Nations Unies

CCPR/C/KEN/CO/3

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

31 août 2012

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’homme

Examen des rapports soumis par les États partiesconformément à l’article 40 du Pacte

Observations finales adoptées par le Comité des droits de l’hommeà sa 105e session (9-27 juillet 2012)

Kenya

1.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique du Kenya (CCPR/C/KEN/3) à ses 2906e et 2907e séances (CCPR/C/SR.2906 et 2907), les 17 et 18 juillet 2012. À ses 2917e et 2918e séances (CCPR/C/SR.2917 et CCPR/C/SR.2918), le 25 juillet 2012, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique du Kenya et les renseignements qu’il contient. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer le dialogue ouvert et constructif avec la délégation de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte. Le Comité remercie l’État partie des réponses écrites (CCPR/KEN/Q/3/Add.1) qu’il a apportées à la liste de points à traiter et qui ont été complétées oralement par la délégation.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures d’ordre législatif et institutionnel ci-après prises par l’État partie:

a)L’adoption de la nouvelle Constitution en 2010;

b)L’adoption de la loi portant modification de la loi de 2010 sur la protection des témoins et la création de l’organe de protection des témoins en 2011;

c)L’adoption de la loi portant interdiction des mutilations génitales féminines (2011);

d)L’adoption de la loi no 2 (2011) relative à la nationalité et à l’immigration;

e)La poursuite des réformes judiciaires, notamment la création de la Cour suprême du Kenya en 2010;

f)L’adoption de la loi (2011) sur la vérification des antécédents des juges et des magistrats et la création d’un organe de contrôle des magistrats et des juges en 2011;

g)La création de la Commission nationale du genre et de l’égalité en 2011;

h)La création de l’Autorité indépendante de contrôle de la police en 2012.

4.Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (2006) en 2008.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

5.Le Comité prend note des explications données par l’État partie au sujet du paragraphe 6 de l’article 2 de la nouvelle Constitution qui dispose que les instruments internationaux ratifiés par le Kenya font partie intégrante du droit kényan, mais il est préoccupé par le flou actuel de la jurisprudence des tribunaux nationaux quant à la place du Pacte dans l’ordre juridique interne (art. 2).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures voulues pour que son droit interne soit clair quant au statut et à l’applicabilité du Pacte dans son système juridique . À ce sujet, le Comité demande instamment à l’État partie de veiller à ce que le projet de loi sur la ratification des instruments internationaux indique clairement quel est le statut du Pacte et des autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme dans l’ordre juridique interne.

6.Le Comité accueille avec satisfaction la création de la Commission nationale du genre et de l’égalité et l’intégration au paragraphe 8 de l’article 27 de la Constitution du principe selon lequel «pas plus des deux tiers des membres d’organes dont les postes sont pourvus par élection ou par nomination ne doivent être du même sexe», mais il relève avec inquiétude que les femmes sont encore sous-représentées dans le secteur public et dans les organes dont les membres sont élus ou nommés. Il est préoccupé par l’absence de données sur la représentation des femmes dans le secteur privé (art. 2, 3 et 26).

L’État partie devrait intensifier ses efforts visant à accroître la représentation des femmes dans les secteurs public et privé, en adoptant au besoin les mesures temporaires spéciales voulues pour donner effet aux dispositions du Pacte. À cette fin, le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que la règle des deux tiers énoncée dans la nouvelle Constitution soit appliquée en priorité. En outre, le Comité invite instamment l’État partie à faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques ventilées concernant la représentation des femmes dans le secteur privé.

7.Le Comité rappelle ses précédentes observations finales (CCPR/CO/83/KEN, par. 10) et regrette que le projet de loi sur le mariage entérine le mariage polygame. Il regrette également que la loi sur le droit des successions soit discriminatoire à l’égard des veuves en ce qui concerne les droits de propriété. Il regrette en outre que l’État partie n’ait pas adopté le projet de loi sur les biens matrimoniaux (art. 2, 3, 23 et 26).

Le Comité réaffirme, comme il l’avait fait dans ses précédentes observations finales (CCPR/CO/83/KEN, par. 10), que l’autorisation de la polygamie restreint la portée des dispositions antidiscriminatoires et est incompatible avec le Pacte. L’État partie devrait donc prendre des mesures concrètes pour interdire les mariages polygames. Il devrait également réviser la loi sur le droit des successions de façon à garantir l’égalité des hommes et des femmes en ce qui concerne la transmission des biens et la succession après le décès d’un conjoint. Il devrait également adopter une loi réformant son droit en matière de biens matrimoniaux.

8.Le Comité rappelle ses précédentes observations finales (CCPR/CO/83/KEN, par. 27) et regrette que le Code pénal continue de réprimer les relations sexuelles entre adultes consentants du même sexe. Il regrette également les informations faisant état d’actes de violence, de harcèlement et autres atteintes à l’égard des lesbiennes, des homosexuels, des bisexuels, des transgenres et des intersexués fondés uniquement sur leur orientation sexuelle ou leur identité de genre (art. 2, 17 et 26).

Le Comité réitère ses précédentes observations finales (CCPR/CO/83/KEN, par. 27) et recommande à l’État partie de dépénaliser les relations sexuelles entre adultes consentants du même sexe de façon à rendre sa législation conforme au Pacte. L’État partie devrait également prendre les mesures nécessaires pour faire disparaître la stigmatisation sociale visant l’homosexualité et proclamer clairement qu’il ne tolérera aucune forme de harcèlement, de discrimination ou de violence fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.

9.Le Comité rappelle ses observations finales précédentes (CCPR/CO/83/KEN, par. 15) et accueille avec satisfaction l’adoption de la loi de 2006 relative à la prévention et au contrôle du VIH/sida, et du Plan stratégique national de lutte contre le VIH/sida 2009‑2010 et 2012-2013. Il regrette toutefois les taux élevés de décès dus au sida et l’inégalité d’accès aux traitements pour les personnes infectées par le VIH qui continuent d’être signalés. Le Comité regrette aussi que d’après les renseignements reçus le VIH/sida est prévalent chez les homosexuels en partie en raison de la répression des relations librement consenties entre personnes du même sexe et de la stigmatisation de ce groupe par la société, qui empêchent l’accès aux traitements et aux soins médicaux (art. 2, 6 et 26).

Le Comité réitère ses observations finales précédentes (CCPR/CO/83/KEN, par. 15) et recommande à l’État partie de prendre des mesures concrètes pour sensibiliser la population au problème du VIH/sida en vue de lutter contre les préjugés et les stéréotypes négatifs dont sont l’objet les personnes qui vivent avec le VIH/sida, y compris les homosexuels. L’État partie devrait faire en sorte que les personnes vivant avec le VIH/sida, y compris les homosexuels, aient un accès égal aux soins et aux traitements médicaux.

10.Le Comité note qu’un moratoire sur les exécutions est appliqué de facto depuis 1987 et que, le 3 août 2009, le Président a commué 4 000 condamnations à mort en peines de réclusion à perpétuité, mais il regrette qu’au total 1 582 personnes soient encore condamnées à mort. Il regrette également que la peine de mort soit toujours prévue par la loi et qu’elle puisse être prononcée pour des infractions, comme le vol avec violence, qui ne sont pas parmi les «crimes les plus graves» au sens du paragraphe 2 de l’article 6 du Pacte (art. 6 et 7).

Le Comité recommande à l’État partie, comme il l’avait fait dans ses précédentes observations finales (CCPR/CO/83/KEN, par. 13), d’ envisager d’abolir la peine de mort et d’adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte . Dans ce contexte, l’État partie devrait multiplier les campagnes de sensibilisation en vue de modifier l’opinion publique quant au maintien de la peine de mort dans sa législation.

11.Le Comité est préoccupé par la lenteur des enquêtes et des poursuites engagées concernant les actes de torture et les exécutions extrajudiciaires dont la police et des groupes d’autodéfense seraient les auteurs. Il s’inquiète en particulier de ce que l’État partie n’a pas mené d’enquêtes concluantes sur les allégations d’usage d’une force excessive par la police durant l’opération Okoa Maisha dans la région du mont Elgon, l’opération Chunga Mpaka dans le district de Mandera et l’opération Mathare. Le Comité s’inquiète en outre de ce que le meurtre de Oscar Kamau King’ara et John Paul Oulu, qui avaient coopéré avec le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires lors de la visite de celui-ci dans l’État partie en 2009, n’aient pas fait l’objet d’enquêtes concluantes ni donné lieu à des poursuites pénales. Il est en outre préoccupé par les informations régulières selon lesquelles les forces de sécurité de l’État feraient un usage illicite et excessif de la force et se demande si des procédures adéquates de formation et de planification sont en place pour prévenir l’usage excessif de la force lors des opérations de sécurité (art. 2, 6 et 7).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour faire en sorte que les fonctionnaires de police soupçonnés d’avoir commis des exécutions extrajudiciaires et d’autres infractions fassent l’objet d’enquêtes approfondies et soient traduits en justice et que les victimes soient dûment indemnisées. Il devrait aussi achever les enquêtes sur le meurtre d’Oscar Kamau King’ara et de John Paul Oulu et veiller à ce que ceux qui en sont accusés soient traduits en justice et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à une peine appropriée. L’État partie devrait mettre en place, à l’intention des agents de sécurité de l’État et des fonctionnaires de police, des programmes de formation insistant sur les moyens à utiliser autres que la force, notamment le règlement pacifique des litiges, la connaissance du comportement des foules et les méthodes de persuasion, de négociation et de médiation, en vue de limiter l’emploi de la force.

12.Le Comité apprécie les efforts que l’État partie déploie pour accueillir et protéger les demandeurs d’asile et les réfugiés, mais il est préoccupé par l’insécurité qui règne dans les camps de réfugiés, en particulier celui de Dadaab. Il est particulièrement préoccupé par les actes de violence physique et sexuelle commis par la police contre des réfugiés à la suite des attentats à la bombe qui ont coûté la vie à des policiers dans le camp de Dadaab (art. 2, 6 et 7).

L’État partie devrait prendre des mesures concrètes pour assurer correctement la sécurité dans les camps de réfugiés, en particulier celui de Dadaab. Il devrait mener des enquêtes approfondies sur tous les actes de violence, y compris ceux qui seraient commis par les forces de l’ordre, et traduire les responsables en justice. Il devrait également veiller à ce que les victimes des actes de violence reçoivent une indemnisation adéquate.

13.Le Comité note que l’État partie coopère avec la Cour pénale internationale aux fins des poursuites engagées contre les principaux responsables des violences postélectorales de 2007 et que la Commission pour la vérité, la justice et la réconciliation poursuit ses travaux, mais il regrette qu’il n’y ait pas eu d’enquêtes ni de poursuites engagées contre les autres catégories de responsables, ce qui exacerbe le climat d’impunité qui règne dans l’État partie (art. 2 et 7).

L’État partie devrait d’urgence se pencher sur tous les actes de violences commis à la suite des élections de 2007 afin que toutes les allégations de violation des droits de l’homme fassent l’objet d’une enquête approfondie, que les auteurs de violations soient traduits en justice et que les victimes soient dûment indemnisées. À cette fin, l’État partie devrait faire en sorte que les recommandations de la Commission d’enquête sur les violences postélectorales (Commission d’enquête Waki) soient dûment appliquées.

14.Le Comité note qu’il y a eu une augmentation du nombre d’attentats terroristes dans l’État partie et qu’une unité antiterrorisme a été créée au sein de la police, mais il est préoccupé par l’absence de cadre juridique indiquant clairement les droits fondamentaux devant être respectés dans la lutte contre le terrorisme. Il est également préoccupé par les allégations faisant état de la participation de l’État partie à des «transferts illicites» et du renvoi de personnes soupçonnées d’actes de terrorisme vers des pays où elles risquent d’être torturées ou d’être victimes de graves violations des droits de l’homme (art. 2 et 7).

L’État partie devrait adopter une législation antiterroriste et veiller à ce qu’elle a) définisse les infractions terroristes en fonction de leur but et de leur nature avec suffisamment de précision et b) ne restreigne pas indûment l’exercice des droits énoncés dans le Pacte. Il devrait s’abstenir de tout transfert illicite et veiller à ce que le projet de loi de 2011 sur les réfugiés respecte l’interdiction absolue du refoulement énoncée à l’article 7 du Pacte, qui s’applique également aux personnes considérées comme menaçant la sécurité nationale.

15.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la loi de 2011 sur l’interdiction des mutilations génitales féminines et d’une Politique nationale pour l’abandon de la pratique des mutilations génitales féminines mais il demeure préoccupé par la prévalence de cette pratique et d’autres pratiques traditionnelles préjudiciables, comme la «transmission successorale des veuves» et la «purification rituelle» qui existent toujours dans plusieurs régions de l’État partie. Le Comité est également préoccupé par les informations persistantes faisant état de violences sexistes dans l’ensemble du pays (art. 3 et 7).

L’État partie devrait adopter une approche globale de la prévention des mutilations génitales féminines et de la violence sexiste sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, ainsi que de la lutte contre ces pratiques. À cette fin, l’État partie devrait améliorer ses méthodes de recherche et de collecte de données de façon à déterminer l’ampleur du problème, ses causes et ses conséquences pour les femmes. Il devrait appliquer énergiquement la loi de 2006 relative aux infractions sexuelles, achever le projet de directives relatives aux poursuites pénales dans les cas d’infractions sexuelles et de violences sexistes et adopter une législation contre la violence au foyer. L’État partie devrait veiller à ce que les cas de mutilations génitales féminines et de violence au foyer fassent l’objet d’une enquête approfondie et que les auteurs de tels actes soient traduits en justice et les victimes indemnisées adéquatement.

16.Le Comité note avec préoccupation qu’il continue de recevoir des renseignements dénonçant la surpopulation dans les établissements pénitentiaires et autres lieux de détention ainsi que les tortures et les mauvais traitements qui y seraient infligés par les personnels de sécurité. Il s’inquiète également de ce que le projet de loi relatif à la prévention de la torture n’ait pas encore été adopté (art. 7 et 10).

L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures pour remédier à la surpopulation des centres de détention et des établissements pénitentiaires, notamment par un recours accru aux peines de substitution, comme la libération conditionnelle et les travaux d’intérêt général. Il devrait également veiller à ce que les allégations de torture et mauvais traitements fassent l’objet d’enquêtes effectives et que les auteurs de ces actes soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées, et à ce que les victimes reçoivent une indemnisation adéquate. À cette fin, l’État partie devrait faire en sorte que les membres des forces de l’ordre continuent de recevoir une formation sur la torture et les mauvais traitements en imposant l’étude du Manuel de 1999 pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) dans le cadre de tous les programmes de formation à l’intention des membres des forces de l’ordre. L’État partie devrait veiller à ce que le projet de loi sur la prévention de la torture comporte une définition de la torture conforme à l’article premier de la Convention contre la torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

17.Tout en accueillant avec satisfaction l’adoption de la loi de 2010 sur la lutte contre la traite des êtres humains, le Comité note avec préoccupation que des cas de traite à des fins de travail forcé, d’exploitation sexuelle et de prélèvement d’organes, en particulier de personnes albinos, continuent d’être signalés (art. 6, 7 et 8).

L’État partie devrait continuer à intensifier ses efforts afin d’éradiquer la traite des êtres humains en sensibilisant la population et toutes les parties prenantes, en particulier dans le secteur de l’hôtellerie, au problème de la traite. De plus, il devrait poursuivre vigoureusement ses efforts afin que ceux qui se livrent à la traite soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées, et que les victimes reçoivent une indemnisation adéquate.

18.Le Comité se félicite des efforts que déploie l’État partie pour réformer les services de police, notamment de l’adoption de la loi de 2011 sur la Police nationale et de la loi de 2010 sur la Commission nationale des services de police ainsi que de la création en 2008 du Groupe de travail chargé de mettre en œuvre la réforme de la police, mais il relève avec préoccupation que ces réformes n’ont qu’un effet limité. Il est plus particulièrement préoccupé par les informations persistantes selon lesquelles la police procéderait régulièrement à des arrestations illégales ou arbitraires, notamment en vue d’extorquer des pots-de-vin, comme par le fait que toutes les personnes arrêtées ne sont pas déférées à un juge dans les vingt-quatre heures comme le prévoit la Constitution (art. 9).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’intensifier ses efforts pour réformer la police et d’allouer les ressources nécessaires à cette fin;

b) De mettre en œuvre sans tarder la délocalisation prévue de certains tribunaux pour améliorer l’accès à la justice en milieu rural également;

c) De veiller, en donnant des instructions précises à la police, à ce que la règle constitutionnelle des vingt-quatre heures soit respectée dans tous les cas.

19.Le Comité accueille avec satisfaction l’introduction d’un programme national d’aide juridictionnelle (et d’information) et la mise en place du Comité directeur pour l’aide juridictionnelle (et l’information) en 2007, mais il regrette que l’accès à l’aide juridictionnelle et aux tribunaux soit indûment limité par l’insuffisance des crédits alloués au programme d’aide juridictionnelle et par des difficultés matérielles d’accessibilité. Le Comité note aussi avec préoccupation que le projet de loi sur l’aide juridictionnelle n’a pas encore été adopté. Le Comité note également avec préoccupation que, souvent, le droit des personnes arrêtées à l’assistance d’un conseil n’est pas respecté (art. 2, 9 et 14).

L’État partie devrait donner pleinement effet au droit des personnes arrêtées de communiquer avec un conseil avant et pendant leur interrogatoire et quand elles comparaissent devant le tribunal. De plus, l’État partie devrait prendre les mesures voulues pour garantir l’accès aux tribunaux et assurer le financement adéquat du programme d’aide juridictionnelle. L’État partie devrait également adopter d’urgence une législation complète sur l’aide juridictionnelle.

20.Si le Comité note avec satisfaction les efforts déployés par l’État partie pour apporter une aide humanitaire aux personnes déplacées à la suite des violences postélectorales de 2007, il n’en est pas moins préoccupé par la lenteur des mesures prises pour apporter une solution durable à la situation de toutes les personnes déplacées à l’intérieur du pays (art. 12).

L’État partie devrait accélérer la recherche de solutions durables pour les personnes qui ont été déplacées à la suite des violences postélectorales de 2007 en résolvant les problèmes qui retardent la réinstallation et ceux qui empêchent la reconnaissance de groupes d’auto-assistance. L’État partie devrait également, à titre prioritaire, adopter une politique en faveur des personnes déplacées et se doter d’une législation en la matière.

21.Le Comité rappelle ses observations finales précédentes (CCPR/CO/83/KEN, par. 22) et note avec regret qu’il continue de recevoir des informations faisant état d’expulsions forcées d’habitants d’établissements humains informels sans que les populations concernées aient été consultées ni même préalablement averties (art. 17).

Le Comité recommande de nouveau à l’État partie (CCPR/CO/83/KEN, par. 22) d’élaborer des lois, politiques et procédures transparentes concernant les expulsions et veiller à ce qu’il n’y soit pas procédé sans que les intéressés aient été consultés et que des arrangements appropriés aient été prévus en vue de leur réinstallation. À cette fin, l’État partie devrait veiller à ce que ses organes cessent de procéder à des expulsions jusqu’à ce que les procédures et directives voulues aient été mises en place.

22.Le Comité rappelle ses observations finales précédentes (CCPR/CO/83/KEN, par. 24) et regrette que l’âge de la responsabilité pénale soit toujours fixé à 8 ans dans l’État partie. Il note également avec préoccupation que le système de justice pour mineurs y est insuffisamment développé et que dans bien des cas les mineurs sont détenus avec les adultes dans les centres de détention et les établissements pénitentiaires (art. 2, 10 et 24).

Le Comité demande de nouveau à l’État partie (CCPR/CO/83/KEN, par. 24) de relever l’âge minimum de la responsabilité pénale pour qu’il soit conforme aux normes internationales. L’État partie devrait également, à titre prioritaire, développer son système de justice des mineurs afin de l’étendre aux zones rurales. Il devrait de plus veiller à ce que dans tous les lieux de détention et établissements pénitentiaires les mineurs soient séparés des adultes.

23.Le Comité se félicite de l’évolution récente de la législation en ce qui concerne la nationalité sous l’empire de la nouvelle Constitution et de la loi de 2011 sur la nationalité et l’immigration, mais il est préoccupé par la lenteur de l’enregistrement des naissances dans l’État partie. Il relève en outre avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore réglé la question des droits des enfants d’ascendance nubienne à la nationalité et à une carte nationale d’identité et note qu’il n’a pas appliquéla décision rendue par le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être des enfants dans l’affaire IHRDA and Open Society Justice Initiative (OSJI) (au nom d’enfants d’ascendance nubienne au Kenya) c. Kenya(art. 2 et 24).

L’État partie devrait adopter les programmes et mesures budgétaires voulus pour que tous les enfants nés sur son territoire soient enregistrés à l’état civil à la naissance ou peu après. Il devrait aussi veiller à ce que le droit à la nationalité et à une carte nationale d’identité de tous les enfants d’ascendance nubienne et des autres enfants dans une situation similaire soit pleinement respecté.

24.Le Comité est préoccupé par des informations indiquant que des communautés minoritaires, comme les Ogieks et les Endorois, qui sont tributaires de leurs terres ancestrales pour leur subsistance économique et la pratique de leur culture, ont été expulsées et dépossédées de ces terres par le Gouvernement, et ont fait l’objet d’autres formes d’ingérence. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles les membres de la communauté ogiek continuent de faire l’objet d’ordonnances d’expulsion visant à les chasser de la forêt Mau. Il relève que l’État partie n’a pas donné effet à la décision rendue par la Commission africaine des droits et des peuples dans l’affaire Centre for Minority Right Development (Kenya) et Minority Right Group International au nom de l’Endorois Welfare Council c. Kenya (art. 12, 17, 26 et 27).

Le Comité recommande à l’État partie, quand il planifie ses projets de développement et projets de conservation des ressources naturelles, de respecter les droits des groupes minoritaires et autochtones sur leurs terres ancestrales et de veiller à ce que leurs moyens de subsistance traditionnels, qui sont indissociablement liés à ces terres, soient pleinement préservés. À cette fin, l’État partie devrait faire en sorte que l’inventaire entrepris par l’Agence intérimaire de coordination afin d’évaluer précisément la situation et les droits fonciers de la communauté ogiek soit un processus participatif et que les décisions reposent sur le consentement de cette communauté, donné librement et en connaissance de cause.

25.L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, du troisième rapport périodique, de ses réponses écrites à la liste des points à traiter établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales actives dans le pays, ainsi que dans la population en général. Le Comité suggère que le rapport et les observations finales soient traduits dans les langues officielles écrites de l’État partie. Le Comité demande en outre à l’État partie de tenir de larges consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales pour élaborer son quatrième rapport périodique.

26.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir, dans un délai d’un an, les informations requises sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 6, 13 et 16.

27.Le Comité prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique, qui devra lui être soumis d’ici au 27 juillet 2015, des renseignements à jour et précis sur la suite donnée à toutes ses recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble.