Nations Unies

CERD/C/BIH/CO/12-13

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

10 septembre 2018

Français

Original : anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport de la Bosnie-Herzégovine valant douzième et treizième rapports périodiques *

1.Le Comité a examiné le rapport de la Bosnie-Herzégovine valant douzième et treizième rapports périodiques (CERD/C/BIH/12-13) à ses 2652e et 2653e séances (CERD/C/SR.2652 et 2653), les 9 et 10 août 2018. À sa 2670e séance, le 23 août 2018, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie valant douzième et treizième rapports périodiques.

3.Le Comité se félicite du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation nombreuse de l’État partie, qu’il tient à remercier pour les renseignements qu’elle lui a communiqués au cours de l’examen du rapport et pour le complément d’information qu’elle lui a fourni pendant le dialogue.

B.Aspects positifs

4.Le Comité se réjouit de ce que l’État partie se soit expressément engagé à mettre en œuvre les principes fondamentaux énoncés dans la Convention internationale sur l’interdiction de toutes les formes de discrimination raciale et à protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales inscrits dans sa Constitution et sa législation, ainsi que des efforts qu’il a consentis pour modifier ses politiques, programmes et mesures administratives et renforcer, par là même, la protection des droits de l’homme et l’application de la Convention, entre autres :

a)La nouvelle loi relative à l’asile, en 2016 ;

b)Les modifications apportées à la loi sur l’interdiction de la discrimination, en 2016 ;

c)Les modifications apportées à la loi relative à la citoyenneté, en 2016 ;

d)Les modifications apportées à la loi portant institution du Médiateur des droits de l’homme, en 2015 ;

e)La loi relative aux étrangers, en 2015 ;

f)Le Plan d’action révisé 2016-2020 consacré aux problèmes des Roms dans les domaines de l’emploi, du logement et des soins de santé.

C.Préoccupations et recommandations

Persistance des tensions interethniques et des clivages ethnoreligieux, et nécessité de réconciliation

5.Le Comité sait combien la guerre a été dévastatrice entre 1992 et 1995 et il n’ignore pas les efforts qui ont été déployés pour reconstruire la société. Pour autant, il demeure préoccupé de ce que plus de vingt ans après la fin de la guerre et la signature de l’Accord de paix de Dayton, le pays demeure marqué par des clivages ethniques et ethnoreligieux, qui semblent s’être installés, comme en témoignent les tensions ethniques récurrentes, notamment sur les plans politique et administratif. Le Comité constate également avec préoccupation que ces clivages se ressentent dans les groupes ethniques et nationaux sur l’ensemble du territoire, entravent le processus décisionnel et les efforts destinés à renforcer la confiance, comme l’adoption de lois, la mise en place d’institutions et l’élaboration de stratégies de nature à favoriser l’intégration et la réconciliation et rendent dès lors plus difficile la lutte contre la discrimination raciale (art. 1, 2 et 7).

6. Le Comité engage l ’ État partie à prendre toutes les mesures nécessaires, en concertation avec toutes les parties présentes sur le territoire, pour dépasser les tensions et clivages ethniques qui entravent les progrès juridiques, institutionnels, et politiques vers une société plus intégrée et vers la réconciliation, et perpétuent la discrimination raciale. Il recommande à l ’ État partie de prendre des mesures concrètes pour favoriser l ’ instauration d ’ une société plus intégrée, reposant sur les valeurs d ’ égalité et de non-discrimination et à laquelle tous les citoyens prennent part, indépendamment de leur appartenance ethnique, ethn o religieuse ou nationale.

Statistiques

7.Le Comité prend note avec satisfaction des résultats du recensement de 2013, qui ont été publiés en 2015, mais regrette que le rapport de l’État partie ne contienne pas de données statistiques ventilées et actualisées sur la composition ethnique de la population et que les indicateurs socioéconomiques qui y figurent au sujet des différents groupes résidant sur le territoire de l’État partie, notamment les Roms, les rapatriés, les réfugiés et les demandeurs d’asile sont particulièrement insuffisants. Le Comité est préoccupé par les informations contradictoires qu’il a reçues quant au nombre de Roms et de rapatriés vivant en Bosnie-Herzégovine. Il note en outre avec préoccupation que, selon les informations que lui a fournies la délégation de l’État partie, les statistiques sur le nombre de Roms et de rapatriés ne sont pas fiables et sont difficiles à recueillir.

8. Le Comité recommande à l ’ État partie de lui fournir des données fiables, actualisées et ventilées sur la composition ethnique de sa population, ainsi que des indicateurs socioéconomiques sur les groupes ethniques et nationaux résidant sur son territoire, notamment les Roms, les rapatriés, les réfugiés et les demandeurs d ’ asile, afin qu ’ il puisse apprécier dans quelle mesure ces groupes jouissent des droits que leur reconnaît la Convention. Il recommande également à l ’ État partie de mettre au point des outils et des procédures efficaces permettant de recueillir des données fiables sur le nombre de Roms et de rapatriés vivant en Bosnie-Herzégovine.

Conformité de la législation avec l’article premier de la Convention

9.Le Comité remarque que la définition de la discrimination raciale qui figure à l’article 2 de la loi sur l’interdiction de la discrimination reprend tous les motifs de discrimination énumérés à l’article premier de la Convention, mais il note avec préoccupation que l’« appartenance ethnique », la « couleur » et l’« ascendance » ne figurent pas parmi les motifs cités à l’article 145 a 1) du Code pénal, qui interdit et érige en infraction l’incitation à la haine raciale, ethnique et religieuse (art. 1, 2 et 4).

10. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ inclure dans l ’ article 145 a 1) de son Code pénal, tous les motifs de discrimination, en pleine conformité avec l ’ article premier de la Convention, et de veiller à ce qu ’ il soit fait de même dans tous les codes pénaux.

Discrimination à l’égard des citoyens n’appartenant pas à l’un des trois « peuples constitutifs »

11.Le Comité demeure préoccupé de ce que la Constitution et les lois électorales de l’État partie, de même que celles qui sont en vigueur dans les entités, contiennent encore des dispositions discriminatoires empêchant les personnes relevant de la catégorie « autres » de se présenter à l’élection présidentielle et aux élections à la Chambre des peuples, et ce, malgré les recommandations qu’il a formulées précédemment (CERD/C/BIH/CO/9-11, par. 5) et l’arrêt que la Cour européenne des droits de l’homme a rendu dans l’affaire Sejdić et Finci c. Bosnie-Herzégovine. Le Comité constate également avec préoccupation que des dispositions discriminatoires subsistent dans certaines lois et certains règlements locaux, qui confèrent des privilèges spéciaux aux « peuples constitutifs » par rapport aux « autres » dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine et la Republika Srpska (art. 2).

12. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de prendre des mesures concrètes pour lever les obstacles à l ’ adoption de modifications de sa Constitution et de ses lois électorales à tous les niveaux. Dans le même ordre d ’ idées, il lui recommande d ’ encourager toutes les parties à trouver un consensus et à s ’ imposer un calendrier pour la mise en œuvre des recommandations du Comité et de l ’ arrêt de la Cour européenne des droits de l ’ homme. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de veiller à ce que les lois et règlements locaux soient modifiés de manière à permettre à d ’ autres groupes ethniques et nationaux et aux « peuples constitutifs » de jouir des mêmes droits, sur un pied d ’ égalité.

Médiateur

13.Le Comité constate avec satisfaction que l’Institution du Médiateur des droits de l’homme de Bosnie-Herzégovine a été créée et est pleinement opérationnelle, mais il demeure préoccupé de voir : a) que le Médiateur jouit d’une indépendance limitée ; b) que la ligne budgétaire spéciale prévue pour financer les travaux du Département pour l’élimination de toutes les formes de discrimination n’a pas été créée ; c) que les ressources allouées au Médiateur sont insuffisantes ; et d) que les recommandations du Médiateur seraient peu suivies (art. 2).

14. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter rapidement les projets de modification de la loi sur l ’ interdiction de la discrimination et de garantir l ’ indépendance de l ’ Institution du Médiateur des droits de l ’ homme, de lui assurer l ’ autonomie financière et de lui allouer les ressources financières et humaines nécessaires afin qu ’ il puisse s ’ acquitter effectivement de son mandat, notamment en ce qui concerne la lutte contre la discrimination, en pleine conformité avec les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris). Le Comité recommande également à l ’ État partie de mettre en œuvre les recommandations du Médiateur, y compris lorsqu ’ elles concernent des entités juridiques privées.

Faire de la motivation raciste une circonstance aggravante

15.Le Comité constate avec préoccupation que le Code pénal de l’État partie ne contient aucune disposition faisant de la motivation raciste une circonstance aggravante (art. 4).

16. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ inclure dans son Code pénal une disposition faisant de la motivation raciste une circonstance aggravante.

Conformité de la législation pénale avec l’article 4 de la Convention

17.Le Comité ne sait pas exactement si l’État partie incrimine la diffusion de propagande raciste et la promotion d’idées fondées sur la supériorité raciale. Il s’inquiète de ce que la législation pénale de l’État partie n’incrimine pas expressément les organisations qui encouragent la discrimination raciale, le concours ou l’assistance fournis à de telles organisations et la participation à leurs activités (art. 4).

18. Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier sa législation pénale pour qu ’ elle soit pleinement conforme aux dispositions de l ’ article 4 de la Convention.

Discours et crimes motivés par la haine raciale

19.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des personnalités publiques et politiques tiendraient des discours haineux à caractère raciste et des propos discriminatoires et dénigrants sur la scène publique. Il relève également avec préoccupation que les discours inspirés par la haine raciale sont devenus courants dans les médias, y compris sur Internet, et se caractérisent notamment par une rhétorique nationaliste ou ethnoreligieuse visant les rapatriés. Le Comité est aussi préoccupé par les informations faisant état de discours haineux antisémites dans le domaine du sport, ainsi que de crimes de haine à l’égard des Roms (art. 4).

20. Rappelant sa recommandation générale n o  35 (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciale, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre les mesures qui s ’ imposent pour condamner fermement les discours de haine raciale et les propos discriminatoires tenus sur la scène publique, notamment par des personnalités publiques tant à l ’ échelon national qu ’ au niveau des entités, et de s ’ en distancier ;

b) D ’ en appeler aux personnes concernées afin qu ’ elles veillent à ce que leurs déclarations publiques n ’ incitent pas à la haine raciale ;

c) De faire respecter sa législation en consignant les discours et crimes de haine, en menant des enquêtes à leur sujet, en traduisant les responsables en justice et en prononçant contre eux des peines appropriées ;

d) De renforcer les moyens mis à la disposition de l ’ Agence de réglementation des communications et du Conseil de la presse et d ’ intensifier le travail de sensibilisation des médias, notamment au moyen du Plan d ’ action pour l ’ éducation aux droits de l ’ homme des journalistes et des professionnels des médias.

Situation des Roms

21.Tout en prenant acte des efforts déployés par l’État partie, le Comité constate avec préoccupation que les Roms sont toujours victimes de discrimination et de marginalisation dans différents domaines, qui les empêchent de s’intégrer pleinement dans la société. Il note en particulier avec préoccupation : a) que le taux de scolarisation des enfants roms est faible, en particulier dans l’enseignement secondaire et universitaire ; b) que le taux de chômage des Roms, en particulier des femmes, est élevé aussi bien dans le secteur public que le secteur privé ; c) que des Roms vivent dans des logements insalubres et que les projets de construction de logements ne sont pas menés à leur terme ; d) que faute de papiers d’identité et d’une bonne connaissance du système de santé, les Roms ont difficilement accès aux soins de santé (art. 5).

22. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ établir une stratégie nationale globale et intégrée en faveur des Roms. Il devrait :

a) Renforcer les mesures visant à augmenter le nombre d ’ enfants roms scolarisés, notamment en finançant suffisamment la mise en œuvre effective du Plan d ’ action révisé relatif aux besoins des Roms en matière d ’ éducation ;

b) Envisager de prendre des mesures spéciales pour favoriser l ’ emploi des Roms dans les secteurs tant public que privé et renforcer les mesures destinées à améliorer l ’ employabilité des Roms, en particulier des femmes ;

c) Accélérer les projets de construction, prévoir des crédits suffisants pour qu ’ ils puissent être menés à bien et réinstaller les Roms dans des logements plus adéquats ;

d) Faciliter l ’ accès des Roms à des papiers d ’ identité et à un certificat de naissance.

Représentation des groupes minoritaires dans la vie publique et politique

23.Le Comité constate avec préoccupation que la représentation des groupes ethniques minoritaires, en particulier des Roms, est très limitée dans les organes de décision et la fonction publique, au niveau des entités et à l’échelon local (art. 2 et 5).

24. À la lumière de sa recommandation générale n o  32 (2009) sur la signification et la portée des mesures spéciales dans la Convention, le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures concrètes pour que les groupes ethniques minoritaires, en particulier les Roms, soient dûment représentés dans les organes de décision et dans la fonction publique, au niveau de l ’ État, des entités et à l ’ échelon local.

Situation des rapatriés

25.Le Comité prend acte des différentes mesures qui ont été prises dans le cadre de la Stratégie révisée pour l’application de l’annexe 7 de l’Accord de Dayton, comme le « projet de reconstruction de logements pour un retour durable des réfugiés et des personnes déplacées ». Cependant, il constate avec préoccupation qu’il reste difficile pour les rapatriés de se réintégrer durablement dans la société. En particulier, certains obstacles les empêchent de récupérer la totalité de leurs biens et d’accéder au marché de l’emploi et aux prestations sociales en cas de déménagement (art. 2 et 5).

26. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de renforcer les mesures destinées à favoriser le retour et la réintégration durables des rapatriés. Pour ce faire, il recommande à l ’ État partie d ’ allouer des crédits suffisants pour financer la pleine mise en œuvre de la Stratégie révisée pour l ’ application de l ’ annexe 7 de l ’ Accord de Dayton dans différents domaines tels que le logement, l ’ emploi, et l ’ accès aux soins de santé et aux prestations sociales. Le Comité recommande également à l ’ État partie de veiller à ce que les rapatriés ne soient pas désavantagés en ce qui concerne l ’ exercice de leurs droits, et ce, où qu ’ ils résident sur le territoire de l ’ État partie.

Ségrégation dans l’éducation

27.Le Comité constate avec préoccupation que la pratique consistant à abriter « deux écoles sous le même toit » a toujours cours dans certains cantons de Bosnie centrale et d’Herzégovine-Neretva, de même que celle des écoles monoethniques, malgré la recommandation qu’il a formulée précédemment (CERD/C/BIH/CO/9-11, par. 11) et malgré les décisions qui ont été rendues en 2012 par le tribunal municipal de Mostar et en 2014 par la Cour suprême de Bosnie-Herzégovine (art. 2 et 5).

28. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour mettre fin à toutes les formes de ségrégation dans le système éducatif, notamment à la pratique de « deux écoles sous le même toit » et à celle des écoles monoethniques, et de poursuivre l ’ élaboration d ’ un programme élémentaire commun et la mise en place d ’ un système éducatif plus inclusif pour tous les enfants, dans le respect de leurs langues respectives.

Migrants, y compris demandeurs d’asile, réfugiés et personnes déplacées

29.Le Comité salue les efforts que l’État partie a accomplis pour satisfaire aux besoins des demandeurs d’asile, des réfugiés et des personnes déplacées. Cependant, il s’inquiète du manque de capacités pour accueillir tous les demandeurs d’asile arrivant sur son territoire et des difficultés d’accès à l’alimentation, aux soins de santé primaires et à l’accompagnement psychologique auxquelles se heurtent ceux qui ne sont pas hébergés dans des structures administrées par les pouvoirs publics. Il est préoccupé par les obstacles qui entraveraient l’accès à la procédure d’asile, en particulier : a) l’obligation de présenter un justificatif de domicile pour demander l’asile, ce que nombre de demandeurs d’asile potentiels ne sont pas en mesure d’obtenir ; b) la durée de validité limitée (quatorze jours) des déclarations d’intention certifiées de demander l’asile et la réticence des autorités à les renouveler ; c) l’insuffisance des services d’interprétation et de l’aide juridique mis à la disposition des demandeurs d’asile dans le cadre de la procédure ; d) le fait qu’un tuteur n’est pas toujours assigné aux mineurs non accompagnés ; e) l’absence d’information systématique aux demandeurs d’asile au sujet de leurs droits et obligations ; et f) la mise en détention alléguée des demandeurs d’asile pendant l’examen de leur demande ; g) le risque d’apatridie qui menace les migrants et autres minorités (art. 5).

30. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ accroître sa capacité d ’ accueil de manière à pouvoir accueillir tous les demandeurs d ’ asile et de veiller à ce que ceux-ci aient accès aux services de base ;

b) De remédier aux défaillances de sa procédure d ’ asile afin que toutes les personnes qui veulent demander l ’ asile soient en mesure de le faire et bénéficient de garanties procédurales et juridiques, notamment qu ’ elles soient informées de leurs droits et qu ’ elles reçoivent une aide juridique et des services d ’ interprétation gratuits ;

c) De veiller à ce que la décision de recourir à la procédure accélérée soit bien mesurée, respecte toutes les garanties prévues par la loi et n ’ entraîne pas de violation du principe de non-refoulement ;

d) D ’ assigner un tuteur aux mineurs non accompagnés à tous les stades de la procédure d ’ asile ;

e) De considérer le placement en détention des demandeurs d ’ asile comm e une mesure de dernier ressort ;

f) De poursuivre ses efforts en vue de l ’ application de la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie.

Plaintes pour actes de discrimination raciale

31.Le Comité est préoccupé par le nombre très faible de cas de discrimination raciale qui sont enregistrés, donnent lieu à une enquête et sont portés devant les tribunaux et le Médiateur (art. 2, 4 et 7).

32. Rappelant sa recommandation générale n o  31 (2005) concernant la prévention de la discrimination raciale dans l ’ administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité rappelle à l ’ État partie que l ’ absence de plaintes ou d ’ actions judiciaires engagées par des victimes de discrimination raciale peut dénoter un manque de précision de la législation, une méconnaissance des recours disponibles, la crainte d ’ une réprobation sociale voire de représailles, ou le manque d ’ empressement des autorités à engager des poursuites. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures requises pour faciliter l ’ accès de sa population, et en particulier des groupes ethniques minoritaires, à la justice, diffuser des informations sur la législation relative à la discrimination raciale, et informer les personnes résidant sur son territoire de toutes les voies légales de recours dont elles disposent et de la possibilité de bénéficier d ’ une aide juridictionnelle.

Traite des personnes

33.Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que la traite des personnes, notamment d’enfants roms, à des fins d’exploitation économique ou sexuelle se poursuit. Il regrette de ne pas avoir reçu d’informations sur, d’une part, l’assistance et l’appui fournis aux victimes de la traite et, d’autre part, les résultats concrets que le Plan d’action national 2016-2019 contre la traite a permis d’obtenir s’agissant de faire reculer la traite dans l’État partie (art. 2 et 5).

34. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire respecter scrupuleusement sa législation contre la traite et, pour ce faire, de faciliter les procédures de dépôt de plainte, d ’ enquêter sur les faits en cause et de poursuivre et condamner les responsables. Il recommande également à l ’ État partie d ’ assurer réparation aux victimes, notamment sous la forme d ’ une indemnisation, et de leur fournir toutes les formes d ’ assistance et de soutien voulues, en particulier l ’ accès à des refuges, une réadaptation et des services d ’ accompagnement. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de mettre effectivement en œuvre le Plan d ’ action national 2016-2019 contre la traite et d ’ en évaluer les résultats.

Poursuites visant les personnes responsables de violations graves du droit international humanitaire

35.S’il prend note des informations communiquées par l’État partie, le Comité constate néanmoins avec préoccupation que les personnes responsables de violations graves du droit international humanitaire n’ont pas encore toutes été jugées par les tribunaux nationaux (art. 2 et 6).

36. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accélérer les poursuites contre les derniers responsables de violations graves du droit international humanitaire. Il considère que la justice rendue aux victimes d ’ atrocités commises en temps de guerre est de nature à favoriser la réconciliation entre les différents groupes ethniques et ethn o religieux dans l ’ État partie.

Programmes de formation et campagnes d’information sur la législation antidiscrimination

37.Le Comité prend note des informations que lui a communiquées l’État partie au sujet des formations destinées aux juges et aux procureurs, mais s’inquiète des informations selon lesquelles les tribunaux nationaux n’appliqueraient pas suffisamment la loi sur l’interdiction de la discrimination (art. 7).

38. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier les programmes de formation destinés aux juges, procureurs, avocats et autres agents des forces de l ’ ordre en ce qui concerne la loi sur l ’ interdiction de la discrimination et d ’ autres lois sur la lutte contre la discrimination, d ’ organiser et évaluer régulièrement de telles formations afin que les tribunaux nationaux soient mieux à même d ’ appliquer ces textes.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres traités

39. Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l ’ homme, le Comité encourage vivement l ’ État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme qu ’ il n ’ a pas encore ratifiés, en particulier ceux dont les dispositions intéressent directement les communautés susceptibles de faire l ’ objet de discrimination raciale, notamment la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n o  189) de l ’ Organisation internationale du Travail.

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

40. À la lumière de sa recommandation générale n o  33 (2009) sur le suivi de la Conférence d ’ examen de Durban , le Comité recommande à l ’ État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d ’ action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l ’ intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d ’ examen de Durban tenue à Genève en avril 2009. Le Comité demande à l ’ État partie d ’ inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d ’ action qu ’ il aura adoptés et les autres mesures qu ’ il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d ’ action de Durban au niveau national.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

41. À la lumière de la résolution 68/237 de l ’ Assemblée générale proclamant la Décennie internationale des personnes d ’ ascendance africaine pour 2015-2024 et de la résolution 69/16 sur le programme d ’ activités de la Décennie, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer et de mettre en œuvre un programme adapté de mesures et de politiques. Le Comité demande à l ’ État partie d ’ inclure dans son prochain rapport des renseignements précis sur les mesures concrètes qu ’ il aura adoptées dans ce cadre, compte tenu de sa recommandation générale n o  34 (2011) sur la discrimination raciale envers les personnes d ’ ascendance africaine.

Consultations avec la société civile

42. Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre et d ’ élargir le dialogue avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l ’ homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l ’ élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales .

Déclaration visée à l’article 14 de la Convention

43. Le Comité encourage l ’ État partie à faire la déclaration facultative visée à l ’ article 14 de la Convention, par laquelle les États parties reconnaissent la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications individuelles.

Amendement à l’article 8 de la Convention

44. Le Comité recommande à l ’ État partie de ratifier l ’ amendement au paragraphe 6 de l ’ article 8 de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvé par l ’ Assemblée générale dans sa résolution 47/111.

Document de base commun

45. Le Comité encourage l ’ État partie à mettre à jour son document de base commun, qui date de 2011, conformément aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, en particulier celles concernant le document de base commun, adoptées à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme tenue en ju in 2006 (HRI/GEN/2/Rev.6, chap.  I). À la lumière de la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le Comité demande instamment à l ’ État partie d e respecter la limite de 42 400  mots fixée pour ce document.

Suite donnée aux présentes observations finales

46. Conformément au paragraphe 1 de l ’ article 9 de la Convention et à l ’ article 65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l ’ État partie de fournir, dans un délai d ’ un an à compter de l ’ adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée aux recommandations figurant dans les pa ragraphes  8, 14 et 20 a) et b).

Paragraphes d’importance particulière

47. Le Comité souhaite appeler l ’ attention de l ’ État partie sur l ’ importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 12, 18, 26 et 28 et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu ’ il aura prises pour y donner suite.

Diffusion d’information

48. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également les observations finales du Comité qui s ’ y rapportent ainsi que de les publier dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu ’ il conviendra .

Élaboration du prochain rapport périodique

49. Le Comité recommande à l ’ État partie de soumettre son rapport valant quatorzième et quinzième rapports périodiques, d ’ ici au 16 juillet 2021, en tenant compte des directives pour l ’ établissement du document adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1) et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. À la lumière de la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le Comité demande instamment à l ’ État partie de respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques.