Nations Unies

CRC/C/AND/CO/2

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

3 décembre 2012

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Observations finales sur le deuxième rapport périodique de l’Andorre, adoptées par le Comité à sa soixante et unième session (17 septembre-5 octobre 2012)

1.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de l’Andorre (CRC/C/AND/2) à ses 1734e et 1735e séances (voir CRC/C/SR.1734 et 1735), le 21 septembre 2012, et a adopté à sa 1754e séance, le 5 octobre 2012, les observations finales ci-après.

I.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique de l’État partie (CRC/C/AND/2) ainsi que les réponses écrites à sa liste de points appelant des informations complémentaires (CRC/C/AND/Q/2), qui lui ont permis de mieux comprendre la situation dans l’État partie. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec celles qu’il a adoptées à l’issue de l’examen du rapport initial de l’État partie sur l’application du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/AND/CO/1) et de son rapport initial sur l’application du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/AND/CO/1).

II.Mesures de suivi adoptées et progrès accomplispar l’État partie

4.Le Comité prend acte avec satisfaction de l’adoption des mesures législatives et institutionnelles ci-après:

a)La modification de la loi portant création et fonctionnement de l’institution du médiateur «Raonador del Ciutadà» (loi no 79/2010), le 25 octobre 2010;

b)La création de la Commission nationale pour l’égalité, en 2010;

c)La loi qualifiée no 9/2005 du 21 février 2005 sur le Code pénal;

d)La loi qualifiée no 10/2005 du 21 février 2005 portant modification du Code de procédure pénale;

e)La loi no 14/2004 du 3 novembre 2004 portant modification de la loi qualifiée sur le mariage;

f)La loi du 17 octobre 2002 relative à la garantie des droits des personnes handicapées.

5.Le Comité se félicite également de ce que l’État partie ait ratifié les instruments suivants ou y ait adhéré:

a)Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Protocole facultatif s’y rapportant, en 2006;

b)La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2006;

c)La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, en 2006;

d)Le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en 2002;

e)Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en 2001;

f)La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, en 2011;

g)Le Protocole no 12 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, concernant la non-discrimination, en 2008.

6.Le Comité se réjouit aussi du retrait par l’État partie de la déclaration qu’il avait faite au sujet des articles 7 et 8 de la Convention relative aux droits de l’enfant au moment de la ratification de cette dernière.

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

A.Mesures d’application générales (art. 4, 42 et 44 (par. 6)de la Convention)

Recommandations précédentes du Comité

7.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour mettre en œuvre ses observations finales de 2002 concernant le rapport initial de l’État partie (CRC/C/61/Add.3), mais regrette que certaines des recommandations figurant dans ces observations n’aient pas été pleinement prises en compte.

8. Le Comité invite instamment l ’ État partie à prendre toutes les mesures voulues pour donner suite aux recommandations contenues dans les observations finales concernant le rapport initial de l ’ État partie qui n ’ ont pas encore été mises en œuvre, o u ne l ’ on t pas été suffisamment, notamment celles portant sur un plan d ’ action national, la coordination, la collecte de données, la définition de l ’ enfant et la violence contre les enfants, y compris les châtiments corporels.

Législation

9.Le Comité est préoccupé par l’absence d’une législation spécifique sur la protection de l’enfance reprenant les principales dispositions de la Convention.

10. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une loi sur la protection de l ’ enfance, qui fournisse des orientations ou des directives quant aux attributions et responsabilités des organismes et des agents publics, et aux garanties existant au niveau local.

Politique et stratégie d’ensemble

11.Le Comité relève avec préoccupation l’absence d’une politique et stratégie nationale en faveur de l’enfance qui garantirait la pleine application de la Convention dans l’État partie et s’inquiète de l’information fournie par l’État partie dans ses réponses écrites selon laquelle il a renoncé à élaborer un plan d’action national pour l’enfance malgré le lancement d’un processus à cet effet en 2006.

12. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer et d ’ adopter sans délai une politique nationale pour l ’ enfance exposant une vision claire assortie de stratégies, d ’ objectifs ainsi que de valeurs de référence et d ’ indicateurs spécifiques, pour tenir compte de l ’ intérêt des enfants et des sujets les concernant et pour investir suffisamment dans la réalisation des droits des enfants. Il recommande en outre d ’ établir cette politique à partir d ’ informations sur les enfants recueillies de manière systématique et après des consultations avec les enfants eux-mêmes, les organisations non gouvernementales (ONG), les organisations internationales et les professionnels de l ’ enfance, notamment les enseignants et les travailleurs sociaux.

Coordination

13.Le Comité note que c’est le Ministère de la santé et du bien-être social qui est chargé de coordonner la mise en œuvre de la Convention, mais il constate avec préoccupation que les autres organismes publics et parties prenantes n’ont pas une vision très claire de la portée du mandat et des responsabilités du Ministère en matière de coordination. Il s’inquiète aussi du fait que la coordination entre les diverses entités publiques nationales et locales s’occupant des droits de l’enfant dans l’État partie est insuffisante. En outre, il observe avec inquiétude que plusieurs ministères et d’autres entités publiques qui œuvrent, au niveau national comme au niveau local, dans différents domaines liés aux droits de l’enfant le font sans un plan d’action commun.

14. Le Comité souligne que la coordination et la collaboration entre les différentes entités publiques revêtent une importance primordiale pour l ’ élaboration et la mise en œuvre de politiques, de normes et d ’ outils communs relatifs à la protection et à la promotion des droits des enfants, y compris pour la collecte de données et le suivi de l ’ impact des interventions. Il renouvelle sa précédente recommandation (CRC/C/15/Add.176, par. 13) invitant l ’ État partie à renforcer les partenariats stratégiques entre les divers ministères et organes techniques en élaborant une politique et stratégie d ’ ensemble pour l ’ enfance et en définissant clairement le rôle du Ministère de la santé et du bien-être social en matière de coordination.

Allocation de ressources

15.Le Comité prend acte des aides financières que l’État partie a apportées pendant la crise économique aux familles en situation de vulnérabilité, par l’intermédiaire de différents ministères, mais il est préoccupé par les points suivants:

a)L’absence d’une dotation budgétaire spécifique pour la mise en œuvre de la Convention ainsi que d’un mécanisme unique qui tienne une comptabilité des ressources allouées à l’enfance par différents ministères;

b)L’absence de lignes budgétaires stratégiques destinées aux enfants défavorisés ou vulnérables, notamment ceux qui vivent dans la pauvreté;

c)L’information selon laquelle l’État partie a réduit ses contributions volontaires aux organisations internationales et ses subventions aux ONG locales.

16. C ompte tenu des recommandations qu ’ il a formulées lors de sa journée de débat général du 21 septembre 2007 sur le thème « Ressources pour les droits de l ’ enfant −  responsabilité des États », le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De mettre en place un système budgétaire relatif aux droits de l ’ enfant, avec des lignes budgétaires spécifiques et des indicateurs qui permettent de suivre, de surveiller et d ’ évaluer les crédits budgétaires alloués à l ’ enfance;

b) De définir des lignes budgétaires stratégiques pour les enfants défavorisés ou vulnérables qui sont susceptibles de requérir des mesures de protection sociale volontaristes, notamment les enfants démunis, les enfants appartenant à des minorités ethniques ou religieuses, les enfants des rues, les enfants touchés par le VIH/sida, les enfants handicapés et les orphelins, et de veiller à ce que ces lignes budgétaires soient protégées même en cas de crise économique, de catastrophe naturelle ou d ’ autres situations d ’ urgence ;

c) De maintenir ses contributions volontaires aux organisations internationales et ses subventions aux ONG locales;

d) De garantir la transparence et le caractère participatif du processus de budgétisation par la voie du dialogue avec la population, en particulier avec les enfants et la société civile.

Collecte de données

17.Le Comité prend acte de la signature d’un accord de coopération avec la Fondation d’Andorre pour la réalisation d’une étude indépendante sur la situation de l’enfance et de l’adolescence, ainsi que du projet «histoire sociale partagée» visant à créer une base de données nationale commune. Toutefois, il exprime à nouveau sa préoccupation (CRC/C/15/Add.176, par. 18) face au manque de données sur les enfants et à l’absence dans l’État partie d’un système centralisé global de collecte de données qui permette d’analyser la situation des enfants, y compris les effets que la crise économique a sur eux et sur leur famille. Le Comité rappelle que l’absence de données sur les enfants rend extrêmement difficile l’exercice d’une surveillance systématique efficace des droits des enfants, ainsi que la conception et la planification de politiques et de programmes en faveur des enfants.

18. Le Comité renouvelle sa précédente recommandation (CRC/C/15/Add.176, par. 19) tendant à ce que l ’ État partie mette en place, avec le soutien de ses partenaires, un système global de collecte de données qui permette de suivre et d ’ évaluer efficacement les progrès accomplis dans la réalisation des droits de l ’ enfant, ainsi que d ’ élaborer des politiques et des programmes de mise en œuvre de la Convention. Les données recueillies devraient être ventilées par âge, sexe, appartenance ethnique, zone géographique et milieu socioéconomique, entre autres, afin de faciliter l ’ analyse de la situation de tous les enfants. L ’ État partie devrait veiller à ce que parmi les informations recueillies figurent des données à jour sur diverses catégories d ’ enfants vulnérables, dont les enfants migrants, les enfants handicapés et les enfants vivant dans la pauvreté.

Suivi indépendant

19. Le Raonador del Ciutadà n ’ ayant pas été saisi de plaintes émanant d ’ enfants, le Comité recommande à l ’ État partie de réexaminer le fonctionnement et les activités de cette institution afin de garantir un suivi complet et systématique des progrès accomplis dans la réalisation des droits de l ’ enfant, notamment en élargissant la présence de l ’ institution dans l ’ État partie, et d ’ étudier comment il serait possible d ’ en faciliter l ’ accès aux enfants. Appelant l ’ attention de l ’ État partie sur son Observation générale n o  2 (2002), le Comité invite aussi l ’ État partie à faire en sorte que ce mécanisme national dispose des moyens humains, techniques et financiers nécessaires afin de garantir son indépendance et son efficacité.

Diffusion et sensibilisation

20.Le Comité salue les efforts entrepris par l’État partie pour diffuser la Convention auprès du grand public, des professionnels, et des enfants et adolescents. Il constate toutefois avec préoccupation que les activités de sensibilisation souffrent d’un manque de coordination et que la Convention reste peu connue des responsables de l’administration et des professionnels travaillant avec et pour les enfants, des médias, des parents et des enfants eux-mêmes, notamment.

21. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour diffuser et promouvoir la Convention de manière systématique auprès du grand public, et en particulier auprès des professionnels travaillant avec et pour les enfants, des médias, des parents, des enseignants et des enfants eux-mêmes. Compte tenu de la coexistence en Andorre de divers systèmes d ’ enseignement, le Comité recommande à l ’ État partie de faire traduire et diffuser le texte de la Convention dans toutes les langues utilisées dans chacun de ces systèmes (catalan, espagnol, français et portugais), de l e rendre publiquement et facilement accessible aux enfants et de veiller à ce que ses principes et dispositions soient intégrés progressivement dans les programmes d ’ enseignement à tous les niveaux.

B.Définition de l’enfant (art. 1er de la Convention)

22.Le Comité déplore que l’État partie n’ait pas relevé l’âge minimum du mariage, bien qu’il ait précédemment exprimé sa préoccupation (CRC/C/15/Add.176, par. 24) quant au fait que l’âge minimum du mariage est bas, sachant qu’il est fixé à 16 ans et peut être ramené à 14 ans avec l’autorisation d’un juge.

23. Le Comité renouvelle sa précédente recommandation (CRC/C/15/Add.176, par. 25) invitant l ’ État partie à modifier sa législation pour porter l ’ âge minimum du mariage à 18 ans.

C.Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12 de la Convention)

Non-discrimination

24.Le Comité se félicite à la fois de la création, en 2010, de la Commission nationale pour l’égalité, chargée des questions de lutte contre la discrimination, et de l’initiative qui a été prise d’élaborer un plan d’action national pour l’égalité. Il observe cependant avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore établi les priorités de la Commission, pourtant en place depuis 2010, et que peu de progrès ont été accomplis, notamment en ce qui concerne l’élaboration du plan d’action national pour l’égalité. Le Comité s’inquiète aussi de l’existence dans l’État partie d’attitudes patriarcales, de pratiques et de stéréotypes discriminatoires à l’égard des filles et des enfants handicapés.

25. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De renforcer la Commission nationale pour l ’ égalité en lui fournissant des ressources humaines, techniques et financières suffisantes;

b) De veiller à ce que toutes les pratiques discriminatoires à l ’ égard des filles et des enfants handicapés soient éliminées et d ’ assurer une protection suffisante contre la discrimination;

c) D ’ élaborer une stratégie d ’ ensemble, assortie d ’ objectifs clairs, et d ’ établir un mécanisme de suivi pour modifier ou éliminer les attitudes et pratiques préjudiciables, et les stéréotypes profondément ancrés qui constituent une discrimination à l ’ égard des filles et des femmes, ainsi que des enfants handicapés;

d) De prendre de telles mesures en coordination avec toute une série de parties prenantes et d ’ y associer tous les secteurs de la société afin de favoriser le changement social et culturel ainsi que l ’ instauration de conditions favorables à l ’ égalité entre les enfants;

e) D ’ assurer le suivi de ces mesures et d ’ évaluer régulièrement les progrès accomplis au regard des objectifs fixés , et de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les mesures et programmes se rapportant à la Convention qu ’ il aura mis en œuvre pour donner suite à la Déclaration et au Programme d ’ action adoptés à la Conférence mondiale de 2001 contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l ’ intolérance qui y est associée , ainsi qu ’ au document final adopté à la Conférence d ’ examen de Durban de 2009.

Intérêt supérieur de l’enfant

26.Le Comité constate certes que différents organes gouvernementaux, dont la Commission technique d’aide à l’enfance et à la jeunesse, tiennent compte de l’intérêt supérieur de l’enfant dans toutes leurs décisions et propositions d’intervention en faveur des enfants, mais il observe avec préoccupation que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas systématiquement ou suffisamment intégré dans la législation, les politiques, les programmes et les processus décisionnels. Il s’inquiète en outre de ce qu’il n’est pas suffisamment pris en compte dans les décisions concernant les enfants privés de milieu familial, les enfants ayant besoin d’une protection contre les maltraitances et les enfants de travailleurs saisonniers ou temporaires.

27. Le Comité pris instamment l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour faire en sorte que le principe de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant soit dûment pris en compte et systématiquement appliqué dans toutes les procédures législatives, administratives et judiciaires, ainsi que dans l ’ ensemble des politiques, programmes et projets qui concernent les enfants ou qui ont des incidences sur eux. À cet égard, il engage l ’ État partie à établir des procédures et des critères destinés à orienter la détermination de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant dans tous les domaines et à les porter à la connaissance des organismes de protection sociale publics et privés, des tribunaux, des autorités administratives et des organes législatifs. Le raisonnement juridique suivi dans l ’ ensemble des jugements et des décisions administratives et judiciaires devrait également être fondé sur ce principe .

D.Libertés et droits civils (art. 7, 8, 13 à 17, 19 et 37 a) de la Convention)

Protection de la vie privée

28.Le Comité est préoccupé par l’absence d’un dispositif réglementaire destiné à protéger les enfants contre les contenus préjudiciables diffusés par les médias et à garantir le respect de leur droit à la vie privée. Il s’inquiète en outre de l’absence d’un organe indépendant chargé de recevoir les plaintes contre les médias pour violation du droit des enfants à la vie privée.

29. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger le droit des enfants à la vie privée face aux médias et empêcher que les enfants soient exposés à des contenus nocifs diffusés par les médias. À ce sujet, le Comité recommande au Conseil andorran de l ’ audiovisuel de s ’ attacher davantage à faire respecter les droits des enfants dans le cadre des émissions diffusées à la télévision et à la radio, ainsi qu ’ à restreindre efficacement l ’ accès des enfants à différents types de contenus pouvant être nocifs pour eux.

E.Violence contre des enfants

Châtiments corporels

30.Le Comité relève que l’État partie a accepté la recommandation qui lui a été adressée dans le cadre de l’Examen périodique universel de 2010 concernant l’interdiction de tous les châtiments corporels infligés aux enfants, ainsi que la modification du Code pénal par la loi no 91/2010 pour y inclure une disposition visant expressément les maltraitances à la maison. Il relève toutefois avec préoccupation que la disposition modifiée ne mentionne pas spécifiquement les châtiments corporels ni n’interdit explicitement les châtiments de ce type dans tous les milieux, notamment dans les établissements d’enseignement ou de placement privés ou publics ou dans le système pénitentiaire.

31. À la lumière de son Observation générale n o  8 (2007), le Comité rappelle sa précédente recommandation (CRC/C/15/Add.176, par. 40) et invite instamment l ’ État partie:

a) À se doter d ’ une législation interdisant expressément toutes les formes de châtiments corporels dans la famille, à l ’ école, dans les institutions pour enfants et dans les établissements pénitentiaires;

b) À veiller à ce que les lois interdisant les châtiments corporels soient effectivement appliquées et à ce que des poursuites soient systématiquement engagées contre les responsables de violences envers les enfants;

c) À mettre en place des programmes d ’ éducation, de sensibilisation et de mobilisation sociale sur le long terme, associant les enfants et les familles, sur les effets néfastes des châtiments corporels, tant sur le plan physique que psychologique, en vue de faire évoluer les mentalités et de promouvoir des formes positives, non violentes et participatives d ’ éducation et de discipline;

d) À veiller à associer et à faire participer la société dans son ensemble, y  compris les enfants, à l ’ élaboration et à la mise en œuvre de stratégies de prévention de la violence et d ’ autres formes de maltraitance.

Maltraitance et délaissement

32.Le Comité s’inquiète des informations fournies par l’État partie selon lesquelles la crise économique, et plus particulièrement la montée du chômage, a mis les familles en difficulté et engendré une nette augmentation des violences familiales à l’égard des enfants et des femmes. Il est particulièrement préoccupé par l’accroissement du nombre d’enfants exposés au risque de maltraitance ou de délaissement que l’État partie a constaté au cours des dernières années. Il observe en outre avec préoccupation que le système de protection de l’enfance reste insuffisant pour assurer correctement des services de prévention, d’identification, de signalement, d’orientation, d’enquête, de traitement, de réadaptation et de suivi pour tous les cas de maltraitance et de délaissement d’enfants.

33. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que les enfants et leur famille bénéficient rapidement de services de réadaptation et de réinsertion sociale appropriés et puissent aisément savoir à quelle structure s ’ adresser pour obtenir une aide efficace;

b) De mener une étude approfondie sur les causes fondamentales, la nature et l ’ ampleur de la violence familiale, y compris la maltraitance et le délaissement, et d ’ élaborer des indicateurs spécifiques pour la collecte de données ventilées;

c) D ’ organiser régulièrement des formations complètes sur la prévention et l ’ identification de toutes les formes de violence contre les enfants, et la manière d ’ y faire face, à l ’ intention de tous les agents publics travaillant pour et avec les enfants, notamment les responsables des ministères, les policiers, les agents de l ’ immigration, les professionnels de la santé, les juristes, les enseignants, les équipes des établissements pour enfants et les spécialistes de l ’ information et des médias;

d) D ’ intégrer des mesures de protection de l ’ enfance dans toutes les politiques et tous les programmes de protection sociale existants pour faire en sorte qu ’ ils couvrent tous les enfants vivant dans la pauvreté et toutes les familles vulnérables;

e) De fournir dans son prochain rapport périodique des informations sur la suite donnée à ses recommandations.

Exploitation et abus sexuels

34.Le Comité salue le fait que l’État partie a entrepris de réviser son Code pénal pour durcir les dispositions relatives à la pornographie enfantine, mais il observe avec préoccupation que l’État partie n’a pris aucune mesure pour supprimer la condition de la double incrimination aux fins de l’extradition des auteurs d’infractions commises à l’étranger et de l’engagement de poursuites contre eux, y compris dans les cas d’exploitation et d’abus sexuels.

35. Le Comité recommande à l ’ État partie, comme il l ’ a déjà fait précédemment (CRC/C/OPSC/AND/CO/1, par. 15), de modifier sa législation en vue d ’ abolir la règle de la double incrimination pour l ’ extradition et/ou l ’ ouverture de poursuites à l ’ encontre des auteurs d ’ infractions commises à l ’ étranger et l ’ invite à utiliser, si nécessaire, le Protocole facultatif comme base juridique pour l ’ extradition, conformément aux dispositions de l ’ article 5 du Protocole. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de veiller à ce que les programmes et les politiques concernant la prévention, la réadaptation et la réinsertion des enfants victimes soient conformes à ce que prévoient les documents adoptés à l ’ issue des Congrès mondiaux contre l ’ exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales de 1996, 2001 et 2008, tenus respectivement à Stockholm, Yokohama et Rio de Janeiro.

Droit de l’enfant d’être à l’abri de toute forme de violence

36. Rappelant les recommandations de l ’ Étude des Nations Unies sur la violence à l ’ encontre des enfants (A/61/299), le Comité recommande à l ’ État partie de faire de l ’ élimination de toutes les formes de violence à l ’ encontre des enfants une priorité. Il lui recommande aussi de tenir compte de son Observation générale n o  13 (2011), et en particulier:

a) D ’ élaborer une stratégie nationale globale visant à prévenir et combattre toutes les formes de violence à l ’ égard des enfants;

b) D ’ adopter un cadre national de coordinatio n pour lutter contre toutes les  formes de violence à l ’ égard des enfants;

c) De prêter une attention particulière à la dimension sexiste de la violence;

d) De coopérer avec la Représentante spéciale du Secrétaire général sur la violence à l ’ encontre des enfants et les autres institutions compétentes des Nations Unies.

F.Milieu familial et protection de remplacement (art. 5, 18 (par. 1 et 2), 9 à 11, 19 à 21, 25, 27 (par. 4) et 39 de la Convention)

Adoption

37.Le Comité prend note de l’augmentation du nombre d’adoptions internationales dans l’État partie. Il est préoccupé par le fait que la loi ne désigne pas d’organe spécifique pour le contrôle des adoptions.

38. Le Comité recommande à l ’ État partie de confier la responsabilité du contrôle et de la collecte des données sur les adoptions nationales et internationales, y compris le suivi après l ’ adoption, à un organe donné et de veiller à ce que le principe de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant soit toujours pris en considération.

G.Handicap, santé de base et bien-être (art. 6, 18 (par. 3), 23, 24, 26 et 27 (par. 1 à 3) de la Convention)

Enfants handicapés

39.Le Comité se félicite des importantes mesures législatives, institutionnelles et stratégiques prises par l’État partie pour faire en sorte que les enfants handicapés jouissent de la même protection et des mêmes droits que les autres enfants. Il observe toutefois avec préoccupation que les enfants handicapés subissent encore une discrimination sociale.

40. Compte tenu de son Observation générale n o  9 (2006), le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De redoubler d ’ efforts pour sensibiliser le public aux droits et aux besoins spéciaux des enfants handicapés, y compris ceux des enfants souffrant de troubles mentaux, afin d ’ œuvrer à l ’ élimination des obstacles culturels et sociaux;

b) D ’ accroître les crédits budgétaires pour faire en sorte que les enfants handicapés disposent de l ’ égalité d ’ accès à des services soci aux et sanitaires suffisants, y  compris des services de soutien psychologique et de conseil, et d ’ orientation parentale pour leur famille , ainsi qu ’ à des services spécifiquement conçus pour les enfants ayant des difficultés d ’ apprentissage et des troubles du comportement, et de mieux faire connaître tous les services existants.

Santé des adolescents

41.Le Comité s’inquiète du caractère répressif de la loi sur l’avortement, qui pourrait amener des adolescentes à rechercher d’autres solutions dans les pays voisins. Il regrette en outre de ne pas avoir trouvé dans le rapport de l’État partie des informations sur la santé des adolescents, notamment en matière de sexualité et de procréation.

42. Le Comité recommande à l ’ État partie de réexaminer les dispositions du Code pénal concernant l ’ avortement en vue de dépénaliser cette pratique dans des cas précis, par exemple lorsque la grossesse résulte d ’ un viol, en vue de garantir l ’ intérêt supérieur des adolescentes enceintes. Renvoyant à son Observation générale n o  4 (2003), le Comité engage en outre l ’ État partie à accroître les possibilités d ’ accès à des services de santé confidentiels et adaptés aux jeunes dans l ’ ensemble du pays, à développer les services de contraception, y compris dans tous les établissements d ’ enseignement, et à promouvoir l ’ éducation sexuelle auprès des adolescents des deux sexes, en insistant sur la prévention des grossesses précoces et des maladies sexuellement transmissibles.

H.Autres mesures spéciales de protection (art. 22, 30, 38, 39, 40, 37 b) à d) et 32 à 36 de la Convention)

Enfants demandeurs d’asile et réfugiés

43.Le Comité se dit préoccupé par l’absence de législation interne sur les demandeurs d’asile et les réfugiés, et en particulier par l’absence de mesures destinées à protéger les enfants non accompagnés et les enfants réfugiés.

44. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une législation sur les demandeurs d ’ asile et les réfugiés, conformément aux normes internationales, et notamment en tenant compte de son Observation générale n o  6 (2005). Il recommande à l ’ État partie d ’ adhérer à la Convention de 1954 relative au statut des réfugiés, à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie.

Enfants migrants

45.Le Comité relève avec préoccupation que, dans le cadre de l’Examen périodique universel de 2010, l’État partie n’a pas accepté la recommandation l’invitant à prendre les mesures nécessaires pour garantir l’accès des résidents étrangers, y compris de leurs enfants, aux droits sociaux fondamentaux, tels que le droit aux soins de santé et à l’éducation, quel que soit leur statut migratoire. Il s’inquiète aussi de ce que la loi qualifiée du 14 mai 2002 sur l’immigration et sa modification de 2007 n’autorisent pas le regroupement familial pour les travailleurs saisonniers et ne tiennent pas compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, de sorte qu’elles sont incompatibles avec les principes et dispositions de la Convention, notamment ceux qui sont énoncés aux articles 2, 3, 9 et 10.

46. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De veiller à ce que la Commission nationale pour l ’ égalité examine la question des droits des enfants migrants et des enfants de travailleurs saisonniers et coordonne les efforts visant à promouvoir et à protéger les droits de ces catégories d ’ enfants, notamment par des campagnes de sensibilisation destinées à modifier les stéréotypes et les comportements discriminatoires à l ’ égard de ces enfants;

b) De réviser et de modifier la loi qualifiée du 14 mai 2002 sur l ’ immigration en vue d ’ autoriser le regroupement familial pour les étrangers titulaires d ’ une autorisation d ’ immigration temporaire et de garantir le droit des enfants à la vie familiale. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de s ’ assurer que la procédure de regroupement familial est menée dans un esprit positif, avec humanité et diligence, en tenant compte de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant;

c) De ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille afin de mieux assurer la réalisation des droits de l ’ enfant.

Exploitation économique, y compris le travail des enfants

47.Le Comité se félicite de la promulgation par l’État partie de la loi du 12 juin 2003 sur le contrat de travail et du règlement du 28 janvier 2004 relatif à la réglementation du contrat de travail des stagiaires, qui institue des restrictions et des contrôles supplémentaires quant à l’emploi des personnes âgées de moins de 18 ans. Il observe toutefois avec inquiétude que la loi ne traite pas de manière exhaustive le cas des enfants travaillant dans le contexte de la famille et qu’elle ne contient notamment pas de disposition propre à garantir que l’activité exercée ou les horaires de travail ne portent pas atteinte au droit des enfants à l’éducation. Il est également préoccupé par le fait que la loi ne comporte pas de définition précise des «travaux légers» bien qu’elle autorise l’emploi des enfants âgés de 14 et 15 ans pendant la moitié des vacances scolaires, pour autant que la durée du travail n’excède pas six heures par jour et trente heures par semaine.

48.Le Comité relève avec préoccupation que l’État n’a pas ratifié le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole de Palerme).

49. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De prendre toutes les mesures voulues pour s ’ assurer que la participation des enfants à l ’ emploi dans tous les contextes soit pleinement conforme aux normes internationales relatives au travail des enfants, notamment en ce qui concerne l ’ âge, les horaires et les conditions de travail, l ’ éducation et la santé. À ce sujet, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ établir une définition des «travaux légers», conformément aux règles énoncées dans la Convention n o  182 de l ’ OIT de 1999 concernant l ’ interdiction des pires formes de travail des enfants et l ’ action immédiate en vue de leur élimination, et d ’ interdire expressément l ’ emploi d ’ enfants âgés de 14 à 18 ans pour des travaux pouvant nuire à leur santé, à leur sécurité et à leur moralité. Il conviendrait de porter cette définition à la connaissance de tous les employeurs, des organismes gouvernementaux et du grand public, et spécialement des enfants, afin de mieux faire connaître les normes internationales relatives au travail des enfants;

b) D ’ appliquer les sanctions prévues à l ’ égard des personnes qui contreviennent aux lois en vigueur sur le travail des enfants;

c) De ratifier le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole de Palerme).

Administration de la justice pour mineurs

50.Le Comité constate avec satisfaction que l’âge de la responsabilité pénale est fixé à 18 ans dans l’État partie. Il se réjouit aussi d’apprendre de l’État partie que le seul enfant privé de liberté en 2012 était totalement séparé des détenus adultes.

51. Notant que quelques enfants sont incarcérés dans les centres de détention, le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce qu ’ ils soient accompagnés et pris en charge par des professionnels, et à ce qu ’ ils soient toujours totalement séparés des détenus adultes, y compris lorsqu ’ ils sont autorisés à utiliser les espaces communs de l ’ établissement de détention.

I.Ratification d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

52. Le Comité recommande à l ’ État partie de ratifier les instruments ci-après, afin de renforcer davantage la réalisation des droits de l ’ enfant: le Protocole à la Convention relative aux droits de l ’ enfant établissant une procédure de présentation de communications, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Protocole facultatif s ’ y rapportant, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif.

J.Coopération avec les organismes régionaux et internationaux

53. Le Comité recommande à l ’ État partie de coopérer avec le Conseil de l ’ Europe en vue de l ’ application de la Convention et des autres instruments relatifs aux droits de l ’ homme tant sur son territoire que sur celui d ’ autres États membres du Conseil de l ’ Europe.

K.Suivi et diffusion

54. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour assurer la pleine application des présentes recommandations, notamment en les transmettant au chef de l ’ État, au Parlement, aux ministères compétents, à la Cour suprême et aux autorités locales pour examen et suite à donner.

55. Le Comité recommande également à l ’ État partie de diffuser largement son deuxième rapport périodique et ses réponses écrites, ainsi que les présentes recommandations s ’ y rapportant (observations finales), dans les langues du pays, notamment (mais pas exclusivement) par Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des médias, des mouvements de jeunesse, des groupements professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et une prise de conscience au sujet de la Convention et de ses Protocoles facultatifs, de leur mise en œuvre et de leur suivi.

L.Prochain rapport

56. Le Comité invite l ’ État partie à soumettre ses troisième à cinquième rapports périodiques en un seul document avant le 31 janvier 2018 et à y faire figurer des renseignements sur la suite donnée aux présentes observations finales. Il appelle son attention sur les directives harmonisées pour l ’ établissement des rapports sur l ’ application de chaque instrument (CRC/C/58/Rev.2 et Corr.1) adoptées le 1 er  octobre 2010 et lui rappelle que ses prochains rapports devront respecter ces directives et ne pas dépasser 60 pages. Le Comité prie instamment l ’ État partie de soumettre son rapport conformément à ces directives. Si l ’ État partie soumet un rapport excédant le nombre de pages fixé, il sera invité à le remanier et à le soumettre à nouveau conformément aux directives susmentionnées. Le Comité rappelle à l ’ État partie que s ’ il n ’ est pas en mesure de remanier son rapport et de le soumettre à nouveau, sa traduction aux fins de l ’ examen par le Comité ne pourra pas être garantie.

57. Le Comité invite aussi l ’ État partie à présenter un document de base mis à jour, conformément aux prescriptions applicables au document de base commun qui figurent dans les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, approuvées par les organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme à leur cinquième réunion intercomités, en juin 2006 (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I).