Nation s Unies

CMW/C/SEN/CO/1

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr.: générale

10 décembre 2010

Original: français

Co mité pour la p rotection des d roits de t ous les t ravailleurs m igrants et des m embres de leur famille

Treizième session

22 novembre-3 décembre 2010

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 74 de la Convention

O bservations finales du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Sénégal

1.Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a examiné le rapport initial du Sénégal (CMW/C/SEN/1) à ses 142e et 143e séances (CMW/C/SR.142 et 143), qui se sont tenues les 24 et 25 novembre 2010. Le Comité a adopté les observations finales suivantes à sa 153e séance (CMW/C/SR.153), le 2 décembre 2010.

A. Introduction

2.Le Comité salue le rapport initial de l’État partie et se félicite de la volonté de coopération dont celui-ci a fait preuve en envoyant une délégation de haut niveau pour dialoguer avec lui. Il regrette que plusieurs de ses questions au cours du dialogue soient demeurées sans réponse; il regrette aussi de n’avoir pas reçu toutes les réponses écrites à sa liste de points à traiter et que celles qui ont été reçues ne lui soient pas parvenues suffisamment à l’avance pour permettre leur traduction dans d’autres langues de travail du Comité.

3.Le Comité constate que de nombreux ressortissants sénégalais sont des travailleurs migrants et que le Sénégal est un pays de transit et de destination des flux migratoires.

4.Le Comité prend note de la déclaration de l’État partie selon laquelle le Sénégal possède des frontières communes avec cinq pays et une vaste étendue d’océan difficile à contrôler.

5.Le Comité prend note du fait que certains des pays qui emploient des travailleurs migrants sénégalais ne sont pas parties à la Convention, ce qui peut faire obstacle à la jouissance par les travailleurs des droits qui leur sont reconnus par la Convention.

B. Aspects positifs

6.Le Comité note avec satisfaction que la Convention fait partie de l’ordonnancement juridique national de l’État partie, que son autorité est supérieure à celle des lois et que les institutions étatiques sont tenues de l’appliquer.

7.Le Comité note avec intérêt l’adoption de la loi n° 2005-06 du 10 mai 2005, relative à la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées et à la protection des victimes.

8.Le Comité note avec intérêt la création du Ministère des Sénégalais de l’Extérieur en vue d’apporter une assistance aux Sénégalais vivant à l’étranger et de développer des politiques de réinsertion qui facilitent leur retour.

9.Le Comité se félicite que l’État partie ait récemment ratifié les instruments suivants:

a)Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en 2003 ;

b)Le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en 2003;

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2003;

d)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2004.

C. Principaux sujets de préoccupation, suggestions et recommandations

1. Mesures générales d’application (art. 73 et art. 84 de la Convention)

Législation et mise en œuvre

10.Le Comité note avec regret que l’État partie n'a pas fait les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention, qui reconnaissent la compétence du Comité pour recevoir des communications émanant des États parties et des particuliers.

Le Comité encourage l'État partie à envisager de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention.

11.Le Comité prend note du fait que l’État partie n'a pas encore ratifié plusieurs conventions pertinentes de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant les travailleurs migrants, à savoir la Convention no 97 (révisée) de 1949 et la Convention no 143 (dispositions complémentaires) de 1975.

Le Comité encourage l’ É tat partie à envisager de ratifier les Conventions de l'OIT ( n os 97 et 143 ) sur les travailleurs migrants dans les meilleurs délais .

Collecte de données

12.Le Comité note avec préoccupation l’absence de données statistiques sur les flux migratoires, en particulier concernant les migrations économiques vers le Sénégal, et sur les expatriés sénégalais. Il souligne que ces données sont indispensables pour comprendre la situation des travailleurs migrants et évaluer la mise en œuvre de la Convention dans l'État partie.

Le Comité encourage vivement l'État partie à créer une solide base de données ventilées par sexe, âge et origine en vue de permettr e une meilleure appréhension du contexte migratoire et de la situation des travailleurs migrants au Sénégal, y compris des travailleurs migrants en situation irrégulière, de surveiller la mise en œuvre de chacun des droits énoncés dans la Convention et de collecter d es données sur l'exercice effectif de chacun de ces droits.

Formation sur la Convention et diffusion de celle-ci

13.Le Comité note avec intérêt que l’État partie a mis au point des stratégies pour informer les migrants et les Sénégalais vivant à l’étranger sur la législation, les politiques et les programmes publics visant à promouvoir et à protéger leurs droits. Cependant, il regrette qu’il n’existe pas de programme de formation sur la Convention à l’intention spécifiquement des fonctionnaires travaillant dans le domaine de la migration.

Le Comité encourage l'État partie à dispenser une formation axée sur le contenu de la Convention à tous les fonctionnaires travaillant dans le domaine des migrations, y compris aux membres de la magistrature, à la police (y compris la police des frontières) et aux travailleurs sociaux afin d'assurer la protection et le respect d es droits des migrants.

2. Principes généraux (art.7 et 83)

Non-discrimination

14.Le Comité prend note de la déclaration de l’État partie selon laquelle le Code du travail sénégalais, en interdisant la discrimination en matière de recrutement, de salaires, de sanctions et de sécurité sociale, ne fait aucune distinction entre les travailleurs nationaux et les travailleurs migrants. Cependant, le Comité s’inquiète de constater que les droits des travailleurs migrants irréguliers, des travailleurs migrants dans le secteur informel et des travailleurs migrants en transit ne sont pas suffisamment respectés. Le Comité s’inquiète également de noter que les travailleurs migrants dans le secteur formel ne bénéficient pas de l’égalité de traitement en matière de sécurité sociale, en particulier pour ce qui est du versement de la pension de retraite.

Le Comité recommande à l’ É tat partie de prendre les mesures nécessaire s afin que tous les migrants bénéficient de l’égalité de traitement . Le Comité recommande également que l’ É tat partie veille à ce qu’il n’y ait pas de distinction en matière de sécurité sociale , et en particulier de versement de la pension de retraite , entre les travailleurs nationaux et les travailleurs migrants dans le secteur formel .

3.Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

15.Le Comité est préoccupé par le fait que des travailleurs migrants en situation irrégulière sont placés en détention avec des personnes accusées ou reconnues coupables de crimes et que les jeunes ne sont pas séparés des adultes.

Le Comité recommande à l’ É tat partie de prendre les mesures nécessaire s pour s’assurer que la d é tention de s travailleurs migrants en situation irréguliè r e soit uniquement une mesure de dernier ressort et qu ’ en toutes circonstances la détention soit appliquée conformément à l’ article 16 et à l’article 17 , par agraphe 2 , de la Convention.

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille qui sont pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)

16.Bien que l’État partie ait ratifiélaConvention n° 87 de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, le Comité note avec regret qu’en vertu de l’article L.9 du Code du travail sénégalais (loi n° 97-17 du 1er décembre 1997), le droit des travailleurs migrants d’occuper des fonctions au sein des instances dirigeantes des associations et des syndicats est subordonné à un accord de réciprocité avec le pays d’origine du travailleur migrant, et donc qu’il n’est pas garanti de manière égale à tous les migrants .

Le Comité recommande à l’ É tat partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le droit d’occuper des fonctions au sein des instances dirigeantes des associations ou syndicats dont ils sont membres à tous les travailleurs migrants et aux membres de leur famille qui résident légalement au Sénégal, sans condition de réciprocité avec le pays d’origine.

5.Promotion de conditions saines, équitable, dignes et légales de migration internationale pour les travailleurs migrants et les membres de leur famille (art. 64 à 71)

17.Bien que le Comité prenne note des protocoles d’entente et des accords bilatéraux signés avec des pays accueillant des travailleurs migrants sénégalais, il constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas pris de mesures suffisantes pour protéger les droits de ses travailleurs migrants, malgré le nombre considérable d’expulsions et de refoulements de travailleurs migrants sénégalais depuis l’Europe et certains pays d’Afrique du Nord.

Le Comité recommande à l’ É tat partie de veiller à ce que ses protocoles d’entente et ses accords bilatéraux avec les pays accueillant des travailleurs migrants sénégalais contiennent des dispositions en conformité avec les articles 22 et 67 de la Convention , et que ses ressortissants dans les pays d’accueil aient la possibilité de recourir à la protection et à l’assistance, y compris l’assistance juridique si besoin est , des autorités consulaires pour faire respecter leurs droits.

18.Le Comité note avec préoccupation que plus de la moitié des enfants contraints à la mendicité dans la région de Dakar viennent de pays limitrophes et que l’État partie n’a pas adopté de mesures concrètes pour mettre un terme au trafic régional des enfants à des fins de mendicité. Le Comité déplore également que l’exploitation économique à grande échelle des enfants talibés venant de pays limitrophes, qui dans leur majorité subissent des violences et des mauvais traitements de la part des marabouts, n’ait pas fait l’objet d’une attention suffisante de la part de l’État partie en dépit des recommandations faites en 2006 par le Comité des droits de l’enfant à cet égard (CRC/SEN/CO/2, par. 60 et 61).

Le Comité encourage l’ É tat partie à mettre en place, en coopération avec les É tats concernés, toutes les mesures nécessaires pour prévenir et combattre le trafic d’enfants en provenance des pays limitrophes à des fins de mendicité. En outre, le Comité exhorte l’ É tat partie à prendre toute s les mesures nécessaires pour que les personnes responsables du trafic et de l’exploitation des enfants soient traduites en justice et condamné e s à de lourdes peines. Le Comité recommande également que l’ É tat partie mette en place des programmes permettant de retirer des rues les enfants contraints à la mendicité, y compris les talibés, et de les faire bénéficie r des services de réhabilitation psychosociale nécessaires.

19.Le Comité regrette qu’en dépit des études menées par les organisations internationales sur l'impact de la migration de l’un ou des deux parents travaillant à l’étranger sur les enfants restés au pays, la question n'ait pas fait l’objet d’une attention suffisante de la part de l'État partie, comme en témoigne l’absence de législation et de politique à cet égard, notamment de politique de protection sociale de ces enfants.

Le Comité encourage l'État partie à prendre pleinement en considération la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouve nt les enfants dont l’un ou les deux parents ont migré , lorsqu’il élabor e des lois, des politiques et des mesures, en particulier dans les domaines liés à la protection sociale.

20.Le Comité prend note des accords et programmes bilatéraux qui existent entre certains pays et l’État partie portant sur le recrutement de migrants sénégalais pour les employer à l’étranger. Le Comité regrette, toutefois, que la société civile n’ait pas été consultée avant la négociation des accords bilatéraux.

Le Comité encourage l’ É tat partie à consulter la société civile avant de négoci er un accord bilatéra l portant sur le recrutement de migrants sénégalais pour le s emplo yer à l’étranger et à prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que ces accords soient pleinement compatible s avec la Convention.

21.Le Comité prend note de l’existence dans l’État partie d’un service opérationnel spécialisé dans le rapatriement des Sénégalais vivant à l’étranger en cas de crise. Le Comité prend également note du fait que le Ministère des Sénégalais de l’Extérieur est habilité à créer des conditions favorables à ce retour. Le Comité regrette toutefois qu’aucune information détaillée n’ait été fournie sur les activités du Ministère des Sénégalais de l’Extérieur ni sur les mesures prévues pour assurer la bonne organisation du retour des migrants sénégalais de l’étranger.

Le Comité prie l’ É tat partie de fournir dans son prochain rapport des renseignements supplémentaires sur les activités du Ministère des Sénégalais de l'Extérieur , en particulier sur la bonne organisation du retour de ses ressortissants au Sénégal .

22.Le Comité note avec intérêt que l’État partie a renforcé les capacités des forces de sécurité chargées du contrôle des frontières. Cependant, il regrette que le corps des inspecteurs du travail manque du personnel et des ressources nécessaires à la surveillance et à l'investigation des cas de traite des personnes et des pratiques assimilées.

Le Comité recommande à l'État partie de veiller à ce que des ressources humaines et financières adéquates so ie nt attribuées à l' I nspection du travail et que le personnel de ce lle-ci bénéficie d’ une formation appropriée , y compris sur le contenu de la Convention, afin de lui permettre d’ accomplir sa mission en respect ant pleinement l es droits des travailleurs migrants.

23.Le Comité exprime sa préoccupation devant le fait que la responsabilité de mettre fin à la situation irrégulière dans laquelle il peut se trouver incombe au travailleur migrant lui-même, qui a l’obligation de contacter les services de la Direction de la police des étrangers et des titres de voyage pour obtenir les informations nécessaires à la régularisation de sa situation. Le Comité regrette l’absence de mesure adéquate pour informer et assister le travailleur migrant dans cette démarche, et souligne qu'il appartient à l'État partie de prendre les mesures appropriées pour appliquer les articles 68 et 69 de la Convention.

Le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures proactives efficaces pour s’ assurer que les travailleurs migrants et l es membres de leur famille ne demeurent pas en situation irrégulière. À ce propos, l’ É tat partie est invité à lancer une campagne d’information sur les droits du travailleur migrant et sur la procédure à suivre pour régulariser la situation du travailleur migrant en situation irrégulière. L e Comité recommande une procédure de régularisation accessible et rapide et l’ accompagnement du travailleur migrant en situation irrégulière tout au lo ng du processus.

6. Suivi et diffusion

Suivi

24.Le Comité demande à l’État partie de faire figurer, dans son deuxième rapport périodique, des informations détaillées sur les mesures qu’il aura adoptées pour donner suite à ses recommandations. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour l’application des présentes recommandations, notamment en les transmettant aux membres du Gouvernement et du Parlement ainsi qu’aux autorités administratives et autres autorités compétentes,pour examen et suite à donner.

Diffusion

25.Le Comité prie également l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales, notamment auprès des organismes publics, du corps judicaire, des organisations non gouvernementales et des autres membres de la société civile, et d’informer les Sénégalais qui émigrent à l’étranger, ainsi que les travailleurs migrants étrangers en transit ou résidant au Sénégal, de leurs droits et des droits des membres de leur famille en vertu de la Convention.

8. Prochain rapport périodique

26.Le Comité invite l’État partie à soumettre ses deuxième et troisième rapports périodiques en un document unique au plus tard le 1er novembre 2014.

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