatif dans l'assurance de la mise en œuvre intégrale de la Convention (voir la déclaration du Comité relative à sa relation avec les parlementaires, adoptée à la quarante-cinquième session, en 2010). Il invite le Parlement, conformément à son mandat, à prendre les mesures nécessaires relatives à la mise en œuvre des présentes observations finales d'ici à la présentation de son prochain rapport périodique en vertu de la Convention.

Les femmes réfugiées et demandeuses d'asile

Le Comité se félicite des améliorations apportées au cadre juridique relatif à l'asile en 2015, telles que l’attribution de logements aux demandeurs d'asile, les mesures particulières afin d’accueillir directement certains réfugiés vulnérables en France et le soutien sanitaire aux étrangers qui en ont besoin. Le Comité s’inquiète néanmoins des difficultés que l'État partie pourrait rencontrer pour gérer un afflux de réfugiés et leur fournir un logement décent, comme le montre les conditions sanitaires et de logement précaires, le manque d'accès garanti à la nourriture, à l'eau potable, à l'assainissement, aux soins de santé, au soutien psychologique et au conseil juridique, et les niveaux élevés d'exposition à la violence et à l'exploitation, en particulier pour les femmes et les filles, à Calais. Le Comité regrette également que les demandes d'asile, en particulier celles des femmes originaires de pays sûrs et des femmes qui se trouvent dans des zones d'attente, soient examinées selon une procédure accélérée, avec moins de garanties, même si ces demandes peuvent être réexaminées selon la procédure normale, et que les listes des pays sûrs peuvent varier au sein de l'Union européenne.

Conformément à ses recommandations générales n° 32 (2014) sur les femmes et les situations de réfugiés, d’asile, de nationalité et d’apatridie et n° 30 (2013) sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d’après conflit, le Comité demande à l'État partie :

a) De s'acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du droit international en ce qui concerne les demandeurs d'asile et les réfugiés tels que le principe de non-refoulement ;

b) D'adopter une approche tenant compte des disparités entre les sexes dans la réception de l'afflux actuel de réfugiés et la gestion des demandes d'asile, de manière à assurer que les besoins des demandeuses d'asile ainsi que des femmes et des filles réfugiées qui arrivent dans l'État partie sont traitées comme une préoccupation prioritaire ;

c) De veiller à ce que les demandes d'asile formulées par des femmes soient examinées en totalité, que les cas examinés dans le cadre de la procédure accélérée soient systématiquement transférés vers la procédure normale lorsqu'elles répondent à des critères bien défini s qu’il conviendra d’ établir, et que l'importante marge d'appréciation soit réduite par des procédures accélérées ;

d) De réexaminer l'utilisation des listes des pays sûrs, compte tenu de leur versatilité .

Cadre législatif et accès à la justice

Le Comité félicite l'État partie pour son cadre juridique exhaustif anti-discrimination, en particulier à la lumière de l'adoption en 2014 de la loi n° 2014-873 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, et pour les institutions solides impliquées dans le suivi de ce cadre. Il se félicite également des différents projets de loi proposant d'importantes améliorations au cadre juridique (sur l'égalité et la citoyenneté et sur la modernisation de la justice). Toutefois, le Comité est préoccupé par :

a)L'efficacité limitée de la législation antidiscrimination de l'État partie ;

b)La connaissance insuffisante de la Convention et du Protocole facultatif s'y rapportant dans l'État partie, y compris de la part des avocats, des juges et d'autres professionnels du droit, l'absence de référence à la Convention dans les décisions de justice (sauf dans certaines affaires administratives ou pénales devant la Cour de cassation ou le Conseil d'État) et le manque de sensibilisation systématique et de formation des professionnels du droit sur la Convention, l'égalité des sexes et l'interdiction de la discrimination fondée sur le sexe, ainsi que des autres formes de discrimination qui s’y rattachent ;

c)Les difficultés que rencontrent les femmes revendiquant leurs droits en raison du manque d'information, notamment sur la Convention et le Protocole facultatif, des coûts et de la longueur des procédures et de l'aide juridique insuffisante, qui affectent de manière disproportionnée les femmes dans des situations de vulnérabilité ou de la pauvreté, et la prise en compte insuffisante des affaires relatives aux différentes formes convergentes de discrimination, qui empêche la réparation totale ;

d)L'application inégale de la loi antidiscrimination sur le territoire de l'État partie, notamment dans les régions non métropolitaines ;

e)L'absence d'une définition exhaustive dans le droit du harcèlement sexuel et l'absence de remèdes civils en cas de harcèlement sexuel commis en dehors du lieu de travail ;

f)L'intégration insuffisante de l'interdiction des différentes formes de discrimination dans les politiques publiques.

Conformément à sa recommandation générale n° 33 (2015) sur l'accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l'État partie :

a) De prendre des mesures de groupe, comme prévu dans le projet de loi de modernisation de la justice du XXIème siècle, de les ouvrir à des groupes ad hoc de personnes collectivement concernées par la discrimination fondée sur le sexe et de créer un fonds destiné aux plaintes en la matière afin d'alléger les femmes des charges financières ;

b) D'accélérer l'adoption du projet de loi de modernisation de la justice du XXIème siècle pour simplifier les voies légales aux requérants, en particulier aux femmes victimes des différentes formes de discrimination, d'harmoniser les sanctions et les régimes d'indemnisation pour violation des lois antidiscrimination et de prévoir la possibilité de traiter conjointement les multiples cas de discrimination ;

c) De veiller à ce que les différentes formes de discrimination soient convenablement traitées par les tribunaux et d’ assurer la formation du personnel judiciaire et des avocats, afin de leur permettre de traiter et de prendre en compte les différents fondements juridiques pour lesquels les requérants réclament leurs droits ;

d) De favoriser la mise en place de programmes supplémentaires de renforcement des capacités destinés aux juges, aux procureurs et aux avocats ainsi qu'à d'autres professionnels, tels que les agents d'exécution de la loi, les services sociaux et les services d'asile, sur la C onvention et le P rotocole facultatif ;

e) De mettre en œuvre les recommandations du Défenseur des droits sur l'introduction d'une définition claire et précise du harcèlement sexuel dans le projet de loi sur l'égalité et la citoyenneté et sur l'inclusion de dispositions juridique s dans le projet de loi de modernisation de la justice du XXIème siècle pour permettre un recours civil en cas de harcèlement sexuel commis en dehors du lieu de travail et prévoir également un ajustement de la charge de la preuve ;

f) De veiller à ce que, suite à la redistribution des compétences prévues dans le projet de loi sur l'égalité et la citoyenneté, les gouvernements locaux, en particulier dans les régions non métropolitaines, aient la capacité de mettre pleinement en œuvre la législation sur l'égalité des sexes et les autres mesures telles que les plans et les programmes.

Mécanisme national de promotion de la femme et de prise en comptede la problématique hommes-femmes

Le Comité se félicite de la création en 2013 du Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes, consacré exclusivement à la promotion de l'égalité entre les sexes, en tant qu'organe consultatif relevant du cabinet du Premier ministre. Il accueille avec satisfaction le rôle important joué par le Haut Conseil, par le Défenseur des droits et par la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Il souligne également l'architecture complexe des comités interministériels et des conseillers principaux pour la problématique hommes-femmes, y compris dans les régions et les zones non métropolitaines. Toutefois, le Comité est préoccupé par :

a)Les changements de statut et d'orientation du mécanisme national pour l'égalité des sexes, qui est passé d’un ministère à part entière à un Secrétariat d'État, avant de regagner un ministériel en tant qu'organe relevant du nouveau Ministère des familles, de l'enfance et des droits des femmes; ces changements ont créé un climat d'incertitude et pourraient être interprétés comme une régression en ce qui concerne le rôle central des droits fondamentaux des femmes ;

b)La complexité de la structure par rapport à la nécessité d'une coordination et d'une gestion claires et cohérentes des efforts d'intégration d'une perspective tenant compte de la problématique hommes-femmes et l'absence de mesures de suivi exhaustives et d'évaluation d'impact ;

c)L'insuffisance des ressources humaines, techniques et financières allouées au mécanisme national de promotion de la femme pour coordonner efficacement les plans, politiques et programmes relatifs à l'égalité des sexes, dans tous les domaines et à tous les niveaux de gouvernement sur l’ensemble du territoire ;

d)L'absence d'une délimitation claire des fonctions et des pouvoirs statutaires entre le Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes, le Défenseur des droits et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, ainsi que la faiblesse des ressources humaines, techniques et financières allouées au Haut Conseil par rapport à celles attribuées au Défenseur des droits et à la Commission nationale consultative.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que les questions d'égalité des sexes soient toujours traitées par un ministère à part entière, doté d'un mandat solide et des ressources humaines, techniques et financières nécessaires pour coordonner efficacement les plans , politiques et programmes relatifs à l’ égalité des sexes dans tous les domaines et à tous les niveaux d e gouvernement ;

b) De renforcer les mécanismes de suivi pour évaluer régulièrement et d e manière exhaustive les progrès accomplis dans la mise en œuvre de ses politiques , plans et programmes en matière d'égalité des sexes , ainsi que l'incidence de ces efforts, en vue de prendre des mesures correctives ;

c) De renforcer la mise en œuvre des politiques d'égalité des sexes aux niveaux municipal et régional, et de veiller à ce que tou te s les instances gouvernementales concernées reçoivent une orientation et un soutien durable dans leurs efforts de mise en œuvre, y compris les ressources humaines, techniques et financières suffisantes ;

d) D'allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes au Haut C onseil à l' É galité entre les femmes et les hommes pour lui permettre de remplir son mandat, d'accélérer l'adoption du projet de loi sur l'égalité et la citoyenneté, qui institue et assure la pérennité du Haut Conseil dans le paysage institutionnel , et de veiller à ce que les deux autres institutions reçoivent également les moyens nécessaires, notamment pour permettre à la Commission nationale consultative des droits de l'homme de jouer pleinement son rôle, compte tenu des nouvelles fonctions qu'elle a reçues (rapporteur sur la traite l'exploitation êtres humains).

Mesures temporaires spéciales

Le Comité se félicite du fait que le cadre juridique exhaustif et détaillé destiné à promouvoir la parité des sexes dans le système électoral pour toutes les assemblées, les postes de haut niveau dans la fonction publique et dans le secteur privé et la participation des femmes aux conseils d'administration des sociétés cotées en bourse ne soit pas une mesure temporaire spéciale. Le Comité est toujours préoccupé par la situation vulnérable des femmes et des filles appartenant à des groupes défavorisés dans les domaines de la vie politique, de l'éducation, de l'emploi et de la santé.

Le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures temporaires spéciales pour répondre aux besoins urgents des femmes appartenant à des groupes défavorisés dans des domaines tels que la vie politique, l'éducation, l'emploi et la santé.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour lutter contre les stéréotypes discriminatoires à l’égard des femmes, notamment en encourageant le partage des tâches ménagères et des responsabilités parentales, et pour remédier à la représentation stéréotypée des femmes véhiculée par les médias, notamment par la réglementation des licences de radiodiffusion et le renforcement du rôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Le Comité accueille également avec satisfaction les mesures législatives et autres prises pour lutter contre les pratiques préjudiciables, notamment le mariage des enfants et le mariage forcé, les mutilations génitales féminines et les crimes commis au nom de l’« honneur ». Toutefois, le Comité est préoccupé par :

a)La persistance dans l’État partie des stéréotypes discriminatoires concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société ;

b)Le risque accru pour les musulmanes, femmes et filles, d’exposition à des actes de discrimination, d’islamophobie ou contre les musulmans, imputables aux facteurs croisés du sexe et de la religion ;

c)Le fait que les médias et le monde de la publicité continuent de véhiculer des représentations stéréotypées et sexualisées des femmes ;

d)Le risque que la fréquence de la pornographie et de la dénommée « sexualisation de la sphère publique » dans l’État partie exacerbent le harcèlement sexuel et la violence sexiste à l’égard des femmes et des filles ;

e)Le fait que les informations sur les pratiques néfastes et sur les moyens de les combattre dans l’État partie ne soient pas directement accessibles à un grand nombre de femmes ;

f)Les actes chirurgicaux et autres traitements, non nécessaires du point de vue médical et irréversibles, réalisés de façon courante sur les enfants intersexués, comme l’ont signalé le Comité des droits de l’enfant et le Comité contre la torture.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter une stratégie globale visant à modifier ou à éliminer les attitudes patriarcales et les stéréotypes discriminatoires à l’égard des femmes, en mettant l’accent sur les femmes issues de groupes minoritaires qui sont souvent la cible de discours motivés par la haine et la violence raciale s .

Cette stratégie devrait comporter un mécanisme de suivi pour évaluer l’effet des mesures prises et faciliter la mise au point de mesures correctives propres à garantir l’insertion sociale de ces femmes ;

b) De combattre toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et des filles appartenant à des minorités raciales, ethniques, nationales et religieuses, notamment celles qui vivent dans des zones urbaines sensibles, pour assurer l'égalité d'accès aux soins de santé, à l'éducation, à l'emploi, au logement et aux arènes publique et politique et renforcer la volonté et la capacité de vivre harmonieusement ensemble (le vivre-ensemble) ;

c) D’entrer en contact avec les acteurs concernés et d’utiliser d’autres mesures novatrices, notamment l’imposition de règlements plus stricts si nécessaire, afin de favoriser une image positive et non stéréotypée des femmes dans les médias et les publicités ;

d) De mener une étude sur les effets possibles de la représentation sursexualisée des filles et des femmes dans les médias et de la pornographie sur l’augmentation des actes de violence sexiste contre les femmes dans l’État partie ;

e) De recueillir systématiquement des données ventilées sur les pratiques néfastes dans l’État partie ;

f) D’élaborer et de mettre en œuvre, pour les enfants intersexués, un protocole de soins de santé fondé sur les droits, qui garantisse que les enfants et leurs parents sont convenablement informés de toutes les options qui s’offrent à eux ; que les enfants sont associés, dans toute la mesure possible, aux décisions concernant des interventions médicales, et que leurs choix sont respectés ; et qu’aucun enfant n’est soumis à des actes chirurgicaux ou à des traitements qui ne sont pas nécessaires, comme l’ ont récemment recommandé le Comité contre la torture (voir CAT/C/FRA/CO/7 , par. 35) et le Comité des droits de l’enfant (voir CRC/C/FRA/CO/5 , para. 48).

Violence sexiste contre les femmes

Le Comité salue l’action menée par l’État partie pour lutter contre la violence sexiste contre les femmes. Il note que l’État partie élabore actuellement le cinquième Plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes (2016 -2018). Le Comité est néanmoins préoccupé par le fait que, malgré les mesures prises, les résultats concrets se font attendre et la fréquence des actes de violence à l’égard des femmes reste élevée dans l’État partie. Il trouve aussi préoccupants :

a)Le faible niveau de signalement des actes de violence contre les femmes, dont le viol, et le faible taux de poursuite et de condamnation, les auteurs de ces actes restant par conséquent impunis ;

b)L'impact en matière de violence à l'égard des femmes et des filles du recoupement des actes sexistes et des actes racistes, xénophobes et contre les musulmans ;

c)Les disparités aux niveaux régional et local en ce qui concerne la disponibilité et la qualité des services d’assistance et de protection, y compris les foyers d’accueil, pour les femmes victimes de violence, ainsi que la discrimination à l’égard des femmes victimes de violence issues de groupes minoritaires ;

d)Le non-signalement, par nombre de femmes migrantes, de faits de violence intrafamiliale, en raison de leur dépendance à leur partenaire pour leur permis de séjour ;

e)L’insuffisance des moyens humains, techniques et financiers alloués à la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) pour qu’elle s’acquitte de son mandat.

Conformément à sa recommandation générale n ° 19 (1992) sur la violence à l’égard des femmes, le Comité recommande à l’État partie :

a) De continuer d’étudier les causes profondes du faible nombre de signalements et de condamnations dans les affaires de violence à l’égard des femmes, et de renforcer l’action menée en vue d’éliminer tous les obstacles qui dissuadent les femmes de signaler les faits de violence à la police ;

b) De veiller à ce que des enquêtes profondes soient menées sur les actes racistes, xénophobes, contre les musulmans et sexistes et que les auteurs soient poursuivis et punis proportionnelle ment à la gravité de leurs actes ;

c) De renforcer les mécanismes de surveillance pour évaluer régulièrement l’effet des mesures prises pour lutter contre la violence contre les femmes et prendre des mesures correctives ;

d) De procéder à une évaluation de la réaction de s système s policier et judiciaire aux plaintes déposées pour crime à caractère sexuel, et de mettre en place des activités obligatoires de renforcement des capacités à l’intention des juges, des procureurs, des agents de la police et autres fonctionnaires s’occupant de l’application des lois, sur la stricte application des dispositions du droit pénal en matière de violence à l’égard des femmes et sur d es procédures sensibles au genre à appliquer lors des entrevues de femmes victimes de violences ;

e) De renforcer l’assistance et la protection offertes à toutes les femmes victimes de violence, notamment en améliorant la capacité des foyers d’accueil et des centres de crise, et en veillant à ce que ceux-ci répondent aux besoins de logement de toutes les victimes, sans établir de discrimination, et en allouant à ces centres et foyers les ressources humaines, techniques et financières nécessair es ;

f) De réviser, dans une perspective soucieuse de la question du genre, les conditions d’octroi de permis de séjour temporaires aux immigrées qui dépendent d’un partenaire auteur de violences ;

g) D’allouer à la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour lui permettre de s’acquitter de son mandat.

Obligation extra territoriale de l’État

Le Comité est préoccupé par les effets potentiellement préjudiciables sur les droits des femmes des transferts d’armes à des pays sensibles, en situation de conflit armé ou sous le risque d’un tel conflit.

Le Comité recommande à l’État partie d’intégrer la dimension de genre dans les dialogues stratégiques qu’il tient avec les pays qui achètent des armes à la France, et de continuer de mener de façon rigoureuse et transparente des évaluations des risques envisagées sous l’angle de l’égalité des sexes, conformément au Traité sur le commerce des armes.

Le Comité trouve préoccupant que l’État partie :

a)Limite la poursuite des actes de violence contre les femmes commis par des Français à l’étranger, y compris les mutilations génitales féminines et le mariage forcé ou le mariage d’enfants, aux seuls cas où l’acte n’est pas incriminé dans le pays dans lequel il a été commis ;

b)Assujettit la poursuite des auteurs de telles infractions au dépôt d’une plainte par la victime ;

c)Soit réticent à poursuivre les résidents permanents en France auteurs de telles infractions commises hors de son territoire.

Le Comité recommande à l’État partie de revoir son approche de la poursuite extra ter ritoriale des auteurs d’ actes de violence à l’égard des femmes, y compris des mutilations génitales féminines et des mariages forcés et mariages d’enfant s , et de veiller à ce que de tels actes soient, lorsqu’ils ont été commis par des ressortissants français ou des résidents permanents en France, poursuivis d’office par l’État partie, indépendamment du fait que l’infraction en question soit pénalisée ou non dans le pays dans lequel elle a été commise.

Traite et exploitation aux fins de la prostitution

Le Comité salue l’adoption du premier Plan d’action national contre la traite des êtres humains (2014-2016) ainsi que la désignation de la Commission nationale consultative des droits de l’homme comme rapporteur national indépendant. Le Comité est toutefois préoccupé par :

a)La faiblesse des taux de poursuite et de condamnation dans les affaires de traite des personnes ;

b)L’absence de mécanismes appropriés pour identifier et suivre les victimes de la traite qui ont besoin de protection, en particulier les mineurs qui sont souvent considérés comme des délinquants et des migrants en situation irrégulière, et non comme des victimes, ainsi que par l’insuffisance des données relatives aux victimes de la traite ;

c)Le manque d’attention portée à l’exploitation, qui englobe le travail forcé, la servitude, l’esclavage et les pratiques analogues, la priorité étant accordée à la traite et à l’exploitation de la prostitution ;

d)Le manque de coordination et de moyens humains et financiers alloués au Plan d’action national, qui sont à l’origine d’importants retards dans la mise en œuvre dudit Plan, ainsi que l’absence de ressources nécessaires à la Commission nationale des droits de l’homme pour qu’elle puisse jouer pleinement son rôle de Rapporteur ;

e)L’absence de mesures systématiques de réadaptation et de réinsertion, notamment l’accès à des services de conseils, de traitement médical, de soutien psychologique et de réparation, sous forme d’indemnisation, pour les victimes de la traite, en particulier pour les femmes migrantes qui ne peuvent obtenir de permis de séjour temporaire à moins qu’elles ne coopèrent avec les services de police et les autorités judiciaires ;

f)Le risque que la criminalisation des clients de la prostitution ait un effet boomerang et expose les personnes qui pratiquent la prostitution à des risques accrus en ce qui concerne leur sécurité et leur santé, sans toutefois remédier aux causes profondes de la prostitution et en diminuer la prévalence ;

g)L’insuffisance du budget prévu et l’incertitude quant aux ressources supplémentaires attendues de la confiscation des biens des personnes reconnues coupables de la traite d’êtres humains pour soutenir le « parcours de sortie » pour les femmes qui souhaitent arrêter la prostitution.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’enquêter sur tous les cas de traite d’êtres humains, en particulier des femmes et des filles, d’en poursuivre les auteurs et de punir les responsables, et de veiller à ce que les peines prononcées à l’encontre de leurs auteurs soient à la mesure de la gravité des délits ;

b) De renforcer les mesures visant à recenser les femmes exposées à la traite des personnes, en particulier les mineures, et à leur apporter un soutien ;

c) D’améliorer l’accès aux données sur les victimes de la traite de personnes, ventilées par sexe et par âge ;

d) De prévenir et combattre les autres formes de pratiques d’exploitation assimilées à la traite de personnes, en particulier le travail forcé, la servitude et l’esclavage ;

e) D’accroître les ressources humaines, techniques et financières de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains, et celles de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, en vue de garantir une coordination, un suivi et une évaluation efficaces des mesures prises par les pouvoirs publics pour lutter contre la traite des personnes et l’exploitation ;

f) De fournir aux victimes de la traite un accès approprié aux soins de santé et à l’accompagnement psychologique, et de renforcer ces services en dotant les centres d’assistance sociale de moyens humains, techniques et financiers accrus, en plus de la formation ciblée à l’intention des travailleurs sociaux ;

g) De faire en sorte que toutes les victimes de la traite, quelles que soient leur appartenance ethnique et nationale et leur condition sociale, bénéficient d’une protection effective et de réparations, notamment d’une réadaptation et d’une indemnisation ;

h) De prévoir une évaluation dans un délai de trois ans des effets de la loi n ° 2016-444, notamment sur le type et l’ampleur de la prostitution et de la traite, ainsi que sur l’image de la prostitution dans la société et sur l’achat de services sexuels, et enfin sur les femmes qui pratiquent la prostitution ;

i) D’accroître les fonds et de renforcer l’assistance apportée aux femmes et aux filles qui souhaitent sortir de la prostitution, y compris en leur proposant d’autres possibilités de s’assurer un revenu.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité félicite l’État partie pour les nombreuses mesures législatives (ou constitutionnelles) qu’il a prises pour assurer la parité hommes-femmes dans la vie politique et publique. Il note que la parité a été instaurée au Conseil des ministres, ainsi que dans les conseils régionaux et départementaux. Il se félicite également de la nette augmentation de la représentation des femmes dans les conseils régionaux et municipaux après les élections locales de 2014. Le Comité souligne que la législation destinée à promouvoir la parité hommes-femmes a été élaborée en 2014 pour tous les échelons de l’État (central, régional, départemental et local). Il demeure toutefois préoccupé par la faible représentation des femmes à l’Assemblée nationale et au Sénat, certains partis politiques préfèrant s’acquitter d’une amende plutôt que de proposer des candidatures de femmes aux élections ainsi qu’à la présidence des conseils locaux, notamment aux fonctions de maire (où les femmes représentent 16 % des élus), ou de président de département (environ 10 %) ou de région (17,6 %). Le Comité note en outre les progrès dans la représentation des femmes dans les conseils d’administration.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’évaluer l’efficacité des pénalités actuellement appliquées en ce qui concerne les élections à l’Assemblée nationale et au Sénat et de prendre, si nécessaire, des mesures plus fermes, notamment une révision du système électoral ;

b) De concevoir des modèles novateurs pour les présidences des conseils locaux ;

c) De poursuivre ses efforts en vue d’assurer une égale représentation des femmes aux postes de prise de décisions dans les conseils d’administration et dans différents secteurs de l’administration publique ;

d) D’intensifier les campagnes de sensibilisation à l’intention des hommes politiques, des journalistes, des enseignants et du public pour mieux faire comprendre à tous qu’une participation pleine, libre et démocratique des femmes sur un pied d’égalité avec les hommes dans la vie politique et publique est indispensable si l’on veut donner pleinement effet aux droits fondamentaux des femmes.

Enregistrement des naissances

Le Comité note que le délai très court fixé à l’article 55 du Code civil pour déclarer une naissance, sous peine de faire l’objet de procédures judiciaires qui peuvent durer jusqu’à dix-huit mois, prive les enfants d’une preuve légale d’existence et restreint l’exercice de leurs droits fondamentaux. Il constate avec préoccupation qu’une grande partie de la population autochtone et tribale de Guyane et que la moitié des habitants de Mayotte n’ont ni acte de naissance ni papiers d’identité, ce qui les empêche d’accéder aux services de base, notamment à l’enseignement et à la santé.

Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que chaque naissance soit enregistrée et qu’un acte de naissance et des papiers d’identité soient délivrés à chaque personne relevant de sa juridiction, quel que soit l’endroit où elle habite. À cet égard, il lui recommande de modifier l’article 55 du Code civil comme prévu dans le projet de loi n° 3204 de 2015 , de songer à prolonger le délai de cinq jours envisagé, en particulier dans le cas des zones reculées, et de simplifier la procédure envisagée en cas de déclaration tardive.

Éducation

Le Comité se félicite des mesures prises pour veiller à ce que l’égalité des sexes soit une réalité à tous les niveaux de l’enseignement, et pour dépasser les choix stéréotypés en fonction du sexe dans l’enseignement et la formation professionnelle. Il constate toutefois avec préoccupation :

a)Qu'aucune évaluation récente et exhaustive de la loi n° 2004-228 interdisant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics n'a été réalisée, et que par conséquent, ses éventuels effets limitant ou déniant le droit des filles à l'éducation (voir CEDAW/C/FRA/CO/6, par. 20) et son impact sur leur inclusion dans toutes les sphères de la société française en tant que membres à part entière de la communauté ne sont pas connus et, s'ils sont négatifs, aucun remède n'est possible ;

b)Que les femmes sont encore surreprésentées dans les filières et les carrières traditionnellement à prédominance féminine et sous représentées dans le domaine de la formation professionnelle et dans certaines filières de l’enseignement supérieur, telles que les mathématiques, les technologies de l’information et les sciences ;

c)La persistance de la ségrégation horizontale dans la participation des femmes aux activités de recherche dans le domaine des sciences naturelles et de la technologie ;

d)L’accès insuffisant à l’éducation sexuelle dans les écoles, laquelle ne semble pas répondre aux besoins des filles et des garçons ou contribuer à assurer le respect des obligations de l’État partie à cet égard ;

e)Le nombre élevé de filles qui souffrent de discrimination et de harcèlement sexuel dans les écoles et le nombre disproportionné de filles migrantes, roms, autochtones et autistes, ainsi que de filles appartenant à des groupes minoritaires et de filles handicapées qui continuent de rencontrer des difficultés pour accéder à un enseignement de qualité.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De mener une étude exhaustive pour déterminer l'impact de la loi n2004-228 interdisant le port de symboles religieux dans les écoles sur le droit des filles à l'éducation (voir CEDAW/C/FRA/CO/6 , par. 20) et sur leur inclusion dans toutes les sphères de la société française en tant que membres à part entière et d’ indiquer d es mesures pour y remédier , le cas échéant ;

b) De renforcer ses stratégies pour faire face aux stéréotypes discriminatoires et aux obstacles structurels qui peuvent dissuader les filles de s’orienter vers des filières traditionnellement à prédominance masculine, telles que les mathématiques, les technologies de l’information et les sciences ;

c) De veiller à ce qu’une politique de tolérance zéro à l’égard de la violence et du harcèlement soit effectivement appliquée dans toutes les écoles, ce qui devrait inclure des services d’accompagnement, des efforts de sensibilisation et des mécanismes de signalement efficaces ;

d) De faire en sorte que les trois heures de cours par année, tenant compte de l’âge et du sexe, consacrées à l’éducation sexuelle et aux droits des femmes qui figure nt au programme des écoles soient effectivement assurées dans toutes les écoles et dispensées par un personnel qualifié et portent non seulement sur la biologie de la reproduction, sur la contraception et la prévention du VIH/sida mais aussi sur la question de l’égalité de s sexe s , du respect et de la lutte contre la violence sexiste et sexuelle ;

e) De continuer à lutter contre la discrimination à l’égard des groupes défavorisés de femmes et de filles en matière d’ accès à un enseignement de qualité, notamment en adoptant des mesures temporaires spéciales, et d’assurer une surveillance et une évaluation efficaces de l’incidence de tels efforts afin de guider l’adoption de mesures correctives.

Emploi

Le Comité se félicite du taux d’activité généralement élevé des femmes dans l’État partie et des nombreuses mesures prises pour promouvoir l’égalité des sexes sur le marché du travail, notamment les mesures visant à faciliter la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, à renforcer les droits sociaux des travailleurs à temps partiel, à réduire le pourcentage de femmes dans cette catégorie, à améliorer les prestations de retraite des femmes et à briser le plafond de verre auquel se heurtent les femmes. Il se félicite en outre de l’élargissement du champ d’application du règlement sur le harcèlement sexuel et le comportement sexiste au secteur public, comme le prévoit la loi récemment adoptée sur les nouvelles libertés et les nouvelles protections pour les entreprises et les actifs (« loi El Khomri »). Toutefois, le Comité est préoccupé par :

a)La persistance de la ségrégation professionnelle horizontale et verticale et de la surreprésentation des femmes dans les emplois à temps partiel et faiblement rémunérés, les mesures prises par le secteur public au sujet des postes de direction n’ayant visiblement pas atteint leur objectif ;

b)La non-application du principe « un salaire égal pour un travail de valeur égale » et la persistance des écarts de rémunération entre les deux sexes, à la fois dans le secteur public et le secteur privé, qui ont une incidence néfaste sur les carrières et les prestations de retraite des femmes ;

c)Le fait qu’en dépit des réformes menées, très peu d’hommes prennent un congé de paternité ;

d)L’accès limité au marché du travail des migrantes, des réfugiées, des demandeuses d’asile et des femmes roms, ainsi que des femmes appartenant à des minorités et des femmes handicapées ;

e)La possibilité pour les employeurs, selon la nouvelle « loi El Khomri », d’établir le principe de la neutralité dans le règlement intérieur d’une entreprise par une décision unilatérale, ce qui peut nuire de façon disproportionnée aux musulmanes et aggraver leur vulnérabilité en matière d’emploi ;

f)La réticence, exprimée dans les informations fournies par écrit, de ratifier la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n° 189) de l’Organisation Internationale du Travail.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des dispositions concrètes, notamment en matière de formation professionnelle , d’incitation s et d’encouragement des femmes à travailler dans des domaines non traditionnels, ainsi que des mesures temporaires particulièr es en vue de parvenir à l’égalité de s chances de facto entre les hommes et les femmes sur le marché du travail et d’éliminer la ségrégation professionnelle, tant horizontale que verticale, dans le secteur public et le secteur privé, et de faire en sorte que l’application des quotas réservés aux femmes en ce qui concerne les postes de direction ne soit pas compromise par des sanctions inefficaces en cas de non - respect ;

b) De prendre des mesures pour appliquer de manière effective le principe « un salaire égal pour un travail de valeur égale » et combler l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes, notamment en adoptant des méthodes analytiques de classification et d’évaluation des emplois sexuellement neutres, en menant des enquêtes régulières sur la rémunération, notamment dans la fonction publique, et en faisant en sorte que les entreprises s’acquittent de l’obligation légale qui leur incombe de concevoir des mesures pour favoriser la négociation collective  ;

c) D e d onner aux femmes plus de possibilités d’accéder à un emploi à plein temps, notamment en favorisant le partage des tâches ménagères et familiales entre les hommes et les femmes, en améliorant les services de garde d’enfants et en augmentant les mesures incitatives pour que les hommes exercent leur droit au congé parental ;

d) De prendre en considération les besoins des groupes de femmes défavorisées, en particulier les migrantes, les réfugiées, les demandeuses d’asile et les femmes roms, ainsi que les femmes appartenant à des groupes minoritaires et les femmes handicapées, et de songer, à cet égard, à utiliser des mesures ciblées, notamment des mesures temporaires spéciales, en vue de créer plus de possibilités d’emploi pour ces groupes ;

e) De procéder à un examen complet de l’incidence sur les femmes de la nouvelle « loi El Khomri » en vue de modifier toutes ses dispositions susceptibles d’être indirectement discriminatoires à leur égard, en particulier celle relative au principe de neutralité, de façon à protéger leurs droits et d’assurer la conformité avec les précédentes lois favorables à l’égalité entre les sexes ;

f) De ratifier la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n° 189) de l’Organisation Internationale du Travail.

Santé

Le Comité se félicite des mesures législatives prises par l'État partie pour faciliter l’accès à la contraception et à l’avortement, y compris une couverture d'assurance complète, la gratuité de la contraception pour les adolescentes et la contraception d’urgence prescrite par les infirmières scolaires. Toutefois, le Comité est préoccupé par :

a)Les disparités régionales dans la prestation de services de soins de santé, qui peuvent nuire de façon disproportionnée aux femmes et aux filles ;

b)Le taux de grossesses précoces et de grossesses non désirées, en particulier dans les territoires d'outre-mer et parmi les groupes de femmes défavorisées ;

c)La disparité dans l'accès aux services de santé en fonction du domicile des femmes et des filles ;

d)Le taux élevé de mortalité maternelle à Mayotte et en Guyane française, dû essentiellement à l'accès retardé de nombreuses femmes de nationalité étrangère aux services obstétriques ;

e)L'empoisonnement de l'eau et des sols au mercure à cause de l'exploitation et des activités minières illégales, ce qui affecte de manière disproportionnée la santé des femmes et des filles en Guyane française ;

f)L'absence de mesures prises par l'État partie pour lutter contre l'impact des 30 ans d'essais nucléaires français sur la santé des femmes et des filles en Polynésie française.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D'assurer la couverture territoriale totale des services de soins de santé, en particulier d es services de santé sexuelle et reproductive ;

b) De réduire le taux de grossesses précoces et de grossesses non désirées, notamment en rendant les services de santé en matière de sexualité et de procréation plus accessibles, plus disponibles et plus abordables, ainsi qu’en améliorant l’accès aux informations et aux services de planification familiale, aussi bien en métropole que dans les territoires d’outre-mer et parmi les groupes défavorisés de femmes ;

c) De poursuivre les efforts actuels pour assurer la disponibilité de services de santé de bonne qualité, dont les services de consultation externe, sur tout le territoire, y compris dans les régions non métropolitaines, en se concentrant également sur les groupes de femmes particulièrement vulnérables, tels que les femmes âgées et les femmes handicapées ;

d) De redoubler d'effort s pour réduire l'incidence de la mortalité maternelle, en particulier à Mayotte et en Guyane française, notamment par la mise en œuvre des recommandations issues de l’enquête du Comité national d’experts ;

e) De veiller à ce que la nouvelle loi pénalisant les clients des femmes qui se prostituent n'empêche pas celles-ci à accéder à des services de santé sexuelle et reproductive de haute qualité et au traitement contre le VIH/SIDA, ainsi qu’à des services confidentiels ;

f) De poursuivre le contrôle sanitaire de l'empoisonnement au mercure des populations autochtones en Guyane française, d'enquêter, de poursuivre en justice et de punir les responsables de ces intoxications, et d'accorder une réparation aux victimes ;

g) De procéder à une étude rigoureuse, transparente et tenant compte des disparités entre les sexes de l'impact des essais nucléaires sur la santé des femmes en Polynésie française et d'accélérer le traitement des demandes d'indemnisation des victimes.

L'autonomisation économique des femmes

Le Comité note le plan en faveur de l'entrepreneuriat féminin lancé en 2013. Toutefois, le Comité est préoccupé par :

a)Le système d'imposition commune d'un couple marié ou de personnes vivant en union civile, qui peut décourager l'emploi des femmes et avoir des effets inégaux sur les couples selon le niveau de leurs revenus et de la répartition du travail rémunéré dans le couple; et par la disparité quant au traitement des couples en fonction de leur état civil en matière de législation fiscale et de droits sociaux ;

b)La sous-représentation des femmes dans les fédérations sportives et dans les institutions culturelles et la part nettement plus faible du temps d'antenne alloué aux compétitions sportives et aux activités artistiques féminines.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De réviser le système fiscal et d'introduire une imposition individuelle sur les revenus, au moins optionnelle , et d’abolir ou de modifier le « quotient familial » pour rendre le système d'impôt sur le revenu non sexiste et garantir qu’il ne freine pas la participation des femmes au marché du travail ;

b) De simplifier et d'harmoniser le traitement des couples en ce qui concerne la législation fiscale et les droits sociaux, qu'ils soient mariés, en union civile ou en union de fait ;

c) De poursuivre ses efforts pour parvenir à une réelle égalité comme prévu dans les conventions conclues avec les fédérations sportives et les acteurs de la politique culturelle.

Femmes rurales

Le Comité note la production de données territoriales et liées au sexe et le concept holistique de ruralité, qui englobe la diversité dans les programmes de formation agricole, l'entrepreneuriat féminin, l'agrotourisme et l'augmentation des activités professionnelles pour les femmes dans les zones rurales. Le Comité s’inquiète de la nécessité de prendre des mesures à long terme dans ces domaines. Il est également préoccupé par l'absence de mesures visant à remédier à la vulnérabilité des femmes rurales, y compris les femmes âgées dans les territoires d'outre-mer en raison de l'acquisition de terres par des sociétés minières multinationales, entraînant souvent des expulsions forcées et des déplacements de femmes, sans compensation adéquate.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De poursuivre, de développer et de mettre en œuvre ses politiques rurales globales dans une perspective soucieuse du genre , en leur accord ant durablement les ressources nécessaires pour assurer une protection sociale efficace et une autonomisation des femmes rurales ;

b) De contrer les effets néfastes de l'acquisition de terrains et des baux à long terme sur les femmes rurales dans les territoires d'outre-mer et de veiller à ce que les femmes soient impliquées dans les négociations des baux fonciers et que leurs moyens de subsistance ne soient pas affectés négativement par ces contrats.

Groupes de femmes défavorisées

Les femmes migrantes et les femmes issues de l'immigration

Le Comité se félicite des efforts déployés par l'État partie pour intégrer les femmes et les filles migrantes ainsi que les femmes issues de l'immigration dans toutes les sphères de la société française. Toutefois, il reste préoccupé par les obstacles auxquels ces femmes sont encore confrontées dans divers domaines.

Le Comité recommande à l'État partie de poursuivre ses efforts et de prendre en compte la situation particulière des femmes migrantes et des femmes issues de l'immigration dans toutes les politiques publiques, tel le s que la politique urbaine, et plus généralement, dans la lutte contre toutes les formes de discrimination.

Femmes en détention

Le Comité souligne que les femmes représentent 3,23 % de la population carcérale et 6 % des personnes placées en rétention administrative. Il est préoccupé par l'inquiétante surpopulation carcérale, les infrastructures vétustes, l'éloignement des proches en raison de la distance géographique des rares prisons ayant des quartiers pour femmes, des possibilités réduites de travail de formation et de formation continue, et d’accès aux services de santé et aux services sociaux et culturels et par le risque plus élevé de suicide et d'hospitalisation psychiatrique forcée.

Le Comité recommande à l'État partie de mettre en œuvre les recommandations faites par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son rapport de 2016, notamment en ce qui concerne l'égalité des sexes dans ce contexte particulier.

Mariage et relations familiales

Le Comité se félicite de l'adoption de la loi n ° 2003-516 du 18 juin 2003, qui garantit l'égalité des droits en matière de transmission des noms de famille. Il note, cependant, que la grande majorité des enfants portent encore uniquement le nom de leur père. Le Comité est préoccupé par les conditions qui doivent être remplies par les personnes transgenres qui souhaitent changer de nom.

Le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures pour informer les parents sur le droit égal de l'homme et de la femme de transmettre leur nom de famille à leurs enfants, pour éliminer la priorité patriarcale donnée aux noms de famille des hommes. Il recommande également une simplification de la procédure judiciaire par laquelle les personnes transgenres peuvent changer de nom, en leur permettant de faire une déclaration à cet effet devant un officier d'état civil ou un notaire.

Le Comité est préoccupé par le fait qu'un certain nombre de lois ou pratiques coutumiers en vigueur dans certains territoires non métropolitains contiennent des dispositions discriminatoires à l'égard du mariage et des relations familiales qui sont incompatibles avec la Convention.

Le Comité recommande à l'État partie de soutenir les efforts déployés par les autorités coutumières et les organisations de femmes autochtones pour assurer un examen rapide des dispositions discriminatoires relatives au mariage et aux relations familiales, y compris les contrats de mariage, la dissolution du mariage, la garde des enfants et l'héritage , afin qu' elles soient conformes à la Convention.

Collecte et analyse des données

Le Comité se félicite de la collecte, de l'analyse et de la diffusion des principales statistiques relatives à l'égalité des sexes, mais regrette que l'État partie refuse d’envisager de recueillir des données ventilées par origine ethnique ou par religion, bien que l'absence de ces données empêche d'avoir les informations nécessaires pour mesurer la discrimination fondée sur ces critères et d’élaborer des mesures pour les surmonter, notamment en ce qui concerne les femmes exposées à différentes formes de discrimination.

Le Comité encourage l'État partie à revoir son système de collecte des données, notamment par la modification de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés , afin de recueillir des données basées sur l'origine ethnique et la religion, ce qui renforcerait les mesures prises pour lutter contre la discrimination.

Déclaration et Programme d'action de Beijing

Le Comité demande à l'État partie d'utiliser la Déclaration et le Programme d'action de Beijing dans ses efforts visant à mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Le programme de développement durable à l'horizon 2030

Le Comité appelle à la réalisation de l'égalité effective des sexes, conformément aux dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l'horizon 2030.

Diffusion

Le Comité demande à l'État partie d'assurer la diffusion en temps opportun des présentes observations finales, dans sa langue officielle, à toutes les institutions de l'État (nationales, régionales et locales), notamment au Gouvernement, aux ministères, au parlement et aux instances judiciaire s, pour permettre leur pleine application.

Ratification d'autres traités

Le Comité souligne que l’adhésion de l'État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme pourrait contribuer à l’exercice effectif des droits individuels et des libertés fondamentales des femmes dans tous les aspects de la vie. Il encourage donc l'État partie à envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille à laquelle il n’est pas encore partie.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité demande à l'État partie de lui soumettre, dans un délai de deux ans, des informations écrites sur les mesures qu'il a prises pour la mise en œuvre des recommandations énoncées aux paragraphes 15 alinéa s a) et d) et 33 alinéa a) ci-dessus.

Élaboration du prochain rapport

Le Comité invite l'État partie à soumettre son prochain rapport périodique en juillet 2020.

Le Comité invite l'État partie à suivre les directives harmonisées pour l'établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument ( HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).