Nations Unies

CAT/OP/BEN/3

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

1er octobre 2018

Original : français

Anglais, espagnol et français seulement

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Visite au Bénin du 11 au 15 janvier 2016 : observations et recommandations adressées au Bénin

Rapport établi par le Sous-Comité * , **

Table des matières

Page

I.Introduction3

II.Bon déroulement de la visite et coopération3

III.Méthodologie et plan du rapport 4

IV.Mécanisme national de prévention4

V.Conditions de détention5

A.Commissariats et gendarmeries5

BÉtablissements pénitentiaires8

C.Accès aux soins de santé, hygiène, eau et assainissement11

D.Mineurs en détention12

VI.Fonctionnement de la justice et politique pénale 12

A.Objectifs du système de justice 12

B.Cadre normatif12

VII.Politique pénitentiaire15

A.Situation des personnes privées de liberté15

B.Cadre institutionnel18

VIII.Répercussions de la visite et conclusion18

A.Répercussions de la visite 18

B.Conclusion19

Annexes

I.Liste des personnes rencontrées par le SPT20

II.Lieux de privation de liberté visités par le SPT22

I.Introduction

1.En application de l’article 11 et du paragraphe 4 de l’article 13 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a effectué sa deuxième visite au Bénin du 11 au 15 janvier 2016.

2.La délégation était composée des membres suivants du Sous-Comité : Victor Madrigal-Borloz (chef de la délégation), Gnambi Garba Kodjo, Paul Lam Shang Leen, Radhia Nasraoui et Catherine Paulet.

3.Les membres du Sous-Comité ont bénéficié de l’assistance de quatre membres du personnel du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, dont deux fonctionnaires chargés de la sécurité.

4.Le Sous-Comité a effectué des visites dans plusieurs types de lieux de privation de liberté.

5.Le Sous-Comité a rencontré et s’est entretenu avec les autorités béninoises compétentes, le Conseil consultatif des droits de l’homme, les organisations de la société civile et le barreau de Cotonou ainsi qu’avec les représentants du Programme des Nations Unies pour le développement. Il tient à les remercier pour les informations précieuses qu’ils lui ont communiquées.

6.La visite avait pour objet de suivre l’application des recommandations formulées par le Sous-Comité à l’issue de sa première visite régulière dans le pays, réalisée du 17 au 26 mai 2008. La visite a permis au Sous-Comité de se rendre compte des progrès réalisés dans la mise en œuvre des recommandations formulées dans le précédent rapport et des efforts qu’il reste à accomplir par l’État partie.

7.À l’issue de la visite, le Sous-Comité a, au cours d’une réunion tenue le 15 janvier 2016, présenté oralement aux autorités nationales béninoises ses observations préliminaires et confidentielles. Ces dernières ont pu présenter des réponses liminaires à certaines préoccupations du Sous-Comité.

8.Dans le présent rapport, l’expression « mauvais traitements » est utilisée au sens générique et vise toutes les formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

9.Au vu du peu de progrès réalisé, les observations et recommandations formulées dans le précédent rapport du Sous-Comité restent pleinement valables et applicables. Ledit rapport reste, par conséquent, en vigueur.

10.Le rapport du Sous-Comité demeurera confidentiel jusqu’à ce que les autorités béninoises décident de le rendre public, en conformité avec le paragraphe 2 de l’article 16 du Protocole facultatif. Le Sous-Comité tient à attirer l’attention de l’État partie sur la possibilité de solliciter un financement du Fonds spécial établi conformément à l’article 26 du Protocole facultatif pour des projets spécifiques visant à mettre en œuvre les recommandations contenues dans le présent rapport, à la condition que ce dernier ait été rendu public.

11. Le Sous-Comité recommande au Bénin d’envisager la publication du présent rapport conformément au paragraphe 2 de l’article 16 du Protocole facultatif.

II.Bon déroulement de la visite et coopération

12.Le Sous-Comité tient à remercier les autorités béninoises de leur excellente coopération et de leur contribution au bon déroulement de sa visite. Il tient, tout spécialement, à remercier le Gouvernement béninois pour lui avoir accordé l’accès sans restriction aux lieux de détention conformément aux dispositions du Protocole et pour avoir désigné Boris Tokpanou comme son agent de liaison et interlocuteur dont la diligence a contribué à faciliter la visite sur place. Il remercie également la Mission permanente du Bénin auprès de l’Office des Nations Unies à Genève avec laquelle le Sous-Comité a eu un dialogue constructif.

13.Le Sous-Comité regrette néanmoins que les informations et documents qu’il avait requis préalablement à la visite n’aient été fournis que très tardivement, ce qui n’a pas permis de préparer la visite de manière totalement satisfaisante.

14.Le Sous-Comité note avec satisfaction que les chefs d’établissements pénitentiaires et les autorités des commissariats de police et des gendarmeries, y compris au niveau des agents d’encadrement de base, ont été dûment informés de sa visite et ont donné total accès aux lieux de privation de liberté et aux détenus. Il note aussi le niveau de professionnalisme, de courtoisie et d’efficacité du personnel d’encadrement ainsi qu’un soutien aux principes des droits de l’homme chez ces derniers, qui est, probablement, le résultat des formations reçues en matière des droits de l’homme.

15.Cette coopération et cette attitude positive constituent une amélioration sensible par rapport à la visite de 2008, durant laquelle le Sous-Comité avait été confronté à des problèmes d’accès à certains lieux de détention et à des détenus.

III.Méthodologie et plan du rapport

16.Le Sous-Comité souligne qu’en dépit de certaines améliorations très limitées dans leur portée, la situation n’a pas beaucoup évolué dans l’État partie et que, dans certains cas, elle s’est dégradée. Les observations et recommandations du Sous-Comité ne visent donc pas à reprendre le catalogue de celles déjà formulées dans le précédent rapport, mais à permettre une réflexion de l’État partie sur la prévention de la torture en ce qu’elle requiert quant aux buts et objectifs du système judiciaire et pénal ainsi que du système pénitentiaire.

17.Ainsi, le rapport du Sous-Comité comporte quatre parties principales : la première revient sur la question du mécanisme national de prévention que l’État partie n’a toujours pas mis en place ; la deuxième se concentre sur les conditions de détention sous ses différents aspects ; la troisième traite du fonctionnement de la justice et de la politique pénale ; et la quatrième porte sur la politique pénitentiaire. Fort du constat qu’il y a peu d’améliorations, le Sous-Comité estime que ces chapitres traitent de problèmes structurels intrinsèquement liés et que leur examen commun est de nature à faire avancer la prévention contre les mauvais traitements.

IV.Mécanisme national de prévention

18.Le Sous-Comité rappelle que l’État partie a ratifié le Protocole facultatif en 2006 et que, en vertu de l’article 17 dudit Protocole, il s’engageait à mettre en place dans un délai d’un an un mécanisme national de prévention ; or, celui-ci n’a toujours pas été mis en place. Le Sous-Comité regrette de ne pas avoir pu rencontrer les membres du groupe de travail ad hoc sur le mécanisme national de prévention alors qu’il avait expressément formulé une demande en ce sens.

19.L’État partie semble avoir opté pour la création d’un mécanisme national de prévention au sein de la Commission béninoise des droits de l’homme, notamment pour des motifs liés à l’insuffisance de ressources. Le Sous-Comité prend note de la loi no 2012-36 portant création de la Commission béninoise des droits de l’homme, dont le texte lui a été transmis par les autorités de l’État partie. Il prend également note de ce que, aux termes de l’article 4 de cette loi, la Commission béninoise des droits de l’homme est habilitée à « effectuer des visites régulières, inopinées ou notifiées, dans les lieux de détention ou de rétention aux fins de prévenir toutes violations des droits de l’homme » ; ce qui est au cœur du mandat d’un mécanisme national de prévention.

20.Si le Sous-Comité note que l’État partie a lié la mise en place d’un mécanisme national de prévention au fonctionnement de la Commission béninoise des droits de l’homme et qu’un décret devrait instituer le mécanisme national de prévention, il remarque néanmoins que la Commission n’est pas encore fonctionnelle et se heurte, d’après les informations fournies par les autorités elles-mêmes et les organisations de la société civile, à un certain nombre d’obstacles. Cette difficulté freine, de toute évidence, la création du mécanisme national de prévention, dont l’urgence se fait pressante.

21.Le Sous-Comité ne se prononce pas sur l’opportunité de créer un mécanisme national de prévention qui soit un organe distinct ou intégré au sein d’une institution nationale des droits de l’homme. Il note, cependant, que les dispositions de l’article 4 de la loi portant création de la Commission béninoise des droits de l’homme ne suffisent pas à satisfaire les garanties requises à l’article 18 du Protocole facultatif.

22.Le Sous-Comité considère que le fait de ne pas mettre en place, désigner ou maintenir un mécanisme national de prévention conformément aux dispositions du Protocole facultatif constitue un manquement grave aux obligations internationales découlant de cet instrument.

23. Le Sous-Comité recommande que l’ État partie fasse de la mise en place d’un mécanisme national de prévention une priorité. Il recommande également que l’ État partie veille à ce que le mécanisme national de prévention respecte toutes les garanties prévues dans le Protocole facultatif, en particulier à l’article 18. Il recommande enfin que le processus de mise en place du mécanisme national de prévention soit inclusif et se fasse en consultation avec toutes les organisations de la société civile intéressées.

V.Conditions de détention

A.Commissariats et gendarmeries

1.Conditions matérielles et sanitaires de détention 

24.Le Sous-Comité a constaté que les personnes détenues dans les commissariats et dans les brigades de gendarmerie territoriale l’étaient dans des conditions ne satisfaisant pas à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela). La majorité des cellules de garde à vue étaient étroites, manquant de lumière à l’intérieur ou mal éclairées, et n’étaient équipées ni en eau, ni de toilettes, à l’exception du commissariat central de Cotonou où la cellule pour hommes disposait d’un coin WC, d’une douche et d’un robinet d’eau en état de marche. Les détenus dormaient sur le sol. Les cellules n’étaient pas souvent propres à l’exemple de la cellule des femmes du commissariat central, qui était dans un état d’extrême insalubrité (avec un monceau de déchets ainsi qu’un dépôt de matières fécales).

25.Il ressort des entretiens que le Sous-Comité a eus que la plupart des commissariats et gendarmerie visités n’avaient pas de budget pour nourrir les personnes placées en garde à vue.

26. Le Sous-Comité recommande aux autorités béninoises d’améliorer les conditions de détention dans les commissariats et les gendarmeries et de prendre les mesures nécessaires pour : a) que les cellules de garde à vue soient suffisamment éclairées à la lumière naturelle ou artificielle ; b) améliorer les conditions d’hygiène et de salubrité dans les locaux de garde à vue; c) fournir des couchages et d es moustiquaires aux personnes en garde à vue , et démoustiquer les cellules et les lieux; d) doter les commissariats et les gendarmeries d’un budget pour l’achat de nourriture  ; et e) s’assurer que les personnes en garde à vue o nt accès à l’intérieur des lieux de détention , à l’eau potable, à des toilettes et à des douches.

2.Garanties juridiques fondamentales

27.L’adoption et l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure pénale et la sensibilisation des agents de police et de gendarmerie à ce nouveau Code ont eu un effet positif sur le respect des garanties juridiques fondamentales. Le Sous-Comité estime que cela constitue une évolution très positive. Il relève néanmoins que l’application systématique et concrète de ces dispositions pose encore quelques défis.

a)Le droit à être informé de ses droits et des motifs de son arrestation

28.Le Sous-Comité note que les dispositions de l’article 59 du nouveau Code de procédure pénale garantissent le droit de la personne gardée à vue à être informée des motifs de son arrestation et de ses droits à se constituer un avocat, à se faire examiner par un médecin de son choix, et à informer et recevoir un membre de sa famille. Le Sous-Comité a constaté que les policiers et les gendarmes, de manière générale, respectaient ce droit. Néanmoins, le Sous-Comité a constaté que ce droit n’était pas appliqué partout et en toutes circonstances de manière systématique.

29. Le Sous-Comité recommande à l’ État partie de renforcer la formation et la sensibilisation du personnel de police et de gendarmerie afin qu’en tous lieux et en toutes circonstances les personnes gardées à vue soient informées de tous leurs droits.

b)Le droit d’accès à un avocat

30.Le droit d’accès à un avocat figure de manière explicite aux articles 59, 72 et 78 du nouveau Code de procédure pénale. Le Sous-Comité a recueilli des informations selon lesquelles, dans la majorité des cas, les personnes avaient été informées de leur droit à se constituer un avocat. Cependant, le Sous-Comité est préoccupé par les informations communiquées par les autorités nationales et les commissariats et gendarmeries selon lesquelles près de la moitié des personnes en garde à vue se trouvaient dans l’impossibilité financière de faire recours à un avocat. Il est également ressorti d’autres informations recueillies par le Sous-Comité auprès des autorités et des commissariats et gendarmeries que, lors des gardes à vue et des enquêtes préliminaires, les personnes assistées d’un avocat pouvaient le faire venir dans la limite de temps imparti avant le début de l’audition. Les avocats pouvaient assister leurs clients lors de l’interrogatoire et faire toute observation nécessaire. Dans les cas où une audition était conduite en l’absence d’un avocat, cette situation était consignée dans le procès-verbal d’audition. Le Sous-Comité tient à souligner qu’il s’agit là d’une amélioration par rapport aux constatations qu’il avait faites dans son précédent rapport.

31. Le Sous-Comité recommande à l’ État partie de veiller à une pleine application des dispositions du Code de procédure pénale et des Règles Nelson Mandela , afin que les personnes gardées à vue puissent dans tous les cas avoir accès à un avocat dès les premiers instants de leur détention.

c)Le droit à un examen médical

32.Le droit à un examen médical est garanti aux articles 59 et 63 du nouveau Code de procédure pénale. Le Sous-Comité est préoccupé par le fait que, comme en 2008, ces dispositions du Code sont peu appliquées. Des entretiens que le Sous-Comité a eus, il est ressorti que la plupart des personnes gardées à vue n’avaient pas été informées de leur droit à un examen médical et qu’un tel examen ne leur était pas systématiquement proposé au début de leur garde à vue. Il a été, néanmoins, indiqué au Sous-Comité qu’il était demandé aux personnes malades si elles désiraient voir un médecin ou avoir un examen médical dans le centre de santé le plus proche. De plus, le Sous-Comité a été informé que le recours aux premiers soins pour les personnes malades était à leurs frais, ce qui avait eu pour conséquence que certaines personnes restaient sans soins.

33. Le Sous-Comité recommande qu’un examen médical soit prévu de manière systématique pour toute personne arrêtée le plus tôt possible après son placement en garde à vue, notamment lorsqu’elle présente des problèmes de santé , liés ou non, à son arrestation. Le Sous-Comité recommande également à l’ État partie de mettre en place de manière systématique des registres dans lesquels seraient consign és l’examen médical et le recours aux soins des personnes gardées à vue.

d)Le droit à informer sa famille

34.Ce droit est prévu à l’article 59 du nouveau Code de procédure pénale. Dans son précédent rapport, le Sous-Comité avait noté que plusieurs personnes avaient indiqué n’avoir pas été en mesure d’informer leur famille, malgré des demandes répétées. Le Sous-Comité a constaté une amélioration évidente du respect de ce droit. La plupart des personnes gardées à vue ont indiqué avoir été informées du droit de contacter leur famille et avaient pu le faire.

35. Le Sous-Comité recommande à l’ État partie de garantir que, dans tous les cas et en toutes circonstances, les personnes placées en garde à vue puissent contacter leur famille et de mettre , à cette fin, des moyens de communication à la disposition de ce lles qui n’en ont pas les moyens .

e)La durée de la garde à vue

36.Aux termes des articles 57, 61 et 62 du Code de procédure pénale, la durée de la garde à vue est de quarante-huit heures. Elle peut être prolongée sur autorisation du Procureur de la République, mais ne peut pas excéder huit jours. Le Sous-Comité a constaté que le délai de garde à vue de quarante-huit heures était respecté de manière générale et que, dans la pratique, les prolongations se faisaient sur autorisation du Procureur. Le Sous-Comité estime qu’il y a eu des progrès et des efforts afin que ce délai soit respecté, mais il reste des améliorations à apporter. Dans certains cas, ce délai avait été dépassé, donnant lieu à des gardes à vue abusives.

37. Le Sous-Comité recommande à l’ État partie de redoubler de vigilance afin que dans tous les cas le délai de la garde à vue soit pleinement et effectivement respecté.

3.Registres

38.Le Sous-Comité a noté les efforts déployés par l’État partie pour mettre en place une méthodologie pour un registre unifié dans les commissariats et les gendarmeries et former un personnel en capacité de se mobiliser afin de mettre en œuvre un tel registre. Les commissariats et gendarmeries visités avaient des registres qui étaient assez bien tenus. Le Sous-Comité considère cette évolution comme un point positif. Il rappelle que l’uniformisation des registres devrait permettre de recueillir et consigner les données relatives aux motifs de l’arrestation, l’heure et le jour exacts du début de la garde à vue, sa durée, sa fin, l’identité de la personne détenue et celle de l’agent qui a autorisé la garde à vue, des indications quant au lieu de détention, le moment de la première comparution devant une autorité judiciaire, la prolongation de la garde à vue, et l’autorité qui l’a décidée ainsi que sa durée.

39.Le Sous-Comité a constaté avec préoccupation des défaillances dans la tenue des registres et que ceux-ci n’étaient pas uniformes dans tous les lieux visités. Dans les commissariats et la gendarmerie visités, les registres ne comportaient pas des données relatives soit à l’âge, à la libération ou à l’heure de libération d’une personne gardée à vue, soit à la date même du début de la garde à vue. Les défaillances concernaient aussi la non-consignation des données en temps réel. Dans un des commissariats visités, seul le registre de main courante était utilisé en temps réel tandis que le registre de la garde à vue était rempli a posteriori, notamment, le jour de la visite, avec deux mois de retard. Le Sous-Comité reste préoccupé par l’absence de rigueur et de systématisation dans la consignation des données relatives aux personnes détenues dans les commissariats et les gendarmeries.

40. Le Sous-Comité recommande à l’ État partie de poursuivre ses efforts en vue de mettre en place un système uniformisé pour consign er avec rigueur les données concernant les personnes placées en garde à vue, de manière systématique et complète, dans tous les commissariats et les gendarmeries.

4.Allégations de torture et de mauvais traitements

41.Le Sous-Comité n’a été informé que de peu d’allégations de torture ou de mauvais traitements à l’égard des personnes placées en garde à vue. Le Sous-Comité n’a pas constaté, ni rencontré de personnes en garde à vue qui présentaient des signes corporels pouvant donner lieu de croire qu’elles avaient subi des mauvais traitements. Toutefois, le Sous-Comité reste préoccupé par les informations fournies par quelques détenus de la prison d’Abomey, selon lesquelles ils avaient subi des violences lors de leur garde à vue.

42. Le Sous-Comité considère qu’il s’agit d’une évolution positive et d’une amélioration notable. Il encourage l’ État partie à redoubler de vigilance pour veiller à ce que, en tous lieux, les personnes en garde à vue ne soient pas soumises à des mauvais traitements , à ce que, en cas de mauvais traitements, elles aient la possibilité de porter plainte , et à ce que des enquêtes immédiates et impartiales soient ouvertes sur ces violations (articles 12 et 13 de la Convention) , et à ce que leurs auteurs soient sanctionnés, s ’ils sont reconnus coupables.

B.Établissements pénitentiaires

1.Surpopulation carcérale et conditions matérielles de détention

43.Au moment de la visite du Sous-Comité, les prisons civiles d’Abomey et de Cotonou restaient surpeuplées. Les précédentes recommandations du Sous-Comité n’ont donc pas été suivies d’effet.

a)Prison civile d’Abomey 

44.La prison d’Abomey abritait 912 détenus pour une capacité maximale de 200 places, dont 832 hommes, 72 femmes et 8 mineurs. Selon le directeur-adjoint, le personnel était composé de 12 personnes auxquelles s’ajoutait une équipe de militaires pour assurer la sécurité à l’extérieur de la prison. Le Sous-Comité est très préoccupé par les conditions de détention déplorables à la prison d’Abomey, qui s’étaient dégradées depuis la visite du Sous-Comité en 2008. La surpopulation chronique affectait tous les bâtiments, à l’exception du bâtiment pour mineurs. La situation du bâtiment 8 a particulièrement retenu l’attention du Sous-Comité, car ce bâtiment abritait 91 détenus pour une surface de 38 mètres carrés ; ce qui revenait à un ratio de 2,4 personnes par mètre carré. Le taux élevé de la surpopulation entraînait une promiscuité qui venait s’ajouter à la vétusté et au délabrement des bâtiments. Le Sous-Comité a relevé avec préoccupation l’état déplorable des latrines et les conditions d’hygiène inquiétantes.

b)Prison civile de Cotonou

45.Au moment de la visite, la prison comptait 14 bâtiments et abritait 1 140 détenus pour une capacité de 400 places, dont 316 condamnés, 398 inculpés et 426 prévenus. La prison logeait aussi 66 femmes avec 3 bébés et une mineure ainsi que 18 mineurs de sexe masculin. Le personnel affecté était de 26 gendarmes répartis en une équipe opérationnelle et une réserve qui se relayaient. Ce personnel était renforcé par 50 militaires en rotation qui assuraient la sécurité extérieure. Un personnel soignant de 4/5 personnes s’occupait de l’infirmerie et était dirigé par un chef infirmier.

46.Le Sous-Comité a constaté avec préoccupation que si la surpopulation carcérale avait diminué par rapport à 2008, elle restait encore très élevée avec un taux d’occupation de près de 300 %. Le Sous-Comité a constaté avec préoccupation que la prison était divisée en deux parties, la « grande cour » et la « petite cour ». Si les conditions de détention au sein de cette dernière étaient supérieures, au sein de la « grande cour », elles étaient inadéquates et ne remplissaient pas les exigences fixées par les Règles Nelson Mandela. Le Sous-Comité a relevé que certaines cellules des bâtiments de la grande cour étaient surpeuplées. Le bâtiment G était en état de surpopulation chronique et de grande insalubrité. Certains détenus n’avaient pas de matelas et dormaient sur des nattes. Les toilettes étaient également insalubres. Il est ressorti des entretiens que le Sous-Comité a eus avec les détenus que la nourriture était insuffisante en quantité et en qualité. Le Sous-Comité reste préoccupé par les mauvaises conditions de détention dans cette prison.

c)Prison civile d’Akpro-Missérété

47.Au moment de la visite du Sous-Comité, la prison civile d’Akpro-Missérété abritait 581 détenus pour une capacité de 1 000 places, dont 64 inculpés et 517 condamnés parmi lesquels se trouvaient 14 condamnés à mort ainsi que 12 détenus du Tribunal pénal international pour le Rwanda. Selon les autorités de la prison, le personnel était composé de 16 surveillants et cette équipe était renforcée par 10 militaires qui assuraient la sécurité extérieure de la prison. S’y ajoutait un personnel civil composé d’un infirmier permanent, d’un greffier et d’une secrétaire. Certains bâtiments étaient déjà dans un certain état de délabrement. Le quartier abritant les détenus du Tribunal pénal international pour le Rwanda offrait de très bonnes conditions de détention. Dans les autres quartiers, les détenus vivaient dans une certaine salubrité et avaient accès à l’eau, à des toilettes et à des douches, à l’intérieur des bâtiments.

2.Séparation des détenus

48.Le Sous-Comité a constatéque la séparation des détenus selon l’âge et le sexe était respectée dans les prisons d’Abomey et de Cotonou. Le Sous-Comité reste préoccupé de ce que l’État partie n’a pas encore assuré dans la pratique le principe de la séparation selon le statut de la détention au sein des prisons visitées. Néanmoins, à la prison d’Akpro-Missérété, le Sous-Comité a constaté que les condamnés à mort étaient séparés des autres détenus.

3.Registres

49.Le Sous-Comité a constaté que les prisons disposaient de plusieurs registres qui étaient bien tenus de manière générale et qui contenaient des informations pertinentes. Le Sous-Comité reste préoccupé par la mauvaise tenue des registres à la prison civile d’Abomey, où il a constaté qu’ils étaient fortement délabrés avec des feuilles arrachées et ne pouvaient constituer une véritable garantie de protection. À la prison civile de Cotonou, le Sous-Comité a noté l’existence de registres des admissions, des envois à l’hôpital et des décès à l’infirmerie de la prison.À la prison civile d’Akpro-Missérété, le Sous-Comité a étudié les registres de l’infirmerie notamment les registres de consultations où étaient également consignés les décès survenus à la prison, les registres d’extractions médicales et les registres de consultations médicales des détenus du Tribunal pénal international pour le Rwanda. Le Sous-Comité a noté que l’infirmerie ne disposait pas de registres des admissions, ni de registres des décès. Le Sous-Comité est aussi préoccupé par l’absence de registres de plaintes dans les lieux visités.

50. Le Sous-Comité recommande à l’ État partie de prendre des mesures fortes afin de réduire la surpopulation carcérale constatée dans la prison de Cotonou et d’améliorer les conditions de détention dans les quartiers de la « grande cour » notamment en veillant à ce que les détenus aie nt un espace raisonnable et disposent de matelas pour dormir. Il recommande aussi à l’ État partie de faire un recours fréquent aux différentes mesures alternatives à la privation de liberté.

51. Le Sous-Comité recommande, en urgence, à l’ État partie de finaliser les travaux des nouvelles prisons, d’y transférer les détenus de la prison d’Abomey et de fermer cette dernière . Le Sous-Comité demande aussi à l’ État partie de s’assurer que les autorités abolissent les différences de conditions de détention au sein de la prison de Cotonou et de faire de sorte que tous les détenus soient traités sur un pied d’égalité. L’ État partie devrait , en outre, garantir la séparation des différentes catégories de détenus, en observant en particulier une stricte séparation , d’une part, entre mineurs et adultes , et , d’autre part, selon le statut de détention, conformément aux Règles Nelson Mandela . Il devrait veiller à ce que les registres des prisons soient bien tenus et uniformisés afin de constitue r une v éritable garantie contre les mauvais traitements. Les autorités des prisons devraient établir des registres de plaintes de détenus.

4.Isolement

52.Le Sous-Comité a constaté que les trois prisons visitées disposaient de cellules d’isolement. Le Comité est préoccupé par le fait que des détenus ont été placés en cellules d’isolement dans les prisons de Cotonou et d’Akpro-Missérété dans des conditions matérielles qui ne respectent pas les normes. À la prison de Cotonou où le Sous-Comité a visité deux cellules, il a constaté que l’une d’elles était sans ouverture, ni aération, ni ventilation et que la température y était inadéquate, tandis que l’autre était étroite et d’une superficie de 2 mètres sur 6 sans ouverture et abritait 5 personnes. Cette cellule était dépourvue de point d’eau et il s’en dégageait une mauvaise odeur.

53.Les autorités ont expliqué au Sous-Comité que les détenus étaient placés à l’isolement pour des motifs de discipline et pour des infractions pénales graves, par décision du Procureur général ou du régisseur, en vertu d’un décret et pour une durée maximale de huit jours. À la prison d’Akpro-Missérété, les autorités ont indiqué que les décisions étaient prises en vertu du règlement de la prison. Le Sous-Comité est préoccupé par les informations qu’il a reçues indiquant que le délai de huit jours n’était pas toujours respecté, par exemple, à la prison de Cotonou où un détenu a confié être resté plus d’un mois à l’isolement. Le Sous-Comité a également été informé que certains détenus étaient placés à l’isolement pour des motifs mineurs.

54.Le Sous-Comité souligne qu’à la prison d’Akpro-Missérété, il a découvert un détenu à l’isolement depuis plus d’un mois environ dans une cellule du bâtiment C1 (réservé aux détenus du Tribunal pénal international pour le Rwanda). Il a été informé qu’il s’agissait d’un acte administratif pris à cause de la dangerosité de la personne.

55.Le Sous-Comité constate avec préoccupation que les cas d’isolement cellulaire mentionnés ci-dessus n’étaient pas conformes aux Règles Nelson Mandela, dans la mesure où le placement à l’isolement avait duré de longues périodes, sans garantie d’une procédure régulière ni d’un contrôle indépendant. Le Sous-Comité rappelle qu’il doit donc y avoir des procédures juridiques efficaces à la disposition de tous les détenus pour leur permettre de contester des actes ou omissions du personnel ou des autorités pénitentiaires qu’ils estiment aller au-delà de ce qui a été sanctionné par le droit. En vertu des Règles Nelson Mandela, l’isolement en tant que mesure disciplinaire ou sanction signifie l’isolement d’un détenu sans contact humain réel pendant vingt-deux heures par jour ou plus, et peut être prolongé seulement jusqu’à quinze jours, et ne doit être utilisé qu’en dernier ressort dans des cas exceptionnels, pour une durée aussi brève que possible, sous contrôle indépendant et uniquement avec l’autorisation d’une autorité compétente. Il rappelle également à l’État partie que l’absence d’une procédure régulière expose le détenu à un risque de se voir appliquer une décision arbitraire d’isolement.

56.Le Sous-Comité a, par conséquent, formulé la demande au régisseur de cette prison de régulariser la situation du détenu à l’isolement, demande qui a été suivie d’effet, ce dont se félicite le Sous-Comité.

57. Le Sous-Comité recommande aux autorités des prisons de l’ État partie de ne recour ir à l’isolement que dans les cas nécessaires et en dernier recours pour des périodes les plus brèves possibles en conformité avec les Règles Nelson Mandela . T oute décision de placement à l’ isolement doit faire l’objet d’une procédure régulière afin d’établir les fai ts et de donner la possibilité au détenu de se défendre lors d’un examen indépendant. Pour ce faire, le Sous-Comité recommande que soient adoptés des règlements connus des détenus, sur la base desquels sera prise toute décision de placement à l’ isolement  ; ces règlements devront être pleinement conformes aux normes internationales et aux Règles Nelson Mandela . Il invite également l’ État partie à veiller à ce que les cellules d’isolement de la prison de Cotonou soient réaménagé e s de sorte qu’elles soient exposé e s à la lumière et à une température adéquate, et qu’elles aient des toilettes et un accès à l’eau.

5.Torture et mauvais traitements

58.Le Sous-Comité n’a constaté et n’a été informé que de peu d’allégations de mauvais traitements lors des entretiens qu’il a eus. Il s’inquiète néanmoins d’allégations de la part de certains mineurs détenus à la prison d’Abomey selon lesquelles ils pouvaient recevoir des coups en guise de punition lorsqu’ils avaient commis une faute, et celles de la part d’un détenu adulte de la même prison, qui a indiqué au Sous-Comité qu’il avait été battu par le chef de cour au sein du Bloc 8 à l’aide d’une lanière et d’un tuyau. Il est également ressorti des entretiens que, à la prison d’Abomey, des entraves étaient mises aux détenus, parfois pendant toute une nuit, en guise de punition.

59. Le Sous-Comité recommande à l’ État partie de poursuivre la sensibilisation du personnel pénitentiaire afin de prévenir tout mauvais traitement envers les détenus et de faciliter le dépô t de plainte par les détenus.

C.Accès aux soins de santé, hygiène, eau et assainissement

1.Accès aux soins en milieu carcéral

60.Dans les prisons visitées par le Sous-Comité, à l’exception de celle d’Abomey, les détenus passaient systématiquement un examen médical à leur arrivée. Le Sous-Comité regrette qu’un tel examen ne soit pas fait par un médecin et que les équipes de soins ne soient composées que du personnel infirmier. Le Sous-Comité est préoccupé par le fait que les infirmeries n’offraient pas toujours des conditions d’hygiène maximales et que le personnel était en nombre insuffisant. Le système de soins de santé dans les prisons continuait de présenter des insuffisances qui méritaient d’être corrigées afin d’être pleinement conformes aux Règles Nelson Mandela.

61.En particulier, le Sous-Comité a relevé avec préoccupation : a) la sous-dotation des infirmeries en médicaments et en matériel médical notamment depuis 2014, en particulier à la prison d’Abomey, l’infirmerie ne disposait plus que de paracétamol ; b) le fait que l’absence de médicaments a eu pour conséquence une baisse des consultations de la part des détenus ; c) l’absence de dossier médical personnalisé et de suivi spécifique des femmes enceintes, des enfants, des mineurs et des personnes âgées, notamment dans les prisons de Cotonou et d’Abomey ; d) l’absence de spécialiste et le fait que les psychologues et psychiatres ne venaient qu’en tant qu’experts en cas de procès aux assises ; e) l’absence de moyens roulants pour les extractions médicales ; et f) l’absence d’une véritable politique de santé pénitentiaire.

62.Le Sous-Comité est également préoccupé d’avoir constaté que les registres sur les consultations ne permettaient pas d’avoir toutes les informations sur les soins et les problèmes de santé dans ces prisons. Il a été informé que les extractions médicales étaient possibles auprès des hôpitaux les plus proches pour les urgences notamment. Le Sous-Comité a été informé qu’à la prison d’Abomey, deux ou trois détenus porteurs du VIH étaient sans traitement et que quatre ou cinq personnes atteintes de tuberculose étaient prises en charge par le Centre de santé dans le cadre d’un programme national, tandis que le suivi des personnes atteintes d’une hépatite était assuré par une organisation non gouvernementale.

63. Le Sous-Comité recommande à l’ État partie de veiller à ce qu’un examen médical systématique soit mis en place à la prison d’Abomey et qu’il soit effectué dans toutes les prisons par un médecin. À défaut, l’ État partie devrait s’assurer qu’une consultation par un médecin peut se faire dans de brefs délais à la demande de l’infirmier. Le Sous-Comité recommande à l’État partie  : a)  d’assurer une dotation suffisante en médicaments et en matériel médical dans toutes les prisons visité e s , ce qui permettra de susciter la confiance des détenus malades à venir consulter ; b)  de formaliser sous forme de convention l ’accès à la Couverture santé universelle et aux hôpitaux de proximité ; c)  de doter les prisons de véhicule s de transport pour assurer les extractions médicales ; d)  de pourvoir, dans les plus brefs délais, les deux postes vacants d’infirmiers à l a prison d’ Akpro-Missérété  ; e)  d’ assurer une formation continue du personnel médical en lien avec les pathologies ou les public s représe ntés ; f)  de disposer d’un dossier médical individuel pour chaque patient et de mettre en place des registres de visites médicales des arrivants, des consultations, des extractions médicales et des décès.

2.Hygiène, eau et assainissement

64.Dans les prisons de Cotonou et d’Akpro-Missérété, le Sous-Comité a constaté que les conditions d’hygiène étaient convenables, à part dans certains bâtiments situés dans la « grande cour » de la prison de Cotonou. Néanmoins, il est ressorti de certains entretiens avec les détenus que certains détenus de la « grande cour » se trouvaient dans l’obligation de payer pour avoir accès à des toilettes plus salubres. Le Sous-Comité est particulièrement préoccupé par la situation de l’hygiène et de l’assainissement au sein de la prison d’Abomey qu’il considère comme déplorable et de nature à mettre en risque la santé des détenus. Il est également préoccupé par la difficulté majeure d’accès à l’eau et par l’état particulièrement déplorable des latrines qui dégageaient une odeur nauséabonde.

65. Le Sous-Comité recommande à l’ État partie : a)  d’assurer un approvisionnement en eau courante potable à la prison d’Abomey et que celle-ci leur soit accessible sans frais ; b)  d’assurer des travaux d’hygiène et d’assainissement , en particulier d’y aménager des latrines convenables ; c) d’assainir la prison d’Abomey et de mettre à la disposition d es détenus des produits d’hygiène ; d)  de prendre des mesures de collecte et d’évacuation des déchets liquides et solides ainsi que d es excréments non pas par les détenus mais par des entreprises spécialisées afin de prévenir la propagation de maladies.

D.Mineurs en détention

66.Le Sous-Comité a visité le Centre de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence d’Agblangandan, à Cotonou, où séjournaient des mineurs en conflit avec la loi et placés sous la tutelle du juge des mineurs. Il a également rencontré les mineurs en détention dans les prisons d’Abomey et de Cotonou. S’il souligne positivement la politique développée par l’État partie tendant à éviter la détention des mineurs, le Sous-Comité a constaté avec préoccupation que leurs conditions de détention n’étaient pas très adéquates ni conformes aux normes internationales. D’une part, le Sous-Comité est préoccupé par le fait que certains mineurs n’avaient accès à aucune activité scolaire ni à de vraies formations qualifiantes.

67. Le Sous-Comité appelle l’ État partie à veiller à une meilleure salubrité des locaux du Centre et à augmenter les ressources qui lui sont allouées afin de garantir un meilleur suivi socioéducatif des mineurs en veillant à ce que d es activités de formation so ie nt proposées à tous pour préparer leur réinsertion dans la société. Il recommande aussi à l’ État partie d’améliorer en quantité et en qualité l’alimentation proposée dans le Centre .

VI.Fonctionnement de la justice et politique pénale

A.Objectifs du système de justice

68.Le système de justice pénale du Bénin a amorcé un pas décisif avec l’adoption et l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure pénale qui doit encore être mis en œuvre dans toutes ses dispositions, mais cette architecture restera incomplète tant que le projet de Code pénal ne sera pas adopté afin d’offrir à l’État partie un cadre complet, propice à une bonne administration de la justice, et une vision de sa politique pénale.

69. Le Sous-Comité invite l’ État partie à mener une réflexion d’ensemble sur les objectifs de sa justice pénale sur les points traités ci-dessus et à lui donn er les moyens nécessaires à sa réalisation.

B.Cadre normatif

1.Le Code pénal

70.Dans son précédent rapport, le Sous-Comité avait recommandé que l’État partie adopte le projet de Code pénal. Le Sous-Comité prend note des informations que lui ont communiquées les autorités nationales selon lesquelles le projet de Code pénal était toujours en procédure d’adoption au niveau de l’Assemblée nationale. Le Sous-Comité s’interroge sur les obstacles qui empêchent son adoption.

71.Le Sous-Comité est préoccupé par le fait que le Code pénal actuel ne contient pas de disposition définissant et incriminant expressément la torture. L’inclusion de l’interdiction de la torture dans la législation pénale de l’État partie est non seulement une garantie de prévention contre la torture mais aussi contre l’impunité dans la mesure où elle permet aux victimes de porter plainte et aux organes judiciaires d’établir et statuer sur des faits définis par le Code pénal.

72.Le Sous-Comité se félicite que le Bénin ait accédé, le 5 juillet 2012, au Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort. Cependant, le Sous-Comité a noté que l’accession à ce Protocole ne s’était pas accompagnée d’une abolition expresse de cette peine de la législation pénale béninoise. Il est ressorti des entretiens du Sous-Comité avec les autorités nationales et les personnes condamnées à mort que les peines de mort préalablement prononcées à l’encontre des 14 personnes en détention à la prison d’Akpro-Missérété n’avaient pas été aménagées au regard de cette nouvelle situation.

73. Le Sous-Comité recommande aux autorités béninoises : a) d’adopter dans les plus brefs délais le projet de Code pénal et de sensibiliser les différents acteurs de la justice à sa mise en œuvre ; b) d’inclure dans ce projet des dispositions définissant et criminalisant la torture ; c) d’ abolir la peine de mort de son droit pénal afin de donner plein effet aux dispositions du Deuxième Protocole ; d) de réviser/réexaminer la situation juridique des personnes condamnées à mort eu égard à l’accession de l’ État partie à ce Protocole.

74.Le Sous-Comité a été frappé par la présence en détention de personnes très âgées (certaines ayant plus de 80 ans) et qui purgeaient des peines assez longues souvent pour faits de sorcellerie. Le Sous-Comité note en plus la grande vulnérabilité de ces personnes. Il estime que la qualification de faits de sorcellerie et de charlatanisme en infraction pénale peut poser un problème s’agissant de déterminer des éléments de preuves matérielles relatifs à la constitution d’une infraction pénale.

75.Le Sous-Comité a également constaté que des personnes avaient été placées en garde à vue ou condamnées pour des faits mineurs ou pour des dettes. Il a été informé par diverses sources que les dettes étaient souvent qualifiées plus tard d’abus de confiance ou d’escroquerie pour justifier leur caractère pénal. Le Sous-Comité rappelle à l’État partie qu’en vertu des normes internationales, une personne ne peut être détenue pour dettes civiles.

76. Le Sous-Comité recommande à l’ État partie de mener une réflexion sur sa justice pénale quant à la sorcellerie et le charlatanisme comme infraction pénale. En ce qui conc erne les dettes civiles, le Sous-Comité recommande à l’ État partie de s’assurer que la pratique en matière de qualification pénale est conform e aux dispositions internationales pertinentes .

2.Une politique pénale adaptée à des groupes spécifiques

77.Les personnes âgées. Le Sous-Comité a constaté que le Code de procédure pénale ne prévoit pas de dispositions spécifiques sur la vulnérabilité des personnes âgées dans les procédures judiciaires et dans l’exécution des peines infligées à cette catégorie de personnes. À la prison d’Abomey, un certain nombre de femmes très âgées ayant entre 70 et plus de 80 ans étaient incarcérées de longue date dans des conditions matérielles très déplorables, décrites précédemment, certaines d’entre elles étant en détention préventive.

78. Le Sous-Comité appelle l’ État partie à entamer une réflexion sur la vulnérabilité des personnes âgées dans les procédures judiciaires et l’individualisation dans l’exécution des peines. Il recommande à l’ État partie de réexaminer , en urg ence, les situations individuelles des personnes âgées privées de liberté dans le système béninois .

79.Mineurs. Contrairement au constat fait lors de sa visite en 2008, le Sous-Comité n’a pas rencontré de mineurs placés en garde à vue. Dans le Centre de l’enfance et de l’adolescence de Cotonou, le Sous-Comité a constaté la présence de mineurs placés dans ce Centre sous le contrôle du juge des mineurs. Le Sous-Comité a noté, néanmoins, qu’aux termes de l’article 60 du Code de procédure pénale, des mineurs de 18 ans pouvaient être placés en garde à vue sous le contrôle effectif du Procureur de la République. Des mineurs ont également informé le Sous-Comité qu’ils étaient restés en garde à vue parfois au-delà du délai maximum prévu par le Code de procédure pénale.

80.Le Sous-Comité reste préoccupé par le fait que certains mineurs n’avaient pas bénéficié de leurs garanties juridiques fondamentales, notamment le droit d’être informé de leurs droits et des motifs de leur détention, le droit à un avocat, le droit à un examen médical, et que certains avaient été auditionnés par un juge en l’absence d’un avocat ou d’une personne adulte de confiance. Le Sous-Comité a noté, par ailleurs, qu’il restait possible, dans certains cas, de placer des mineurs en détention provisoire. Il note, cependant, que l’État partie a adopté des dispositions relatives à la justice des mineurs aux articles 651 à 720 de son nouveau Code de procédure pénale.

81. Le Sous-Comité réaffirme que la détention de mineurs devrait être une mesure exceptionnelle de dernier recours . Il recommande à l’ État partie  : a)  de favoriser des mesures alternatives à la détention des mineurs ; b)  de ne recourir au placement des mineurs en garde à vue que de manière exceptionnelle ; c)  de s’assurer que les garanties juridiques fondamentales des mineurs en garde à vue so n t respectées  ; d)  de veiller à ce qu’aucun mineur ne soit auditionné et ne signe de procès-verbal d’audition en l’ absence d’un avocat, d’un adulte de confiance ou d’un parent ; et e)  de garantir l’assistance d’un conseil dans tous les cas où les mineurs doivent être jugés en matière correctionnelle ou criminelle.

3.L’aide juridictionnelle

82.Le Sous-Comité a constaté que l’État partie n’avait pas pleinement mis en œuvre la recommandation faite par le Sous-Comité dans son précédent rapport sur l’assistance juridique. Le nouveau Code de procédure pénale de l’État partie contient des dispositions relatives à l’assistance d’un avocat aux différentes étapes de la procédure judiciaire. Le Sous-Comité a néanmoins constaté qu’un nombre important de personnes n’avaient pas eu accès à un avocat lors de leur garde à vue ou lors de leur présentation à un juge. Il est ressorti de différents entretiens que le Sous-Comité a eus que l’assistance juridique gratuite par la désignation d’avocats d’office se faisait surtout en matière criminelle et le plus souvent lors de procès d’assises, mais que cette assistance restait souvent très sommaire. Le Sous-Comité a aussi été informé de l’existence d’un mécanisme d’aide juridictionnelle organisée par le barreau, mais, selon les entretiens qu’il a eus avec les membres du barreau, celle-ci n’est ni généralisée, ni systématique. L’adoption d’un texte sur l’aide juridictionnelle gratuite faciliterait le travail des avocats ainsi que sa mise en œuvre.

83. L e Sous-Comité recommande à l’ État partie d’adopter un texte de loi ou un décret qui mette en place un mécanisme d’aide juridictionnelle, gratuite et accessible à tous et de le doter d’un budget adéquat. Les autorités devraient envisager des mesures pour accro î tre le nombre d’avocats formés dans le pays chaque année et pour les inciter à s’installer dans les différentes régions du pays.

4.Le recours à la détention provisoire

84.Le nouveau Code de procédure pénale (art. 145, 147 et 149) encadre la détention provisoire dont la durée maximale est de dix-huit mois en matière correctionnelle et de vingt-quatre mois en matière criminelle. Le Sous-Comité est préoccupé par le fait qu’il est ressorti de diverses sources et entretiens que des détenus avaient passé de longues années en détention sans jugement. Dans les prisons d’Abomey et de Cotonou, des détenus ont indiqué au Sous-Comité que les cautions fixées pour bénéficier d’une décision de liberté provisoire étaient hors de portée des capacités financières de la majorité des détenus, ce qui avait pour conséquence de les maintenir en détention. Dans ses réponses au Sous-Comité, l’État partie avait indiqué que la situation financière de l’individu n’était pas prise en compte dans la fixation du montant des cautions.

85.Le Sous-Comité s’alarme du fait que la détention provisoire semble être la règle au lieu d’être l’exception en matière de détention. Le Sous-Comité est d’autant plus préoccupé qu’il a recueilli des informations d’après lesquelles, dans certaines situations, des personnes avaient passé en détention plus de temps que les sanctions encourues. Le Sous-Comité estime que le recours systématique à la détention provisoire outre qu’il contribue fortement à la surpopulation carcérale semble être le symptôme de dysfonctionnements du système judiciaire.

86. Le Sous-Comité recommande à l’ État partie : a) d’éviter de recourir systématiquement à la détention provisoire; b) d’accéder autant que possible aux demandes de libération provisoire de droit ou sous cautionnement et de fixer ces cautions en tenant compte de la capacité financière des personnes mis es en cause; c) de libérer immédiatement toutes les personnes placées en détention provisoire qui ont déjà passé en détention plus de temps que ne le justifierait la peine de prison maximale dont est passible l’infraction qui leur est reprochée ; et d) de veiller à ce que les autorités judiciaires appliquent pleinement les dispositions du Code de procédure pénale relatives au délai maximum de la détention provisoire.

VII.Politique pénitentiaire

A.Situation des personnes privées de liberté

1.Autogestion et inégalités

87.Le Sous-Comité a jugé important de se pencher dans le présent rapport en particulier sur le système d’autogestion dans la prison de Cotonou.

88.La réduction de la surpopulation carcérale à la prison de Cotonou semble avoir laissé place à un système d’autogestion ayant engendré d’importantes inégalités se déclinant en privilèges fondés sur la capacité financière. La gestion interne de la prison impliquait fortement les détenus eux-mêmes et présentait une organisation interne pour chaque bâtiment et chaque division de la prison. Les « chefs » avaient certaines prérogatives, y compris en matière de sanction disciplinaire sur les autres détenus, chaque bâtiment avait son propre règlement interne et les détenus étaient également impliqués dans la sécurité et donnaient des informations aux autorités de la prison. Le Sous-Comité a recueilli des informations contredisant celles des autorités de la prison et d’après lesquelles les « chefs » étaient désignés par les autorités et non pas élus par les détenus.

89.Le Sous-Comité a constaté lui-même qu’il existait une division de facto de la prison en deux parties, à savoir « la grande cour » et la « petite cour », qui traduisait les inégalités en termes de conditions de détention. L’affectation dans les bâtiments de la « petite cour » se faisait sur la base de la capacité financière des détenus et de la rétribution financière par des sommes d’argent assez importantes. Il est ressorti de différents entretiens avec le Sous-Comité que, à l’arrivée d’un détenu à la prison, il lui était proposé de loger dans le quartier de la « petite cour » s’il en avait la capacité financière. Différents chiffres ont été avancés allant jusqu’à un million de francs CFA. Le Sous-Comité estime que cette situation crée un système qui distingue les nantis des indigents et provoque la servitude de ces derniers logés à la grande cour qui effectuent des petits services, tels que le nettoyage de vêtements, rétribués en retour, pour les détenus de la petite cour.

90.Le Sous-Comité est préoccupé par le fait que ce système d’autogestion semble avoir généré une corruption institutionnalisée, systématique, généralisée et encouragée par les autorités de la prison, et qui résulterait de facto de la démission de l’État partie.

91. Le Sous-Comité invite l’ État partie à s’engager plus activement dans la gestion de la prison de Cotonou afin d’y reprendre le contrôle. Les tâches fondées sur l’exercice d’un pouvoir officiel devraient par ailleurs être accomplies par le personnel. Les autorités devraient faire en sorte que tous les détenus soient traités sur un pied d’égalité et revoir les différences en matière de détention établies entre la grande cour et la petite cour. L’ État partie devrait par ailleurs éradiquer la corruption en sanctionnant les auteurs et en informant les détenus et les familles de leurs droits.

2.Système de plainte

92.Le Sous-Comité prend note des informations fournies par l’État partie dans ses réponses. Il note, par ailleurs, qu’il n’a pas été informé de l’existence d’un mécanisme de plainte au sein des trois prisons visitées. Le Sous-Comité est également préoccupé par l’absence de registres de plaintes dans ces prisons et par le fait que certains détenus n’avaient pas été informés de la possibilité de porter plainte s’ils étaient victimes de mauvais traitements. Le Sous-Comité note que le décret no 73-293 du 15 septembre 1973 portant régime pénitentiaire ne contient aucune disposition explicite relative aux plaintes des détenus.

93. Le Sous-Comité recommande aux autorités béninoises de mettre en place des mécanismes de plaintes formels et efficaces . Les autorités des prisons devraient informer systématiquement les détenus à leur arrivée de l’existence de ces mécanismes. Elles devraient également tenir un registre de plaintes dans chaque prison.

3.Libération conditionnelle

94.Le Sous-Comité note que la libération conditionnelle est encadrée par les dispositions des articles 808 à 812 du nouveau Code de procédure pénale. Le Sous-Comité a été informé par les autorités de l’État partie que des libérations conditionnelles avaient eu lieu en 2015. À la prison de Cotonou, les autorités ont fait état d’une soixantaine de libérations conditionnelles en 2015. Cependant, la consultation des registres des prisons visitées n’a pas permis au Sous-Comité de confirmer ni d’estimer le nombre de personnes ayant bénéficié d’une telle mesure depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure pénale. Le Sous-Comité a reçu des informations faisant état d’un recours moins régulier à la libération conditionnelle et de la lenteur dans le traitement des demandes de libération conditionnelle, ce que lui ont attesté des détenus de la prison d’Abomey. Le Sous-Comité regrette que, malgré l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure pénale, l’État partie n’ait pas fait un recours plus régulier à la libération conditionnelle pour les détenus qui pourraient y avoir droit.

95. Le Sous-Comité recommande à l’ État partie de prendre l es mesures nécessaires afin d’encourager le recours plus fréquent à la libération conditionnelle pour les détenus qui en remplissent les conditions. L’ État partie devrait, de manière systématique et régulière, évaluer la situation des détenus remplissant les conditions fixées aux articles pertinents du Code de procédure pénale et les encourager à faire une demande de libération conditionnelle, s’ils en remplissent les conditions, et les libérer, le cas échéant.

4.Politique de réinsertion

96.Le Sous-Comité note que le nouveau Code de procédure pénale (art. 807) et le décret no 73-293 portant régime pénitentiaire (art. 70 à 72) prévoient des activités de « rééducation sociale » en vue de la réinsertion des détenus, de même que le règlement intérieur de la prison d’Akpro-Missérété (art. 18).

97.Le Sous-Comité reste préoccupé de constater que, de manière générale, les activités en vue de la réinsertion (cours, ateliers de formation) dont il avait fait état dans son précédent rapport avaient soit cessé, soit fortement diminué dans les prisons visitées, à l’exception de la prison d’Akpro-Missérété, où il existait des activités de couture et de jardinage. Le Sous-Comité a aussi constaté que, dans les prisons de Cotonou et d’Abomey, les activités permettant d’apprendre un métier ou de s’instruire ou des activités d’artisanat n’étaient pas systématiquement proposées aux détenus. Il a pris note de l’existence d’ateliers de métallurgie et de chaudronnerie au niveau du bâtiment E de la prison de Cotonou.

98. Le Sous-Comité invite les autorités béninoises à prévoir un budget et à allouer les ressources nécessaires pour que des activités diverses , notamment de formation à de s métiers, d’apprentissage et d’instruction puissent être proposées à tous les détenus en vue de leur réinsertion dans la société.

5.Visites dans les prisons par les autorités habilitées et effets de ces visites

99.Le Sous-Comité note que le décret no 73-293 portant régime pénitentiaire (art. 79 à 81) et le nouveau Code de procédure pénale (art. 241 et 806) prévoient des inspections des lieux de privation de liberté par différentes autorités judiciaires ainsi que la possibilité de visites par des autorités administratives que le Sous-Comité a décrites dans son précédent rapport. Le Sous-Comité relève que des organisations non gouvernementales ont la possibilité de visiter les lieux de privation de liberté, notamment les prisons, à condition qu’elles obtiennent un agrément.

100.Lors de ses entretiens avec les autorités, le Sous-Comité a été informé que certaines visites avaient été effectuées, notamment par le Procureur général et le Ministre de la justice, depuis la dernière visite du Sous-Comité en 2008. Des entretiens que le Sous-Comité a eus avec d’autres sources ont corroboré les visites du Ministre de la justice des 26, 27 et 28 août 2015 dans les prisons d’Abomey et de Cotonou ainsi que celles du Procureur général dans les prisons d’Abomey et d’Akpro-Missérété. Le Sous-Comité n’a cependant pas reçu des autorités les constatations faites lors de ces visites, les recommandations formulées ni les décisions prises.

101.Le Sous-Comité note qu’il n’a pas trouvé trace de ces visites dans les registres, ce qui ne lui a pas permis d’en vérifier la régularité ni la périodicité. Le Sous-Comité reste préoccupé par les informations qu’il a recueillies selon lesquelles les inspections faites par les autorités dans les lieux de privation de liberté ne sont pas très fréquentes au Bénin. Le Sous-Comité rappelle l’importance de telles inspections dans la prévention des mauvais traitements et le contrôle de la régularité de la détention des personnes.

102. Le Sous-Comité recommande à l’ État partie, en tenant compte de son Code de procédure pénale, de veiller à ce que des visites soient effectuées de manière régulière dans les prisons par les autorités , de faire connaître les rapports auxquels ont donné lieu ces visites ainsi que l es mesures prises en vue de l ’ amélioration de ce s visites , et de prendre l es décisions de libération qui s’imposent concernant les détentions illégales.

B.Cadre institutionnel

1.Nécessité d’un corps pénitentiaire spécialisé et formation

103.Dans les établissements pénitentiaires, le Sous-Comité a constaté l’insuffisance chronique de personnel et le manque de formation de ce dernier. Le Sous-Comité a aussi noté qu’il n’existait pas un corps pénitentiaire spécialisé mais que le personnel de surveillance était composé de gendarmes détachés pour assurer les fonctions pénitentiaires. Le Sous-Comité n’a pas reçu d’information concernant la formation de ce personnel aux sujets et aux normes spécifiques relatifs à la gestion et à la surveillance des personnes privées de liberté. En outre, le Sous-Comité estime que disposer d’un nombre suffisant d’agents pénitentiaires peut être de nature à assurer un meilleur contrôle des détenus au sein des établissements pénitentiaires. Le Sous-Comité regrette donc l’absence d’un corps pénitentiaire spécialement formé pour la surveillance et la gestion des détenus. Le Sous-Comité a pris note de l’avant-projet de loi portant statut spécial des personnels de l’administration pénitentiaire, qui lui a été transmis par les autorités nationales de l’État partie, et note qu’il comporte des dispositions pour le recrutement, la formation et l’exercice des différentes fonctions afférentes à l’administration d’une prison qui se rapprochent des exigences fixées par les Règles Nelson Mandela. Cependant, le Sous-Comité n’a pas été informé du calendrier de finalisation de cet avant-projet et de son adoption par le Parlement.

104. Le Sous-Comité recommande à l’ État partie : a) d’accroître de façon significative le nombre du personnel chargé de la garde des détenus dans toutes les prisons visitées ; b) de finaliser et de faire adopter l’avant-projet de loi sur la création d’un corps pénitentiaire spécialisé ; et c) de veiller à ce que l ’ enseignement et l ’ information concernant l ’ interdiction de la torture et des mauvais traitements fassent partie intégrante de la formation du personnel pénitentiaire. Le Sous-Comité invite les autorités à encourager le recrutement d e personnel pénitentiaire de sexe féminin.

2.Ressources

105.Le Sous-Comité est préoccupé par le manque chronique de ressources qu’il a pu constater dans les prisons visitées. Le Sous-Comité a constaté, comme soulevé plus haut, le manque de médicaments et de matériel médical dans les infirmeries. De même, le Sous-Comité a été informé que les prisons manquaient de matériel roulant afin d’effectuer des extractions médicales vers des hôpitaux. Le Sous-Comité a aussi été informé que les autorités de surveillance des prisons manquaient de ressources pour mener des inspections régulières dans les lieux de privation de liberté. Le Sous-Comité a été informé du fait que le budget prévu pour la nourriture au sein des prisons ne permettait pas de donner de la nourriture en quantité et qualité suffisantes. Concernant l’hygiène et la santé des détenus, il manquait des ressources pour donner à chaque détenu les produits d’hygiène corporelle nécessaires. Le Sous-Comité retire de ses entretiens avec les autorités des prisons que le manque de moyens génère un impact négatif sur les conditions de détention.

106. Le Sous-Comité recommande à l’ État partie d’accroître le budget alloué aux prisons visitées afin d’assurer une dotation suffisante pour la nourriture, les médicaments , le matériel médical, les produits d’ hygiène , la salubrité des lieux et d’autres domaines. Le Sous-Comité invite l’ État partie à doter toutes les prisons d’un matériel roulant pour les extractions médicales.

VIII.Répercussions de la visite et conclusion

A.Répercussions de la visite

107.Dans certains lieux visités, certains détenus ont dit redouter des représailles. Le Sous-Comité a constaté à plusieurs reprises que des détenus craignaient de s’entretenir librement avec la délégation, notamment à la brigade de gendarmerie d’Agblangandan où des personnes en garde à vue ont refusé de parler aux membres de la délégation du Sous-Comité. À la prison de Cotonou, par exemple, certains détenus ont exprimé la même inquiétude. Le Sous-Comité prend note des assurances données par les autorités de l’État partie lors de la réunion de clôture et des autorités des lieux visités, selon lesquelles aucune mesure de représailles ne sera exercée sur des détenus ayant coopéré avec le Sous-Comité.

108.Le Sous-Comité tient à souligner que toute forme d’intimidation ou de représailles contre les personnes privées de liberté constitue une violation de l’obligation de coopération qui incombe à l’État partie en vertu du Protocole facultatif. Le Sous-Comité demande aux autorités béninoises de faire en sorte qu’aucune mesure de représailles ne soit exercée à la suite de sa visite et de lui fournir des informations détaillées sur ce qui a été entrepris afin de prévenir et empêcher les représailles à l’encontre du personnel et des détenus qui se sont entretenus avec les membres du Sous-Comité.

B.Conclusion

109.Le Sous-Comité rappelle que ce rapport ne constitue que la poursuite du dialogue constructif de coopération avec les autorités béninoises en ce qui concerne les problèmes énumérés ci-dessus.

110. Le Sous-Comité demande au Gouvernement béninois de lui adresser, dans un délai de six mois à compter de la date de transmission du présent rapport, une réponse avec une description détaillée de s mesures prises par l’État partie pour donner suite à ses recommandations.

Annexes

Annexe I

[Français uniquement]

Liste des personnes rencontrées par le SPT

I.Autorités

Ministère des Affaires Etrangères, de l’Intégration Africaine, de la Francophonie et des Béninois de l’Extérieur

S.E.M. Le Ministre des Affaires Etrangères

M. SimpliceGnanguessy

M. Eric Saizonou

M. Bienvenu A. Houngbedji

M. Tossounon G. Raukayetan

M. Claude Gaba

Romaric Koukpesso

Gilles Gérard Landjohou

Ministère de la Justice, de la Législation et des Droits Humains

M. Alassane Amadou Sani

M. Arsène Dadjo Hubert

M. Boris Pierre Tokpanou

M. Vincent Choubiyi

M. Juien Joseph Tiamou

Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité Publique et des Cultes

M. Chabi Boni

M. Latifou Gbodji

René Zimgou

Aurélien Ahichemey

Ministère de la Défense Nationale

M. Paul Tchakou

M. Salifou Kora Zaki

M. Simon Biaou

Ministère de la Santé, Centre National de Santé Mentale

M. Grégoire Magloire Gansou

II.Cour d’Appel (Chambre d’accusation)

M. Thierry Ogoubi

Mme Marie Soude Godonou

Mme Eliane Bada Padonou

III.Organismes des Nations Unies

PNUD

IV.Société civile

Ordre des Avocats du Bénin

Association des femmes défenseurs des droits de l’Homme-Bénin

Association Chrétienne de Lutte contre la Torture (ACAT)-Bénin

Amnesty International-Bénin

Conseil national consultative des droits de l’homme

Enfants Solidaires d’Afrique et du Monde

Fondation Joseph The Worker

Annexe II

[Français uniquement]

Lieux de privation de liberté visités par le SPT

Gendarmeries

Brigade territoriale d’Agblangandan

Commissariats de police

Commissariat Central de Cotonou

Commissariat spécial de Dantokpa

Commissariat d’arrondissement de Tokplebge

Prisons

Prison civile d’Abomey

Prison civile de Cotonou

Prison civile d’Akpro-Missérété

Centres pour enfants et adolescents

Centre de sauvegarde de l’Enfance et de l’Adolescence d’Agblangandan

Office central de la protection des Mineurs, Cotonou